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COMMISSION DES FINANCES
DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

Mercredi 13 décembre 2006

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 29

Présidence de M. Pierre Méhaignerie,
Président

 

pages

– Audition de M. Jean-Paul Alduy, Président de l’ANRU sur l’application de la LOLF

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– Examen, en application de l’article 45 du Règlement, d’un rapport d’information sur le coût de la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées (M. Augustin Bonrepaux, Rapporteur)

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– Informations relatives à la Commission

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La commission des Finances a tenu à marquer une minute de silence en mémoire de Francis Mayer. Le Président Pierre Méhaignerie a souligné la qualité et la fiabilité de liens tissés, sous sa direction, entre la Caisse des dépôts et la Commission.

Il a salué le parcours remarquable d’un homme qui a franchi tous les échelons intellectuels et mis toute sa compétence et son courage au service de l’État et de l’intérêt général. Le service de l’État était pour lui un choix. Sa lutte contre la maladie fut, à l’image de sa vie, courageuse. Jusqu’au bout il a voulu réformer en profondeur les structures de la Caisse des dépôts, mieux les adapter à des missions diversifiées, sans jamais refuser de se soumettre au contrôle du Parlement. Il laissera l’image d’un homme profondément attaché au service public.

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Puis la Commission a procédé à l’audition de M. Jean-Paul Alduy, Président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), accompagné de M. Philippe Van de Maele, directeur général.

M. Jean-Paul Alduy a indiqué que l’ANRU, comme toute innovation majeure, perturbe les mécanismes de financement et de conception des projets, c’est-à-dire toute la chaîne de la politique de la ville. La loi, au départ, avait été conçue pour 188 quartiers, mais l’ANRU a reçu des centaines d’autres demandes. Il a par conséquent fallu accroître progressivement les enveloppes et trier les demandes au niveau régional. Il est par ailleurs apparu que certaines collectivités régionales étaient prêtes à cofinancer ces opérations, à commencer par le Nord-Pas-de-Calais, région qui se caractérise par une faible centralité et une multitude de quartiers en grande difficulté, parfois de petite taille. Le volume de financement mis en mouvement y a vite été très élevé : il atteint 2,5 milliards d’euros, dont 600 millions provenant de l’ANRU. Plus de la moitié des régions sont actuellement en discussion avec l’ANRU. La région Île-de-France pose davantage de problèmes que les autres, alors qu’y sont concentrés près du tiers des quartiers concernés.

Il existe trois catégories de projets. Les dossiers des 188 quartiers prioritaires seront traités en totalité au plus tard dans les premiers mois de 2007, avec des programmes de rénovation urbaine fixés par convention pour une durée de cinq ou sept ans. Pour les dossiers classés en catégorie 2, au nombre de 341, le processus est engagé de façon à ce que les communes puissent au moins lancer le « cœur de projet », c’est-à-dire sa partie la plus dynamique. Cependant, dans un certain nombre de cas, il est encore impossible d’aller au-delà, car les négociations avec la région sont inabouties et devront se poursuivre dans le cadre des futurs contrats de projets. Selon les préfets de région, des montants supplémentaires de l’ordre de 1,5 milliard d’euros restent à affecter.

Les masses financières sont considérables et le ministère des finances fait confiance à l’ANRU pour déroger à la mécanique en crédits de paiement (CP) et autorisations d’engagement (AE). Cela impose un suivi financier précis et la mise en place d’outils de gestion extrêmement performants. Le système de décision s’en est trouvé perturbé, notamment au niveau des préfets, délégués territoriaux de l’ANRU, et des retards dans les procédures d’attribution et surtout de paiement ont été constatés. De ce fait, les premières années, les dépenses ont été très réduites par rapport aux engagements. Des discussions sont en cours pour mettre sur pied une technique d’avances forfaitaires qui constituerait une nouvelle rupture : les apports atteindraient 15, 50 puis 70 % et le solde serait calé sur l’analyse précise de réalisations, en fonction des dépenses effectives. Il s’agirait d’un système innovant de financement a priori et de contrôle a posteriori, de nature à fluidifier le mécanisme de l’ANRU et à lever les incompréhensions suscitées sur le terrain par les grippages et les retards.

