COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 12

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 16 novembre 2005
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Philippe Houillon, président

SOMMAIRE

 

Pages

- Audition de M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire, sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers (n° 2615)


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- Examen de ce projet de loi (M. Alain Marsaud, rapporteur)

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La Commission a procédé à l'audition de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire, sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers (n° 2615).

Le président Philippe Houillon a remercié M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire, au nom de la Commission, de s'être rendu disponible malgré un emploi du temps particulièrement chargé, encore bouleversé par l'examen du projet de loi prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire, a rappelé qu'immédiatement après les attentats de Londres, il avait demandé aux services du ministère de l'intérieur de veiller à ce que des enseignements opérationnels soient rapidement tirés de cette tragédie. La France n'est pas à l'abri d'attaques terroristes similaires à celles qui ont frappé Madrid en mars 2004 et Londres les 7 et 21 juillet derniers.

Face à cette menace éminemment sérieuse, le ministère de l'intérieur met en œuvre, à droit constant, des actions de déstabilisation de la mouvance islamiste et de neutralisation des groupes radicaux. La coopération avec les pays alliés est à cet égard essentielle. Depuis le 1er janvier 2005, pas moins de dix-neuf islamistes intégristes ont été expulsés. Les prêcheurs de haine n'ont pas leur place sur le territoire de la République.

D'ores et déjà, une série d'instruments juridiques permettent à l'autorité judiciaire de disposer de moyens accrus après la commission d'un acte. La loi du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne, présentée par M. Daniel Vaillant, avait déjà facilité les fouilles de véhicules, les perquisitions et saisies en enquête préliminaire, permis l'utilisation en matière judiciaire des moyens militaires de déchiffrement ainsi que le recours à la visioconférence, et modifié diverses dispositions du code pénal relatives à la répression du terrorisme. La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a pérennisé ces dispositions, jusqu'alors soumises à une clause de « rendez-vous » tandis que celle du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, a renforcé les moyens d'enquête judiciaire et créé de nouvelles infractions en matière de terrorisme.

Le ministre d'État a tenu à cet égard à saluer l'esprit de responsabilité de la représentation nationale : sous chaque législature, elle a su adapter le droit à la réalité du temps. C'est cette œuvre qu'il faut continuer en complétant un arsenal juridique devenu insuffisant. Les enseignements opérationnels recueillis après les attentats les plus récents ont démontré la nécessité d'adopter de nouveaux instruments juridiques permettant une meilleure collecte du renseignement et, par là même, une meilleure prévention du terrorisme. L'action en aval permet de punir les coupables, mais non d'éviter les victimes. C'est en amont que les forces de l'ordre doivent pouvoir agir, sans évidemment nuire aux libertés individuelles. Il faut donc mieux comprendre la menace, mieux la repérer pour mieux la combattre, parer les coups plutôt que de panser les plaies.

Dans cet esprit, il convient d'améliorer la collecte et l'analyse des images autour de lieux sensibles en développant la vidéosurveillance et la surveillance automatique des véhicules, d'identifier les traces informatiques des communications électroniques des terroristes et d'avoir connaissance des voyages internationaux d'activistes liés à des réseaux terroristes en sachant analyser les données des compagnies de transport aérien. Un jeune d'un quartier parti quatre mois en Irak, en Syrie ou en Afghanistan n'est pas forcément coupable, mais on est d'autant plus en droit de lui demander des éclaircissements que dix ressortissants français ont été dénombrés parmi les « kamikazes » morts en Irak. Personne ne comprendrait qu'un État républicain et démocratique ne cherche pas à tirer un meilleur parti des technologies de l'information et de la communication, devenues les armes quotidiennes des terroristes.

En mettant l'accent sur la nécessité d'une meilleure organisation de la prévention du terrorisme, le projet de loi vise à renforcer la capacité de l'État à défendre la France contre la menace terroriste, dans le respect du nécessaire équilibre entre sécurité et libertés.

Cet équilibre est garanti par l'avis favorable que l'assemblée générale du Conseil d'État a donné au projet de loi. Il faut souligner à cet égard que celui-ci n'a pas suivi la position, assez réservée, de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (cnil). Le texte présenté est celui qu'a approuvé le Conseil d'État, à quelques détails de rédaction près.

Mais le ministre de la sécurité intérieure est également le ministre des libertés publiques. Tout au long de sa rédaction, le projet de loi s'est efforcé de respecter scrupuleusement les grands principes du droit public et la jurisprudence, de manière à préserver pleinement l'équilibre entre la sécurité et les libertés en assortissant les nouveaux dispositifs de toutes les garanties nécessaires. La création de fichier informatique y est évidemment conçue dans le respect de la loi de 1978 sur l'informatique et les libertés. La loi et les textes réglementaires d'application pris pour définir les traitements automatisés de données, tiendront compte des exigences de la loi de 1978 en définissant précisément les finalités des fichiers et les personnes individuellement désignées et spécialement habilitées à y accéder. Il en est de même pour l'accès administratif à un fichier existant : les personnes pouvant accéder aux données seront précisément désignées, la « traçabilité » des accès assurée et des sanctions prévues en cas d'accès inapproprié.

De surcroît, il sera proposé de n'adopter les dispositions les plus sensibles du projet de loi que pour une durée de trois ans, jusqu'au 31 décembre 2008. Ce dispositif, qui permettra au Parlement de se prononcer à nouveau, le moment venu, sur la nécessité de ces dispositions, ne fait que reprendre le principe de la clause de rendez-vous qui figurait déjà dans la loi votée à l'automne 2001, à la suite des attentats du 11 septembre, à l'initiative du gouvernement de M. Lionel Jospin.

Le ministre d'État a ensuite abordé la présentation des huit chapitres et des quinze articles du projet de loi.

Le chapitre premier, tirant les enseignements de l'expérience britannique, vise à développer le recours à la vidéosurveillance afin d'accroître la protection des principaux lieux accueillant du public et des installations sensibles exposés à une menace d'acte de terrorisme.

Ainsi, l'article 1er propose d'aménager le régime de la loi du 21 janvier 1995. Des personnes morales exposées à un risque terroriste - lieux de culte ou grands magasins, par exemple - pourront déployer des caméras filmant la voie publique aux abords immédiats de leurs bâtiments. Une procédure d'installation en urgence de caméras sera créée. Un agrément technique, garantissant le bon fonctionnement des systèmes de vidéosurveillance, est également prévu. Enfin, des agents individuellement habilités des services de police et de gendarmerie pourront accéder aux images. Toutes les garanties de procédure prévues en 1995 sont maintenues, auxquelles viennent s'ajouter la limitation à cinq ans de la validité de l'autorisation de chaque système, et la possibilité donnée à la commission départementale présidée par un magistrat d'exercer à tout moment un contrôle sur les modalités de fonctionnement de chaque dispositif.

L'article 2 prévoit que le préfet pourra prescrire l'installation de tels systèmes dans certains sites constituant des cibles potentielles du terrorisme : centrales nucléaires, grandes installations industrielles, aéroports ou gares.

Le chapitre II renforce les possibilités de contrôle des déplacements et des échanges téléphoniques ou électroniques des personnes susceptibles de participer à une action terroriste, qui se caractérisent par une mobilité croissante et une utilisation intensive des technologies de communication les plus modernes.

