COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 5

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 15 octobre 2002
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Patrick Ollier,
Président de la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,

et de M. Jean-Michel Dubernard,

Président de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

SOMMAIRE

 

pages

- Audition conjointe, avec la commission des affaires culturelles, de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies


2

- Examen pour avis des crédits pour 2003 :

 

- Recherche et nouvelles technologies (M. Claude Gatignol, rapporteur)

15

- Industrie (M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur)

16

- Poste et télécommunications (M. Pierre Micaux, rapporteur)

18

   

La commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire et la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ont, au cours d'une réunion conjointe, entendu Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, sur les crédits de son département pour 2003.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, a souhaité, au préalable, indépendamment des questions budgétaires, que la ministre donne aux commissaires des éléments d'information sur les projets du Gouvernement en matière d'encouragement à l'innovation. Il a souhaité connaître les dispositifs, éventuellement législatifs, qui devraient être envisagés, en concertation avec la ministre de l'industrie, pour rendre à la recherche et à ses applications économiques la place fondamentale qui devrait être la leur et qui est une préoccupation commune aux deux commissions.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, après avoir rappelé qu'il avait été lui-même, au cours de la précédente législature, rapporteur pour avis du budget de la recherche s'est déclaré très intéressé par l'élan nouveau que la ministre semblait désireuse d'impulser à la politique de la recherche. Il a souhaité qu'au-delà de la présentation des crédits à venir, soient indiquées les grandes lignes d'action dans la nécessaire restructuration en profondeur du secteur public de la recherche, faisant remarquer qu'un saupoudrage d'augmentations, tant critiqué les années passées, ne pouvait tenir lieu de politique de recherche. Il a fait observer qu'il fallait des objectifs de moyen et long termes, clairs et motivants pour tous les acteurs, dont l'évolution pourrait être suivie tout au long de la législature. Il a demandé que soient définies les priorités et les initiatives présentes et futures pour rendre plus efficace les structures de la recherche française, en termes, notamment, de valorisation des découvertes et de transfert des connaissances et de l'innovation technologique au tissu économique. Il a également souhaité que lui soit précisé si un remodelage des grands organismes de recherche et une évolution de leurs relations avec les universités étaient envisagés et qu'un bilan soit tiré de l'activité de l'Agence nationale de recherches sur le SIDA (ANRS) et des recherches sur l'hépatite. Enfin il s'est inquiété des mesures envisagées pour attirer les meilleurs étudiants vers les métiers de la recherche afin d'enrayer la « fuite des cerveaux » ou plutôt leur captation par l'étranger, constatant que c'est alors qu'ils étaient aux États-Unis qu'Alexis Carrel ou Roger Guillemin avaient obtenu le prix Nobel.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies a souligné que les programmes de recherche tant fondamentale, qu'à finalité plus appliquée, tout comme les programmes de développement, initiés dans les prochaines années, conditionneraient pour longtemps le mode et le niveau de vie des Français, mais aussi le rayonnement de la France, en Europe et dans le monde. Elle a fait observer qu'il était donc nécessaire de proposer un nouvel élan pour la recherche et le développement technologique, afin de constituer le socle de compétences et de connaissances fondamentales sur lequel s'appuierait le développement culturel, social et économique des prochaines décennies permettant de construire une société de l'intelligence, une France de la connaissance qui fût aussi une France de la croissance et du progrès.

Elle a fait remarquer que le projet de budget civil de recherche et de développement technologique ( BCRD) pour 2003 s'inscrivait dans la perspective très claire d'une France qui devrait consacrer 3 % de son PIB à la recherche et au développement et qu'il visait donc à mobiliser toutes les ressources disponibles pour répondre à l'objectif ambitieux, mais réaliste, fixé au Gouvernement par le Président de la République consistant à passer d'un taux de dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) par rapport au produit intérieur brut (PIB) de 2,2 % en 2001 à un taux de 3 % en 2010.

Elle a rappelé que cet objectif essentiel pour l'avenir ne saurait être atteint sans une large mobilisation, aux côtés du ministère chargé de la Recherche, de tous les acteurs directs de la recherche, publics ou privés, et de tous ceux qui contribuaient, en partenariat, à la définition de ses orientations, à son financement et à la diffusion de ses résultats : les régions et les autres collectivités territoriales, l'Union européenne, les entreprises innovantes, quelle que fût leur taille. Elle a fait remarquer, en outre, que pour atteindre cet objectif, la part du budget de l'Etat devrait croître en fonction du niveau de l'investissement dans la recherche du secteur privé, qui représentait actuellement 54 % des dépenses de recherche en France, entre 2,2 % et 4,1 % en moyenne chaque année, afin de répondre aux grands enjeux de souveraineté et d'autonomie, au niveau français comme au niveau européen.

S'agissant plus particulièrement du budget pour 2003, la ministre déléguée a souligné que, par comparaison avec 2002, les crédits nouveaux montraient un recul de 1,3 % mais que les reports mobilisables de crédits de paiement devraient dépasser 700 millions d'euros qui, ajoutés à l'enveloppe budgétaire pour 2003 permettraient d'atteindre une croissance de 5,3 % de la dépense civile de recherche, conforme aux objectifs fixés.

Elle a annoncé que pour dynamiser leur consommation, en responsabilisant tous les acteurs de la recherche, les freins réglementaires, les lourdeurs et lenteurs administratives qui pesaient sur la gestion des établissements, et qui ont empêché les chercheurs d'engager la totalité de leurs crédits au cours de ces dernières années devraient être levés, grâce notamment aux dispositions nouvelles sur le code des marchés publics, à l'assouplissement des règles et au raccourcissement des délais de recrutement des personnels contractuels prévus dans les contrats avec des tiers ou aux nouveaux modes de décision de la part de la direction des organismes dans l'autorisation des dépenses des laboratoires.

La ministre déléguée s'est ensuite attachée à définir ses priorités pour 2003, la première étant de rendre la recherche plus attractive et plus accueillante aux jeunes docteurs ou doctorants.

Elle a souligné que le maintien d'un flux de 4 000 allocations de recherche et la revalorisation de 5,5 % de leur montant assureraient la rémunération des doctorants pendant trois ans, ceux-ci percevant une somme mensuelle brute de 1 260 €, à laquelle viendraient s'adjoindre, dans la plupart des cas désormais, les émoluments d'un monitorat exercé dans les universités. Elle a annoncé que, pour la première fois en France, à l'image de ce qui se fait dans tous les grands pays scientifiques, il serait possible pour les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) et les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), en partenariat avec les universités et les entreprises, de recruter, de manière souple, 400 jeunes chercheurs post-doctorants, d'origine française ou étrangère, dans toutes les disciplines et à tout moment dans l'année, sur des contrats de 12 à 18 mois et pour un revenu minimum de 2 050 € brut par mois. Parallèlement, la ministre déléguée a fait remarquer l'augmentation de 60 du nombre de bourses de Conventions industrielles de formation par la recherche en entreprise (CIFRE) destinées à former, dans des conditions favorables, des jeunes chercheurs sur des sujets intéressant, à court ou moyen terme, les entreprises partenaires de l'Etat. L'importance des crédits non consommés montrant la nécessité d'alléger les tâches administratives et techniques des chercheurs, elle a annoncé l'amélioration de leur environnement administratif et technique par la création de 100 emplois d'ingénieurs, techniciens, administratifs (ITA) de haut niveau dans les EPST. Elle a fait observer que les moyens financiers des chercheurs statutaires des EPST seraient améliorés en combinant la réduction de 150 du nombre d'emplois permanents avec le maintien du montant des autorisations de programme et que cette réduction, qui représentait moins de 0,9 % des effectifs, n'affecterait en rien les possibilités d'accueil des jeunes chercheurs hautement diplômés, puisqu'elle était plus que compensée par l'accroissement des effectifs dans l'enseignement supérieur, 420 emplois de professeurs et maîtres de conférences dans les universités et grandes écoles étant créés et par la possibilité de recrutement de 400 post-doctorants. Elle a donc indiqué que la réduction était compatible avec le maintien d'un taux de recrutement de chercheurs statutaires supérieur à 3 % dans la majorité des établissements qui garantissait un renouvellement régulier des effectifs, base d'une politique de l'emploi à long terme, et non pas seulement sur les quelque dix prochaines années, tel que l'avait prévu le plan décennal de gestion prévisionnelle et pluriannuelle de l'emploi scientifique décidé en 2001. Elle a souligné que des discussions fines avaient été menées avec l'ensemble des intéressés, chercheurs, ingénieurs et jeunes afin que la continuité dans la transmission des connaissances fût garantie, dans une volonté de lissage des flux permettant un fonctionnement des établissements au-dessus de ce qu'exigerait le simple maintien de leurs capacités de recherche.