L’ANRU est constamment accusée de s’occuper de l’urbain et pas suffisamment de l’humain ; elle serait mue par le dogme de la démolition, ce que ne corrobore pourtant aucune prise de position de son président ou de son directeur général. Il n’en demeure pas moins que ces quartiers, objets pendant trente ou quarante ans de tant de bricolages, méritent de nouvelles méthodes de travail. Le sujet est central, au cœur du pacte républicain, de la cohésion dans les cités, de l’égalité des chances, de la diversité. Il importe par conséquent d’éviter les anathèmes et d’adopter une démarche précise : changer l’échelle des interventions et donner une impulsion nouvelle aux opérations de rénovation. Or la démolition permet souvent de mettre un terme à la stigmatisation de ces quartiers et donc à l’exclusion économique et sociale dont sont victimes leurs habitants. Les transformations physiques impressionnantes du quartier de la Duchère de Lyon, de Boulogne-sur-Mer ou de Chanteloup-les-Vignes ont entraîné une modification de l’économie urbaine et une amélioration de la rente foncière, phénomènes favorables à la mixité sociale.

Fallait-il compléter les financements existants comme ceux du Fonds d’intervention pour la ville (FIV) ou au contraire fonder une agence spécifique ? Le Gouvernement a choisi la seconde solution, avec l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ANCSEC), qui signe les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). Ceux-ci courent sur trois ans alors que les conventions de l’ANRU durent cinq ans mais les deux agences doivent travailler en cohérence.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a souligné que la rénovation urbaine, avec l’ANRU, a changé d’échelle, les enveloppes financières étant passées de quelques centaines de millions à quelques dizaines de milliards d’euros. Quant à la méthode, elle associe pour la première fois État et collectivités territoriales, mais aussi bailleurs sociaux, Caisse des dépôts et organismes du 1 % patronal. Les collectivités territoriales bénéficient ainsi d’une expertise indispensable pour des opérations aussi complexes. Le changement est également manifeste en ce qui concerne les démarches administratives et financières. Néanmoins, le lancement de certaines opérations particulièrement complexes va encore devoir être retardé, d’où le souci de l’ANRU de déconcentrer le plus possible les procédures.

L’afflux de candidatures a été tel que des régulations s’imposent afin de sélectionner les dossiers et qu’il est nécessaire de reprendre les crédits lorsqu’un projet n’avance pas, ce qui génère des frustrations. L’humain est du ressort des collectivités territoriales, car l’État ne peut s’occuper de tout. Il accompagne déjà les collectivités territoriales pour les réhabilitations, les destructions, les reconstructions, le foncier, l’aménagement d’infrastructures de transport et la réalisation d’équipements. Quand il s’agit de soutenir l’association locale qui s’occupe du relogement, il est logique que les collectivités territoriales prennent le relais.

M. Jean-Louis Dumont, après avoir exigé que certains représentants de la haute administration compétents en matière de politique immobilière de l’État cessent de se dérober et soient auditionnés par la commission, a dénoncé la multiplication des agences intervenant dans le domaine du logement. M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, avait annoncé l’instauration d’un guichet unique, mais force est de constater que l’ANRU est perçue, sur le terrain, comme un facteur de complexification des procédures. Alors que les acteurs de la promotion sociale étaient prêts à se mobiliser, l’administration centrale tente, par tous les moyens, de s’imposer. Si le nombre de dossiers déposés est passé de 188 à 530 ou 540, c’est parce que les discours politiques ont suscité l’attention et le déploiement des énergies.

Des dossiers qui ne relèvent pas de l’ANRU n’auraient-ils pas pu bénéficier de financements classiques de l’État, avec des aides des départements ou des régions ? Certaines régions réclament le temps de la discussion pour préparer leurs décisions. Le Nord-Pas-de-Calais a toujours participé à la politique de rénovation urbaine ; d’autres régions ne leur ont jamais consacré un centime, parce qu’elles n’en avaient pas l’obligation, mais veulent maintenant s’impliquer.

