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COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 69

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 13 juin 2006
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Michel Bouvard, Vice-Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de responsables de programmes : MM. Michel Clément, directeur de l'Architecture et du Patrimoine au ministère de la Culture et de la communication et Patrice Parisé, directeur général des routes au ministère des Transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer

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La Commission a procédé à l'audition de responsables de programmes : M. Michel Clément, directeur de l'architecture et du patrimoine au ministère de la Culture et de la communication et M. Patrice Parisé, directeur général des routes au ministère des Transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

M. Michel Bouvard, Président, a rappelé que l'exercice 2006 est intermédiaire dans la mesure où, après une année d'expérimentation, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) s'applique pleinement, mais la loi de règlement du budget 2005 ressortit encore du régime de l'ordonnance de 1959. Quels enseignements tirer de la mise en œuvre de la LOLF ? Quelles sont les capacités d'action des responsables de programme dans la définition des objectifs et des indicateurs ? Quels problèmes la LOLF a-t-elle révélés ?

M. Michel Clément a rappelé que le programme « Patrimoines » représente un peu moins d'un milliard d'euros, six directions centrales, huit budgets opérationnels de programme (BOP) centraux, vingt-six BOP déconcentrés et dix-huit opérateurs, comme la Bibliothèque nationale de France, les grands musées parisiens et le Centre des monuments nationaux. La LOLF renforce la lisibilité de la politique des patrimoines en rassemblant tous les métiers concernés et en regroupant des lignes budgétaires jusqu'à présent scindées entre monuments historiques et musées. Le programme « Patrimoines » se caractérise par le poids de l'investissement - plus de 50 % de ses crédits -, à l'inverse, par exemple, du programme « Création ». La LOLF autorise une programmation pluriannuelle des équipements culturels, comme les musées ou les bâtiments d'archives. Pour les monuments historiques, la logique est un peu différente, la répartition des crédits étant affinée au niveau des services déconcentrés. L'abandon de la distinction entre mesures nouvelles et services votés est adapté à la prépondérance des crédits d'investissement, car il devient plus aisé de mettre en pratique la justification au premier euro.

La structure administrative du programme est extrêmement légère : le directeur de l'architecture et du patrimoine, responsable du programme, est épaulé par une secrétaire générale. Le programme couvrant des directions à l'histoire fortement marquée, comme celles des musées de France et des archives de France, le travail est organisé autour d'un collège de directeurs, qui se réunit tous les deux mois environ. Un gros effort a été accompli sur les indicateurs de performance.

Le dialogue avec Bercy est désormais possible alors que, jusqu'à présent, seul le directeur de l'administration générale était en rapport avec le ministère des Finances lors de la préparation du budget. La LOLF responsabilise les directeurs en charge des BOP, contraints de raisonner en autorisations d'engagement (AE) et crédits de paiement (CP), en rupture avec le système antérieur, assez illogique, puisque les directions sectorielles répartissaient les autorisations de programme et la direction de l'administration générale distribuait les crédits de paiement.

Des points de friction apparaissent : la période est un peu tendue, s'agissant des crédits de paiement ; il est difficile de régler autre chose que les dettes correspondant aux travaux sur les bâtiments historiques ou aux constructions de dépôts d'archives et de musées. Cela pousse cependant le ministère à dresser l'état précis de ses engagements et à trouver une solution pluriannuelle. La programmation pluriannuelle doit en effet devenir la règle à chaque échelon de responsabilité, c'est-à-dire au niveau des programmes, des BOP et des directions régionales des affaires culturelles (DRAC). Et, même si cela n'est pas d'actualité, le ministère souhaite que soit relancée une logique de loi de programmation pour les monuments historiques. Le mécanisme se met en place progressivement, mais plusieurs années s'écouleront avant que les responsables de programme acquièrent la plénitude de leurs fonctions et aient réellement prise sur la réalité, notamment dans deux domaines : d'une part, la gestion prévisionnelle de l'emploi et des carrières, et, d'autre part, les établissements publics. La LOLF pourra aussi jouer un rôle important en matière d'organisation administrative. Le ministère de la culture possède beaucoup de petites directions et il serait intéressant de créer une direction générale du patrimoine, ce qui permettrait de doter le directeur de programme d'un secrétariat général plus étoffé.

