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COMMISSION DES FINANCES
DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

Mardi 13 mars 2007

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 36

Présidence de M. Pierre Méhaignerie,
Président

 

pages

– Examen en application de l’article 145 du Règlement d’un rapport d’information sur l’amélioration de la transparence des règles applicables aux pensions de retraite et aux rémunérations outre-mer (M. Jean-Pierre Brard, Rapporteur d’information)


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– Communication de M. Michel Bouvard (Rapporteur spécial) sur le passeport mobilité.

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– Examen en application de l’article 145 du Règlement d’un rapport d’information sur le prélèvement à la source et le rapprochement et la fusion de l’impôt sur le revenu et la CSG (M. Didier Migaud, Rapporteur d’information)

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– Informations relatives à la Commission

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La Commission a tout d’abord examiné un rapport d’information sur l’amélioration de la transparence des règles applicables aux pensions de retraite et aux rémunérations outre-mer (M. Jean-Pierre Brard, Rapporteur).

M. Didier Migaud a, en préalable, rappelé la demande du groupe socialiste d’une audition du directeur général de l’INSEE. Les récentes déclarations du directeur de l’Institut ont en effet accru les doutes existants sur la réalité des chiffres du chômage. Cette audition apporterait une nécessaire clarification au débat.

Le Président Pierre Méhaignerie s’est déclaré réservé sur cette audition. Ce sujet a déjà fait l’objet de débats dans l’hémicycle et, récemment, dans la presse. Les statistiques du chômage font toujours l’objet de débats incessants. Les encaissements et décaissements de l’UNEDIC donnent d’utiles indications sur la situation du chômage et ces données sont incontestables. Une telle audition devant la commission des Finances, en cette période électorale, n’apporterait rien au débat au moment où de surcroît nombre de commissaires seront nécessairement absents.

M. Jean-Pierre Brard, Rapporteur, a rappelé qu’il a tenu à prendre le temps de rencontrer le plus grand nombre d’interlocuteurs possible – plus de 250 personnes auront été auditionnées. Les entretiens ont été parfois tendus mais toujours constructifs. Ces déplacements se sont déroulés après l’examen en première lecture par l’Assemblée nationale du projet de loi de finances pour 2007, afin que la sérénité préside à ces travaux.

La plupart des interlocuteurs semblent avoir pris conscience que le statu quo sur ce dossier est impossible. Faute d’une démonstration objective des justifications du système des compléments de rémunération et de pension des fonctionnaires, certains pourraient être tentés de procéder à leur remise en cause brutale. Une telle perspective serait particulièrement dramatique pour l’outre-mer. Mais il ne faut pas, non plus, laisser perdurer des dispositifs qui n’auraient plus leur raison d’être ou dont certaines personnes bénéficieraient illégitimement. Le consensus maximum doit être recherché.

Grâce à l’appui du Président de la Commission, des déplacements en Guadeloupe, à Saint-Martin, à La Réunion, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ont pu être réalisés. La plupart des personnes auditionnées ont salué ces déplacements.

Il convient également d’éviter la caricature trop souvent dressée de la fonction publique outre-mer. Il faut abandonner l’image de « danseuse de la République » qui colle parfois à l’outre-mer. Le respect à l’égard de nos compatriotes est la condition minimale pour permettre un dialogue constructif. Ces caricatures sont relayées par la presse lorsqu’elle cède à la facilité, en ne s’intéressant qu’aux « avantages cocotiers » et non aux réalités sociales complexes. Si des économies doivent être recherchées, elles ne peuvent concerner que des dépenses qui ne seraient pas justifiées. La situation des petits retraités, qui perçoivent parfois une pension de 1.000 euros par mois – majoration incluse – ne doit pas être fragilisée. A l’inverse, les compléments de pensions des plus hauts fonctionnaires, bien que légaux, atteignent des montants souvent illégitimes.

Ce dossier ne pas être abordé sans tenir compte de la situation de chaque département ou collectivité d’outre-mer qui subissent, à des degrés divers, une crise économique. La Nouvelle-Calédonie bénéficie d’une matière première, le nickel, qui la place dans une situation spécifique. La Polynésie française ne dispose d’aucune richesse, si ce n’est son environnement exceptionnel. Les DOM connaissent certes un développement économique, mais leurs handicaps subsistent.

Il faut disséquer les causes économiques profondes de la « vie chère » outre-mer. Il est souhaitable qu’une mission conjointe de députés et de sénateurs de la majorité comme de l’opposition puisse se rendre outre-mer pour y apprécier concrètement la situation.

S’agissant des réformes éventuelles concernant les majorations de traitements, il convient de mettre en place – enfin – des observatoires des prix, dans chaque collectivité, où seraient représentés tous les partenaires économiques, politiques et sociaux. Ces observatoires, dont la neutralité à l’égard des pressions économiques ou politiques serait garantie, devraient non seulement observer le niveau des prix, mais aussi disséquer leurs processus de formation. La petite taille des économies ultramarines permet en effet à quelques importateurs ou distributeurs de capter l’ensemble du marché – certains observateurs vont jusqu’à évoquer une économie de « comptoir » – et encaisser des marges incroyables en profitant de monopoles ou d’oligopoles.

À l’appui de cette réflexion, des prix ont été relevés dans cinq hypermarchés d’une enseigne présente dans l’ensemble des territoires concernés, aux Abymes (Guadeloupe), à Saint Denis de La Réunion, à Dumbéa (Nouvelle-Calédonie), à Punaauia (Polynésie française) et à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Il n’est pas compréhensible que le lait de Nouvelle-Zélande soit vendu plus cher en Polynésie française que le lait de la Sarthe, qui subit pourtant des délais de transports plus longs. De même, les très fortes restrictions à l’importation de pâte à tartiner en Nouvelle-Calédonie ne semblent pas justifiées. En ce qui concerne les produits agricoles, les importations ne sont permises que pour compléter la production locale. Or, comme celle-ci est surestimée par les producteurs, ce système conduit à créer une pénurie artificielle qui fait monter les prix. De même, des sociétés écrans installées en Nouvelle-Zélande ou en Australie, contrôlées par un importateur polynésien ou néo-calédonien, achètent des produits en réalisant une marge confortable avant de les revendre sur place. Dans ce cas, la marge connue peut sembler raisonnable, mais, en fait, une marge préalable a déjà été réalisée à l’étranger.

