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COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 67

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 13 juin 2006
(Séance de 10 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président,
puis de M. Michel Bouvard, Vice-Président.

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Philippe Séguin, Premier Président de la Cour des comptes, préliminaire au débat d'orientation budgétaire

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- Examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005 (n° 3109) (M. Gilles Carrez, Rapporteur général)

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- Examen d'un rapport spécial sur l'exécution 2005 des crédits « ville et logement » (MM. François Grosdidier, Rapporteur spécial)

19

- Informations relatives à la Commission

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La Commission des finances a tout d'abord procédé à l'audition de M. Philippe Séguin, Premier Président de la Cour des comptes, sur le débat d'orientation budgétaire.

M. Philippe Séguin, Premier Président de la Cour des comptes, a indiqué que le premier rapport préliminaire au débat d'orientation budgétaire date d'il y a 10 ans. Entre temps, cet exercice a reçu une assise législative, avec l'article 58 - 3 de la LOLF, et le calendrier budgétaire présente une plus grande cohérence, exigeant le vote de la loi de règlement avant la discussion du prochain projet de loi de finances. La Cour a elle-même adapté son travail en conséquence. Jusqu'à l'an dernier le rapport dit préliminaire était, de fait, préliminaire au rapport sur l'exécution budgétaire, qui venait bien plus tard. Ce rapport s'inscrit cette année dans une logique plus satisfaisante. Les rapports sur les résultats et la gestion budgétaire et le rapport sur les comptes ont été publiés fin mai au moment du dépôt du projet de loi de règlement.

Dégagé de l'examen de l'exécution budgétaire de l'État, le rapport préliminaire a donc vocation à changer de nature. Il avait déjà entamé sa mue l'an dernier, première année où il a été rendu public. Il poursuit sa transformation cette année sous un nouvel intitulé qui traduit son objectif puisque l'on parle désormais d'un rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. L'ambition est de fournir annuellement une analyse globale et approfondie des finances de l'État, de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales, et de les mettre en perspective pour dire d'où l'on vient et où l'on va. Il va de soi que ce rapport n'est pas le simple commentaire des chiffres du Gouvernement ou de l'INSEE, mais il analysera les chiffres corrigés en tant que de besoin à la lumière de différents contrôles.

Cet exercice a vocation à se substituer aux audits, réalisés notamment à l'occasion des changements de Gouvernement. Ce fut le cas en 1981, en 1986, en 1993, en 1997, en 2002... Désormais, la Cour publiera donc un audit annuel des finances publiques, ce qui rendra, normalement, ce type d'exercice superfétatoire.

Dans son rapport sur les résultats et l'exécution budgétaire, la Cour constate qu'un effort considérable a été effectué par l'ensemble des ministères pour mettre en œuvre la LOLF. Si certains retards peuvent être observés dans le démarrage de la gestion 2006, le nouveau cadre est effectivement en place et la procédure budgétaire a été réformée. Deux difficultés restent cependant à résoudre. Ce sont en particulier des questions d'adéquation entre les structures administratives et la nouvelle logique qui organise le budget par finalités ou l'affirmation du rôle central du responsable de programme et la définition de ses leviers d'action. Par ailleurs, les outils sont encore à parfaire, notamment pour la mesure de la performance. Les autres chantiers de la réforme que sont la gestion des ressources humaines, le contrôle de gestion et la mise en place d'outils d'analyse des coûts des actions de l'État sont encore peu avancés. Enfin, le sujet central des systèmes d'information reste une hypothèque très sérieuse sur l'avenir. Comme chaque année, ont été examinées l'exécution des recettes et des dépenses de 2005. Il a surtout été relevé que des incertitudes persistent sur certaines règles, sur la distinction entre dépenses budgétaires et dépenses de trésorerie, concernant notamment la reprise de dette du FFIPSA, ou les versements faits à la CADES, ainsi que sur le traitement de certaines opérations de fin d'exercice. Aussi longtemps que les règles n'auront pas été précisées, on assistera à des opérations qui nuisent à la transparence des résultats, ce qui est discutable s'agissant de la qualité des informations qui sont dues au Parlement.

Le rapport sur les comptes, a, quant à lui, été très peu commenté par la presse. Il marque pourtant des avancées. Au regard du référentiel qui leur était applicable, les comptes de 2005 présentent quelques anomalies. Mais la Cour s'est surtout attachée à montrer en quoi ces comptes sont éloignés de ce qu'ils devront être dès l'année prochaine, en application du nouveau référentiel comptable. La Cour a ainsi fait une cinquantaine d'observations d'audit correspondant à plusieurs dizaines milliards d'euros qui, pour beaucoup, pourront être prises en compte dès le bilan d'ouverture de 2006. Le rapport montre qu'un certain nombre de risques devraient être corrigés pour que la Cour, le moment venu, puisse certifier les comptes de l'État : carences dans le recensement et l'estimation des actifs de l'État, risques inhérents aux systèmes d'information, provisionnement insuffisant de certaines charges et de certains risques, lacunes dans le recensement et l'évaluation des engagements hors bilan et des charges à payer, comptabilisation non exhaustive des dettes et créances de l'État avec des tiers, notamment avec d'autres administrations publiques comme la Sécurité sociale.

Pour assurer la mise en œuvre de la réforme et la certification des comptes, l'administration a déjà accompli un travail lourd. La Cour a relevé les progrès enregistrés : installation de départements comptables dans les ministères, rédaction des instructions comptables, début du déploiement du contrôle interne comptable dans les services... Mais le travail qui reste à réaliser est au moins aussi important et c'est pour l'accompagner que sont formulées un ensemble de recommandations pour qu'un vrai big bang, transformant profondément les comptes ait lieu dès le bilan d'ouverture au premier janvier 2006 et dans les comptes de 2006. C'est une condition pour que l'État dispose le plus rapidement possible de cet outil de pilotage qu'est une comptabilité générale en droits constatés, laquelle doit apporter un éclairage déterminant sur l'évolution des finances de l'État.

Le rapport préliminaire au DOB concerne les finances publiques dans leur ensemble et non plus seulement celles de l'État. Les constats peuvent paraître connus : des déficits systématiques chaque année depuis 25 ans. En 2002, la France était même sortie des normes fixées au niveau européen ; le déficit avait dérapé pour atteindre 3,2 % contre 1,5 % l'année précédente. Une procédure pour « déficit excessif » a été ainsi engagée au niveau européen. Le déficit s'est encore aggravé en 2003 jusqu'à atteindre 4,2 % du PIB. En 2004, malgré une timide amélioration avec un déficit de 3,7%, la situation reste détériorée. En 2005, la France revient enfin dans les normes européennes avec un déficit de 2,9 %. Ce chiffre n'est nullement contesté mais il est de la responsabilité de la Cour d'en analyser les composants. Ont en effet été comptabilisées en recettes des ressources exceptionnelles d'un montant lui-même exceptionnel représentant près de 0,6 point de PIB. Tous les pays enregistrent des recettes exceptionnelles, mais la moyenne européenne n'est que de 0,2 point. En France, sans les recettes exceptionnelles, le déficit aurait été de 3,5 %. Le solde affiché est tout à fait régulier, il respecte le critère de Maastricht et la comptabilisation de recettes exceptionnelles est régulière ; mais dès lors qu'il s'agit de recettes non reconductibles, les améliorations apparentes sont quasiment réduites à néant. La machine à produire du déficit risque de continuer à fonctionner.

Ce déficit « maastrichtien » est celui de l'ensemble des administrations publiques : État, Sécurité sociale et collectivités territoriales. Mais c'est le déficit de l'État qui pèse le plus lourd : il est en effet de 43,5 milliards d'euros. Cela représente près de deux mois de dépenses de l'État. Pour parler prosaïquement, dès le début novembre, toutes les recettes de l'État ont déjà été utilisées. S'agissant du déficit de l'État, la Cour a signalé, à l'occasion du rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État, un risque d'insincérité. Était évoquée une opération de fin d'exercice de plus de 4 milliards d'euros entre l'État et l'ACOFA, opération formellement régulière au regard du décret de 1986 qui encadre ce type de flux financiers. Mais la Cour a souligné que le décret en question n'était plus compatible avec le principe de sincérité affirmé par la LOLF et a donc recommandé la révision du décret en cause. Il ne s'agissait évidemment pas de formuler un jugement d'ordre moral mais d'utiliser le terme approprié et en matière comptable.

