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COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 59

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 4 avril 2006
(Séance de 11 heures)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président,

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de M. Pierre Gadonneix, Président-directeur général d'EDF

2

- Information relative à la Commission

10

La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a procédé à l'audition de M. Pierre Gadonneix, Président-directeur général d'EDF.

M. Pierre Gadonneix, Président-directeur général d'EDF, a rappelé que la situation du groupe est assainie après le redressement spectaculaire opéré depuis dix-huit mois environ, 2005 ayant été une année historique à cet égard. Le projet industriel de l'entreprise doit à présent lui permettre de relever les défis que pose le contexte énergétique européen et mondial.

Alors qu'il y a deux ans la situation financière d'EDF était particulièrement délicate, le redressement financier est aujourd'hui acquis : les résultats de l'entreprise pour 2005 marquent une progression sensible de l'ensemble des indicateurs financiers du groupe. Le chiffre d'affaires s'élève à plus de 51 milliards d'euros, en hausse de 10,6 %. L'excédent brut d'exploitation, mesuré par l'EBITDA, progresse également de 3,6 % pour atteindre 13 milliards d'euros et le résultat net double pour s'établir à 3,2 milliards d'euros. La dette financière, qui constituait la principale fragilité de l'entreprise, baisse de 8,6 % pour atteindre 18,6 milliards d'euros, soit un niveau inférieur à celui des fonds propres, qui représentent près de 20 milliards d'euros.

Comment la rentabilité a-t-elle été retrouvée ? En premier lieu, grâce à un très important programme de cessions. EDF s'est ainsi rapidement désengagée d'EDENOR en Argentine. Pour triste qu'elle soit, cette sortie s'est effectuée sans drame et dans le respect des engagements sociaux existants. Le désengagement du Brésil est en cours, et les centrales possédées en Égypte ont été cédées, de même que la filiale ASA en Autriche. En deuxième lieu, EDF a mis en place un programme de performance baptisé « Altitude », centré sur une hausse de la productivité, qui doit permettre d'augmenter l'EBITDA d'un milliard d'euros par an, sur trois ans. Mis en œuvre en 2004, ce programme a été reporté en 2005. Il comporte notamment un volet concernant le personnel, avec le remplacement d'un seul départ à la retraite sur trois. Il s'appuie également sur un contrôle des achats et sur une diminution du besoin de fonds de roulement. En troisième lieu, l'augmentation de capital, qui a représenté un record de souscription auprès de cinq millions de Français, à hauteur de six milliards d'euros, a, à la fois, permis de dégager de nouvelles marges de manœuvre financières et de retrouver une image de crédibilité et de transparence. Le succès historique de l'actionnariat salarié, avec 120.000 souscripteurs, soit plus de deux tiers des effectifs, mérite d'être salué ; il s'agit d'un élément décisif de l'acceptation de l'opération par les salariés d'EDF.

Il faut souligner combien la situation financière de départ était dégradée, puisque les fonds propres avaient diminué de 12 milliards d'euros en 2004 et que la question des provisions comptables pour le retraitement de combustibles usagés et le démantèlement des centrales en fin de vie avait été soulevée par plusieurs observateurs, dont la commission des Finances de l'Assemblée nationale. Cette dernière s'était inquiétée de l'emploi de ces quelque 28 milliards d'euros de provisions et des garanties qui y étaient attachées. C'est la raison pour laquelle a été décidée la constitution d'actifs dédiés, à hauteur de 2,5 milliards d'euros par an, sur les cinq prochaines années.

Grâce à cette rentabilité rétablie, le groupe peut envisager un projet industriel ambitieux, qui s'inscrit dans un contexte de bouleversement durable. Tout d'abord, la question énergétique est redevenue un sujet prioritaire pour les décideurs et dans l'opinion : l'apparition de la rareté structurelle de l'énergie, différente de la rareté conjoncturelle des années 70, a provoqué une prise de conscience. Il est patent que des investissements massifs sont aujourd'hui nécessaires. Ensuite, l'attention mondialement portée à l'environnement implique des investissements destinés à réduire les émissions de CO2. Enfin, l'ouverture à la concurrence des marchés de l'énergie en Europe, entamée en 1997 et qui sera parachevée au 1er juillet 2007, conformément à la décision prise au sommet de Barcelone, est un bouleversement manifeste. Aujourd'hui seul le marché britannique est totalement ouvert, le marché français l'étant à 70 % environ.