Jusqu’en 1994, le prix de vente des médicaments en Nouvelle-Calédonie était 1,65 fois supérieur à celui observé en métropole, quel que soit le produit. Dans le cadre d’un plan de maîtrise des dépenses de santé, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a alors décidé de baisser de 16,7 % le taux de majoration du prix des médicaments remboursables – le coefficient de majoration est depuis de 1,374. Cette baisse s’est précisément fondée sur une étude économique montrant que les marges réalisées sur la vente des médicaments étaient excessives. Il convient d’ailleurs de remarquer qu’aucune pharmacie ne s’est trouvée en situation de cessation de paiements du fait de cette mesure…

Ces questions, qui semblent éloignées du thème de la mission d’information sont, en réalité, au cœur de celle-ci. En effet, l’État n’a pas à financer, grâce aux compléments de rémunération servis aux fonctionnaires, les marges injustifiées des importateurs et des distributeurs.

Sur la base des constatations des observatoires des prix, un conseil national pourrait se réunir – par exemple à un rythme quinquennal – pour proposer les adaptations des compléments de rémunération destinées à tenir compte de l’évolution du niveau des prix. Le niveau de ces compléments pourrait évoluer – à la hausse comme à la baisse – de manière graduelle, pour éviter toute correction brutale. La vie chère pèse sur les fonctionnaires, mais aussi – et plus durement encore – sur les salariés du secteur privé les plus fragiles. Mettre sous les projecteurs les marges injustifiées dans le commerce doit permettre de baisser les prix outre-mer. Dès lors, et sur la base du maintien du pouvoir d’achat des fonctionnaires, il est possible d’imaginer une baisse des coefficients de majoration des traitements. Ce dispositif n’aurait que des avantages : outre le maintien du pouvoir d’achat du secteur public, il permettrait de faire progresser significativement le pouvoir d’achat des salariés les plus modestes. Il s’agit là de la seule méthode possible de réforme.

Par ailleurs, il faut prendre conscience de la diversité des situations des retraités de la fonction publique outre-mer. L’absence de compléments de pension engendre de graves difficultés, tant pour les individus que pour la qualité du service public, dans les départements français d’Amérique. Il est donc proposé d’étendre la retenue pour pension à l’intégralité du traitement servi pour augmenter le niveau des pensions et instaurer une logique contributive dans le système. Ce dispositif est d’ailleurs appliqué dans la fonction publique territoriale de Nouvelle-Calédonie.

L’hétérogénéité des niveaux de vie des retraités de La Réunion, de Nouvelle-Calédonie ou de Polynésie française est frappante. Si certains hauts fonctionnaires ou généraux en retraite bénéficient de compléments de pensions d’un niveau très confortable, il existe de nombreux retraités modestes – nés sur place ou implantés de longue date – pour qui une remise en cause du système aurait des conséquences personnelles dramatiques. Un plafonnement de l’indemnité temporaire de retraite doit donc permettre de rendre moins attractif l’exotisme pour les métropolitains, tout en préservant le niveau de vie de la grande majorité des retraités.

En outre, il existe des fraudeurs dont la résidence effective n’est pas outre-mer. Les trésoriers payeurs généraux effectuent des contrôles déterminés mais limités par les moyens dont ils disposent. Les bénéficiaires de l’indemnité temporaire peuvent être répartis en quatre catégories :

– les bénéficiaires légaux et légitimes, qui perçoivent souvent des pensions de montants modestes ;

– les bénéficiaires légaux, qui perçoivent une indemnité temporaire d’un montant illégitime, comme des pensions majorées en moyenne de 43.494 euros par an pour les anciens hauts fonctionnaires résidant en Nouvelle-Calédonie ;

– les bénéficiaires légaux, qui perçoivent une indemnité temporaire illégitime, car ils ne se sont installés outre-mer que pour en bénéficier. Il n’appartient pas, en effet, à l’État d’inciter les retraités métropolitains à aller s’installer outre-mer.

– les bénéficiaires illégaux qui ne respectent pas la condition de résidence outre-mer et qui fraudent.

Par ailleurs, les fonctionnaires des DOM installés en métropole bénéficient d’un dispositif de congés bonifiés dont l’ampleur ne se justifie plus aujourd’hui. Outre la période d’absence plus longue dont ils peuvent bénéficier, le billet d’avion pour retourner outre-mer leur est remboursé – ainsi qu’à leur famille – et ils perçoivent un complément de rémunération pendant leurs vacances. Pour des raisons strictement budgétaires, cet état de fait constitue une discrimination à l’embauche de ces personnes. Un directeur d’hôpital ou un maire auront tendance à ne pas recruter un fonctionnaire originaire d’un DOM, pour ne pas avoir à supporter les charges financières des congés bonifiés. Il convient de supprimer le versement spécifique d’un complément de traitement pendant les vacances des fonctionnaires concernés. De même, il faut mettre en place une indemnité forfaitaire pour le paiement du billet d’avion pour inciter les bénéficiaires à rechercher un vol au meilleur coût. Le système actuel ne bénéficie d’ailleurs qu’aux compagnies aériennes.

Les traitements de la fonction publique territoriale de Polynésie française devraient connaître une revalorisation supérieure de 1,8 point à celle des traitements des fonctionnaires de l’État. Si cette situation devait perdurer, l’écart de progression des rémunérations entre les fonctionnaires de l’État et territoriaux atteindrait 20 % en dix ans. L’attrait de la fonction publique de l’État serait amoindri et certains services publics pourraient ne plus disposer des fonctionnaires adéquats. Or, le maintien de ces fonctionnaires sur place est indispensable. En conclusion, il faut se défier de toute vision caricaturale, ce que seule une mission parlementaire rassemblant majorité et opposition pourra faire.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que les conclusions du Rapporteur n’engagent pas l’ensemble de la commission des Finances en tant que telle. Celle-ci donnera naturellement son accord à la publication du rapport, tout en souhaitant la mise en place, lors de la prochaine législature, d’un groupe d’études, commun à la majorité et à l’opposition et à l’Assemblée nationale et au Sénat, susceptible d’aboutir à des propositions consensuelles sur ce sujet. Il convient de considérer les données sur la cherté de la vie outre-mer avec précaution, afin d’éviter de donner des armes à ceux qui considèrent qu’il faut augmenter les compléments de rémunération. Les collectivités ultramarines bénéficient d’un potentiel agricole encore largement sous-développé qu’il conviendrait de promouvoir afin de lutter contre le prix élevé des importations.