Elle a indiqué que tout en maintenant un socle large de compétences scientifiques dans l'ensemble des divers champs disciplinaires et en soutenant de manière résolue la recherche fondamentale afin qu'aucune branche n'en soit coupée, une politique de soutien spécifique aux laboratoires publics serait mise en place pour des programmes finalisés qui seraient développés au sein des établissements publics en partenariat avec les entreprises ayant des projets de qualité.

La ministre déléguée a défini les programmes suivants qu'elle a souhaité aptes à intégrer les jeunes chercheurs :

- la santé humaine notamment en cancérologie, la virologie et le développement des maladies infectieuses, le vieillissement, la génomique fonctionnelle ;

- les biotechnologies, notamment végétales et animales qui assurent le continuum entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée ;

- la sécurité alimentaire et la qualité des productions agricoles ;

- le développement durable, notamment en ce qui concerne les effets de l'activité humaine sur l'environnement, la sécurité industrielle et les nouveaux procédés de production, les différents modes de production et de consommation d'énergie, le suivi de la biodiversité, la recherche pour le développement de la coopération avec les pays du Sud, dont les enjeux transversaux dépassent le strict cadre budgétaire ;

- les transports individuels et collectifs, routiers, ferroviaires ou aériens, avec un accent particulier sur la sécurité routière ;

- les sciences et les technologies de l'information et de la communication ;

- les nanotechnologies ;

- les sciences humaines et sociales, pour progresser dans la compréhension du passé, des organisations sociales, des comportements individuels et collectifs et des autres peuples et civilisations.

Elle a souligné qu'il convenait, pour cela, de rendre attractif notre territoire et de renforcer les moyens des laboratoires par la mobilisation des financements privés, en renforçant la culture de l'entreprenariat à l'université comme dans les grandes écoles.

Elle a rappelé que le financement des grandes organisations internationales dont la France est membre connaîtrait une augmentation de 2,5 %, afin de lui permettre de prendre toute sa place dans la construction de l'espace européen de la recherche et de l'innovation et du réseau des grands équipements de stature mondiale et a souligné qu'une attention toute particulière serait portée à la structuration de l'Europe de la recherche.

Elle a indiqué que des efforts particuliers seraient faits pour accompagner les grands programmes industriels et stratégiques spatiaux et aéronautiques.

La ministre déléguée a conclu en indiquant qu'elle souhaitait que la science et la technique fussent l'affaire de tous et qu'il convenait donc de faire partager l'intérêt pour les sciences et les techniques en favorisant l'épanouissement personnel et professionnel de chacun, de sensibiliser les citoyens aux besoins du pays, de rechercher une participation active aux choix de société et de susciter des vocations scientifiques pour les prochaines années. Elle a enfin souligné que le budget de la recherche était un budget volontariste, articulé sur des contenus précis et mobilisateur des acteurs publics et privés de nature à marquer un progrès net par comparaison avec les années précédentes et qu'il devrait faciliter la préparation du budget 2004 et renforcer l'impact positif de la science pour préparer l'avenir des générations futures.

Après avoir pris acte de la légère progression du projet de budget en dépenses ordinaires et de sa baisse en crédits de paiement, M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire sur les crédits de la recherche et des nouvelles technologies, a estimé que l'engagement de la ministre de reporter sur 2003 l'intégralité des crédits publics non consommés en 2002 devrait néanmoins permettre de mener une politique publique dynamique en matière de recherche, conformément à la volonté de la nouvelle majorité et aux décisions européennes de porter à 3 % du produit intérieur brut l'effort européen de recherche à l'horizon 2010. Il a fait observer que le montant de ces crédits était estimé à 720 millions d'euros, soit près de 8 % de l'effort public de recherche et a annoncé que les députés seraient très attentifs à la réalité des reports annoncés ; en effet, a-t-il indiqué, les organismes de recherche auditionnés ont fondé leurs projets pour 2003 sur l'hypothèse d'un épuisement complet des crédits réellement disponibles à la fin de l'année 2002 et qui seront reportés sur l'année 2003. Il a en outre estimé que le projet de budget pour 2004 devrait prendre en compte ces reports dans le financement du secteur de la recherche en 2004 et a souligné que les délais observés en matière de paiement des subventions accordées par l'État aux grands organismes soulevaient de réelles inquiétudes, les dotations qui auraient dues être versées au mois de juin ne l'étant toujours pas été au début du mois d'octobre.

Notant par ailleurs que le développement économique dépendait de la capacité de recherche et d'innovation ainsi que de son application et de sa valorisation, il a estimé que l'effort public de recherche devait avoir un effet de levier en faveur de l'effort privé qui lui est supérieur depuis 1995. Il a jugé qu'à ce titre, les dispositifs existants pouvaient être améliorés ; après avoir remarqué que s'agissant de la propriété intellectuelle, le secteur privé finançait des recherches dans des laboratoires publics qu'il valorisait ensuite, il s'est demandé s'il ne conviendrait pas, comme cela est le cas aux Etats-Unis, de demander, en retour, des droits sur les résultats de la recherche, des « royalties » et un suivi dans le temps des développements privés de la recherche publique, ces droits pouvant stabiliser les ressources propres des organismes de recherche.

Il a, par ailleurs, souhaité savoir quel bilan pouvait être tiré de la loi de 1999 sur l'innovation et la recherche et quelles améliorations pouvaient être envisagées concernant les dispositifs fiscaux, ainsi que les cadres juridiques et administratifs actuellement en vigueur.

Faisant observer une réorientation de la recherche sur des projets définis et non par grand domaine, ce qui, selon lui, rendait toute sa place à la décision politique, il s'est demandé s'il ne serait pas nécessaire d'en clarifier les choix et a souligné que, malgré la mise en place de réseaux, les recherches semblaient pour l'instant trop dispersées dans de multiples organismes. Par ailleurs, il a souhaité savoir quelle impulsion publique était envisagée en faveur de la recherche pharmaceutique, dont il a estimé qu'elle stagnait en France et a jugé que cette question se posait plus largement en matière de sciences du vivant, alors que les budgets publics américains progressaient rapidement dans ces secteurs.

Puis, le rapporteur pour avis ayant évoqué le Fonds national de la science (FNS) et le Fonds de la recherche technologique (FRT), pour souligner leur efficacité et leur souplesse, a estimé que le développement d'un système de fondations, comme aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, pourrait améliorer l'articulation de l'effort privé de recherche autour de projets définis. Il a demandé à la ministre quel statut pourrait être prévu pour ces fondations et quel pourrait être le rôle de l'expertise publique dans ce cadre, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) étant très sollicité, par exemple, en tant que conseiller pour les investissements en matière de recherche. Après avoir souligné que les directeurs de recherche avaient besoin de sécuriser le financement de leurs projets d'équipements ou d'installations, il s'est demandé s'il ne serait pas pertinent de leur permettre de mettre en place des « comptes d'épargne équipement » ou des « comptes d'épargne immobilier ».

