Version PDF

COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 60

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 5 avril 2006
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Michel Bouvard, Vice-Président,

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de responsable de programme : Général Guy Parayre, Directeur général de la Gendarmerie (programme « Gendarmerie nationale »)


2

- Communication de Mme Marie-Hélène des Esgaulx, Rapporteure spéciale, sur le suivi de la MEC sur le droit d'asile

7

En préalable, M. Augustin Bonrepaux a jugé essentiel de donner suite à la demande de M. Jean-Louis Idiart concernant l'évaluation du coût et des conséquences de l'introduction des ours dans les Pyrénées. Une mission pourrait, utilement, être créée afin d'analyser le coût budgétaire d'une mesure qui sera mobilisatrice en moyens matériels, humains et financiers, dans un contexte où l'État réduit ses dépenses et où la présence des fonctionnaires - à commencer par celle des enseignants - est de plus en plus faible, notamment en milieu rural. Même le Président de la République a reconnu, lors du dernier salon de l'agriculture, que cette mesure était particulièrement coûteuse. D'autre part, à la suite de l'audition du ministre délégué à l'aménagement du territoire devant la Commission, il serait très opportun de poursuivre le travail de la mission d'information menée l'an dernier avec M. Louis Giscard d'Estaing : l'exécution des actuels contrats de plan État-régions et la programmation des futurs contrats de projets comportent encore de nombreuses zones d'ombre. Le financement des travaux routiers n'est pas pleinement assuré. La prise en compte des projets de territoire paraît moindre que celle des grands pôles de compétitivité.

M. Michel Bouvard, Président, a indiqué qu'il ferait part de ces observations au Président Pierre Méhaignerie, s'agissant d'un sujet aussi lourd et aussi sérieux que celui du coût des prédateurs. À titre personnel, il s'est déclaré favorable à la suggestion de M. Augustin Bonrepaux. Quant aux contrats de plan État-régions, le Rapporteur spécial compétent a toute latitude pour poursuivre son travail d'analyse dans le cadre des prérogatives nouvelles que lui confère la LOLF.

*

* *

La Commission a ensuite procédé à l'audition du Général Guy Parayre, responsable du programme « Gendarmerie nationale ».

Rappelant que la Commission auditionnerait prochainement quelques responsables de programmes, et notamment le directeur du patrimoine du ministère de la culture, M. Michel Bouvard, Président, a souligné l'importance de cette audition, alors qu'un amendement de clarification avait vigoureusement été porté par la commission des Finances lors de l'examen du dernier budget et que la question des cessions immobilières concerne plus particulièrement la Gendarmerie nationale. Quels efforts ont été entrepris pour homogénéiser les indicateurs entre les programmes « Gendarmerie nationale » et « Police nationale » ? Comment la LOLF permet-elle de modifier et de moderniser la gestion des ressources humaines ?

Le Général Guy Parayre a rappelé que les moyens consacrés à la sécurité des Français sont ventilés au sein d'une mission interministérielle entre deux programmes. Ce rapprochement est utile pour éclairer le Parlement sur la répartition des crédits budgétaires consacrés à la sécurité. Conformément au souhait des parlementaires, un travail a été conduit pour harmoniser les deux programmes, qui disposent désormais de 80 % d'indicateurs communs. Si certains voudraient aller plus loin, le constat de la différence entre la police civile et la police militaire continue de s'imposer. Cette différence est notamment sensible en termes d'implantations géographiques et d'organisation des services. Si la police est organisée en grandes directions, la gendarmerie est structurée autour de la complémentarité entre services et unités qui traitent, à chaque niveau, de la totalité du champ sécuritaire. Cette logique d'organisation, liée au souci d'assurer un bon maillage territorial, complique l'identification budgétaire par type de missions. Dans certaines zones, la gendarmerie reste le seul service public encore présent. Cette présence a nécessairement un coût, qui échappe souvent aux strictes règles de rationalisation budgétaire. Si la police et la gendarmerie sont différentes, leur complémentarité opérationnelle doit être traduite au niveau des objectifs et des indicateurs de performance. Bien que la police et la gendarmerie aient bâti une grille dont 95 % des indicateurs sont exploitables et lisibles, il reste encore beaucoup à faire pour mettre pleinement en œuvre les exigences de la LOLF. Les chartes de gestion, qui ont été difficiles à élaborer, sont une source de complexité. L'actualité récente révèle la très faible marge de manœuvre du responsable de programme en matière d'emploi des gendarmes mobiles et la nécessité de préserver les missions opérationnelles de la gendarmerie. De même, l'action volontariste du Gouvernement en matière d'immigration irrégulière, avec notamment la montée en puissance des centres de rétention administrative (CRA), se traduit nécessairement par une très forte mobilisation de moyens matériels et humains. Le choix de faire un seul BOP a été retenu. On peut envisager plusieurs BOP, mais la gestion de la masse salariale plaide pour un BOP unique.