M. Patrice Parisé a rappelé que le réseau routier national était en train de passer de 38.000 à 20.000 kilomètres, 17.000 kilomètres ayant d'ores et déjà été transférés aux conseils généraux. Les services déconcentrés se réorganisent en profondeur, puisque les directions départementales de l'équipement (DDE) vont abandonner leur mission routière tandis que seront créées onze directions interdépartementales des routes (DIR) et vingt et un services de maîtrise d'ouvrage, placés sous la responsabilité des directeurs régionaux de l'équipement (DRE). Cela s'accompagne du transfert de 30.000 agents vers les départements. Enfin, la privatisation des autoroutes conduit à renforcer le dispositif de contrôle des concessions autoroutières et à ouvrir plus tôt que prévu le chantier de la réorganisation de la direction générale des routes.

À compter du 1er janvier 2007, des services déconcentrés seront entièrement dédiés à la route. Chaque direction interdépartementale aura en charge un réseau compris entre 1.000 et 1.100 kilomètres, avec un réseau routier dorénavant affranchi des limites administratives et dessiné selon des logiques d'itinéraire. Les services de maîtrise d'ouvrage coïncideront avec les limites régionales, en cohérence avec la contractualisation. Chacun d'entre eux emploiera une vingtaine d'agents, chargés des études préliminaires, des dossiers de déclaration d'utilité publique (DUP), de la passation des marchés et du pilotage en matière de respect des coûts et de délais.

Les DIR et les services de maîtrise d'ouvrage disposeront respectivement de 8.500 et de 441 agents. La part « routes » des organismes techniques centraux représente 410 personnes et les centres d'études techniques de l'équipement 1.700. Quant à la direction générale des routes et au contrôle des autoroutes, ils regroupent 220 agents environ. Au total, après décentralisation, en supposant que soit retenue l'option d'un transfert des parcs vers les conseils généraux, le programme « Routes » concernera 11.300 personnes. La masse salariale du programme, après décentralisation, est tombée de 1,5 milliard d'euros à moins de 450 millions d'euros.

Le programme comprend trois actions principales : développement du réseau ; entretien et exploitation et politique technique, action internationale et soutien. La quasi-totalité des crédits de développement provient de l'Agence de financement des infrastructures de transports terrestres (AFITT), avec 900 millions consacrés aux contrats État-régions en 2006, de l'ordre d'un milliard d'euros, si l'on inclut les opérations décidées par le Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT) et la mobilisation de subventions aux autoroutes concédées. Le budget d'entretien et d'exploitation s'élève à 620 millions d'euros avant décentralisation, dont 194 millions d'euros iront aux conseils généraux.

Deux BOP centraux ont été créés, l'un pour le développement, l'autre pour l'entretien et l'exploitation. Par souci de cohérence et de maîtrise totale des opérations, la création des opérations demeure du ressort du niveau central. Les dotations financières attribuées au niveau régional, AE comme CP, sont fixées « juste à temps », en relation étroite avec l'avancement des opérations. Même si des enveloppes fongibles étaient accordées à l'échelon régional, il faudrait, de toute façon, que l'opération soit précédée d'une analyse opération par opération. Chaque préfet de région ayant sous sa responsabilité une seule unité opérationnelle, la possibilité de répartir des crédits entre plusieurs services, qui constitue l'un des intérêts du BOP, n'a pas lieu d'être. Il en est de même pour l'entretien, chaque direction interdépartementale dépendant d'un unique préfet.