Puis, le rapporteur pour avis s'est réjoui de la revalorisation de 5,5 % de l'allocation de recherche attribuée aux jeunes chercheurs, qui avait été bloquée depuis dix ans ; toutefois, observant que les établissements publics à caractère scientifique et technique (EPST) étaient dotés d'un statut relativement contraignant qui ne leur permettait pas de recruter des doctorants et des post-doctorants, alors même qu'ils en ont les moyens financiers, il a souhaité savoir s'il ne conviendrait pas de faire évoluer la situation sur ce point. Il s'est demandé s'il ne serait pas intéressant d'étendre des initiatives comme celles de l'Institut de la santé et de la recherche médicale (INSERM) qui mettait en place des contrats d'interface, de consultance entre la recherche et son application, clinique ou industrielle, permettant une amélioration de la rémunération des chercheurs sans remettre en cause leur statut.

Evoquant le sixième programme cadre de recherche, de développement et de démonstration technologique européen, qui devait permettre de concentrer les ressources sur un nombre restreint de thèmes en définissant de nouveaux instruments d'intervention, tout en allégeant la gestion et les procédures, il a estimé que l'appareil de recherche français n'accédait qu'imparfaitement aux soutiens financiers européens et a demandé quelles mesures étaient envisagées, tant à Bruxelles qu'auprès des chercheurs, pour remédier à cette situation.

Après avoir observé que de nombreux outils d'évaluation de la recherche et des chercheurs existaient mais ne semblaient pas tous pertinents, il a souhaité savoir si une réflexion était engagée concernant la méthodologie selon laquelle cette évaluation était conduite et sa lisibilité.

Enfin, il a demandé quels étaient les moyens et les perspectives de la recherche en matière de biotechnologies et d'énergies du futur.

M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a considéré que ce projet de budget était guidé par des objectifs clairs ; il a évoqué l'objectif majeur annoncé par le Président de la République de porter à 3 %, d'ici 2010, la part du PIB consacré à la recherche alors qu'elle était aujourd'hui de 2,1 %. Il a souligné que parmi les priorités scientifiques du budget figuraient la cancérologie, la virologie et toutes les disciplines répondant aux besoins de la santé, mais aussi celles liées à la sécurité alimentaire et à la sécurité des transports, ou encore les sciences et les technologies de l'information et de la communication

Il a fait observer que pour la première fois un budget était construit sur une utilisation effective des crédits ce qui signifiait qu'il fallait s'efforcer de mobiliser toutes les ressources disponibles, notamment en tenant compte des crédits non consommés en 2002 et donc disponibles en 2003 pour répondre aux besoins des différents organismes. Afin que cette démarche permette d'apurer la situation pour l'avenir, il a considéré qu'il était impératif que l'administration identifie clairement les freins existants à une utilisation optimale des crédits et s'efforce de les lever.

Il a indiqué que le projet de budget était réaliste et privilégiait les dépenses d'avenir, puisque les autorisations de programmes permettant aux laboratoires d'engager de nouvelles recherches étaient en progression et qu'ainsi, en dépenses ordinaires et autorisations de programme, le projet de BCRD pour 2003 progressait de 3,9 %.

Le projet de budget créant 100 postes d'ingénieurs et de techniciens dans les EPST, dont 45 au CNRS, il a noté qu'il devrait améliorer l'environnement administratif et technique des chercheurs et correspondait à la demande des organismes, la suppression de 150 postes de chercheurs (dont 137 au CNRS) devant s'apprécier au regard de ce rééquilibrage entre les catégories, alors que la recherche universitaire était en nette progression, notamment grâce à la création de 420 postes de maîtres de conférences et de professeurs des universités.

Il a indiqué également que les programmes de l'aéronautique civile allaient augmenter de 12,7 %, les programmes spatiaux nationaux du CNES devant augmenter de 17,64 millions d'euros et qu'enfin, l'importance accordée au développement de la culture scientifique se traduisait par la progression des crédits de la Cité des sciences et de l'industrie, à la fois en AP (+ 6,1 %) et en CP (+ 2,9 %).

Evoquant les mesures nouvelles fortes prises en directions des jeunes chercheurs, il a fait observer que la revalorisation de 5,5 % de l'allocations de recherche, l'accueil de 400 post-doctorants qui pourraient développer un projet de recherche soutenu par un laboratoire public et l'accroissement des conventions CIFRE étaient porteuses d'avenir.

Il a toutefois regretté la trop grande disparité des allocations de recherche et demandé comment il serait possible de les harmoniser.

Il a également constaté que cette nouvelle dynamique ne pourrait cependant atteindre ses objectifs qu'à la condition de faire évoluer significativement les structures de la recherche et de mobiliser tous les acteurs vers plus d'efficacité et plus de réactivité.

Il a estimé nécessaire de diversifier les sources de financement, notamment grâce à une participation accrue des entreprises à l'effort national de recherche, la démarche la plus efficace consistant à accroître, dans des proportions importantes, les collaborations entre les organismes de recherche et le secteur industriel et des services en favorisant la mise en place de partenariats.

Puis, M. Jean-Louis Christ, intervenant au nom du groupe UMP, a affirmé le soutien apporté par son groupe au budget volontariste de la recherche pour 2003. Il a cependant souligné que les députés de l'UMP seraient vigilants quant à son application concrète.

Il a ensuite souhaité que la ministre apporte des éclaircissements sur les cinq points suivants :

- Pourquoi le Fonds national de la science (FNS) et le Fonds de la recherche technologique (FRT) ont-ils vu leurs dotations en autorisations de programme progresser respectivement de 42 % et 29 %, alors que les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) ne connaissent pas une telle progression ?

- Quelles seront les conditions de recrutement des 400 post-doctorants et quel est l'objectif de cette mesure ?

- Quelles sont les priorités en matière de sciences du vivant du ministère et quelle sera la contribution du ministère au plan national de lutte contre le cancer, annoncé par le président de la République et mis en œuvre par le ministre de la santé ?

- Quelles incitations seront données aux chercheurs pour travailler en entreprise et pour utiliser les passerelles entre recherche publique et recherche privée mises en place par la loi sur l'innovation et la recherche ?

- Comment concilier liberté de la recherche et principe de précaution ?

Puis, M. Pierre Cohen, intervenant au nom du groupe socialiste a indiqué qu'il ne pouvait se satisfaire du budget civil de recherche et de développement (BCRD) présenté par la ministre. Rappelant que le président de la République avait, à plusieurs reprises, affirmé son attachement à la recherche et estimé qu'il fallait atteindre 3 % du PIB affecté à ce secteur en 2010, il a fait observer que le budget n'était pas à la hauteur des ambitions affichées puisque pour atteindre cet objectif, il faudrait augmenter les crédits militaires, augmenter le BCRD de 2 % à 4 % par an, porter la part de dépenses intérieures de recherche et développement (DIRD) relevant des entreprises à 65 %, porter les fonds affectés par l'industrie à la recherche à 2 % du PIB contre 1,2 % actuellement, et augmenter davantage en 8 ans la participation de l'État au financement de la recherche qu'au cours des 15 dernières années.

M. Pierre Cohen a cependant souligné le courage de la ministre, qui assumait la baisse du BCRD, à périmètre constant, de 1,3 % en observant que l'argument des reports sur 2003, avancé pour masquer cette baisse, n'était pas recevable puisque ces reports, qui n'étaient pas encore identifiés, allaient poser des problèmes graves aux laboratoires confrontés à une augmentation factice de leurs budgets alors que certains ont des engagements pluriannuels, ce qui engendrerait des blocages en cours d'année.