Dans cet esprit, l'article 3 facilitera les contrôles d'identité dans les trains internationaux, en les autorisant sur tout le trajet et non plus seulement dans la bande dite des vingt kilomètres. L'article 4 tend à soumettre les personnes offrant au public à titre professionnel une connexion à l'Internet aux mêmes obligations que les opérateurs de communications électroniques classiques, s'agissant des obligations de conservation de données. Le but est clairement d'aller dans les cybercafés voir ce qui s'y passe.

Enfin, l'article 5 prévoit d'autoriser des agents des services de police et de gendarmerie spécialisés dans la prévention et la lutte contre le terrorisme à se faire communiquer dans un cadre administratif certaines données techniques détenues par les opérateurs de communications électroniques. Il ne s'agit en aucun cas d'intercepter les contenus d'échanges électroniques - au demeurant, les terroristes ont depuis longtemps pris la précaution de ne rien se dire au téléphone -, mais de pouvoir recueillir de manière diligente des données comme l'identification des numéros d'abonnement, le recensement des abonnements d'une personne désignée, les données de localisation des équipements terminaux. Une procédure ad hoc, impliquant une personnalité qualifiée et un contrôle de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, offrira toutes les garanties nécessaires. Il est proposé, de surcroît, que ce dispositif ne soit voté que pour trois ans.

Le chapitre III définit les dispositions relatives à des traitements automatisés de données à caractère personnel dont la mise en œuvre est nécessaire à la prévention du terrorisme.

Dans cet esprit, l'article 6 vise à améliorer les conditions dans lesquelles les services de police, spécialement chargés de prévenir les actions terroristes, pourront exploiter les données collectées par la police de l'air et des frontières (paf) sur les cartes d'embarquement et de débarquement des passagers des compagnies aériennes ainsi que les données collectées par les compagnies aériennes lors de la réservation du titre de transport, en ce qui concerne les voyages en provenance ou à destination de pays extérieurs à l'Union européenne. Il sera ainsi possible de mieux suivre les traces des jeunes Français partant s'entraîner au djihad sur des théâtres étrangers comme l'Irak ou étudier dans les madrasas du Pakistan. Le fait qu'il leur soit toujours possible de transiter par Bruxelles, Londres ou encore Tunis ne saurait faire admettre que les aéroports de Paris soient laissés sans contrôle.

L'article 7 consolide les dispositifs de surveillance automatique des véhicules sur certaines zones à risques en permettant un traitement automatisé des données signalétiques des véhicules intégrant une photographie de leurs occupants. Ces données seront rapprochées du fichier des véhicules volés ou signalés et conservées dans des délais très limités. Ce dispositif aurait à l'évidence été très utile pour repérer l'individu qui, après avoir participé aux attentats de Londres, avait traversé la France pour se cacher en Italie.

L'article 8 étend les possibilités de consultation de certains fichiers administratifs du ministère de l'intérieur. Là encore, il est proposé d'adopter ce dispositif pour une durée de trois ans.

Le chapitre IV, préparé avec le garde des Sceaux, complète le dispositif pénal prévu pour sanctionner la commission d'actes de terrorisme.

Il est proposé dans l'article 9 de criminaliser l'association de malfaiteurs terroriste lorsque celle-ci a pour objet la préparation des crimes d'atteintes aux personnes, en la punissant désormais de vingt ans de réclusion au lieu de dix, et de trente ans au lieu de vingt lorsqu'il s'agit de leurs dirigeants. Le but est de punir plus fermement tant les « têtes de réseaux » que les « petites mains ».

En outre, l'article 10 prévoit de centraliser auprès des juridictions de l'application des peines de Paris le suivi des personnes condamnées pour des actes de terrorisme, comme il en a été en matière de poursuites, d'instruction et de jugement, confiés depuis 1987 à des magistrats spécialisés. Il est à noter que tous les terroristes de la « vague 95 », par le jeu des réductions de peines, sont tous libérables ou libérés, pour la quasi-totalité prêts à récidiver, et d'autant plus résolus qu'ils se sont livrés au prosélytisme. D'où la nécessité de confier également, pour ce type de population, l'application des peines à un magistrat spécialisé. La question du prosélytisme dans les prisons - on estime que 90 individus posent un problème à cet égard - est sans conteste une des plus complexe à résoudre et exige de disposer de renseignements précis.

Le chapitre V - article 11 - permettra de mieux lutter contre les stratégies d'implantation territoriale des terroristes dont certains essaient de tirer avantage de l'acquisition de la nationalité française. À cette fin, il apparaît nécessaire de porter de dix à quinze ans les délais permettant au ministre chargé des naturalisations d'engager la procédure de déchéance de la nationalité française et de la prononcer, à l'encontre de personnes l'ayant acquise, dès lors qu'elles ont fait l'objet d'une condamnation pour un acte portant une atteinte manifeste aux intérêts fondamentaux de la Nation, un acte de terrorisme ou un acte incompatible avec la qualité de Français et préjudiciable aux intérêts de la France.

Le chapitre VI, préparé avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, contient une série de dispositions relatives à la lutte contre le financement des activités terroristes. Sans préjudice des mesures spécifiques prises en application de règlements européens et de mesures prononcées par l'autorité judiciaire, le ministre chargé de l'économie pourra geler, pour une durée de six mois renouvelable, les différents avoirs financiers détenus ou contrôlés par des personnes physiques qui commettent ou tentent de commettre des actes de terrorisme. Cette mesure de gel, très réactive, sera placée sous le contrôle de la juridiction administrative ainsi que l'a souhaité le Conseil d'État.

Le chapitre VII a pour objet de rendre applicables, avec les adaptations nécessaires, les dispositions du projet de loi à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les Terres australes et antarctiques françaises ainsi que dans les îles Wallis-et-Futuna.

Enfin, le chapitre VIII définit la « clause de rendez-vous » renvoyant à un nouveau débat parlementaire en 2008.

Compte tenu de sa nature, ce projet de loi est examiné selon la procédure d'urgence par le Parlement. À l'heure où la menace terroriste pèse sur la France, l'intérêt national commande de l'adopter avec diligence, avant la fin de l'année. Aussi le ministre d'État a-t-il d'ores et déjà demandé à ses services de travailler à la rédaction des décrets d'application afin de ne pas perdre de temps : si d'aventure une catastrophe survenait, les Français ne manqueraient pas se demander pourquoi on a tant tardé à tirer les conséquences des événements de Londres. La discussion parlementaire permettra à n'en pas douter d'enrichir utilement ce projet.

M. Alain Marsaud, rapporteur, a jugé que le dépôt du projet de loi, qui tire effectivement les conséquences des événements de Londres, répond aux inquiétudes du Parlement, liées à l'inertie dont avait fait preuve l'Union européenne à la suite d'un événement majeur comme les attentats de Madrid, en dépit de près d'une trentaine de réunions et de multiples recommandations tant du Conseil que de la Commission ou des divers comités ad hoc. On ne peut que saluer la réactivité dont le Gouvernement - puisque ce texte associe plusieurs ministères - a su faire preuve en décidant de donner aux services compétents les moyens d'agir en cas de menace terroriste, désormais permanente.

De multiples modifications ont été apportées par les ministres successifs en 1996, 2001, 2003 et 2004, à la loi de 1986 qui, la première, a doté le pays des premiers moyens adaptés à la lutte anti-terroriste. Le texte proposé s'inscrit dans la poursuite de l'œuvre entreprise.