Les collectivités territoriales et les administrations de Sécurité sociale sont désormais également déficitaires, depuis 2004 pour les premières, et depuis 2002 pour les secondes. Les quatre branches de la Sécurité sociale sont simultanément déficitaires cette année ce qui constitue une triste première ; et pour ce qui concerne la branche maladie et la branche retraite, les perspectives d'amélioration, conformément aux craintes exprimées par la Cour en septembre dernier, ne sont pas bonnes. Si l'on inclut le FSV, le déficit de la Sécurité sociale reste même à son plus haut niveau historique.

La raison de tous ces déficits est très simple : les dépenses publiques continuent à progresser rapidement. En 2005, les dépenses ont progressé plus vite qu'en 2004 et toujours plus rapidement que le PIB. La part des dépenses publiques dans le PIB ne cesse ainsi d'augmenter depuis 2001 et dépasse désormais toutes les moyennes des pays comparables, notamment celles constatées en Norvège, en Finlande ou au Danemark et se rapproche du ratio le plus élevé, celui constaté en Suède. Encore faut-il souligner qu'en Suède ce ratio tend à diminuer.

Les recettes ont, certes, augmenté rapidement en 2005, mais cette croissance a été absorbée en quasi-totalité par l'augmentation des dépenses et le déficit n'a ainsi été que très partiellement réduit. Et la tendance en 2006 pourrait s'aggraver pour l'État puisque l'objectif de déficit fixé en loi de finances est supérieur à celui de 2005 et qu'il est également construit sur une prévision de recettes exceptionnelles très élevées. L'endettement s'alourdit un peu plus encore en 2005 pour passer de 1.067 milliards d'euros à 1.138 milliards d'euros, soit 66,8 % du PIB, presque 7 points au-dessus du critère de Maastricht. Et encore, hors critères de Maastricht, faudrait-il compter la dette des entreprises publiques dont l'État assure le remboursement, notamment la dette ferroviaire, qui s'élève à plus de 20 milliards d'euros.

La dette a été multipliée par 5 en 20 ans. Et cette aggravation s'est accélérée et s'est généralisée à l'ensemble des administrations publiques. La dette de l'État représente à elle seule 989 milliards d'euros, soit 52,3% du PIB, voire plus si on compte les dettes des entreprises publiques. La dette des administrations de Sécurité sociale est certes encore bien inférieure, mais elle augmente de façon spectaculaire : elle a été multipliée par 10 depuis 1990, alors qu'elle sert à financer des dépenses de prestations, donc des dépenses courantes.

Ce n'est pas l'analyse des expériences étrangères qui peut rassurer. Ce qui frappe c'est que la situation de la France s'aggrave alors que celle de ses voisins, ainsi que celle de la moyenne des pays de l'OCDE s'améliore. Le déficit est, hors mesures exceptionnelles, parmi les plus élevés de l'Union européenne. Nous sommes au-dessus de la moyenne européenne, et nous nous en éloignons dans le mauvais sens. Il faut rappeler que six de nos douze partenaires de la zone Euro sont en excédent budgétaire.

Quant à la dette, son évolution en France fait figure d'exception face au désendettement constaté dans la plupart des États comparables de l'Union européenne et de l'OCDE. Le ratio d'endettement est plus fort que celui des États-Unis, ou de tous les pays de l'OCDE à l'exception de 4 d'entre eux : l'Italie, la Grèce, le Japon et la Belgique. La question centrale est donc de savoir pourquoi l'on ne peut pas continuer comme cela et que faire devant cette situation. Il faut d'abord s'interroger sur l'origine du mal. On pourrait penser que notre situation provient d'éléments que nous ne maîtriserions pas. Pourtant la réalité est autre. Le risque est bien une sorte de laisser-aller, d'acceptation des déficits et de l'endettement.

Le problème est d'abord l'absence de politique budgétaire à moyen terme. L'opportunité de baisser les impôts devrait être appréciée par exemple à l'aune du niveau d'endettement. La Cour met notamment l'accent sur les dépenses fiscales. Le financement de certaines politiques publiques est assuré, en lieu et place de dépenses budgétaires, sous la forme d'exonérations d'impôts. C'est ce qu'on appelle des « dépenses fiscales » par opposition aux dépenses budgétaires. En 2005, alors que les dépenses budgétaires ont augmenté de 6 milliards d'euros, les dépenses fiscales se sont accrues de 3 milliards d'euros, constituant un élément majeur de l'évolution des finances publiques.

Le problème est surtout l'absence de maîtrise des dépenses. Le Gouvernement a fixé un objectif de croissance zéro en volume, ce qui signifie que les dépenses n'augmentent qu'à hauteur de l'inflation. L'objectif semble atteint, mais on a laissé échapper de son périmètre plusieurs dépenses budgétaires et certaines dépenses particulièrement dynamiques comme les dépenses fiscales, ainsi que les prélèvements sur recettes. Ainsi, une bonne part des dotations versées aux collectivités locales qui étaient considérées comme des charges budgétaires ont été transformées en prélèvements sur recettes et sortent du périmètre des dépenses et de la norme de croissance zéro. La dépense est sous-estimée pour cette raison, mais également parce qu'elle ne prend pas en compte des charges à payer, dont le paiement est repoussé à l'exercice suivant.

Les Gouvernements successifs affichent des programmes censés encadrer l'évolution des finances publiques. Mais aucun des quatre programmes pluriannuels établis entre décembre 2001 et décembre 2004 et notifiés à la Commission européenne n'a été exécuté conformément aux prévisions. Ils se sont tous traduits par des résultats très en retrait des ambitions affichées, la résorption du déficit se trouvant différée année après année, en raison d'hypothèses économiques et budgétaires qui se sont avérées insuffisamment réalistes et de l'absence de maîtrise des dépenses publiques.

Du point de vue de la théorie économique, l'emprunt peut être profitable, sous réserve de bien préciser que le recours à l'emprunt, qui est l'étalement du financement d'une dépense sur le futur, paraît trouver notamment sa justification quand il finance des investissements également productifs dans la durée, qui nourriront la croissance. Mais en France, nous sommes éloignés de cette logique vertueuse, puisque nous nous endettons pour financer des dépenses courantes : des dépenses de fonctionnement, des transferts sociaux, sans oublier les charges d'intérêt de nos emprunts précédents. L'investissement public diminue et ne représente plus que 6% des dépenses publiques. Les charges d'intérêt quant à elles représentent déjà plus de 40 milliards d'euros et constituent ainsi le troisième poste de dépenses de l'État, après les dépenses fiscales et l'enseignement scolaire. Il faut donc s'endetter un peu plus pour couvrir ces charges d'intérêt provoquant un effet boule de neige : l'endettement s'alourdit spontanément et de plus en plus rapidement. Les crédits consacrés aux intérêts de la dette sont autant de ressources non utilisées pour l'école, la santé, la défense... Avec un tel niveau d'endettement, on ne finance pas l'avenir. La situation pourrait se dégrader encore un peu plus et ce très rapidement sous l'effet de la remontée des taux d'intérêt qui ont déjà augmenté de près d'un point depuis septembre dernier. Cette remontée aura un coût de 3,4 milliards d'euros dès la deuxième année ce qui représenterait 0,2 point de PIB et pourrait engendrer un surcoût de près de 10 milliards d'euros à l'horizon de quelques années.

Le plus lourd en termes de charges est à venir : il ne faut pas oublier en effet les engagements implicites qui ne pèsent pas pour l'instant sur les finances publiques mais qui demain, pèseront lourdement, qu'il s'agisse des pensions, ou de la dégradation prévisible des rapports démographiques des régimes de Sécurité sociale. Le programme présenté par le Gouvernement pour les années 2007-2009 est ainsi ambitieux mais il reste à réunir les conditions de sa faisabilité : il repose sur des hypothèses macroéconomiques très favorables et il annonce « un effort sans précédent d'économies et de redéploiements » de dépenses, qui devrait prendre la forme de « réformes structurelles d'ampleur ». Cependant, aucune précision n'est apportée à ce stade ni sur la nature, ni sur le contenu, ni sur le calendrier des mesures envisagées.

Le rôle de la Cour n'est pas de se substituer au pouvoir politique dans la décision budgétaire. Les recommandations formulées le sont dans le cadre des objectifs et principes fixés par les responsables publics. Il existe des voies sans issue. L'une d'entre elles consisterait à continuer à vendre des actifs c'est-à-dire des immeubles, des équipements productifs ou des actifs incorporels pour éponger un peu de la dette par exemple. C'est pourtant ce que fait l'État depuis plusieurs années et la richesse des administrations publiques ne cesse de baisser depuis 1980. La valeur nette du patrimoine public, mesurée par les comptes nationaux de patrimoine établis par l'INSEE, a baissé continûment de 1980 à 1997, passant de 60,3 % à 13,9 % du PIB, soit une « destruction de valeur » pour reprendre les termes de l'INSEE, de 370 milliards d'euros, avant de se stabiliser de 1997 à 2000, puis de baisser de nouveau depuis lors. Selon une nouvelle série de l'INSEE sur la période 1994-2003, qui ne peut malheureusement être raccordée avec la précédente, la richesse nette des administrations publiques est tombée de 24,6 % du PIB en 1994 à 19,4 % à fin 2003. Quelles que soient les limites des données disponibles, la tendance est certaine. Il reste qu'on ne peut pas se contenter d'apprécier la situation financière sur la base de deux ratios rudimentaires : le déficit et la dette par rapport au PIB. Il faut mener une véritable analyse financière de l'État, comme on le fait pour les entreprises.

