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COMMISSION DES FINANCES
DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

Mercredi 20 décembre 2006

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 31

Présidence de M. Pierre Méhaignerie,
Président

 

pages

– Audition de M. Jean-Marc Monteil, directeur général de l’Enseignement supérieur, sur l’application de la LOLF à l’enseignement supérieur


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– Décision, en application de l’article 58-2° de la LOLF, de publication d’une enquête sur la formation continue dans les universités (M. Michel Bouvard, Rapporteur spécial)


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– Informations relatives à la Commission

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La commission des Finances a d’abord procédé à l’audition de M. Jean-Marc Monteil, directeur général de l’Enseignement supérieur, sur l’application de la LOLF à l’enseignement supérieur.

M. Jean-Marc Monteil, directeur général de l’Enseignement supérieur, a exposé les étapes de l’application aux universités de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Il a fallu, avant toute chose, former à la fois une partie de l’administration centrale et les responsables des établissements à la nouvelle culture budgétaire représentée par la LOLF, afin qu’ils aient une représentation commune des enjeux, des nouvelles caractéristiques à donner à la présentation de leurs actions, des procédures et dispositifs destinés à mesurer la performance. Il a fallu notamment faire œuvre de pédagogie sur quelques notions clés, qui n’étaient pas des plus faciles à appréhender : la justification des dépenses au premier euro, exercice d’apparence assez virtuelle, mais qui oblige à expliciter l’ensemble des actions et des objectifs ; la soutenabilité budgétaire, qui nécessite de vérifier, à chaque fois que l’on veut engager une nouvelle action, que celles en cours n’en souffriront pas ; le contrat quadriennal, qui permet une approche budgétaire prospective ; la fongibilité asymétrique, enfin, qui est relativement aisée à concevoir, mais dont l’utilisation n’a été, à ce jour, que marginale.

À toutes ces notions, il convient d’ajouter celle, capitale et qui leur est forcément liée, de performance, toute la difficulté étant de lui donner une portée opératoire. Dans le domaine de la recherche, par exemple, une discussion très riche et très serrée a eu lieu avec la direction du Budget sur certains indicateurs, et en particulier sur celui du nombre des publications. Il a été difficile – mais finalement possible – de faire admettre qu’un simple maintien, voire une diminution limitée de la part de la recherche française dans les publications scientifiques mondiales constituait déjà un objectif volontariste, l’émergence de la recherche indienne et chinoise – entre autres – rendant hors de portée une progression, y compris pour les États-Unis. Il a été proposé, en revanche, d’accroître le nombre de copublications européennes, conséquence logique de la progression des codirections de thèses communes à plusieurs pays européens. La fixation de certains indicateurs repose en effet sur une analyse qui ne peut se réduire au périmètre des établissements, et la discussion avec les établissements doit être soumise au principe de réalité, même s’il reste parfois difficile de faire comprendre qu’une amélioration de la performance ne se traduit pas forcément par une progression « affichable ».

À partir de ces éléments, la direction générale de l’Enseignement supérieur s’est attachée à construire une représentation procédant du principe que la recherche de la performance ne doit pas être stigmatisée, mais relève au contraire d’une saine émulation, notamment internationale. Cela a permis d’insister auprès des établissements sur la nécessaire coopération entre eux, de façon à ce que leur performance propre soit rapportée à leur activité en interaction, par exemple dans le cadre des pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES).

De nombreux débats se sont engagés avec les établissements, afin de leur faire concevoir leurs perspectives sur quatre ans en fonction de ces éléments clés que sont la justification au premier euro, la soutenabilité budgétaire, ou la fixation des objectifs de performance en liaison avec ceux fixés par les programmes, en essayant de supprimer certains objectifs par trop « cosmétiques ».

Un travail important a été effectué sur les formations. La question était complexe, car l’attractivité des formations obéit à des considérations parfois insaisissables, et partir de l’existant n’est pas forcément la meilleure méthode. Il est apparu que le principe de soutenabilité budgétaire impliquait de s’assurer, en ouvrant une nouvelle formation, que celle-ci pourrait être poursuivie. C’est très important, car la mise en place du système LMD a eu pour effet – attendu – une relative inflation du nombre des formations. Mais il aurait été irréaliste de demander d’entrée de jeu aux établissements de réduire de 30 % le nombre de leurs formations ; il a été jugé préférable de leur demander d’élaborer eux-mêmes une offre de formation, qui serait ensuite analysée au niveau du ministère de façon non malthusienne. La suite a prouvé que la méthode était bonne, car dans la première vague de contrats quadriennaux, portant sur 70 % de la « puissance scientifique » française hors Île-de-France, l’offre s’est naturellement réduite de 20 à 25 %, et ce non par la suppression d’enseignements, mais grâce à la fusion de certaines spécialités ou mentions.