Si « l'aval » de la commission des infractions a jusqu'à présent bénéficié de nombreux moyens et procédures judiciaires nouvelles, dans le cadre du code pénal et du code de procédure pénale, pour traiter des conséquences des actes terroristes, « l'amont » restait pour ainsi dire déserté si l'on excepte l'heureuse innovation apportée par la notion d'association de malfaiteurs terroriste, instrument particulièrement utile pour les services spécialisés comme pour les magistrats. Les services spécialisés étant parfois conduits à agir à la marge de la loi, il devenait urgent de mettre en place un dispositif législatif et réglementaire régissant les activités de ceux qui, en amont des infractions, œuvrent à la prévention du terrorisme. Le succès d'une opération de contre-terrorisme commande d'identifier les auteurs et d'agir avant qu'ils n'aient le temps de commettre l'acte.

Le rapporteur a toutefois regretté que la commission des Lois n'ait finalement eu que deux semaines pour examiner un texte particulièrement complexe, dont l'examen, à bien des égards, nécessiterait le concours d'un polytechnicien ou d'un ingénieur de télécommunications plus que d'un juriste, tant ces matières, éminemment technologiques, sont difficiles à appréhender.

L'interconnexion de certains fichiers était à l'évidence indispensable. Les agents n'avaient jusqu'à présent accès qu'à des informations très fragmentaires. Le fait que le Conseil d'État ait donné sur la quasi-totalité des dispositions un avis favorable, à la différence de la cnil, conduit à s'interroger. Ses représentants, entendus par le rapporteur, ont réagi sans se préoccuper de ce qu'exige une opération de prévention et de répression des activités terroristes.

L'accès aux fichiers n'en est pas moins entouré d'une série de garanties en termes d'identification et de suivi afin que n'importe quel fonctionnaire de police n'aille pas faire n'importe quoi, qu'il s'agisse de l'accès aux fichiers ou de leur interprétation.

Le rapporteur a insisté sur le fait que le projet de loi vise les contenants et non le contenu des communications : il n'est pas question de traiter des interceptions des communications téléphoniques ou des messages, mais du cadre dans lequel on communique, téléphone mobile ou Internet, domaines dans lesquels les groupes terroristes ont probablement plusieurs longueurs d'avance sur les services de prévention et de répression. Il a demandé quel serait le profil de la personnalité qualifiée nommée auprès du ministre en application de l'article 5 et quel rôle elle sera amenée à jouer dans la procédure ad hoc.

Le projet prévoit de réglementer le fonctionnement des services spécialisés, autrement dit des services de renseignements, qui disposeront de moyens législatifs très importants. Ce sera une première dans l'histoire du Parlement, qui se retrouve ainsi fournisseur d'instruments juridiques en même temps que de moyens financiers aux services de renseignements, la direction de la surveillance du territoire (dst), la direction générale de la sécurité extérieure (dgse) dans une moindre mesure et les renseignements généraux (rg). Peut-être le Parlement pourrait-il à cette occasion créer une forme de « commission du renseignement » afin d'assurer un certain suivi, sans évidemment intervenir sur l'aspect opérationnel.

L'institution judiciaire également disposera d'instruments nouveaux. Le délit d'association de malfaiteurs terroriste est à cet égard un outil particulièrement intéressant dont les magistrats instructeurs font, contrairement à ce que d'aucuns prétendent, un usage relativement modéré. La question est posée d'un allongement des délais de la garde à vue, devenus peu compatibles avec le caractère international qu'a désormais pris le terrorisme.

Le rapporteur a enfin soulevé le problème des décrets d'application en observant que le Gouvernement est très loin d'avoir mis en place ne serait-ce que la moitié des décrets d'application de lois dont certaines remontent à 1995. Il a souligné en conclusion l'opportunité d'un texte dont l'objectif est de fournir au plus vite aux services compétents les instruments adéquats pour lutter contre le terrorisme.

En réponse au rapporteur, le ministre d'État a apporté les compléments d'information suivants :

-  La personnalité qualifiée visée à l'article 5 devrait être un inspecteur général de l'administration, capable de se prévaloir non seulement d'une connaissance de l'opérationnel et des services spécialisés, mais également de l'autonomie de jugement liée à son statut.

-  L'idée de constituer une commission parlementaire chargée de contrôler le renseignement apparaît parfaitement normale dans une démocratie moderne. Certes, une grande partie de l'administration y est opposée, mais ce n'est pas à elle d'en décider. Reste à en mettre au point les modalités, dans un domaine éminemment sensible. Il faut espérer que la sagesse des parlementaires les incitera à ne pas aller trop loin, sous peine de braquer immédiatement les services concernés. Mais on ne peut pas ne pas admettre le principe d'un contrôle parlementaire des activités de renseignement, qui du reste est la norme dans toutes les démocraties. La France ne saurait faire encore longtemps figure d'exception. Le secret et la transparence ne sont pas deux notions contradictoires. Inversement, le mystère dont sont entourés nos services de renseignements n'aboutit qu'à conforter une réputation sulfureuse. Il serait du reste souhaitable que les chefs des services de renseignements, tout comme le chef de la police ou des grandes administrations, puissent s'exprimer publiquement. Ce n'est malheureusement pas la tradition dans notre pays ; on en a vu les effets très positifs en Grande-Bretagne, où les interventions régulières du chef de la police britannique ont permis de dépolitiser la question. C'est pourquoi M. Michel Gaudin, directeur général de la police nationale, a été convié à faire un point de presse tous les matins durant les récents événements dans les banlieues. Cela procède d'une gestion tout à la fois moderne et démocratique.

-  L'idée d'un allongement de la garde à vue est tout à fait intéressante. Les Anglais, chez qui elle peut déjà atteindre quatorze jours, sont en passe de la porter à vingt-huit jours... Même si la pratique de la garde à vue n'y est pas la même qu'en France, cet exemple incite à la réflexion, alors même que, du fait de la complexité des circuits financiers internationaux, les juges d'instruction ont besoin de temps pour rassembler les premiers éléments. En Espagne, sous un gouvernement socialiste, le délai de garde à vue est de cinq jours et M. José Luís Rodríguez Zapatero n'envisage pas de le réduire. L'exemple de la Grande-Bretagne, souvent présentée comme le berceau de la démocratie, devrait faire réfléchir les donneurs de leçons.

M. Jacques Floch a souligné que le sujet était effectivement trop important pour susciter des polémiques politiciennes. La lutte contre le terrorisme, cette nouvelle forme de guerre imposée par des gens venant de l'intérieur comme de l'extérieur, impose de trouver des moyens de lutte efficace, non pas seulement pour trouver les coupables, mais pour prévenir les attentats.

La France a la chance de disposer de services d'informations et de renseignements d'une qualité internationalement reconnue, qui depuis des années ont empêché que ne surviennent en France les drames que d'autres pays ont vécus. Malheureusement, la lutte contre le terrorisme pose toujours un très difficile problème aux démocraties, par le fait qu'elles s'interdisent d'utiliser les méthodes des terroristes, mais seulement celles que le droit leur autorise. Sortir de ce cadre, c'est sortir du cadre démocratique et républicain. Or il est tentant de se livrer à des procès d'intention opposant d'un côté ceux qui défendraient avec vigueur la sécurité des citoyens et, de l'autre, les présumés laxistes.

Le texte proposé par le Gouvernement procède d'une logique certaine mais comporte également un certain mélange des genres. Ainsi, l'article 6, sous couvert de la transposition d'une directive européenne, vise essentiellement la lutte contre l'immigration clandestine qui devrait être traitée dans le cadre d'un texte relatif spécifique pour éviter tout risque d'amalgame.