La cession d'actifs n'est pas une solution durable. Une autre voie, théoriquement possible, est difficile à envisager : celle de l'augmentation des prélèvements obligatoires. Est proposée dans le rapport une analyse en termes de « point mort ». Le point mort dans une entreprise est le niveau de chiffre d'affaire qui permet de couvrir l'ensemble des charges ; pour l'État, c'est le niveau de recettes, et notamment de prélèvements obligatoires, qui permet d'équilibrer l'ensemble des dépenses publiques y compris les charges d'intérêt. Le taux des prélèvements obligatoires, qui a déjà atteint 44,1 % du PIB en 2005, devrait être porté à 47,1 % du PIB pour équilibrer le total des dépenses publiques : ce serait trois points de PIB en plus, soit encore 50 milliards d'euros. Dans le contexte économique et financier actuel, et dans le cadre de la concurrence internationale -notamment fiscale-, une telle évolution semble difficilement envisageable.

Dans ces conditions, que faire ? Sur la méthode, il faut une stratégie budgétaire réaliste, crédible et suivie d'effets. Il faut, avant toute chose, définir des critères de bonne conduite budgétaire, au niveau national, en plus des critères européens. La norme de croissance zéro des dépenses est insuffisante. Il faudra, à tout le moins, inclure dans son périmètre les dépenses fiscales si on veut qu'elle ait un sens. C'est une des recommandations qui est faite par la Cour et sur laquelle le Ministère des finances a donné un accord de principe. Il faut ensuite un pacte interne, un code de bonne conduite. Cela n'existe pas en France alors que plusieurs de nos voisins ont déjà fixé, souvent sur la base d'un consensus, de véritables pactes de stabilité internes et les mettent en application. Ces pactes sont la base d'une discipline budgétaire qui se décline à tous les niveaux : État, collectivités territoriales et Sécurité sociale. En Allemagne, par exemple, l'endettement n'est désormais plus envisageable que pour financer l'investissement.

Il faut par ailleurs tirer parti de la LOLF. Elle apporte de multiples outils de maîtrise budgétaire : des règles d'affectation des surplus de recettes fiscales, une obligation de justification au premier euro des dépenses qui devrait conduire à une chasse à toutes les dépenses inutiles, une mesure des coûts par action et une mesure de la performance. Encore faut-il que les instruments soient en place et que les conséquences des analyses que permet la LOLF soient concrètement tirées. Il reste encore à mieux définir certaines règles en matière de comptabilité budgétaire, concernant notamment la définition de ce qui doit être inscrit en charge budgétaire et peser sur le déficit et ce qui peut n'être enregistré que comme simple opération de trésorerie, sans incidence sur le résultat. L'approche devra être à l'évidence plus restrictive que celle actuellement retenue. Sur le fond, il est évident qu'il faut maîtriser les dépenses. C'est un enjeu majeur et désormais urgent, car la situation actuelle est celle d'une spirale d'auto-alimentation de la dette et de diminution du patrimoine public. Il faut donc une action plus vigoureuse encore pour maîtriser les dépenses et les ajuster aux ressources disponibles. L'objectif est d'atteindre, si ce n'est un excédent, au moins un déficit plus limité qui permette de stopper l'effet « boule de neige ». On parle de « déficit stabilisant », et ce déficit est de 1,7 % du PIB. Pour l'atteindre, il faudrait réduire les dépenses d'environ 30 milliards d'euros. L'objectif n'est donc pas hors de portée.

Pour les dépenses de l'État, plusieurs opportunités sont à saisir et notamment le départ à la retraite de près de 45 % des effectifs de fonctionnaires d'ici 2015. Il ne s'agit pas de systématiquement réduire les effectifs ou d'appliquer une norme uniforme mais bien de mener une analyse plus fine, en fonction des missions et des besoins de chaque administration, et des possibilités de gains de productivité.

Les dépenses d'intervention représentent plus de la moitié des dépenses publiques. Un réexamen de beaucoup de régimes d'aide et de transfert serait souhaitable non pas pour remettre en cause le niveau de protection sociale, mais pour éviter ce qui est économiquement ou socialement inefficace, notamment certains dispositifs d'allègements de charges sociales, censés favoriser l'emploi et qui représentent plus de 20 milliards d'euros. La liste des recommandations pourrait être allongée, en particulier sur la nécessité de renforcer l'efficacité du recouvrement des recettes. Le fil directeur est précisément de traquer les dépenses inutiles, les gaspillages, les actions inefficientes et de remettre les finances publiques en perspective. Reste maintenant à les remettre sur les rails, ce qui est la compétence du politique.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a estimé que l'analyse de l'exécution du budget 2005 faite par le Premier Président était trop pessimiste, car cette exécution est plutôt exemplaire. Comme en témoignent les rapports qu'il a lui-même présentés, les éléments d'évolution de la dépense budgétaire ont été pris en compte en effectuant toujours les comparaisons à structure constante. L'enveloppe budgétaire a été respectée à l'euro près et ce, malgré des reports importants de 2004 sur 2005. De plus, le volume des reports de 2005 sur 2006 a été divisé par deux.

Nous avons bénéficié de la bonne tenue de la recette fiscale en 2005, ce qui peut d'ailleurs constituer un motif d'interrogation, dans la mesure où cette recette croît d'une année sur l'autre 1,7 fois plus vite que la croissance de notre économie. Si cette progression se conjuguait avec une hausse brutale des prélèvements obligatoires, on peut craindre une fiscalité excessive par rapport à la production économique.

Le déficit budgétaire a diminué, passant de 44 milliards d'euros à 43,5 milliards d'euros, alors qu'il s'établissait à 57 milliards d'euros en 2003. Il est souhaitable qu'il se situe en dessous de 43,5 milliards d'euros en exécution 2006. Tous ces efforts, réels, doivent être relevés, afin que notre discours garde sa crédibilité. Des divergences comptables ont été soulignées quant au montant du déficit, avec un chiffrage l'établissant à 49 milliards d'euros. Cette différence s'explique par trois éléments : la prise en charge par l'État depuis 1996 du remboursement de la dette de la CADES, qui vient s'inscrire en recette au budget général ; la décision politique de transférer les 2,5 milliards restants du déficit énorme accumulé par le BAPSA vers la dette de l'État, et enfin la prise en compte ou non du remboursement à l'État des avances accordées à l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA).

Pour l'avenir et dès 2007, il conviendrait de se doter de règles de bonne conduite budgétaire, car il est trop facile de se servir de Bruxelles comme d'un bouc émissaire. Le premier élément serait d'adopter la règle d'or selon laquelle le déficit ne doit pas excéder la dépense d'investissement ; si en vertu de cette règle on pouvait réduire le déficit budgétaire de 43 à 35 milliards d'euros, cela pourrait déjà être considéré comme l'entrée dans une zone de déficit stabilisant. Le second élément serait la pluriannualité. Elle permettrait d'éviter la progression du déficit, l'alourdissement de l'endettement et l'effet « boule de neige ».

Le rejet par le Premier président de la Cour, de la tentation de vendre les actifs de l'État pour combler le déficit, doit être approuvé : cela ne sert manifestement à rien lorsque l'on se trouve face à un déficit structurel comme celui de la Sécurité sociale. Une telle pratique n'a pas eu cours en 2005.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, a répondu que la Cour continuerait à critiquer le déficit budgétaire comme elle l'a fait depuis 1996. Pour ce qui concerne la reprise par le FFIPSA de la dette au titre du BAPSA, la décision prise a eu pour effet d'accroître la dette de l'État au lieu de payer et liquider ce déficit. Pour ce qui concerne l'ACOFA, il s'agit d'une dette permanente et non d'une avance remboursée en fin d'année.