Les grands objectifs et indicateurs du programme sont en cours d'étude pour être éventuellement modifiés à la lumière de l'expérience d'une année, certains d'entre eux n'ayant pu être renseignés. Les trois objectifs sont : « améliorer le niveau de sécurité et de qualité de service du réseau routier national » ; « moderniser efficacement le réseau routier national en maîtrisant les dépenses » ; « entretenir et exploiter le réseau routier national au meilleur coût ». L'organisation compte trois degrés : le directeur général, responsable du programme ; les deux responsables de BOP et les unités opérationnelles. Le ministère est en train d'adapter à la nouvelle configuration son système de contrôle de gestion et de contrôle budgétaire. Les indicateurs, à ce stade, restent relativement artificiels. Les opérations routières étant longues, avec une forte inertie, celles qui feront l'objet d'une mesure en 2006 sont déjà envisagés depuis huit à dix ans. Les indicateurs existants ne sont donc guère des instruments de pilotage pertinents. Ils constitueront toutefois un levier pour améliorer la gestion des effectifs et effectuer des économies. À cet égard, la nouvelle logique est extrêmement prometteuse. La nouvelle organisation n'est pas suffisamment souple, car la fongibilité asymétrique ne fonctionne pas : il est par exemple impossible d'augmenter ou de réduire brutalement les effectifs affectés à un programme donné.

M. Charles de Courson s'est étonné de ce que la direction de l'architecture et du patrimoine puisse appliquer la LOLF tout en présentant un déficit, qui semble au demeurant contribuer à la dette cachée de l'État. Comment appliquer la LOLF « sous contrainte » ? Quel était le montant total des impayés au 31 décembre 2005 ? D'autre part, est-il raisonnable d'établir des BOP au niveau des DRAC, ce qui revient à les doter de moyens minuscules : 0,1 à 0,2 million d'euros, par exemple, pour Champagne-Ardenne ?

S'agissant des routes, les indicateurs ne devraient-ils pas être étudiés au niveau de l'AFITT ? Comment le système des préfets interdépartementaux fonctionne-t-il ? Le « coût kilométrique de construction » n'est pas un indicateur de performance, car le résultat, entre les zones de montagne et le département de la Marne, sera naturellement très différent. La « variation des coûts de construction des opérations par rapport aux prévisions » n'est pas significative non plus, car il suffira de surestimer le coût en amont. Quant aux deux nouveaux indicateurs, la « mesure de la congestion » et la « mesure de l'intérêt socio-économique des opérations routières », ils sont intellectuellement intéressants, mais sera-t-il vraiment possible de les renseigner ?

M. Hervé Mariton s'est interrogé sur l'autonomie de l'AFITT au regard de l'évaluation. Une partie du produit des radars est-elle réellement affectée à l'AFITT pour financer des opérations de sécurité sur le réseau routier, comme cela avait été annoncé ?

M. Yves Censi s'est enquis du délai dans lequel la programmation pluriannuelle serait possible à la direction de l'architecture et du patrimoine, et, concernant les musées, de la situation en matière de partenariat entre public et privé. Par ailleurs, comment est géré le budget de l'AFITT, laquelle n'a aucun pouvoir de décision ? Les cessions de maîtrise d'ouvrage posent des problèmes. Pour la route nationale 88, l'ensemble des intervenants se prétendent décideurs et cette foire d'empoigne génère de l'incompréhension parmi les partenaires, à commencer par la communauté d'agglomération de Rodez.

M. Michel Bouvard, Président, a demandé si la direction de l'architecture et du patrimoine avait achevé la consolidation des autorisations de programme (AP) délivrées par le passé et non honorés par des CP en cours d'année. La note de présentation indique très clairement la situation actuelle, ce dont il faut se féliciter.

