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COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 84

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 27 septembre 2006
(Séance de 12 heures)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de MM. Thierry Breton, ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie, et Jean-François Copé, ministre délégué au Budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement, sur le projet de loi de finances pour 2007

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La commission des Finances a procédé à l'audition MM. Thierry Breton, ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie, et Jean-François Copé, ministre délégué au Budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement, sur le projet de loi de finances pour 2007.

M. Thierry Breton, ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie, a souligné que, pour la première fois, les dépenses de l'État progressent moins vite que l'inflation : après quatre années de stabilité en volume, elles régressent - toujours en volume - de 1 %. C'est la première étape vers leur stabilisation en valeur, qui est l'objectif du Gouvernement à l'horizon 2010. Le déficit budgétaire de l'État est, une fois de plus, réduit, passant de 42,7 milliards d'euros en 2006 à 41,6 milliards en 2007, soit 2,5 % du PIB au lieu de 2,7 %. Les recettes fiscales, notamment celles de l'impôt sur les sociétés, sont bien rentrées en 2006, signe que l'économie française se porte bien et que la croissance est au rendez-vous : elle sera plus proche de 2,5 % que de 2 %, sur l'année. Le surplus fiscal, estimé à 5 milliards d'euros, sera, conformément à la LOLF, entièrement affecté au désendettement. Les hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement sont solides, crédibles et réalistes, à la différence de celles sur lesquelles reposait le projet de loi de finances pour 2002 : la croissance n'avait alors été que de 1% au lieu des 2,5 % annoncés.

L'objectif de diminution d'au moins deux points du ratio dette-PIB sera atteint à la fin de décembre 2006. Quatre facteurs y auront contribué : la maîtrise des dépenses - grâce aux audits de performance commandés par le Gouvernement - ; la progression des recettes - du fait de la croissance économique - ; la vente d'actifs non stratégiques - pour un montant d'un peu moins de 20 milliards d'euros - ; la gestion rigoureuse des besoins en fonds de roulement de l'État. Le Gouvernement entend bien poursuivre, l'an prochain, cette dynamique vertueuse, afin de repasser à l'horizon 2010 sous la barre des 60 % du PIB.

Pour autant, le PLF 2007 est tourné vers l'amélioration du pouvoir d'achat des Français. La croissance mondiale, estimée à 5,1 % en 2006, devrait se maintenir à 4,9 % en 2007, et être plus également répartie entre les régions du monde : le PIB de la zone euro, en particulier, devrait progresser, selon le FMI, de 2,3 % l'année prochaine après avoir progressé de 2,4 % l'an dernier. L'Allemagne va, certes, relever de trois points son taux normal de TVA, mais l'effet négatif possible sur notre croissance sera atténué par la réforme fiscale qui entrera en vigueur au 1er janvier 2007 et par la revalorisation de la prime pour l'emploi (PPE), de sorte que la progression du pouvoir d'achat des Français devrait passer - grâce à ces quelques 3 milliards d'euros qui vont leur être redistribués - de 2,2 % en 2006 à 2,8 % en 2007. À titre de comparaison, sa progression moyenne a été de 1,9 % au cours du dernier quart de siècle, et de 1,5 % en Europe.

Pour la première fois depuis longtemps, les dépenses d'investissement, y compris immatériel, seront, avec 43,2 milliards d'euros, supérieures au déficit budgétaire de l'État. Les engagements pris ont été tenus, qu'il s'agisse de la croissance - dont le rythme annuel a atteint 3,3 % au premier semestre 2006 -, de l'emploi - la barre des 8 % de chômeurs pourrait bien être franchie dès 2007 -, de la dépense publique - qui baisse désormais en volume -, du déficit - dont le recul permet à la France d'espérer qu'il soit mis un terme à la procédure engagée par la Commission européenne pour déficit excessif - ou, enfin, de l'endettement.

Le Président Pierre Méhaignerie a jugé que le projet de loi de finances marque une étape significative dans l'assainissement des finances publiques, en associant rigueur et équité.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au Budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement, a souligné que le projet de budget 2007 poursuit des orientations politiques claires et conformes aux engagements pris : baisse de la dépense, baisse des impôts, baisse du déficit, baisse de la dette.

