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COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 61

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 2 mai 2006
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Proposition de résolution de MM. Alain Bocquet et Jean-Pierre Brard, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les origines, les fondements et les conséquences du projet de création de Natixis, sur le devenir et le rôle des établissements financiers du secteur semi-public, en particulier la Caisse des dépôts et consignations, les Caisses d'épargne, la Banque de France, la Poste, Natexis-Banques Populaires et la COFACE, ainsi que sur la nécessité de doter notre pays d'un pôle financier public au service de l'emploi, des collectivités locales et d'un aménagement structurant du territoire concourant à la satisfaction des besoins sociaux (n° 2970).







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- Information relative à la Commission.

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La Commission a procédé à l'examen de la proposition de résolution de MM. Alain Bocquet et Jean-Pierre Brard, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les origines, les fondements et les conséquences du projet de création de Natixis, sur le devenir et le rôle des établissements financiers du secteur semi-public, en particulier la Caisse des dépôts et consignations, les Caisses d'épargne, la Banque de France, la Poste, Natexis-Banques Populaires et la COFACE, ainsi que sur la nécessité de doter notre pays d'un pôle financier public au service de l'emploi, des collectivités locales et d'un aménagement structurant du territoire concourant à la satisfaction des besoins sociaux (n° 2970).

M. Philippe Auberger, Rapporteur, a évoqué les trois points soulevés dans la proposition de résolution. En premier lieu, s'agissant de la création de Natixis, il convient de souligner que l'accord n'en est encore qu'à l'état de projet. La Commission des finances avait déjà eu l'occasion d'aborder cette question au cours de sa réunion du 21 mars dernier. Depuis, la presse a détaillé les modalités du projet, et l'on a notamment appris que le périmètre du montage envisagé avait évolué : le Crédit Foncier, filiale du Groupe Caisse d'Épargne, ne serait plus apporté au nouvel ensemble, non plus que les activités d'assurance de l'Écureuil. Le projet d'accord « établit un équilibre entre egos, mais ne permet pas un équilibre entre égaux ». En effet, en l'état actuel des choses, le Groupe Caisse d'Épargne apporterait davantage d'actifs que le Groupe Banque Populaire, la présence à parité des deux groupes dans Natixis poserait le problème d'une double minorité de blocage, le risque de dilution de la participation des deux partenaires rendrait les opérations externes très difficiles, et, enfin, l'absence d'intégration dans Natixis de certaines filiales porte en germe le risque de conflits d'intérêts au sein d'un ensemble qui serait intrinsèquement déséquilibré. En définitive, le projet apparaît nettement moins convaincant qu'annoncé.

Contrairement à ce qu'évoque la proposition de résolution, le Groupe Banque Populaire étant soumis au droit privé, tout comme les Caisses d'Épargne depuis la loi du 25 juin 1999 qui a réformé leur statut, ce n'est pas sur ce terrain qu'il faut rechercher un obstacle au rapprochement. Par ailleurs, aucune fusion n'étant prévue entre les réseaux des deux groupes, les auteurs de la proposition ne sont pas non plus fondés à invoquer un risque avéré concernant les salariés des sociétés en cause. S'il aboutit, le projet ne devrait pas être formalisé par la signature d'un accord avant le 1er juin prochain.

S'agissant, en deuxième lieu, des intérêts patrimoniaux de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), il est patent que le pacte d'actionnaires existant avec la Caisse nationale des Caisses d'Épargne (CNCE) a été transgressé dans son esprit comme dans sa lettre. En effet, tout transfert d'actifs de plus de 250 millions d'euros comme tout transfert de certificats coopératifs d'investissement doivent obligatoirement, aux termes de ce pacte, être approuvés par la CDC. Le droit de veto dont dispose cette dernière n'a pas encore trouvé à s'appliquer, en raison de l'absence de décision formelle prise par le Conseil de surveillance de la CNCE quant à la poursuite des négociations avec le Groupe Banque Populaire. À l'évidence, il faut préserver les intérêts patrimoniaux de la CDC. La Commission de surveillance de la Caisse est tout entière tournée vers cet objectif ; une réunion est prévue le 24 mai prochain en présence du directeur général et de ses collaborateurs, qui permettra d'examiner tous les aspects du projet d'accord, ainsi que les éventuelles modalités de sortie du pacte d'actionnaires, compte tenu de l'ensemble des valorisations afférentes, au bénéfice de la CDC.

