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COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 51

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 21 juin 2006
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Philippe Houillon, président

SOMMAIRE

 

Pages

- Examen du projet de loi de modernisation de la fonction publique (n° 3134) (M. Jacques-Alain Bénisti, rapporteur)


2

- Examen de la proposition de résolution de M. Philippe Vuilque et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête relative à l'influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs (n° 3107) (M. Georges Fenech, rapporteur)




9

- Informations relatives à la Commission

12

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jacques-Alain Bénisti, le projet de loi de modernisation de la fonction publique (n° 3134).

Après avoir rappelé que le projet de loi traduit en grande partie l'accord signé le 25 janvier 2006 avec les représentants syndicaux, le rapporteur a indiqué avoir reçu les représentants des différents syndicats, y compris ceux qui n'ont pas signé l'accord, pour entendre leurs observations. Il a précisé que les amendements proposés sont des solutions de compromis qui permettent de satisfaire certaines de leurs demandes sans pour autant remettre en cause les orientations du texte du Gouvernement.

La Commission est ensuite passée à l'examen des articles.

Chapitre 1er

Formation professionnelle des agents publics
tout au long de la vie

Article 1er  (art. 21 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, art. 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 et art. 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986) : Création d'un congé pour validation des acquis de l'expérience et d'un congé pour bilan professionnel :

La Commission a adopté deux amendements de portée rédactionnelle présentés par le rapporteur, puis l'article 1er ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 1er (art. 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984) : Coordination :

La Commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur complétant les dispositions relatives aux types de congé auxquels ont droit les fonctionnaires de l'État.

Article additionnel après l'article 1er (art. 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986) : Coordination :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur procédant à la même coordination au bénéfice de la fonction publique hospitalière.

Article 2 (art. 22 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983) : Reconnaissance d'un droit individuel à la formation. Caractère transférable de ce droit au sein de la fonction publique. Organisation de périodes de professionnalisation :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant, comme l'a souhaité la majorité des syndicats, que le temps d'exercice du droit individuel à la formation reconnu par le présent article ne s'impute pas sur celui des actions statutaires de formation.

Elle a ensuite adopté deux amendements de nature rédactionnelle du rapporteur et l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 (art. L. 970-1 à L. 970-5 et L. 970-6 [nouveau] du code du travail) : Définition et contenu de la formation professionnelle tout au long de la vie des agents publics :

Après avoir adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur, la Commission a été saisie d'un amendement présenté par M. Bernard Derosier destiné à encadrer, dans la loi, la procédure de définition et de mise en œuvre des actions de formation interministérielle. Après que le rapporteur eut souligné le caractère réglementaire de cette disposition, la Commission a rejeté cet amendement.

Puis, elle a adopté deux amendements du rapporteur, l'un de portée rédactionnelle, l'autre corrigeant une erreur matérielle, et l'article 3 ainsi modifié.

Article 4 (art. 23 de la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984) : Coordinations :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur et l'article 4 ainsi modifié.

Article 5 (art. 19, 26 et 58 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984) : Prise en compte de l'expérience professionnelle dans le cadre des concours et de la promotion interne dans la fonction publique de l'État :

La Commission a adopté quatre amendements du rapporteur, les deux premiers de nature rédactionnelle, les deux suivants prévoyant d'ajouter la prise en compte des qualifications acquises par les agents, d'une part, pour la promotion des fonctionnaires de l'État d'un corps dans un corps supérieur et, d'autre part, pour la promotion de grade de ces mêmes agents. Elle a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6 (art. 29, 35 et 69 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986) : Prise en compte de l'expérience professionnelle dans le cadre des concours et de la promotion interne dans la fonction publique hospitalière :

La Commission a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur ainsi que deux amendements du même auteur transposant à la fonction publique hospitalière le dispositif adopté au bénéfice des agents de l'État pour la prise en compte des qualifications acquises dans les promotions de grade ou d'un corps à un autre.

Elle a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Chapitre II

Adaptation des règles de mise à disposition des fonctionnaires

Article 7 (art. 41 à 44 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984) : Modification du périmètre et des conditions de la mise à disposition :

La Commission a été saisie d'un amendement présenté par M. Bernard Derosier prévoyant que la mise à disposition s'effectue conformément à l'intérêt tant du service d'origine que de l'organisme d'accueil. Après que le rapporteur eut souligné, d'une part, que le dispositif prévu par cet article encadrait de manière suffisante les mises à disposition, en prévoyant, en particulier, la signature d'une convention de mise à disposition entre les services intéressés et le remboursement du coût de celle-ci, et, d'autre part, que la disposition proposée pourrait faire naître des contentieux inutiles, la Commission a rejeté cet amendement.