Dans ce contexte, EDF n'est pas dépourvue d'atouts. Le groupe peut s'appuyer sur un parc nucléaire qui représente 80 % de la production en volume et 60 % en puissance, à côté des centrales thermiques et hydrauliques. Le groupe est également présent sur les quatre principaux marchés européens. Enfin, EDF développe ses activités à la fois dans le domaine régulé et dans le domaine non régulé et met en œuvre une relance des investissements. Pendant dix ans, en effet, à l'instar des autres pays européens, la France s'était contentée d'entretenir les capacités existantes, sans les développer. Entre 2006 et 2008, 30 milliards d'euros d'investissements seront engagés et 26 milliards dépensés. Ce programme s'attachera en premier lieu à renforcer les capacités de production d'électricité, à hauteur de 5.000 mégawatts supplémentaires à l'horizon 2012, à travers la remise en service de quatre tranches fonctionnant au fioul : deux à Porcheville dans les Yvelines, une à Cordemais en Loire-Atlantique et une à Aramon dans le Gard. Les précédents présidents avaient eu la sagesse de ne pas abandonner totalement ces programmes. Par ailleurs, sera entreprise la construction, pour une production de 500 mégawatts, de turbines à combustion qui seront implantées à Vaires-sur-Marne et à Vitry-sur-Seine. À plus long terme, la procédure de construction de l'EPR à Flamanville est en cours. Cette installation de 1.600 mégawatts
- alors que la capacité des réacteurs actuels s'échelonne entre 900 et 1.450 mégawatts - devrait être opérationnelle dès 2012, et elle donne une avance certaine à EDF et à la France dans la compétition mondiale. Par ailleurs, le groupe investira dans les énergies renouvelables pour un montant de 3 milliards d'euros, en visant une production supplémentaire de 3.000 mégawatts. EDF entend également investir pour garantir l'approvisionnement de la Corse.

Outre ces investissements de production, sont prévus des investissements dans les réseaux électriques de distribution, en hausse de 6 % par an, conformément aux engagements contenus dans le contrat de service public signé le 24 octobre dernier avec l'État, c'est-à-dire avant l'ouverture du capital de l'entreprise. Au-delà de la sécurisation de l'alimentation électrique des territoires, ce contrat comporte également des engagements en faveur des clients démunis, à travers le fonds de solidarité, ainsi que des garanties d'évolution tarifaire : pour les clients domestiques, le prix de l'électricité n'augmentera pas plus vite que l'inflation au cours des cinq prochaines années. Il faut rappeler, à cet égard, que le prix actuel est à la fois inférieur au prix de marché et au prix nécessaire au renouvellement des capacités de production.

Quatre priorités caractérisent, pour les mois à venir, l'action du groupe. Premièrement, il faut se préparer à l'ouverture totale du marché au 1er juillet 2007. Le respect de cette exigence, fixée par la directive communautaire, doit prendre en compte deux soucis : assurer à tout client qui souhaitera le faire qu'il pourra changer de fournisseur, et assurer à tout client qui souhaitera conserver son contrat que sa situation ne sera en rien dégradée. À la date de l'ouverture totale, un peu plus de 25 millions de clients seront à même de changer de fournisseur alors qu'ils n'étaient que 2,5 millions jusqu'ici. La deuxième priorité consiste à poursuivre le développement international d'EDF, en particulier en Europe : en Allemagne avec la construction de nouvelles centrales, en Italie où Edison est déjà le premier investisseur du secteur de l'électricité, et au Royaume-Uni. La synergie entre toutes les capacités de production du groupe doit être encouragée. À l'heure où les autres producteurs européens d'électricité - ENEL, Gas Natural, Electrabel, GDF, etc. - cherchent à acquérir une taille critique via des mouvements de concentration, le groupe EDF dispose d'une avance certaine ; mais la vigilance reste de mise, notamment en Espagne et au Benelux, où l'entreprise n'est pas présente.