Il est important, en outre, d'insister sur la méthode utilisée pour son élaboration : tous les ministères, sans exception, ont été mis à contribution pour la réduction de la dépense publique, sur la base des audits de modernisation qui permettent des économies importantes - estimées, dans le domaine des achats, à quelque 1,3 milliard d'euros en trois ans, sur un total de 13 milliards d'euros. Pour autant, toutes les lois de programmation sont financées, qu'il s'agisse de la défense, de la sécurité intérieure ou de la justice, et seront donc intégralement exécutées. L'engagement de consacrer 0,5 % du revenu national brut à l'aide publique au développement sera tenu. L'augmentation des dépenses inéluctables, telles que les pensions, le service de la dette, les prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne ou des collectivités territoriales, est intégrée dans l'équation budgétaire. Le contrat de croissance et de solidarité passé avec ces dernières est respecté et 500 millions d'euros supplémentaires sont destinés à la compensation versée aux départements au titre du RMI.

M. Augustin Bonrepaux a objecté qu'il manque toujours un milliard d'euros.

M. Jean-François Copé a rappelé que la réforme fiscale adoptée à l'automne 2005, et qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2007, porte sur quelque 6 milliards d'euros, dont plus des deux tiers redistribués aux ménages -notamment à travers la baisse de l'impôt sur le revenu et la revalorisation de la prime pour l'emploi - mais qui bénéficieront aussi aux entreprises -grâce au plafonnement de la taxe professionnelle.

Il a été décidé -non par idéologie, mais après une analyse fine des besoins - que 15.000 fonctionnaires, parmi ceux partant à la retraite en 2007, ne seraient pas remplacés. Concernant les recettes, le Gouvernement s'est obligé à la plus grande transparence : c'est ainsi qu'il a rendu public sitôt qu'il en a eu connaissance le montant estimé des surplus fiscaux, soit 1,3 milliard d'euros au moment du débat d'orientation budgétaire, 3 milliards à la rentrée de septembre, et 5 milliards après le versement, survenu ces derniers jours, du deuxième acompte de l'impôt sur les sociétés. La totalité de ces recettes supplémentaires sera affectée au désendettement de l'État : un ménage dont le compte courant serait à découvert procéderait-il autrement ? La sincérité des prévisions macroéconomiques ayant été mise en cause par certains, il convient de souligner que le Conseil constitutionnel, saisi par l'opposition de la loi de règlement du budget 2005 au motif que la Cour des comptes avait qualifié les comptes de « réguliers mais non sincères », n'a pas cru devoir juger insincère ladite loi de règlement. La certification des comptes de l'État, tâche nouvelle confiée à partir de 2007 à la Cour des comptes, sera l'occasion de revenir sur cette question.

Concluant son propos, le ministre délégué a signalé l'existence du jeu Cyberbudget, lancé sur Internet par le ministère, et qui sera enrichi d'ici quelques jours d'un module supplémentaire, consacré à la discussion parlementaire.

Le Président Pierre Méhaignerie a demandé s'il existe des exemples concrets de passage de la logique du « dépenser plus » à celle du « dépenser mieux », et souligné par ailleurs qu'en matière de pouvoir d'achat, les moyennes statistiques cachent des disparités considérables.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a observé que les hypothèses sur lesquelles sont bâtis les projets de loi de finances font traditionnellement l'objet de critiques de la part de l'opposition, mais qu'en l'espèce, l'exécution des budgets 2004, 2005 et 2006 a montré qu'elles étaient réalistes, qu'il s'agisse des recettes - lesquelles seront, cette année, supérieures aux prévisions - ou du déficit lui-même, respecté quasiment à l'euro près, et en diminution de quelque 15 milliards d'euros - un record - depuis 2004. Faut-il rappeler que le budget 2002, le dernier de la précédente législature, comportait 2,5 milliards d'euros de dépenses non provisionnées et une surestimation des recettes de 3 milliards d'euros ?

La mesure fiscale phare pour 2007 est l'augmentation considérable - de 500 millions d'euros - de la prime pour l'emploi (PPE). C'est une mesure de justice sociale : pour un célibataire payé au SMIC, la PPE équivaudra presque à un treizième mois. Mais le coût du dispositif s'est considérablement accru depuis son instauration en 2002. Comment améliorer son efficacité ? Ne faudrait-il pas envisager un basculement vers les cotisations sociales ou la CSG ? Le respect des engagements pris envers les collectivités territoriales représente également un effort financier considérable, surtout dans un contexte budgétaire où les dépenses sont désormais stabilisées en valeur. Certes, les collectivités territoriales sont le premier investisseur du pays, mais combien de temps pourra-t-on continuer ainsi ?