Les lois de programmation militaire et de sécurité intérieure continuent d'être mises en œuvre jusqu'à leur échéance, respectivement en 2008 et 2007. Néanmoins, les évolutions futures impliquent de réaliser d'autres grands projets et l'effort financier doit être poursuivi au-delà de cette échéance. Ainsi, 25 hélicoptères doivent être renouvelés d'ici 2010 et le programme de remplacement du véhicule blindé doit encore être mis en œuvre. Les perspectives d'externalisation de l'immobilier continuent de mobiliser fortement la gendarmerie nationale. Depuis 2002, les moyens réellement alloués au ministère de la défense ont à peine permis de maintenir l'existant. Il reste 200 points noirs sur le territoire national qui correspondent à plus de 8.000 logements et hébergements. Le doublement des moyens entre les 103 millions d'euros alloués en 2005 et les 217 millions d'euros d'autorisations d'engagement consacrés aux opérations immobilières de construction domaniales ont eu un impact positif.

Parallèlement, la mise en œuvre du dispositif BEA/AOT, prévu dans la LOPSI, se traduit par la mise à disposition des unités de casernes adaptées, mais également par un accroissement de la charge de la dépense en matière de loyers.

Parmi les pistes nouvelles dans ce domaine, a été étudiée la possibilité d'externalisation de la gestion du parc domanial. Mais, si cette perspective apparaît séduisante, il faut avant tout qu'elle présente un intérêt pour le budget de l'État. Différentes études ont soulevé des questions d'ordre juridique, de périmètre et d'intérêt financier. En effet, l'externalisation peut coûter plus cher que la situation actuelle. Pour autant, cette solution permet d'améliorer le parc immobilier, ce qui est l'objectif principal. Trois périmètres d'expérimentation pourraient concerner deux écoles, une ou deux régions et une dizaine de casernes connaissant actuellement une situation insatisfaisante. À la lumière de ces expérimentations, on disposera de données chiffrées fiables pour envisager une externalisation à la fois efficace et moins onéreuse.

M. Michel Bouvard, Président, a souligné que si l'Etat menait une gestion vertueuse, en autofinançant ses investissements, assurer les travaux en régie serait intéressant. Ce n'est malheureusement pas le cas : il faut, par conséquent, tenir compte des charges d'intérêt dans la prise de décision.

M. Marc Le Fur, Rapporteur spécial, a rappelé que la Commission des finances se félicite de ce que le directeur général de la Gendarmerie nationale soit responsable d'un programme incluant les crédits destinés à l'immobilier et à l'informatique. L'existence de plusieurs BOP ne constituerait pas une menace pour l'unité de la gendarmerie et permettrait une gestion plus déconcentrée. S'agissant de l'immobilier, il apparaît nécessaire de construire massivement. Le nouveau découpage entre les zones de gendarmerie et les zones de police renforce cette nécessité. Depuis deux ans, force est de constater que les engagements inscrits dans la LOPSI sont respectés, sauf en matière de construction. Entre 30 et 40 constructions étaient prévues, qu'en est-il ? Par ailleurs, il convient de souligner qu'on ne peut porter de jugement sur l'intérêt ou non de l'externalisation, dès lors qu'il n'a pas encore été procédé à une mise en concurrence. Certains conseils généraux, propriétaires de casernes, ont confié la gestion de leurs immeubles au groupe Société nationale immobilière (SNI). Quels enseignements peut-on en tirer ?

M. Jean-Louis Dumont s'est réjoui de la recherche de plus grande cohérence entre les missions de la gendarmerie et de la police, tout en soulignant la nécessité, pour la gendarmerie, de conserver sa spécificité. En matière d'immobilier, on ne peut que déplorer l'insalubrité de certaines casernes. Ainsi, à Verdun, le quartier Bayard n'a fait l'objet d'aucun entretien depuis vingt-cinq ans. L'externalisation peut être une solution intéressante, dès lors qu'elle permet une amélioration de la qualité de vie dans les casernes, qui constitue un élément d'attractivité essentiel en matière de recrutement. À cet égard, le groupe SNI n'est pas le seul recours possible : les organismes HLM peuvent également intervenir. La gendarmerie n'est toutefois peut-être pas encore prête à la logique de mise en concurrence. L'ouverture au marché devrait également inclure les grosses réparations et l'entretien.

