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COMMISSION DES FINANCES
DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

Mercredi 24 janvier 2007

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 35

Présidence de M. Pierre Méhaignerie,
Président

 

pages

– Auditions sur les Leverage Buy-Out (LBO) :

 

- M. Patrick Sayer, président de l’Association française des investisseurs en capital (AFIC)

2

- M. René Maury, président de CDC Capital Investissement

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La commission des Finances a procédé à deux auditions sur les leverage buy-out (LBO). Elle a tout d’abord auditionné M. Patrick Sayer, président de l’Association française des investisseurs en capital (AFIC), Gonzague de Blignières, ancien président de l’AFIC, Dominique Nicolas, délégué général, et Fabrice de Gaudemar, d’Eurazeo.

M. Patrick Sayer, président de l’AFIC, a expliqué que les trois catégories d’acteurs placées sous le vocable générique de « fonds d’investissement » devaient être distinguées, car elles exercent des métiers totalement différents. Les fonds de pension, essentiellement anglo-saxons et qui brassent des capitaux très importants, sont spécialisés dans le financement des retraites. Les hedge funds, ou fonds d’arbitrage, sont de plus en plus visibles, ils disposent de capitaux encore plus massifs et prennent des positions dans les entreprises – surtout dans les entreprises cotées – en rémunérant leurs collaborateurs sur les plus-values à court terme, à l’horizon d’un à trois mois. À l’inverse, les sociétés d’investissement, que représente l’AFIC, interviennent presque exclusivement au profit des entreprises non cotées et sur le long terme, à environ cinq ans, durée la plus appropriée pour qu’un manager avisé établisse son plan d’entreprise.

L’AFIC, association indépendante créée en 1984, représente et promeut la profession auprès des pouvoirs publics, des investisseurs institutionnels, des entrepreneurs et des leaders d’opinion. Elle assure la représentation de la quasi-totalité des fonds et sociétés d’investissement établis en France. Elle compte 235 membres actifs, fonds communs de placement à risques, sociétés de capital-risque, fonds commun de placement pour l’innovation ou sociétés d’investissement, et 164 membres associés, avocats, experts comptables, auditeurs, conseils ou banquiers. L’AFIC est formellement reconnue par l’Autorité des marchés financiers (AMF) : quiconque veut faire profession dans le capital investissement doit adhérer à l’association.

Les entreprises soutenues en majorité ou en minorité par les membres de l’AFIC sont au nombre de 4 852, pour l’essentiel des PME : 75 % d’entre elles emploient moins de 250 collaborateurs ; 60 d’entre elles seulement en emploient plus de 5 000. Cela représente au total 1,5 million d’emplois, soit l’équivalent des effectifs des sociétés du CAC 40. À nombre d’entreprises constant, les effectifs des partenaires de l’AFIC ont crû de 4 % en 2005, et l’association représente 9 à 10 % des effectifs du secteur privé. Le chiffre d’affaires France de ses partenaires a progressé de 7 % en 2005 et leur chiffre d’affaires monde de 8 %, pour atteindre 327 milliards d’euros.

En dix ans, les partenaires de l’AFIC ont investi 40 milliards d’euros. En 2005, 1 250 entreprises ont bénéficié de ses financements ; ils se sont élevés à 8 milliards d’euros, dont 6 milliards pour le capital transmission, 1 milliard pour le capital développement et 500 millions pour le capital risque. Au premier semestre 2006, un peu plus de 4 milliards d’euros ont été investis dans 630 entreprises, dont 3,3 milliards pour le capital transmission, 500 millions pour le capital développement et 200 millions pour le capital-risque. Sur le capital transmission, c’est-à-dire les LBO, quatre opérations concentrent la moitié des investissements. Sur l’exercice 2006 complet, les chiffres ne sont pas encore disponibles mais les premières tendances sont positives car le marché est soutenu, les taux d’intérêt sont bas et nombre d’entreprises familiales ont besoin de relais financiers.