Les mesures de soutien aux PME s'inscrivent dans un ensemble cohérent : après avoir amélioré les conditions de transmission, on s'attache désormais à favoriser leur développement, en renforçant leurs fonds propres. Le contrat nouvelles embauches (CNE) connaît en outre un vrai succès dans les PME, et contribue, ainsi que le plafonnement de la taxe professionnelle, aux succès enregistrés dans la lutte contre le chômage. Tout en sachant que la baisse de 1 % des dépenses en volume sera difficile à tenir, l'écart constaté, en matière d'investissement, entre les engagements pris et les crédits effectivement disponibles, notamment dans le cadre du FNADT, est préoccupant. Pourra-t-on corriger les choses dans la loi de finances rectificative pour 2006 ? Il serait également nécessaire de connaître le montant de crédits que demandera le ministère de la défense au-delà de l'enveloppe prévue pour 2007, compte tenu des reports importants qui concernent les crédits de cette mission.

Par ailleurs, les exposés des ministres ont laissé de côté la question, majeure, de l'articulation entre le budget de l'État et celui de la sécurité sociale. Il existe, certes, un principe de compensation, mais cela ne signifie pas nécessairement que l'État doive intervenir au dernier moment pour boucler les comptes sociaux. Or, le transfert de 500 millions d'euros procurés par les droits sur les tabacs n'a été annoncé que très récemment. Cela dit, le législateur n'est pas irréprochable non plus : lorsqu'il vote des mesures fiscales, par exemple concernant les contrats d'assurance-vie, il ne se préoccupe pas toujours de leurs conséquences sur la CSG... Enfin, quand peut-on espérer que la Commission européenne abandonnera, ainsi que le ministre l'a laissé entrevoir, la procédure engagée contre la France pour déficit excessif ? Il semble que toutes les conditions soient remplies. Où en est le dialogue avec Bruxelles sur ce sujet ?

M. Didier Migaud a félicité les ministres sur leur capacité à communiquer, qui force l'admiration, mais qui fait se demander, parfois, si la frontière entre communication et propagande n'est pas franchie... Le tableau, en effet, est moins idyllique que celui qu'ils viennent de brosser, et il ne suffit pas de comparer les indicateurs d'une année sur l'autre : il faut aussi regarder ce que font les pays voisins, et se rappeler la situation qui existait en 2002. Or, force est de constater que la France et les Français vont sortir affaiblis de la législature qui s'achève. Ces cinq années auront été cinq années perdues.

Ce projet de loi de finances n'a vraisemblablement pas vocation, au demeurant, à être exécuté, et ce quelle que soit l'issue des élections du printemps 2007. Les sénateurs de la majorité ne s'y sont pas trompés, qui ont porté à son endroit des appréciations bien plus critiques que leurs collègues de l'Assemblée.

Dans la lignée des précédents, le budget proposé tend à aggraver les injustices et les inégalités, comme le montre la poursuite de l'augmentation du nombre des allocataires du RMI. L'impôt sur le revenu continue de baisser, mais le total des impôts, contrairement à ce que prétendent le Gouvernement et sa majorité, n'aura cessé d'augmenter depuis 2002. La dépense publique diminue par rapport à l'an dernier, mais elle demeure, en pourcentage du PIB, supérieure à ce qu'elle était en 2002. Quant à la dette, il est confondant d'entendre le Gouvernement se flatter de prendre enfin le problème à bras-le-corps, confirmant implicitement que rien de tel n'a été fait depuis 2002. On peut s'étonner au passage que l'endettement baisse malgré un déficit encore supérieur de 0,2 point au niveau considéré comme « stabilisant ».

M. Thierry Breton a objecté que cela s'expliquait par des cessions d'actifs.

M. Didier Migaud a répondu que ces cessions étaient précisément contestables, tout comme, d'ailleurs, les ponctions opérées sur la trésorerie de l'État, qui font prendre à ce dernier un risque démesuré. Quant à la baisse du déficit, il serait bien étonnant qu'elle n'ait pas lieu lorsque la croissance est là, stimulée par la croissance mondiale. Mais la France bénéficierait davantage de cette dernière si elle menait une politique économique, budgétaire et fiscale plus appropriée : c'est l'enseignement que l'on peut tirer des comparaisons de ses performances avec celles des autres pays de l'Union européenne et de l'OCDE - et, surtout, avec celles qui étaient les siennes en 2002.