Quant à la globalisation, appelée par la LOLF, des dotations au sein de chaque université, elle avait suscité de vives oppositions au départ, y compris de la part de personnalités scientifiques de haut rang, ce qui était compréhensible. Un directeur de laboratoire préférait que ses crédits soient « fléchés » par l’État plutôt que de les voir soumis à des arbitrages au sein de son établissement. La démarche qui a été retenue est donc la suivante : toute université qui fait l’objet, dans un périmètre scientifique donné, d’une évaluation favorable lui donnant droit à un ensemble de moyens aura l’entière responsabilité de les répartir entre ses unités reconnues comme finançables.

Cette responsabilisation des établissements aura sans doute pour conséquence, connexe mais appréciable, que les « grosses pointures » scientifiques qu’ils comptent en leur sein auront à cœur de s’intéresser de plus près à la gestion de l’ensemble, ne serait-ce que pour défendre le périmètre dont ils ont la charge. Hier, un responsable de laboratoire allait parler budget directement avec le directeur scientifique du CNRS, pas avec son président d’université, si bien que la politique d’un établissement tendait à se réduire à la somme des politiques de ses laboratoires.

Le mécontentement qu’avait provoqué l’annonce de la globalisation n’a plus cours aujourd’hui. L’université Joseph-Fourier de Grenoble verra, aux termes du contrat quadriennal qu’elle s’apprête à signer, quelque 80 % de ses moyens de recherche globalisés. Même si la proportion sera moindre dans nombre d’autres contrats, il est extrêmement probable que les établissements se rendront compte assez vite que cette formule leur offre bien plus de souplesse de gestion que précédemment, et qu’ils voudront tous en bénéficier.

La logique de l’évaluation a posteriori est seule compatible avec une performance bien comprise. Lors de l’entrée en vigueur du LMD, certaines universités se plaignaient de ne plus avoir de maquettes ministérielles à remplir, et le changement a parfois été difficile à imposer, car il est autrement plus facile de remplir une maquette que de la construire soi-même. À tenir les gens pour irresponsables, on les infantilise.

Désormais, en outre, les relations entre universités, écoles et organismes s’organiseront sur des bases nouvelles, puisque tous ces établissements auront les moyens de négocier directement entre eux, plutôt que par l’intermédiaire de l’État.

La LOLF aura été un levier puissant pour faire ce que la communauté universitaire, au fond, attendait sans oser franchir le pas. Il ne s’agit pas pour autant d’avoir une vision irénique des choses : le nouveau cours concernera, dans un premier temps, un nombre limité d’établissements, mais ce nombre ira croissant. Cet état d’esprit se traduit d’ores et déjà dans la démarche contractuelle. Les contrats pour la période 2006-2009 comportent un certain nombre d’indicateurs de performance fournis par les universités elles-mêmes ; ils serviront de base à l’évaluation a posteriori. Un écart négatif par rapport à l’objectif ne signifiera pas forcément que l’activité aura été insatisfaisante, mais il devra être expliqué, et les éclaircissements ainsi obtenus serviront à l’établissement des contrats quadriennaux à venir.

La LOLF ne donnera sa pleine mesure que si elle n’est pas réduite à un instrument comptable, budgétaire, technocratique, mais est utilisée comme outil politique pour faire progresser les pratiques.

Le Président Pierre Méhaignerie s’est réjoui de constater ces progrès et a estimé que la globalisation des moyens était une bonne façon de responsabiliser les établissements et de faire émerger une réflexion commune.

La justification au premier euro suppose toutefois que les universités aient une connaissance parfaite de leur propre budget. Or, il ressort du rapport de la Cour des comptes sur la formation continue des universités qu’elles n’ont ni comptes consolidés, ni comptabilité analytique.