Sur la période 2003-2005, 12 milliards d’euros ont été apportés par le biais du LBO à près de 900 entreprises. Dans la moitié de cas, l’investissement était inférieur à 1 million d’euros ; dans 84 % des cas, il était inférieur à 10 millions d’euros. Seules dix-sept opérations ont porté sur des apports en fonds propres supérieurs à 100 millions d’euros. Plus de 80 % des entreprises concernées avaient un effectif inférieur à 500 salariés.

L’AFIC avait commandé, il y a deux ou trois ans, une première étude sur l’impact social du LBO, et l’on attend les résultats définitifs d’une seconde étude, qui sera cependant moins exhaustive que la précédente. Les résultats sont cohérents avec ce que l’on observe pour l’ensemble de la profession : les chiffres d’affaires ont crû en moyenne de 8 % par an sur trois ans ; à périmètre comparable, les effectifs ont à nouveau progressé en moyenne de 4 % par an ; le salaire moyen a augmenté de 5 % en moyenne sur trois ans ; 88 % des dirigeants, 55 % des cadres et même 15 % de l’ensemble des collaborateurs sont devenus actionnaires, ce qui contribue à aligner les intérêts des managers, et plus généralement des salariés sur ceux des actionnaires. Par ailleurs, l’évolution de la rémunération dans une entreprise sous LBO a été dans 26 % des cas plus forte et dans 68  % des cas sans différence par rapport à la concurrence. Eurazeo a fait effectuer une enquête par des cabinets externes auprès du personnel de deux entreprises qu’elle a financées : chez Fraikin, leader européen de la location de véhicules industriels, 39 % des collaborateurs ont estimé que la gestion des ressources humaines s’était fortement améliorée ou améliorée, 40 % qu’elle n’avait pas changé et 11 % qu’elle s’était détériorée ; chez Rexel, numéro un mondial de la distribution de matériel électrique, tous les critères d’évaluation ont fait apparaître que les relations humaines ont progressé.

Le capital, en France, est détenu par de l’actionnariat familial, des investisseurs boursiers et de l’actionnariat industriel. Nombre d’entreprises familiales ne peuvent faire face seules au mouvement de mondialisation des affaires ; il leur faut des capitaux supplémentaires pour se développer au plan européen et elles font donc appel à un fonds d’investissement qui s’associe, le cas échéant, avec un manager ou un héritier. Les grands groupes industriels, sous la pression des marchés financiers, sont de plus en plus amenés à se concentrer sur leur core business, abandonnant des pans d’activité sensibles. Quant aux entreprises cotées en Bourse, elles sont soumises à la logique du court terme. Ces trois groupes d’entreprises, pour se développer, ont donc besoin de construire un plan d’investissement sur le moyen terme.

La forme d’actionnariat professionnel que représente l’AFIC fait toutefois quelque peu défaut. Elle est du reste soutenue par Mme Colette Neuville, présidente de l’Association de défense des actionnaires minoritaires. Il faut dire que l’AFIC occupe une place de stratège et de partenaire du dirigeant de l’entreprise, qui manque de plus en plus dans les entreprises cotées, dirigées par des administrateurs indépendants. Lorsqu’un bateau traverse l’Atlantique, le skipper joue un rôle essentiel mais s’appuie sur le pilote, qui, depuis la terre ferme, lui indique le meilleur itinéraire à suivre.

Certains reprochent à la profession d’être insuffisamment encadrée par rapport à ce qui se passe dans les pays anglo-saxons. Mais elle n’a pas de leçons à recevoir de leur part : les entreprises françaises travaillent sous le contrôle de deux commissaires aux comptes ; l’agrément de l’AMF est une condition de l’exercice du métier de capital investissement, les fonds communs de placement à risques doivent adhérer à l’AFIC, signer son code de déontologie et se soumettre aux audits de l’AMF. De surcroît, la profession se soumet à une auto-régulation sévère : si elle faisait n’importe quoi, les apporteurs de capitaux seraient sensibles à la détérioration des rendements ou au manque d’éthique dans la gestion de leur argent.