Les services de police et de renseignements ont à l'évidence besoin d'accéder à l'ensemble des fichiers dont disposent les administrations. Ils les utilisent déjà, mais presque en catimini, sans bénéficier de la protection de la loi. Aussi serait-il souhaitable de renforcer encore le rôle de la cnil afin de permettre un contrôle a posteriori de l'utilisation des fichiers et éviter les abus. L'interconnexion de deux fichiers donnant inévitablement lieu à la création d'un troisième fichier, celui-ci devra également être contrôlé. Le contrôle de la cnil, dotée des moyens adéquats, sera une protection pour les agents des services de renseignements dans la mesure où ils travailleront désormais dans le cadre du droit.

Il est regrettable que les terroristes arrêtés et condamnés puissent se livrer au prosélytisme en milieu carcéral. M. Jacques Floch a précisé qu'il avait lui-même toujours dénoncé, sans jamais avoir été écouté, une habitude qui tient, semble-t-il, à des facilités d'administration, et qui pousse à mettre des gens présumés de même origine dans le même milieu carcéral, le même couloir, voire la même cellule. C'est ainsi, par exemple, que parfois pour des raisons liées à leur régime alimentaire, de jeunes Français musulmans de deuxième ou troisième génération sont mélangés avec des caciques du terrorisme dont ils deviennent aisément des soutiens acharnés. C'est pourquoi, plutôt que de favoriser le regroupement sur le même lieu des condamnés pour terrorisme, il faut au contraire procéder à leur dispersion.

Revenant sur l'idée d'un contrôle des activités de renseignements par le Parlement, M. Jacques Floch a estimé que celui-ci n'avait une réelle consistance que dans deux pays : les États-Unis - où la commission compétente va jusqu'à nommer les responsables des services - et les Pays-Bas. Partout ailleurs, y compris chez les Britanniques et les Italiens, le système laisse au Gouvernement une large marge d'appréciation sur les informations qui peuvent être communiquées à la commission et les personnes qu'elle peut entendre. La difficulté sera de parvenir à un équilibre garantissant un véritable droit de regard du Parlement sur le fonctionnement des services, qui devra pouvoir entendre les responsables, sans tomber dans un contrôle abusif empiétant sur les prérogatives de l'exécutif.

La question de la durée de la garde à vue, évoquée par le rapporteur, a déjà soulevé maints débats au sein de la commission. Le problème tient au fait que plus on la prolonge, moins on garantit les droits de la défense. D'où un équilibre à trouver entre la nécessité de laisser aux services le temps de faire leur travail et d'accumuler les éléments nécessaires pour bâtir un dossier, et le respect des droits de la défense, incontournable dans un État de droit. Le gardé à vue, pour suspect qu'il soit, n'en est pas moins toujours présumé innocent ; or trop souvent la garde à vue est considérée comme une pré-condamnation. La mise hors la société durant une période déterminée oblige à un respect non seulement des formes, mais également du droit. La présence du défenseur doit être appréciée à l'aune de ces deux paramètres : la capacité de la police à réunir des informations et la garantie du droit de tout citoyen à être protégé contre l'arbitraire.

Enfin, soulignant que les syndicats des douanes avaient observé que le projet de loi ne faisait pas mention de ce service, M. Jacques Floch a souhaité connaître la raison de cet oubli qui n'a sans doute rien d'involontaire.

M. Julien Dray, appuyant les propos de M. Jacques Floch a insisté sur le fait que le projet de loi, compte tenu des enjeux, transcendait les clivages traditionnels. Encore ne faut-il pas confondre les objectifs et les finalités : la question de l'immigration clandestine, inopinément soulevée à l'article 6, doit être impérativement sortie du projet afin d'en rester à la seule lutte contre le terrorisme et éviter tout risque d'amalgame - d'autant que, les récents événements l'ont montré, les crimes terroristes sont souvent le fait de citoyens français recrutés sur le territoire français. La constitution de réseaux terroristes intérieurs crée à cet égard une difficulté nouvelle pour les services en charge de la lutte contre le terrorisme.

Si la généralisation des systèmes de vidéosurveillance répond à une très forte demande des services, - qui prêtent peut-être imprudemment à l'expérience anglaise des mérites qu'elle n'a pas - la masse d'informations ainsi collectée est cependant inutilisable en l'état. La difficulté consiste à mettre en place un dispositif qui permettra de les traiter.

Il est prévu que les commissions départementales servent de pivot au dispositif. Encore faudrait-il qu'elles en aient les moyens, sans parler des prescriptions très précises auxquels devra répondre le matériel utilisé : il est arrivé lors d'affaires récentes que les images soient inutilisables.

La question de l'allongement de la durée de la garde à vue est effectivement récurrente. À supposer que deux jours supplémentaires permettent de collecter toutes les informations souhaitables, tout dépassement de l'actuel délai de quatre jours doit être assorti d'un minimum de contrôle judiciaire. Une demande d'extension de la garde à vue doit être soumise au juge des libertés, ce qui ne pourra du reste que contribuer à sécuriser la procédure.

La création d'une commission d'évaluation du renseignement apparaît effectivement nécessaire compte tenu de la nature même du travail des services, amenés à opérer en « zone grise », au contact des réseaux. La connaissance de leur activité sera pour eux une garantie en évitant tout risque d'interprétation abusive.

M. Michel Vaxès s'est étonné de l'absence de référence à la dimension géopolitique du problème posé par le terrorisme et aux éventuelles coopérations européennes et internationales en matière de renseignements, qui pourraient notablement améliorer l'efficacité de la lutte antiterroriste. Il a regretté que le texte se limite à la prévention de certaines formes de violence - dont certaines peuvent effectivement être d'origine terroriste - sans chercher à prendre en compte les menaces bio-terroristes autrement plus graves et qui pourraient, par l'empoisonnement de l'air ou de l'eau, entraîner la mort de milliers de personnes.

En réponse aux premiers intervenants, le ministre d'État a apporté les précisions suivantes :

-  La cnil sera appelée de nouveau à donner son avis au moment des décrets d'application sur les « troisièmes fichiers ». La loi de 1978 sera totalement respectée, qu'il s'agisse de la définition des données, des catégories de personnes habilitées à les consulter, de la durée de conservation. L'exploitation des données, si elle donne lieu à constitution de fichiers, sera également soumise à la cnil, que les fichiers en cause existent déjà ou qu'ils soient créés à cette occasion.

-  L'article 6 se borne à transposer une directive européenne ; la France, régulièrement prise en défaut, doit impérativement y procéder avant 2006. Cette directive, qui traite de la transmission à la paf des données des compagnies aériennes, avait été adoptée après les attentats de Madrid. Il a semblé naturel d'insérer cette disposition dans un texte précisément consacré au terrorisme, d'autant que les services concernés s'intéressent autant au contrôle des frontières qu'à la lutte contre le terrorisme. Au demeurant, l'article 6 concerne aussi bien les Français que les étrangers.

-  La France compte 115 terroristes condamnés, qu'il n'est pas souhaitable de mélanger avec les autres détenus car cela créerait immanquablement un effet de métastases, quoique cette décision relève de la compétence de l'administration pénitentiaire. À cet égard, l'article 10 prévoit d'attribuer au tribunal de grande instance (tgi) de Paris la compétence exclusive et nationale pour connaître des modalités de l'exécution des peines de condamnés terroristes, ce qui permettra aux juges de l'application des peines d'avoir une vue d'ensemble de la population pénale concernée. Il serait du reste curieux de centraliser l'instruction et le jugement à l'exclusion de l'application des peines, alors que la spécificité du terrorisme suppose de faire appel à de véritables spécialistes.

