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COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 66

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 7 juin 2006
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président
puis de M. Michel Bouvard, Vice-Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de responsables de programmes : MM. François Lureau, délégué général pour l'armement et Henri Bentegeat, chef d'état-major des armées, sur le programme « Équipement des forces ».

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- Examen d'un rapport spécial sur l'exécution 2005 des crédits « Équipement des forces » (M. François Cornut-Gentille, Rapporteur spécial).

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La Commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, et du général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, accompagnés du général Thierry Cambournac, sur le programme « Équipement des forces ».

M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, a remercié M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, et le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, de se prêter à cette audition en leur qualité de responsables des programmes. La commission des finances a retenu trois sujets afin de s'assurer de la bonne application de la LOLF. Ce faisant, la Commission a voulu préfigurer l'examen des résultats et de l'évaluation des performances, tels qu'ils se dérouleront à partir de 2007.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a présenté les réalisations de la gestion 2005, et plus particulièrement ce qui touche au programme « Équipement des forces », préalable à l'application effective de la loi organique. La présence conjointe du CEMA et du DGA apparaît bien comme la matérialisation concrète d'une coresponsabilité qui fait du programme 146 « Équipement des forces » une exception dans le cadre général de la LOLF, la conduite dudit programme supposant, « en tant que de besoin, des arbitrages et ajustements qui mobilisent conjointement les analyses et compétences du CEMA et du DGA pour prendre en compte en même temps les implications capacitaires et industrielles des options possibles », ainsi que l'avait souligné le Comité interministériel d'audit des programmes, le 5 mai dernier. Il revient au CEMA de définir les objectifs capacitaires et de proposer au niveau politique les arbitrages nécessaires en prenant en compte les besoins opérationnels. La conduite des opérations d'armement proprement dites relève exclusivement du DGA.

L'année 2005 est la troisième année de conformité globale à la loi de programmation militaire 2003-2008 avec un taux d'exécution financière de 97 % en fin d'exercice. L'exécution 2005 aura été marquée par une norme de dépense favorable à la défense - 470 millions d'euros au-delà de la loi de finances initiale -, mais l'absence de disposition en loi de finances rectificative aura contraint à annuler 625 millions d'euros, dont 400 sur le programme 146, pour résorber notamment les surcoûts des opérations extérieures. À relever également, la réduction d'un tiers du niveau des crédits de report, ramené de 2,7 à 1,4 million d'euros dont 1,3 au programme « Équipement des forces ». Les principales commandes lancées en 2005 auront porté sur huit frégates multimissions, deux avions à très long rayon d'action, 2 000 postes radio PR4 G, 1 089 ensembles FELIN et 46 systèmes MARTHA 2. Les principales livraisons ont concerné un satellite SYRACUSE III A, dix Rafale, un système PAAMS de défense antiaérienne destiné aux frégates « Horizon », 110 missiles de croisière SCALP EG, 218 MICA, cinq hélicoptères Tigre et 34 chars Leclerc.

Année positive pour l'amélioration de nos capacités de prévention et de gestion des crises et des conflits, 2005 apparaît comme une étape significative vers la réalisation du modèle d'armée défini par le chef de l'État et approuvé par le Parlement. La mise en œuvre de la « pré-LOLF » et les nouvelles attributions du CEMA marquent un tournant décisif par rapport aux pratiques antérieures en favorisant la transparence et la collégialité au sein du ministère.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a confirmé que ce mode de fonctionnement avait, depuis un an, fait la preuve de son efficacité et de sa rapidité et permis de concilier les dimensions opérationnelles et capacitaires et leurs implications sur l'économie, l'industrie et les emplois. La gestion de crédits aussi considérables exige une prise de décision tout à la fois rapide, en pleine connaissance de cause et en toute transparence, autant de points sur lesquels la comparaison entre « l'avant » et « l'après » montre la supériorité du nouveau dispositif.

Les crédits disponibles sont désormais utilisés en totalité : les factures restées en souffrance à la fin de l'année correspondent pratiquement au montant des CP non utilisés.

Une bonne utilisation des crédits exige une excellente visibilité. Les principes de la LOLF ne sont probablement pas étrangers aux progrès relevés à cet égard entre 2004 et 2005, mais la connaissance précise des ressources disponibles pose encore trop souvent problème. La question n'est pas de savoir si, mais bien quand, les crédits reportés seront disponibles.