Il a indiqué que le coup d'arrêt le plus important pour 2003 résidait pourtant dans le choix qui a été fait par le gouvernement en matière d'emploi, le projet de budget mettant fin au plan pluriannuel pour l'emploi scientifique élaboré sur la base d'un rapport co-rédigé avec M. Jean-Yves Le Déaut, qui avait été adopté l'année dernière. Il a fait observer que ce plan était fondamental pour la survie de la recherche en France puisqu'à l'horizon 2005, les départs massifs à la retraite allaient avoir pour conséquence de décimer les laboratoires publics. Il a constaté qu'au lieu de renforcer ce plan, le ministère allait supprimer 150 emplois statutaires et jugé que la création de 400 postes de post-doctorants n'était pas une réponse suffisante, ceux-ci n'apportant pas les mêmes garanties face aux pressions des industriels et des politiques et ne permettant pas d'assurer la pérennité dont la recherche a besoin.

Déplorant l'absence de pilotage des priorités, M. Pierre Cohen a ensuite souhaité aborder la question des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), et demandé quelles étaient les orientations de la ministre en la matière, de même qu'en matière de sciences du vivant. Il a regretté que des éléments phares, tels le FNS ou le FRT, fassent l'objet de moyens budgétaires accrus, sans qu'ils traduisent une volonté politique claire.

Enfin, il a déploré qu'aucune mesure spécifique ne concerne l'aérospatiale, comme cela a été fait pour l'aéronautique, alors que le secteur entre dans une période très difficile et que les plans sociaux iront se succédant, à Alcatel ou Astrium. M. Pierre Cohen a conclu en souhaitant que la ministre mette en place, au-delà de la Cité des Sciences, une véritable politique de promotion de la science et de la technique, nécessaire pour promouvoir la culture scientifique dans le pays.

M. Daniel Paul est ensuite intervenu au nom du groupe de députés communistes et républicains. Il a rappelé le rôle fondamental de la recherche scientifique dans la vie culturelle, sociale et économique française.

Il a ensuite souligné la contradiction existant entre le discours officiel de la majorité et du Président de la République et la réalité du budget pour 2003, le Président de la République ayant, à maintes reprises pendant la campagne électorale ou après son élection, rappelé l'importance de la recherche, de l'innovation et de la création, pour le dynamisme français, annonçant même que le budget de la recherche ne serait pas en baisse en 2003. Il a relevé que la ministre, lors de la présentation à la presse du BCRD pour 2003, avait elle-même indiqué que les programmes de développement initiés dans les prochaines années conditionneraient pour longtemps notre développement économique et nos conditions de vie, et qu'il fallait « construire une France de la connaissance qui soit aussi une France de la croissance et du progrès ».

M. Daniel Paul a souligné que la réalité du BCRD était toute autre, puisqu'il était en baisse de 3 % à périmètre constant, l'argument des reports de crédits n'étant qu'un camouflage dérisoire.

Il a donc estimé que le budget pour 2003 portait un coup d'arrêt à la remise à niveau entreprise par le plan pluriannuel pour la recherche et s'inscrivait dans le cadre de la régression budgétaire observée pour tout ce qui ne touchait pas à la police, la justice et la défense. Il a observé que la recentralisation des efforts de l'État sur ces trois budgets régaliens mettait fin aux espoirs suscités par les discours sur la priorité donnée à la recherche.

Il a, à cet égard, rappelé que les réactions dans la communauté scientifique étaient vives et que l'appel signé par les chercheurs les plus éminents méritait d'être entendu. Il a fait observer que la politique actuelle avait pour conséquence d'affaiblir l'attractivité de notre territoire national, tant pour les chercheurs que pour les entreprises.

M. Daniel Paul a ensuite interrogé la ministre sur les points suivants :

- Comment le ministère compte-t-il combattre la désaffection des jeunes pour les métiers de la recherche avec un budget en régression ? Quelles vont être les mesures incitatives prises ? Y aura-t-il une revalorisation des allocations de thèses, une amélioration du déroulement des carrières?

- Alors même qu'il faudrait une augmentation annuelle de 5 % pour rattraper les USA, le Japon, ou la Suède et la Finlande, comment les 3 % de PIB pour la recherche annoncés par le président de la République, seront-ils atteints ?

- Alors que le président de la République a indiqué vouloir engager la France dans la recherche médicale, l'avenir de la recherche moléculaire est menacé, car les entreprises dont elle dépend, telles Aventis, la jugent non rentable et donc non stratégique. Comment le gouvernement entend-il réagir ? Plutôt que de fermer ou démanteler les sites de recherche, ne serait-il pas souhaitable d'aider à la construction de coopérations durables entre les laboratoires de recherche publics et privés, y compris au niveau européen ?

M. Daniel Paul a conclu en se déclarant solidaire des réactions syndicales puissantes que suscite le projet de BCRD pour 2003.

M. Philippe Tourtelier a constaté que le budget de la recherche était peu lisible, et que cette faible lisibilité traduisait, d'une part, la nécessité de masquer une réduction des moyens, d'autre part, une absence d'objectifs et s'est interrogé sur les priorités du budget. Evoquant l'objectif, fixé par la directive 2001/77/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001, de produire 21 % de l'électricité en 2010 à partir de sources d'énergie renouvelable, il s'est montré dubitatif sur la réalisation d'un tel objectif qui suppose la poursuite de l'effort de recherche, notamment sur les sources d'énergie domestique.

M. Joël Giraud a signalé que le Conseil stratégique des technologies de l'information avait émis, le 3 octobre 2002, une recommandation tendant à « réagir face à la marginalisation de l'Europe et de la France en matière de technologies de l'information et de la communication », qui fait état d'un fossé, voire d'un gouffre, qui se creuse entre l'Europe et les États-Unis dans le domaine des technologies de l'information. Il a indiqué que le CSTI préconisait un doublement des crédits publics civils alloués dans ce domaine, notamment pour compenser la forte baisse de l'engagement de France Télécom, et du ministère de la Défense et a émis le souhait que la Commission des affaires économiques auditionne rapidement les membres de ce Conseil stratégique pour faire le point sur cette situation.

M. Antoine Herth a estimé souhaitable qu'une autorité reconnue puisse avoir les moyens de gérer l'information diffusée sur les organismes génétiquement modifiés ou l'encéphalite spongiforme bovine, afin d'éviter le déclenchement d'une peur panique dans la population, à l'instar de ce que fait l'Agence française pour la sécurité sanitaire des aliments. Il a noté que la diminution des moyens de la recherche risquait d'empêcher la création de pôles de compétence disposant d'une capacité d'expertise, pour déterminer, en cas de risque de crise, quels éléments d'information scientifique il convient de communiquer au public.

M. Jean-Yves Le Déaut a tout d'abord observé que la technique consistant à comptabiliser les reports de crédits comme des ressources était dérogatoire à l'orthodoxie budgétaire. Il a indiqué que pour atteindre l'objectif d'un budget de la recherche égal à 3 % du PIB en 2010, il faudrait, compte tenu du choix fait, sur le budget 2003, d'un financement par des reports, fournir un effort compensatoire sur le budget pour 2004 équivalent à une augmentation des crédits de 9 à 10 %. En outre, l'idée que l'objectif fixé puisse être atteint, pour les deux tiers, grâce à des crédits du secteur privé, implique une croissance de ceux-ci à un rythme de 8 % par an, qui paraît difficile à tenir.

Il a rappelé que, dans le rapport au Premier ministre sur l'état de la recherche et de l'enseignement supérieur en France, qu'il avait rédigé avec M. Pierre Cohen en 1999, il avait signalé le risque que les flux de départ en retraite faisaient peser sur la recherche en France, un chercheur ne pouvant se remplacer facilement. Il a indiqué que ce phénomène touchait tout particulièrement l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), et le domaine des sciences de la vie. Il a déploré l'impact irréparable qu'aurait sur les effectifs de chercheurs l'abandon du plan pluriannuel d'embauches, qui avait été mis en place pour répondre à ce problème.

Il a enfin signalé que l'application du taux plein de la TVA à un nombre de plus en plus grand d'éléments utilisés par la recherche conduisait de fait à réduire encore le volant des crédits disponibles.