La démolition, si elle s’avère parfois nécessaire, ne saurait être un dogme. Plusieurs millions de familles attendent un logement digne. Il faut donc non seulement produire mais aussi réhabiliter. Les opérations de démolition-reconstruction ne doivent pas camoufler les difficultés, notamment en Île-de-France. Le fait qu’un mode de financement fonctionne dans une région ne justifie pas que les procédures soient rendues plus complexes.

M. Pierre Bourguignon a réclamé des exemples, parmi les 188 quartiers prioritaires, de chantiers qui ont particulièrement bien fonctionné, de projets qui, à l’inverse, se sont révélés insolubles, et enfin de dossiers que les pouvoirs publics ont dû modifier pour les faire aboutir.

M. Charles de Courson a fait observer que la rénovation urbaine se heurte à de très grosses lourdeurs. Les directions départementales de l’équipement (DDE) n’ont pas accepté la création de l’ANRU. Elles renvoient sans cesse les dossiers pour demander des compléments d’information, ce qui fait perdre des mois. Ne faudrait-il pas accorder davantage de pouvoir à l’ANRU ? Les procédures d’urbanisme sont très longues. Ne conviendrait-il pas d’adopter des dispositions dérogatoires pour les quartiers relevant de l’ANRU ? Enfin, les participations financières des collectivités territoriales sont-elles comprises dans des fourchettes ?

M. Jean-Claude Sandrier a souligné que les problèmes du logement, en dix ou vingt ans, ont beaucoup évolué et qu’il ne sert à rien d’intenter constamment des procès au sujet de l’action menée par le passé. La réhabilitation a longtemps été justifiée car les bâtiments étaient en moins mauvais état et devaient en outre être amortis. Le problème n’est pas de nature stratégique mais financière, dans la mesure où les PALULOS, subventionnées à 20 %, sont amputées de la TVA.

Les opérations de démolition-reconstruction partent d’une bonne intention mais sont réalisées au détriment de la dimension humaine : les problèmes pratiques liés au déménagement sont sous-estimés ; les gens veulent souvent rester dans leur quartier ; la question du montant des nouveaux loyers est négligée. Cette action aura-t-elle réellement pour effet d’améliorer la mixité sociale ou bien de déplacer, géographiquement, la ghettoïsation ? En tout cas, des mesures urbanistiques ne suffisent pas pour modifier la réalité sociale.

L’un des deux quartiers de Vierzon qui avaient été retenus a finalement été abandonné au profit d’un troisième ; cette incohérence dans les décisions est flagrante.

M. François Scellier a affirmé que l’ANRU fonctionne bien, sans dogmatisme, et s’efforce d’alléger les procédures. L’augmentation significative du nombre de quartiers retenus s’explique par les retards pris depuis les débuts de la politique de la ville ; celle-ci s’est contentée d’éteindre les incendies en cours sans faire en sorte d’éviter que de nouveaux foyers s’allument.

Il est regrettable que les CUCS aient été recréés car le choix des projets devrait relever des collectivités territoriales. Il aurait été préférable de s’inspirer de l’action de l’ANRU et de fondre les aides dans la dotation de solidarité urbaine (DSU).

M. Alain Rodet a jugé que les préfets et les DDE travaillent parfois en bonne intelligence avec les collectivités territoriales et ne doivent donc pas être stigmatisés. L’ANRU possède nombre de qualités, mais donne un peu l’impression de devenir une tutelle supplémentaire. Le souci du détail de ses chargés d’opération ou de mission, s’il est excessif, risque de se traduire par un alourdissement des procédures et une recentralisation. Un dossier ne doit toutefois être considéré comme prêt et ouvrir droit à des crédits publics qu’une fois les procédures internes à la collectivité territoriale ou à l’établissement public pratiquement achevées : le critère de l’état d’avancement du dossier doit conditionner l’intervention de l’ANRU.