M. Jean-Pierre Brard, Rapporteur, a répondu que le problème de la formation des prix ne concernait pas que les importations. Le prix du melon produit localement est, par exemple, aligné sur celui des melons importés. Le producteur local n’est donc pas incité à produire plus que ce qui lui suffit pour assurer son niveau de revenus. Il convient de réformer un système qui rend la formation des prix factice. Par exemple, le prix du logement est élevé en Nouvelle-Calédonie. Cela est dû principalement à une concentration excessive de la population. Il conviendrait donc de développer, notamment par les transports, l’urbanisation dans le Nord de l’Île. Le même constat peut être fait pour Papeete. Une seule route permet, en effet, d’accéder à cette ville, ce qui crée de nombreux encombrements. Pour éviter des durées de trajet excessives, les Polynésiens s’installent généralement dans la ville même de Papeete, ce qui conduit à une hausse excessive des prix du marché immobilier. Il existe donc des moyens de lutter contre la vie chère. Le rapport ne cherche pas à justifier les compléments de rémunération, mais s’attache à dénoncer le processus de formation des prix, qui résulte souvent de l’existence de véritables monopoles locaux.

M. Charles de Courson s’est interrogé sur la spécificité du statut des militaires, notamment concernant leur couverture sociale en Polynésie française et la prise un charge du coût de leur logement.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que pour traiter de ce problème, il fallait prendre en compte la complexité des situations locales et dépasser les clivages politiques. Sans ce préalable, une réforme sera impossible alors que le statu quo ne semble plus tenable.

M. Pierre Hériaud a salué le travail accompli par le Rapporteur. Les propositions du rapport s’orientent essentiellement vers deux sujets : la lutte contre les dérives existant en matière de complément de rémunération et de pension, et une meilleure maîtrise des prix à la consommation, qui doit permettre une modération des compléments de rémunération. Il semblerait judicieux de préconiser le développement de la production agricole locale.

M. Didier Migaud a salué la qualité du rapport qui doit permettre une utile clarification. Le statu quo est aujourd’hui impossible, mais il est nécessaire de raisonner au-delà des clivages partisans et de faire preuve de beaucoup de pédagogie. La commission des Finances devra effectivement se saisir de ce sujet important lors de la prochaine législature.

M. Jean-Jacques Descamps a noté que le simple sujet des retraites majorées recouvre en réalité une problématique beaucoup plus vaste et complexe. Il apparaît nécessaire de libéraliser le système de formation des prix et de lutter contre les freins qui empêchent le développement de la production agricole et industrielle, alors qu’existent de formidables gisements locaux de productivité.

M. Jean-Pierre Brard, Rapporteur, a rappelé que le champ du rapport était celui des compléments de rémunérations et de retraites. Ce champ a été élargi à la formation des prix. La principale conclusion est qu’il faut favoriser davantage la libéralisation des prix dans les territoires ultra-marins. La plupart des avantages des militaires en Polynésie ont disparu. Les situations les plus critiquables ne concernent pas les militaires, mais le personnel civil recruté localement. Le rapport cite l’exemple d’un caporal-chef gagnant un salaire de 2.210 euros, alors qu’un agent de catégorie C recruté localement pour exécuter les tâches matérielles, comme par exemple tondre le gazon, peut être rémunéré jusqu’à 5.891 euros. Il convient aussi de prendre en compte la disparité des situations en matière de fiscalité. Alors qu’il existe un impôt sur le revenu en Nouvelle-Calédonie, tel n’est pas le cas en Polynésie française. Cette dernière connaît un système de taxes, notamment sur les importations. Ces taxes peuvent d’ailleurs être proportionnelles à l’ancienneté du produit. Ainsi, faire venir une vieille voiture de métropole peut s’avérer plus coûteux que d’en acheter une neuve sur place. Il convient de développer la production agricole et industrielle locale, mais le problème de la formation des prix est plus complexe car le prix des produits locaux est calé sur celui des importations. Il est donc impératif de casser le monopole des importateurs et des producteurs locaux. Par exemple, le ciment importé d’Australie est moins cher, malgré les coûts de transports, que le ciment produit sur place. Le même constat peut être fait pour la bière en Polynésie française. Il convient cependant d’éviter tout changement brutal qui pourrait perturber ces économies fragiles et traiter ce problème de façon consensuelle. Cette mission a permis de montrer que la commission des Finances était ouverte au dialogue. Il convient de poursuivre ce travail par une mission d’information consensuelle, qui agisse de manière à créer un climat de confiance.

La commission des Finances a alors autorisé, en application de l’article 145 du Règlement, la publication du rapport.

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Puis la Commission a procédé, en application de l’article 146 du Règlement, à l’examen d’un rapport d’information sur le passeport mobilité (M. Michel Bouvard, Rapporteur).

M. Michel Bouvard, Rapporteur, a indiqué que la passeport mobilité mis en place en 2002, à la suite d’un engagement pris par le Président de la République, consistait dans la prise en charge d’un billet d’avion aller-retour pour les étudiants des DOM et des TOM effectuant leurs études en métropole en raison de la saturation de leur filière sur place ou en l’absence de filière existante sur le territoire ultramarin. Deux constats principaux ont pu être dressés : l’absence de responsabilité dans le pilotage du dispositif, et l’absence d’évaluation globale de celui-ci, assortie de cas de fraude. Le dispositif s’est rapidement révélé victime de son succès : le nombre de passeports mobilité attribués a été doublé entre 2003 et 2005, passant de 10.625 à 21.516. Le coût du passeport mobilité est corollairement passé de 8,3 millions d’euros en 2003 à 20,6 millions d’euros en 2005. La forte croissance, jusqu’à présent ininterrompue, du nombre de passeports mobilité attribués et des coûts afférents révèle que la connaissance de l’existence du dispositif s’accompagne d’une bonne appréhension de ses carences qui semblent être systématiquement exploitées. Le problème aujourd’hui est que la dotation budgétaire n’a pas évolué et que la situation financière s’est donc notablement dégradée. En effet, en quatre seulement, les dépenses ont presque triplé, passant de 3,6 millions d’euros en 2003 à 9,9 millions d’euros en 2006. Alors que les dépenses ont véritablement explosé, les crédits versés par le ministère de l’Outre-mer sont passés de 4 à 5,9 millions d’euros !

