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COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

Mardi 28 novembre 2006

Séance de 17h55

Compte rendu n° 25

Présidence de M. Pierre Méhaignerie,
Président

 

pages

– Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant diverses dispositions intéressant la Banque de France (n° 3382) (M. Gilles Carrez, Rapporteur général)

2

– Informations relatives à la Commission

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Gilles Carrez, Rapporteur général, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant diverses dispositions intéressant la Banque de France (n° 3382).

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a indiqué que la proposition de loi présentée par M. Jean Arthuis, Président de la Commission des finances du Sénat, déposée dès le 11 mai 2006 sur le Bureau du Sénat, a reçu l’accord des instances dirigeantes de la Banque de France et celui du Gouvernement quant aux objectifs poursuivis : une réforme de la gouvernance, une modernisation des dispositions sociales, un ajustement des missions de la Banque et un aménagement du régime fiscal de la Banque de France. A été ajoutée, à l’initiative du Gouvernement, la transposition des directives relatives aux ratios de fonds propres dits « Bâle II ».

S’agissant de la gouvernance, un consensus a émergé sur la nécessité d’adapter les dispositions actuelles à la réforme des missions de la Banque de France liées à l’adoption de l’euro. Aux termes de la loi n° 93-980 du 4 août 1993 modifiée par l’article 85 de la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002), l’organe dirigeant est le Conseil de la politique monétaire, composé du Gouverneur, des deux sous-gouverneurs et de quatre membres nommés pour six ans en Conseil des ministres et choisis à partir d’une liste comprenant un nombre de noms triple de celui des membres à désigner et établie par les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique et social. Leurs fonctions sont exclusives de toute autre activité professionnelle. À ses côtés, un Conseil général, comportant les membres du Conseil de la politique monétaire et un représentant élu des salariés de la Banque de France, est chargé de l’administration de la Banque de France.

L’article premier de la proposition de loi adoptée par le Sénat propose de tirer les conséquences de l’avènement de la politique monétaire unique sous l’autorité de la Banque centrale européenne en supprimant le Conseil de la politique monétaire dont le rôle « stratégique » en est nécessairement réduit. Il serait remplacé par un comité monétaire du Conseil général qui comporterait sept membres : le Gouverneur et les sous-gouverneurs plus deux membres nommés par le Président de l’Assemblée nationale et deux membres nommés par le Président du Sénat. Hormis le cas du Gouverneur et des sous-gouverneurs, ces fonctions ne seraient pas exclusives d’une activité professionnelle avec l’accord de la majorité des membres du comité monétaire. Les deux membres extérieurs nommés en 2000 resteraient en fonction jusqu’au terme de leur mandat, en 2008.

Pour sa part, le Conseil général dont les compétences resteraient inchangées, serait composé des membres du comité monétaire, de deux membres nommés en Conseil des ministres sur proposition du ministre chargé de l’économie « compte tenu de leur compétence et de leur expérience professionnelle dans les domaines économique et financier » et du représentant élu des salariés de la Banque de France. Ainsi, les personnalités extérieures seraient majoritaires au sein du Conseil général.

Le Gouverneur de la Banque de France a fait part au Rapporteur général de son accord avec une réforme qu’il a jugé équilibrée.

Les choses sont plus complexes dans le domaine de la réforme des droits et des relations sociaux. Actuellement, selon la jurisprudence, le droit du travail doit s’appliquer à la Banque de France sauf lorsque ses dispositions sont incompatibles avec son statut ou ses missions. Cette situation n’est pas totalement satisfaisante et rend nécessaire une adaptation des dispositions du code du travail. Certaines règles générales du droit du travail sont incohérentes avec le fait que la Banque de France est contrôlée exclusivement par les pouvoirs publics et préservée de tout risque économique. Il en va ainsi de certains pouvoirs dévolus au comité d’entreprise en cas de problèmes affectant la continuité d’exploitation des entreprises, notamment la consultation obligatoire en cas d’offre publique d’achat, le droit d’alerte ou la faculté de recourir à un expert-comptable pour l’examen annuel des comptes. L’application à la Banque de France d’autres dispositions du code du travail pose actuellement problème. C’est en particulier le cas de la règle dite de « l’effet cliquet » qui impose que la contribution sociale versée par l’employeur aux institutions sociales une année ne puisse être inférieure au montant le plus élevé des sommes affectées aux dépenses sociales de l’entreprise atteint au cours des trois dernières années précédant la prise en charge des activités sociales et culturelles par le comité d’entreprise. Or, dans un contexte de la rationalisation et de restructuration du réseau et par conséquent des effectifs de la Banque de France, cette règle prive de la possibilité d’ajuster la contribution de l’employeur aux besoins réels de financement. En outre, force est de constater que cette contribution est très élevée, puisqu’elle atteint 13% de la masse salariale en 2002, contre par exemple 10% à la Caisse des dépôts et consignations ou de l’ordre de 3% dans les grandes banques privées.