Le Gouvernement s'était engagé à plafonner les niches fiscales et à en réduire le nombre. Quelle a été la pratique depuis 2002 ? Quant au plafonnement, on peut regretter que le Président de la Commission ait renoncé en séance, au cours de la discussion du PLF 2006, au dispositif qu'il avait proposé, et qui était bien préférable à celui du Gouvernement, à ce point complexe qu'il s'est heurté à la censure du Conseil constitutionnel. Des critiques se sont également fait jour quant à la pertinence des exonérations de cotisations sociales patronales. Le Gouvernement entend-il continuer à les augmenter sans faire le bilan préalable de leur efficacité ? Enfin, la question de la dette de l'État envers les collectivités territoriales, et en particulier envers les départements au titre du RMI, est quasiment passée sous silence. Ne serait-il pas justifié de leur transférer certaines recettes provenant des surplus fiscaux ?

Le Président Pierre Méhaignerie a observé, s'agissant du nombre des allocataires du RMI, qu'il faut faire des comparaisons à structure constante : dans certains départements, les personnes ayant retrouvé un emploi restent comptabilisées pendant six, voire neuf mois après leur sortie du dispositif.

M. Thierry Breton a souligné que l'évolution du pouvoir d'achat était mesurée au moyen d'indicateurs inchangés d'une année sur l'autre, et sous le regard vigilant d'Eurostat. Il s'agit, certes, d'une moyenne macroéconomique, recouvrant des disparités sur le terrain, mais l'enquête réalisée chaque année par le BIPE, pour une enseigne de la grande distribution, sur le pouvoir d'achat « hors dépenses contraintes » tend, en dépit du caractère peu scientifique de cette notion, à confirmer la tendance mesurée par les chiffres officiels, puisque l'écart entre les deux résultats est à peu près constant - de l'ordre de 1,6 à 1,8 point.

Concernant la procédure pour déficit excessif, le commissaire Joaquín Almunia constate les progrès importants accomplis par la France. La Commission européenne souhaite attendre le dépôt officiel du projet de loi de finances pour prendre position. De nouveaux développements peuvent donc être espérés au moment du conseil Ecofin des 25 et 26 novembre.

M. Jean-François Copé a répondu que nombre d'exemples illustrent le passage du « dépenser plus » au « dépenser mieux » : c'est une des conséquences des audits de performance qui ont été diligentés. La politique immobilière de l'État a été remise à plat, à la suite du rapport de M. Georges Tron pour la MEC. Ont également été rationalisés aussi bien les politiques d'achats des administrations ou les frais de justice - le coût d'une empreinte génétique, par exemple, pouvait auparavant varier de un à sept selon les prestataires.

Le rapport de la Cour des comptes fait état de fraudes ou de risques de fraude à la PPE ; un audit complet a donc été demandé. Il semble que le système de la déclaration préalable permettrait de faire obstacle aux pratiques de minoration des revenus. Sont également attendues les conclusions d'un audit sur les possibilités d'intégration de la PPE à la feuille de paie.

La question des compensations versées aux collectivités locales doit être abordée de façon dépassionnée. Il s'agit notamment de savoir jusqu'à quand il sera possible d'indexer les dotations sur la moitié de la croissance du PIB, majorée de l'inflation, quand les dépenses globales de l'État, elles, n'augmentent plus. L'effort consenti sur le RMI est considérable, et ne mérite pas les critiques qui lui ont été adressées.

Le FNADT bénéficiera d'un effort complémentaire par rapport au décret d'avance pris en juin. Au total, 300 millions auront été versés en 2006. Mais il y a une limite au-delà de laquelle on ne peut aller.

Il est encore un peu tôt pour dire quelles seront les modalités exactes d'exécution du budget de la défense, mais la résorption des reports progresse. Tout sera fait pour que la loi de programmation soit exécutée intégralement, conformément aux engagements pris. Il est exact que l'État apporte sa contribution au bouclage du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il ne faut pas confondre, cela dit, la question de la dette sociale et celle des frais financiers. S'agissant des droits sur les tabacs, qui sont un impôt d'État, il n'y a pas de raison qu'ils soient affectés en totalité à la sécurité sociale au motif que le tabac nuit à la santé.

