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COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 49

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 8 février 2006
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen de la proposition de résolution de M. Alain Bocquet, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions d'introduction en bourse d'EDF, sur l'ouverture de son capital au marché financier, sur le recours à des souscripteurs forcés et sur les conséquences de cette situation pour l'accomplissement de ses missions de service public (n° 2790).

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- Information relative à la Commission

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Hervé Novelli, Rapporteur, la proposition de résolution de M. Alain Bocquet, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conditions d'introduction en bourse d'EDF, sur l'ouverture de son capital au marché financier, sur le recours à des souscripteurs forcés et sur les conséquences de cette situation pour l'accomplissement de ses missions de service public (n° 2790).

M. Hervé Novelli, Rapporteur, a indiqué qu'il convenait, comme il est d'usage pour un tel exercice, de se pencher sur la recevabilité de la proposition de résolution, avant d'examiner l'opportunité de la création d'une commission d'enquête.

L'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et les articles 140 et suivants du Règlement de l'Assemblée nationale posent deux conditions à la recevabilité d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête :

- d'une part, « cette proposition doit déterminer avec précision, soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion » ;

- d'autre part, « si le Garde des sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion ». Sur ce dernier point, la réponse de la Chancellerie n'a pas encore été reçue. Cet obstacle éventuel est donc provisoirement levé, sous réserve du fait que les cas mentionnés dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution peuvent, éventuellement, faire l'objet de poursuites judiciaires.

De faits précis, il n'est que très peu question dans la proposition de résolution. L'exposé des motifs reprend des citations d'articles de presse. Quant au texte même de la proposition, il n'est pas exempt d'imprécisions.

L'exposé des motifs fait état de la situation de « quelques dizaines » de particuliers qui auraient fait l'objet de souscriptions forcées à des actions EDF de la part de leur établissement bancaire. Il s'agit de clients particuliers qui ont constaté qu'ils détenaient des actions de cette entreprise alors qu'ils n'avaient pas passé d'ordre en ce sens.

Par ailleurs, l'exposé des motifs s'interroge sur le « forcing » qu'aurait pu exercer le ministère de l'économie et des finances sur les réseaux bancaires chargés de placer des actions auprès de leurs clients. Aucun élément permettant d'appuyer cette thèse, surprenante, ne vient étayer cette interrogation. Aucune précision n'est, en outre, apportée quant à la nature de ces « pressions ». On ne peut donc que rejeter cette interrogation portant sur ce que les auteurs de la proposition de résolution appellent « l'interpénétration dans cette société ultralibérale du monde des affaires et des responsabilités d'État ».

Deux éléments du texte de la proposition de résolution permettent de comprendre les intentions de ses auteurs. Ceux-ci souhaitent, en effet, que l'examen des conditions d'ouverture du capital soit réalisé sous deux angles : le recours à des « souscripteurs forcés » et les conséquences de l'ouverture du capital pour l'accomplissement des missions de service public d'EDF.

Aucun de ces deux points ne justifie la création d'une commission d'enquête.

L'augmentation du capital d'EDF, loin de mettre en cause la capacité de l'entreprise à assumer ses missions de service public, doit lui permettre, au contraire, de conforter son avenir. En outre, cette opération a suscité une forte adhésion des Français.

L'augmentation de capital donne à EDF les moyens de mettre en œuvre son projet industriel pour devenir un leader européen de l'énergie et saisir toutes les opportunités liées à l'ouverture du marché de l'électricité en France et en Europe. Ce projet industriel s'articule autour de quatre axes majeurs de développement : conforter la compétitivité et la puissance du parc de production, développer de nouvelles offres, en particulier dans le gaz, renforcer les positions d'EDF en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Italie, où l'entreprise est déjà fortement présente, et garantir en France le service public de l'électricité. La réussite du projet industriel d'EDF suppose la réalisation d'un programme d'investissements évalué à 26 milliards d'euros sur la période 2006-2008.

Les missions de service public sont garanties par un contrat prévu par l'article 1er de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, qui a été signé le 24 octobre 2005. Il décline le niveau d'engagement du groupe pour les années 2005 à 2007 et précise les modalités de compensation financière des missions de service public que le législateur lui a confiées.