S’agissant de la formation continue elle-même, plusieurs questions se posent. Quelle place lui accorder au sein de l’université par rapport à la formation initiale ? Des orientations ont-elles été fixées ? Y a-t-il eu concertation à cet effet avec les présidents d’université ? Les contrats quadriennaux contiendront-ils des volets qui lui soient consacrés ? Les recteurs assurent-ils un contrôle en la matière ? Les données dont dispose le ministère sont-elles fiables, ou bien la Cour des comptes a-t-elle raison de dire qu’elles ne peuvent l’être du fait de l’insuffisance des systèmes d’information ? Comment le rôle des universités en matière de formation continue peut-il s’articuler, enfin, avec celui des régions ?

M. Jean-Marc Monteil a répondu que la Cour des comptes avait raison de considérer les données ministérielles comme incomplètes – non par volonté d’opacité délibérée, mais du fait de graves lacunes dans les systèmes d’information. Certaines tendances sont néanmoins observables, qui donnent un tableau d’ensemble assez clair de la réalité.

La capacité des établissements d’enseignement supérieur à attirer le public de la formation continue est malheureusement très faible, tant en ce qui concerne les universités que les GRETA – et, paradoxalement, leur part des marchés publics de formation est encore plus faible que leur part des marchés privés. Il est clair que le volume de l’activité est très inférieur, dans ce domaine, à ce qu’il pourrait être.

Cela dit, la validation des acquis de l’expérience (VAE) et la formation tout au long de la vie (FTLV) sont de nature à modifier quelque peu la donne, tant pour la formation initiale que pour la formation continue.

La FTLV est désormais un point commun à toutes les politiques de formation des grands pays, et fait l’objet de discussions à l’échelle de l’Union européenne. Il reste à lui donner une cohérence, et ce au premier chef dans le cadre de la formation initiale. Celle-ci a été conçue, traditionnellement, comme destinée à être suivie jusqu’au bout, l’idée sous-jacente – et partagée par les étudiants eux-mêmes ainsi que par leurs familles – étant qu’une fois sorti du système de formation, on n’aura plus de chance d’y retourner. Or, ce n’est plus vrai, dès lors que le système académique peut valider des parcours suivis en dehors de lui. Il ne s’agit pas de brader les savoirs académiques ni de dire que tout se vaut, mais simplement de reconnaître les compétences acquises, indépendamment de la façon dont elles l’ont été. Et il est très important de savoir que l’on pourra, à tout moment, revenir dans le système académique sans avoir à reprendre tout le cursus depuis le départ, mais en voyant ses compétences non académiques reconnues grâce à la VAE – moyennant une petite action de formation le cas échéant. Ce changement est encore loin d’avoir produit tous ses effets concrets, mais les choses ne font que commencer.

Le Président Pierre Méhaignerie s’est demandé si les étudiants des IUT, qui ont actuellement tendance à vouloir à tout prix, dès leur DUT obtenu, poursuivre leurs études à l’université, se laissent facilement persuader qu’ils pourront le faire ultérieurement à tout moment.

Il a également posé la question des horaires d’ouverture des universités : il faut organiser des cours le soir ou le samedi si l’on veut que des ouvriers puissent étudier pour devenir techniciens, ou des techniciens devenir ingénieurs.

M. Michel Bouvard, Rapporteur spécial, a considéré que les universités pouvaient avoir, à l’égard du public de la formation continue, deux attitudes différentes, au demeurant non exclusives l’une de l’autre. La première consiste à accueillir, dans le cadre des formations existantes, les gens qui font eux-mêmes la démarche de revenir vers l’université pour une formation complémentaire grâce à la FTLV ou de s’adresser à elle pour faire valider leurs compétences grâce à la VAE. La deuxième, beaucoup plus rare, est de recenser les besoins de formation non couverts, pour mettre sur pied des formations spécifiques.

Il a souhaité que la Commission puisse disposer d’exemples des premiers contrats quadriennaux 2006-2009, afin de mesurer la place faite à la politique de formation continue.

M. Alain Claeys a estimé que, même si la qualité d’une université se mesure, jusqu’à nouvel ordre, à celle de sa recherche, il n’y a pas lieu d’opposer formation académique et formation professionnelle.

La formation continue appelle de sa part deux questions : le système LMD a-t-il fait bouger les lignes ? L’État incite-t-il, dans le cadre de la négociation des contrats quadriennaux, les universités à développer leur activité de formation continue ?