Après avoir rappelé les difficultés rencontrées par de nombreux organismes de recherche pour accéder aux fonds publics et particulièrement aux crédits européens, M. Jacques Domergue a souligné la nécessité d'une simplification des procédures de financement et a souhaité savoir si la création de structures aidant à l'obtention de crédits européens était envisagée.

M. Serge Poignant a rappelé que le report des crédits, critiqué par l'opposition, n'était possible qu'en raison de leur sous-consommation passée et que ce qui importait étaient les moyens réellement utilisés plus que l'affichage des lois de finances.

Puis, après s'être réjoui de la volonté du ministre d'amener davantage de jeunes aux emplois scientifiques et avoir salué la priorité accordée à certaines thématiques importantes comme les nouvelles technologies de l'information et de la communication, l'espace et les sciences du vivant, il a souhaité que des précisions soient apportées sur les moyens mis en œuvre pour rattraper le retard préoccupant pris par la France dans le domaine des biotechnologies.

En réponse aux différents intervenants, Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, a rappelé que l'objectif ambitieux de développement de l'effort de recherche fixé par le Président de la République nécessiterait une mobilisation de tous les acteurs publics, y compris les régions, mais aussi privés.

Elle a souligné que l'utilisation de crédits reportés n'était pas contradictoire avec une bonne gestion mais qu'il convenait également de s'interroger sur les causes des sous-consommations passées afin de lever les obstacles rencontrés et que les organismes de recherche, sollicités, commençaient à apporter des éléments de réponse.

Elle a également estimé qu'il convenait, plus généralement, d'améliorer l'efficacité de notre effort de recherche par la mise en œuvre de programmes plus cohérents et par une meilleure coordination entre les différents organismes intervenant sur les mêmes thématiques, éventuellement grâce au pilotage par un organisme chef de file.

En ce qui concerne les nouvelles technologies de l'information et de la communication, elle a souligné que la priorité qui leur était accordée était notamment traduite par le renforcement des moyens de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA). Elle a également indiqué qu'elle attachait le plus grand intérêt aux travaux du comité de coordination des sciences et technologies de l'information dont elle avait d'ailleurs récemment présidé une séance et que l'incontestable insuffisance des réalisations dans ce secteur nécessitait une prise de conscience nationale à laquelle le Parlement pourrait utilement contribuer.

Puis, elle a estimé nécessaire que la mobilité des chercheurs soit encouragée, notamment vers des missions d'enseignement, ce qui justifie de traiter des deux catégories d'emplois. Elle a également fait part de son engagement à assurer le renouvellement des effectifs en prenant en compte les redéploiements envisageables entre différents laboratoires afin d'établir une politique de gestion des ressources humaines au service des projets.

La ministre a ensuite rappelé la priorité accordée aux sciences du vivant, sensible dans la répartition des emplois et des postes de post-doctorants au profit de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de certains laboratoires du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Elle a également souligné la nécessité d'une plus grande implication des équipes françaises dans les programmes européens en rappelant que notre pays participait à 30 % des projets du programme cadre de la communauté européenne pour des actions communautaires de recherche, de développement technologique et de démonstration (PCRD) mais en conduisait moins que l'Allemagne ou le Royaume-Uni. Elle a jugé nécessaire pour cela d'apporter une assistance administrative aux organismes de recherche ce qui est possible dans le cadre du Fonds national de la science (FNS) et ce que font également certaines régions, dont l'intervention a un important effet de levier comme l'atteste l'exemple du technopôle Minatec à Grenoble.

En matière européenne, elle a également souligné la nécessité d'aider les pays concernés par l'élargissement à prendre toute leur place dans l'effort communautaire de recherche.

Puis, elle a relevé le caractère très particulier du projet de budget pour 2003 qui permettait d'engager des moyens en progression pour amorcer un effort pluriannuel et de créer, avec le soutien du Parlement, une dynamique favorisant l'obtention de ressources plus importantes à partir de 2004.

Elle a ensuite expliqué la croissance des autorisations de programme du FNS et du FRT par la poursuite des projets en cours, dont la modulation détaillée n'était pas encore connue lors de l'élaboration du budget à la fin du premier semestre.

Concernant l'innovation, elle a estimé qu'il était essentiel de développer des synergies entre le secteur privé et le secteur public. Elle a annoncé qu'une action pilote serait menée en liaison avec le ministère de l'industrie et avec tous les partenaires concernés pour alléger la TVA appliquée aux activités de recherche des entreprises et simplifier la procédure du crédit d'impôt recherche. Elle a ajouté qu'un plan d'incitation au partenariat industriel serait présenté en conseil des ministres à la fin de l'année, et comprendrait notamment des volets fiscaux, administratifs et éducatifs afin d'encourager l'entreprenariat.

Elle a en outre fait part aux commissaires de son souhait que les incubateurs prévus par la loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 relative à la recherche et à l'innovation soient pérennisés.

Estimant que les chercheurs étaient intéressés par la démarche de création d'entreprise, elle a indiqué que le Gouvernement menait une réflexion sur les moyens de développer de petites entreprises innovantes viables sur le long terme. Elle a, par ailleurs, souligné l'intérêt que la France aurait à développer des fondations à visée de recherche comme il en existe en Grande-Bretagne.

Evoquant les « comptes d'épargne équipement », elle a jugé préférable, lorsque le versement des sommes prévues dans le cadre de contrats de plan Etat-régions ou dans le cadre des politiques communautaires accusait un retard de six mois, de pouvoir procéder à ce type de placement, qui profiterait au CNRS ainsi qu'à d'autres organismes en quête de soutien, plutôt que de bloquer les fonds.

Elle a enfin estimé primordial d'aborder les questions de recherche avec un regard innovant, en accompagnant les chercheurs dans leur évolution, ce qui n'est possible que grâce à l'écoute et à la compréhension.

Concernant les craintes suscitées par des innovations technologiques telles que les organismes génétiquement modifiés, elle a souligné que la communication officielle restait perfectible et a rappelé son attachement au principe de précaution, dont le respect devrait permettre à l'avenir d'alimenter sereinement le débat.

En ce qui concerne l'Agence nationale de recherche sur le sida, elle a indiqué qu'une évaluation était en cours afin d'optimiser les moyens disponibles pour la recherche dans ce domaine.

Plus généralement, elle a fait part de son souhait de voir s'améliorer les méthodes de travail de la recherche nationale et européenne afin d'accélérer les progrès réalisés au service de l'humanité. Elle a ajouté qu'il était nécessaire de travailler avec les pays du Sud sur la recherche thérapeutique afin de mettre à leur disposition ses applications.

Elle a enfin rappelé que la recherche fondamentale sur le génome humain était une question essentielle qui devait impliquer toute une société.

En ce qui concerne les nouvelles technologies de l'information et la communication, elle a jugé plus important de réfléchir à l'utilisation des innovations déjà réalisées qu'à l'émergence de nouveaux produits.

M. Jean-Yves Le Déaut, ayant observé que les reports de crédits sur l'année 2003 étaient d'un montant élevé, a souhaité savoir si la ministre pouvait donner l'assurance que les crédits inscrits dans le projet de budget pour 2003 ne seraient pas gelés ; au-delà, il s'est interrogé sur les perspectives budgétaires de l'année 2004.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, a reconnu que l'exercice budgétaire de l'année 2003 serait particulier ; elle a en outre souligné qu'elle était consciente des efforts à fournir pour le projet de budget pour 2004 et a indiqué que son ministère avait d'ores et déjà obtenu que soient octroyés 100 millions d'euros sur trois ans en faveur de projets dans le domaine des nanotechnologies.

En conclusion, M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, s'est réjoui du volontarisme dont la ministre avait fait preuve.

·

· ·

La commission a ensuite examiné les crédits de la recherche et des nouvelles technologies pour 2003.