La Cour des comptes a évalué les charges afférentes à l'entretien du patrimoine historique, en 2005, à moins de 15 millions d'euros, tout en estimant à 50 à 60 millions d'euros l'effort annuel nécessaire pour freiner sa dégradation. Ces chiffres sont-ils exacts ? Comment sont priorisés les travaux ? Les crédits sont-ils répartis en fonction de la disponibilité et de la mobilisation des propriétaires du patrimoine, qu'il s'agisse de personnes privées ou de collectivités territoriales ? Quels moyens sont envisagés pour que puissent jouer à plein les possibilités de gestion des ressources humaines par les responsables de programme ?

La commission des Finances, dans le cadre de la loi de finances pour 2006, avait déposé un amendement tendant à supprimer le compte d'affectation spéciale dédié à la gestion des amendes de police. Cet amendement n'a pas été retenu, mais la Cour des comptes a souligné le caractère pour le moins anormal du compte d'affectation spéciale, ainsi que la complexité du dispositif, une multiplicité de financements transitant par l'AFITT. Une architecture plus simple ne permettrait-elle pas de gagner en efficacité de gestion ? Les services déconcentrés de l'État doivent se sentir pleinement associés aux démarches de performance et de pilotage au quotidien. Les BOP centraux n'interviennent-ils pas à un niveau trop élevé ? La création de BOP zonaux, organisés autour des préfets chargés de la coordination du dossier, n'aurait-elle pas été préférable ? Pourquoi la fongibilité asymétrique ne pourrait-elle jouer pour les routes ? Enfin, nombre de responsables locaux se plaignent de l'inflation des indicateurs, difficiles à renseigner.

M. Michel Clément a expliqué que le stock d'impayés n'est pas si massif mais que la crise est réelle en matière d'engagements antérieurs à satisfaire. L'état de ces charges, DRAC par DRAC et action par action, en cours de calcul, devrait atteindre plusieurs centaines de millions d'euros. Le ministère des finances reconnaît avoir abattu plus de 300 millions d'euros sur le budget de la culture depuis 1998, somme dont il convient de déduire 100 millions obtenus par le biais de privatisations. Les DRAC ont engagé des discussions avec les trésoriers payeurs généraux pour pouvoir étaler leur dette et poursuivre leurs chantiers d'équipement culturel. Il est indispensable que le ministère de la culture, sur l'ensemble de ses programmes, améliore la gestion prévisionnelle des crédits de paiement. Le nouvel outil ARPEGE, en cours de réalisation, permettra de suivre au niveau central les engagements pluriannuels de crédits de paiement.

Dans le cadre du programme « Patrimoines », 288,3 millions d'euros sont déconcentrés auprès des DRAC, soit de 6 à 12 millions d'euros par direction régionale, ce qui leur confère la masse critique permettant de travailler et d'exercer la fongibilité.

Tous les BOP sont désormais créés. Les DRAC sont chargées de trois BOP principaux, plus le BOP « Recherche ». Celui-ci couvre essentiellement les fouilles archéologiques programmées et a été conçu afin de valoriser l'effort de recherche dans tous les ministères, mais ces activités pourraient être rattachées à un autre BOP car, pour les DRAC, il représente des masses très faibles.

M. Michel Bouvard, Président, a demandé si le regroupement de ces BOP serait rationnel.

M. Michel Clément a répondu par l'affirmative, puis, il a poursuivi ses réponses. Le ministère de la Culture n'a pas signé de contrat de partenariat ; le directeur en avait proposé un pour la Cité de l'architecture et du patrimoine, mais la mission dirigée par Mme Maryvonne de Saint-Pulgent a émis un avis défavorable. Tous les spécialistes du patrimoine préconisent de consacrer des fonds à l'entretien du patrimoine plutôt que de le laisser tomber en ruines, ce qui impose de gros travaux de restauration ultérieurs. Les crédits d'entretien, y compris pour les bâtiments privés et ceux des collectivités territoriales, ont longtemps été pénalisés du fait de leur rattachement au titre III du budget de l'État. Le rapport sur la maîtrise d'ouvrage des travaux de restauration de monuments historiques suggère de porter à 15 % le taux des crédits consacrés à l'entretien, et les DRAC seront incitées à les augmenter.