Ces éléments emportent deux conséquences : d’une part, le mécontentement des familles, confrontées à des retards importants de remboursements, et d’autre part, une dette croissante des CROUS vis-à-vis de la compagnie Air France, avec l’accumulation d’un arriéré de paiement. Au 31 décembre 2006, parmi les 7.545 dossiers traités par le CROUS des Antilles et de la Guyane, 2.441 n’ont pu être payés, faute de crédits. Le remboursement des familles ayant été privilégié, ces 2.441 dossiers correspondent exclusivement à une dette vis-à-vis d’Air France, qui se monte à plus de 1,9 million d’euros. L’avance de trésorerie consentie par le CROUS s’élève à un peu plus de 378.500 euros. Pour la Réunion, à cette même date, 22 % des dossiers sont encore en attente, soit 1.913 dossiers, et la dette auprès d’Air France s’élève à 490.000 euros.

La situation financière n’a donc cessé de se dégrader depuis 2004, aboutissant à un report du besoin de financement, sur l’année 2007, de plus de 4 millions d’euros. Alors que les fonds attendus par le CNOUS en ce début d’année s’élèvent à 6,04 millions d’euros (4,05 millions d’euros au titre des charges rattachées à l’exercice 2006 et 1,99 million d’euros au titre du premier appel de fonds pour 2007), le ministère de l’Outre-mer n’a versé que 2,9 millions d’euros jusqu’à présent.

Ces problèmes ont conduit la mission à proposer des modifications, et préalablement, de procéder à une clarification des responsabilités, en conduisant le ministère à jouer un véritable rôle de pilote du dispositif. En effet, après plusieurs demandes et une rencontre avec le ministre, aucune statistique détaillée ne s’est avérée disponible auprès du ministère, alors même que le CNOUS disposait de toutes les informations sur le dispositif du passeport mobilité. C’est pourquoi il faudrait rendre obligatoire la transmission au ministère de l’Outre-mer des indicateurs relatifs à la mise en œuvre du passeport mobilité.

Il conviendrait ensuite d’enrichir le dispositif d’évaluation du passeport mobilité, en introduisant notamment des indicateurs relatifs au taux de réussite et à l’assiduité des étudiants.

L’inscription des crédits destinés au passeport mobilité souffre d’un défaut manifeste de sincérité budgétaire. 11 millions d’euros ont ainsi été inscrits en loi de finances initiale pour 2005 alors que les besoins se sont élevés à 20,6 millions d’euros ; les crédits finalement mobilisés s’établissant à 14,9 millions d’euros. En 2006, la dotation (14,8 millions d’euros) est demeurée bien inférieure aux besoins et les crédits finalement mobilisés se sont élevés à 19,5 millions d’euros. Cette année, les 16 millions d’euros votés en loi de finances initiale ne seront vraisemblablement pas suffisants pour couvrir les besoins et pour satisfaire l’arriéré accumulé. D’où la nécessité d’inscrire en loi de finances une dotation réaliste au regard de l’évolution des besoins.

L’impératif de renforcement de la collaboration entre les institutions se fait également jour : en effet, un projet de décret relatif au passeport mobilité n’a, par exemple, fait l’objet d’aucune concertation entre le ministère et les autres acteurs du dispositif. C’est pourquoi il conviendrait de désigner, au ministère de l’Outre-mer, un correspondant chargé du suivi du passeport mobilité. Enfin, il est indispensable de garantir au CNOUS le respect, par le ministère de l’Outre-mer, de l’échéancier des versements.

Si les étudiants ultramarins ont, certes, toujours été nombreux à suivre des études en métropole, la motivation qui guide l’obtention du passeport mobilité n’est pas toujours pédagogique, puisqu’un certain nombre d’étudiants jouent sur les spécialités et les options pour l’obtenir. C’est pourquoi il s’avèrerait opportun d’apprécier l’inexistence ou la saturation d’une filière au niveau de la licence et du master, en tenant compte du domaine, de la mention et de la spécialité, ainsi que d’harmoniser la nomenclature « domaine, mention, spécialité » au niveau national. Le décret modifiant le décret du 18 février 2004 devrait préciser les critères de délivrance du passeport mobilité aux doctorants d’une part, et spécifier d’autre part que la saturation ou l’inexistence d’une filière est appréciée, en Guadeloupe, Guyane et Martinique, au niveau de l’inter-zone Antilles-Guyane et, à Mayotte et à la Réunion, au niveau de l’inter-zone Mayotte-Réunion.

Par ailleurs, la prise en charge intégrale du coût du voyage conjuguée à la grande liberté laissée dans la prise du billet d’avion conduit à des abus. La possibilité de prendre un aller simple puis un retour simple, nécessairement plus onéreux qu’un aller-retour, et la liberté totale de choisir la date du voyage, qui favorise l’achat de billets au dernier moment et aux dates où les tarifs sont les plus élevés, constituent autant de facteurs de dérive des coûts : les remboursements peuvent ainsi être supérieurs à 1.900 euros. Ces excès militent en faveur de la mise en place d’un système de prise en charge forfaitaire, sous forme de bon d’achat ou de remboursement. Le montant du forfait serait fixé chaque année par le ministère pour chaque destination et chaque mode de transport, après consultation des gestionnaires du passeport mobilité et des compagnies de transport. De la même manière, il conviendrait de limiter les remboursements de billets de transport à l’année universitaire en cours, car le délai de forclusion, aujourd’hui de quatre ans, et le manque de fiabilité des attestations de vol contribuent aujourd’hui largement à la dégradation financière observée.

L’ensemble de ces modifications supposeraient d’être assorties de contrôles : l’attribution du passeport mobilité pourrait ainsi être subordonnée à la progression de l’étudiant ainsi qu’à son assiduité, contrôle qui devrait être inscrit dans les contrats quadriennaux conclus entre l’État et les universités, et dont celles-ci pourraient ainsi rendre compte au ministère. Enfin, il faut rappeler la possibilité pour les étudiants boursiers de cumuler le dispositif des réquisitions de passage avec celui du passeport mobilité, possibilité qui ouvre la voie à des dérives : en effet, l’étudiant boursier qui bénéficie d’un billet l’été au titre de la réquisition de passage utilise l’aller-retour du passeport mobilité lorsque les tarifs sont les plus élevés, à Noël ou pendant le carnaval. Il faudrait donc supprimer cette possibilité de cumul.