M. Jean-Claude Mathis a témoigné de la situation dans le département de l’Aube, où les objectifs, en 2006, ne seront atteints qu’à hauteur de 50 %, faute de moyens suffisants en entreprises et en personnel, du point de vue quantitatif comme qualitatif. Ce retard n’ayant aucune chance d’être résorbé à bref délai, que deviendront les moyens considérables mis à disposition ? Seront-ils reportés ?

Le Président Pierre Méhaignerie a pointé du doigt la responsabilité, partagée entre le Gouvernement et le Parlement, dans la multiplication des contraintes administratives et la bureaucratisation, qui freinent la prise d’initiatives de la part des collectivités territoriales.

M. Michel Bouvard s’est enquis du degré de mobilisation des réserves foncières de la SNCF et de RFF pour la construction de logements.

M. Jean-Pierre Gorges a estimé que les lourdeurs sont nécessaires et même utiles afin de finaliser un dossier sur le plan financier et que l’ANRU rend service aux collectivités territoriales en clarifiant les modalités de financement des projets.

La dimension sociale est effectivement du ressort des communes et non de celle de l’État. Les élus locaux disposent d’outils, notamment du schéma de cohérence territoriale (SCOT), dont l’élaboration requiert quatre années de réflexion politique pour organiser l’avenir d’un bassin de vie. L’ANRU impose malheureusement des actions motivées par les plans nationaux, mais déphasées par rapport aux programmes locaux de l’habitat (PLH), notamment la reconstruction d’un logement pour un logement détruit dans le cadre étroit de la ville. La démarche nationale de rénovation urbaine ne peut pas être en opposition avec les démarches locales.

M. Jean-Jacques Descamps a déploré de ne disposer d’aucune information sur l’état d’avancement du dossier ANRU de sa circonscription.

M. Philippe Van de Maele a expliqué que certains dossiers, conçus rapidement, en négligeant notamment la phase de concertation avec les habitants, rencontrent ultérieurement des difficultés. D’autres semblent davantage portés par le bailleur que par le maire. Mais il arrive au contraire que tout se déroule parfaitement bien, jusque dans l’instruction des projets et la rapidité de l’exécution des paiements. Il n’en reste pas moins que le conseil d’administration de l’ANRU travaille pour réduire les lourdeurs de préparation et d’exécution des projets.

L’ANRU est une structure partenariale, qui reflète les avis de l’État – à travers ses deux composantes que sont les ministères du logement et de la ville –, des partenaires sociaux, du monde HLM et de la Caisse des dépôts. Ce travail de partenariat est parfois un peu lourd mais aide à améliorer la qualité de projets.

Après deux ans de conventions, la transformation est perceptible dans de nombreux quartiers. La dynamique est manifeste notamment en matière de mixité de l’offre, avec parfois un effort plus appuyé que prévu en matière d’accession sociale.

M. Jean-Paul Alduy a apporté les éléments de réponse suivants :

– la chaîne des acteurs – ANRU, préfets, DDE, maires, établissements publics de coopération intercommunale, départements et régions –, particulièrement complexe, a été rigidifiée à travers les lois et règlements accumulés en plusieurs décennies ;

– l’ANRU, avec 65 personnes, n’a pas les moyens d’être une administration de tutelle sur 500 ou 600 projets. C’est même une agence « biodégradable » : lorsqu’elle aura accompli sa mission, elle devra disparaître. La philosophie de l’ANRU est de mettre le maire ou, dans de rares cas, le président de l’intercommunalité en position d’efficacité, certainement pas de se substituer à eux. L’animation sociale et la conception des projets ne sont pas de sa responsabilité mais, puisqu’un très gros volume d’argent public est en jeu, elle dispose d’une grille d’analyse des projets ;

– en l’absence de gouvernance de la ville, le critère intangible du « un pour un » - un logement construit pour un logement détruit, dans la même catégorie – pose problème. Néanmoins, compte tenu de la tension sur la demande, il est indispensable pour assurer la reconstitution du patrimoine social. Dans certains cas, il est apprécié sur un bassin d’emploi plus large que la commune ;