La plus grande part des effectifs affectés aux établissements sont gérés dans le cadre du programme 3, sur l'action support 3.7. Relèvent en revanche du programme « Patrimoines » les effectifs dédiés aux missions spécifiques du patrimoine, notamment le gardiennage de musées. La répartition ne doit-elle pas être effectuée par programme plutôt qu'au niveau de la mission « Culture » ? Il s'avère que les programmes n'atteignent pas la masse critique, mais le sujet mérite réflexion et une évolution est probable, dans les années à venir, pour que soit menée une vraie stratégie des ressources humaines.

M. Michel Bouvard, Président, s'est inquiété de la capacité de contrôle dont dispose le directeur de l'architecture et du patrimoine sur les dix opérateurs publics, par exemple le château de Versailles ou le musée du Louvre. L'assouplissement de la gestion ne se traduit pas toujours par une plus grande efficacité et, surtout, il tend à un démantèlement progressif du budget de l'État et de sa capacité de contrôle.

M. Michel Clément a répondu que cela ne lui pose pas tellement de soucis et qu'il travaille étroitement avec les établissements publics, quoique la tutelle exercée par l'État sur ceux-ci soit généralement inexistante. La Bibliothèque nationale de France est cent fois plus grosse que son service de tutelle, la direction du livre. Certains contrats de performance constituent des outils intéressants mais il importe d'en informer les responsables de programme avant le jour prévu pour la signature. Concrètement, tel n'est pas le cas.

M. Michel Bouvard, Président, a recommandé que les ministères aient l'obligation d'associer les responsables de programme à la définition des contrats de performance et de gestion.

M. Charles de Courson s'est ému du « saucissonnage » des opérations, consistant à débuter plusieurs opérations sans être en mesure de les mener à terme, ce qui entraîne des surcoûts, par exemple de location d'échafaudages ruineux. La LOLF a-t-elle aidé les services à prendre conscience du problème ?

M. Michel Bouvard, Président, a confirmé que des opérations multiples sont décidées par souci d'affichage, pour faire plaisir à tout le monde, sous la pression des élus, avec un nombre excessif de tranches financières, et que des décalages interviennent à la première régulation venue.

M. Michel Clément a convenu de la nocivité et du coût de la méthode consistant, pour les monuments historiques comme pour les établissements culturels, à étaler la dépense afin de mener plusieurs chantiers de front. Une gestion prévisionnelle des crédits de paiement plus fine, avec l'établissement d'un tableau prévisionnel, sur plusieurs années, permettrait, à tout le moins, d'éviter les ruptures de chantiers, extrêmement préjudiciables. Néanmoins, lorsqu'une cathédrale est restaurée pendant trois ans, il est impossible de laisser en l'état tous les autres monuments de la région. Il s'agit en réalité de prioriser les chantiers en privilégiant les monuments se trouvant dans la plus grande « difficulté sanitaire », pour employer l'expression technique adéquate.

M. Charles de Courson a déploré que son département comprenne 275 monuments classés et que la commission régionale de classement continue d'allonger la liste tous les ans. Quatre ou cinq tranches de travaux sont ouvertes chaque année. Il serait plus judicieux de se concentrer sur une cinquantaine de monuments présentant un grand intérêt.

M. Michel Clément a annoncé que des instructions très strictes seraient données, par circulaire, pour lever le pied sur les protections juridiques, très coûteuses. Avec plus de 40 000 monuments, le parc est déjà considérable et il est aujourd'hui beaucoup plus utile de travailler en amont, sur les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP).