La Cour des comptes considère que de façon générale, il convient de se préparer aux efforts qui seront à faire demain, et qui sont bien supérieurs à ceux qui ont été faits jusqu'à présent. Le recours à la pédagogie doit se poursuivre, et il est en effet regrettable qu'en dehors des Commissions des finances, on n'ait pas senti de sensibilité aux perspectives ouvertes par la LOLF, alors que l'un de ses enjeux est justement la prise en charge de ses implications par le politique. Des décisions doivent être prises et, au-delà du pessimisme ou du découragement que pourrait susciter le rapport de la Cour, il faut considérer que l'objectif de la croissance zéro reste à tenir.

M. Jean-Pierre Brard a souligné le talent du Premier président, aujourd'hui dans le rôle du médecin posant un diagnostic sévère mais juste. Les mesures prises par la majorité depuis plusieurs années s'apparentent davantage aux soins palliatifs qu'à la promesse de guérison, comme les cadeaux de mesures fiscales qui « plombent » le budget bien au-delà de ce qui existait en 2002. N'y a-t-il pas lieu d'augmenter certaines recettes fiscales qui ont été diminuées ou supprimées, aggravant par là la situation ? La coopération établie par la Commission des finances avec la Cour est certes bonne, mais il faudrait mettre à profit les analyses de cette dernière. L'écart entre recettes et dépenses ne fait que s'aggraver : il y a lieu de faire progresser les recettes, et cette progression n'entravera pas le développement économique. Il est vrai qu'il n'y a pas de vision sur l'évolution des recettes et que les dépenses sont sous-estimées depuis plusieurs années. Il convient d'adopter une thérapie conforme à l'intérêt national et non aux théories de l'actuelle majorité, en ajustant la ressource à la dépense, et non l'inverse, pour reprendre le chemin d'une croissance vertueuse.

M. Didier Migaud a estimé qu'il fallait savoir entendre le diagnostic de la Cour des comptes. Le constat qu'elle dresse n'est ni optimiste ni pessimiste, mais réaliste. La dégradation de la situation financière des administrations publiques est continue et inexorable et le fossé se creuse entre ce constat et le message que tentent d'envoyer le Gouvernement et le Rapporteur général, forcément gênés. Les trois rapports que remet désormais chaque année, au printemps, la Cour au Parlement, correspondent tout à fait à l'esprit de la LOLF. En particulier, le rapport préliminaire est un vrai audit annuel, conformément à ce que souhaitait la Commission des finances. Cet exercice permet de souligner l'intérêt qu'il y a à respecter dans le temps les normes que l'on se fixe, au lieu d'en inventer chaque année de nouvelles.

Dans l'analyse de la situation actuelle, l'Europe ne doit pas être un prétexte ou une excuse, mais les collectivités territoriales ne peuvent pas non plus être tenues pour seules responsables. En effet, la décentralisation et les transferts de charges qu'elle entraîne provoquent une augmentation des dépenses locales, même si les collectivités ont des efforts à faire en termes de dépenses de fonctionnement. L'impact des finances des administrations publiques locales est faible sur l'ensemble des finances publiques ; par conséquent, la Cour des comptes se trompe sans doute de cible.

Dans le débat relatif à la sincérité budgétaire, il est compréhensible que le Conseil constitutionnel ait quelque difficulté à établir une jurisprudence précise, dans la mesure où il lui faut examiner des prévisions par nature fragiles. En revanche, la notion devrait être beaucoup plus facile à cerner s'agissant de l'exécution budgétaire. À cet égard, la Cour des comptes mentionne à juste titre un certain nombre de progrès à effectuer dans la présentation des recettes et des dépenses et dans l'exécution budgétaire elle-même. Est-il possible d'aller au-delà en donnant une véritable définition de la sincérité ? Concernant l'évaluation de la performance, la Cour développe des analyses pertinentes. Il est vrai qu'il s'agit d'un exercice difficile ; les pays qui nous ont précédés dans cette voie ont éprouvé eux aussi des difficultés. Comment la Cour des comptes pourrait-elle aider les administrations à les surmonter ? Comment la Cour pourrait-elle, également, apporter son expertise et ses préconisations en matière de dépenses fiscales et de dépenses d'intervention, au-delà du juste constat qu'elle dresse dans son rapport.

Enfin, la Cour apporte au Parlement une aide très précieuse dans le suivi de la mise en œuvre de la LOLF, qui représente un travail considérable pour nos administrations. Il faut prendre garde aux mauvaises habitudes françaises qui consistent à recréer sans cesse de nouvelles rigidités. En particulier, le retard pris dans le déploiement des systèmes d'information nécessaires à la pleine entrée en vigueur de la LOLF est tout à fait préjudiciable ; comment accélérer ce déploiement ?

M. Philippe Auberger a salué le discours équilibré du Premier président Philippe Séguin. Des efforts incontestables, bien qu'insuffisants, ont été accomplis pour améliorer la situation de nos finances publiques. Dans la situation économique actuelle, ralentir la progression des dépenses publiques ne serait absolument pas de nature à freiner la croissance. Il est faux de prétendre que les dépenses publiques soutiennent ou accélèrent en elles-mêmes la croissance du PIB. Force est de constater que la LOLF souffre d'un certain nombre de défauts présents dès l'origine, qui n'ont jamais été résolus. En premier lieu, la règle élémentaire de bonne gestion selon laquelle l'endettement ne doit servir qu'à couvrir les dépenses d'investissement, sauf conjoncture économique exceptionnelle, n'a pas été respectée. En deuxième lieu, il est indispensable de réserver aux lois de finances le monopole des dépenses fiscales. Il est regrettable que cette disposition n'ait pas été retenue par la LOLF. Enfin, il convient de ne pas généraliser les prélèvements sur recettes. C'est parce qu'on y recourt de façon trop importante que la décentralisation peut être considérée comme un échec sur le plan financier. Sur ces trois points, la Cour des comptes devrait plaider pour une révision de la LOLF. Le Premier président a cité le chiffre d'1,7 % du PIB comme ratio de déficit stabilisant l'endettement. Or, un rapport du Sénat l'avait chiffré à 2,4 %. Quant au rapport Pébereau, il ne mentionne aucun chiffre. Il serait souhaitable que la Cour définisse un « point mort » partagé, qui servirait de référence au Parlement. S'agissant des « astuces budgétaires » régulièrement utilisées par le Gouvernement, il est aujourd'hui question d'intégrer la trésorerie du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) au sein du budget de l'État.

M. Charles de Courson, remerciant la Cour pour la qualité de ses travaux, a estimé que le rapport préliminaire a le mérite de redresser la structure prétendument constante du budget de l'État. Il n'y a jamais eu de stabilisation des dépenses en volume ; elles ont au contraire crû de 4 % en un an. À partir du redressement opéré par la Cour, qui porte sur quelque 2 milliards d'euros, la progression des dépenses en valeur est déjà de 2,5 % et non d'1,8 %. Il faut, chaque année, raisonner selon une vraie structure constante, en dépenses brutes. En appliquant cette méthode, les dépenses de l'État et des ODAC progressent de 3,8 % et non d'1,8 % : la vérité est celle de la comptabilité nationale et non celle du budget. La Cour pourrait-elle, chaque année, effectuer un tel retraitement ? Par ailleurs, la Cour mentionne un certain nombre de reports de charges et cite l'explosion de ces reports concernant la Sécurité sociale, avec 5,5 milliards d'euros d'impayés au 31 décembre 2005. Elle cite également les défauts de paiement systématiques du ministère de la défense à partir du mois de novembre. Mais ne pourrait-on évaluer l'ensemble des autres reports de charges passés sous silence ? On sait par exemple qu'il en existe au ministère de la Culture, puisque les DRAC accumulent les dettes et affichent des retards de paiement de l'ordre de 6 à 7 mois. En outre, les imputations comptables discutables, sinon irrégulières, opérées au sein du budget de l'État, exigent, elles aussi, un redressement. Il en est ainsi de la reprise d'une partie de la dette du FFIPSA à hauteur de 2,5 milliards d'euros, qui pose manifestement un problème de sincérité budgétaire. Qu'adviendrait-il si l'opposition décidait de déférer, sur ce point, la loi de règlement au Conseil constitutionnel ? La même question vaut pour la CADES, dont on comptabilise un versement en recettes, alors qu'il n'y a jamais eu de dépenses correspondantes. La question vaut aussi pour la comptabilisation d'un remboursement de l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA), pour 4,2 milliards d'euros. Enfin, la technique des prélèvements sur recettes, tout comme celle des remboursements et dégrèvements d'impôts sont foncièrement trompeuses. Afficher la vérité des chiffres concernant les prélèvements sur recettes consisterait à faire passer leur montant de 62,3 à 64,4 milliards d'euros, la prime pour l'emploi de 1,9 à 2,1 milliards d'euros et les dégrèvements d'impôts locaux de 9,4 à 11,1 milliards d'euros. Au total, la hausse des dépenses de l'État en 2005 dépasse ainsi 4 % .