M. Jean-Jacques Descamps a demandé si le recours aux gendarmes-adjoints était appelé à se développer. Quelles sont les difficultés éventuellement rencontrées en la matière ? S'agissant de l'immobilier, il apparaît que lorsque les syndicats ou communautés de communes construisent des casernes, le remboursement des emprunts représente une charge budgétaire qui, loin d'être couverte par le paiement des loyers, est de plus en plus difficile à supporter. Quel équilibre va être trouvé entre la construction des bâtiments par l'Etat et le recours au partenariat ? Les organismes d'HLM peuvent-ils encore intervenir alors que la volonté d'améliorer la qualité des logements est manifeste ?

M. François Scellier a demandé s'il existait une instruction du ministère de la Défense interdisant le rachat d'une gendarmerie par une OPAC départemental, une telle prohibition lui ayant été opposée dans le Val-d'Oise.

M. Michel Bouvard, Président, a souligné que les gendarmes étaient ordonnateurs de dépenses relatives à des interventions en matière de justice : ils sont donc amenés à engager des crédits qui sont rattachés à un programme dont la responsabilité relève du ministère de la justice. Comment l'action des gendarmes est-elle coordonnée avec celle des responsables des BOP sur lesquels sont inscrits ces crédits relatifs aux frais de justice ?

En réponse aux différents intervenants, le Général Guy Parayre a apporté les précisions suivantes :

- Les frais de justice sont engagés à la demande des magistrats et représentent environ 400 à 450 millions d'euros. Dans l'action « Justice » du programme « Gendarmerie nationale », les crédits de personnel représentent 1,2 milliard d'euros et les dépenses de fonctionnement environ 700 millions d'euros. Les officiers de police judiciaire de la Gendarmerie nationale interviennent sur les directives des magistrats du siège ou du parquet. Il est plus sain que ce soit l'autorité qui formule la demande qui assume le financement de ces interventions.

- La Gendarmerie nationale est très sollicitée par des opérateurs immobiliers qui souhaitent avoir une part du marché. Il convient d'être prudent car certains d'entre eux souhaitent des baux de 99 ans et non de 20 à 30 ans, comme cela est l'usage.

- L'unicité du BOP ne nuit pas à la déconcentration, qui est une réalité ancienne de la Gendarmerie nationale. Ses régions sont des centres de responsabilité budgétaire. Les tableaux d'effectifs sont largement déconcentrés depuis 1997. Le dialogue de gestion a été amplifié par les programmes d'action annuels, en vigueur depuis 2003. Le dialogue est toujours plus étroit avec les préfets, responsables de la sécurité dans les départements. La gestion de la masse salariale, qui représente 5,8 milliards d'euros ne peut, en revanche, être déconcentrée faute de disposer des systèmes d'information adaptés. Aujourd'hui, les régions de gendarmerie gèrent leur budget de fonctionnement mais pas leurs effectifs. Le fait qu'il n'y ait qu'un seul BOP n'affecte pas la capacité des responsables régionaux à engager des dépenses d'équipement.

- En ce qui concerne l'immobilier, les mises en chantier sont passées de 672 en 2005 à 930 en 2006. Celles réalisées dans le cadre de la LOPSI sont passées de 40 en 2004 à 554 en 2005 et devraient atteindre 1.262 en 2006. Les livraisons réalisées en vertu du décret de 1993 étaient de 788 en 2004, de 476 en 2005 et devraient être de 617 en 2006, tandis que celles réalisées dans le cadre de la LOPSI étaient de 8 en 2004, 24 en 2005 et probablement de 439 en 2006.

- Les opérateurs immobiliers qui doivent supporter les risques liés à ces constructions souhaitent bénéficier de baux emphytéotiques administratifs de 99 ans. Le débat juridique n'est pas tranché. Lorsqu'un opérateur privé reprend le parc immobilier d'un conseil général, il convient, d'une part, que la direction des services fiscaux soit d'accord et, d'autre part, que cette reprise n'entraîne pas une hausse significative des loyers. Plus le parc domanial est important, plus il faut de crédits budgétaires pour le financer. A l'inverse, les loyers sont plus élevés d'environ 25 % dans le cadre du nouveau dispositif. En outre, les loyers acquittés par la gendarmerie suivent la tendance générale de hausse des loyers. Aujourd'hui les crédits budgétaires sont d'environ 250 millions d'euros, tandis que ceux destinés au paiement des loyers sont d'environ 400 millions d'euros.