La discussion par le Sénat de l’article 5 de la proposition de loi, qui traite de ces questions sociales, a coïncidé avec la proclamation de l’engagement du Président de la République de faire précéder toute réforme sociale des concertations nécessaires avec les représentants du personnel. Aussi le Sénat a-t-il adopté les seules dispositions de l’article 5 ne justifiant pas de recours à la négociation sociale. Depuis lors, la concertation a été engagée par le Gouverneur. Elle a abouti à un protocole d’accord signé le 21 novembre dernier par la représentante du personnel au Conseil général de la Banque de France et les 7 organisations syndicales. Il conviendrait donc de revenir au texte initialement adopté par la Commission des Finances du Sénat.

La proposition de loi tend par ailleurs à procéder à une actualisation des missions de la Banque de France en reconnaissant l’établissement de la balance des paiements comme une mission propre de la Banque de France.

L’article 2 bis, issu d’un amendement du Gouvernement, tend à habiliter le Gouvernement à procéder, par ordonnance, à la transposition des directives relatives aux ratios de fonds propres dites directives « Bâle II ». En effet, l’accord de Bâle de 2004 a affiné les normes relatives aux fonds propres, notamment le ratio de solvabilité dit « ratio Cooke ». Deux directives européennes ont été adoptées en juin dernier pour traduire les accords de Bâle en droit communautaire. La date limite de transposition de ces directives par les États membres a été fixée à la fin de cette année. L’habilitation de l’article 2 bis s’est substituée à un amendement initial du Gouvernement comportant les mesures de transposition envisagées qui, très complexes, nécessitaient un délai d’examen complémentaire.

La proposition de loi traite également du régime fiscal de la Banque de France. Actuellement, la Banque de France acquitte l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun. Des règles comptables spécifiques lui sont toutefois applicables en raison de son appartenance au Système européen de banques centrales (SEBC), ce qui l’oblige, pour le calcul de son impôt sur les sociétés, à d’importants retraitements fiscalo-comptables. La proposition de loi adoptée en première lecture par le Sénat tend donc, dans un souci de simplification, à harmoniser les règles fiscales et comptables applicables à la Banque de France. Pour la détermination du revenu imposable résultant des activités menées au titre des missions du SEBC, il est proposé de se référer désormais aux règles comptables particulières aux Banques centrales participant au SEBC. Il en résulterait une différence de l’ordre de 1% du montant de l’impôt acquitté par la Banque de France.

En conclusion, le Rapporteur général a souligné la signature d’un protocole d’accord par le Gouverneur de la Banque de France et les organisations syndicales sur les aspects sociaux abordés dans la proposition de loi et proposé en conséquence de revenir aux dispositions de l’article 5 qui ont été écartées dans l’attente d’une négociation.

Le Rapporteur général a indiqué avoir rencontré à la fois le Gouverneur de la Banque de France et le Président de la Commission des finances du Sénat sur l’ensemble de ces questions qui n’appellent pas de modifications techniques supplémentaires. Il serait souhaitable d’adopter un dispositif qui puisse être repris en termes identiques par le Sénat.

M. Philippe Auberger a indiqué que les informations présentées par la presse relatives au pourcentage de sa masse salariale versé par la Caisse des dépôts et consignations aux œuvres sociales du personnel lui seront utiles pour présenter des propositions de réforme de celles-ci.