Elle a, en revanche, adopté un amendement rédactionnel du rapporteur ainsi qu'un amendement du même auteur reprenant et complétant, selon une recommandation faite par l'inspection générale des finances, les dispositions de l'article 43 de la loi du 11 janvier 1984, supprimé par le présent projet de loi et prévoyant la remise aux comités techniques paritaires d'un rapport annuel faisant état des mises à disposition.

La Commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Article 8 (art. 14 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983) : Mise à disposition entre les trois fonctions publiques :

Elle a adopté l'article 8 sans modification.

Article additionnel après l'article 8 : (art. 61 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984) : mise à disposition des agents de la fonction publique territoriale auprès des services de l'État :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur ouvrant la possibilité d'une mise à disposition des agents de la fonction publique territoriale auprès des services de l'État et de ses établissements publics.

Article additionnel après l'article 8 : (art. 48 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986) : mise à disposition des agents de la fonction publique hospitalière auprès des services de l'État :

Selon la même logique, la Commission a adopté un amendement du rapporteur ouvrant la possibilité d'une mise à disposition des agents de la fonction publique hospitalière non seulement auprès des services de l'État et de ses établissements publics, mais également auprès des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.

Article 9 : Entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives aux mises à disposition :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur, qui prévoit que le régime transitoire s'applique aux mises à disposition antérieures à l'entrée en vigueur de la loi et, au plus tard, jusqu'au 1er juillet 2010 - au lieu du 1er janvier 2010 - en coordination avec les dispositions de l'article 26. Elle a adopté l'article 9 ainsi modifié.

Chapitre III

Règles de déontologie

Article 10 (art. 432-13 du code pénal) : Encadrement du départ des agents publics vers le secteur privé :

La Commission a examiné un amendement de M. Bernard Derosier visant à fixer à trois ans, plutôt qu'à deux ans, le délai imposé aux fonctionnaires ayant quitté l'administration pour exercer une activité professionnelle au sein d'une entreprise privée avec laquelle ils avaient des rapports professionnels, son auteur ayant souligné qu'il s'agissait de défendre ainsi l'éthique des fonctionnaires. Après que le rapporteur eut exprimé un avis favorable en rappelant que cette proposition répondait à une de ses préoccupations, la Commission a adopté cet amendement.

Puis, elle a adopté deux amendements rédactionnels et deux amendements corrigeant des erreurs matérielles, présentés par le rapporteur.

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur prévoyant que l'avis de la commission de déontologie n'a de conséquences pénales que s'il a été rendu expressément, son auteur ayant expliqué que son attention avait été attirée, lors des auditions, sur la nécessité d'éviter qu'un simple avis tacite, lorsque la commission n'a pas statué dans un délai d'un mois, empêche de poursuivre ultérieurement le fonctionnaire concerné.

Puis, la Commission a adopté l'article 10 ainsi modifié.

Article 11 (art. 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993) : Renforcement des commissions de déontologie :

La Commission a adopté cinq amendements rédactionnels du rapporteur.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur visant à maintenir le caractère obligatoire de la saisine de la commission de déontologie sur la compatibilité entre les précédentes fonctions de l'agent public et toute activité privée lucrative, son auteur ayant souligné qu'il convenait de prévenir toute atteinte au bon fonctionnement ou à l'indépendance du service, en ne limitant pas le contrôle obligatoire aux seuls fonctionnaires chargés de contrôler une entreprise ou de passer des marchés publics.

Puis, la Commission a adopté deux amendements rédactionnels et un amendement de coordination du rapporteur.

La Commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur prévoyant la présence d'un magistrat de l'ordre judiciaire au sein de la commission de déontologie.

Le rapporteur a souligné qu'il existait dans les milieux syndicaux et politiques un consensus pour souhaiter qu'un magistrat judiciaire siège au sein de la commission, compte tenu de la nécessaire articulation entre le contrôle disciplinaire et le contrôle par le juge pénal.