M. Michel Bouvard, saluant à son tour la qualité des travaux de la Cour, s'est associé à la question de Didier Migaud relative aux systèmes d'information : comment activer CHORUS et mettre en place une vraie coordination entre les différents acteurs de la chaîne de la dépense ? S'agissant des opérateurs de l'État, qui représentent, sur le plan budgétaire, des sommes considérables, notamment dans le domaine de la recherche, comment le Parlement pourrait-il mieux les contrôler ?

M. Philippe Séguin, Premier Président de la Cour des comptes, a apporté les réponses suivantes :

- la variation constatée dans les chiffrages successifs du déficit stabilisant la dette s'explique par la variation des taux d'intérêt. À l'heure actuelle, le déficit stabilisant représente bien 1,7 % du budget ;

- la question du rapatriement éventuel de la trésorerie du FRR n'est pas, à ce stade, du ressort de la Cour des comptes. Il est un fait cependant que ce fonds n'a pas été suffisamment doté ;

- les dépenses fiscales existent depuis longtemps et la sous-estimation des dépenses publiques est une constante depuis vingt ans au moins ;

la situation financière des collectivités territoriales n'a qu'un impact limité sur les soldes globaux. Mais une surveillance attentive est néanmoins nécessaire, car la progression des dépenses des collectivités est très forte ;

- il n'est pas certain que la LOLF souffre de manques, mais il est vrai qu'il existe des contradictions, entre la LOLF et des textes antérieurs qui demeurent applicables. Il conviendrait de mettre un terme à cette contradiction, ce qui permettrait de ne plus opposer régularité et sincérité ;

- il existe beaucoup de définitions de la sincérité. À terme, il y aura bien une définition commune, reposant sur deux idées : la négation de toute volonté de dissimulation et le souci de mettre le décideur en mesure d'assumer ses responsabilités en disposant de tous les éléments nécessaires à ses choix ;

- en matière d'évaluation de la performance, la Cour mènera un travail approfondi sur un certain nombre de programmes sélectionnés en commun accord avec la commission des Finances, et celle-ci pourra disposer dans quelques jours du rapport d'enquête qu'elle avait demandé sur les exonérations de cotisations sociales.

M. Christian Babusiaux, Président de la première chambre, a souligné qu'il est vain d'espérer des progrès très rapides des systèmes d'information. Ceux-ci ne seront tangibles qu'en 2008-2009. D'ici là, il faudra gérer le budget de l'État avec des systèmes d'information défaillants. Cependant, il existe de réelles marges de manœuvre pour améliorer l'organisation de l'État en matière de systèmes d'information. Pour éviter des déconvenues, des progrès rapides sont indispensables. En outre, si on constate quelques faiblesses dans la situation de certaines collectivités territoriales, il faut rappeler que la dette des collectivités territoriales a augmenté de 4,7 % alors que celle de l'État a augmenté de 5,9 % et celle des administrations de sécurité sociale de 10 %. Il convient donc de hiérarchiser les problèmes. Il importe de souligner que l'État a détruit 700 milliards d'euros de valeurs patrimoniales entre 1992 et 2005, alors que les collectivités locales, qui ne peuvent s'endetter que pour investir, ont vu leur passif augmenter de 350 milliards d'euros sur la même période. Ce constat peut constituer une limite à la politique de cession du patrimoine de l'État. On constate, enfin, une multiplication des opérateurs publics, qui pose un réel souci d'exhaustivité de la dépense. Si des progrès ont été accomplis, il est néanmoins indispensable d'avoir une liste complète des opérateurs et des dépenses fiscales pour connaître réellement la dépense associée à chaque programme.

*

* *

La Commission des finances, de l'économie générale et du plan a procédé, sur le rapport de M. Gilles Carrez, Rapporteur général, à l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005 (n° 3109).

Le Rapporteur général a rappelé les grandes lignes de l'exécution en 2005. Du côté des dépenses, la régulation budgétaire a été plus contraignante qu'en 2004, 7,5 milliards d'euros ayant été mis en réserve au lieu de 6,9 milliards en 2004. Une partie de ces crédits ont été « dégelés », d'autres ont servi de gages aux différents décrets d'avance (1,8 milliard d'euros) ou ont été simplement annulés (3 milliards d'euros par le décret n° 2005-1362 du 3 novembre 2005). En ajoutant les crédits annulés en loi de finances rectificative de fin d'année, 6,1 milliards d'euros de crédits ont été au total annulés sur le budget général en 2005 (contre 3,7 milliards d'euros en 2004). Le plafond des charges déterminé par la loi de finances initiale (288,5 milliards d'euros) a été diminué de 2,9 milliards au moment du collectif de fin d'année (alors qu'il avait été augmenté de 1,8 milliard d'euros en 2004). Cela a permis l'absorption de crédits de reports, passés de 9,7 milliards d'euros entrant en 2005 à 4,6 milliards d'euros entrant en 2006. Enfin, la dépense a été contenue. Elle n'a pas dépassé l'enveloppe qu'avait déterminée initialement le Parlement, soit 288,5 milliards d'euros pour le budget général. Elle a donc épousé le rythme de l'inflation, conformément au principe de « croissance zéro » en volume.

Du côté des recettes, en dépit d'une croissance plus faible qu'anticipé (1,2% contre 2,5%), les ressources de l'État se sont révélées robustes (+ 3,6% à périmètre constant), confortant les prévisions initiales (de 500 millions d'euros inférieures à l'exécution) établies à partir d'une base 2004 prudemment évaluée. Ainsi, avant impact des baisses d'impôts, on enregistre une plus-value spontanée de recettes fiscales de 11,9 milliards d'euros entre 2004 et 2005. Les recettes fiscales ont progressé 1,7 fois plus vite que l'économie. Ce phénomène de surréaction des impôts à la croissance, assez normal compte tenu de la reprise économique de 2004, sur laquelle sont assises 40% des recettes fiscales, surprend par son ampleur. À ces 11,9 milliards d'euros, il convient d'ajouter une plus-value de recettes non fiscales (2,5 milliards d'euros avec le doublement du prélèvement sur la COFACE, l'effet de rattrapage du produit des cessions du patrimoine immobilier de l'État, le versement exceptionnel de la Banque de France au titre du solde du passage à l'euro et le décalage de la perception de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat) exactement compensée par un accroissement (2,5 milliards d'euros) du prélèvement sur recettes au profit des Communautés européennes. Les marges de manœuvre ainsi dégagées ont été consacrées aux baisses d'impôt à hauteur de 1,8 milliard d'euros, au financement de la progression des charges à hauteur de 9,8 milliards d'euros et à la réduction du déficit à hauteur de 0,4 milliard d'euros.

Le déficit de l'État, en baisse de 0,4 milliard d'euros, s'établit à 43,5 milliards d'euros. Il s'avère donc inférieur à la prévision. Cependant, compte tenu de l'état des finances publiques, un tel déficit reste un mauvais résultat, d'autant plus que seule une trentaine de milliards d'euros sur ces 43,5 milliards servent à financer des dépenses d'investissement au sens large. Il y a là une différence fondamentale avec les collectivités territoriales qui ne peuvent emprunter pour financer des dépenses de fonctionnement. Il est donc impératif de ramener le plus tôt possible le déficit autour de 30 à 35 milliards d'euros.

Une croissance « normale » (c'est-à-dire égale à son potentiel de l'ordre de 2%) provoque automatiquement une hausse des recettes de 10 milliards d'euros. Une croissance de 3% apporte 10 milliards d'euros de plus. À l'inverse, une faible croissance réduit à néant ce « matelas » de ressources (0 en 2003, pour une croissance de 0,5%). Dès lors, il faut retenir cette référence pour construire le budget 2007 : une plus-value de recettes de 10 milliards d'euros entre 2006 et 2007. Comment peuvent être répartis ces 10 milliards d'euros ? Sont d'ores et déjà prévus 6,2 milliards d'euros de baisses d'impôts votées en 2006 : la réforme de l'impôt sur le revenu (3,6 milliards d'euros), le dégrèvement de taxe professionnelle pour investissements nouveaux (1,1 milliard d'euros), le « bouclier fiscal » (0,4 milliard d'euros) ou l'amélioration de la prime pour l'emploi (0,5 milliard d'euros). Il faut financer 1,2 milliard d'euros de progression des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales, en application des règles du contrat de croissance et de solidarité. Restent environ 2,6 milliards d'euros. La « nouvelle norme » de réduction en volume de 1 point autorise une dépense supplémentaire en 2007 de 2,2 milliards d'euros sur le budget général (là où l'application de la norme de stabilité en volume aurait autorisé 4,8 milliards d'euros). Pour deux tiers, ce montant est absorbé par l'évolution des dépenses de pensions (+ 1,2 milliard d'euros) et des charges de la dette (+ 0,2 milliard d'euros). La marge de progression restante est inférieure à 1 milliard d'euros. Pour toutes les autres dépenses, il faut donc procéder à une quasi-stabilisation en valeur, c'est-à-dire à une baisse des dépenses en euros constants. Et, même au prix de cet effort, l'amélioration structurelle du solde ne pourra qu'être très modérée (moins de 1 milliard d'euros). Cela donne la mesure du chemin à parcourir.