-  Un contrôle parlementaire du renseignement est tout à fait envisageable. Peu de ministres de l'intérieur ont fait preuve d'une ouverture sur cette question qui revient depuis des années devant les commissions des lois. Le Gouvernement propose de la résoudre ; reste à trouver un équilibre, une solution raisonnable qui permettra de surmonter les réticences de l'administration.

-  L'adaptation de la garde à vue suppose évidemment de garantir les droits de la défense. Il n'est pas question de bouleverser un équilibre fragile en modifiant les dispositions relatives à la présence de l'avocat. En revanche, un renforcement du rôle du juge des libertés, tel que le souhaitent MM. Julien Dray et Jacques Floch, peut être envisagé.

-  Les informations concernant l'efficacité de la vidéosurveillance en Angleterre mériteraient d'être confrontées. C'est en tout cas parce qu'ils avaient été filmés que les sauvages assassins d'Épinay ont pu être arrêtés. En garde à vue, les deux premiers ont reconnu le vol de l'appareil photographique mais contesté l'accusation de meurtre, jusqu'à ce que les images, accablantes, les confondent au point qu'ils ont livré l'identité du troisième meurtrier, retrouvé à Limoges.

-  Il n'est évidemment pas question de multiplier l'installation de caméras comme au Royaume-Uni où il est prévu par le gouvernement - travailliste - d'installer 25 millions d'appareils. Mais alors que tous les ministres de l'Intérieur ont demandé, en période de tension, aux grands magasins de renforcer leurs contrôles intérieurs, il serait paradoxal de refuser l'installation de caméras sur les trottoirs, où les devantures et les échoppes attirent les badauds, au motif que ce serait porter atteinte à la vie privée... Le rôle des commissions départementales, présidées par un magistrat, devra être renforcé. Il sera également souhaitable d'imposer des normes de qualité pour les appareils de vidéosurveillance.

-  Le juge des libertés pourrait être l'autorité qui décidera de la prolongation de la garde à vue, si cette proposition était retenue par la commission des Lois et par l'Assemblée à sa suite. L'objectif est de parvenir au texte le plus efficace et le plus consensuel possible.

-  La « vision géopolitique » chère à M. Michel Vaxès pourrait très bien faire l'objet d'un colloque ; mais l'essentiel pour l'heure est d'assurer la sécurité des Français. Ce texte n'entend pas imposer une vision ou une théorie ; il se veut avant tout concret et opérationnel. Au demeurant, le Gouvernement travaille à la préparation d'un livre blanc sur le terrorisme, dont les premiers éléments seront présentés jeudi 17 novembre et qui constituera le cadre global d'expression de sa vision du problème.

-  Le projet de loi vise à lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes. L'équipe de Romainville préparait un attentat chimique comme d'autres utilisent l'explosif. Ce n'est qu'une question de modalités, qui ne changent rien à l'application du texte. La réponse des pouvoirs publics à ces atteintes réside dans la mise en œuvre de « Vigipirate » et de plans spécialisés comme Piratox. Il n'y a pas lieu de créer d'incrimination spécifique pour chaque catégorie de terrorisme et peu importe qu'il s'agisse de microbes, d'empoisonnement de l'eau ou d'explosifs.

M. Jacques-Alain Bénisti s'est déclaré particulièrement déconcerté en entendant certains orateurs. Il est question en l'occurrence de terroristes et non de jeunes délinquants. Les propos tenus par le ministre d'État ont heureusement été de nature à rassurer, après les considérations navrantes entendues sur les bancs de l'opposition quant aux conditions de garde à vue ou au régime alimentaire des détenus, au mépris des centaines de victimes tuées ou mutilées par les terroristes.

On sait, à la lumière des événements de Madrid et de Londres, que la préparation de tels attentats exige une organisation particulièrement bien pensée. Mais le délai de revoyure de trois ans paraît un peu long pour contrer les parades que les terroristes ne manqueront pas de mettre au point sitôt ce texte entré en application. Aussi M. Jacques-Alain Bénisti a-t-il proposé que la Commission puisse engager une initiative au moment opportun sur les nécessaires adaptations de la loi, sans attendre l'échéance de trois ans.

M. Patrick Delnatte a bien noté que la loi de 1978 modifiée sur le traitement des données sensibles sera respectée dans les décrets d'application. Reste que la cnil a suggéré que des précisions soient apportées dans le texte de la loi ; lui donner satisfaction dès ce stade couperait court à toute interprétation ultérieure.

M. Didier Quentin s'est étonné que le transport maritime ne soit pas évoqué dans le projet de loi alors que les ferries entre la France et l'Angleterre, ou le continent et la Corse, sont des cibles particulièrement tentantes et vulnérables.

M. Gérard Leonard s'est pour sa part réjoui de sentir, à l'inverse de M. Jacques-Alain Bénisti, une volonté commune d'apporter une réponse la plus efficace possible. La gravité du problème posé exige de faire preuve de responsabilité, mais également d'humilité et le ministre d'État a rappelé à juste titre toutes les réponses apportées au fil du temps, qu'il a fallu adapter à de nouveaux contextes et à de nouveaux acteurs.

Il faut par ailleurs se souvenir que la France a été un des premiers pays au monde à réglementer l'utilisation de la vidéosurveillance en 1995, dans le cadre de la lops. La cnil elle-même avait reconnu que son article 10 avait la vertu d'organiser un système potentiellement efficace, mais susceptible de porter atteinte à la liberté. La précision apportée par le ministre d'État est venue heureusement dissiper les soupçons de ceux qui craignaient l'installation d'un système à l'anglaise, inadapté aux besoins et aux traditions françaises. La vidéosurveillance n'est efficace que si elle est ciblée et choisie.

Si les commissions départementales instaurées par la loi de 1995 sont très utiles à la réflexion en amont sur les autorisations, cela est moins vrai pour ce qui concerne le suivi des dossiers. Il conviendra d'étudier comment améliorer, sans trop les alourdir, leur efficacité dans ce domaine.

En réponse aux derniers intervenants, le ministre d'État a apporté les éléments suivants :

-  La clause de rendez-vous n'interdit pas au Parlement de demander au Gouvernement de rendre compte de son action plus régulièrement. Il n'est en effet pas exclu que de nouveaux besoins apparaissent.

-  Le texte sera attentivement réexaminé afin de prendre en compte, autant que possible, les préoccupations exprimées par M. Patrick Delnatte ; cela dit, le Conseil d'État a approuvé le projet en prenant ses distances par rapport à la position de la cnil.

-  Le transport maritime est bien inclus dans le champ de l'article 6 qui traite du recueil des données relatives aux passagers. Par ailleurs, l'article 2 prévoit l'installation de la vidéosurveillance dans les ports internationaux.

-  Le consensus est à l'évidence nécessaire et l'utilisation de la vidéosurveillance doit être ciblée. Sitôt la loi votée, un plan national de développement de la vidéosurveillance sera organisé et les élus locaux consultés.

Après le départ du ministre d'État, la Commission a procédé, sur le rapport de M. Alain Marsaud, à l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.