M. Claude Gatignol, a fait remarquer que l'appréciation portée sur un document budgétaire ne se mesurait pas nécessairement selon le nombre de milliards d'euros ou de francs inscrits en dernière page et qu'il lui paraissait de très loin préférable de reconnaître, dans cet ensemble, les lignes budgétaires utiles aux établissements publics de recherche susceptibles d'être véritablement utilisées comme celles nécessaires pour assurer la continuité d'un programme en cours, ou bien pour confirmer le lancement d'un nouveau, avec les moyens tant en personnel qu'en équipement.

Il a estimé que dans un contexte marqué par de mauvais indices économiques et une faible croissance, il n'était pas incohérent de voir un budget de la recherche publique maintenu à la hauteur précédente, comme le veut cette période de transition. Il a constaté que ce budget faisait preuve d'une démarche courageuse et vertueuse en permettant d'une part de reporter sur 2003 les crédits non consommés en 2002 qui devraient s'élever à près de 8 % du budget initial et qui perturbaient sa lisibilité et d'autre part de montrer une volonté de renouer avec des recrutements de qualité, de rajeunir la pyramide d'âge et de valoriser les résultats de la recherche. Il s'est enfin réjoui que la ministre ait bien voulu prendre en compte certaines de ses propositions comme celles de la commission. Aussi, alors que les auditions multiples auxquelles il a procédé ont pu confirmer l'importance du dialogue social et de la concertation engagés avec les divers organismes de recherche, il a appelé la commission à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche et des nouvelles technologies pour 2003.

M. Pierre Cohen a regretté que certaines dynamiques engagées sous la législature précédente n'aient pas de suites aujourd'hui. Il a déploré ainsi que le plan pluriannuel ne soit pas poursuivi et regretté le recours, à ses yeux excessif, aux contrats à durée déterminée pour certains chercheurs. Il a estimé, dans ces conditions, qu'une hausse des crédits de 9 % à 10 % serait nécessaire pour 2004 et qu'un doublement des moyens de la recherche devait être organisé, si l'on voulait réaliser l'objectif d'un effort de recherche correspondant à 3 % du PIB à l'horizon 2010. Il a indiqué que son groupe ne pouvait que donner un avis défavorable à l'adoption du budget de la recherche pour 2003.

M. Daniel Paul a également fait part de l'intention des membres de son groupe de donner un avis défavorable au budget de la recherche pour 2003. Il a estimé que l'on était en présence d'un budget fondé sur des artifices, puisqu'était prévue la récupération des fonds de certains établissements publics, qui ne pourrait être retenue dans le prochain budget. Il a observé que ce budget était également de rupture, les budgets civils engageant l'avenir étant sacrifiés au profit des budgets correspondant aux fonctions régaliennes de l'Etat. M. Daniel Paul a souligné, enfin, le vif mécontentement exprimé par le monde de la recherche, qui se traduit dans un appel signé notamment par des Prix Nobel, des présidents d'université ainsi que de nombreux responsables de laboratoires.

Conformément aux conclusions de M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche et des nouvelles technologies pour 2003.

M. François Brottes a ensuite protesté contre le fait que les auditions de ministres par plusieurs commissions aboutissaient à ses yeux à pénaliser l'opposition et souhaité que cette expérience ne soit pas systématiquement renouvelée dans l'avenir. Il a ensuite estimé indigne que la ministre de l'industrie, Mme Nicole Fontaine, ne soit pas entendue par la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M Patrick Ollier, président, a indiqué à M. François Brottes que, pour l'audition de la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, l'on comptait plus d'intervenants de l'opposition que de la majorité et, par ailleurs, qu'un seul membre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales s'était exprimé. Il a déclaré à M. François Brottes que cette question serait examinée lors d'une prochaine réunion du bureau de la commission des affaires économiques. Il a rappelé ensuite que la ministre déléguée à l'industrie avait déjà été entendue en juillet. Le bureau de la commission a prévu dans ces conditions que son audition à ce stade ne semblait pas nécessaire. M. Patrick Ollier a indiqué également que Mme Nicole Fontaine viendrait devant la commission au mois de novembre pour présenter la stratégie de son ministère ainsi que l'avenir de France Télécom et d'EDF.

·

· ·

Puis, la commission a examiné les crédits de l'industrie pour 2003.

M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur pour avis des crédits de l'industrie et de l'énergie, a indiqué qu'à périmètre constant, les crédits de l'industrie et de l'énergie reculaient de 1,66 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement par rapport à la loi de finances pour 2002 mais que les autorisations de programme restaient quasiment stables.

Il a souligné qu'il aurait été heureux d'un effort plus important en faveur de la compétitivité de nos entreprises industrielles, fer de lance de notre économie, mais qu'il constatait néanmoins avec satisfaction, dans le contexte budgétaire difficile qui a présidé à la préparation de la loi de finances, que les politiques industrielle et énergétique n'avaient pas été sacrifiées.

Il a en effet indiqué que, compte tenu des reports de crédits prévisibles, les capacités d'intervention du ministère seraient globalement maintenues. Il a également rappelé que ces crédits avaient connu une évolution beaucoup plus défavorable par le passé dans des contextes pourtant moins difficiles puisque, hors crédits affectés aux secteurs de la poste et des télécommunications et à périmètre constant, les dotations budgétaires allouées à l'industrie avaient reculé de 4,11 % en 2002 et de 2 % en 2001.

Il a également noté que cette évolution globale modérée avait néanmoins permis des efforts en faveur de certains postes prioritaires.

Il a, en particulier, salué le renforcement important des moyens alloués aux écoles des mines, dont chacun connaît le rôle de formation mais qui ont également une importante activité de recherche en rappelant qu'en dépenses ordinaires et crédits de paiement, leurs moyens progressaient de plus de 3 % tandis que leurs autorisations de programme faisaient plus que doubler.

Puis, il a ajouté que deux autres organismes bénéficiaient de moyens sensiblement renforcés : la Commission de régulation de l'électricité, dont les crédits de personnel progressent de plus de 14 % afin de lui permettre de réaliser les recrutements nécessaires à l'extension prochaine de sa mission à la régulation du secteur du gaz naturel, et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Il a précisé que les moyens d'intervention alloués par le ministère de l'industrie à l'ADEME, qui avaient été brutalement réduits par la loi de finances pour 2002 de près de 30,5 millions à moins de 12,2 millions d'euros (soit un recul de 60 %), étaient presque triplés.

Il a jugé que cet effort budgétaire conséquent traduisait concrètement l'engagement de la majorité en faveur des sources renouvelables d'énergie et de la maîtrise de l'énergie et s'inscrivait pleinement dans la volonté de promotion du développement durable réaffirmée par le Président de la République lors du sommet de Johannesburg.

Il a estimé que cet effort était complémentaire de la poursuite d'un soutien vigoureux à la recherche nucléaire qui reste aujourd'hui la filière la plus efficace et la plus rentable pour assurer la production d'énergie sans émission de gaz contribuant à l'effet de serre. Il s'est donc félicité de la poursuite de l'augmentation des moyens alloués au Commissariat à l'énergie atomique dont le total des ressources civiles, incluant les subventions du ministère de l'industrie, celles du ministère de la recherche et les recettes propres, progressait de près de 2 %.

Il a ensuite indiqué que certains articles budgétaires connaissaient en revanche une évolution moins favorable en précisant que cela correspondait parfois à une diminution des besoins, par exemple dans le cas des aides à la construction navale, pour l'essentiel constituées d'aides à la commande, interdites depuis le 31 décembre 2000 et dont le montant diminue de manière mécanique avec l'achèvement progressif des bâtiments concernés.

Il a précisé que, dans d'autres cas, la diminution des crédits traduisait un souci de gestion plus serré des moyens pour des articles budgétaires dont la sous-consommation des crédits passée permettait de disposer d'importants reports des exercices précédents.

Il a donc jugé que le budget était serré mais non sacrifié et qu'il dégageait, en outre, des priorités claires, un accent particulier étant mis sur la préparation de l'avenir notamment à travers le soutien à la formation et à l'innovation. Il a donc invité la commission à donner un avis favorable à son adoption.

