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COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION
GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE

Mercredi 21 février 2007

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 39

Présidence de M. Philippe Houillon,
Président

 

Pages

Examen de la proposition de résolution sur la proposition de directive relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (E2948) (n° 3043) (M. Thierry Mariani, rapporteur)




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Examen des pétitions (M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur)


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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Thierry Mariani, sa proposition de résolution sur la proposition de directive relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (n° 3043).

M. Thierry Mariani, rapporteur, a indiqué que la proposition de résolution portait sur une proposition de directive de la Commission européenne relative à l’harmonisation des procédures d’éloignement des étrangers en situation irrégulière, dont l’adoption, en l’état, rendrait nécessaire de profonds changements de la procédure d’éloignement applicable en France.

Il a donc estimé important que l’Assemblée nationale puisse se prononcer sur cette proposition de directive avant l’interruption des travaux parlementaires. En effet, les institutions européennes compétentes devraient être amenées à se prononcer sur ce texte inscrit à l’ordre du jour du Parlement européen le 23 avril prochain. Quant au Conseil, il pourrait débattre de cette question le 12 juin.

Le rapporteur a tout d’abord insisté sur les points de la proposition de directive qui ont déjà fait l’objet de remarques de la part de la Délégation pour l’Union européenne. Les règles relatives à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière constituent un domaine fortement lié à l’exercice de leur souveraineté par les États-membres. C’est pourquoi la résolution critique le caractère « excessivement détaillé » de la proposition de la Commission européenne et insiste sur la nécessité de respecter le principe de proportionnalité.

La proposition de directive prévoit par ailleurs le principe d’une interdiction de réadmission dans l’ensemble des États-membres : il s’agit de la conséquence logique de la suppression des frontières intérieures. Cette disposition constitue donc le principal apport de la proposition de directive et le rapporteur a indiqué qu’il présenterait un amendement afin d’affirmer un soutien au principe de l’interdiction de réadmission.

Le rapporteur a ensuite abordé la question de la répartition des compétences entre les autorités judiciaires et administratives en ce qui concerne le placement en rétention. La proposition de directive impose que le placement en rétention ne puisse être décidé que par l’autorité judiciaire. Or, cette décision est prise en France par le préfet pour une durée de 48 heures. La prolongation de la rétention au-delà de ce délai ne peut alors être décidée que par le juge des libertés et de la détention, ce qui permet une intervention suffisamment rapide du juge judiciaire.

Le rapporteur a considéré que la priorité donnée au retour volontaire dans la proposition de directive était compatible avec la procédure française habituelle en matière d’éloignement. En effet, la législation française prévoit que l’étranger dispose d’un mois pour quitter le territoire français volontairement. Pour autant, cette procédure habituelle comporte des exceptions qui sont nécessaires et que l’adoption de la proposition de directive pourrait remettre en cause : la procédure ne comporte qu’une seule étape en cas de menace grave pour l’ordre public ou dans les situations de pure clandestinité de l’étranger. L’inclusion d’une exception relative aux menaces à l’ordre public semblait donc nécessaire à la délégation pour l’Union européenne. Cette position semble d’ailleurs aujourd’hui heureusement majoritaire au sein du Conseil.

Le rapporteur a ensuite abordé la question très délicate de la durée maximum de rétention. La proposition de directive introduit en effet un délai maximal de six mois pour le placement en rétention. N’imposant qu’un plafond, elle ne paraissait pas devoir affecter la durée applicable de 32 jours en vigueur en France depuis 2003. Cependant, la portée de la proposition de directive a été précisée dans un sens qui lève les ambiguïtés de la rédaction initiale. La dernière version du texte du texte est très claire, elle indique que « les États-membres prévoient une période maximale de détention temporaire qui n’est pas inférieure à quatre mois ni supérieure à huit mois ».

Ainsi, l’adoption de la proposition de directive aurait pour conséquence de contraindre la France à modifier le délai maximum de rétention pour le faire passer de 32 jours à 4 mois, soit une multiplication par quatre. Or, cette question très sensible pour les libertés individuelles doit continuer de relever du débat national démocratique. Le respect du principe de subsidiarité s’oppose donc à ce que l’Union européenne impose la durée de rétention que les États devront intégrer dans leur législation.

Le rapporteur a alors rappelé que la durée de rétention en France était la plus faible d’Europe et que l’harmonisation proposée par la Commission européenne s’expliquait par la nécessité de prévoir des délais de réponse suffisants dans le cadre des accords de réadmission en cours de négociation.