D’autres s’inquiètent de la dette des entreprises. Mais l’endettement n’est pas propre aux entreprises sous LBO – on considère généralement qu’un groupe industriel doit fonctionner avec 50 % de dette et 50 % de fonds propres. L’approche du bilan qui est celle de l’AFIC est au demeurant plus précise, plus scientifique que dans bien d’autres entreprises, et elle est en mesure d’engager des financements adaptés à toutes les structures d’actifs, par exemple sous la forme de titrisation des créances. Elle inclut certes de la dette dans ses montages, à hauteur de quelque 75 % en moyenne, mais cette dette est assez bon marché et le coût moyen pondéré du capital des entreprises sous LBO n’a rien de honteux par rapport à celui des autres entreprises. Au surplus, le business plan intègre les besoins de financement liés aux besoins d’investissement. Enfin, les financements sont essentiellement construits avec des capitaux permanents, exigibles à un terme de sept à dix ans, au-delà de l’horizon du plan d’investissement.

M. Alain Bocquet s’est félicité que la Commission ait engagé ce travail sur les LBO. En 2006, selon Capital Finance, 280 LBO ont été conduites sur des entreprises françaises, dont 12 pour des montants excédant 1 milliard d’euros de valorisation. Pourquoi la France est-elle devenue vice-championne en matière de transmission de capital par LBO, derrière la Grande-Bretagne ? L’AFIC confirme-t-elle les résultats de l’étude du cabinet Ernst & Young sur les créations d’emplois dans les entreprises contrôlées par les fonds d’investissement ? Sur quelle méthodologie cette évaluation s’est-elle fondée ?

M. Louis Giscard d’Estaing a demandé quelles carences de dispositifs du type CODEVI, des fonds relevant de l’assurance-vie ou des réseaux bancaires, les interventions de l’AFIC visaient à pallier.

M. Nicolas Perruchot a demandé si des LBO étaient pratiqués dans les nouvelles technologies. Le risque n’est-il pas trop élevé ? Quelles conséquences, par ailleurs, un retournement à la hausse des taux d’intérêt aurait-il sur la dette des entreprises ?

M. Jean-Claude Sandrier a observé que la multiplication des rachats d’entreprises par LBO et leur revente sous forme de LBO, secondaires puis tertiaires, fait grimper artificiellement les prix des actifs. La constitution d’une bulle n’est-elle pas à craindre sur ce marché, avec, en corollaire, le risque d’un éclatement ? Après avoir pris position en faveur de la participation des salariés aux LBO, l’AFIC défend-elle l’adoption d’autres mesures réglementaires dans le domaine des fonds communs de placement ?

M. Charles de Courson s’est enquis des spécificités de l’outil LBO par rapport aux moyens alternatifs de développement des capitaux propres, en particulier pour les PME. Comment se situent les coûts moyens pondérés du capital obtenus avec les montages de l’AFIC, par rapport aux autres formes de financement ? Enfin, est-il déjà arrivé que des sociétés soient exclues de l’association pour ne pas avoir respecté son code de déontologie ?

M. Pierre Hériaud a demandé sur quelles bases raisonnables on pouvait fixer un return on equity et quel était le rendement moyen attendu par l’AFIC.

M. Patrick Sayer a souligné que la Grande-Bretagne est leader dans le secteur des LBO, mais qu’il faut se méfier des classements internationaux : une ou deux opérations comme celles de Pages Jaunes peuvent faire passer un pays de la quatrième à la deuxième place. La France tient son rang, ni plus ni moins, et la place de Paris, avec 230 équipes, est considérée comme la principale d’Europe continentale, ce qui paraît positif.