Article premier : Résultats généraux de l'exécution des lois de finances pour 2005 :

La Commission a examiné un amendement de suppression de l'article présenté par M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson s'est interrogé sur le rôle de la Commission lors de l'examen des projets de loi de règlement. La Cour des comptes a émis plusieurs critiques sur l'exécution du budget 2005. Mais si les députés veulent redresser le projet de loi de règlement d'un certain nombre de montants, peuvent-ils déposer un amendement pour modifier les comptes ? L'article 40 de la Constitution semble y faire obstacle.

Quant au règlement du budget 2005, le Gouvernement est incapable de tenir la dépense. Il s'acharne à cacher la croissance vraie des dépenses publiques. Les dépenses sont censées augmenter de 1,8% et alors qu'il ne s'agit pas d'une évolution à structure constante. À ce chiffre doivent être ajoutés les remboursements et dégrèvement d'impôts, les prélèvements en faveur des collectivités territoriales et de l'Union européenne : la progression est alors de 2,8%. Elle dépasse les 4% si l'on prend en compte les comptes spéciaux du Trésor. Selon les comptes nationaux, la croissance des dépenses de l'État est de 3% et celle des organismes divers d'administration centrale (ODAC) de 8%. Le projet de loi de règlement montre que le Gouvernement ne veut pas afficher la vérité des comptes.

S'agissant des recettes, la plus-value de 2,3 milliards d'euros s'explique par la mesure réformant le système d'acomptes d'impôt sur les sociétés et prévoyant le versement d'un acompte exceptionnel en 2005 pour certaines entreprises. Comment le Gouvernement peut-il estimer cette mesure à 300 millions d'euros de recettes supplémentaires, lors du débat au Parlement sur le projet de loi de finances rectificative pour 2005, alors que le chiffre réel est finalement de 2,3 milliards d'euros ? La croissance des recettes s'explique en fait par des recettes exceptionnelles.

Enfin, le présent amendement tend à supprimer cet article, car au-delà des évaluations en loi de finances rectificative du prélèvement de l'État sur la trésorerie de certains organismes, comme Natexis et la Coface, les montants prélevés peuvent par simple lettre du ministre des finances, être augmentés. En 2005, cela a été le cas d'environ 100 millions d'euros pour Natexis .

Le Rapporteur général a souligné le caractère récurrent de ces recettes. Les modalités d'augmentation du prélèvement de Natexis ne justifient par la suppression de l'article.

M. Charles de Courson a retiré l'amendement.

La Commission a adopté l'article premier sans modification.

Article 2 : Recettes du budget général :

La Commission a examiné un amendement de suppression de l'article présenté par M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson a souligné qu'un remboursement à l'État par l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA) a été rattaché à la gestion 2005 alors que ce remboursement s'est accompagné, le même jour, d'une nouvelle avance enregistrée en gestion 2006. L'opération d'emprunt puis de remboursement sur une durée d'une journée pour ne pas minorer le déficit de l'État n'est pas sérieuse. La Commission pourrait exprimer son mécontentement en supprimant l'article.

Le Rapporteur général a rejeté la suggestion d'augmenter artificiellement le déficit alors que les opérations avec l'ACOFA sont tributaires du calendrier de versement des fonds communautaires, c'est-à-dire, extérieures à la volonté du Gouvernement. Dans le cas présent, effectivement, ont eu lieu le même jour un remboursement d'une avance par l'ACOFA et une nouvelle avance de l'État à cette agence. Mais cela ne traduit aucune volonté de dissimulation. Plutôt qu'un tel amendement, il convient de réfléchir aux conditions de comptabilisation des dépenses et des recettes pendant la période complémentaire, ainsi que l'a souligné le Premier Président de la Cour des comptes, M. Philippe Séguin.

M. Charles de Courson a retiré l'amendement.

La Commission a adopté l'article 2 sans modification.

Article 3 : Dépenses ordinaires civiles du budget général :

La Commission a examiné un amendement de suppression de l'article présenté M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson s'est indigné du mode de prise en compte de la dette du fonds de financement de la protection sociale agricole (FFIPSA). Le BAPSA a été supprimé fin 2004. Son déficit accumulé s'élevait alors à 3,2 milliards d'euros. Au lieu d'être comptabilisé dans les comptes de l'État, ce déficit a été transmis au FFIPSA et il augmente de plus d'un milliard d'euros chaque année. Ce déficit a été repris pour 2,5 milliards d'euros par l'État au terme d'une opération de trésorerie. Il faut demander au Gouvernement de majorer le déficit de l'État à due concurrence. Il s'agit d'un amendement de sincérité face à une monstruosité comptable car, malheureusement, les amendements des parlementaires sur une telle question sont irrecevables.

Le Rapporteur général a rappelé que la Commission avait déjà débattu de cette question à plusieurs reprises. Depuis 2002, des efforts considérables ont été faits pour rééquilibrer le BAPSA. Cependant, un déficit du régime de la protection sociale agricole de l'ordre de 3 milliards d'euros est demeuré et, en loi de finances rectificative pour 2005, une partie a été transférée à l'État sous forme de reprise de dette. Celle-ci apparaît d'ailleurs dans le tableau de financement de l'État adopté en loi de finances pour 2006. Certes, cela n'est pas tout à fait satisfaisant mais le budget de l'État ne peut pas « subir » tous les déficits des satellites sociaux, comme, par exemple, le FFIPSA ou l'UNEDIC. L'État servirait alors uniquement à enregistrer des déficits. L'important est que cet engagement de l'État apparaisse dans son tableau de financement, en toute transparence. Il convient de ne pas revenir sur le choix parfaitement assumé il y a deux ans.

M. Michel Bouvard, Président, a rappelé que l'objectif prioritaire est d'endiguer le flot en faisant en sorte de ne pas continuer à alimenter la dette.

M. Charles de Courson a insisté sur le fait que le BAPSA constituait un budget annexe au budget de l'État, qui présentait des dépenses d'environ 18 milliards d'euros et un déficit de 1,8 milliard d'euros qui progressait chaque année. Il a également rappelé que la FNSEA avait quitté la table des négociations sur la réforme de la protection sociale agricole depuis plusieurs mois déjà. Il convient de ne plus attendre pour régler cette situation et de manifester le désaccord de la Commission.

M. Jean-Pierre Gorges a souhaité des précisions sur la procédure comptable utilisée.

Le Rapporteur général a rappelé que l'année dernière un amendement au projet de loi de règlement de 2004 sur le même sujet, déjà présenté par M. Charles de Courson, avait été rejeté par la Commission.

M. Charles de Courson a souligné que son amendement portait à l'époque sur 3,2 milliards d'euros. Depuis, près de 1,8 milliard de déficit annuel supplémentaire s'est accumulé.

Le Rapporteur général a rappelé que la dette avait ensuite été transférée à l'État, à hauteur de 2,5 milliards d'euros par l'article 117 de la loi de finances rectificative pour 2005 (n° 2005-1720 du 30 décembre 2005). Ce vote n'a pas à être remis en cause même s'il faut répondre au problème de l'avenir du système de protection sociale agricole, qu'il s'agisse d'une affectation des recettes ou d'une autre solution pérenne.

M. Charles de Courson a retiré l'amendement.

La Commission a adopté l'article 3 sans modification.

Article 4 : Dépenses civiles en capital du budget général :

La Commission a adopté l'article 4 sans modification.

Article 5 : Dépenses ordinaires militaires du budget général :

La Commission a adopté l'article 5 sans modification.

Article 6 : Dépenses militaires en capital du budget général :

La Commission a adopté l'article 6 sans modification.

Article 7 : Résultat du budget général de 2005 :

La Commission a examiné un amendement de suppression de l'article présenté par M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson a proposé de tirer les conséquences des appréciations portées par la Cour des Comptes s'agissant des dettes de l'État à l'égard de la Sécurité sociale, dettes s'élevant à près de 3 milliards d'euros. Soit l'on accepte que l'État puisse agir comme il l'entend, auquel cas il convient de renoncer au principe de sincérité de la loi de règlement, soit il faut s'opposer à la poursuite de ce phénomène, d'autant que des engagements contraires ont été pris, notamment le respect d'un calendrier.