– les administrations d’État conservent leurs pouvoirs. Il était tellement compliqué d’obtenir de la direction générale de l’urbanisme, la circulaire permettant d’accélérer le volet logement social des projets ANRU qu’elle ne simplifiait pas grand-chose ; il a donc fallu en assouplir la lecture. L’Agence ne peut transformer d’un coup de baguette magique les mécanismes administratifs français sédimentés ;

– l’ANRU a eu beaucoup de mal à faire comprendre que ses conventions différaient énormément des contrats précédemment en vigueur entre l’État et les collectivités territoriales, plus proches de codes de bonne conduite. La convention ANRU, par exemple, vaut plan de relogement, avec financements à la clé, ce qui rend inutile l’instruction des opérations une par une ;

– les opérations de relogement étant très difficiles – l’accompagnement du fonds de solidarité logement (FSL), notamment, n’est pas à la hauteur de l’accélération de l’histoire –, il arrive qu’elles dérapent dans le temps. En outre, le loyer du logement neuf est parfois très supérieur à celui du logement ancien. L’outil ANRU est inadapté aux centres urbains anciens ; il convient à cet égard de mieux coordonner l’action de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH) et celle de l’ANRU, mais aussi d’élaborer un programme spécifique, avec ses propres méthodes et financements ;

– les demandes ont afflué car l’apparition de l’ANRU a immédiatement créé un effet guichet. Par ailleurs, certains crédits de droit commun auxquels étaient éligibles les zones urbaines sensibles (ZUS) n’ont plus été mobilisables. L’ANRU a eu beaucoup de mal à filtrer et à obtenir des acteurs locaux et régionaux qu’ils opèrent une sélection.

Le Président Pierre Méhaignerie s’est interrogé sur l’utilité du conseil de surveillance de l’ANRU et, compte tenu des contraintes financières, sur les capacités du système à subir une montée en puissance.

M. Jean-Paul Alduy a répondu que la dernière réunion du conseil d’administration a été l’occasion d’un excellent débat et avait permis d’apporter des correctifs au dispositif. Pour faire face à sa pointe d’activité, qui devrait intervenir en 2008, l’ANRU a déjà prévu d’emprunter ; il lui manque 2 milliards d’euros.

M. Philippe Van de Maele a précisé que le maximum des engagements se produirait ses effets de 2008 à 2010 et que le ministère du budget en a conscience.

Le Président Pierre Méhaignerie a émis le souhait que la commission dispose d’informations sur l’activité de l’ANRU afin de pouvoir évaluer son action.

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La commission a enfin procédé à l’examen d’un rapport d’information sur l’introduction de l’ours dans les Pyrénées (M. Augustin Bonrepaux, Rapporteur).

M. Augustin Bonrepaux, Rapporteur, a remercié le Président de la confiance qu’il lui a témoignée en lui confiant cette mission d’information. Certes, le coût du programme de réintroduction peut paraître, de prime abord, peu élevé au regard du déficit budgétaire de l’État. Mais ce déficit exige que toutes les économies possibles soient effectivement réalisées. Or, il s’en trouve indéniablement à faire dans ce domaine.

Depuis dix ans, ce sont plus de douze millions d’euros qui ont été dépensés au titre de la réintroduction de l’ours brun. Aux dépenses directement induites par la capture, le convoyage et le lâcher d’ours slovènes s’agrègent des coûts de gestion indirects de plus en plus élevés. L’opinion selon laquelle ce plan gouvernemental bénéficierait largement aux éleveurs est très répandue, alors qu’il n’en est rien. En excluant des dépenses d’animation qui ne le concernent pas, et même en prenant en compte les indemnisations – du reste sous-évaluées – dont ils sont légitimement destinataires, ce sont seulement 534.000 euros qui auront été versés aux éleveurs en 2005. Le budget de la communication ministérielle paraît anormalement élevé, du fait de contradictions internes. Alors que le discours gouvernemental est fondé sur l’idée que la réintroduction est une bonne chose et ne fait pas naître de difficultés, le ministère de l’Écologie et du développement durable doit imprimer à grands frais des brochures luxueuses où sont abondamment documentées toutes les situations où la rencontre avec l’ours brun peut avoir des suites malencontreuses. Il faut donc en finir avec une présentation idyllique. Chargés de lutter contre la divagation des animaux nuisibles dans leur commune, les maires savent que leur responsabilité est engagée et qu’ils ne peuvent attendre en ce domaine que des assurances verbales de la part des pouvoirs publics.