La LOLF suppose également de rendre compte de la qualité de la gestion à l'aide d'indicateurs permettant d'apprécier objectivement la qualité du travail fait. Des progrès s'imposent pour permettre une mesure correcte des performances.

Cette mesure de la performance vaut évidemment pour la DGA, pratiquement la seule concernée, au niveau de ses effectifs, par le programme 146. La délégation se soumet naturellement à cet exercice qui méritera d'être officialisé par comparaison avec ses homologues étrangers : les Britanniques, notamment, ont une longue pratique des indicateurs. La DGA peut, d'ores et déjà, se targuer de résultats en termes de conduite des programmes plutôt supérieurs à ceux de ses voisins, mais la comparaison internationale reste un élément essentiel dans la mesure objective des performances qu'il faut sans cesse chercher à améliorer.

M. François Cornut-Gentille, Rapporteur spécial, a demandé comment s'organisaient concrètement la coresponsabilité, particulièrement au niveau du fonctionnement des budgets opérationnels de programme (BOP), et la subsidiarité entre l'EMA et les états-majors d'armées.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a répondu que le découpage du programme 146 en BOP était le meilleur moyen de garantir une réelle cohérence technico-industrielle des dix grands programmes d'armement, tels que listés d'un commun accord par la DGA et l'EMA. Ont été de la même façon arrêtés, fin 2005, les objectifs impartis aux « patrons » de ces BOP à la DGA, qui travaillent en concertation permanente avec les officiers de cohérence opérationnelle du CEMA. Les éventuelles questions de choix capacitaire sont tranchées par le général Bentegeat au sein du conseil de systèmes de forces ou par le ministre lui-même.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a ajouté que les officiers de cohérence de programme ont pour rôle de s'informer du déroulement des programmes auprès des chefs des BOP, sans pour autant s'ingérer dans la gestion industrielle, qui demeure de la responsabilité exclusive de la DGA, et de faire chaque mois un point sur le degré d'avancement, les difficultés rencontrées et les arbitrages nécessaires. Les états-majors de chacune des armées sont associés en permanence au suivi réalisé par les officiers de cohérence de programme du CEMA. Toutes les informations leur sont répercutées. Dans la pratique, c'est un officier de l'armée concernée qui est intégré dans l'équipe de programme de la DGA. Autrement dit, les états-majors d'armées sont constamment associés, la décision d'arbitrage revenant in fine toujours au CEMA : les opérations étant désormais toujours conduites de manière interarmées, les capacités sont systématiquement étudiées pour éviter les incohérences.

M. François Cornut-Gentille, Rapporteur spécial, a noté que si les reports de crédits de 2005 vers 2006 avaient été réduits de 2,77 milliards d'euros à 1,99 milliard d'euros, ceux relevant du périmètre du programme « Équipement des forces » avaient augmenté de 11,5 %. Comment expliquer ce phénomène ? Les reports de charges ont, quant à eux, enregistré une baisse significative. Comment a-t-elle pu être mise en œuvre ? Était-il possible de faire mieux ? L'application d'une norme de dépenses a-t-elle des conséquences pratiques sur le déroulement des programmes ?

M. Michel Bouvard, Président, a rappelé que le Parlement, par dérogation à la LOLF, avait adopté une disposition spécifique autorisant le ministre de la défense à aller au-delà de la règle des 3 % en 2006, celui-ci s'étant engagé à mettre en œuvre et consommer les crédits dans les délais. Observant que tel n'a pas été le cas durant l'exercice 2005, il a demandé si les délais pourront être tenus en 2006.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a fait remarquer que, sans norme de dépense imposée, jamais les crédits de report n'auraient atteint un tel niveau ; et pourtant, ils ont de facto globalement baissé d'un tiers. Tout au long de 2005, la gestion a visé à rétablir l'équilibre et, de fait, les reports de crédits et les reports de charges se retrouvent presque au même niveau en fin d'exercice. L'autorisation donnée par le Parlement de reporter plus de 3 % des crédits est précisément une contrepartie à l'application la norme de dépense imposée par le ministère des finances, faute de quoi, les crédits de la défense se retrouveront chaque année amputés non par incapacité de consommer, mais par interdiction de dépenser - ce qui rejoint la problématique de la mise en réserve. Concrètement, jamais le ministère ne s'est trouvé en 2005 dans l'incapacité d'utiliser les crédits qu'il avait été autorisé à dépenser. On ne peut que regretter que la norme de dépense soit imposée si tardivement.