M. Patrice Parisé a estimé que la mise en place des nouveaux services routiers, au-delà des apparences, sera assez simple. Avant la départementalisation, chaque DDE gérait un réseau de 3.600 kilomètres de routes départementales et de 300 kilomètres de routes nationales, en moyenne. À l'issue du processus, si l'organisation administrative était restée inchangée, chaque DDE aurait eu 120 kilomètres de route à sa charge, c'est-à-dire trente fois moins, ce qui aurait été un non-sens économique. Le fait que chaque direction interdépartementale gère 1.000 kilomètres permettra de réaliser des économies en matière d'achats. Concrètement, lorsque le siège d'une direction se situera dans le chef-lieu d'une région, le préfet de région sera l'autorité hiérarchique unique, avec un périmètre beaucoup plus large que celui de sa région administrative.

Ce qui relève de la gestion, de l'entretien et de l'ingénierie sera séparé de ce qui relève de la maîtrise d'ouvrage : en lieu et place des cent maîtres d'ouvrage actuels, vingt et un services régionaux seront créés et placés sous l'autorité du préfet de région, ce qui réduira le nombre d'interlocuteurs de la direction générale des routes. Si ces services ne sont pas rattachés aux directions interdépartementales, c'est pour séparer la maîtrise d'ouvrage de la maîtrise d'œuvre, afin de réaliser des projets de qualité tout en maîtrisant les délais et les coûts : ceux qui prépareront les commandes, réaliseront les études et passeront les marchés feront ensuite exécuter les travaux par des équipes resserrées de vingt personnes, responsables du début à la fin de l'opération.

Les indicateurs établis suscitent des réserves compte tenu de la grande inertie due à la durée des opérations, mais ils sont sérieux. Le coût kilométrique a été calculé sur la base d'une section de référence de dix kilomètres, toujours la même, avec un certain volume de terrassement, des ouvrages et des chaussées : il permet par conséquent de mesurer de façon précise et fiable le prix d'une section de référence de dix kilomètres représentative de la diversité des ouvrages. Tout le monde se plaint de ce que les opérations figurant dans les contrats de plan soient affectées d'un montant initial peu réaliste pour se retrouver quelques années plus tard réévaluées. Il est donc crucial d'afficher un objectif de maîtrise des coûts et de ne pas fausser l'évaluation, afin de mesurer la dérive entre le coût annoncé lors de la DUP et celui constaté lors de la mise en service. Un objectif de dérive des coûts de 15 % a été fixé et il apparaît que le résultat obtenu est plus proche de 12 %.

M. Charles de Courson a signalé que, dans le cadre de la LOLF, il avait été envisagé de dissoudre les corps d'inspection générale. La seule conséquence de leur intervention semble être de ralentir leurs collègues. La mise en œuvre de la LOLF relève de la responsabilité des acteurs locaux ; tout ne doit pas remonter au niveau central.

M. Patrice Parisé a évoqué le cas d'inspecteurs généraux courageux ayant refusé de délivrer l'autorisation de mise en service d'une route parce qu'ils la jugeaient dangereuse. Il est très difficile de construire un réseau routier national homogène à Lille et à Marseille ; cela requiert le respect d'un corpus de règles qui provoque parfois des longueurs, mais un corps de contrôle est indispensable pour cette raison. La réforme des structures va s'accompagner d'une réforme du système de contrôle, de la création d'une mission d'audit interne et d'une déconcentration des décisions.

M. Michel Bouvard, Président, s'est prononcé contre l'inflation de normes changeant sans arrêt, et contre les contrôles tatillons sur place.

M. Patrice Parisé est revenu sur l'encombrement, mesuré à partir de deux indicateurs : le linéaire de voies sur lesquelles un usager est gêné pour 20 % de son trajet en ce qui concerne, d'une part, le réseau routier national à deux voies et, d'autre part, certains grands corridors autoroutiers.