L’année 2006 marque un pic sans précédent dans la consommation des crédits. Ils augmentent de 43 % par rapport aux dépenses de 2005, et même de 75 % par rapport à la moyenne des dépenses réalisées au cours des cinq dernières années. Encore ne s’agit-il que des chiffres annoncés dans le plan gouvernemental de restauration et de conservation de l’ours brun dans les Pyrénées. Il s’avère que le temps consacré par les agents publics à la réintroduction est considérable. Dans les directions départementales de l’Agriculture et à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, ce sont presque vingt équivalents temps plein travaillé qui auront été mobilisés en 2005. Le personnel de toutes les préfectures de la région est mis lui aussi à contribution, y compris pour constituer des cellules de crise au milieu de la nuit… La gendarmerie a, quant à elle, pu fournir une évaluation chiffrée de son implication, qui correspond à l’engagement d’une brigade entière de douze gendarmes mobilisée en permanence.

Car il convient d’accompagner le personnel chargé d’effaroucher l’ours quand il s’approche trop des habitations. Les évaluations des dommages causés par l’animal conduisent à des confrontations qui peuvent requérir à l’occasion la présence de la gendarmerie. Trois escadrons ont même été mobilisés pour empêcher un député… de l’Ariège de se rendre sur les lieux d’un lâcher.

Les services de la Justice doivent eux aussi faire face à un important surcroît de travail. Les plaintes et les procès se multiplient. Des opposants à l’ours sont placés en garde à vue, leur domicile est perquisitionné. La convention de Berne ne préconise pourtant la réintroduction que dans la mesure où celle-ci est justifiée et acceptée. Il convient de faire ressortir que cette condition n’est pas réalisée et que la convention n’a donc pas été respectée.

Le contraste avec la situation en Slovénie est, à cet égard, particulièrement éclairant. Dans ce pays, la gestion et la surveillance des ours n’induit pas de coût spécifique pour l’État. L’animal peut être chassé avec un encadrement de l’Office des forêts. Par contre, l’État indemnise non seulement les dommages causés aux troupeaux, mais aussi tous les autres dégâts liés à la présence de l’ours. En cas de danger grave, l’ours est abattu. La même méthode s’applique aux ours qui causent des dégâts trop importants.

Dans les zones où l’ours est présent, la fréquentation touristique est faible. Elle n’est pas non plus recherchée, pour protéger la tranquillité de l’animal. Les rares éleveurs présents restent constamment sur leurs gardes. Des aires de nourrissage régulièrement regarnies offrent aux ours la possibilité de s’alimenter : on y trouve non seulement des céréales, mais aussi des carcasses d’animaux.

En définitive, le statu quo se révélerait en France particulièrement coûteux, tandis qu’une population viable – estimée à 80 voire 100 individus – ne pourrait que décupler à la fois les nuisances et les coûts. Dans un souci d’économie et de sécurité, le cantonnement des animaux s’impose donc comme la solution adéquate. Un rapport de l’Inspection générale de l’Environnement l’avait proposé il y a quelques années pour le loup. Il devrait être possible d’en réclamer un identique à propos de l’ours.