Pour autant, la courte durée de rétention en France, passée de 12 à 32 jours en 2003, a été suffisante pour améliorer considérablement l’efficacité de notre politique d’éloignement. D’ailleurs, la durée moyenne de rétention est de 10 jours, soit une durée très inférieure au maximum autorisé. Le rapporteur a donc proposé de modifier la proposition de résolution afin de demander que la France s’oppose à l’harmonisation des durées de rétention maximale au sein de l’Union européenne.

Le rapporteur a conclu en rappelant le caractère très sensible de la proposition de directive et les conséquences qu’aurait son adoption sur notre législation en matière d’éloignement. Il a donc souhaité que la commission des Lois prenne une position ferme sur ce sujet afin d’éclairer le Gouvernement au moment où les négociations vont rentrer dans une phase décisive.

M. Christophe Caresche a rappelé que cette proposition de directive faisait encore l’objet de débats au sein de l’Union européenne. Il a donc appelé à nuancer l’appréciation de la situation, la position du Gouvernement français pouvant certainement être prise en compte au cours des prochains mois.

S’il est souhaitable de proposer aux étrangers en situation irrégulière de quitter volontairement le territoire national avant de procéder à leur éloignement, il serait en revanche inutile d’allonger la durée des rétentions administratives, un délai maximal de six mois étant manifestement excessif.

Par ailleurs, l’analyse du rapporteur s’agissant de la judiciarisation des procédures d’éloignement des étrangers en situation irrégulière n’est pas totalement convaincante, car les autorités administratives conserveraient des prérogatives en matière de placement en rétention, notamment en cas d’urgence.

M. Christophe Caresche a fait part en conséquence de l’abstention de son groupe sur la proposition de résolution.

Le rapporteur a rappelé que la législation française était compatible avec la priorité donnée, dans la proposition de directive, au retour volontaire. La loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration prévoit en effet que tout refus de titre de séjour est assorti d’une obligation de quitter le territoire français exécutoire dans un délai d’un mois. Durant ce délai, il est d’ailleurs prévu que l’étranger peut solliciter le dispositif d’aide au retour financé par l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations.

S’agissant de la portée de la durée maximale de rétention, il a précisé que le texte initial de la proposition de directive était ambigu en fixant un délai maximal de six mois qui pouvait apparaître comme un plafond. Désormais, la portée de cette disposition est très claire puisque les derniers travaux du Conseil fixent une durée maximum de rétention entre 4 et 8 mois. Il ne serait donc pas possible de prévoir une durée maximum inférieure à quatre mois, ce qui signifierait un quadruplement de durée pour la France.

Le rapporteur a estimé qu’une prise de position ferme et claire de l’Assemblée nationale était nécessaire pour éclairer le Gouvernement français, d’autant que le calendrier d’examen de la proposition de directive n’est pas favorable. En effet, le débat sur cette importante question risque d’être escamoté en France par les campagnes présidentielles et législatives.

M. Christophe Caresche a contesté cette analyse en rappelant que la continuité de l’État ne serait pas remise en cause pendant les élections et permettrait donc à la France de défendre son point de vue dans les négociations européennes et internationales.

M. Xavier de Roux s’est interrogé sur l’articulation entre la proposition de directive et les règles issues du traité de Schengen en matière d’entrée et de séjour des étrangers. Dès lors qu’un processus d’harmonisation des règles a débuté dans ce domaine de compétence aujourd’hui communautaire, il serait difficile et peu cohérent pour la France de revenir sur cette démarche s’agissant de l’encadrement de la durée de rétention des étrangers en situation irrégulière.

Le rapporteur a tout d’abord rappelé que les dispositions de la Convention de Schengen avaient été communautarisées et que la présente directive s’inscrivait dans ce cadre. Pour autant, jusqu’ici, la politique migratoire de l’Union européenne s’est concentrée principalement sur l’harmonisation des règles d’entrée, plutôt que sur celles relatives à l’éloignement. Ce début d’harmonisation n’empêche cependant pas la France de défendre une position s’appuyant sur le fait qu’une telle directive violerait le principe de proportionnalité.

Puis, la Commission est passée à l’examen de l’article unique de la proposition de résolution.

Après avoir procédé à une correction rédactionnelle à l’initiative de M. Guy Geoffroy, la Commission a été saisie d’un amendement du rapporteur précisant que l’Assemblée nationale est favorable à la création d’une interdiction européenne du territoire, d’une durée maximale de cinq années, mais souhaite que sa mise en œuvre ne soit pas empêchée par des modalités d’application trop complexes. Le rapporteur a estimé que la suppression des frontières intérieures devait logiquement conduire à instaurer une interdiction de réadmission dans l’ensemble des États membres, mais que l’appréciation des circonstances au cas par cas pour fixer la durée de cette interdiction risquait de lui ôter tout caractère dissuasif et de générer des contentieux. Il s’est également interrogé sur la possibilité d’annuler cette interdiction lorsque l’étranger rembourse les frais engagés pour son éloignement, le maintien d’une telle interdiction pouvant alors faciliter l’action des réseaux criminels se livrant à la traite des êtres humains et au proxénétisme.