Enfin, le passeport mobilité a des effets pervers sur le développement des universités ultramarines, dans la mesure où il favorise le départ des étudiants et freine le dynamisme des formations d’enseignement supérieur locales. Il s’agirait d’accroître l’attractivité de ces universités en renforçant la communication sur les cursus proposés et leurs résultats, mais également, de développer les filières locales pour lesquelles il existe une forte demande. D’autre part, parce que certains dispositifs d’aide aux étudiants tendent à favoriser la poursuite d’études en métropole au détriment de la zone Antilles-Guyane, il serait bienvenu d’offrir la possibilité aux étudiants de choisir entre le transport aérien et le transport maritime pour les déplacements effectués dans les inter-zones Antilles-Guyane et Réunion-Mayotte. Dans la continuité de cette mesure, les réquisitions de passage octroyées aux étudiants boursiers pourraient être soumises à une condition de saturation ou d’inexistence dans la collectivité d’outre-mer de résidence de la filière choisie.

Enfin, la promotion de la poursuite d’études au sein des inter-zones suppose que la question du logement étudiant dans les collectivités d’outre-mer soit réglée. Dans cette perspective, deux axes doivent être privilégiés : la construction de nouveaux logements et un accès facilité au logement étudiant dans les inter-zones, en mettant, par exemple, en place une priorité d’accès aux logements étudiants pour les étudiants originaires d’une collectivité d’outre-mer souhaitant effectuer leurs études au sein d’une autre collectivité d’outre-mer relevant de la même inter-zone.

La Commission a alors autorisé, en application de l’article 146 du Règlement, la publication du rapport d’information.

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La Commission a enfin procédé à l’examen d’un rapport d’information, en application de l’article 145 du Règlement, sur le prélèvement à la source et le rapprochement et la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG (M. Didier Migaud, Rapporteur).

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné la participation d’un magistrat de la Cour des comptes, désigné par le Premier président, en application des dispositions du 1° de l’article 58 de la LOLF, pour participer à ce travail.

M. Didier Migaud, Rapporteur, après avoir remercié la Commission d’avoir constitué cette mission d’information, s’est félicité de cette première application de l’article 58-1°, s’agissant de l’assistance de la Cour des comptes.

L’actualité du débat fiscal n’aura échappé à personne. Le « contrat fiscal », codicille du contrat social, doit périodiquement être approuvé. Il puise à quatre sources : l’histoire des prélèvements obligatoires, lente sédimentation ayant abouti à une architecture complexe, la dimension économique des prélèvements, leur incidence psychologique et le contexte européen et international. De larges consultations, un déplacement à l’URSSAF de Lyon ainsi qu’à Madrid pour observer un système fiscal comparable au nôtre et récemment réformé, auront permis de constater combien la France est aujourd’hui isolée, en ce qu’elle ne dispose pas d’un impôt sur le revenu prélevé à la source. Cela ne saurait suffire à justifier une réforme ; au demeurant, notre pays a, au cours de son histoire fiscale, connu cette modalité de recouvrement, apparue en Prusse en 1811. Ayant été l’un des derniers pays développés à créer un impôt sur le revenu, la France pourrait bien être le dernier à basculer définitivement vers son prélèvement à la source. Dans un premier temps, le rapport s’attache à étayer la thèse de la complexité excessive et de l’injustice du système actuel de l’imposition des revenus des Français, par une analyse critique du niveau des prélèvements obligatoires et de ses effets en termes de redistribution. Ce diagnostic débouche sur l’examen des réformes à explorer : outre le prélèvement à la source, la création d’un impôt citoyen qui pourrait résulter de rapprochements ou d’une fusion entre IR et contribution sociale généralisée (CSG). La Cour des comptes, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), ainsi que M. Thomas Piketty, et son équipe du Centre pour la recherche économique et ses applications (CEPREMAP), doivent être remerciés pour leur contribution aux travaux de la mission.

Bien que l’analyse de la structure des prélèvements obligatoires en France ne soit pas nécessairement consensuelle, un constat peut être partagé : la stabilité globale du niveau de ces prélèvements depuis une vingtaine d’années, qu’il est par conséquent illusoire de prétendre baisser drastiquement, d’autant que l’endettement est élevé. Mais au sein de cet ensemble, des marges de redéploiement existent. Selon l’analyse comparative de l’OFCE sur la « performance » redistributive des prélèvements sur les ménages dans les principaux pays de l’OCDE, la France se classe dernière du panel si l’on prend en compte le seul impôt sur le revenu. Elle est en revanche au troisième rang des pays les plus redistributeurs si l’on prend en compte l’ensemble des prélèvements sur les ménages. La redistribution est en fait assurée par d’autres impôts, ainsi que par les prestations sociales. Le constat dressé est donc celui d’un prélèvement peu citoyen et insuffisamment progressif : les ménages supportent trop de prélèvements indirects et peu de prélèvements sur le capital : il existe trop de distorsions entre catégories de revenus et trop de niches. Alors que son poids a encore baissé depuis 2002, il reste trop concentré et insuffisamment progressif pour être vraiment citoyen.

En outre, notre système de prélèvements est devenu incompréhensible. Il offre peu de lisibilité pour les contribuables, du fait notamment d’une méconnaissance du montant réel de l’imposition sur les revenus. En effet, alors que l’attention se focalise sur le faux débat du taux marginal supérieur de l’IR, le vrai débat, sur les taux marginaux excessifs applicables aux bas salaires, est occulté. À l’entrée dans le barème, les taux marginaux peuvent être très importants, sans que le mécanisme de la décote ni la PPE ne suffisent à régler le problème. Par ailleurs, beaucoup d’organismes différents sont concernés par le recouvrement : les administrations fiscales de l’État (direction générale des impôts et direction générale de la comptabilité publique) et les différents réseaux de recouvrement des prélèvements sociaux. La technique du prélèvement à la source telle qu’elle existe aujourd’hui concerne les prélèvements effectués par les établissements de crédit, les contributions et cotisations sociales, le prélèvement sur les salaires de source française versés à des personnes non domiciliées fiscalement en France, l’IR sur les indemnités des élus locaux ou encore les prélèvements effectués par les notaires sur les plus-values immobilières. Il faut saluer les progrès déjà engagés pour plus d’efficacité dans le recouvrement, sous la précédente législature comme sous l’actuelle, mesurés par des progrès significatifs : 61 % de mensualisation en 2005 et 71 % de paiements dématérialisés, tous moyens confondus. Les réformes récentes ont été utiles : il s’agit du rapprochement entre DGI et DGCP pour mettre en place l’interlocuteur fiscal unique, mais aussi de la modernisation du recouvrement social avec, pour les entreprises, des déclarations et des paiements dématérialisés, pour les particuliers employeurs, le chèque emploi-service universel, et pour les travailleurs indépendants, la perspective de l’interlocuteur social unique.