M. François Scellier a indiqué que la SNI avait proposé de racheter des casernes de gendarmerie qu'il préférait voir confier à l'OPAC départemental. Cependant, la SNI, s'appuyant sur un document des services juridiques du ministère de la défense, a indiqué qu'une telle opération n'était pas possible.

Après avoir rappelé que la SNI avait effectué un excellent travail dans le passé, M. Jean-Louis Dumont s'est inquiété de certaines pratiques de la Caisse des dépôts et consignations. Il faut que les appels d'offres lancés pour la construction de nouvelles casernes incluent la prise en charge de la maintenance. Il convient de veiller à ce qu'il n'y ait pas de monopole qui alourdisse le coût de ces constructions pour l'État.

Le Général Guy Parayre a confirmé qu'il convient bien évidemment de ne pas être confronté à un monopole dans ce domaine.

M. Marc Le Fur a précisé que n'importe quelle société peut racheter le patrimoine des casernes. Cependant, le principe de spécialité s'applique aux offices HLM, qui sont des établissements publics. Leurs missions, définies par la loi, comprennent la construction, mais les rachats en font-ils partie ?

M. Jean-Pierre Gorges a estimé que la seule question importante consiste à savoir si les logements des gendarmes sont comptabilisés dans les logements sociaux. Un rapport de la Mission interministérielle d'inspection du logement social a en effet demandé à la commune de Chartres de ne plus comptabiliser tout ce qui ne répond pas aux critères du logement social.

M. Michel Bouvard, Président, a rappelé que M. François Scellier avait préparé sur ce point un amendement au projet de loi « Engagement national pour le logement », actuellement en cours de navette.

Le Général Guy Parayre a répondu que la mise en concurrence va dans l'intérêt de tous. Certains dossiers sont longs à mettre en œuvre, car des consultations préalables sont nécessaires. Parfois le loyer d'un bail emphytéotique administratif est fixé 30% au-dessus du niveau correspondant à celui qui découlerait de l'application du décret de 1993 : il appartient au responsable du programme de faire baisser les prix.

M. Marc Le Fur a souligné que la comparaison avec les loyers encadrés par le décret de 1993 est délicate, car les collectivités locales prenaient en charge une partie des loyers. Cependant, elles entretenaient très mal le parc immobilier, qui est actuellement très daté.

Le Général Guy Parayre a distingué les casernes domaniales de celles qui ont été construites par les collectivités locales. Il y a 746 casernes domaniales, qui correspondent à 33.626 logements. Dans le secteur locatif, il y a 46.000 logements pour 3.300 casernes en France métropolitaine et 26 outre-mer.

S'agissant des gendarmes-adjoints volontaires, avec 16.000 jeunes engagés, le plafond de ce que la Gendarmerie nationale est capable d'absorber est atteint. Si ces adjoints volontaires, dont le recrutement a été introduit par la loi de programmation militaire pour 1997-2002, représentent un atout pour la gendarmerie, ils posent toutefois deux problèmes : d'une part, ils risquent de déprofessionnaliser la gendarmerie ; d'autre part, ils font l'objet d'un malentendu avec les jeunes : ces derniers souhaitent en réalité entrer dans la gendarmerie, alors qu'on ne leur propose qu'un emploi temporaire d'une durée de cinq ans. Cela provoque de nombreuses déceptions, car la gendarmerie ne peut pas tous les recruter. Pour certains, le chômage est le seul débouché.

Ce type de contrat vise à intégrer les jeunes, mais il n'y a pas de place pour tous dans la gendarmerie. Ce quiproquo nuit à tout le monde.

*

* *

La Commission a ensuite entendu une communication de Mme Marie-Hélène des Esgaulx, Rapporteure spéciale, sur le suivi de la MEC sur le droit d'asile.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, Rapporteure spéciale, a rappelé que la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) avait recherché les raisons de l'attractivité de la France, première destination des demandeurs d'asile en Europe, par rapport aux autres pays européens, et avait dressé un constat sévère qui dénonçait les failles affectant la cohérence entre les différents éléments de notre système d'accueil et de traitement des demandes. La MEC avait adopté, à l'unanimité, des conclusions par lesquelles elle proposait différentes mesures impliquant des réformes législatives, réglementaires ou de simples mesures d'organisation. Elle préconisait enfin l'unification des structures chargées de l'accueil des étrangers.