Quant aux systèmes d’information, il est indéniable que leur insuffisance commence à devenir préoccupante.

M. Jean-Marc Monteil a répondu, s’agissant des étudiants des instituts universitaires de technologie, qu’un grand nombre d’entre eux y étaient entrés avec la ferme intention de poursuivre leurs études ensuite. C’est surtout vrai dans les IUT scientifiques – 90 % des étudiants en génie physique ou industriel vont à l’université en sortant – et moins dans les IUT tertiaires, mais c’est une donnée dont on ne peut faire abstraction. Les étudiants considèrent, en quelque sorte, les IUT comme des classes préparatoires – dont ils partagent, au demeurant, le caractère sélectif. Quant aux universités, elles ont déjà fort à faire avec les quelque 17 % d’étudiants de première année qui sont titulaires d’un baccalauréat professionnel, et qui risquent, non seulement d’échouer faute de maîtriser certains prérequis de type scolaire, mais de perdre l’estime de soi qu’ils avaient reconquise en préparant et réussissant cet examen après le BEP vers lequel ils avaient été « orientés » en fin de troisième. D’un autre côté, cependant, le jour où l’université permettra à tous les bacheliers professionnels d’obtenir leur licence, elle aura changé de nature, et l’on peut douter qu’il soit souhaitable qu’elle consacre une grande part de son énergie à faire de la remise à niveau.

La formation continue au sein de l’université ne peut être conçue simplement en articulation avec la formation initiale, de type académique. Il faut que l’offre de formation soit au moins en partie fondée sur la demande sociale : celle de salariés confrontés à l’obsolescence des techniques qu’ils utilisent, mais aussi celle d’entreprises qui recherchent en vain des collaborateurs ayant telle ou telle compétence. Cela dit, rares sont les formations qui ont un débouché professionnel à la fois particulier et identifié. Un polytechnicien, par exemple, n’a pas de « métier » à proprement parler, mais une palette de compétences lui permettant d’exercer de nombreux emplois.

La discussion des contrats quadriennaux avec les universités porte notamment, pour ce qui concerne la formation continue, sur les deux questions suivantes : comment faire pour valider des acquis lorsque l’on n’a pas la maîtrise de leur contenu ? Et comment répondre à la demande sociale, qui a souvent une double dimension : un besoin de formation diplômante, qui répond davantage à la notion de formation tout au long de la vie, et un besoin plus immédiat, plus professionnel, plus lié aux évolutions de l’économie et de la technique. Selon le cas, l’articulation avec la formation initiale ne sera pas la même.

Ce qui est à construire, c’est un dispositif de formation continue qui permette aux universités d’être présentes sur le marché. Elles ont en effet beaucoup à apporter, en mettant à la disposition de la demande sociale la culture scientifique et technique dont elles suivent les avancées presque au jour le jour, quand elles ne les produisent pas. Toute la difficulté est d’identifier la demande sociale afin d’y répondre. Il en va tout différemment de la formation initiale, qui obéit davantage à un modèle « adéquationniste », dans lequel c’est à l’étudiant de s’adapter à l’enseignement et non l’inverse. Pour autant, le développement de la formation continue serait de nature à contribuer à la refonte de la formation initiale, grâce aux interrogations et aux remises en question que produira la confrontation avec le terrain.

Le LMD a déplacé les lignes dans la mesure où il a obligé des disciplines qui, jusqu’alors, n’avaient pas de relations entre elles, à dialoguer ensemble. En outre, le système des ECTS, unités capitalisables et conservables, est très favorable aux gens qui veulent revenir à l’université pour se former.

M. François Scellier a demandé si l’application de la LOLF aux universités était susceptible de déboucher sur une véritable autonomie de celles-ci.