À partir de ces observations, le Rapporteur a plaidé pour la mise en place du prélèvement à la source de l’IR, étant entendu que le cheminement vers un tel objectif implique un certain nombre d’étapes impliquant des choix techniques et politiques. Pourquoi souhaiter une telle réforme ? Tout d’abord en raison d’avantages attendus pour le contribuable : une imposition adaptée automatiquement à la situation réelle des contribuables grâce à l’imposition des revenus réellement perçus, la prise en compte des changements de situation en cours d’année, au nombre de 26 millions – dont 9 millions d’ajustements à la baisse –, et un effet contracyclique mieux assuré par les stabilisateurs automatiques. Le calendrier d’imposition serait plus rationnel et les régularisations ex post moins importantes. Les mesures fiscales nouvelles votées par le Parlement seraient mieux adaptées : le prélèvement à la source autoriserait l’application quasi immédiate de mesures votées en cours d’année, tandis que les mesures fiscales rétroactives seraient vraisemblablement moins nombreuses. Il convient d’écarter une proposition parfois présentée comme une alternative au prélèvement à la source : la simple mensualisation obligatoire, éventuellement couplée à un prélèvement sur les revenus courants. En effet, il s’agit d’un mécanisme foncièrement différent, qui consiste à prélever un montant calculé sur une assiette décalée d’un an, tandis que le prélèvement à la source s’applique aux revenus courants. Par conséquent, cette mesure ne permet pas d’atteindre les objectifs recherchés.

L’instauration du prélèvement à la source passe par le respect d’un certain nombre de conditions préalables et nécessite de trancher certaines questions, pour améliorer effectivement le consentement à l’impôt. Car il ne suffit pas, tant s’en faut, d’« appuyer sur un bouton » pour le mettre en œuvre. Parmi les conditions préalables, il en est de « factices » : par exemple, il est faux de prétendre que l’on ne peut conjuguer complexité fiscale et prélèvement à la source, car les États-Unis y parviennent. Au demeurant, trop de simplicité peut confiner à l’injustice. En revanche, la première des conditions préalables concerne le respect de la vie privée des contribuables. Les auditions ont montré que cette question tourmentait autant les employeurs que les salariés. Il faudra bien que l’employeur ait connaissance du taux d’IR à prélever pour chacun de ses salariés. Mais les craintes d’aujourd’hui devraient disparaître une fois la réforme en place, grâce à de solides garanties : le taux synthétique d’imposition sera suffisamment composite pour que son interprétation soit quasi impossible, il devra être communiqué par le contribuable lui-même et toute divulgation par l’employeur à un tiers, comme toute utilisation non fiscale, seront pénalement sanctionnées. Le Président de la CNIL a indiqué n’avoir aucune objection de principe, le calcul du prélèvement au moyen d’un taux synthétique étant une solution tout à fait acceptable. Les simulations contenues dans le rapport indiquent d’ailleurs qu’un tel taux ne se laisse pas aisément « déchiffrer ».

Une autre condition préalable consiste à rechercher une égalité de traitement entre les différents types de revenus imposables. Pour les salaires et pensions, la solution du taux synthétique ne posera pas de problème ; en revanche, l’IR sur les revenus non salariaux des professionnels devra sans doute être prélevé selon une technique d’acomptes forfaitaires, comme aujourd’hui. Il faut, aussi, être attentif à ne pas alourdir indûment les charges des entreprises qui assumeront un rôle nouveau en intervenant dans le recouvrement de l’impôt. Cela nécessitera de leur part une individualisation du prélèvement, beaucoup plus lourd à gérer que la CSG ; cependant, les auditions ont montré que les adaptations à envisager demeurent raisonnables, le poste le plus coûteux étant celui des systèmes d’information des services gestionnaires de la paie. La compensation de ces charges nouvelles pourrait, par exemple, passer par l’octroi d’un avantage de trésorerie, via le reversement, avec un léger décalage dans le temps, des sommes prélevées. S’agissant des effets psychologiques de la réforme pour les salariés, un débat préalable est nécessaire pour déployer toute la pédagogie requise face à la baisse du salaire net perçu, ou devant les craintes de voir les négociations salariales modifiées par la réforme. À l’évidence, le ministre de l’Économie a été mal inspiré de laisser croire qu’elle se traduirait par une année de non-imposition pour les Français, car une telle contre-vérité ne peut que porter préjudice à la réforme. Le passage de l’ancien au nouveau système se traduira au contraire, mécaniquement, par un gain de recettes pour l’État, de l’ordre de 2 à 5 milliards d’euros selon les hypothèses retenues, qu’il s’agira de restituer intégralement pour désendetter le pays ou lisser l’année de transition. Celle-ci devra faire l’objet d’une attention toute particulière afin que l’optimisation fiscale soit découragée, mais que les avantages pécuniaires légitimes demeurent.

Le scénario d’instauration du prélèvement à la source présenté dans le rapport fait l’hypothèse d’une entrée en vigueur le 1er janvier 2010. Concrètement, sur les revenus salariaux ou les revenus de remplacement serait prélevé un impôt à un taux synthétique individuel adaptable en cours d’année pour verser des acomptes, incluant les niches. Un couple pourrait disposer de la faculté de répartir le prélèvement entre ses membres. Dans le champ des autres revenus, la solution consistant à recouvrer l’IR, comme l’IS, sous forme d’acomptes, apparaît comme la plus praticable pour les bénéfices professionnels. Les revenus fonciers et les revenus des valeurs et capitaux mobiliers devraient être pris en compte dans le taux synthétique, dans toute la mesure du possible. Pour le cas particulier des salariés à domicile, un prélèvement forfaitaire minime doit être préconisé, à inclure dans le mécanisme du CESU. Au stade du recouvrement effectif, la solution généralement envisagée, qui consiste à impliquer l’employeur et les payeurs de revenus de remplacement, s’impose. Le choix du réseau de recouvrement de l’acompte auprès des entreprises et des caisses de retraite est en revanche plus ouvert. Il sera loisible au ministre qui préparera cette réforme de confier cette tâche à l’administration fiscale, ou bien aux URSSAF, parfaitement à même de l’accomplir. En revanche, les déclarations, régularisations et contrôles demeureront de la compétence de l’administration des finances. Il faudra toujours une déclaration de revenus en cas de prélèvement à la source. Enfin, le paiement de la PPE et des autres restitutions fiscales résultant de crédits d’impôt sera uniquement le fait du Trésor public, responsable de toutes les régularisations.