Le Comité interministériel de contrôle de l'immigration (CICI) créé le 26 mai 2005 a pris de nombreuses décisions ; il a fait siennes certaines des propositions de réforme issues des travaux de la MEC. Ces décisions sont traduites par des mesures réglementaires et d'organisation ; en particulier, trois circulaires abordent des aspects importants du système de l'asile : l'accueil en préfecture, la gestion du Dispositif national d'accueil des demandeurs et, enfin, l'éloignement des personnes déboutées de leur demande d'asile. Le projet de loi, récemment déposé, sur la maîtrise de l'immigration et l'intégration des étrangers précise le régime juridique et les missions des centres d'accueil des demandeurs d'asile ; par ailleurs l'obligation de quitter le territoire français que devrait créer ce projet de loi aura également un impact en ce qui concerne l'éloignement des personnes déboutées.

La demande d'asile s'est élevée globalement à 59.221 demandes en 2005, ce qui traduit une baisse de 9,7 % par rapport à l'année 2004. Malgré cette baisse globale, la France demeure le premier pays destinataire en Europe. Les demandes de réexamen se sont élevées à 9.488, soit une progression de 34 % par rapport à 2004, qui peut s'expliquer par le nombre accru de décisions prises par la Commission des recours des réfugiés (CRR) au cours de l'année 2005. La baisse des demandes d'asile présentées à la frontière se poursuit : elles sont au nombre de 2.278 en 2005, soit 9 % de moins qu'en 2004 et 61 % de moins qu'en 2003.

L'entrée en vigueur d'une liste nationale des pays d'origine sûrs, au deuxième semestre 2005, a eu pour conséquence une baisse de 51 % de la demande en provenance de ces pays. Les préfectures ont mis rapidement en application le nouveau dispositif, et le taux de placement en procédure prioritaire atteint aujourd'hui 90 % des demandes.

Le délai de traitement des demandes d'asile s'est globalement réduit. Pourtant le délai d'instruction des recours, de 9 mois, reste encore trop long. La préconisation de la Mission visant à réduire à quinze jours au lieu d'un mois le délai de dépôt de la demande d'asile auprès de l'OFPRA n'a pas été suivie ; en revanche celle visant à réduire le délai de recours devant la Commission des recours des réfugiés à 15 jours a été suivie d'effet. La demande de réexamen présentée dans un but dilatoire afin de retarder la reconduite à la frontière sera découragée avec l'application d'une disposition de la loi de 2003 sur la maîtrise de l'immigration permettant à l'administration de refuser de délivrer une nouvelle autorisation provisoire de séjour et de placer la personne en centre de rétention administrative.

Le fonctionnement du règlement Eurodac n'est guère satisfaisant. Des mesures d'organisation doivent être prises rapidement pour rendre ce système opérationnel et permettre des réadmissions plus nombreuses de la France vers nos partenaires. Il faut surtout regretter le retard pris en ce qui concerne la tenue des audiences du juge des libertés et de la détention dans la salle d'audience aménagée à Roissy, retard qui oblige à poursuivre le déferrement des personnes à Bobigny dans des conditions peu humaines et avec un coût financier important.

En revanche, le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile est actuellement soumis à des réformes parfaitement appropriées, dont plusieurs éléments ont été préconisés par la Mission. Dans chaque région, le dispositif d'hébergement des demandeurs d'asile sera piloté par le préfet de région qui pourra proposer à un demandeur d'asile un hébergement dans un département autre que celui où il a déposé sa demande. Un système informatique de gestion des places en centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) devrait être créé par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations d'ici la fin 2006. Parallèlement, doit être mis en place un système normalisé d'enregistrement de la situation des demandeurs d'asile. Les préfets devront vérifier que les centres sont occupés par le public auxquels ils sont dédiés, c'est-à-dire les demandeurs d'asile, et non par d'autres publics ; cette clarification devra être faite avant la fin de cette année. La réforme de l'allocation destinée aux demandeurs d'asile a été réalisée, et la durée de l'allocation est désormais alignée sur la durée effective de la procédure d'instruction.

Enfin, le premier bilan de l'expérimentation du nouveau dispositif d'aide au retour a été jugé suffisamment positif pour que soit décidée sa généralisation à l'ensemble du territoire. Une circulaire, en préparation, demande aux services compétents de proposer systématiquement le dispositif d'aide au retour à tous les demandeurs d'asile déboutés. L'efficacité de la reconduite à la frontière devrait être renforcée par des mesures d'organisation, et notamment de coordination.

