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COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES, de la LÉGISLATION et de l’ADMINISTRATION GÉNÉRALE

Mercredi 11 octobre 2006

Séance de 10h

Compte rendu n° 2

Présidence de M. Philippe Houillon, président

Examen, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif au contrôle de la validité des mariages (n° 3356) (M. Patrick Delnatte, rapporteur)

La Commission a examiné en deuxième lecture, sur le rapport de M. Patrick Delnatte, le projet de loi modifié par le Sénat, relatif au contrôle de la validité des mariages (n° 3356).

M. Patrick Delnatte, rapporteur, a rappelé que ce projet de loi vise à protéger l’institution matrimoniale, en renforçant les outils de lutte contre la fraude au mariage et à l’état civil. Il s’inscrit dans un contexte caractérisé par l’augmentation des mariages mixtes (+ 117 % de 1994 à 2004) qui constituent aujourd’hui un phénomène de masse en représentant 28 % du total des mariages célébrés ou transcrits. Les pays soumis à une pression migratoire forte regroupent 60 % de ces mariages et connaissent les progressions les plus rapides. De fait, le mariage avec un Français est devenu, loin devant le regroupement familial, la première source d’immigration légale en France : 50 % des titres de séjour sont aujourd’hui délivrés à des ressortissants étrangers conjoints de Français. Cette évolution s’explique par la mondialisation et l’arrivée de la population d’origine étrangère à l’âge de se marier. Parallèlement, la fraude aux actes de l’état civil se développe dans des proportions sans précédent : le taux d’actes faux ou frauduleux dépasse les 90 % dans plusieurs pays.

Le premier objectif du projet de loi est de renforcer les moyens de lutter contre la fraude au mariage, afin de mieux détecter a priori et a posteriori les mariages simulés.

Pour prévenir les mariages simulés, les formalités préalables au mariage sont précisées et complétées. L’officier de l’état civil pourra ainsi saisir à temps le procureur de la République en cas de doute sur la validité du mariage. La publication des bans est subordonnée à la constitution d’un dossier complet et à l’audition des candidats. En particulier, ceux-ci devront apporter la preuve de leur identité et indiquer celle de leurs témoins préalablement à la publication des bans. Les mariages contractés à l’étranger sont soumis aux mêmes règles et aux mêmes contraintes que ceux contractés en France. Un Français qui désire se marier à l’étranger devra obtenir préalablement un certificat de capacité à mariage, attestant qu’il a rempli les formalités requises, et notamment qu’il s’est conformé à l’obligation d’audition. En cas de doute sur la validité du mariage, le ministère public pourra s’opposer à sa célébration. Si cette opposition ne peut pas empêcher l’autorité étrangère de célébrer le mariage, elle empêchera sa transcription à l’état civil français.

Sur la prévention des mariages simulés, le Sénat a apporté trois précisions utiles. Il a donné aux futurs époux la possibilité de changer de témoins entre la publication des bans et la célébration du mariage. Il s’agit d’une mesure de bon sens qui vise à éviter que l’absence d’un des témoins désignés au moment de la constitution du dossier empêche de célébrer le mariage. En outre, les possibilités de délégation des auditions ont été étendues : l’autorité diplomatique ou consulaire pourra confier la réalisation de l’audition des époux ou futurs époux, non seulement aux fonctionnaires titulaires chargés de l’état civil, mais aussi aux fonctionnaires dirigeant une chancellerie détachée ou aux consuls honoraires de nationalité française. Cette extension vise à faciliter l’audition dans le cas où le siège du poste consulaire est éloigné du domicile des intéressés. Enfin, pour éviter tout retard arbitraire, il est fait obligation à l’autorité diplomatique ou consulaire ou à l’officier de l’état civil de saisir sans délai le procureur de la République en cas de doute sur la régularité du mariage.

Par ailleurs, le projet de loi subordonne les effets du mariage célébré à l’étranger à sa validité, en faisant de la transcription du mariage une condition de son opposabilité en France. Il est en effet prévu de lier l’opposabilité en France du mariage célébré à l’étranger à sa transcription sur les registres de l’état civil français. Dans la mesure où la transcription suppose la vérification de la validité de l’acte (seul un acte valable peut être transcrit), un mariage frauduleux ne pourra donc pas être opposable aux tiers en France, mais continuera, comme l’a précisé l’Assemblée nationale en première lecture, à produire ses effets entre les époux et vis-à-vis des enfants.

En outre, les conditions de cette transcription dépendent désormais du respect des formalités préalables au mariage. Un mariage célébré malgré l’opposition du ministère public ne peut être transcrit qu’après mainlevée de l’opposition. La transcription d’un mariage célébré sans certificat de capacité doit être précédée de l’audition des époux, et, en cas de doute sur la validité du mariage, il peut être sursis à la transcription aux fins d’annulation. La transcription ne peut alors être prononcée que sur décision de l’autorité judiciaire, la charge d’obtenir une telle décision incombant aux époux. En outre, en cas de doute sur la validité d’un mariage célébré avec certificat de capacité, l’audition des époux est obligatoire au moment de la demande de transcription, et il peut être sursis à la transcription aux fins d’annulation. Le ministère public dispose alors de six mois pour statuer, l’absence de décision de sa part entraînant la transcription du mariage.