M. Bernard Derosier, tout en approuvant cette proposition, a regretté que les conseils de discipline soient présidés par un magistrat de l'ordre administratif dans la fonction publique territoriale, et non dans la fonction publique de l'État ou la fonction publique hospitalière. Il a estimé que cette différence de traitement n'était pas justifiée et constituait aujourd'hui une forme de « mise sous tutelle » pour la fonction publique territoriale.

Le rapporteur ayant indiqué que cette suggestion pourrait utilement trouver sa place lors de la discussion du projet de loi sur la fonction publique territoriale, la Commission a adopté cet amendement.

Puis, la Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur, ainsi qu'un amendement du même auteur prévoyant que le président de la commission de déontologie peut rendre au nom de celle-ci un avis d'irrecevabilité, le rapporteur ayant fait valoir que les avis d'irrecevabilité pouvaient être soumis au même régime que les avis d'incompétence ou de non-lieu à statuer.

La Commission a ensuite adopté l'article 11 ainsi modifié.

Article 12 (art. L. 413-5, L. 413-10 et L. 413-13 du code de la recherche) : Application du délai de deux ans au contrôle de la commission de déontologie sur les chercheurs collaborant avec des entreprises privées :

La Commission a adopté un amendement de cohérence du rapporteur, puis l'article 12 ainsi modifié.

Chapitre IV

Cumuls d'activité et encouragement à la création d'entreprise

Article 13 (art. 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983) : Redéfinition de l'interdiction de cumul d'activités et de ses exceptions :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, puis l'article 13 ainsi modifié.

Article 14 (art. 37 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, 60 bis de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et 46-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986) : Possibilité de service à temps partiel pour l'agent public qui crée ou reprend une entreprise :

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur, puis l'article 14 ainsi modifié.

Article 15 (art. L. 123-2-2 du code de la sécurité sociale) : Application aux agents des organismes de protection sociale :

La Commission a adopté l'article 15 sans modification.

Article 16 Abrogation du décret-loi du 29 octobre 1936 et suppression des règles de cumul plus restrictives applicables aux agents à temps partiel :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant des dispositions inutiles, puis l'article 16 ainsi modifié.

Article 17 Coordinations au sein du code du travail :

La Commission a adopté l'article 17 sans modification.

Chapitre V

Dispositions diverses

Article 18 (art. 14 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984) : Constitution de commissions administratives paritaires communes à plusieurs corps :

La Commission a adopté l'article 18 sans modification.

Article 19 (art. 20 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, 44 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
et 31 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986) : Organisation des concours d'accès à la fonction publique :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant la précision selon laquelle les examinateurs spécialisés peuvent être désignés au plus tard la veille de l'épreuve concernée, son auteur ayant noté qu'une telle disposition avait davantage sa place dans un décret que dans la loi.

Puis, elle a adopté l'article 19 ainsi modifié.

Articles 20 et 21 (art. 22 et 23 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984) : Réorganisation du recrutement dans les corps de catégorie C :

La Commission a adopté les articles 20 et 21 sans modification.

Article 22 (art. 66 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002) : Suppression de l'obligation d'accorder la protection fonctionnelle à tous les agents poursuivis pour les mêmes faits :

La Commission a adopté l'article 22 sans modification.

Article 23 (art. L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite) : Modification du mode de calcul de la pension de retraite des fonctionnaires handicapés :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant cet article, son auteur ayant indiqué qu'une telle disposition était sans objet depuis l'adoption conforme par l'Assemblée nationale, le 15 juin dernier, de la proposition de loi visant à accorder une majoration de pension de retraite aux fonctionnaires handicapés.

Article 24 (art. 46, 50-1 [nouveau] et 54 de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005) : Modification des règles relatives au congé de présence parentale des militaires :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, puis l'article 24 ainsi modifié.

Article 25 Contrats à durée indéterminée dans quatre établissements publics gérant des musées nationaux :

La Commission a adopté l'article 25 sans modification.

Article 26 (art. 29 de la loi n° 90- du 2 juillet 1990) : Entrée en vigueur des dispositions de la loi. Application de certaines dispositions à la commune et au département de Paris et aux fonctionnaires de La Poste et de France Télécom :

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, le premier supprimant un alinéa de nature réglementaire, le second corrigeant une erreur de référence.

Elle a ensuite adopté l'article 26 ainsi modifié.

Après l'article 26 :

La Commission a examiné un amendement de M. Bernard Derosier autorisant les employeurs publics à accorder aux mutuelles constituées entre les agents publics des subventions destinées à participer à la couverture des risques sociaux qu'elles assurent.