La troisième priorité consiste, pour le groupe, à tenir les engagements financiers pris devant les actionnaires, au moyen de cessions d'actifs, d'une démarche de performance, et d'investissements. Ces éléments expliquent, pour une large part, l'évolution actuelle des prix de l'électricité.

Le taux d'ouverture officiel du marché français est aujourd'hui de 70 %, les 30 % restants correspondant aux clients domestiques. Les clients éligibles n'ont jamais été obligés de quitter le tarif réglementé. En revanche, ceux qui l'ont quitté, en faisant jouer leur éligibilité, ne peuvent légalement plus revenir s'approvisionner au tarif. La période 2002-2004, qui a été marquée par de substantielles baisses de prix, a vu beaucoup d'industriels changer de fournisseurs. En revanche, très peu de changements ont été observés à l'occasion de la nouvelle vague d'ouvertures du marché en 2004. Dès lors, 70 % des ventes d'électricité s'effectuent encore aujourd'hui à des prix fixés par la puissance publique.

Dans un contexte de forte concurrence entre les sources d'approvisionnement énergétiques, le prix de l'électricité est fortement corrélé avec celui des énergies fossiles. À l'heure actuelle, pour un cycle combiné à gaz, le prix du mégawatt/heure est de 55 euros, avec l'hypothèse d'un baril de pétrole à 40 dollars, contre 60 dollars actuellement, et une tonne de CO2 à 30 euros. Pour une centrale à charbon, le mégawatt/heure coûte 60 euros avec l'hypothèse de 50 dollars pour une tonne de charbon, contre plus de 60 dollars aujourd'hui, et une tonne de CO2 à 30 euros. Quant au coût de développement de l'électricité nucléaire bientôt produite par le réacteur EPR de Flamanville, il a été évalué, en 2004, à 43 euros par mégawatt/heure.

La quatrième priorité d'EDF consiste à être une référence tant en matière sociale que dans le management. Passer en quelques années d'un monopole public à la concurrence représente un enjeu considérable en termes de management, d'autant que s'y ajoute la séparation des activités commerciales. De façon intrinsèquement liée, sur le plan social, l'entreprise, tout en se rapprochant du modèle adopté par les autres entreprises concurrentielles, doit conserver son système de références et de valeurs.

En conclusion, EDF a retrouvé, en deux ans, des marges de manœuvre, en particulier sur le plan financier, ce qui vient à point nommé pour soutenir le gigantesque effort d'investissement aujourd'hui nécessaire. EDF doit être à la fois un leader européen de l'énergie et le promoteur de la filière nucléaire dans le monde. En effet, à moyen terme, l'énergie nucléaire va reconquérir une place de premier plan : c'est déjà le cas en Chine avec quatre centrales, ce le sera bientôt en Corée, mais seules la Finlande et la France ont aujourd'hui en Europe commandé des centrales. Le Royaume-Uni va suivre, et l'Allemagne le fera peut-être. EDF doit être fière de constituer une référence dans ce domaine, même si sa compétence est, à l'heure actuelle, surtout reconnue aux États-Unis.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est interrogé sur la participation d'EDF à la politique industrielle de la France. Les marges de manœuvre sont importantes, il convient donc de ne pas étouffer les PMI. Si des investissements majeurs ont été effectués dans le nucléaire, les industries françaises doivent pouvoir en tirer partie en termes de performances économiques. Or, le prix de la facture d'électricité a fortement augmenté pour les 30 % de clients professionnels ayant exercé leur éligibilité. Il s'agit le plus souvent de PMI dont la facture énergétique pèse fortement sur les coûts de production. Comment éviter de leur faire payer trop cher cet accès à l'énergie, alors que 86 % de la production énergétique française est d'origine nucléaire ? La référence aux prix mondiaux du marché de l'énergie ne doit pas remettre en cause l'avantage comparatif dont elles doivent pouvoir bénéficier en raison des choix énergétiques faits par la France, au moment où la part du marché dérégulé doit augmenter.