En conclusion, la Rapporteure spéciale a souligné que les mesures prises sont perçues comme un message de fermeté par les organisateurs des filières qui acheminent une grande partie des demandeurs d'asile. Ainsi, la diminution du délai de traitement des demandes d'asile, la montée en puissance des procédures prioritaires et du dispositif relatif aux pays sûrs, la coopération améliorée entre l'OFPRA et les préfectures, l'encadrement plus rigoureux des prestations versées aux demandeurs, ont rendu la France moins attractive pour les candidats potentiels à l'immigration clandestine. La Mission doit continuer de suivre les progrès accomplis et rappeler ses propositions, car plusieurs d'entre elles n'ont été ni mises en œuvre, ni même soumises à la réflexion des services compétents.

En dépit de l'application de la LOLF, il n'est pas encore possible d'évaluer le coût de la politique de l'asile. La Commission des finances, comme la Mission, doivent donc promouvoir une véritable dynamique portant aussi bien sur la rationalisation des structures de gestion que sur l'élaboration des outils de suivi de leur efficacité, nécessaires au chiffrage des coûts globaux de ces politiques.

M. Michel Bouvard, Président, a remercié la Rapporteure pour la qualité de son travail de suivi et a souhaité évoquer trois points : le versement par les ASSEDIC de l'allocation temporaire d'attente, où il y a urgence à définir une mécanique plus transparente ; l'importance de la publication des décrets d'application de l'aide médicale d'État ; une meilleure identification de l'ensemble des coûts des demandes d'asile, dans l'esprit des documents de politique transversale, mais sous une forme plus allégée.

M. Jean-Louis Dumont a souligné que le rapport éclaire d'une lumière crue les réussites du Gouvernement en matière de réduction des flux et de règlement des problèmes de stock de personnes en attente. Mais il s'agit d'hommes, de femmes et d'enfants. Ainsi, dans le département de la Meuse, on constate une dégradation des relations entre les services administratifs de la préfecture et les associations qui accompagnent les personnes en attente de régularisation. La Ligue des droits de l'Homme dénonce les pratiques tendant à ce que, dans les préfectures, les demandeurs d'asile soient systématiquement appréhendés et remis aux autorités de police.

Les fonctionnaires en charge de l'accueil dans les préfectures, au plus haut niveau, se plaignent de la pression énorme qui pèse sur eux pour produire des statistiques de retours et de refus. Le flux des demandes diminue, mais les stocks se maintiennent. Des familles en attente depuis cinq ans, maintenant intégrées avec des enfants scolarisés, sont sous le coup d'arrêtés de reconduite aux frontières. Ces procédures sont trop longues, l'action du Gouvernement réussit certes à les réduire, mais le systématisme des mesures prises est inquiétant. La Rapporteure a insisté sur le traitement administratif visant à éliminer les demandes d'asile plutôt qu'à traiter le problème de façon plus humaine.

Il faudrait que la Rapporteure demande que, pour les personnes en attente de régularisation, souvent depuis longtemps, on puisse donner aux préfets une certaines marge d'appréciation, comme c'était le cas auparavant. Il s'agit de mieux maîtriser ce flux migratoire sans dégrader l'image de la France à l'étranger.

M. Yves Deniaud s'est félicité des orientations prises par le Gouvernement à la suite du rapport de la MEC. Il faut cependant poursuivre le droit de suite et rappeler par écrit, aux ministères concernés, l'absence de suite sur certaines propositions : l'audience de Roissy, la durée de la procédure, les dérapages financiers de l'aide médicale d'État et l'application de la LOLF s'agissant de l'évaluation du coût global de cette politique.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, Rapporteure, a souligné la très grande différence de situation des préfectures en matière de délai et de réactivité. Le dispositif mis en place devrait harmoniser les choses. En matière d'éloignement et d'aide au retour, la circulaire qui doit prochainement sortir précisera les choses et établira la priorité sur les étrangers qui font l'objet de décision de rejet et qui sont là depuis moins de 18 mois.

M. Michel Bouvard, Président, a alors proposé que la Mission notifie au Gouvernement ces observations, en faisant ainsi application, pour la première fois, de l'article 60 de la LOLF.

Cette proposition a recueilli l'accord de la Commission. Puis, la Commission a autorisé, en application de l'article 146 du Règlement, la publication d'un rapport d'information sur les suites de la MEC.

--____--


© Assemblée nationale