M. Michel Bouvard a souligné que, loin d’être anecdotique, cette question très sensible auprès des populations concernées soulève de sérieux problèmes en termes de responsabilité des élus et des éleveurs. Récemment encore, un éleveur a été condamné parce que son chien patou avait mordu un randonneur ! Si l’on prend en compte les 5 millions d’euros consacrés chaque année aux effets de la présence du loup dans le massif alpin, le coût des mesures liées à la régulation du comportement des prédateurs réintroduits en montagne risque d’exploser, d’autant plus que l’objectif affiché du ministère chargé de l’environnement est la reconquête, par ces animaux, de l’ensemble des territoires qu’ils occupaient jadis. Il est important de rappeler que la convention de Berne n’oblige nullement la France à réintroduire des ours dans tous les espaces où il n’y en a plus. La position du Gouvernement doit, par ailleurs, être clarifiée, ce dernier n’ayant pas soutenu les initiatives internationales tendant à déclasser le loup des procédures de protection absolue.

Après avoir félicité le Rapporteur pour la qualité de son travail, aussi constructif que documenté, M. Didier Migaud a regretté qu’autant de moyens humains et financiers soient mis en œuvre au service d’une démarche ayant fait l’objet de si peu de concertation et d’expertise, alors que des politiques publiques autrement plus cruciales sont négligées. La ministre chargée de l’environnement gagnerait peut-être à observer les ravages des ours si l’un d’entre eux était introduit dans le jardin de son ministère… Alors que le Gouvernement a imposé ces mesures à la Représentation nationale, il est grand temps que le Parlement intervienne pour manifester son opposition, en supprimant au besoin des crédits budgétaires. Le rapport présenté à la Commission, qui est équilibré et responsable, ne doit en aucune manière rester sans suite.

Faisant également part de son plein accord avec les conclusions du rapport, le Président Pierre Méhaignerie a souligné combien l’Assemblée nationale remplit sa mission en éclairant l’opinion publique sur les implications financières de telles décisions. Nos gouvernants doivent cesser de suivre – parfois jusqu’à l’aveuglement – les idées à la mode et dépasser la simple dimension affective ou médiatique des questions de société.

Soulignant le coût prohibitif de la réintroduction des ours dans les Pyrénées, M. Jean-Pierre Gorges s’est demandé s’il ne convient pas de procéder à une réintroduction massive tout en laissant aux chasseurs la possibilité de tuer des ours. M. Louis Giscard d’Estaing a fait remarquer qu’il n’est jamais venu à l’esprit des Britanniques de réintroduire le sanglier, qui a disparu, sur leur territoire, mais est aujourd’hui responsable, en France, de sérieux dégâts aux cultures.

Usant de la faculté que l’article 38 du Règlement de l’Assemblée nationale confère aux députés d’assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, Mme Chantal Robin-Rodrigo a remercié le Rapporteur pour la présentation de ses conclusions si attendues dans le massif pyrénéen. N’invitant nullement à l’ironie, cette question concerne, en réalité, l’ensemble de l’économie montagnarde pour laquelle elle constitue une grave menace. Tous les élus concernés, de droite comme de gauche, se sont opposés à la réintroduction de l’ours, de même que la totalité des maires du département des Hautes Pyrénées : la décision prise par le Gouvernement révèle donc un déni de démocratie. Alors qu’une appellation d’origine contrôlée (AOC) comme celle du mouton de Barèges–Gavarnie prévoit que les animaux doivent paître en toute liberté, la réintroduction de l’ours constitue une menace directe à l’équilibre de ce pastoralisme d’avenir. Il est essentiel que les préconisations du rapport de M. Augustin Bonrepaux soient mises en œuvre rapidement.