M. Pierre Gadonneix, Président-directeur général d'EDF, a rappelé que l'Europe a fait le choix du marché pour l'énergie en 1997 et que la France a finalement accepté l'ouverture du marché de l'énergie au sommet de Barcelone. Les grands industriels étaient demandeurs d'une telle ouverture à l'époque. Il se trouve que l'évolution de la situation géopolitique depuis lors a modifié les conditions de fixation des prix de l'énergie. C'est pourquoi, des solutions de transition entre prix régulé et prix de marché doivent être trouvées. La France utilise ainsi à plein les possibilités ouvertes par la directive.

Le prix de vente de l'électricité pour les clients au tarif réglementé est aujourd'hui inférieur au prix du marché et l'ajustement devrait se faire à raison d'une augmentation progressive des tarifs calée sur l'inflation, soit de l'ordre de 2 % par an. Cet avantage, pour les entreprises qui se fournissent au tarif auprès d'EDF, est prélevé sur les capacités financières de l'entreprise publique.

Par ailleurs, les entreprises ayant exercé leur éligibilité ont pu bénéficier de baisses de prix substantielles entre 2000 et 2002. Cela ne pouvait être durable. Pour certaines entreprises, dont la production dépend de manière déterminante de l'énergie électrique dont l'ensemble du secteur électro-intensif, notamment dans l'aluminium, EDF garantit le meilleur prix européen possible.

Pour les entreprises électro-intensives relevant du dispositif prévu par la loi de finances rectificative, il est prévu une offre fondée sur le prix de revient et sur la base de contrats à quinze ans. Pour les autres industriels, la concurrence joue à plein, la moitié d'entre eux a choisi un autre fournisseur qu'EDF, et il n'y a aucune concertation entre les fournisseurs d'énergie électrique. EDF propose à ses clients des contrats sur une durée de trois à cinq ans pour lisser les évolutions tarifaires.

M. Michel Diefenbacher a évoqué les points suivants :

- La commission de régulation de l'énergie (CRE) s'est interrogée sur le degré de préparation d'EDF à l'ouverture totale du marché au 1er janvier 2007, notamment en ce qui concerne les possibilités de choix des clients.

- La stratégie financière d'EDF a vocation à évoluer dans un contexte de recentrage sur le marché européen, de patriotisme économique et de fusion envisagée entre GDF et Suez. Dans ce cadre, quelles seront les relations avec Edison ?

- La commission d'enquête sur les entreprises publiques avait pointé les problèmes de gouvernance de ces entreprises, en recommandant une réduction de la tutelle technique de l'État au profit d'une tutelle plus stratégique de la puissance publique. Qu'en est-il aujourd'hui du rôle de l'agence des participations de l'État ?

M. Didier Migaud s'est interrogé sur les conditions de formation des prix de l'énergie. Alors que M. Pierre Gadonneix avait annoncé devant la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, le 15 décembre 2004, que le prix à long terme devait osciller autour de 35 euros le MgWh, le prix du marché atteint aujourd'hui 45 à 60 euros pour les entreprises, sans que les coûts de production d'EDF n'aient varié dans de telles proportions. Ce n'est pas, non plus, l'Union européenne qui impose une hausse des tarifs. Il en résulte des difficultés économiques certaines pour de nombreuses PMI, alors que l'on ne connaît pas l'utilisation qui est faite de cet écart de prix.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que l'Espagne baisse ses prix alors que seulement 30 % de son électricité provient de l'énergie nucléaire.

M. Philippe Auberger a posé les questions suivantes :

- Le prix de revient de l'électricité devant intégrer le coût de démantèlement des centrales nucléaires, quelles évaluations précises ont été réalisées par EDF et quels actifs y seront dédiés ?

- Comment vont se réaliser les opérations de distribution commerciale si GDF fusionne avec Suez ? Les personnels de l'actuel service commun de distribution EDF-GDF voient mal comment la coupure pourrait se faire. Plus globalement, quelles relations EDF envisage-t-elle d'avoir avec le nouveau groupe issu de la fusion entre GDF et Suez ?

- Où en est-on de l'ouverture du capital de RTE à d'autres entités publiques ?