La Commission a alors adopté cet amendement.

Elle a également adopté à l’unanimité un amendement du même auteur exprimant l’opposition de l’Assemblée nationale à l’harmonisation des durées de maintien en rétention en vigueur dans les États membres, une telle harmonisation conduisant à porter de 32 jours à 4 mois la durée maximale de rétention en France.

Puis, la Commission a adopté l’ensemble de la proposition de résolution ainsi modifiée.

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La Commission a procédé, sur le rapport de M. Pierre Morel-A-L’Huissier, à l’examen des pétitions.

Après avoir rappelé les conditions d’exercice du droit de pétition, le rapporteur a présenté les quatorze pétitions enregistrées depuis le 30 novembre 2005, date de la dernière séance de la Commission consacrée à leur examen.

Sur la proposition du rapporteur, la Commission a classé trois pétitions, qu’elle a considérées comme satisfaites, relatives respectivement à la loi mentionnant le rôle positif de la présence française outre-mer, à la licence globale et à l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de loi élaborée par le comité de suivi de la réforme de l’assurance chômage des intermittents du spectacle.

Elle a ensuite décidé de renvoyer à Mme la ministre de la défense une pétition sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires en Polynésie française et à Mme la ministre de l’écologie et du développement durable une pétition sur la réglementation en matière d’entretien des cours d’eau et de gravières de surface.

Puis, constatant que la taxe d’habitation des résidences mobiles terrestres n’avait pas été mise en œuvre, son entrée en vigueur ayant été repoussée d’un an par la loi de finances pour 2007, la Commission a classé une pétition demandant la reconnaissance des caravanes des gens du voyage comme logement ouvrant droit aux prestations sociales en contrepartie de ladite taxe.

Elle a classé une pétition demandant l’introduction dans la Constitution d’un référendum abrogatif, « sur proposition d’une soixantaine de députés », pour toute loi « manifestement controversée », en soulignant l’imprécision de la pétition et en rappelant que l’article 11 de la Constitution permet d’ores et déjà l’organisation d’un référendum « sur proposition conjointe de deux assemblées ».

Elle a considéré qu’une nouvelle réforme des retraites était prématurée avant le rendez-vous de 2008 prévu par la loi d’août 2003 portant réforme des retraites et classé une pétition demandant l’extension à tous les citoyens d’un régime équivalent à la caisse de retraite des parlementaires.

Au motif que la commission des Lois n’avait pas vocation à se substituer aux voies de recours existantes, elle a ensuite classé deux pétitions contestant respectivement une décision de la commission de l’indemnité forfaitaire prévue par la loi portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés et le montant de la cotisation à l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes.

Elle a classé une pétition demandant aux députés de « suivre la sagesse des sénateurs » en adoptant un amendement présenté par deux de ses commissions au projet de loi de finances pour 2007, après que le rapporteur eut signalé le rejet de cet amendement par le Sénat et rappelé la priorité accordée à l’Assemblée nationale en matière budgétaire par l’article 39 de la Constitution.

Elle a classé une pétition réclamant une modification des règles de représentativité des syndicats, conformément à la décision prise par l’Assemblée lors de la discussion du projet de loi de modernisation du dialogue social de laisser la concertation se poursuivre sur cette question.

Le rapporteur ayant rappelé les conditions de fonctionnement de la Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des Finances, elle a classé une pétition demandant le renforcement de ses moyens d’action.

Enfin, elle a classé une pétition demandant l’abrogation de l’article 6-1 du code de procédure pénale et de la dernière phrase de l’article L. 131-6 du code de l’organisation judiciaire, ces deux dispositions contribuant au bon fonctionnement de la justice.

Les décisions prises par la Commission seront publiées dans un prochain feuilleton des pétitions, conformément à l’article 149, alinéa premier, du Règlement.

Indiquant que la présente réunion serait probablement la dernière de la législature et faisant part de sa satisfaction à avoir présidé ses travaux durant deux ans, le président Philippe Houillon a souhaité rendre hommage au travail efficace de la commission des Lois, notamment à la fin de cette session particulièrement chargée, et saluer le respect mutuel et la convivialité qui ont toujours commandé les débats en son sein.

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