M. Jean-Marc Monteil a répondu que les universités étaient déjà, dans le cadre qui est le leur, les plus autonomes de tous les établissements publics. La question est donc plutôt celle de l’autonomie de la gouvernance des universités. Actuellement, la capacité d’une université à innover est surtout fonction du charisme de son président, et encore cela ne suffit-il pas toujours. Une difficulté majeure vient du fait que les présidents sont élus pour cinq ans, et les conseils pour quatre ans seulement, ce qui est source de dissensions possibles en cours de mandat. Pour qu’il y ait autonomie, il faut une responsabilisation des exécutifs. Est-ce possible dans le cadre actuel ? En partie seulement. Les choses seraient beaucoup plus simples si les structures de pilotage étaient plus souples, plus légères, comme en témoigne l’exemple des PRES, dont les établissements constitutifs ont accepté de réduire le conseil d’administration à vingt ou vingt-cinq membres, alors que les leurs en comptent une bonne soixantaine – ce qui est trop pour prendre des décisions, et ne permet guère que de les bloquer.

M. Alain Claeys a considéré qu’il valait mieux renoncer au mot d’autonomie si l’on voulait en faire accepter l’idée. Le gouvernement, quel qu’il soit, qui sera issu des élections du printemps 2007 devra prendre dans les trois premiers mois une dizaine de mesures de bon sens, qui font au demeurant consensus, et qui résoudront beaucoup de difficultés.

Revenant sur la question du Rapporteur spécial relative aux recteurs, M. Jean-Marc Monteil a répondu, au vu de sa propre expérience, que ceux-ci, à moins qu’ils n’aient un intérêt particulier pour la question ou une entente cordiale avec un président d’université qui manifeste un tel intérêt, ne s’occupent guère de formation continue, sinon pour maintenir les GRETA « à flot ». D’une façon générale, c’est l’enseignement scolaire qui requiert la majeure partie de leur temps.

Le recteur, en revanche, intervient ès qualité dans la discussion du programme régional de développement des formations (PDRF), qui ne se réduit pas à l’enseignement scolaire. Le PDRF est un important sujet de frictions potentielles entre l’Etat et la région. Ce qu’il faudrait, c’est partir d’une analyse, au moins partielle, de la demande de formation. Actuellement, la négociation se résume trop souvent à un face-à-face entre l’Etat et la région ; il conviendrait d’associer plus systématiquement les présidents d’université à ce dialogue, par exemple en prenant appui sur des conseils académiques de l’éducation nationale (CAEN) rénovés.

M. Michel Bouvard, Rapporteur spécial, a souligné que la formation continue était, d’une certaine façon, plus facile à évaluer que la formation initiale, dans la mesure où elle vise des objectifs plus immédiats, et qu’il était également plus facile, par voie de conséquence, d’y répandre la culture de l’évaluation. Cette évaluation peut être interne, mais pourrait aussi être réalisée par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), récemment créée, à condition que ses compétences soient étendues à la formation continue, ce qui ne semble pas le cas.

M. Jean-Marc Monteil a répondu que l’AERES n’était pas explicitement compétente en la matière, mais qu’elle l’était implicitement, au titre de la section 3 « évaluation des formations », ainsi que de la section 1 « évaluation des établissements », qui inclut toutes les activités de ceux-ci.

M. Bernard Cieutat, conseiller maître à la Cour des comptes, a rappelé que le rapport de la Cour des comptes constituait un constat, réalisé à un moment donné. Le paysage de la formation continue se trouve considérablement modifié du fait de l’existence de la VAE et de la FTLV. Certes, il ne s’agit encore que d’une évolution potentielle, mais elle prend forme dans les discussions engagées par le ministère avec les universités. Il faut en donner acte au ministre, car cela va dans le bon sens.

Deux questions doivent être dissociés : celle de la gouvernance et celle des instruments. S’agissant de la gouvernance, il est clair que les universités doivent se saisir de la formation continue, et le fait, souligné par le directeur général de l’Enseignement supérieur, que celle-ci soit incluse dans les contrats quadriennaux est très important, car c’est au niveau de la présidence et du conseil d’administration, et non pas seulement à celui des UFR ou des laboratoires, que doit être définie la politique de formation continue d’un établissement. Il est également important que les contrats quadriennaux ne comportent pas uniquement des indicateurs de résultats, mais aussi des objectifs.

S’agissant des instruments, il est heureux que le directeur général de l’Enseignement supérieur ait précisé sa conception de la place de la formation continue dans l’activité de l’université, car il faut écarter le risque de fusion, voire de confusion, avec la formation initiale. Les besoins ne sont en effet pas les mêmes, les publics non plus, et les financements sont également très différents.