Le Rapporteur général a rappelé que beaucoup a déjà été fait en la matière, par exemple lors du collectif de juillet 2002 avec l'ajout de 400 milliards d'euros en faveur de l'aide médicale d'État, puis de trois primes de Noël. Actuellement, les encours n'atteignent pas un niveau tel qu'ils posent un problème de sincérité, les montants en jeu étant bien connus. Il convient cependant d'appeler l'État à la vigilance pour les maintenir à un niveau raisonnable, le cas échéant en mettant en place des mécanismes de plafonnement des créances et des dettes. Ce problème se pose en effet dans les deux sens, comme le montre l'exemple de l'UNEDIC qui, aux termes de l'article 5 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, modifié par l'article 40 de la loi de finances pour 2003 (n° 2002-1575 du 30 décembre 2002), est débiteur de l'État pour 1,2 milliard d'euros.

M. Charles de Courson a retiré l'amendement.

La Commission a adopté l'article 7 sans modification.

Article 8 : Résultats des budgets annexes :

La Commission a adopté l'article 8 sans modification.

Article 9 : Comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2006 :

La Commission a adopté l'article 9 sans modification.

Article 10 : Comptes spéciaux clos au titre de l'année 2005 :

La Commission a adopté l'article 10 sans modification.

Article 11 : Pertes et profits sur emprunts et engagements de l'État :

La Commission a examiné un amendement de suppression de l'article présenté par M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson a souligné l'incohérence comptable du traitement en recettes non fiscales des versements de 3 milliards d'euros effectués par la CADES au titre du remboursement de la dette sociale reprise par l'État en 1993. Ce traitement en recettes non fiscales de l'exercice 2005, comme lors des exercices précédents, manifeste bien une incohérence comptable puisque la reprise du capital de la dette n'a pas été préalablement traitée comme une dépense budgétaire mais est alors directement venue majorer l'endettement public.

M. Philippe Rouault a souhaité un récapitulatif de l'ensemble de ces éléments et a suggéré de demander au Gouvernement un effort progressif à l'occasion d'un engagement pluriannuel.

Le Rapporteur général a rappelé l'ancienneté de la question du traitement comptable du remboursement de la dette sociale, datant de la prise en charge par l'État des déficits de 17 milliards d'euros accumulés par la Sécurité sociale lors de la crise du début des années 1980 et des premiers remboursements effectués par la CADES, à partir de 1996. Dès cette époque, le Conseil constitutionnel a qualifié cette reprise de dette d'opération de trésorerie (décision n° 93-330 DC du 29 décembre 1993), tandis que les remboursements afférents sont depuis traités comme des recettes budgétaires. Il n'y a donc pas lieu, pour la dernière année de versement, de modifier la méthode comptable, même si elle n'apparaît pas pleinement satisfaisante.

M. Charles de Courson a de nouveau condamné la comptabilisation d'opérations de trésorerie dans le solde budgétaire, minorant artificiellement son montant.

M. Charles de Courson a retiré l'amendement.

La Commission a adopté l'article 11 sans modification.

Article 12 : Reconnaissance d'utilité publique des dépenses comprises dans une gestion de fait :

La Commission a adopté l'article 12 sans modification.

Article 13 : Transport aux découverts du Trésor :

La Commission a adopté l'article 13 sans modification.

Après l'article 13 :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Charles de Courson, tendant à supprimer la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées.

M. Charles de Courson a rappelé les explications au sujet des reports de charges du ministère de la Défense données à la Commission par le chef d'état-major des armées, lors de son audition avec le directeur général de l'armement. Il a été indiqué alors que l'arrêt des paiements correspondant à des dépenses engagées, contraire à la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, trouvait son origine dans le refus du contrôleur financier d'apposer son visa. Il ressort clairement de cet exemple que la LOLF n'est pas compatible avec la loi du 10 août 1922 et qu'il convient d'achever la réforme en supprimant le contrôle financier a priori prévu par cette loi.

Le Rapporteur général a rappelé le rejet d'un tel amendement lors de l'examen de la loi de finances pour 2006. Il est clair que la LOLF exige une limitation des contrôles a priori. Une mesure importante a déjà été adoptée qui consiste à afficher dans chaque exposé des motifs des projets de loi de finances un taux de mise en réserve, ce qui devrait pallier ces problèmes d'engagements au-delà des plafonds fixés. Le contrôle financier, lui, doit se recentrer sur la sincérité de la programmation budgétaire initiale. Il apparaît nécessaire d'attendre trois ou quatre ans pour apprécier dans quelle mesure les règles issues de la LOLF permettent d'assurer une vraie régulation, proportionnée aux réels enjeux budgétaires. Si l'institution d'un taux de mise en réserve permet d'éviter des engagements excessifs, les contrôles financiers a priori pourront être davantage allégés. Dans le cas d'espèce, le ministère de la Défense avait pris des engagements excédant ses moyens. La responsabilisation des gestionnaires pourra à terme aboutir à des sanctions, mais, d'ici là, il convient de maintenir un minimum de contrôle a priori.

M. Michel Bouvard a insisté sur le fait que la LOLF doit conduire à lever les contrôles a priori et qu'il pourrait être envisagé de fixer une date à moyen terme pour ce faire. Cela étant, le ministère de la Défense constitue un cas très particulier.

M. Charles de Courson a estimé choquant que ce ministère ait engagé des montants supérieurs à ses moyens et n'ait plus procédé aux paiements, à partir de septembre, majorant d'autant les reports de charges sur l'exercice suivant. Il a proposé de modifier son amendement en instituant un délai pour une suppression des contrôles au 1er janvier 2008.

Le Rapporteur général a proposé que ce débat ait lieu en séance, afin, peut-être, d'obtenir un engagement du ministre.

M. Charles de Courson a retiré l'amendement.

La Commission a adopté l'ensemble du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005.

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La Commission a ensuite autorisé la publication de deux rapports d'information présentés par M. Gilles Carrez, Rapporteur général, l'un préalable au débat d'orientation budgétaire, l'autre relatif à la loi fiscale depuis 2002.

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Puis la Commission a commencé l'examen de l'exécution 2005 des crédits de la ville, sur le rapport de M. François Grosdidier, Rapporteur spécial.

M. François Grosdidier, Rapporteur spécial, a indiqué que la mission « Ville et logement » regroupe deux politiques publiques qui ont en commun de connaître des crises importantes et de représenter des priorités nationales. Les banlieues ont connu en novembre 2005 une explosion de violence sans précédent, qui est significative d'une crise d'intégration. Face à une situation qui s'était dégradée au fil des décennies, le Gouvernement a entrepris une action énergique. L'intervention de l'État en faveur des quartiers en difficulté est centrée sur cinq chapitres prioritaires : l'accès à l'emploi et le développement économique, l'amélioration de l'habitat et du cadre de vie, la réussite éducative et l'égalité des chances, la citoyenneté et la prévention de la délinquance, l'accès à la santé. On se rappelle également qu'à la suite d'un amendement gouvernemental adopté sur le projet de loi de finances pour 2006, l'effort budgétaire en faveur de la ville a été substantiellement renforcé. Ainsi 181 millions supplémentaires ont été ajoutés sur les deux programmes relatifs à la ville de la mission « Ville et logement ».

En 2005 la consommation des crédits de la ville s'est élevée à 334,11 millions d'euros contre 422,89 millions d'euros prévus en loi de finances initiale, du fait de la loi de finances rectificative, des reports et des annulations. Le rapport présenté au moment de l'examen de la loi de finances pour 2006 montrait que l'augmentation de la DSU, au profit des communes, avait plus que compensé la baisse des crédits du FIV. Les dispositifs de « réussite éducative » créés par la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale nécessitent l'intervention de partenaires et sont montés progressivement en puissance au cours de l'année 2005. À la fin de l'année, 226 projets avaient ainsi pu démarrer. La majeure partie des 36,2 millions d'euros d'annulations opérées sur le chapitre 46-60 a été appliquée aux dotations consacrées aux dispositifs de réussite éducative, qui seraient restées inutilisées.

25,7 millions d'euros d'annulations de CP ont porté sur le chapitre 67-10 (rénovation urbaine). La complexité des projets de rénovation urbaine menés par l'ANRU a entraîné un décalage dans le temps des opérations. Les autorisations de programme ont respecté les engagements prévus par la loi. Même si les opérations de rénovation urbaine sont simplifiées par la création de l'ANRU, maintenant guichet unique, elles nécessitent plusieurs mois de préparation avant le commencement de leur réalisation. Les besoins en paiement en 2005 se sont donc avérés plus faibles qu'initialement prévus, si bien que la plupart des annulations du chapitre 67-10 ont pu porter sur ces dotations. Par contre, il faut s'attendre à une forte augmentation des besoins en crédits de paiement en 2007 et surtout en 2008.