M. Charles de Courson a rappelé que la norme pour 2004 ayant été fixée à 12,3 milliards d'euros, les paiements se sont interrompus début décembre... Ceci pose un problème de sincérité de la loi de règlement dans la mesure où des charges se sont aussitôt mises à s'accumuler, pour un montant évalué par le Rapporteur à 1,297 milliard d'euros contre 1,163 l'année précédente. Une norme a-t-elle également été fixée en 2005 ? Si oui, pour quel montant et quand a-t-il fallu cesser de payer ?

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a répondu que les paiements ont cessé début décembre, en 2005 comme en 2004, sinon un peu plus tard. Reste que le total des reports de charges du ministère de la défense a bel et bien baissé ; les dépenses du programme 146 sont simplement plus compressibles que d'autres. Sans l'application de la norme de dépense, il aurait même été parfaitement possible d'être à zéro. Finalement les dépenses au titre du programme « équipement des forces » ont été plafonnées à 7,6 milliards d'euros en 2005, contre 7,4 environ en 2004. La norme de dépense a été arrêtée au mois de septembre.

M. François Cornut-Gentille, Rapporteur spécial, a demandé depuis quand cette norme s'applique au ministère de la défense.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a affirmé qu'il l'avait toujours connue.

M. Michel Bouvard, Président de la Commission, a rappelé que l'exercice 2005 relevant toujours du cadre des ordonnances de 1959, quand bien même la loi de règlement est l'occasion de vérifier les résultats des expérimentations en format LOLF, il n'est pas surprenant de voir encore peser bon nombre de procédures du passé. Pour autant, les interrogations de M. Charles de Courson sont fondées.

M. Charles de Courson a souhaité savoir quelles conséquences ont été tirées de la décision de Bercy de plafonner le programme « Équipement des forces » à 7,4 milliards d'euros en 2004, puis à 7,6 milliards d'euros en 2005. A-t-il fallu bloquer certains programmes ?

M. Michel Bouvard, Président, s'est enquis du coût des éventuels intérêts de retard.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a fait observer que ces programmes ne se caractérisent pas par des temps de réaction très courts et que la visibilité sur les ressources peut être notablement améliorée. En attendant, il faut rediscuter les contrats, et ne pas lancer de développements supplémentaires, au prix de difficiles renégociations avec les industriels, qui auront coûté au total quelque 200 millions d'euros en 2004 - le problème ne s'est pas posé en 2005. À supposer qu'une norme de dépense radicale intervienne en août ou septembre, il n'y aura pratiquement aucune marge de manœuvre - une petite centaine de millions d'euros tout au plus.

M. Charles de Courson a effectivement relevé qu'un calcul, rustique mais efficace, fait apparaître que 7,631 milliards d'euros ont été dépensés sur le programme 146 alors que le report de charges atteint 1,297 milliard d'euros, soit un total de 8,128 milliards d'euros, ce qui correspond exactement au montant des crédits ouverts ! Autrement dit, on cesse de dépenser à partir de septembre, mais on continue matériellement de dépenser, le DGA admettant lui-même que sa marge de manœuvre ne dépasse pas 100 millions. Peut-on dans ces conditions parler de respect du vote du Parlement ?

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a admis la frustration que peut en éprouver un parlementaire, tout en insistant sur le fait qu'un contrat d'armement est une affaire très complexe qui s'étend généralement sur une période de cinq à dix ans. Il est certes possible de renégocier, mais ne pas payer l'industriel expose inévitablement à des intérêts moratoires. Tout au plus peut-on rogner sur certaines prestations, autrement dit sur quelques centaines de millions d'euros.

M. Charles de Courson a insisté sur le fait que, quand bien même les exercices en cause sont juridiquement hors LOLF, ces pratiques sont totalement contraires à l'esprit et à la lettre de la loi organique, et l'on persiste dans la politique de Gribouille.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a convenu qu'une grande visibilité est plus que jamais nécessaire. Le principe d'annoncer une certaine réserve en début d'année permet d'agir, à condition de ne pas en changer fondamentalement le montant par la suite sous peine s'exposer à de sérieuses difficultés.

M. François Cornut-Gentille, Rapporteur spécial, a signalé que les intérêts moratoires payés ont progressé de 18,6 % entre 2004 et 2005 : la hausse atteint même 66 % par rapport à 2003... Parviendra-t-on à contenir cette progression ?