M. Michel Bouvard, Président, ayant douté que la réponse apportée à un constat de saturation tienne compte de l'approche multimodale, M. Patrice Parisé a indiqué que celle-ci était clairement ignorée et que personne ne détient la solution. Il a, par exemple, été nécessaire d'organiser un large débat public à propos des différents modes de transport dans la vallée du Rhône, débat précédé de plusieurs années d'études, et qui n'a même pas débouché sur des conclusions.

Les indicateurs renseignent sur le niveau de service apporté par la direction générale des routes. Il ne s'agit pas de mesurer un taux de rentabilité mais, lorsqu'un dossier est présenté dans le cadre de la procédure d'utilité publique, de calculer les bénéfices actualisés par euro investi, c'est-à-dire les gains de temps et de sécurité en fonction du coût de l'ouvrage.

La fongibilité asymétrique des crédits est totalement impossible à mettre en oeuvre dans le cadre d'un exercice budgétaire, à moins de réformer les règles de la fonction publique. En effet, une enveloppe salariale, calculée au plus juste, est attribuée au ministère de l'Équipement dans son ensemble. Si une tâche est externalisée, la dépense de personnel concernée ne pourra être récupérée puisque les agents restent en fonction. Si un autre directeur trouve une utilité aux personnels libérés, il pourra les employer, à condition de les payer. Sur un exercice annuel, la rigidité est donc totale. Il est seulement possible, sur plusieurs années, pour un type de tâches, de demander la mise à disposition du montant correspondant aux salaires d'agents partant en retraite, en détachement ou en disponibilité.

La RN 88 reste une route nationale et c'est le directeur qui, en la matière, décide, par délégation du ministre. Le partenariat public-privé (PPP) n'a rien à voir avec les transferts ; c'est un mode de financement particulier, la direction générale des routes pouvant choisir d'exercer la maîtrise d'ouvrage soit en direct avec les services, soit par le biais de sociétés concessionnaires, soit au travers d'un contrat de PPP. L'État, à la demande d'élus, a décidé d'examiner s'il était possible de réaliser l'aménagement de la RN 88 en PPP. Le dossier en est à la phase d'évaluation préalable. L'opération est classique : il s'agit d'une route nationale non décentralisée, la compétence de l'État demeure et c'est lui qui décide.

S'agissant des BOP, la direction générale des routes ne cherche pas à faire du dogmatisme mais à être efficace. Quand un préfet de région reçoit de l'argent pour construire des routes, il n'a pas le droit de l'utiliser pour restaurer des églises. Ces crédits n'ont qu'une destination possible et le préfet a un service unique sous ses ordres : le service de maîtrise d'ouvrage. Cela n'empêche toutefois pas un dialogue de gestion, axé sur la performance, entre le responsable de la direction générale des routes et celui de l'unité opérationnelle, pour donner à celui-ci tous les indicateurs requis afin de les décliner localement. La gestion est assurée « juste à temps », sur les crédits de paiement comme sur les autorisations d'engagement : l'avancement des opérations est surveillé de très près et les crédits sont attribués en fonction de l'avancement des chantiers ; ce travail de pilotage au niveau national est délicat mais très bien rodé.

Ce n'est pas l'AFITT, mais la direction générale des routes, qui est évaluée. Le décret qui l'a créée lui a donné pour tâche d'appliquer les orientations du Gouvernement. Le ministre propose une programmation à l'AFITT, celle-ci l'examine et vote ses budgets en conséquence. Il a été décidé de confier à l'Agence les moyens financiers nécessaires aux contrats de plan État-région. Elle verse donc 600 millions d'euros à la direction générale des routes en début d'année, comme s'ils provenaient du budget de l'État.

M. Michel Bouvard, Président, ayant contesté l'intérêt de faire transiter l'argent des amendes de police destiné aux travaux de sécurité routière par le compte d'affectation spéciale et l'AFITT, M. Patrice Parisé a souligné que le compte d'affectation spéciale a été créé par décision politique.

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