M. Henri Emmanuelli a rappelé l'importance des investissements organisés par la France dans le nucléaire. S'il existe, de ce fait, un effet d'aubaine, à qui doit-il profiter ? Dans ces conditions, le prix de revient de l'électricité en France doit être inférieur au prix du marché au niveau mondial. Il est essentiel que les entreprises françaises continuent de bénéficier de cet avantage comparatif par rapport à leurs concurrents étrangers. Il faut être attentif à la mise en œuvre de l'amendement parlementaire adopté en faveur des énergies électro-intensives, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, qui a incité EDF à proposer des offres concrètes à ces industriels.

M. Michel Bouvard a formulé les observations suivantes :

- Les clients particuliers devront pouvoir bénéficier de réelles possibilités de choix lors de l'ouverture du marché de l'énergie, selon des modalités beaucoup plus claires que celles de la téléphonie mobile aujourd'hui.

- La stratégie d'EDF par rapport à RTE doit être clarifiée, compte tenu de l'importance des investissements nécessaires pour continuer d'entretenir et de maintenir à niveau les réseaux de distribution, tout en créant des synergies au plan européen.

- Au-delà des solutions proposées pour le consortium des industries électro-intensives, dont le calendrier devrait être précisé, des garanties seront-elles offertes aux autres clients éligibles, au-delà de 2007 ? Certaines industries capitalistiques ou avec des cycles de production marqués doivent disposer d'une visibilité suffisante pour garantir leur approvisionnement énergétique. Qu'en est-il, par ailleurs, du maintien des droits issus de la nationalisation en 1946 ?

- L'exportation par la France d'énergie électrique n'a-t-elle pas pour effet une augmentation du chômage en France ? On peut en effet se demander si l'avantage compétitif d'EDF en tant que fournisseur d'énergie, dû à son parc nucléaire, ne profite plus aujourd'hui aux industries françaises dont les coûts de main-d'œuvre sont souvent plus importants qu'à l'étranger. Il faut conserver un lien avec le prix de revient pour dégager des marges d'investissement.

M. Jean-Louis Dumont a souhaité connaître les engagements d'EDF vis-à-vis des énergies renouvelables. Il est souhaitable qu'au-delà des investissements annoncés, on puisse garantir à la fois la valorisation de la biomasse et la possibilité, pour certains clients, de se fournir exclusivement en électricité verte. À ce titre, l'indépendance de RTE par rapport à EDF devrait être mise en œuvre, conformément à la directive communautaire.

Par ailleurs, en tant que fournisseur de déchets nucléaires, EDF doit se concerter avec l'ensemble des représentants locaux, lors de la création de centres d'enfouissement ultime. Lorsque la solidarité nationale est engagée, par exemple pour la construction du site de Burre dans la Meuse, EDF doit apporter son soutien, au-delà de ses obligations légales, en faveur du développement économique de la zone concernée.

M. Alain Rodet a demandé quel est l'état des relations entre EDF et Edison.

M. Eric Besson a souhaité savoir pourquoi il est proposé d'aligner le prix de l'électricité sur celui du marché. Est-ce l'État qui le demande ou l'Union européenne ? Cela ne risque-t-il pas de fragiliser le nucléaire en France, celui-ci reposant sur l'idée d'indépendance énergétique et une politique de bas prix ? Quelles conséquences aura la fusion de GDF et de Suez ? Enfin, le souhait d'Electrabel d'investir dans le nucléaire en France et son intérêt pour l'EPR sont-ils vécus comme une émulation ou une menace ?

Constatant que beaucoup d'industriels regrettent de ne pouvoir se « couvrir » à moyen terme, M. Charles de Courson a demandé si EDF était favorable à la création d'un marché à moyen terme de l'électricité.