Enfin, le problème posé par les niches fiscales n'est pas tant celui de leur nombre que celui de leur cumul possible. Mais quel crédit accorder, sur ce point, à M. Didier Migaud et à ses amis politiques, qui sommaient le Gouvernement d'agir, mais dont le recours devant le Conseil constitutionnel a abouti à l'annulation du dispositif ? Selon lui, qui plus est, le présent projet de loi de finances n'aurait « pas vocation à être exécuté » : est-ce à dire que le parti socialiste entend, dans l'hypothèse où le sort des urnes lui serait favorable, renouer avec l'augmentation des dépenses, des déficits et de l'endettement ?

M. Thierry Breton s'est étonné de ce que M. Didier Migaud semble préconiser de ne pas affecter les surplus de recettes à la réduction de l'endettement. Quant à la comparaison entre la situation à la fin de la précédente législature et à la fin de l'actuelle, il n'est pas certain qu'elle soit favorable à l'opposition : le taux de croissance du PIB était de 1 % en 2002 et avoisine aujourd'hui 2,3 ou 2,5 %, le taux de chômage est désormais redescendu au-dessous des 9 % qu'il avait atteint en 2002, et le nombre des emplois créés chaque année dans le secteur privé est passé de 90.000 en 2002 à 200.000 ou 250.000 en 2006.

M. Michel Bouvard, après avoir dit sa satisfaction vis-à-vis du projet de budget, s'est interrogé sur l'évolution de la masse salariale globale au sein de celui-ci : le Gouvernement s'est donné pour objectif de réduire l'emploi public, mais les pensions pèsent, dès cette année, 1,2 milliard d'euros de plus. Peut-on s'attendre à voir baisser l'ensemble « salaires plus pensions » ? Les dépenses d'investissement ne sont pas toujours faciles à identifier dans les documents budgétaires. Où en sont les programmes civils d'investissement qui ont été décidés ? Il y a tout lieu de se féliciter de la maîtrise retrouvée de la dette, mais a-t-on chiffré l'impact des hausses de taux d'intérêt décidées par la Banque centrale européenne en 2006 ? Et a-t-on anticipé les évolutions possibles en 2007 ?

Les allégements de charges sociales continuant de progresser, quelle est la position du Gouvernement sur la barémisation ? Actuellement, les taux de cotisations apparaissent plus élevés qu'ils ne sont en réalité, ce qui peut avoir pour effet de dissuader les investisseurs étrangers.

S'agissant enfin du FNADT, on a pu identifier, grâce à la LOLF, un certain décalage entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement, notamment dans les secteurs du tourisme et du patrimoine. Est-il possible d'avoir une photographie d'ensemble, afin de mieux faire face à ces problèmes ? Des précisions seraient également souhaitables sur la nouvelle ressource affectée que vient d'annoncer le Premier ministre en faveur du patrimoine.

M. Charles de Courson a estimé que les hypothèses macro-économiques pour 2007 n'apparaissent pas déraisonnables, contrairement à celles sur lesquelles reposaient les deux lois de finances précédentes. Il est préoccupant, en revanche, que la balance commerciale continue de se dégrader. Quant à l'embellie sur le front de l'emploi, elle est surtout due à l'accélération des départs anticipés à la retraite, permis par la loi « Fillon », mais le poids de ces départs, estimés à quelque 350 000 depuis trois ans, aggrave de 2,5 à 3 milliards d'euros le déficit des régimes de retraite.

Il n'est pas exact d'affirmer que les dépenses reculent de 1 % en volume : ce décompte n'inclut ni les prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne et des collectivités locales, ni les dégrèvements de taxe professionnelle, ni la PPE. Au total, les dépenses progressent de plus de 2,1 %, et même de 3,3 % si l'on additionne celles de l'État, des régimes sociaux - à supposer que les comptes de l'assurance maladie soient in fine conformes aux prévisions - et des collectivités territoriales. En d'autres termes, elles augmentent, au mieux, au même rythme que le PIB en valeur. L'effort est indéniable, mais il reste insuffisant.