Outre les questions visées par l’article 5 de la proposition de loi, il convient de s’attarder sur les conséquences dommageables que pourrait entraîner son article 2 bis relatif pour l’essentiel à l’habilitation à transposer par ordonnance les directives européennes 2006/48/CE et 2006/49/CE du Parlement et du Conseil du 14 juin 2006 qui traduisent les principes de l’accord de Bâle de 2004 dit « Bâle II ». En effet, les nouvelles règles prudentielles de cet accord conduisent à revaloriser le ratio applicable aux concours aux sociétés non cotées, dans une proportion qui peut être du double de celui exigé pour couvrir les participations dans les sociétés cotées. Il est à craindre que les banques se détournent à l’avenir des sociétés non cotées alors que l’investissement dans celles-ci doit au contraire être encouragé. De plus, l’application des nouvelles méthodes d’appréciation des ratios prudentiels aux compagnies d’assurance doit être éclaircie, le même risque existant de les voir limiter leurs investissements dans le secteur non coté. À l’occasion de la rédaction de l’ordonnance, une attention particulière devra être apportée par le Gouvernement aux dommages qui pourraient être causés à ces investissements essentiels.

M. Jean-Louis Dumont a évoqué la restructuration en cours du réseau de la Banque de France, en rappelant ses possibles conséquences dans les villes moyennes et s’est interrogé sur la politique de la Banque de France s’agissant du devenir des immeubles, souvent de grande qualité, que celle-ci libère lorsqu’elle ferme une succursale.

Le protocole d’accord, évoqué par le Rapporteur général, traduit la nouvelle et heureuse attitude du Gouvernement qui a renoncé à réformer le code du travail sans concertation. Cependant, les départs en retraite permettent sans doute déjà d’atteindre les objectifs de diminution des dépenses sociales. Par ailleurs, il faut être attentif à ce que toutes les garanties soient données au personnel de la Banque de France.

Enfin, l’exemple de la valorisation des sociétés HLM par la Caisse des dépôts et consignations montre les difficultés que les parlementaires, à commencer par ceux de l’opposition, ont à obtenir des informations.

M. Louis Giscard d’Estaing a approuvé M. Philippe Auberger s’agissant des risques que l’article 2 bis de la proposition de loi fait courir à des projets de type France-Investissements. Il est nécessaire d’avoir des garanties du Gouvernement à ce sujet.

S’agissant de l’article 5 de la proposition de loi, il convient de saluer la méthode utilisée par le Gouvernement qui a retiré une disposition modifiant le code du travail afin de permettre une concertation préalable avec les syndicats. La signature d’un protocole accord par toutes les organisations syndicales montre que cette méthode était la bonne.

En outre, l’article premier de la proposition de loi répond au souhait partagé par tous les membres de la Commission de supprimer autant que possibles les organismes obsolètes.

M. Louis Giscard d’Estaing a souligné les efforts tout particuliers accomplis par la Banque de France pour renforcer la compétitivité de son activité de fabrication des billets, notamment par une baisse importante d’effectifs, passés de 2.000 à 900 en dix ans. Il convient que cette activité soit sécurisée dans la restructuration à venir des activités de la Banque de France, notamment parce qu’elle est en mesure de gagner de nouveaux marchés, au sein de la zone euro comme dans les pays tiers.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé que l’effort de productivité réalisé à la Banque de France, réel il est vrai, reste inférieur aux performances du secteur privé.

Le Rapporteur général a jugé tout à fait légitimes les préoccupations exprimées à propos du financement des PME. La directive communautaire du 14 juin 2006 prévoit expressément des dispositions tendant à éviter toute pénalisation des PME. Il conviendra de suivre avec attention cette question lors de l’élaboration de l’ordonnance prise sur le fondement de l’article 2 bis.

La réorganisation du réseau de la Banque de France s’effectue selon une localisation départementale, l’option régionale ayant été repoussée. Cette opération, qui s’achèvera en 2007, se déroule dans de bonnes conditions : en particulier, les locaux – souvent situés au cœur des villes – trouvent facilement preneurs parmi les collectivités locales.