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a fait remarquer que les intérêts moratoires payés par la DGA n'ont pas augmenté.

M. Charles de Courson a demandé si les entreprises exigent réellement le paiement intérêts moratoires auxquels la loi leur donne droit.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a assuré qu'elles le faisaient systématiquement. Le fait que la DGA n'en ait pas versé en 2005 prouve simplement que la gestion de cet exercice a été très supérieure à celle de 2004.

M. Charles de Courson a relevé que le rythme des dépenses d'investissements du premier trimestre 2005 a été nettement plus soutenu qu'à l'accoutumée.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a expliqué que les procédures permettent désormais de payer plus tôt. Le phénomène s'est atténué en 2006.

M. François Cornut-Gentille, Rapporteur spécial, a noté que le taux de consommation des crédits du programme « Équipement des forces » est de 85,5 %, mais seulement de 69 % pour l'action « préparation et conduite des opérations d'armement ». Comment s'explique ce moins bon résultat ?

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a fait observer que d'autres sont à 105 %, voire à 110 %.

M. Charles de Courson a considéré que le taux de consommation du programme « Équipement des forces » est en fait de 100 % si l'on prend en compte les reports de charge. Le taux de 85,5 % n'est qu'une illusion comptable.

Le général Thierry Cambournac a confirmé que ce chiffre est la conséquence directe de l'application de la norme de dépense, le ministère étant bien obligé de payer les soldes et les opérations. Elle ne s'applique ni au titre II ni au titre III et ce sont les équipements, autrement dit le programme 146, qui en subissent les effets les plus marquées. On ne sait toujours pas à quel moment elle tombera en 2006.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a reconnu que cette mauvaise exécution était directement liée au souci de ne pas dépenser l'argent, faute d'en avoir l'autorisation.

M. François Cornut-Gentille, Rapporteur spécial, a rappelé que les AP non engagées au 31 décembre 2005 - 6 milliards d'euros - ne pouvant pas en tant que telles être reportées, il fallait que des autorisations d'engagement soient ouvertes en 2006. Où en sont les discussions sur ce point avec la direction du budget ?

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a annoncé qu'un accord de principe avait été obtenu sur la transformation de ces AP en AE, pour peu que le ministère de la défense justifie, au cas par cas, de leur emploi effectif. En attendant, l'engagement de ces 6,3 milliards d'euros a été provisoirement gagé sur des autorisations d'engagement de 2006. Il y a tout lieu d'être optimiste.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a souligné qu'il était préférable du point de vue de la visibilité d'avoir une autorisation en bloc plutôt que de devoir à chaque fois reposer la question.

M. Charles de Courson s'est demandé, à supposer que le déblocage intervienne en août ou septembre, s'il serait possible d'engager ces cinq ou six milliards avant la fin de l'année ? Se pose également la question du comportement du contrôleur financier. Certains prônent la suppression de cette institution archaïque, d'autres souhaitent la maintenir en la réformant. Le visa systématique du contrôleur financier est-il toujours requis ?

M. Louis Giscard d'Estaing, tout en prenant bonne note des espoirs du CEMA quant à l'engagement des 6,3 milliards d'euros, moyennant justification de leur emploi effectif, s'est inquiété de l'articulation entre les programmes en cours et les équipements correspondant aux AE en question. De quels matériels s'agit-il ?

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a fait observer que des commandes très importantes devaient être lancées avant la fin de l'année, notamment dans le cadre du programme de sous-marins Barracuda. Celui des frégates multimissions avait nécessité d'engager 4 milliards d'euros en 2005. Quant au contrôleur financier, il reste très présent : toute modification sur les opérations de plus de 15 millions d'euros est soumise à son visa et il a la capacité d'interrompre à tout moment l'exécution d'un crédit. Rien de ce point de vue n'a changé, en tout cas au niveau de l'état-major des armées.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a ajouté qu'il en était de même à la DGA. Il serait en l'état actuel des choses parfaitement possible d'engager 10,5 milliards d'euros. La régulation viendra soit des autorisations d'engagement disponibles, soit de la norme de dépense - auquel cas l'effet sera immédiat : la commande n'aura pas lieu si l'argent n'est pas là. En théorie, les objectifs du DGA sont de 10,5 milliards ; en fait, ce sera inférieur.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a rappelé que toute limitation de la consommation des CP par le jeu de la norme de dépense contraignait, par effet mécanique, à réduire également une partie des engagements, ne serait-ce que parce que ceux-ci génèrent immédiatement des crédits de paiement.