Quant aux prélèvements obligatoires, leur part dans le PIB, qui n'a cessé d'augmenter jusqu'en 2005, s'est stabilisée en 2006. Le projet de loi de finances présente une légère baisse en 2007, alors qu'en réalité leur montant est appelé à s'accroître de 27 milliards d'euros, c'est-à-dire de 3,5 %. En euros constants, les déficits globaux du secteur public ne baissent pratiquement pas.

Enfin, la baisse apparente de l'endettement est due à des cessions d'actifs pour 16,6 milliards d'euros et à des mesures d'écrêtement de la trésorerie de l'État pour 18 milliards. L'an prochain, le déficit sera situé légèrement au-dessous du niveau « stabilisant » par rapport à l'endettement, mais la situation redeviendra très difficile au moindre retournement de la conjoncture. La politique budgétaire et financière menée ces dernières années n'a donc pas été à la hauteur des enjeux.

M. Hervé Mariton a souligné que la réduction du déficit budgétaire se poursuit régulièrement depuis cinq ans : la qualité des prévisions s'était alliée à celle de l'exécution tout au long de cette période. Les surplus de recettes fiscales, initialement estimés à 1,3 milliard d'euros, ont été réévalués à 3, puis à 5 milliards. Peut-on espérer que leur montant final sera encore supérieur ? Si le déficit global des comptes publics est désormais au-dessous du déficit « stabilisant », tel n'est pas encore le cas du déficit de l'État. Compte tenu de la stratégie budgétaire choisie par le Gouvernement, combien faudra-t-il de temps pour y parvenir ?

Quelles sont les perspectives d'évolution de la dette en 2007 ? Peut-on compter sur de nouvelles cessions d'actifs ? Y a-t-il, inversement, des facteurs d'aggravation possibles ? Les prélèvements obligatoires de l'État baissent, certes, depuis quatre ans, mais il faudrait considérer l'ensemble des prélèvements, afin de faire mieux apparaître la responsabilité des uns et des autres. La notion d'investissement « immatériel » est riche et séduisante, mais n'est pas forcément aisée à cerner avec précision.

M. Thierry Breton a répondu qu'il fallait entendre par là les dépenses liées à la recherche et à l'innovation.

M. Hervé Mariton a enfin demandé comment s'articulent les nouvelles compensations accordées aux départements au titre du RMI avec celles décidées dans le cadre des lois de finances rectificatives pour 2005 et 2006.

M. Philippe Auberger a considéré que le faible nombre de mesures fiscales nouvelles a un effet positif sur la « lisibilité » du projet de budget, mais a regretté, compte tenu du rapport de la Cour des comptes, que le dispositif de la prime pour l'emploi n'ait pu être réformé avant que son montant soit augmenté, considérablement. Il faut absolument en simplifier le barème ; quant à la préliquidation, mieux vaudrait la confier aux entreprises et à l'URSSAF qu'à l'administration fiscale.

Il est impératif, si l'on veut inspirer confiance dans la politique de réduction de la dette publique, d'estimer avec précision le niveau du déficit dit « stabilisant ». Il semble que celui-ci ne sera pas atteint en 2007, sauf nouvelles ventes d'actifs.

Enfin, il serait excessif d'écarter d'un revers de main les études du BIPE sur le pouvoir d'achat des ménages. Les élus, qui sont aussi gestionnaires de parcs de logements sociaux, savent bien qu'ils ne peuvent augmenter les loyers autant que le permet le nouvel indice, pourtant plus favorable aux locataires que l'ancien, lorsque le pouvoir d'achat ne progresse que de 1,8 %. Encore ce dernier chiffre constitue-t-il une moyenne : il faudrait affiner la connaissance du phénomène en ventilant l'évolution par déciles, car les valeurs affichées ne correspondent pas à ce que ressent la population.

M. Charles de Courson a estimé que pour un tiers de la population, le niveau de vie baisse.

M. Jean-Claude Sandrier, après avoir déploré que la parole n'ait pas été donnée en priorité aux représentants de chacun des quatre groupes politiques, s'est inscrit en faux contre le discours autosatisfait du Gouvernement et de la majorité : le groupe communiste et républicain juge, pour sa part, que ce projet de budget est de nature à accroître les inégalités. D'un côté, en effet, les contribuables les plus aisés bénéficient de la plus grande partie des quelque 6 milliards d'euros de « cadeaux » fiscaux, et le poids relatif des impôts progressif va en diminuant ; de l'autre, les 5 milliards d'euros de recettes supplémentaires attendues ne sont pas redistribuées aux Français, alors même que ce surplus est dû à la reprise de la consommation, obtenue au prix d'un endettement croissant des familles et d'une baisse de leur épargne.