M. Gonzague de Blignières a ajouté que la France est championne, en ce qui concerne le nombre d’entreprises qui seront transmises dans les années à venir, mais pas en matière d’introduction en bourse, et que le LBO constitue précisément l’une des alternatives à la cotation.

M. Patrick Sayer a souligné que l’européanisation des marchés et l’introduction de l’euro ont transformé les gestionnaires de valeurs domestiques en gestionnaires de valeurs européennes : pour qu’une affaire soit intéressante, la capitalisation doit atteindre 1 milliard d’euros au minimum, ce qui exclut de la Bourse toutes les entreprises qui pèsent de 100 millions à 1 milliard d’euros.

Les entreprises vivent et il leur arrive de céder des activités ou au contraire d’acheter de nouvelles sociétés : une partie des 4 % de progression des effectifs est liée aux variations de périmètre internes aux entreprises avec lesquelles travaille l’AFIC.

M. Dominique Nicolas a précisé que tous les chiffres cités proviennent des déclarations officielles des entreprises.

Le Président Pierre Méhaignerie a demandé quel était le système fiscal préconisé par l’AFIC.

M. Patrick Sayer a répondu que l’AFIC ne réclame pas d’avantages fiscaux mais la neutralité fiscale. Elle demande uniquement que soit ouvert le débat sur l’intégration fiscale ; celle-ci ne bénéficie en effet ni aux entreprises, ni aux petits actionnaires, ni aux gros actionnaires, mais aux spéculateurs qui acquièrent 5,1 % d’une entreprise et s’empressent ensuite de vendre l’avantage fiscal correspondant.

M. Gonzague de Blignières a estimé que l’insuffisance chronique de fonds propres pèse aussi bien sur les opérations de LBO que sur les opérations de capital-développement ou de capital-risque. Le métier de l’AFIC consiste à collecter de l’argent pour le réinjecter dans des entreprises en phase de création, de développement ou de transmission. On pourrait effectivement imaginer que davantage de capitaux proviennent de l’assurance-vie, ces 1 200 milliards d’euros qui dorment. L’exemple à ne pas suivre est celui des sociétés de développement régional (SDR), ce statut qui a ouvert les portes de multiples métiers à des non professionnels, avec l’échec à la clé. L’AFIC revendique l’expertise et la collecte des fonds ; reste à aller chercher l’argent où il est.

M. Patrick Sayer a ajouté que la France souffre d’une insuffisance de fonds propres mais également de dette. Il est beaucoup plus facile, pour une banque, d’accorder du crédit immobilier que du crédit aux PME. L’AFIC attend simplement des banques qu’elles pratiquent la transparence en matière d’encours.

M. Gonzague de Blignières a indiqué que l’AFIC a besoin des banquiers pour toutes ces opérations, mais que les établissements français ont gagné plus d’argent par le négoce de la dette que par le service de la dette.

M. Patrick Sayer a souligné que certains fonds spécialisés montent des LBO au profit des nouvelles technologies, qui ne font l’objet d’aucun tabou. Les statistiques, secteurs par secteur, pourront être communiquées. Lorsqu’une activité est trop proche de la recherche et développement, elle doit se financer à 100 % en fonds propres ; constituer de la dette n’aurait aucun intérêt dans ce cas.

M. Dominique Nicolas a indiqué que les entreprises technologiques sont jeunes et relèvent donc souvent du capital-risque, mais que 13 à 14 % des 900 entreprises ayant fait l’objet d’opérations de LBO entre 2003 et 2005 relèvent des nouvelles technologies.

M. Gonzague de Blignières a relevé que les LBO secondaires, dans la majorité des cas, ne procèdent pas d’une manipulation financière d’un fonds d’investissement mais sont organisés par des managers qui vont chercher un autre fond avant que le premier ne cède sa participation. Les managers sont habitués à ce genre d’opération et les banquiers connaissent bien l’entreprise : un LBO secondaire, tertiaire ou quaternaire ne comporte par conséquent pas plus de risques qu’un LBO primaire, à condition que l’opération soit intelligente. Une bulle financière se crée lorsque des actifs ne peuvent plus être vendus. Or, en l’occurrence, les liquidités sont énormes et l’on trouve toujours un acheteur.