M. Bernard Derosier a souligné que cette possibilité, contestée par une recommandation de la Commission européenne du 20 juillet 2005 et un arrêt du Conseil d'État du 26 septembre 2005, avait été exclue par un décret du 13 juin 2006. Or, il a fait valoir que la Commission européenne était prête à admettre de telles subventions lorsqu'elles sont octroyées sans distinction quant à l'organisme choisi pour la prestation d'assurance complémentaire. Il a donc suggéré de donner un fondement législatif à cette possibilité, afin de dissiper les inquiétudes apparues à la suite de la parution du décret.

Le rapporteur a approuvé le principe de telles aides publiques mais a remarqué que l'amendement proposé risquait d'être peu utile s'il introduit dans la loi une disposition contraire au droit communautaire, ce dernier ayant une valeur supérieure dans la hiérarchie des normes. Il a donc jugé préférable d'attendre l'issue de la négociation actuellement en cours entre les syndicats, le Gouvernement et la Commission européenne sur cette question.

La Commission a alors rejeté cet amendement.

Puis, elle a examiné un amendement de M. Bernard Derosier visant à faire bénéficier l'ensemble des agents de la fonction publique territoriale, actifs ou retraités, et dans certaines conditions leurs ayants droits, des prestations d'action sociale, culturelle, sportive ou de loisirs.

M. Bernard Derosier a fait état du souhait des syndicats qu'il soit mis fin à la situation actuelle, qui exclut environ 300 000 fonctionnaires territoriaux du bénéfice de ces actions. Tout en concédant que son amendement, parce qu'il alourdit une charge publique, risquait fort d'être déclaré irrecevable au regard de l'article 40 de la Constitution, il a invité le rapporteur à rechercher une solution à ce problème avant l'examen du projet de loi en séance publique.

Le rapporteur a souligné qu'il partageait l'objectif de l'amendement proposé, en notant toutefois qu'il semblait effectivement contraire à l'article 40 de la Constitution et ne pouvait donc être adopté en l'état. Il a précisé qu'il avait demandé au Gouvernement de présenter un amendement ayant la même finalité, qui pourra être examiné lors de l'examen du projet de loi relatif à la fonction publique territoriale.

La Commission alors rejeté cet amendement.

Puis elle a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

*

* *

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Georges Fenech, la proposition de résolution de M. Philippe Vuilque et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête relative à l'influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs (n° 3107).

Le Président Philippe Houillon a observé que l'examen de la proposition de résolution constituait une entorse à la jurisprudence de la Commission selon laquelle une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête n'est examinée qu'à la condition d'être inscrite à l'ordre du jour de la séance publique, ce qui n'est pas le cas actuellement.

M. Georges Fenech, rapporteur, a tout d'abord estimé que si l'actualité des sectes ne se caractérisait plus par des faits divers spectaculaires, cela ne voulait cependant en aucun cas signifier que les sectes perdaient du terrain, comme le souligne chaque année le rapport publié par la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES). Ainsi, 129 députés, appartenant à l'ensemble des groupes de l'Assemblée nationale, ont cosigné une proposition de résolution tendant à la création commission d'enquête sur l'influence des sectes sur la santé physique et mentale des mineurs.

Le rapporteur a considéré que les conditions de recevabilité de cette proposition de résolution étaient réunies. En effet, une proposition de résolution doit déterminer avec précision soit les faits pouvant donner lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission d'enquête doit examiner la gestion. La proposition de résolution répond à ces exigences puisqu'elle évoque des pratiques précises, à savoir l'attention portée par certaines sectes envers les mineurs et notamment, les conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale de ceux-ci.

Par ailleurs, le principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire est respecté. Certes, le garde des Sceaux a indiqué « qu'un certain nombre de personnes liées à des mouvements à caractère sectaire font l'objet de poursuites judiciaires devant diverses juridictions ». Mais l'objet de la proposition de résolution dépasse de beaucoup l'analyse de cas particuliers, comme le souligne le garde des Sceaux lui-même lorsqu'il indique que « toutefois, compte tenu du caractère très général des termes de cette proposition, l'existence de ces procédures ne [lui] paraît pas faire obstacle à son adoption ».