Le Gouvernement s'abstient de mettre à contribution les profits, les dividendes, les plus-values boursières ou les rémunérations astronomiques des PDG pour financer des dépenses socialement utiles. En d'autres termes, après avoir aggravé l'endettement par des cadeaux fiscaux et exonérations diverses, on refuse au nom de cet endettement même, toute redistribution. Le nombre des allocataires du RMI, des bénéficiaires de la CMU, des travailleurs précaires, ne cesse pourtant d'augmenter, et le pouvoir d'achat des Français est amputé régulièrement, en dépit des chiffres annoncés, par les hausses des loyers, du prix de l'essence, des tarifs du gaz et de l'électricité.

M. Daniel Garrigue a souligné que le projet de budget est fondé sur un effort considérable de mise en perspective de l'action du Gouvernement : application de la LOLF, stratégie de désendettement, volonté d'appliquer les lois d'orientation et de programmation. Il a toutefois souhaité des précisions supplémentaires sur la gestion de la trésorerie de l'État, dont on semble attendre une économie d'une vingtaine de milliards d'euros, et sur les directives données à cet effet à l'agence France-Trésor.

S'agissant des biocarburants, jusqu'où pourra-t-on aller dans la mise en application des recommandations du rapport confié à M. Alain Prost ? Les principales contraintes sont-elles d'ordre technique ? Sont-elles liées à l'Europe, ou tout simplement à la crainte de perdre des recettes de TIPP ?

M. Augustin Bonrepaux a observé que les niches fiscales sont de plus en plus nombreuses, alors même que le Gouvernement avait annoncé son intention de les réduire. Le dispositif de plafonnement que ce dernier a proposé au lieu du système plus souple, préconisé par le Président de la commission des Finances, s'est révélé si complexe que le Conseil constitutionnel a dû l'invalider. Un nouveau dispositif devait être présenté cette année, mais rien ne semble le confirmer. S'agissant des crédits d'investissement, ceux du FNADT notamment, ou encore ceux du patrimoine, certains programmes sont paralysés, et les chantiers stoppés. Le Premier ministre vient d'annoncer des crédits nouveaux, mais pourront-ils être utilisés avant la fin de l'année ? Sinon, seront-ils reportables sur l'exercice suivant ? Et leur répartition géographique sera-t-elle plus équitable qu'actuellement, en particulier envers la partie sud de la France ?

Un effort, tardif, a été consenti pour aider les départements à faire face à la charge du RMI, mais l'État continue de leur devoir 850 millions d'euros, à quoi s'ajoute une somme équivalente au titre de 2006. Ne pourrait-il utiliser une partie du surplus fiscal à s'acquitter de sa dette ? Enfin, les allocataires du RMI qui passent au RMA ou qui signent des contrats d'avenir sortent des statistiques du RMI, mais celles-ci n'en continuent pas moins de croître. Plus grave, leur charge n'est plus compensée aux départements, qui sont bien mal récompensés de leur effort d'insertion, à telle enseigne que certains présidents de conseils généraux n'hésitant pas à parler d'« escroquerie »...

Le Président Pierre Méhaignerie a reconnu que les départements les moins riches avaient moins bénéficié que les autres de l'envolée du produit des droits de mutation, mais a rappelé que le transfert de l'aide sociale, en 1982, n'avait donné lieu à aucune régularisation a posteriori. Au bout de trois ans, cependant, les dépenses ont diminué ; il en ira de même si le RMI est bien géré au niveau départemental. Par ailleurs, il semblerait que l'application du crédit impôt recherche déclenche assez souvent un contrôle fiscal pour l'entreprise bénéficiaire dans l'année qui suit.