En première lecture, l’Assemblée nationale a donné aux époux dont le mariage n’est pas transcrit faute de certificat de capacité la garantie qu’ils obtiendront une décision dans un délai d’un mois, en obligeant le juge à statuer dans ce délai. Pour sa part, le Sénat a, à l’initiative des sénateurs représentant les Français établis hors de France, assoupli le dispositif, en donnant la possibilité à l’autorité diplomatique ou consulaire de se dispenser d’auditionner les époux. Ainsi, lorsqu’elle disposera d’informations établissant qu’il n’y a pas de doute sur la réalité et la liberté du mariage célébré sans certificat, l’autorité diplomatique ou consulaire pourra, par décision motivée, transcrire sans avoir auditionné les époux.

Le rapporteur a ensuite rappelé les dispositions du projet de loi visant, par une modification des modalités de contrôle de la validité des actes étrangers, à améliorer la lutte contre la fraude à l’état civil. La procédure de vérification judiciaire instaurée par la loi du 26 novembre 2003 s’est avérée peu utilisée parce que trop complexe. Elle est par conséquent supprimée et remplacée par une procédure administrative que le Gouvernement prévoyait d’instaurer par décret en Conseil d’État. Le Sénat ayant estimé que les modalités de contrôle des actes de l’état civil étranger ne relevaient pas du pouvoir réglementaire, il a inséré dans la loi le dispositif que le Gouvernement prévoyait d’introduire par décret en Conseil d’État. Ainsi, lorsqu’elle aura un doute sur l’authenticité ou l’exactitude de l’acte qui lui est produit, l’autorité administrative procédera ou fera procéder à la vérification auprès de l’autorité étrangère, et en informera l’intéressé. L’absence de réponse de la part de l’autorité administrative dans un délai de huit mois vaudra décision de rejet, à charge pour le demandeur d’en solliciter l’annulation par le juge administratif qui statuera au vu des éléments fournis tant par l’autorité administrative que par le demandeur.

Considérant que le texte adopté par le Sénat avait atteint un équilibre satisfaisant, le rapporteur en a proposé l’adoption sans modification.

M. Richard dell’Agnola a fait observer que les maires, confrontés à la production par de futurs conjoints étrangers de certificats de coutume contenant parfois des dispositions en contradiction avec la loi française, recevaient des parquets qu’ils avaient saisis des réponses diverses concluant soit à l’impossibilité de célébrer le mariage, soit à la possibilité de le faire sous réserve de l’exclusion des dispositions litigieuses. Il a précisé qu’il avait posé au garde des Sceaux une question écrite à ce sujet et souhaité que le droit français soit plus explicite en la matière.

M. Patrick Delnatte, rapporteur, a précisé que le projet de loi ne modifiait pas les conditions d’application de la loi étrangère aux mariages célébrés par un officier de l’état civil français. Soulignant que le principe demeurait celui de l’application de la loi nationale du futur époux de nationalité étrangère dans la mesure où elle n’est pas incompatible avec l’ordre public français, il a estimé qu’un certificat de coutume contraire à cet ordre public pouvait donc être écarté par l’officier de l’état civil.

La Commission est ensuite passée à l’examen des articles du projet de loi restant en discussion.

Chapitre I er

Dispositions relatives au contrôle de la validité des mariages

Article 1er (art. 63 et 74-1 [nouveau] du code civil) : Composition du dossier de mariage et audition des futurs époux :

La Commission a été saisie d’un amendement de Mme Brigitte Barèges présenté par M. Georges Fenech, tendant à soumettre la célébration du mariage à la justification pour le futur époux d’origine étrangère du caractère régulier de sa situation sur le territoire français.

Le rapporteur a indiqué que cet amendement, outre l’imprécision de sa rédaction, la notion d’« origine étrangère » étant incertaine, posait un problème de constitutionnalité. Il a rappelé, en effet, que, depuis 1993, le Conseil constitutionnel considère que le principe fondamental de la liberté du mariage est une composante de la liberté protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et qu’il avait annulé, sur ce fondement, en 2003, les dispositions de la loi relative à la maîtrise de l’immigration prévoyant que le fait, pour un étranger, de ne pouvoir justifier de la régularité de son séjour en France constitue en soi un indice sérieux de l’absence de consentement au mariage. Il a ajouté que la loi du 24 juillet 2006 avait renforcé les conditions de l’acquisition de la nationalité française à raison du mariage d’un ressortissant étranger avec un Français et avait porté le délai prévu pour présenter une déclaration de nationalité et apprécier l’existence d’une communauté de vie de deux à quatre ans en cas de résidence ininterrompue en France et à cinq ans dans le cas contraire.

La Commission a rejeté cet amendement et adopté l’article 1er sans modification.

Article 3 (art. 171-1 à 171-8 [nouveaux] du code civil) : Contrôle de la validité des mariages des Français à l’étranger :

M. Bernard Derosier a fait remarquer que la substitution opérée par le Sénat de l’expression « un Français et un étranger » à l’expression « entre Français et étranger » était peu heureuse et introduisait une ambiguïté malvenue. Le rapporteur ayant souligné que cette substitution était commandée par un souci de coordination, la Commission a adopté l’article 3 sans modification.

Article 3 bis [nouveau] (art. 175-2 du code civil) : Opposition à la célébration d’un mariage par une autorité française :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 (art. 176 du code civil) : Contenu et caducité de l’acte d’opposition à la célébration du mariage :

La Commission a adopté l’article 4 sans modification.

Chapitre II

Dispositions diverses et transitoires

Article 6 (art. 47 du code civil, art. L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et art. 22-1 [nouveau] de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000) : Force probante des actes de l’état civil étrangers :

La Commission a adopté l’article 6 sans modification.

Article 7 bis (nouveau) Modalités d’application :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 8 : Entrée en vigueur :

La Commission a adopté cet article sans modification, puis l’ensemble du projet de loi dans le texte du Sénat.