M. Pierre Gadonneix, Président-directeur général d'EDF a apporté les éléments de réponse suivants :

- concernant le nucléaire, la France fait figure de référence mondiale. La gestion de 58 centrales par un seul opérateur est très positive, le prix de revient des centrales est meilleur qu'aux États-Unis ; de plus, le système de sûreté est particulièrement efficace. EDF a donc vocation à poursuivre dans cette voie ;

- ce secteur exige de consentir d'importants investissements sur une durée d'une centaine d'années : sept à huit ans de processus de décision, quarante ans ou plus de vie pour une centrale et vingt à vingt-cinq ans nécessaires à son démantèlement. Cela suppose une grosse prise de risque, d'autant que le nucléaire peut, à certaines périodes, s'avérer moins rentable lorsque le prix du pétrole est bas. Seuls quelques groupes industriels très puissants financièrement en seront capables ;

- il sera nécessaire de trouver des ressources nouvelles : à côté des investissements dans les économies d'énergie, qui sont assez consensuelles, il faudra développer les énergies renouvelables : éoliennes, hydraulique..., sur lesquelles il n'existe pas un total consensus. Quant au nucléaire et au charbon, ils posent des problèmes vis-à-vis de l'opinion publique. Sans doute s'orientera-t-on, à terme, vers une diversification avec une harmonisation des prix ;

- le processus d'EPR, le processus a été engagé sur le site de Flamanville. Le conseil d'administration devrait se prononcer le mois prochain ;

- le coût de développement prévu pour l'EPR est de 43 euros par mégawatt/heure, ce qui reste compétitif avec un prix du baril de pétrole qui atteint 50 à 60 dollars. À moyen terme, ce niveau de prix devrait pouvoir être maintenu, mais il ne faut pas négliger les coûts supplémentaires liés aux nouvelles contraintes de sécurité et environnementales ;

- une fusion d'EDF et de GDF aurait conduit à une concentration de 90 % sur le marché, ce qui aurait constitué un abus de situation dominante contraire au droit communautaire et exigé des cessions, comme c'est le cas actuellement en Belgique pour Electrabel et GDF. La fusion de GDF avec Suez appelle EDF à accroître son efficacité, mais elle pourrait aussi donner lieu à des cessions dont EDF pourrait tirer profit ;

- concernant les relations avec GDF, s'impose une logique de séparation entre les activités de réseau et les activités commerciales. EDF peut conserver avec GDF des activités de réseau, mais doit avoir scindé ses activités commerciales le 1er juillet 2007. Le rapprochement avec Suez ne change pas fondamentalement la nature du problème ;

- pour la CRE, la priorité est de s'assurer qu'au 1er juillet 2007, l'ouverture à la concurrence soit effective et que les clients voulant quitter EDF pourront le faire sans frein. Mais EDF a une autre priorité, qu'elle doit combiner avec la première : éviter de créer de la complexité pour ceux de ses clients qui ne veulent pas changer d'opérateur ;

- le fonctionnement de RTE est considéré comme exemplaire par les institutions communautaires. Il n'y a pas eu de contentieux. L'ouverture de son capital est une simple possibilité législative, pas une obligation. Ce qui est important pour EDF, au regard de ceux qui participent à son financement, est une consolidation des comptes de cette entité, au niveau des résultats et du bilan, afin de montrer le revenu récurrent de ces activités régulées sans risque. La séparation est néanmoins effective et permet le respect de la concurrence. Cette séparation est actuellement imposée au plan juridique seulement dans le transport, mais le sera bientôt aussi dans la distribution ;

- l'électricité a toujours été un secteur politiquement sensible. Même l'administration américaine ne s'en désintéresse pas. La position d'EDF est de n'investir dans un pays que si elle y est bienvenue. En Italie, à l'époque, ont été négociés des accords pour une parité du contrôle avec les régies locales. Par contre, en Argentine et au Brésil, la présence d'EDF n'est pas souhaitée pour des raisons de contrôle. Dans d'autres pays européens, comme en Allemagne, les conditions de l'acceptabilité sont, par exemple un certain niveau de contrôle des collectivités locales ;

- le Conseil européen de Barcelone des 15 et 16 mars 2002 a décidé la libéralisation du marché européen de l'électricité. Même si à l'époque on aurait pu imaginer d'autres options, cela a été décidé, et il faut maintenant jouer gagnant. Cette décision entraîne l'apparition d'un marché européen de l'électricité, avec fixation d'un prix européen, et EDF y a maintenant intérêt. Le développement d'interconnexions présente deux avantages : l'apparition d'économies d'échelle et l'harmonisation des prix. Plusieurs crises climatiques récentes ont généré des pénuries d'électricité, lors des pics de consommation, et EDF doit alors acheter de l'électricité à l'étranger, à un coût nettement supérieur à son prix de revente. À l'opposé, EDF est excédentaire pendant les périodes creuses de consommation et redevient exportatrice. Le prix de revient ne peut donc se limiter au nucléaire.