M. Patrick Sayer a expliqué que, lorsque la valeur d’une entreprise augmente, c’est que le nombre de ses collaborateurs et son résultat d’exploitation ont progressé, sans compter la baisse des taux d’intérêt. Dans le cadre de son autorégulation, l’AFIC rend des comptes à nos partenaires et leur montre à quel point ses évaluations sont cohérentes avec les mouvements du marché. L’AFIC couvre systématiquement 80 % du risque de taux car il ne s’agit pas de spéculation, mais d’investissement à long terme. Il est exact qu’une forte hausse des taux aurait un impact négatif sur les multiples de valorisation ; en tant qu’investisseurs, les membres de l’AFIC prennent un risque, et c’est pourquoi ils demandent en moyenne un taux de rentabilité de 15 %.

L’AFIC préconise des mesures permettant à l’actionnariat salarié de mieux fonctionner. Elle réduit le prix de souscription des salariés non managers à 75 % voire 50 % du prix de revient moyen en leur offrant un effet de levier légèrement inférieur à celui des managers, dans la mesure où leur action a moins d’impact sur l’entreprise. Leur investissement est donc moins rentable, mais significativement moins risqué. L’actionnariat salarié est positif sur le dialogue social, car les employés comprennent mieux leur entreprise et les enjeux stratégiques qu’elle doit relever. L’AFIC appelle donc de ses vœux une meilleure représentation syndicale, afin que le dialogue s’établisse sur une base plus riche.

M. Gonzague de Blignières a souligné que les membres de l’AFIC ne sont pas des acheteurs d’entreprises mais des financeurs de projets, tout comme les sociétés de capital-risque ou de capital développement. L’endettement peut paraître élevé, mais ils reprennent l’intégralité de la dette de l’entreprise et l’accroissent pour financer l’intégralité des investissements à opérer. Ils n’assèchent pas les entreprises ; pour gagner de l’argent, la seule solution est de financer la création de valeur.

M. Patrick Sayer a ajouté que, lorsqu’une société est rachetée à un groupe, c’est qu’elle n’est plus stratégique. Elle se sent donc orpheline ; les employés et le management le ressentent très mal et l’émulation se perd. L’établissement d’un business plan conçu avec le management et expliqué à tous les collaborateurs conduit à fédérer l’ensemble du personnel. Le meilleur levier de création de valeur n’est pas le licenciement ou la pression sur les salaires mais la croissance de l’entreprise.

Le Président Pierre Méhaignerie a demandé aux représentants de l’AFIC ce qu’ils ont à répondre à ceux qui soutiennent que la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ou une autre structure publique devrait remplir cette fonction.

M. Patrick Sayer a répondu que la CDC joue et jouera toujours un rôle irremplaçable là où il est plus difficile de placer de l’argent. La France n’est pas performante dans le financement du capital-risque et du capital développement pour les petites entreprises : la Grande-Bretagne est deux fois plus active dans ce domaine.

Le Président Pierre Méhaignerie a demandé quel est le ticket minimum pour entrer dans une entreprise.

M. Patrick Sayer a indiqué que le « ticket » moyen est de l’ordre de 10 millions d’euros dans les opérations de transmission/LBO, avec toutefois un large écart type. Des mesures relatives à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), ou à la sortie de Bourse pour les petites et très petites entreprises seraient peut-être positives pour le capital-risque ou le capital développement, mais l’AFIC ne réclame aucun cadeau fiscal. L’adhésion au code de déontologie de l’AFIC est très importante, et sa commission de déontologie fonctionne avec des règles claires, garantissant son indépendance. Aucun membre n’a encore été exclu, mais certains arbitrages ont permis de modifier des situations. L’association se demande si elle ne devrait pas aller un peu plus loin et créer une commission des sanctions susceptibles de prononcer des jugements. Mais elle est une association professionnelle ; elle n’est pas la puissance publique.