M. Thierry Breton a apporté aux divers intervenants les éléments de réponse suivants :

- ce sont, en effet, une vingtaine de milliards d'euros que l'on peut dégager grâce à une meilleure gestion de la trésorerie de l'État, reposant sur des outils modernes dont la plupart des grands pays développés se sont dotés. Parallèlement, a été mis sur pied un système de remontée des informations aux administrations, afin qu'elles gèrent mieux leurs dépenses, tandis qu'un comité interministériel veille à la maîtrise par celles-ci de leur trésorerie,

- M. Alain Prost a remis hier son rapport sur les biocarburants, dont les recommandations vont maintenant être finalisées par le Premier ministre. Les constructeurs, la filière agricole, les sociétés pétrolières ont, de leur côté, pris des engagements. L'État, pour sa part, réduira sans doute au maximum autorisé par les règles européennes la fiscalité sur la partie « éthanol » des carburants, et accordera peut-être aussi aux flottes captives des exonérations significatives de la taxe sur les véhicules de société,

- le nouvel indice des loyers permet cette année une augmentation de 2,43 %, soit à peu près autant que celle du pouvoir d'achat moyen. Celui-ci recouvre, certes, d'importantes disparités, mais en tout état de cause, la situation est plus favorable qu'elle ne l'aurait été avec l'ancien indice, qui aurait permis une hausse de 3,35 %,

- la référence à la mesure du pouvoir d'achat « hors dépenses contraintes », ne met pas en cause la qualité des travaux du BIPE, mais l'écart avec les chiffres de l'INSEE tend à corroborer la tendance que ceux-ci indiquent,

- le surplus de recettes fiscales pour 2006 a été estimé à 5 milliards d'euros après que les chiffres du deuxième acompte de l'impôt sur les sociétés ont été connus, c'est-à-dire le 22 septembre. Si de nouvelles évolutions se produisent d'ici la fin de l'année, elles seront rendues publiques sans délai,

- le Premier ministre avait annoncé, dans le cadre du plan de désendettement quinquennal, qu'il faudrait céder chaque année quelque 10 ou 11 milliards d'euros d'actifs. C'est l'ordre de grandeur des opérations envisagées pour 2007, sachant que les réalisations ont été supérieures de moitié en 2006,

- les marchés financiers n'anticipent actuellement aucune hausse des taux en 2007 dans la zone euro, et celle - de 0,25 ou 0,50 point - qu'ils anticipent pour 2006 est parfaitement supportable par le budget de l'État ; l'alourdissement du service de la dette correspondant à un point de plus passe, après réduction de l'encours, d'un milliard d'euros à 630 millions d'euros environ,

- la balance commerciale de la France a, certes, enregistré une dégradation en 2006, mais ce phénomène est surtout dû à la flambée des cours du pétrole au cours de l'été : le solde des échanges industriels s'est, lui, amélioré,

- il est faux de dire que l'amélioration de la situation de l'emploi s'explique uniquement par le grand nombre de départs à la retraite : en 2005, le solde net des entrées sur le marché du travail est resté positif, même s'il est passé de 35 000 à 25 000,

- l'assainissement des finances publiques, enfin, est bel et bien structurel : la Commission européenne demande à la France un effort de 0,5 point hors soultes, et c'est bien à ce résultat qu'elle sera parvenue sur deux ans - 0,6 point en 2006 et 0,4 point en 2007,

M. Charles de Courson a précisé qu'il n'a pas contesté la réalité de l'assainissement, mais qu'il le juge insuffisant.

M. Jean-François Copé a apporté les précisions complémentaires suivantes :

- l'augmentation des charges de pensions est inéluctable, du fait de la bosse démographique. C'est bien pourquoi l'objectif est de passer de la norme « zéro volume » à la norme « zéro valeur », afin de revenir à l'équilibre en 2009,

- s'agissant du patrimoine, la réforme consiste notamment à élargir les missions de la RMN et à lui attribuer une ressource stable de l'ordre de 70 millions d'euros par an,

- la barémisation des allégements de charges est souhaitable, mais force est de constater qu'elle ne fait pas consensus. Le Gouvernement poursuit néanmoins ses efforts en ce sens,

s'agissant de la compensation de la charge du RMI supportée par les départements, les 500 millions d'euros inscrits au projet de loi de finances pour 2007 au titre de 2006 s'ajoutent aux 500 millions inscrits en LFR pour 2006, au titre de 2005, et aux 500 millions inscrits en LFR pour 2005 au titre de 2004 ;

- les plus-values fiscales sont principalement le fait de l'impôt sur les sociétés ;

- le produit des droits de mutation à titre onéreux a presque doublé depuis leur transfert aux départements ;

- le principal problème posé par les niches fiscales tient à leur accumulation, qui permet des mécanismes d'évasion fiscale.

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