M. Michel Bouvard a constaté que ceux qui sont inférieurs au prix de revient sont pénalisés et ceux qui sont supérieurs bénéficiaires. Les pointes de consommation d'électricité entraînent des pertes financières. Ne pourrait-on pas trouver une solution à ce problème dans la conclusion de contrats avec les industriels où la consommation serait régulée ?

M. Pierre Gadonneix, Président-directeur général d'EDF a répondu qu'il travaillait à la constitution de systèmes de couverture des fluctuations de prix à moyen terme.

Les 28 milliards d'euros de provisions pour démantèlement et la gestion des déchets auraient pu être à juste titre réinvestis dans le cycle de production. Mais certains investissements malheureux en Amérique latine ont découragé les prêteurs potentiels. EDF a alors décidé, en accord avec son actionnaire majoritaire, d'affecter à ces provisions des actifs dédiés, sous le contrôle attentif de l'État, immédiatement pour un montant de 2,5 milliards d'euros, puis de 12 milliards d'euros à échéance de cinq ans.

Le statut d'EDF, dont le capital est, certes, ouvert, mais avec une participation majoritaire de l'État, est celui qui correspond le mieux à la situation actuelle. En effet, EDF a des obligations de sécurité d'approvisionnement définies dans la loi et dans le contrat de service public - ainsi pour la couverture de la Corse - et elle est le pilote du nucléaire en France et dans le monde.

Le Président Pierre Méhaignerie a remercié le Président d'EDF de ses explications sur ses ambitions en matière d'investissement et de présence internationale. Il a indiqué qu'il fallait trouver un équilibre pour que la France conserve son avantage comparatif et justifie son choix du nucléaire, après la constitutionnalisation du principe de précaution.

M. Pierre Gadonneix, Président-directeur général d'EDF a indiqué que dans les trois consultations publiques récentes sur les déchets nucléaires, Flamanville et les lignes à haute tension, cette dernière était celle qui avait suscité le débat le plus fourni. EDF utilise ses rentrées financières principalement pour investir et pour rémunérer l'État, qui est son actionnaire principal, auquel l'entreprise verse 87 % de ses dividendes.

Le Président Pierre Méhaignerie, MM. Didier Migaud, Philippe Auberger et Michel Bouvard ont proposé, compte tenu de l'intensité du débat, que la commission des Finances publie un communiqué de presse pour faire part de sa préoccupation sur l'évolution des tarifs proposée par EDF.

Le Président Pierre Méhaignerie a conclu que, compte tenu de l'enjeu que représente le coût de l'énergie, une certaine maîtrise des prix est nécessaire.

Après un débat, la Commission a approuvé le communiqué suivant :

« La commission des Finances de l'Assemblée nationale a auditionné aujourd'hui M. Pierre GADONNEIX, Président-directeur général d'EDF. Elle tient à souligner sa préoccupation devant l'évolution des prix proposés par EDF et souhaite, au-delà de la stabilisation décidée pour les particuliers, une maîtrise dans la durée pour les prix industriels, notamment pour les PMI. La part de l'électricité produite par le nucléaire en France et la bonne santé financière de l'entreprise rendent difficilement compréhensibles les fortes hausses actuelles, qui suscitent une réelle inquiétude, compte tenu de l'incidence de l'énergie dans la formation des prix de revient de nombreux produits industriels, qui conditionne directement le maintien d'activités capitalistiques sur notre territoire. La Commission rappelle, s'agissant des activités électro-intensives, son attachement au respect du calendrier pour la mise en place du consortium. »

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Information relative à la Commission

M. Philippe Séguin, Premier Président de la Cour des comptes sera auditionné le 6 mars à 14 h 15 par le Président, le Rapporteur Général et les membres de la MILOLF, sur la certification des comptes. Les commissaires qui le souhaitent sont conviés à cette rencontre.

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