M. Alain Marsaud, rapporteur, a précisé que les 115 condamnés actuellement détenus pour des actes de terrorisme étaient répartis dans 35 établissements pénitentiaires et qu'il n'était pas prévu de les réunir dans un seul établissement de la région parisienne. En revanche, le suivi de ces détenus devrait être concentré dans les mains d'un seul juge d'application des peines spécialisé, conduit à se déplacer ou à recourir à la technique de la visio-conférence. Il a rappelé que l'affectation des détenus dans tel ou tel établissement était de la compétence de la direction de l'administration pénitentiaire du ministère de la justice.

M. Jérôme Lambert a souligné que le groupe socialiste avait été sensible à la volonté affichée par le ministre d'État de faire évoluer le projet de loi au cours du débat parlementaire et indiqué qu'il interprétait ces propos comme une ouverture à l'égard des amendements que l'opposition serait amenée à présenter.

Après avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité n°1 et la question préalable n°1 de M. Jean-Marc Ayrault, la Commission est passée à l'examen des articles.

Chapitre premier

Dispositions relatives à la vidéosurveillance

Article 1er (art. 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité) : Extension des cas d'utilisation de la vidéosurveillance :

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur. Elle a également adopté un amendement du même auteur intégrant au sein de la loi du 21 janvier 1995 les dispositions actuellement prévues par l'article 15 du projet de loi fixant les mesures transitoires applicables aux systèmes de vidéosurveillance déjà existants.

La Commission a ensuite adopté deux amendements du rapporteur précisant les conditions dans lesquelles la commission départementale donne son avis dans le cadre de la procédure d'urgence, l'un prévoyant que cette commission peut émettre un avis sur la décision de mise en œuvre de cette procédure, l'autre obligeant la commission à rendre son avis sur la pérennisation du dispositif avant la fin de la validité de l'autorisation provisoire.

Puis la Commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2 (art. 10-1 [nouveau] de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité) : Possibilité de prescrire la vidéosurveillance à certains gestionnaires d'infrastructures :

La Commission a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur et un amendement du même auteur étendant à la procédure de décision préfectorale de prescription d'un système de vidéosurveillance la possibilité donnée à la commission départementale de se prononcer en cas de mise en œuvre de la procédure d'urgence.

Elle a ensuite adopté l'article 2 ainsi modifié.

Chapitre II

Contrôle des déplacements et communication des données techniques
relatives aux échanges téléphoniques et électroniques des personnes susceptibles
de participer à une action terroriste

Article 3 (art. 78-2 du code de procédure pénale) : Contrôle d'identité à bord des trains internationaux :

Après avoir adopté un amendement de conséquence du rapporteur, elle a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4 (art. L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques) : Obligation de conservation des données de connexion par les personnes fournissant au public une connexion Internet :

Le rapporteur a présenté un amendement clarifiant les dispositions du code des postes et communications électroniques s'agissant de la conservation des données de trafic. Ayant rappelé que celui-ci prévoit le principe de l'effacement des données et institue des dérogations, notamment afin de permettre la conservation de ces données pour les besoins d'une procédure pénale, il a estimé que, compte tenu de l'intérêt de cette conservation, étendue par le projet de loi aux « cybercafés », il convenait de préciser que celle-ci est une obligation pour les opérateurs, et non une simple faculté.

La Commission a adopté l'amendement et l'article 4 ainsi modifié.

Article 5 (art. L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques ; art. 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 ; loi n° 91-646 du 10 juillet 1991) : Transmission des données de connexion des opérateurs de communication et fournisseurs de services électroniques aux services de police administrative chargés de la lutte contre le terrorisme :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur codifiant les dispositions du présent article au sein du code des postes et communications électroniques et de la loi du 21 juin pour 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, après que son auteur eut précisé qu'il avait également pour conséquence d'autoriser la réquisition administrative des données techniques par les services spécialisés, non seulement pour la prévention, mais aussi pour la répression du terrorisme.

La Commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, puis, celui-ci ayant estimé que la personnalité qualifiée, placée auprès du ministre de l'intérieur et chargée de se prononcer sur les demandes des agents des services de police et de gendarmerie habilités souhaitant avoir accès aux données conservées par les opérateurs de télécommunications, devait bénéficier de la plus grande indépendance possible, la Commission a adopté un amendement du même auteur prévoyant que cette personnalité est désignée par la commission nationale des interceptions de sécurité (cncis), autorité administrative indépendante, sur proposition du ministre et non directement par le ministre lui-même.

Le rapporteur a ensuite expliqué que la cncis serait chargée de contrôler l'application du dispositif et de saisir le ministre de l'intérieur si elle constate des manquements. Il a précisé que, dans une telle hypothèse, afin d'assurer la transparence de la procédure, il convenait de permettre à la cncis de rendre publiques ses recommandations et il a présenté un amendement en ce sens que la Commission a adopté.

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur corrigeant des imperfections de la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques : le premier autorisant les ministres concernés à déléguer leurs pouvoirs en matière d'autorisation d'interception à deux personnes au lieu d'une seule, comme c'est déjà le cas pour le premier ministre, le second donnant une base légale aux contrôles effectués par la cncis auprès des opérateurs de communications électroniques.

Enfin, après avoir adopté quatre amendements du rapporteur, les deux premiers tirant les conséquences de la codification de l'article, les deux suivants de nature rédactionnelle, la Commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Avant l'article 6 :

La Commission a rejeté deux amendements de M. Thierry Mariani précisant le délai dans lequel les opérateurs de télécommunications doivent fournir les renseignements demandés dans le cadre d'une réquisition judiciaire.

Chapitre III
Dispositions relatives aux traitements automatisés
de données à caractère personnel

Article 6 : Obligation pour les transporteurs de communiquer les données relatives aux passagers :

La Commission a examiné un amendement de M. Thierry Mariani permettant au service des douanes d'accéder aux informations relatives aux déplacements internationaux des passagers des transports internationaux. Après que M. Jacques Floch eut souligné que le ministre d'État ne lui avait pas répondu sur les raisons de l'exclusion de ce service du dispositif prévu par le projet de loi et que le rapporteur n'eut pas jugé souhaitable d'élargir ce dernier aux agents des douanes, compte tenu, notamment, des pouvoirs importants dont ils disposent déjà pour assurer leurs missions, la Commission a rejeté cet amendement.

Puis elle a adopté un amendement du rapporteur précisant que seuls les services chargés de la lutte contre le terrorisme et ceux chargés de la sûreté des transports internationaux auraient accès aux fichiers contenant les données personnelles des passagers, son auteur ayant estimé qu'il convenait d'inscrire dans la loi cette précision figurant dans le seul exposé des motifs.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur permettant l'interconnexion des nouveaux fichiers non seulement avec le fichier des personnes recherchées, mais aussi avec le système d'informations Schengen (sis), ainsi que deux amendements rédactionnels du même auteur.

La Commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article 7 (art. 26 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure) : Contrôle automatisé des plaques d'immatriculation figurant au fichier des véhicules volés ou signalés :

La commission a adopté trois amendements du rapporteur, le premier précisant que la définition de la criminalité organisée visée à cet article est celle de l'article 706-73 du code de procédure pénale, les deux suivants de nature rédactionnelle.

Après que le président Philippe Houillon eut rappelé que les agents des douanes bénéficiaient d'ores et déjà des pouvoirs idoines, la Commission a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani autorisant les agents des douanes à procéder à un traitement automatisé des données relatives à des véhicules et à leurs occupants.