M. François Cornut-Gentille, Rapporteur spécial, a demandé pourquoi la réalisation des programmes fait apparaître un retard pour l'armée de l'air. Si les deux objectifs du programme 146 sont indubitablement des indicateurs de l'action de la DGA, peut-on dire qu'ils rendent compte de celle du CEMA ? Peut-on les considérer comme réellement pertinents, alors qu'ils mélangent des petits programmes et d'autres pesant plusieurs milliards ?

Le général Thierry Cambournac a expliqué que le nombre de jalons utilisés pour mesurer la performance en 2005 ayant été de 14 pour l'armée de l'air contre 22 et 23 dans les deux autres armées, un jalon non passé y pèse fatalement plus lourd, d'où un effet de déformation, mathématique.

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a précisé qu'un indicateur de livraison financière est actuellement mis à l'épreuve, mais il a le défaut de ne retracer que la fin du processus. Trouver l'indicateur idéal est un exercice difficile, et sans cesse améliorable.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a admis qu'il n'était pas simple d'évaluer la permanence du CEMA pour ce qui touche au programme 146, alors qu'il est beaucoup plus aisé de l'évaluer chaque jour sur les théâtres d'opérations. La question se pose d'abord de savoir si les besoins capacitaires sont correctement spécifiés - revenir à plusieurs reprises sur des spécifications n'est généralement pas bon signe, à moins que les conditions d'engagement aient changé, en Afghanistan par exemple, et amènent à modifier les programmes en conséquence -, ensuite de s'assurer de la capacité de l'industrie française et européenne à faire face aux besoins ainsi exprimés. Cela dit, l'évaluation des performances du CEMA et de son équipe porte avant tout sur la pertinence des choix capacitaires opérés au moment des arbitrages ; or, celle-ci ne se révèle que sur le long terme. Il a fallu attendre 1939 pour s'apercevoir que les choix de Gamelin en 1936 avaient été mauvais...

M. Charles de Courson a constaté que la « fiche programme », c'est-à-dire la définition du besoin exprimé, pouvait être un indicateur d'autant plus intéressant qu'elle est désormais accompagnée d'un besoin estimé, en retraçant l'évolution « longitudinale » - et non plus année après année - du programme : respect des enveloppes, nombre des redéfinitions et des avenants introduits en conséquence, incidence des éventuels étalements de paiement, etc.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a convenu que, jusqu'à présent, aucun programme n'a fait l'objet d'une évaluation de son coût global par rapport aux prévisions initiales. En cas d'étalement excessif, il devient très difficile de savoir à qui imputer les surcoûts. Une des principales difficultés pour la DGA tient à l'insertion de plus en plus fréquente de composants électroniques ou informatiques sophistiqués, qui entraîne un vieillissement accéléré des équipements. Près du tiers de nos avions de combats sont ainsi en cours de traitement du fait de leur obsolescence et les systèmes de commandement doivent être renouvelés tous les deux ou trois ans. Dès lors, l'estimation du coût d'un programme au départ devient une affaire de plus en plus difficile, tout comme l'évaluation des incidences des éventuelles erreurs d'appréciation dont le CEMA serait à l'origine.

M. Michel Bouvard, Président, a rappelé que, quelles que soient les conséquences de la LOLF en termes d'émiettement des programmes, la loi de programmation militaire reste un élément important dans l'information du Parlement sur la mise en œuvre des crédits de la défense. Or, à croire la Cour des comptes, aucun rapport annuel d'exécution n'a été produit depuis 2003. On peut également s'interroger sur certaines affectations au titre de programmes qui sembleraient plutôt relever du programme 146 : ainsi en est-il des actions « environnement et prospective de la politique de défense », qui ont reçu les crédits d'études, ou des actions « préparation et emploi des forces » qu'il n'aurait pas été absurde de retrouver dans le programme « Équipement des forces »...

Le découpage des BOP n'a donné lieu à pratiquement aucune répartition des personnels au niveau du programme 146. Faut-il réellement y voir une incapacité technique ? La mise en place de la LOLF a-t-elle incité à moderniser la gestion des ressources humaines de la DGA ? Certains BOP sont regroupés autour d'un même responsable, contrairement à ce que laisserait penser la logique du système. Cette organisation a-t-elle vocation à se pérenniser, en contradiction avec l'esprit de la loi organique ?