Le rapport traite aussi des rapprochements utiles entre l’IR et la CSG qui permettraient de tendre vers l’impôt citoyen. En premier lieu, réduire les différences d’assiette dessinerait une imposition globale plus juste. Les imbrications actuelles entre IR et CSG plaident pour une telle réforme. En deuxième lieu, réduire les niches fiscales suppose d’en évaluer l’efficacité, de réfléchir à la possibilité d’un plafonnement global, voire d’envisager un impôt minimum alternatif comme il en existe aux États-Unis, au Canada ou au Québec. Il faut aussi mieux prendre en compte la situation réelle des contribuables au regard de leurs charges de famille. Les comparaisons internationales sur ce point montrent que le système du quotient familial comporte certaines injustices. Afin de faire bénéficier toutes les familles d’une aide fiscale, d’autres solutions sont envisageables, telle celle des abattements spécifiques. Dans le même temps, l’évolution des revenus, notamment au bas de l’échelle, doit être mieux appréhendée qu’avec l’actuelle PPE.

Enfin, le rapport formule des propositions pour mieux gérer l’ensemble des prélèvements obligatoires : d’une part, grâce aux travaux de M. Thomas Piketty, un barème de l’IR faisant apparaître les taux réels moyens d’imposition ; d’autre part, dans le but de favoriser un pilotage global des finances publiques, un rapprochement entre projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale. De fait, la cohérence entre ces deux catégories de lois reste très imparfaite. Cette insuffisante coordination fait peser un risque certain d’insincérité sur les comptes publics. La perspective de fusionner le projet de loi de finances et le projet de loi de financement en un seul texte financier, au moins pour leur partie concernant les recettes, donnerait toute sa cohérence à un pilotage global. Naturellement, aucune remise en cause de la spécificité des recettes de la sécurité sociale ne devrait en résulter.

Le Rapporteur a exprimé sa conviction que la réforme permettant de corriger les carences de notre système fiscal doit être mise en œuvre sans plus attendre. Il a formulé deux séries de recommandations pour parvenir à l’objectif d’une imposition sur le revenu plus juste et plus efficace. La première a trait à la mise en œuvre du prélèvement à la source. Celle-ci est possible et souhaitable à brève échéance. La modernisation du mode de prélèvement de l’IR aurait l’avantage de supprimer le décalage d’un an qui existe aujourd’hui entre perception du revenu et paiement de l’impôt. Elle serait en phase avec ce qui existe dans les pays voisins. Sa mise en œuvre suppose de répondre à trois questions essentielles : le respect strict de la confidentialité vis-à-vis de l’employeur, assuré par l’impossibilité de tirer d’un taux synthétique d’imposition notifié par le salarié des informations précises sur sa vie privée et par une disposition législative sanctionnant sévèrement tout manquement au secret fiscal ; la gestion de l’année de transition, de façon à éviter des comportements excessifs d’optimisation fiscale sans priver les contribuables des avantages dont ils auraient bénéficié au cours de l’année « effacée », comme un mariage ou l’évolution de la situation familiale ; l’égalité de traitement entre revenus salariaux et non salariaux, ces derniers étant taxés selon un système « acompte-solde » proche du système actuel de l’impôt sur les sociétés. En toute hypothèse, le gain tiré par l’État de l’anticipation d’une année pour le calcul de l’impôt devra être rendu aux contribuables pour faciliter la transition d’un système à l’autre. L’entrée en vigueur de cette réforme paraît difficile avant le 1er janvier 2010.

La seconde série de recommandations concerne le projet d’un rapprochement entre l’IR et la CSG pour les fusionner à terme au sein d’un impôt citoyen. Chacun voit bien aujourd’hui à quel point le prélèvement direct sur les ménages est complexe, injuste et inefficace. Le constat essentiel en la matière est que, pour 90 % des contribuables, le principal impôt direct sur les revenus est la CSG, et il s’agit du seul impôt direct sur le revenu pour la moitié d’entre eux. Or cet impôt est un prélèvement strictement proportionnel, qui ne tient pas compte des charges de famille. Paradoxalement, le débat fiscal se focalise pourtant sur l’IR alors que son poids tend à se réduire ; or il s’agit du seul instrument progressif au sein de notre système fiscal. C’est une situation qui n’est pas souhaitable.

Le rapprochement entre l’IR et la CSG, qui est un projet de moyen-long terme, doit ainsi servir de guide à un ensemble cohérent de réformes dont l’objet essentiel est de rendre l’imposition globale des ménages plus progressive, plus lisible, plus juste et plus efficace. Il s’agit de dégager les contours d’un impôt nouveau, l’impôt citoyen, en retenant le meilleur au sein de chacun des impôts existants.

Au-delà du prélèvement à la source, une première étape de rapprochement, réalisable sur la durée de la prochaine législature, pourrait comporter, d’une part, l’harmonisation progressive des assiettes par la remise en cause des niches fiscales, fondée sur une démarche d’évaluation, et leur plafonnement, éventuellement via un minimum d’imposition. D’autre part, des améliorations dans la gouvernance des finances publiques pourraient résulter de la fusion des volets « recettes » du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et de la mise en place d’une discussion générale commune à ces deux textes. Ainsi seraient mieux pris en compte les effets croisés des décisions fiscales portant sur l’une ou l’autre des impositions sur les ménages, et leur effet global en termes de pression fiscale. Ces réformes nécessitent au préalable d’assurer à la sécurité sociale les ressources indispensables à la préservation d’un haut niveau de protection sociale, à travers des recettes garanties et pérennes.