En troisième et dernier lieu, l'argumentation des auteurs de la proposition de résolution quant à l'avenir du secteur public financier n'est pas davantage recevable. Le statut particulier du livret A fait actuellement l'objet de contentieux devant les juridictions françaises et communautaires, sans que le projet de création de Natixis n'entre en ligne de compte dans ce contentieux, le financement du logement social n'est pas touché par le projet.

Les Caisses d'Épargne continueront, de par leur statut, à financer des projets en faveur de l'économie locale et de l'économie sociale. La convention qui lie la Coface - dont l'actionnaire majoritaire est aujourd'hui Natexis Banques Populaires - et l'État, pour la couverture de certaines garanties d'assurance en matière d'exportations, n'est pas non plus remise en cause.

En conclusion, la création d'une commission d'enquête est inopportune au regard des trois questions posées : l'accord tendant à la création de Natixis n'est pas finalisé, les intérêts patrimoniaux de la CDC font l'objet d'un suivi approprié, et l'évolution du secteur financier public et semi-public n'est pas concernée par le projet de rapprochement.

M. Jean-Pierre Brard a réfuté les arguments invoqués par le Rapporteur à l'appui de sa demande de rejet de la proposition de résolution et estimé que l'on pouvait légitimement s'interroger sur le bon fonctionnement de la commission de surveillance de la CDC. En effet, l'affaire Natixis est susceptible de porter atteinte aux intérêts patrimoniaux de notre pays et à l'équilibre d'un système dans lequel la protection du livret A doit rester un objectif prioritaire. La désinvolture dont a fait preuve la CNCE est étonnante : elle pose, comme l'a parfaitement écrit l'ancien président du Conseil des marchés financiers René Barbier de La Serre, le problème de l'éthique collective et individuelle et du respect de la parole donnée. La « loi de la jungle » ne devant pas se substituer à celle du marché au risque d'entacher gravement la réputation de la place de Paris, la CDC doit réagir fermement afin de défendre son intégrité en France comme à l'étranger. Rien n'empêche le Parlement de mener ses investigations, quand bien même l'accord concernant Natixis ne serait pas finalisé. S'en remettre à la commission de surveillance de la CDC ne constitue pas une garantie, cette instance étant loin de disposer de pouvoirs comparables à ceux d'une commission d'enquête parlementaire. Dans le souci de protéger l'intérêt national et de faire échec au fatalisme exprimé par le Rapporteur, il est ainsi essentiel d'adopter la proposition de résolution.

Manifestant son accord avec les conclusions du Rapporteur, M. Pierre Hériaud s'est étonné de la précipitation du groupe des députés communistes et républicains et a jugé préférable d'attendre non seulement que la commission de surveillance de la CDC se réunisse à nouveau, le 24 mai prochain, mais également que les conditions de création de Natixis, tout comme le devenir du pacte d'actionnaires soient clarifiés. Toute autre décision serait prématurée.

M. Philippe Auberger, Rapporteur, a tenu à préciser que l'on ne pouvait, à ce stade, conclure à la mort du pacte d'actionnaires, et que l'utilisation du droit de veto serait évidemment nécessaire si ce pacte ne fonctionnait pas.

La Commission a ensuite, conformément à l'avis du Rapporteur, rejeté la proposition de résolution.

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Information relative à la Commission

La commission des Finances, de l'économie générale et du plan a nommé :

M. Philippe Auberger, Rapporteur sur la proposition de résolution de MM. Alain Bocquet et Jean-Pierre Brard, tendant à la création d'une commission d'enquête sur les origines, les fondements et les conséquences du projet de création de Natixis, sur le devenir et le rôle des établissements financiers du secteur semi-public, en particulier la Caisse des dépôts et consignations, les Caisses d'épargne, la Banque de France, la Poste, Natexis-Banques Populaires et la COFACE, ainsi que sur la nécessité de doter notre pays d'un pôle financier public au service de l'emploi, des collectivités locales et d'un aménagement structurant du territoire concourant à la satisfaction des besoins sociaux (n° 2970).

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