Le rapporteur a ensuite estimé que la création d'une commission d'enquête centrée sur la question de l'influence des sectes sur les mineurs était tout à fait opportune dans la mesure où les enfants sont une cible de choix pour les mouvements sectaires. Ainsi, certaines sectes ont mis en place des établissements d'enseignement aux pratiques critiquables (absence de titres de l'encadrement, non-enseignement de certaines matières...). Par ailleurs, il existe de nombreux moyens utilisés par les sectes pour approcher les enfants (enseignement par correspondance, soutien scolaire, centres de loisirs et de vacances, l'utilisation du réseau Internet...).

Le rôle d'une commission d'enquête devrait donc être tout d'abord d'étudier les conséquences pour l'enfant de l'appartenance à une secte, généralement par l'intermédiaire de ses parents. Mais la commission d'enquête devrait aussi s'intéresser aux nombreux moyens insidieux utilisés par des sectes, souvent en se dissimulant, pour approcher des enfants qui pourront ainsi devenir de futures adeptes, ou des vecteurs de propagande en direction de leurs parents.

Le rapporteur a donc estimé que les mouvements à caractère sectaire développaient des pratiques nuisibles à la santé physique et mentale des mineurs qui justifient une intervention de l'Assemblée nationale par la création d'une commission d'enquête. En effet, cet outil s'est avéré très utile dans la lutte contre les dérives sectaires comme l'ont montré les travaux menés par l'Assemblée nationale en 1995 et en 1999, étant rappelé que à l'adoption de la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, dite « loi About-Picard », procède également d'une initiative parlementaire.

Compte tenu de la sensibilité du sujet au regard des libertés publiques, et notamment de la liberté religieuse, l'intervention du Parlement, sur une base non partisane, a montré son utilité. Le rapporteur a donc invité la commission à adopter la proposition de résolution.

Après avoir rappelé qu'il existe de nombreux dispositifs administratifs de lutte contre les dérives sectaires, notamment des services de police spécialisés et des cellules de prévention dans les écoles, M. Alain Marsaud s'est interrogé sur l'utilité de la création de commissions d'enquête qui, par leur récurrence, s'apparentent à un « marronnier » parlementaire, comparable aux numéros que la presse consacre régulièrement au marché immobilier ou à la franc-maçonnerie. Si elle était créée, la commission d'enquête s'intéressera-t-elle au scoutisme ou à certains mouvements religieux caritatifs marqués par la pédophilie ? En tout état de cause, il faudrait élargir le champ d'investigation de la commission d'enquête afin d'examiner l'influence, positive ou négative, sur les mineurs d'Adidas, de Nike, de Madonna ou de la « Star Academy ».

M. Alain Marsaud s'est également interrogé sur les suites qui pourraient être données à une commission d'enquête : faudra-t-il ordonner la fermeture de certains établissements ou en appeler à la responsabilité des parents ? Il a craint que, en proposant de créer une nouvelle commission d'enquête, certains n'inventent des sectes pour donner du travail aux parlementaires.

M. Philippe Vuilque a fait part de sa consternation devant les propos tenus par M. Alain Marsaud qu'il a jugés caricaturaux. Après avoir rappelé que le groupe d'étude sur les sectes dont il est le président regroupe des députés issus de toutes les tendances politiques, il a jugé indispensable de travailler dans la sérénité en dehors des feux de l'actualité. Comme le montrent les rapports de la MIVILUDES, il reste beaucoup à faire pour mettre les enfants à l'abri des dérives sectaires. Il ne s'agit donc pas de se faire plaisir en créant une commission d'enquête, mais d'aboutir à des propositions pour répondre aux drames vécus par certains enfants. Attendue depuis un an et demi, cette commission d'enquête répond à une nécessité et se situe dans la lignée des précédentes dont la qualité des travaux est reconnue.

Faisant état des angoisses suscitées par les dérives sectaires dans les milieux scolaires, M. Guy Geoffroy a estimé que la création d'une commission d'enquête aurait le mérite de remobiliser nos concitoyens. Si l'arsenal juridique existe, il convient d'éviter de perdre la conscience de la gravité de la situation. Plutôt que de procéder, comme l'indique l'exposé des motifs de la proposition de résolution, à une mise en exergue des conséquences des mouvements sectaires sur les enfants, il s'agit de faire toute la lumière sur ces pratiques.

M. Christian Decocq a salué l'action des associations contre l'embrigadement sectaire, et considéré que le caractère récurrent des commissions d'enquête créées sur ce thème s'explique par la permanence du phénomène qui s'adapte en prenant des formes nouvelles, ce qui justifie pleinement la plus grande vigilance en la matière. Comme l'ont montré la commission Outreau ou la mission sur l'effet de serre, les travaux d'une commission d'enquête menés dans un esprit non partisan sont à l'honneur du Parlement.