Enfin, l'émergence de la LOLF a-t-elle amené le ministère et singulièrement la DGA à remanier leurs méthodes en matière de contrôle de gestion ? Sera-t-il réellement possible de renseigner les indicateurs qui figurent dans le PAP 2006 ? Est-il exact, comme le mentionne le rapport de la Cour des comptes, que certains indicateurs ne pourront pas être renseignés avant la mise en place de CHORUS, laquelle n'interviendra pas avant 2009 ?

M. François Lureau, Délégué général pour l'armement, a assuré que la DGA tire elle aussi les conséquences de la LOLF. Les dix BOP auront chacun un responsable d'ici à quelques jours, ce qui mettra fin à une répartition transitoire héritée de l'ancienne organisation de la DGA en cinq services. Cette nouvelle organisation, d'ores et déjà opérationnelle, sera définitivement formalisée dans les deux à trois mois qui viennent.

Le contrôle de gestion fonctionnait tout à fait correctement ; les coûts de la DGA ont été décomposés entre les principaux programmes - 146, 144, 178 et 212 - et chaque BOP pertinent identifié. Le tableau de bord ainsi remanié correspond strictement à la LOLF.

Au-delà de la répartition des effectifs par BOP, la question qui se pose est celle des coûts de la DGA par paquet de programmes ou par BOP : elle n'a pas encore trouvé réponse, l'administration ne disposant pas encore des outils de comptabilité analytique couramment utilisés dans l'industrie. Un prototype a été mis au point, mais un gros travail reste à faire pour cerner exactement les coûts de la DGA par paquet de programmes ou par BOP avant de les comparer à ceux de ses homologues étrangers. Sont néanmoins d'ores et déjà connus les coûts d'intervention de la DGA hors pensions, qui baissent ou restent constants, ce qui traduit une amélioration significative de la productivité. Encore conviendra-t-il de les répartir par programmes et d'intégrer le montant des pensions.

Le CHORUS que connaît la DGA est un système de gestion des ressources humaines qui fonctionne d'ores et déjà tout à fait convenablement sur 73 programmes identifiés. Il ne pose aucun souci particulier. Pour ce qui est de la disparition, réelle ou supposée, du rapport annuel d'exécution de la loi de programmation militaire, le fait est que le DGA présente le sujet tous les trois mois devant la commission de la Défense. L'Assemblée nationale en a donc un compte rendu régulier.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a ajouté que rien n'interdit d'assurer la même prestation devant la commission des Finances. Au demeurant, la Cour des comptes produit elle-même un rapport annuel.

M. Michel Bouvard, Président, a précisé que c'est précisément dans ce rapport que la Cour se plaint de manquer d'éléments d'appréciation.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a convenu que les études amont notamment étaient imputées au programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». L'imputation des actions de maintien en condition opérationnelle au programme 178 « préparation et emploi des forces » et non dans le programme 146 s'explique le souci de protéger ces crédits contre tout risque d'amputation à l'occasion d'éventuels arbitrages, comme cela a été souvent le cas par le passé. À cela s'ajoute le fait que le maintien en conditions opérationnelles est directement lié à l'emploi des forces et reste, en dépit de la création de la SIMMAD pour le matériel aéronautique, encore très largement lié à l'organisation propre de chaque armée disposant chacun de services propres. Personne ne peut nier le lien très étroit qui existe entre le maintien en condition opérationnelle et les opérations d'armement, à tel point que la DGA s'efforce désormais d'inclure une partie du maintien en condition opérationnelle dans la négociation des contrats.

M. Michel Bouvard, Président, a rappelé que les OPEX sont historiquement sous-dotées, même si un effort modeste avait été accompli depuis quelques années. Qui plus est, un prélèvement a été effectué sur les OPEX pour abonder la participation du ministère de défense au plan Banlieues... Peut-on évaluer les besoins à satisfaire d'ici à la fin de l'exercice par rapport aux crédits déjà inscrits ?

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a prévenu qu'une forte incertitude était liée à l'intervention de l'Union européenne au Congo : son coût restera limité tant que les troupes françaises resteront au Gabon, mais il pourrait considérablement s'élever si elles sont amenées à intervenir sur place. En tout état de cause, le coût des OPEX devrait avoisiner 650 millions d'euros ; 175 millions d'euros seulement ayant été inscrits, il faudra trouver 475 millions supplémentaires.