Le protocole d’accord ne traite pas de la question de la fabrication des billets évoquée par M. Louis Giscard d’Estaing. Il comporte en revanche deux volets. Le premier volet traite des missions de la Banque de France qui, en raison de leur spécificité, interdisent une application pure et simple du code du travail. En particulier, les parties signataires s’engagent à examiner plusieurs questions, telles que « les conditions dans lesquelles certaines dispositions du code du travail relatives à la consultation du comité d’entreprise sur les opérations telles que les fusions, ou les dépôts d’offres publiques d’achat, pourraient ne pas s’appliquer à une banque centrale ; les conditions sous lesquelles les élus pourraient recourir à la procédure du droit d’alerte ; les conditions dans lesquelles peuvent être utilement débattus les projets relevant exclusivement des missions du SEBC et par conséquent de la décision du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne ; les conditions dans lesquelles le recours à un expert-comptable rémunéré par l’employeur ne se justifient pas ».

Le second volet concerne la nécessaire conciliation entre la pérennité des œuvres sociales et l’amélioration de la productivité de l’institution. Le protocole d’accord prévoit l’élaboration d’« une méthode de redéploiement progressif des contributions de la Banque aux diverses activités sociales, dans un contexte général de maîtrise des dépenses et en considération des efforts accomplis ces dernières années par les unités d’exploitation pour améliorer leur productivité et la qualité des prestations fournies ». Par ailleurs, aux termes du protocole, la Banque de France s’engage, dans le cas où « l’effet cliquet » ne lui serait plus applicable, à « ne pas en tirer de conséquences immédiates ».

M. Jean-Claude Sandrier a souhaité qu’il soit fait une lecture rigoureuse du protocole d’accord, dont les termes ne valident pas, en tant que tels, la réintroduction dans la proposition de loi des quatre alinéas du texte initial supprimés au Sénat par amendement du Gouvernement. Il s’agit seulement pour les parties signataires de s’engager à examiner les points évoqués par le Rapporteur général. On ne saurait considérer qu’il y ait un accord inconditionnel sur la suppression du droit d’alerte ou sur l’absence de recours à un expert-comptable. Il est également douteux que les syndicats aient accepté la suppression pure et simple de « l’effet cliquet ».

Le Rapporteur général a réaffirmé qu’il n’y a pas, en l’état actuel des négociations, un accord sur chacune des questions précédemment évoquées. Au contraire, le protocole d’accord conforte et encadre la poursuite des négociations.

M. Philippe Auberger s’est étonné de ce que l’exposé sommaire de l’amendement présenté par le Rapporteur général à l’article 5 mentionne une signature du protocole d’accord par les sept organisations syndicales.

Le Rapporteur général a confirmé que le protocole d’accord a bien été signé par l’ensemble des syndicats, ce qui n’a pas été le cas de l’accord relatif au régime de retraite des salariés de la Banque de France.

La Commission a ensuite procédé à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article premier : Suppression du Conseil de la politique monétaire :

La Commission a adopté l’article premier sans modification.

Article 1er bis : Dispositions de coordination :

La Commission a adopté l’article 1er bis sans modification.

Article 2 : Collecte de statistiques monétaires et financières par la Banque de France :

La Commission a adopté l’article 2 sans modification.

Article 2 bis : Habilitation à transposer par ordonnance les directives dites  « Bâle II » et à modifier par ordonnance le régime des sociétés de crédit foncier :

La Commission a adopté l’article 2 bis sans modification.

Article 3 : Échanges d’informations financières sur les entreprises entre organismes d’évaluation externe du crédit :

La Commission a adopté l’article 3 sans modification.

Article 4 : Collecte d’informations financières auprès des entreprises en tant qu’organisme d’évaluation externe de crédit :

La Commission a adopté l’article 4 sans modification.

Article 5 : Application du droit du travail à la Banque de France :

La Commission a adopté un amendement présenté par le Rapporteur général, tendant à rétablir les quatre alinéas de la proposition initiale supprimés par le Sénat.

La Commission a adopté l’article 5 ainsi modifié.

Article 6 : Régime fiscal de la Banque de France :

La Commission a adopté l’article 6 sans modification.

Article 7 supprimé par le Sénat : Majoration du dividende versé par la Banque de France à l’État :

La Commission a maintenu la suppression de l’article 7.

La Commission a adopté l’ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a reçu de la Cour des comptes, en application de l’article 58-2° de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, un rapport sur la formation continue dans les universités.