M. Gonzague de Blignières a précisé que l’AFIC n’avait jamais exclu de sociétés, mais que certaines ne la rejoindraient jamais, tels les hedge funds ou les fonds immobiliers, qui n’ont pas vocation à en faire partie.

M. Patrick Sayer a ajouté que, dans le système français, outre la bourse et les LBO, il n’existe guère de canaux d’apport de fonds propres significatifs, et suggéré, en conséquence, un développement du marché.

M. Gonzague de Blignières a dit souhaiter que davantage de banquiers ou d’assureurs acquièrent des actions dans les fonds.

M. Charles de Courson a rappelé que la commission des Finances avait émis l’idée que 2 % de l’assurance-vie serve à ces financements ; or le taux reste de 0,7 %. Les assureurs avaient demandé que l’on ne légifère pas, promettant de faire évoluer la situation, mais les choses n’ont guère progressé.

M. Patrick Sayer a répondu que les groupes d’assurance sont pleins de bonne volonté et font leur travail, mais que le corps de contrôle des assurances est plutôt sensible au strict respect du code des assurances. Si le législateur n’intervient pas, il n’y a donc pas de raison que les choses changent.

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* *

La Commission a ensuite procédé à l’audition de M. René Maury, président de CDC Capital Investissement, accompagné de M. Marc Auberger, directeur général et de Mme Anne de Blignières.

M. René Maury a indiqué que la Caisse des dépôts n’est pas un acteur nouveau dans le capital investissement, puisqu’elle a commencé à mener de telles opérations en 1982 ou 1983, même si l’expression « LBO » n’existait pas à l’époque. CDC Capital Investissement a été créée en 1999. À ses côtés, CDC Entreprises pilote le dispositif « France investissement ». CDC Capital Investissement est présente dans les secteurs du capital développement, du capital transmission, du LBO de taille plutôt moyenne, pour des opérations de 5 à 150 millions d’euros. Très peu d’acteurs en France peuvent investir dans une telle fourchette. Cela signifie que CDC Capital Investissement n’intervient pas dans des opérations de très grande taille comme Pages jaunes ou Europcar.

CDC Capital Investissement répond à trois objectifs. Le premier, d’ordre financier, lui a été assigné par le directeur général de la Caisse des dépôts. Il s’agit de gérer des capitaux qui lui sont fournies à parts à peu près égales par l’établissement public Caisse des dépôts et par les fonds d’assurance-vie de la Caisse nationale de prévoyance, la CNP, et de La Poste, avec, en plus, un petit apport de la Caisse d’épargne. CDC Capital Investissement doit à ces actionnaires une rentabilité supérieure aux taux du marché monétaire et du placement sans risque : l’objectif de rentabilité annuelle se situe aux alentours de 15 %, voire au-delà si possible.Le deuxième objectif est de faire exister un acteur français de capital investissement dans les secteurs de la moyenne et de la grosse PME. Troisièmement, CDC Capital Investissement prétend occuper un positionnement spécifique. Il lui est possible de se montrer patiente, car ses souscripteurs le lui permettent. Sa vision peut aller jusqu’à sept ans, la moyenne se situant entre quatre et cinq ans, alors que la profession du LBO, en France comme dans le reste du monde, intervient plutôt sur des durées de trois ou quatre ans. Par ailleurs, CDC Capital Investissement entend développer une relation confiante et partenariale avec les managers et l’ensemble des salariés de l’entreprise. Il est ainsi exclu qu’elle devienne actionnaire unique ou principal d’une entreprise où seuls le manager principal ou les deux managers principaux seraient intéressés. En 2001, 7 400 salariés ont été intéressés au LBO de Cegelec, soit un peu plus de la moitié de l’effectif total de l’entreprise, et, en moyenne, ils ont réalisé huit fois la mise, comme cela était prévu. Dans des PME de plus petites tailles, trente ou quarante cadres peuvent être intéressés aux opérations de CDC Capital Investissement.