C’est à juste titre qu’a été soulignée la nécessité pour les universités de pénétrer le « marché » de la formation continue et, pour ce faire, d’évaluer les besoins et d’y apporter des réponses diversifiées. Mais cela suppose qu’elles se dotent d’un système d’information performant et d’une comptabilité analytique leur permettant de connaître en détail le coût de chaque formation. Le décret de 1985 sur la formation continue leur impose d’ailleurs d’établir un compte global de la formation continue, approuvé par le conseil d’administration.

Le Président Pierre Méhaignerie a insisté sur la nécessité de proposer des horaires adéquats aux étudiants salariés. Les locaux universitaires sont très peu utilisés le soir et le week-end, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis.

M. Jean-Marc Monteil a souligné que la question de l’utilisation optimale des locaux dépassait largement celle de la seule formation continue. Un chercheur, enseignant ou non, ne compte pas son temps, et travaille volontiers le samedi ou même le dimanche si besoin est, car sa motivation, sa passion sont telles qu’il trouve dans son métier des satisfactions autres que d’ordre pécuniaire : un professeur d’université de cinquante ans gagne 4.850 euros par mois, fût-il prix Nobel, mais être publié dans une prestigieuse revue scientifique internationale vaut toutes les gratifications supplémentaires ! Il faudrait trouver, pour les activités d’enseignement, des stimulants plus puissants qu’aujourd’hui, qui donnent aux professeurs le sentiment d’être utiles à la société.

M. Yann Pétel, conseiller maître à la Cour des comptes, a présenté sommairement les conclusions de l’enquête menée, à la demande de la Commission, par la Cour auprès de quatorze universités, enquête dont il ressort une très grande disparité d’attitudes vis-à-vis de la formation continue : certaines sont très dynamiques, d’autres nettement plus passives.

Il apparaît en outre que la moitié seulement des intervenants en formation continue sont des enseignants-chercheurs. Cela signifie que la population des formateurs est très diverse, et que leurs conditions de rémunération, de déroulement de carrière, d’intégration dans la communauté universitaire le sont également. Sans doute y a-t-il là des clarifications et des évolutions à encourager.

Quant aux locaux, certaines universités, notamment parisiennes, en font une utilisation intensive, à la fois pour faire tenir tous leurs enseignements et pour répondre à la demande de leurs « clients » de la formation continue, ce qui les conduit à rester ouvertes le soir, le week-end et pendant les vacances scolaires. Mais ce phénomène reste très minoritaire.

Enfin, si aucun bilan n’a évidemment pu être encore fait de la loi de 2004 qui a transféré de nouvelles compétences aux régions, il semble que de nouvelles pratiques apparaissent. C’est ainsi que, les régions soumettant systématiquement à appel d’offres leurs marchés de formation continue, les universités – en particulier en Île-de-France, où la concurrence est plus forte – doivent s’astreindre à des exigences de qualité plus élevées, voire signer des chartes à cet effet.

Le Président Pierre Méhaignerie a remercié MM. Jean-Marc Monteil, Bernard Cieutat et Yann Pétel.

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Puis la Commission a procédé à l’examen d’une enquête de la Cour des comptes sur la formation continue dans les universités.

M. Michel Bouvard, Rapporteur spécial, a indiqué que l’enquête menée par la Cour des comptes illustre les faiblesses de la gouvernance des universités. Au regard du constat sévère dressé par la Cour, douze propositions, qui rejoignent celles de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur la gouvernance des universités dans le contexte de la LOLF, peuvent être formulées, afin d’améliorer le dispositif actuel :

– évaluer de manière plus fine le nombre des bénéficiaires de formation continue dans les universités, en intégrant les adultes en reprise d’études et en excluant les personnes suivant des formations d’éducation populaire ;

– confier au bureau chargé de la formation continue au sein de la direction générale de l’Enseignement supérieur une mission d’analyse de la formation continue délivrée par les universités, qui devra faire l’objet d’une communication annuelle devant la Conférence des présidents d’université ;

– compléter les effectifs mobilisés au sein de la direction générale de l’Enseignement supérieur au titre de la formation continue et créer un bureau chargé uniquement de la formation continue ;

– mettre en place des systèmes d’information et de gestion de la formation continue dotés d’interfaces avec les autres systèmes d’information en usage dans les universités, compatibles entre les universités et avec ceux du ministère chargé de l’enseignement supérieur ;