En fin d'exercice 2005, le taux de consommation de l'ensemble des crédits atteint 95%. Une montée en puissance du programme de rénovation urbaine et du dispositif « adultes relais », qui est pleinement justifiée par l'ampleur des besoins, est cependant souhaitable.

La pratique budgétaire consistant à geler les crédits en début d'année puis à les débloquer en fin d'exercice n'est pas bonne. Certes les contraintes budgétaires sont réelles, mais le fonctionnement et l'action des multiples intervenants de la politique de la ville, en particulier les associations, en sont grandement perturbés. Le ministère s'est engagé, en 2006 à ne pas renouveler ces à-coups. Les nouvelles règles de la LOLF en matière de mise en réserve devraient également limiter ces pratiques.

L'examen en mode LOLF d'un projet de loi de règlement doit permettre, au vu d'un rapport annuel de performance (RAP), de juger de la réalisation effective des objectifs fixés, tels que mesurés au moyen des indicateurs. Or, les RAP ne seront transmis au Parlement que pour l'exécution 2006. Pour aucun des indicateurs figurant dans le projet annuel de performance pour 2006, les valeurs réalisées en 2005 ne sont encore connues.

Le ministère fait valoir que de manière générale, les indicateurs 2005 seront renseignés pour PAP de 2007, qui sera présenté au Parlement à l'automne prochain. En effet il a fallu créer la plupart de ces indicateurs qui doivent être territorialisés au niveau des ZUS. Les données statistiques existantes, que ce soit par le biais de l'INSEE ou d'autres organismes, ne sont pas territorialisées. Pour pouvoir établir des indicateurs spécifiques à la politique de la ville, un traitement particulier sur les périmètres couverts par un des types de zonages territorial est nécessaire (ZUS, ZRU, ZFU, périmètres des opérations portées par l'ANRU). Ceci a pour conséquence un délai supplémentaire dans l'obtention des éléments d'information. Il n'est donc pas rare que certains indicateurs soient renseignés deux à trois exercices plus tard.

La création de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles répond également à l'objectif d'évaluation de la performance de la politique de la ville. Cet observatoire remet un rapport annuel qui permet d'analyser les progrès effectués et, le cas échéant, les améliorations à apporter à la gestion de la politique de la ville. Il faut souligner l'immense travail d'évaluation de la politique de la ville entrepris par l'Observatoire depuis sa création. La politique de la ville avait longtemps été rétive à l'idée d'évaluation, en raison de la prétendue spécificité de cette politique et de la réticence de nombre de ses intervenants à se prêter à une évaluation extérieure. Les lois successives sur la politique de la ville intervenues depuis 2002 ont fixé le cap et défini des objectifs précis. Les bases sont donc maintenant établies pour permettre son évaluation. Il serait à ce sujet utile de modifier les dispositions législatives relatives à l'Observatoire, afin que son champ d'investigation soit étendu aux nouvelles compétences issues des lois ultérieures à sa création (loi de 2005 sur la cohésion sociale, loi sur l'égalité des chances, nouvelle agence sur l'égalité des chances...).

Le rapport 2005 de l'Observatoire a répondu à cette attente d'évaluation. Le bilan montre que les actions gagneraient encore à être affectées aux objectifs prioritaires : emploi et activité ; prévention de la délinquance et des conduites à risque, accès au droit ; accompagnement scolaire et soutien de la parentalité. Dans certains domaines comme la délinquance, les indicateurs sont difficiles à établir, car les victimes déposent plainte encore trop peu souvent. Il faudrait accéder aux mains courantes des commissariats, aux activités des conciliateurs de justice et des maisons de la justice et du droit... Des enquêtes de victimisation seraient nécessaires, en lien avec l'Observatoire de la délinquance. Pour certains indicateurs de délinquance, on ne sait pas si c'est le phénomène qui augmente ou si ce sont les services de police qui intensifient leur action.

La décentralisation et la DSU, pour souhaitable qu'elles soient, rendent plus difficile l'évaluation de la politique de la ville, qui dépend maintenant de politiques nationale et communales. La loi impose à chaque commune un rapport sur l'utilisation de la DSU. La première année d'application de cette obligation de rapport semble décevante. Les préfets relancent activement les communes, pour la deuxième année d'application. À terme, il faudrait étudier la possibilité d'une fusion des différents rapports relatifs à la politique de la ville, sur la DSU, l'application de la loi de 2003, les ZFU et les contrats de ville...

La politique de la ville comporte deux dimensions, territoriale et populationnelle. De territoriale à l'origine, elle devient de plus en plus populationnelle (réussite éducative, intégration...). Une difficulté de l'évaluation de la politique de la ville tient au fait que les populations qui « s'en sortent en sortent » : elles quittent les quartiers en difficulté et ne sont donc plus comptabilisées dans les résultats en termes d'activité économique, d'éducation, de logement, d'intégration, de mixité sociale... Le rapport de l'Observatoire présente un début d'analyse cette « dynamique des quartiers ». Il faudrait une approche longitudinale avec des panels, groupes de personnes formant un échantillon et destiné à être interrogé à intervalles réguliers. Mais les sources administratives sont difficiles à exploiter et le secret statistique est difficile à lever.

En l'état, la réforme de la comptabilité publique et le système financier CHORUS, qui est en train de se mettre en place dans le cadre de la LOLF, ne prévoient pas de « géocodage » informatique pour localiser la dépense à l'endroit du territoire national où elle est effectuée. Or un suivi et une évaluation de la politique de la ville nécessitent impérativement une telle information. Il faut donc que nos systèmes d'information intègrent cette dimension géographique.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a souligné qu'il était utile de prendre connaissance des observations sur la performance émises par le Conseil de surveillance de l'ANRU. Il est regrettable que le rapport qui devait être adressé chaque année au Parlement sur les actions engagées par les communes au titre de la dotation de solidarité urbaine soit tombé dans l'oubli. En effet, d'une part, cette dotation a augmenté considérablement ces dernières années, de 120 millions d'euros par an, pour atteindre un montant cumulé de 800 millions d'euros en 2005, et, d'autre part, il est possible qu'une partie de cette dotation soit en réalité utilisée pour financer d'autres actions que celles menées dans les quartiers difficiles.

M. François Grosdidier, Rapporteur spécial, a partagé ce constat et a rappelé que l'augmentation de la dotation de solidarité urbaine avait été trois fois supérieure à la baisse des crédits du fond interministériel d'intervention pour la ville (FIV). Certains maires l'ont oublié. Il serait utile de flécher plus précisément les crédits de la DSU et de faire état de l'exécution précise des crédits dans un rapport. Par ailleurs, la loi pour l'égalité des chances a mis en place l'Agence nationale de cohésion sociale et d'égalité des chances, qui constituera un guichet unique pour toutes les opérations relatives à la réussite éducative, au monde associatif ... Suite à la crise des banlieues survenue en novembre dernier, les crédits du FIV ont été augmentés. On peut se demander si ces deux évolutions récentes ne vont pas à l'encontre de la logique de décentralisation promue par l'augmentation de la dotation de solidarité urbaine.

M. Michel Bouvard, Président, a noté qu'il était nécessaire d'unifier les systèmes d'observation et d'avoir une stratégie plus claire au niveau de l'État. Il faudrait que les communes qui n'ont pas donné d'informations sur la façon dont elles ont utilisé la DSU se voient appliquer une réfaction l'année suivante.

Le Président Pierre Méhaignerie a proposé qu'un courrier soit envoyé au ministre pour que la commission des Finances soit informée, au moment du débat budgétaire, sur l'évolution sur la dotation de solidarité urbaine et les actions menées.

M. François Grosdidier, Rapporteur spécial, a noté que la dotation de solidarité urbaine était, comme la DGF, libre d'emplois et qu'il était nécessaire d'instaurer un fléchage des crédits.

M. François Scellier a rappelé que les communes qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine peuvent justifier de beaucoup plus d'actions menées dans les quartiers que les communes qui n'en bénéficient pas.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a reçu, en application de l'article 12 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 un projet de décret ayant pour objet le transfert de d'équivalents temps plein travaillés et de crédits de la mission Écologie à quatre autres missions (Transports, Développement et régulation économiques, Agriculture, Solidarité et intégration) ;

Elle a en outre reçu des observations définitives de la Cour des comptes sur le rôle de l'État dans l'élaboration et le suivi des contrats de plan État-régions.

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