Enfin, pour un euro de capital, CDC Capital Investissement essaie de ne pas dépasser 1,5 ou 1,6 euro de dette.

Au total et en résumé, CDC Capital Investissement veut motiver l’ensemble des dirigeants et si possible des salariés, pousse l’entreprise à adopter une gestion plus rigoureuse, et s’emploie à instiller dans l’entreprise une logique de développement.

Quels sont les besoins du marché ? L’exercice de ce métier du LBO permet à des grands groupes de se défaire de certaines filiales, en laissant à ces dernières le champ libre pour qu’elles se développent. L’exemple de CEGELEC est ici très illustratif.

Les actionnaires familiaux peuvent également trouver, grâce à CDC Capital Investissement, des solutions de transmission. CDC Capital Investissement a ainsi repris le groupe de brasseries Frères Blanc, la première chaîne de bijouterie française, Marc Orian, et, il y a huit jours, les plastiques Gosselin. Tous ces LBO s’accompagnent de la restructuration de l’endettement bancaire et de la mise en place de lignes de financement futur, par exemple pour des acquisitions. Le cas des plastiques Gosselin est à souligner particulièrement : c’est une petite entreprise familiale qui occupe une position de leader sur son créneau, mais devait résoudre un problème de transmission familiale tout en assurant le financement de son développement.

M. Philippe Auberger a souligné que CDC Capital Investissement est largement indépendante par rapport à la Caisse des dépôts, même si son directeur général s’y intéresse de près, une partie significative des fonds propres du groupe étant consacrée à cette activité. L’action de cet établissement public prend une connotation spécifique, même s’il intervient dans un secteur concurrentiel ; il joue une sorte de rôle témoin. Il cherche à impliquer le management et tous les salariés. Il investit pour une durée plus longue que les autres acteurs. N’accordant pas de prêts directs aux entreprises et n’étant pas liée à des banques, il ne cherche pas à placer de prêts, mais uniquement à valoriser le capital des entreprises.

M. Charles de Courson a demandé quelle part des encours de la CNP et de La Poste CDC Capital Investissement est redistribuée. Ces taux sont-ils inférieurs ou supérieurs à la moyenne de 0,7 % ? La sélection des projets tient-elle compte de la nationalité de l’entreprise ou de la proportion de ses activités effectuée sur le territoire français, le critère de diffusion vers les salariés est-il strictement respecté, enfin, CDC Capital Investissement suit-elle une politique précise pour les modes de sortie ?

M. Jean-Claude Sandrier s’est enquis des principales prises de participation de CDC Capital Investissement au cours de l’exercice 2006, ainsi que du taux des opérations de transmission ayant pour point de départ une sollicitation de l’entreprise, et des proportions dans lesquelles le personnel y est associé.

Comment, par ailleurs obtenir 15 % de rendement et comment tenir un tel taux sur la durée alors que le PIB, les salaires et les prix ne progressent que de 2 % ?

M. Alain Bocquet a demandé quel est l’impact sur l’emploi des prises de participation de CDC Capital Investissement, et comment les effectifs et les salaires évoluent. Le fait que les missions d’intérêt général soient confiées à CDC Entreprises et les activités concurrentielles à CDC Capital Investissement signifie-t-il que les rôles ont été redistribués ? Enfin, le rachat de Quick est-il destiné à lutter contre l’obésité infantile ?

M. Marc Auberger a indiqué que CDC Capital Investissement ne représente qu’une part restreinte de l’allocation d’actifs de la CNP et d’Écureuil Vie, deux acteurs très dynamiques dans le capital investissement, tout comme la plupart des gros assureurs, le problème concernant plutôt les petites compagnies.