– encourager les universités à constituer des équipes chargées spécifiquement du pilotage de la formation continue ;

– diffuser, auprès des universités, une brochure présentant les principes régissant la formation continue dans les universités, notamment le rôle respectif des acteurs – président d’université, conseil d’administration et conseils des composantes – ainsi que les avantages qui y sont attachés ;

– insérer de manière systématique dans les contrats quadriennaux un volet relatif à la formation continue, qui présente la stratégie du ministère et celle de l’université, fixe des objectifs chiffrés, notamment en termes de parts de marché, assortis d’indicateurs pertinents, et, enfin, évalue les moyens financiers mis en œuvre. Certaines universités proposent des formations continues sans que les frais en soient couverts. Il est plus que nécessaire de connaître la réalité des coûts des formations proposées ;

– moduler les dotations versées par le ministère en fonction des efforts menés dans la définition d’une politique de formation continue et des résultats enregistrés. Il convient de sanctionner financièrement le défaut de respect des règles, notamment comptables, déterminées par les textes régissant la formation continue. Il s’agit ainsi d’assurer le respect des principes posés par le décret du 18 octobre 1985, notamment l’établissement d’un compte financier global ;

– inscrire dans la charte d’objectifs de l’Agence de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur que sa mission d’évaluation des établissements d’enseignement supérieur doit obligatoirement comporter un volet consacré à leur politique de formation continue ;

– enrichir les indicateurs présentés dans le projet annuel de performances (PAP), par exemple en précisant la part des recettes issues des activités de formation continue rapportée au montant total des ressources propres des universités ;

– encourager les partenariats entre les universités et les régions, notamment en confiant aux conseils académiques de l’Éducation nationale une mission de concertation sur la formation continue délivrée dans les universités et en associant davantage les universités à l’élaboration des schémas régionaux de formation continue ;

– encourager les partenariats entre les universités et les financeurs privés.

M. Alain Claeys a précisé, s’agissant de la recommandation n° 5 tendant à encourager les universités à constituer des équipes « dédiées » à la formation continue, qu’il ne faut pas donner l’impression de créer un corps d’enseignants spécialisés ; cette formation doit pouvoir aussi être dispensée par des enseignants chercheurs. Au sujet de la recommandation n° 11, il est souhaitable que, dans le cadre des partenariats entre les universités et les régions, soit instauré un échange sur le schéma régional de formation continue et qu’il soit précisé qu’ils ne peuvent pas délivrer de diplôme. Enfin, il conviendrait de rappeler les différentes missions de l’université, parmi lesquelles la formation tout au long de la vie constitue un axe essentiel.

M. Michel Bouvard, Rapporteur spécial, a apporté les éléments de réponse suivants :

– il n’est pas envisagé de créer des équipes d’enseignants dédiées uniquement à la formation continue, mais de constituer des équipes administratives chargées spécifiquement du pilotage de la formation continue au sein des universités ;

– la définition du contenu des diplômes doit effectivement demeurer de la compétence de l’État ;

– la place de la formation continue dans les missions générales de l’université et les insuffisances constatées en la matière au cours des dix dernières années constituent un élément essentiel du rapport.

La Commission a ensuite, conformément à l’avis du Rapporteur spécial, autorisé, en application de l’article 58-2° de la LOLF, la publication de l’enquête de la Cour des comptes.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a reçu, en application de l’article 21 de la LOLF, un projet d’arrêté portant ouverture de crédits sur le programme « Soutien à l’expression radiophonique locale » du compte d’affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale », d’un montant de 1.651.591 euros en autorisations d’engagements et en crédits de paiement.

En outre, la Commission a reçu, en application de l’article 12 de la LOLF :

– un projet de décret de transfert de 1.408.000 euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement et de 16 emplois équivalents temps plein travaillé, destiné à financer la prise en charge par trois départements ministériels de la rémunération de 16 agents assis sur des emplois de la « réserve interministérielle des administrateurs civils » dont la gestion est assurée par le ministère de la Fonction publique ;

– un projet de décret de virement de crédits de 176.000 euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, destiné à financer la prise en charge par le Conseil d’État et la Cour des comptes de la rémunération de deux agents assis sur des emplois de la « réserve interministérielle des administrateurs civils » dont la gestion est assurée par le ministère de la Fonction publique.