Il a, en outre, informé la commission qu'en complément de l'analyse traditionnelle des crédits, une partie du rapport écrit serait, cette année, consacrée à l'examen de la situation économique et financière d'Electricité de France.

Après que M. Patrick Ollier, président, ait salué le travail important du rapporteur sur cette question, M. Jean-Yves Le Déaut est intervenu pour nuancer la présentation optimiste faite des crédits de l'industrie pour 2003. Il a tout d'abord rappelé que la hausse des crédits de l'ADEME ne traduisait qu'une remise à niveau après une baisse destinée à permettre l'apurement des sous-consommations passées.

Puis, il a regretté que seulement 19 % des crédits du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie soient affectés à la politique industrielle et que seulement 1 % d'entre eux soient destinés aux PME et aux PMI, pourtant particulièrement créatrices d'emplois.

Il a également vivement regretté que le projet de loi de finances pour 2003 ne mette pas en œuvre le renforcement des moyens de l'inspection des installations classées pourtant jugé nécessaire de manière unanime par la Commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche et sur la protection des personnes et de l'environnement en cas d'accident industriel majeur.

Enfin, il a dénoncé le manque de moyens de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) dont les ressources sont inférieures à la somme de celles dont disposaient les deux organismes fusionnés en son sein, l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) et l'Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI).

En réponse, M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur pour avis des crédits de l'industrie et de l'énergie, a précisé qu'il n'avait pas évoqué la situation de l'inspection des installations classées car les moyens des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement au titre de leurs missions de prévention des pollutions et des risques figuraient non au budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie mais à celui du ministère de l'écologie et du développement durable.

M. Patrick Ollier, président, a souligné que la commission était unanimement attachée à ce que l'inspection des installations classées dispose des moyens nécessaires au bon exercice de ses missions.

Conformément aux conclusions de M. Jacques Masdeu-Arus, rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'industrie pour 2003.

·

· ·

Puis, la commission a examiné les crédits des postes et télécommunications.

M. Pierre Micaux, rapporteur pour avis des crédits des postes et télécommunications pour la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, a indiqué que l'élaboration de ce budget s'était faite dans un contexte un peu particulier cette année, car les deux principales entreprises concernées, France Télécom et La Poste, avaient été soumises à d'importants soubresauts au cours des toutes dernières semaines.

Il a précisé que ce budget était de taille limitée, moins de 500 millions d'euros, mais qu'il s'agissait d'un budget à « effet de levier », parce que les crédits qui le constituaient permettaient de financer des organismes qui eux-mêmes contrôlaient les évolutions des deux secteurs des postes et télécommunications. Il a indiqué que ce schéma de contrôle indirect résultait logiquement de ce que, depuis 1990, la Poste et France Télécom, étaient en situation d'autonomie de gestion, oeuvrant désormais sur des marchés ouverts à la concurrence.

Il a expliqué que les leviers d'action du budget des postes et des télécommunications passaient en effet d'abord par les crédits de fonctionnement accordés à quatre organismes : la Commission supérieure du service public des Postes et Télécommunications (CSSP), l'Autorité de régulation des Télécommunications (ART), l'Agence nationale des fréquences, le Médiateur postal.

Il a observé que les deux poids lourds de cette liste, à savoir l'Agence nationale des fréquences (28 millions d'euros) et l'Autorité de régulation des Télécommunications (17 millions d'euros) voyaient leurs moyens renforcés ; que le service du Médiateur postal, créé en 2002, et la CSSP conserveraient en 2003, leur petit budget de, respectivement, 500 000 et 240 000 euros.

Il a remarqué que l'augmentation des crédits de l'Autorité de régulation des Télécommunications était conséquente, près de 5 %, et concernait aussi bien les crédits de rémunération que les crédits de fonctionnement ; que cela ouvrait la possibilité, soit d'élargir les pouvoirs de l'ART dans le cadre de la transposition des directives européennes sur la « communication numérique », soit d'assurer une extension des compétences de l'ART au domaine postal, en réponse aux pressions exercées sur ce terrain par la Commission européenne.

Il a expliqué que le deuxième mécanisme qui faisait jouer l'effet de levier budgétaire pour des crédits courants concernait les activités d'enseignement et de recherche ; qu'à cet égard, le projet de budget renforçait avec un certain volontarisme les moyens du Groupe des écoles de télécommunications, en lui accordant un million d'euros supplémentaires, tout en maintenant le niveau des crédits qui sont attribués spécifiquement pour la recherche ; que, par ailleurs, le réseau national de recherche en télécommunications avait bénéficié en 2002 d'un soutien de 36 millions d'euros, soutien qui serait prolongé à l'identique sur l'année 2003.

Il a noté qu'à côté de ces mécanismes de pilotage indirect s'appuyant sur des crédits courants, le budget des postes et télécommunications comportait aussi, pour l'année 2003, des opérations exceptionnelles qui faisait tout autant usage de l'effet de levier associé à un apport de l'Etat.

Il a indiqué que la première de ces opérations exceptionnelles concernait la couverture du territoire en téléphonie mobile ; qu'un accord du 23 septembre dernier entre les trois opérateurs concernés, à savoir Orange, SFR, et Bouygues Telecom, allait permettre d'assurer cette couverture, notamment en assurant l'itinérance dans les zones « blanches » larges ; que cet accord s'appuyait sur un engagement de l'Etat à prendre en charge la moitié des coûts des pylônes, l'autre moitié étant supportée par les collectivités locales ; que la ministre de l'Industrie avait récemment annoncé que l'Etat mobiliserait 44 millions d'euros, crédits qui seraient en partie pris sur les moyens d'intervention de la DATAR. Il a constaté que dans ce cas, l'effet de levier jouait pour déclencher la participation des collectivités locales, qui seraient conduites à faire un effort d'investissement du même montant.

Il a expliqué que le dernier mécanisme de « levier » mis en œuvre dans ce budget des postes et télécommunications pour 2003 concernait une autre opération exceptionnelle : le sauvetage financier de France Télécom ; qu'il s'agissait en l'occurrence d'un mécanisme tellement bien conçu qu'il était même invisible dans le projet de loi de finances.

Il a regretté que l'on en fût arrivé à devoir sauver cette « belle » entreprise, dont la dette atteignait 70 milliards d'euros, et dont le titre était passé en dessous de 8 euros à la fin de septembre, alors que l'introduction de la société en bourse en 1997 s'était faite au niveau de 28 euros.

Il a observé que ce désastre pour les petits actionnaires faisait d'autant plus mauvaise impression qu'il allait falloir trouver très vite une solution pour les retraites en France, et que cette solution passait inévitablement par les fonds de pension ; qu'il y avait donc certainement là matière à investigation et à réflexion, qui pourrait justifier la mise en place, sinon d'une commission d'enquête, du moins d'une mission d'information, préparant des réformes devenues absolument indispensables sur la gouvernance des entreprises.

Il a rappelé que le sauvetage de France Télécom devait notamment permettre à l'entreprise de faire face à une charge de remboursement d'environ 15 milliards d'euros prévue pour la mi-2003.

Il a expliqué que le « levier » budgétaire imaginé par le ministère des Finances, sous réserve des conclusions de l'audit interne engagé par M. Thierry Breton, devrait s'appuyer pour l'essentiel sur un apport en capital fourni par un établissement du secteur public, qui se financerait lui-même par emprunt ; mais que la nature de la solution finalement mise en place ne serait de toute façon connue qu'après le vote du budget.

Il a ensuite observé que l'intervention de l'Etat dans le domaine des postes et des télécommunications s'effectuait selon une autre dimension que celle de la régulation sectorielle, puisqu'elle prenait aussi la forme de l'assignation de contraintes de service public aux deux opérateurs de service universel, la Poste et France Télécom ; que, sous cet angle, le projet de budget laissait ouvert un certain nombre de questions relatives au financement du « service universel », notamment dans sa dimension d'aménagement du territoire.