Les actions EDF ont été placées auprès de plus de 4,9 millions de particuliers, de plus de 100.000 souscripteurs à l'offre réservée aux salariés ainsi qu'auprès d'investisseurs institutionnels, en France et hors de France. Les actions de la société sont négociables sur l'Eurolist d'Euronext Paris depuis le 21 novembre 2005. L'offre à prix ouvert a été souscrite 1,6 fois. L'engouement populaire pour EDF témoigne de l'adhésion des Français à cette entreprise. Enfin, l'évolution du cours de bourse de l'action EDF est positive. Il était de 36,38 euros le 7 février 2006, soit une progression de 13,7 % par rapport au prix acquitté par les particuliers.

Une commission d'enquête ne serait pas de nature à apporter des réponses appropriées aux vagues interrogations soulevées par la proposition de résolution. En revanche, les particuliers qui s'estimeraient lésés disposent de plusieurs possibilités. Ils peuvent formuler une réclamation auprès de leur banque. En effet, lorsqu'il n'y a pas d'ordre formel, le bénéfice du doute doit profiter au client. En outre, en cas de difficulté avec son agence bancaire, le particulier peut recourir aux médiateurs dont sont dotées les banques. Par ailleurs, le médiateur de l'Autorité des marchés financiers (AMF) peut être saisi par un particulier qui conteste un ordre de bourse. La médiation pourra être engagée si les parties le souhaitent.

Au total, les articles de presse repris dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution ne semblent faire état que de moins d'une centaine de litiges opposant des particuliers à leur banque. Ces cas - fort regrettables au demeurant - ne représentent que de rares exceptions au regard des 4,9 millions d'ordres de bourse passés par des particuliers lors de l'augmentation de capital d'EDF.

Si les faits rapportés par la proposition de résolution étaient avérés, ils devraient faire l'objet d'une réponse adaptée des banques ou des intermédiaires financiers concernés.

En l'état actuel des informations, rien ne permet de penser qu'il existe des « liens reliant le réseau bancaire, la direction de l'entreprise et les Pouvoirs publics » de nature à justifier la création d'une commission d'enquête.

Il convient donc de rejeter cette proposition de résolution.

M. Alain Rodet s'est étonné de ce que M. Hervé Novelli tienne un discours contraire à celui que M. Michel Diefenbacher, Rapporteur spécial des participations financières de l'État, tenait au début de la législature. La position d'EDF en Italie est maintenant présentée comme un atout.

M. Hervé Novelli, Rapporteur, a répondu que le nouveau Président d'EDF a su trouver une sortie à la difficile situation d'EDF en Italie. La situation n'est plus la même.

M. Jean-Louis Dumont a rappelé l'importance d'EDF, entreprise chargée d'une mission de service public. L'actuel Président, M. Pierre Gadonneix, a bénéficié des mesures prises par M. Christian Pierret lorsqu'il était Secrétaire d'État à l'Industrie, donnant à l'entreprise les structures de gouvernance nécessaires à son action, qui lui ont longtemps fait défaut. Ces dernières années, toutes les entreprises publiques introduites en bourse ont vu le cours de leurs actions augmenter le jour même de l'ouverture du capital. Or, le soir de la mise sur le marché d'EDF, le cours avait chuté. Il faudrait pouvoir vérifier si les rumeurs alléguées par la presse concernant des personnes qui auraient subi des pertes importantes reposent sur des faits précis : cela pourrait être contrôlé par l'Autorité des marchés financiers (AMF).

M. Hervé Novelli, Rapporteur, a souligné que les actionnaires qui ont signé des ordres, en blanc, d'achat et de revente immédiate ont sciemment encouru un risque. Le problème soulevé par la proposition de résolution se limite à ceux qui se seraient retrouvés détenteurs d'actions EDF sans avoir signé d'ordre. Pour ceux-là, il existe des voies de recours qui ne nécessitent pas la procédure lourde de la commission d'enquête.

La Commission a ensuite, conformément à l'avis du Rapporteur, rejeté la proposition de résolution.

Information relative à la Commission

La Commission a nommé M. Hervé Novelli, Rapporteur sur la proposition de résolution de M. Alain Bocquet tendant à la création d'une commission d'enquête « sur les conditions d'introduction en bourse d'EDF, sur l'ouverture de son capital au marché financier, sur le recours à des souscripteurs forcés et sur les conséquences de cette situation pour l'accomplissement de ses missions de service public » (n° 2790).

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