M. Jean-Pierre Soisson a indiqué que, après avoir été dans un premier temps défavorable à la création d'une commission d'enquête, il se ralliait à la proposition de résolution devant les arguments qui viennent d'être avancés.

Il a insisté sur le pragmatisme dont devront faire preuve les membres de la future commission d'enquête, à l'occasion de leurs investigations.

Après avoir noté que le rapport de la MIVILUDES fait de manière exhaustive l'inventaire des moyens juridiques de lutte contre les dérives sectaires, M. Etienne Blanc a interrogé le rapporteur sur les outils qui, à ses yeux, pourraient être ajoutés à ceux en vigueur.

M. Xavier de Roux a observé que le phénomène sectaire débordait largement les problèmes afférents à la protection des mineurs et pouvait soulever des difficultés d'appréciation. Se référant au cas de parlementaires étrangers reçus en France et appartenant à des mouvements qualifiés de sectes selon les critères retenus en 1995 par la première commission d'enquête sur les sectes, ou de membres d'organisations, à l'instar des Falung Gong, faisant l'objet dans leur pays de persécutions et venus chercher en France une protection, il a souhaité savoir comment distinguer objectivement, si tant est que cela s'avère possible, les bonnes des mauvaises sectes.

Le rapporteur a déclaré comprendre la préoccupation de M. Alain Marsaud sur le nécessaire respect de la liberté religieuse. Mais, l'approche française consensuelle de lutte contre les sectes a permis de largement dépasser cette question et de se concentrer sur le respect par les sectes de la loi républicaine qui s'impose à tous. En effet, des dérives et des mauvais traitements pouvant entraîner la mort sont avérés et ne sauraient être comparés avec des sujets plus légers telle que l'influence des émissions de téléréalité. On estime à près de 20 000 le nombre d'enfants présents dans des sectes, ce qui justifie que la représentation nationale s'en préoccupe.

Le rapporteur a ensuite estimé que le Parlement n'avait pas la légitimité pour classifier les bonnes et les mauvaises sectes et il s'est déclaré défavorable, à titre personnel, à une réitération du travail de recensement effectué par la première commission d'enquête sur le sujet. Il a fait valoir qu'il n'existe d'ailleurs pas de définition juridique des sectes, en raison des difficultés que cela soulèverait au regard des principes de liberté religieuse et de laïcité. En fait, la proposition de résolution se justifie surtout par le souci de repérer, d'identifier et de sanctionner certaines dérives sectaires dangereuses. En la matière, la France a acquis une expérience et une légitimité exceptionnelles, au regard d'autres pays, notamment depuis l'adoption de la loi About-Picard de 2001, qui incrimine l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse. Il lui appartient de continuer à montrer la voie, dans un esprit républicain.

Le rapporteur a enfin expliqué que l'intervention du Parlement était nécessaire et qu'il n'était pas possible de se contenter des rapports de la MIVILUDES, laquelle est d'ailleurs favorable à la création d'une commission d'enquête. Le sujet est en effet difficile, il exige une réflexion approfondie sur des questions comme le secret médical, le point de départ de la prescription quand des mineurs sont concernés, ou l'obligation scolaire. Si la MIVILUDES, la Chancellerie et l'ensemble des ministères font un travail remarquable, il ne peut toutefois remplacer une réflexion parlementaire sur les réformes qui s'imposent pour lutter contre les sectes.

La Commission a alors adopté à l'unanimité la proposition de résolution sans modification, M. Alain Marsaud ayant précisé, à la demande de M. Philippe Vuilque, qu'il ne prendrait pas part au vote.

*

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Informations relatives à la Commission

La Commission a procédé à la nomination de rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2007. Ont été nommés :

Administration générale et territoriale de l'État : M. Pierre Morel-A-L'Huissier

Sécurité : M. Guy Geoffroy

Sécurité civile : M. Thierry Mariani

Relations avec les collectivités territoriales : MManuel Aeschlimann

Justice et accès au droit : M. Jean-Paul Garraud

Administration pénitentiaire et protection judiciaire

de la jeunesse Mme Michèle Tabarot

Fonction publique M. Bernard Derosier

Outre-mer : M. Didier Quentin

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