Signalant le risque d'une absence de compensation des charges du service universel, il a rappelé que la Poste exerçait ce qu'il considérait comme des missions de service public irremplaçables à deux niveaux : d'un côté, elle devait assurer, au titre du « service universel », la levée et la distribution du courrier « tous les jours ouvrables », c'est-à-dire six jours par semaine ; de l'autre, la Poste était de fait la « banque des pauvres », car elle ne sélectionnait pas sa clientèle. Il a signalé que 60 % des détenteurs de livret A avaient un avoir inférieur à 150 euros.

Il a constaté que la Poste avait pu longtemps fonctionner dans un certain équilibre, sachant que cet équilibre englobait la charge de l'aide au transport de la presse, en vertu de l'accord Galmot de 1996.

Mais il a fait remarquer que la Poste se trouvait pénalisée par toute une série de dispositions sociales, qui profitaient au contraire à ses concurrents privés ; qu'ainsi elle avait mis très tôt en œuvre les 35 heures sans bénéficier d'aucune aide ; qu'elle se trouvait exclue du bénéfice des diminutions de cotisation sociale du récent projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail, et au développement de l'emploi.

Il a expliqué que la menace induite sur les ressources par la réduction progressive du domaine réservé, alors que les coûts salariaux augmentaient, créait une double série de tensions parce que, d'un côté, sur le terrain, la Poste était tentée par une stratégie de rentabilité à outrance; et que, d'un autre côté, elle était amenée, pour essayer de trouver d'autres sources de revenu, à développer des stratégies agressives dans le domaine de l'assurance, comme l'avait illustré le succès d'AssurPost, qui avait suscité une réaction défensive des professionnels de l'assurance.

Il a estimé que l'Etat devait prendre ses responsabilités quant à l'aide à la Presse, et aussi quant à la compensation des conditions très particulières imposées aux activités financières de la Poste ; qu'il fallait surtout rétablir l'égalité des conditions de fonctionnement vis à vis de la concurrence, car il était inadmissible que l'administration des Finances refusât d'appliquer à la Poste une mesure générale d'aide, ou d'allègement de charges, uniquement sous prétexte que cela coûterait trop cher, parce que les effectifs de la Poste étaient trop nombreux.

En conclusion, il a proposé d'approuver sans réserve l'ensemble des crédits prévus dans le budget pour 2003 en faveur des secteurs des postes et des télécommunications. Mais il a appelé aussi l'attention de ses collègues sur le fait que le cadre juridique de ces deux secteurs devrait faire l'objet d'adaptation dans les prochains mois.

Il a indiqué que, personnellement, il veillerait à ce que ces évolutions législatives prissent aussi en compte, au passage, la question de l'enfouissement des lignes téléphoniques aériennes, qui était loin d'être résolue ; qu'il avait dans l'immédiat déposé un amendement sur le projet de loi de finances, visant à encourager la technologie de distribution de l'Internet haut débit par satellite.

M. Patrick Ollier, président, a félicité le rapporteur pour la qualité de son exposé, qu'il a jugé très complet.

M. Daniel Paul, s'exprimant au nom du groupe des députés communistes et républicains, tout en félicitant M. Pierre Micaux, rapporteur, pour la qualité de son intervention, a indiqué que son groupe n'approuverait pas le budget des postes et télécommunications pour 2003.

M. François Brottes, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a lui aussi salué le travail accompli par M. Pierre Micaux, rapporteur, et a rappelé que le sujet abordé méritait une attention particulière, parce qu'il concernait l'ensemble du territoire, et qu'il s'agissait aujourd'hui d'une question grave.

En ce qui concerne les télécommunications, il a rappelé qu'aucun opérateur dans le monde ne présentait une situation financière favorable actuellement. Contestant le bien-fondé de toute comparaison avec l'affaire Enron, il a estimé que la dégradation des comptes de France Télécom n'était pas due à son exploitation courante, qui est bénéficiaire, mais à la charge de la dette liée à l'achat de l'UMTS.

Rappelant que le précédent contrat de plan entre l'Etat et la Poste avait accru la compensation financière de la charge supportée par la Poste pour la distribution de la presse, qu'il avait également mis en place un mécanisme pour plafonner la charge des retraites, il a regretté que le nouveau Gouvernement n'ait encore donné aucune indication sur ses intentions quant à ces questions pour l'avenir, alors même qu'un nouveau contrat de plan est en cours de négociation. La même incertitude entoure la question de l'extension des services financiers, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, s'étant seulement déclarée « à titre personnel » non favorable à cette extension, lors de son audition par les commissaires le 17 juillet dernier.

Il a ajouté que l'impression d'incertitude dans la politique actuellement conduite vis-à-vis de la Poste étaient d'autant plus grande que Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, avait annulé deux semaines plus tôt, au dernier moment, son audition par la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, alors que cette instance, qui compte sept députés et sept sénateurs, a vocation à s'intéresser, au nom du Parlement, à l'évolution budgétaire, législative et réglementaire des deux secteurs concernés. Il a jugé qu'une clarification de la situation était urgente.

Il a enfin indiqué son souhait obtenir des précisions sur la réalité et l'ampleur des projets de suppression d'emplois étudiés par la Poste.

M. Patrick Ollier, président, a précisé qu'il n'avait jamais été question d'assimiler la situation de France Télécom à celle d'Enron, et que l'audition des petits porteurs avait eu pour but d'alimenter les réflexions sur l'amélioration de la gouvernance des entreprises, en vue d'enrichir le texte sur la sécurité financière, qui serait prochainement présenté au Parlement par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a par ailleurs ajouté, à propos des licences UMTS, qu'il conviendrait de savoir rétrospectivement ce qui s'était passé.

M. André Chassaigne, après avoir indiqué qu'il saluait lui aussi la qualité de l'intervention de M. Pierre Micaux, a regretté que deux points n'aient pas été évoqués. En premier lieu, il a estimé indispensable d'insister sur la contrainte européenne : il n'est en effet pas possible, a-t-il jugé, d'évoquer la Poste sans tenir compte des obligations communautaires qui, en raison de choix antérieurs, contraignent à une ouverture accélérée du secteur postal à la concurrence. Il a d'ailleurs souhaité qu'une volonté politique forte de résistance à cette évolution s'affirme dans ce domaine.

En second lieu, s'agissant de la couverture du territoire en téléphonie mobile, il a estimé nécessaire de revoir le cahier des charges des opérateurs, de manière que ceux-ci soient contraints d'utiliser la même et unique série de relais, dans les zones où l'Etat et les collectivités locales auront conjointement pris en charge la réalisation de l'infrastructure.

M. Pierre Micaux, rapporteur pour avis des crédits des postes et télécommunications pour la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, a indiqué que les deux points soulevés par M. André Chassaigne étaient traités dans son rapport. S'agissant de la capacité de résistance de la France aux pressions libérales européennes, il a fait observer qu'au cours des auditions qu'il avait menées pour préparer son rapport, il avait été alerté sur la déplorable « passivité » des représentants français au Parlement européen. Par ailleurs, revenant sur la situation de France Télécom, il a confirmé que les résultats courants de l'entreprise étaient satisfaisants, et a estimé qu'il convenait de s'interroger surtout sur les conditions de mise en œuvre de certaines opérations d'envergure, comme les prises de participation au capital de Mobilcom et de NTL, dans lesquelles France Télécom se serait engagé sur un ordre donné par téléphone. D'une façon générale, il a déploré l'ingérence des hauts fonctionnaires du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, dans les opérations de stratégie industrielle des entreprises, alors qu'ils n'ont ni la qualification, ni l'expérience requises pour cela.

M. Patrick Ollier, président, a observé qu'il s'agissait là d'une analyse partagée.

Conformément aux conclusions de M. Pierre Micaux, rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des postes et télécommunications pour 2003.

--____--


© Assemblée nationale