M. René Maury a ajouté que CDC Capital Investissement est le premier bénéficiaire des placements de la CNP et d’Écureuil Vie, qui ont 250 millions d’euros investis dans ses fonds et présentent un ratio d’engagement dans le capital investissement supérieur aux autres sociétés d’assurance-vie. CDC Capital Investissement est extrêmement sensible à la part d’activité des entreprises localisée en France, tout en vivant avec son temps : une entreprise comme les plastiques Gosselin a l’intention de produire en Pologne, mais également d’investir massivement sur son site d’Hazebrouck. CDC Capital Investissement, il faut y insister, ne réalisera jamais d’opération dans laquelle seuls le président-directeur général ou les deux ou trois dirigeants principaux seront associés au capital. Pour motiver l’ensemble de l’entreprise, chacun doit pouvoir investir, sur la base du volontariat, en fonction de ses capacités, et en retirer le fruit. C’est un des critères d’intervention. CDC Capital Investissement est toujours en concurrence avec des fonds privés, dans le marché, sans faveur ni circuit spécial – ce qui ne serait d’ailleurs pas sain. Elle ne joue pas sur une valorisation excessive, mais suscite la confiance en offrant pérennité et moyens financiers adéquats, y compris vis-à-vis du pool bancaire.

M. Philippe Auberger a souligné que la pérennité des emplois est mieux garantie avec la Caisse des dépôts qu’avec un fonds privé.

Le Président Pierre Méhaignerie a demandé pourquoi CDC Capital Investissement investit dans les services plutôt que dans l’industrie, qui en aurait davantage besoin.

M. René Maury a répondu que CDC Capital Investissement n’a pas choisi ; elle ne se désintéresse pas de l’industrie, mais le marché commande. Les 15 000 salariés qui travaillent dans les 400 restaurants de Quick gagnent 800 euros en moyenne. Il y a lieu d’en être fier, car 80 % d’entre eux sont des jeunes embauchés à temps partiel. Le taux de 15 % de rendement est global. Dans le petit capital-développement, les perspectives de gains sont assez réduites, de 10 à 15 % en moyenne. Dans le LBO, elles sont plutôt de l’ordre de 20 %, c’est-à-dire 10 points de moins que sur le marché anglo-saxon, où les projets sont « sur sélectionnés ».

M. Jean-Claude Sandrier s’est demandé sur quoi cette richesse était prélevée et combien de temps un tel rendement serait assuré.

M. René Maury a répondu que, dans le métier du capital-développement, seuls sont pris en considération la croissance de l’entreprise et le multiple auquel elle est revendue. Dans le métier du LBO, l’élément dette entre aussi en ligne de compte.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé qu’un réel effort de pédagogie s’impose vis-à-vis des salariés.

M. René Maury a ajouté qu’un tel effort s’impose aussi vis-à-vis du collectif anti-LBO. Il existe des abus, comme dans toutes les professions, mais il faut démontrer, à travers des exemples concrets, que l’effet de levier est justifié, car les investisseurs assument la responsabilité, restructurent l’endettement, créent des lignes de crédit et de développement. Les statistiques montrent que les entreprises sous capital investissement – LBO ou capital transmission – obtiennent des performances supérieures à la moyenne en matière de management, de rendement et de croissance des effectifs.

L’ensemble des entreprises dans lesquelles CDC Capital Investissement a investi accroît, année après année, ses effectifs. Par exemple, entre le moment où CDC Capital Investissement est entrée chez Cegelec et celui où elle en est sortie, c’est-à-dire entre 2001 et 2006, le nombre d’employés est passé de 24 000 à 25 000 personnes. Dans le même temps, l’emploi reculait de 16 % dans le secteur des biens d’équipement électrique et le groupe Alsthom voyait ses effectifs reculer de 120 000 à 60 000 personnes. Ceci montre bien que des opérations de LBO peuvent être positives en termes d’emploi et de croissance.