À plus long terme, et dans le cadre d’une concertation élargie, trois chantiers devraient s’ouvrir pour assurer la convergence des deux impositions. Le premier a trait au statut de la PPE, qui pourrait voir son double objectif de revalorisation du pouvoir d’achat et d’incitation au retour à l’emploi traduit sous la forme de deux outils distincts : un véritable impôt négatif venant s’imputer sur l’impôt citoyen, d’une part, et une incitation fiscale ou sociale à la reprise d’un emploi, d’autre part. Le deuxième chantier porte sur la modification de l’articulation actuelle entre IR et CSG, la CSG étant partiellement déductible de l’assiette de l’IR. Le troisième concerne la nécessaire prise en compte des charges de famille dans l’imposition des revenus. Quelle que soit la modalité retenue, l’objectif doit être d’assurer le maintien du niveau d’effort public en direction des familles destiné à tous les foyers. L’évolution du quotient familial, pour qu’il s’adresse à l’ensemble des ménages et non pas aux seuls imposables, ou la mise en place d’un crédit d’impôt pour charges de famille, constituent des pistes qu’il conviendrait d’explorer, compte tenu des différences importantes entre leurs effets redistributifs. S’imposera, quoi qu’il en soit, la jurisprudence constitutionnelle en vertu de laquelle le nouveau prélèvement devra tenir compte des charges de famille.

Ces propositions visent surtout à ouvrir le débat et à démontrer la possibilité de réformer le système fiscal – car cela est nécessaire – tout en maintenant le niveau actuel de prélèvements : la stabilisation des prélèvements obligatoires n’est en aucun cas synonyme d’immobilisme fiscal.

M. Hervé Mariton a noté que l’impact psychologique d’un éventuel prélèvement fiscal à la source a peut-être été sous-évalué par le Rapporteur. Une telle réforme serait de nature à modifier profondément la revendication salariale, avec une probable dimension inflationniste. En effet, nombre de négociations salariales sont basées sur le salaire net, qui serait évidemment minoré si le prélèvement à la source était appliqué.

M. Didier Migaud, Rapporteur, a répondu que les partenaires sociaux n’ont pas manifesté d’inquiétude particulière à ce sujet. Les négociations salariales prennent généralement pour base le revenu brut, qui ne sera pas modifié par une éventuelle réforme. La question n’a pas parue insurmontable. La dimension psychologique ne doit, certes, pas être sous-estimée. Pour autant, il ne faut pas oublier que seule la moitié des foyers paient l’impôt sur le revenu et que parmi eux, 61 % sont mensualisés et sont donc déjà dans une situation proche d’un prélèvement à la source.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué que, dans un but pédagogique, il serait souhaitable que les bulletins de paie fassent apparaître les trois formes du salaire : le salaire net, le salaire socialisé incluant les transferts sociaux et le salaire différé, qui correspond aux cotisations destinées au financement de la retraite.

M. Hervé Mariton a ensuite regretté que le Rapporteur prône une augmentation de la progressivité de l’impôt sur le revenu. Il existe un optimum de progressivité au-delà duquel toute augmentation sera contre-productive. Il a ensuite souhaité savoir si la retenue à la source préserve la notion de foyer fiscal, à laquelle la société française est très attachée. Il a fait remarquer que le crédit d’impôt distribué aux foyers qui n’acquittent pas l’impôt sur le revenu briserait la logique du quotient familial. En soutenant un tel projet de réforme, le Rapporteur prend un risque politique majeur.

M. Didier Migaud, Rapporteur, a rappelé que le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu et la fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG constituent deux problématiques différentes. Le deuxième sujet nécessite certainement un cheminement plus long et davantage de conditions préalables.

Le prélèvement à la source ne remet pas en cause le quotient familial. L’utilisation d’un taux synthétique permet de maintenir cette notion, ce que font d’ailleurs nombre de pays étrangers.

La prise en compte des charges familiales semble nécessaire dans le cadre du fusionnement des impôts directs, notamment pour des raisons constitutionnelles. Le débat sur les avantages de la progressivité ou de la proportionnalité des prélèvements relève, ensuite, de la sensibilité politique de chacun. L’objet du rapport est simplement de clarifier le débat et de démontrer que les obstacles au prélèvement à la source sont surmontables.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné que la commission des Finances est au cœur de sa mission en examinant ce sujet. En matière fiscale, la difficulté consiste à savoir où placer le curseur entre efficacité et justice sociale. La France se situe en troisième position en matière de redistribution et on ne peut pas soutenir que l’impôt sur le revenu n’est pas redistributif, lorsqu’on sait que 10 % des ménages paient 70 % de cet impôt. Le plafonnement fiscal simplifié pourrait constituer un bon équilibre avec le bouclier fiscal. A ce titre, il serait très intéressant de savoir dans quels autres pays ce dispositif a été mis en application. La prime pour l’emploi (PPE) devrait rester un élément clair de revalorisation salariale et n’être pas aussi fortement concentrée sur les très bas revenus proches du SMIC.

M. Didier Migaud, Rapporteur, a également reconnu que l’impôt sur le revenu est très concentré. Mais il a regretté que le produit des impôts directs dans les recettes fiscales soit de plus en plus faible, par rapport à celui des impôts indirects.

La prime pour l’emploi a-t-elle pour vocation d’augmenter le pouvoir d’achat ou d’encourager à la reprise du travail ? Malgré cette prime, qui est payée avec un décalage, un certain nombre de personnes connaissent, alors qu’elles ont retrouvé un emploi, une position financière plus défavorable que leur situation antérieure, lorsqu’elles bénéficiaient de la solidarité. Enfin, la prise en compte des charges de familles dans la fusion entre les impôts directs est imposée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Le Président Pierre Méhaignerie s’est demandé si cette contrainte est encore justifiée, compte tenu des politiques familiales menées par ailleurs et des prestations existantes.

M. Didier Migaud, Rapporteur, a considéré que la réforme envisagée pourrait constituer l’occasion d’ouvrir un débat de fond sur ce point.

Puis, la Commission a autorisé, en application de l’article 145 du Règlement, la publication du rapport d’information.

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Informations relatives à la commission

La Commission a reçu, en application de l’article 14 de la LOLF, un projet de décret d’annulation concernant les budgets Défense et anciens combattants, Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche, Transports, équipement, tourisme et mer et santé et solidarités.

La Commission a reçu le rapport 2006 de l’Établissement public de réalisation de défaisance.