La Commission a ensuite adopté trois amendements du rapporteur, le premier permettant l'interconnexion du traitement ainsi créé non seulement avec le fichier des véhicules volés mais aussi avec le système d'informations Schengen, les deux suivants de conséquence.

La Commission a été saisie d'un amendement du rapporteur précisant les conditions d'utilisation du contrôle automatisé des plaques d'immatriculation inscrites au fichier des véhicules volés ou signalés. Le rapporteur a fait observer que la consultation des photographies des occupants des véhicules dont les données signalétiques auront été traitées serait limitée aux seuls cas de croisement positif avec le fichier susmentionné.

M. Jacques Floch a demandé de quelle manière fonctionnerait le dispositif si le conducteur du véhicule photographié prenait à son bord une personne susceptible d'être liée à des activités terroristes.

Après que le rapporteur eut précisé que si le véhicule n'était pas inscrit au fichier des véhicules volés ou signalés les données photographiques ne pourraient en aucune façon être consultées, la Commission a adopté son amendement.

Après avoir rejeté un amendement de M. Thierry Mariani accordant aux agents des douanes la possibilité de mettre en œuvre des dispositifs permettant de photographier les voitures et leurs occupants, la Commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Article 8 : Accès des services de lutte contre le terrorisme à certains fichiers administratifs :

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, le premier de nature rédactionnelle, le second précisant que seuls des agents individuellement désignés des services de lutte contre le terrorisme, et non pas l'ensemble des agents de ces services, auront accès aux fichiers du ministère de l'intérieur énumérés par cet article.

Elle a adopté l'article 8 ainsi modifié.

Chapitre IV

Dispositions relatives à la répression du terrorisme
et à l'exécution des peines

Article 9 : (art. 421-6 [nouveau] du code pénal - art. 78-2-2, 706-16, 706-24-3 et 706-73 du code de procédure pénale) : Criminalisation de l'association de malfaiteurs terroriste :

Le rapporteur a présenté un amendement permettant d'étendre le champ d'application de l'aggravation des peines encourues par les terroristes participant à une association de malfaiteurs ayant pour objet la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteinte aux personnes, aux membres d'une telle association projetant soit de perpétrer des destructions et des dégradations de biens par substances explosives ou incendiaires dans des circonstances de temps ou de lieu susceptibles d'entraîner la mort, soit d'introduire dans l'atmosphère, le sous-sol, les éléments ou les eaux, une substance chimique susceptible de provoquer la mort. Il a rappelé que les membres du réseau terroriste interpellés dans le cadre du projet d'attentat au marché de Noël de Strasbourg avaient justement prétendu n'avoir eu l'intention de ne causer que des dégâts matériels pour échapper à de trop lourdes condamnations.

M. Christian Decocq a exprimé sa crainte que la rédaction proposée par l'amendement, en visant les destructions « susceptibles d'entraîner la mort », ne permette pas de couvrir complètement le champ des attaques terroristes pouvant porter atteinte à l'intégrité physique de la personne, dans la mesure où certaines substances peuvent simplement entraîner la paralysie ou la cécité.

Après que le rapporteur se fut engagé à clarifier cette question d'ici la séance publique, la Commission a adopté l'amendement.

Puis elle a adopté un amendement du rapporteur corrigeant une erreur de référence.

La Commission a ensuite adopté l'article 9 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 9 : (art. 706-24 du code de procédure pénale) : Identification par un numéro d'immatriculation administrative des officiers et agents de police judiciaire chargés de la lutte contre le terrorisme :

Le rapporteur a présenté un amendement ayant pour objet de permettre aux officiers et agents de police judiciaire affectés dans les services de lutte contre le terrorisme, après autorisation du procureur général près la Cour d'appel de Paris, de s'identifier par leur numéro d'immatriculation administrative, afin d'éviter une révélation de leur identité. Il a évoqué une affaire récente de menaces subies par un officier de police judiciaire en raison de la mention de son nom dans les procès-verbaux d'enquête et il a estimé que l'amendement permettra de protéger efficacement les personnels concernés. Il a ajouté que la délivrance de l'autorisation par le procureur général s'expliquait par le fait qu'il est déjà chargé d'habiliter les officiers de police judiciaire.

En réponse à M. Jacques Floch, exprimant son souci que cette identification chiffrée des officiers de police judiciaire se concilie avec la procédure pénale, le rapporteur a précisé qu'aucune condamnation ne pourra être prononcée sur le fondement d'un procès-verbal rédigé par un agent dont seul le numéro administratif apparaît et que les droits de la défense sont ainsi garantis par cet amendement.

M. Patrick Delnatte a suggéré au rapporteur de rectifier son amendement afin de prévoir une communication obligatoire, et non pas facultative, de l'état civil des officiers et agents de police judiciaire, à la demande du président de la juridiction de jugement saisie des faits.

La Commission a alors adopté l'amendement ainsi rectifié.

En conséquence, un amendement de M. Thierry Mariani ayant un objet semblable a été déclaré sans objet.

Après l'article 9 :

Un amendement du rapporteur permettant au procureur de la République, sur autorisation du juge des libertés, de porter à un mois, renouvelable trois fois, la durée des écoutes mises en œuvre dans le cadre d'une enquête en flagrance ou d'une enquête préliminaire sur des actes de terrorisme, alors que cette durée n'est à l'heure actuelle que de quinze jours, renouvelable une seule fois, a été retiré par son auteur, à l'invitation du président Philippe Houillon.

Puis la Commission a rejeté un amendement de M. Thierry Mariani ayant un objet identique, ainsi qu'un amendement du même auteur visant à sanctionner d'une amende de 15 000 euros la révélation d'informations pouvant conduire à l'identification des fonctionnaires et des militaires chargés de la lutte antiterroriste.

Article 10 : (art. 706-22-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Centralisation de l'application des peines en matière terroriste :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 10 : (art. 706-88 du code de procédure pénale) : Prolongation de la durée de la garde à vue en matière de terrorisme :

La Commission a examiné un amendement de M. Thierry Mariani, défendu par M. Guy Geoffroy, visant à permettre une prolongation supplémentaire de la garde à vue d'une personne lorsque les premiers éléments de l'enquête ou de la garde à vue font apparaître un risque sérieux de l'imminence d'une action terroriste ou lorsque les nécessités de la coopération internationale le requièrent impérativement.

Le rapporteur a souligné que les services spécialisés dans la lutte contre le terrorisme estiment que la garde à vue de quatre jours est trop limitée, notamment parce que les liens de confiance qui peuvent progressivement s'établir avec la personne mise en garde à vue nécessitent souvent une certaine durée. Il a ajouté que le prolongement de la garde à vue serait également très utile dans le cadre de la coopération internationale contre le terrorisme. Aussi, il s'est déclaré favorable à une prolongation de deux jours supplémentaires de la garde à vue, tout en proposant de rectifier l'amendement afin que cette prolongation soit uniquement possible pour 24 heures, renouvelables une fois, et non pour 48 heures en une seule fois.

Le président Philippe Houillon a, dans le même esprit, proposé de rectifier l'amendement afin de réserver au seul juge des libertés la possibilité de prolonger la garde à vue au-delà de quatre jours.

M. Julien Dray a estimé que le juge d'instruction devra demander la prolongation supplémentaire de la garde à vue uniquement lorsqu'il disposera d'éléments probants et qu'il devra soumettre cette demande au juge des libertés. Il a en outre exprimé son souhait que l'avocat puisse saisir le juge des libertés, avant l'expiration des quatre premiers jours de garde à vue, afin d'en prévenir la prolongation supplémentaire.