Usant de la faculté que l’article 38 du Règlement de l’Assemblée nationale confère aux députés d’assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, M. Jean Lassalle a félicité M. Augustin Bonrepaux pour son travail, très attendu. Il a estimé que c’est l’opinion qu’il faut à présent éclairer, car le problème de la réintroduction de l’ours, connu de tous et qui peut apparaître pittoresque, est une réalité douloureuse et qui occasionne de lourdes contraintes dans les régions concernées. On assiste actuellement à la mise en place d’une sorte d’alliance internationale environnementale, qui s’apparente à un terrorisme intellectuel. Un regroupement de mouvements et de partis écologistes dont la représentativité est variable, et parfois douteuse, s’est livré à une notation de l’action menée par les différents partis politiques dans le domaine de l’environnement. Ils sont tous mal notés. Nous vivons une époque pendant laquelle des changements de mode de vie radicaux touchent l’ensemble des populations du monde, et l’on assiste à une désertion massive et profonde du monde rural pour le monde urbain, sur tous les continents. A côté de ce phénomène, on assiste à l’apparition d’une caste qui se met en place au plan mondial, de mouvements souvent financés par les États, qui veulent imposer les « paradis verts », après les paradis fiscaux. Les représentants de cette caste s’efforcent de contrecarrer les modes de vie ancestraux des populations en dénonçant de soi-disant atteintes à l’environnement, ce qui ne peut qu’amplifier l’abandon de la vie rurale.

M. Jean-Louis Dumont a dénoncé une politique qui, d’un côté engage des coûts extrêmement importants pour la réintroduction d’animaux sauvages dans des régions qui ne la souhaitent pas, alors que, d’un autre côté, il est impossible d’obtenir des financements très modestes pour sauver certaines espèces d’oiseaux en voie de disparition, comme le râle du genêt, dont il reste très peu d’individus. Il serait souhaitable que la position des élus locaux soit prise en considération par les ministres de l’Écologie, alors qu’ils accomplissent de grands efforts pour la mise en œuvre des programmes Natura 2000, par exemple. Mais qui s’en soucie ?

M. Augustin Bonrepaux, Rapporteur, a indiqué qu’il avait contrôlé l’utilisation des subventions de l’État par trois associations. Ainsi, il a relevé que l’IPHB, présidée par Jean Lassalle, avait utilisé de manière exemplaire les subventions qui lui avaient été attribuées jusqu’en 2005, n’en ayant pas reçu en 2006. La plupart des subventions ont été affectées à des actions de pastoralisme. Une deuxième association contrôlée, l’ADET, a utilisé ses subventions à la promotion de l’introduction de l’ours, ce qui est conforme à la convention avec la direction régionale de l’Environnement. Enfin, le troisième contrôle, portant sur l’association pour la cohabitation pastorale, a fait apparaître des failles dans la gestion des fonds. Cette association a reçu, en 2006, 204.000 euros pour employer sept personnes, l’ancienne présidente et le trésorier étant également rémunérés. Les adhérents de cette association ont été présentés comme des éleveurs, alors qu’ils ne sont, en réalité, que des émissaires du Gouvernement.

Le traitement de cette question depuis plusieurs années constitue un véritable déni de démocratie, dans la mesure où de nombreuses instances légitimes, élues ou non, représentant les habitants et les activités économiques ont été consultées, mais n’ont pas vu leur avis pris en compte. Les représentants politiques prenant position contre l’introduction de l’ours risquent la mise en garde à vue si leurs propos sont considérés comme injurieux.

M. Jean Lassalle a indiqué, à ce sujet, qu’il était convoqué par le tribunal de grande instance de Pau le 21 décembre prochain, pour répondre de ses propos sur cette question, considérés comme trop vifs par la ministre de l’Environnement.

La Commission a autorisé, en application de l’article 145 du Règlement, la publication du rapport d’information.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a reçu, en application de l’article 12 de la LOLF :

– trois projets de décret de transfert

Ø répartissant 1,2 million d’euros au profit du fond interministériel pour l’accessibilité aux personnes handicapées ;

Ø portant sur le financement des contrats agriculture durable, pour un montant de 2,4 millions d’euros ;

Ø portant sur un crédit de paiement de 2.444.957 euros de la mission « Politique des territoires » vers la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » au titre du financement des contrats d’agriculture durable (CAD) conclus antérieurement au 1er janvier 2006 ;

– trois projets de décret de virement portant sur :

Ø les crédits de rémunération des allocataires de recherche portant sur 28 millions d’euros ;

Ø des ajustements au sein de la mission Justice pour 1,3 million d’euros ;

Ø les crédits relatifs à la paye de décembre et notamment aux charges sociales au ministère de la Défense (21,7 millions d’euros).