M. Charles de Courson a fait observer que d'autres chapitres pouvaient avoir sensiblement augmenté : ainsi le coût des carburants, même si le service des essences n'a pas si mal géré ses approvisionnements. Tout le monde s'était accordé sur la nécessité d'affecter au moins 300 à 350 millions d'euros supplémentaires aux OPEX ; à cause du plan Banlieues, il en faut désormais 475, que l'on dégagera, comme à l'ordinaire, par redéploiement au détriment du programme 146 - sans compter les évolutions qu'auront pu connaître d'autres chapitres.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a confié qu'il ne devrait pas y avoir d'autres surcoûts prévisibles en dehors des OPEX et des carburants - entre 100 et 130 millions d'euros - si les cours se maintiennent au niveau actuel. La masse salariale sera maîtrisée. Toutefois, les réserves du service des essences des armées ont été totalement reconstituées : il reste une certaine marge, sans toucher aux stocks stratégiques.

M. Charles de Courson en a déduit qu'il faudrait redéployer environ 600 millions d'euros, soit la différence entre ce qui a été inscrit au titre des équipements et ce qu'il sera possible de lancer, dans l'hypothèse d'un déblocage de crédits en septembre.

Le général Henri Bentegeat, Chef d'état-major des armées, a estimé que les besoins pourraient être inférieurs, compte tenu de la reconstitution des stocks de carburant. Pour les OPEX en revanche, le problème demeure entier.

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Puis la Commission a examiné un rapport spécial sur l'exécution 2005 des crédits correspondant au programme « Équipement des forces » (M. François Cornut-Gentille, Rapporteur spécial).

Après avoir rappelé que la matière du rapport avait été largement évoquée au cours de l'audition, M. François Cornut-Gentille, Rapporteur spécial, a souligné que l'application d'une « norme de dépenses » rend l'exécution du budget de la mission « Défense » difficile. Il convient de réfléchir aux moyens qui permettraient de faciliter la gestion de ces crédits. En ce qui concerne la budgétisation des opérations extérieures, des progrès significatifs ont été accomplis. Un effort de clarté similaire doit être entrepris sur l'application de la « norme de dépenses ».

En ce qui concerne la mesure de la performance, les indicateurs, qui agrègent des programmes d'armement de taille et d'importance très différentes, ne sont pas toujours pertinents. Il conviendrait peut-être de les fonder sur une approche plus financière.

M. Michel Bouvard, Président, a souligné que le problème de la pertinence des indicateurs concerne un grand nombre d'autres programmes. Cependant, inventer des indicateurs plus séduisants n'est pas une fin en soi : il faut que les ministères disposent des éléments pour les renseigner. Par ailleurs, il est tout à fait étonnant que l'on puisse considérer qu'une audition devant la commission de la Défense satisfasse une obligation législative de déposer un rapport annuel sur l'exécution de la loi de programmation militaire.

M. Louis Giscard d'Estaing a souhaité que des réunions de travail conjointes avec la commission de la Défense soient organisées. On pourrait même imaginer qu'en matière budgétaire une commission élargie examine les crédits de la mission « Défense ».

M. Michel Bouvard, Président, a convenu que des réunions conjointes avec la commission de la Défense pourraient être envisagées. Il convient également que la commission des Finances identifie, au sein du budget de l'État, quelques programmes « sensibles » auxquels elle s'intéresserait plus particulièrement, à l'image de l'identification par les préfets de BOP « à enjeux ».

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a indiqué que le suivi de l'exécution des crédits est souvent perçu comme une tâche ingrate par les autres commissions, qui ne s'investissent guère dans la loi de règlement, de sorte que peu de leurs membres participent aux réunions de la commission des Finances. Celle-ci doit compter avant tout sur ses propres forces. Le principal enjeu de la gestion du budget de la Défense réside dans le montant des reports de crédits. Sur les 5 milliards d'euros de crédits reportés sur l'exécution 2006 pour l'ensemble du budget de l'État, 2 milliards d'euros concernent la seule Défense.

M. Michel Bouvard, Président, a souligné que ces reports de crédits concernent essentiellement le programme « Équipement des forces ».

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, s'est interrogé sur le financement des opérations extérieures en 2006. En effet, il est envisagé que le montant des crédits de report consommés en 2006 comprenne le besoin supplémentaire destiné à ce financement.

M. Michel Bouvard, Président, a répondu qu'à l'évidence, cette question n'est pas tranchée.

La Commission a ensuite autorisé la publication du rapport spécial.

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