Le président Philippe Houillon a fait observer qu'une telle intervention de l'avocat au cours de la garde à vue pourrait être source de confusion car elle tendrait, de façon implicite mais néanmoins réelle, à attraire le régime de cette mesure d'enquête vers celui de la détention provisoire qui s'organise autour du principe contradictoire.

M. Thierry Mariani a alors rectifié son amendement, afin, d'une part, de supprimer la possibilité d'une prolongation de la garde à vue pour une durée de 48 heures en une seule fois, d'autre part, de limiter au seul juge des libertés le pouvoir de la décider.

M. Guy Geoffroy s'est déclaré favorable à l'amendement et a demandé à en être cosignataire.

La Commission a adopté l'amendement ainsi rectifié.

En conséquence, un amendement de M. Thierry Mariani ayant un objet similaire a été déclaré sans objet.

Article additionnel après l'article 10 (article L. 126-1 du code des assurances) : Extension de l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme à leurs ayants droit :

La Commission a examiné un amendement du rapporteur visant à étendre l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme aux ayants droit de nationalité étrangère d'une victime française.

Le rapporteur a souligné que le projet de loi, en l'état, ne comportait que peu de dispositions directement consacrées à la défense des intérêts des victimes d'actes de terrorisme, alors que les associations représentant ces dernières regrettent que la législation actuelle conduise à priver d'indemnisation les conjoints ou enfants étrangers de victimes françaises.

La Commission a alors adopté cet amendement.

Après l'article 10 :

M. Thierry Mariani a ensuite présenté un amendement ayant pour objet de réduire les frais de recherche et de reproduction de documents produits par des opérateurs téléphoniques, en précisant que le tarif des prestations et informations requises et facturées à l'État devrait permettre la « juste rémunération des opérateurs » tout en étant fondé sur leur coût unitaire, défini par un décret en Conseil d'État. Il a expliqué que cet amendement permettrait de contenir le coût des frais de justice, très significativement augmenté par le coût des recherches demandées aux opérateurs téléphoniques.

M. Jacques Floch a déclaré approuver l'objet de cet amendement.

M. Guy Geoffroy a appelé l'attention de la Commission sur les incidences de la nouvelle architecture budgétaire, en vertu de laquelle les crédits relatifs aux frais de justice sont désormais limitatifs, sur la prise en charge des frais de recherche et de reproduction de documents produits par les opérateurs téléphoniques.

Le rapporteur a exprimé son intérêt pour cet amendement, reconnaissant que les opérateurs pratiquent des tarifs très élevés, fort différents d'un opérateur à l'autre, et peu justifiés. Il a néanmoins appelé la Commission a le rejeter, ses objectifs devant être satisfaits par un amendement de M. Jean-Luc Warsmann au projet de loi de finances pour 2006, prévoyant qu'un arrêté ministériel fixera le tarif à payer pour les recherches effectuées par les opérateurs téléphoniques. Il a précisé que cet arrêté permettrait de diviser par trois certains des tarifs pratiqués.

Au bénéfice de ces différentes observations, M. Thierry Mariani a retiré son amendement.

Chapitre V

Dispositions relatives à la déchéance de la nationalité française

Article 11 : (art. 25-1 du code civil) : Extension des possibilités de déchéance de la nationalité :

La Commission a examiné un amendement du rapporteur visant à limiter aux seuls crimes et délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou constituant un acte de terrorisme l'extension de la durée pendant laquelle la déchéance de nationalité française peut intervenir.

Le rapporteur a indiqué que le projet de loi prévoyait de porter de 10 à 15 ans le délai pendant lequel ces actes, mais aussi les actes « préjudiciables aux intérêts de la France », pourraient donner lieu à la déchéance de nationalité française. Il a rappelé que l'article 25 du code civil permettait déjà de déchoir un individu de la nationalité française dans quatre hypothèses distinctes et a considéré que l'allongement du délai ne semblait pas justifié, voire présentait des risques d'inconstitutionnalité, pour les affaires d'espionnage n'ayant pas encore donné lieu à condamnation.

M. Jacques Floch a jugé paradoxal d'infliger à des individus non encore condamnés une déchéance de nationalité s'assimilant, de fait, à une forme de condamnation, alors même que le changement du contexte géopolitique survenu depuis le début des années 1990 conduisait à relativiser l'importance de certaines affaires d'espionnage liées à des États ou anciens États tels que la Bulgarie ou l'URSS.

La Commission a alors adopté cet amendement, puis l'article 11 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 11 : Dispositions relatives à l'audiovisuel :

La Commission a examiné un amendement du président Philippe Houillon visant à redéfinir les modalités selon lesquelles la diffusion des services de télévision proposés par les opérateurs satellitaires doit faire l'objet d'une convention conclue par chaque opérateur avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et peut être suspendue.

Le président Philippe Houillon a souligné que le CSA souhaitait améliorer les conditions du contrôle qu'il exerce sur les programmes proposés par les chaînes de télévision extracommunautaires diffusées grâce au satellite Eutelsat. Il a rappelé que l'organisation actuelle de ce contrôle reposait en France sur la passation préalable de conventions entre le csa et les chaînes de télévision concernées, la suspension de la diffusion ne pouvant intervenir que dans un deuxième temps, après qu'une mise en demeure a été adressée par le csa à l'opérateur. Il a jugé cette organisation complexe et paradoxale, ajoutant qu'elle conduisait parfois à des situations absurdes se traduisant par la suspension par le csa de la diffusion des programmes proposés par une chaîne de télévision avec laquelle il venait de conclure une convention.

M. Jacques Floch a demandé des précisions sur les émissions susceptibles d'être contraires à la loi française et de justifier une suspension de diffusion.

Le président Philippe Houillon a considéré qu'il était impossible de déterminer à l'avance la nature des programmes télévisés dont la diffusion pourrait être suspendue mais a souligné qu'il pouvait s'agir d'émissions encourageant des actes tombant sous le coup des lois, diffusées par des chaînes qui, bien que peu réputées pour leur honorabilité, n'avaient pu se voir refuser la passation d'une convention avec le csa.

Le rapporteur ayant émis un avis favorable, la Commission a adopté cet amendement.

Chapitre VI

Dispositions relatives à la lutte
contre le financement des activités terroristes

Article 12 : (Chapitre IV du titre VI du livre V du code monétaire et financier - art. 564-1 à 564-6 et chapitre IV du titre VII du livre V du même code - art 574-3) : Gel administratif des avoirs des terroristes :

La Commission a adopté quatre amendements du rapporteur, le premier de coordination, le second de précision, le troisième rédactionnel, le quatrième de conséquence.

Puis, elle a adopté l'article 12 ainsi modifié.

Chapitre VII

Dispositions relatives à l'outre-mer

Article 13 : (art. 31 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité) : Application outre-mer des dispositions relatives à la vidéosurveillance :

La Commission a adopté l'article 13 sans modification.

Article 14 : (art. L. 735-13, art. L. 745-13, art. L. 755-13 et art. L. 765-13 du livre VII du code monétaire et financier) : Application outre-mer des autres dispositions de la loi

La Commission a adopté l'article 14 sans modification.

Chapitre VIII

Dispositions finales

Article 15 : (art. 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité) : Application de la loi dans le temps :

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur, puis l'article 15 ainsi modifié.

Elle a enfin adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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