COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 24

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 5 février 2003
(Séance de 16 heures 45)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

puis de M. Yves Coussain, Vice-Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Nicole FONTAINE, ministre déléguée à l'industrie, sur le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique (n° 528)


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- Information relative à la Commission

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La Commission a entendu Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique (n° 528).

Le président Patrick Ollier, après avoir remercié la ministre d'avoir bien voulu répondre à l'invitation de la commission pour présenter le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, a rappelé l'importance de ce secteur pour l'économie française. Il a ainsi remarqué que les nouvelles technologies de l'information représentaient à elles seules 0,7 % de la croissance du PIB chaque année.

Il a par conséquent indiqué que la représentation nationale examinerait avec une attention particulière ce texte destiné à adapter le cadre législatif existant, pour assurer l'information des consommateurs comme la protection des entreprises. Il a souhaité que le Gouvernement adopte, pour l'examen de ce projet de loi, une attitude d'ouverture à l'égard des propositions parlementaires, comme cela avait été le cas pour le projet de loi relatif aux marchés énergétiques.

Il a enfin rappelé que la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire n'était pas la seule commission saisie sur ce texte et a salué, à ce titre, la présence de Mme Michèle Tabarot, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, a tout d'abord indiqué que le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique avait pour objet principal de donner une nouvelle impulsion au commerce électronique et à la sécurité des transactions électroniques. Elle a rappelé que ce projet de loi constituait le premier texte pris dans le cadre du plan RESO 2007, présenté en novembre 2002 par le Premier ministre et visant à favoriser le développement des technologies de l'information.

Elle a par ailleurs annoncé qu'elle présenterait au cours du second trimestre de l'année en cours un autre texte législatif transposant les directives communautaires relatives aux communications électroniques. Elle a ajouté que ce dernier texte complèterait le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique et répondrait à plusieurs questions importantes en matière d'infrastructures de réseaux et d'autorités de régulation. Elle a donc jugé que l'adoption de ce premier projet de loi était indispensable pour créer un climat de confiance, ce qui supposait à la fois que les fournisseurs fussent soumis à des règles claires et que les utilisateurs fussent efficacement protégés.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, a ensuite rappelé que l'économie numérique, notion désignant à l'origine les seules activités industrielles issues des technologies de l'information, tendait désormais à irradier l'ensemble de l'économie française. Elle a ajouté que cette généralisation était pour la France un facteur de modernisation, de croissance, de réactivité, ainsi que d'égalité, en offrant au plus grand nombre un accès à l'information et à la culture.

Elle a précisé que la législation actuelle restait lacunaire et devait être rapidement complétée pour assurer la sécurité juridique nécessaire au développement d'un secteur aussi prometteur.

Elle a en outre rappelé que la France avait reçu récemment un avis motivé de la Commission européenne pour n'avoir pas transposé avant le 17 janvier 2002 la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative au commerce électronique. Elle a indiqué que le projet de loi mettrait fin à ce retard dommageable en procédant aux transpositions nécessaires, notamment à celle de l'article 13 de la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 sur les données personnelles, cette dernière faisant partie des directives désignées « paquet télécoms » dans les instances communautaires.

Elle a enfin observé que ce projet de loi s'inscrivait dans une politique plus vaste, menée en étroite coopération avec le ministère de l'économie et des finances, visant à accroître le rôle de l'économie numérique dans la compétitivité nationale, ce secteur se caractérisant aujourd'hui par un très grand dynamisme.

Elle a indiqué qu'en matière de commerce électronique, le montant des transactions sur Internet avait pour la première fois dépassé celui réalisé par Minitel en 2001, et lui avait été cinq fois supérieur en 2002, grâce à un rythme annuel moyen de développement supérieur à 25 %. Elle a remarqué que la période des fêtes de Noël avait été très intense pour les marchands électroniques, puisque le montant des transactions avait progressé de plus de 64 % par rapport à la même période de l'année précédente. Elle a souligné l'ampleur des transformations en cours dans de nombreux secteurs, tels que celui de la vente à distance, plus de 10 % des commandes étant désormais effectuées par Internet, ou encore celui des réservations de voyages, ce chiffre atteignant alors près de 15 %, et même 100 % pour certaines compagnies aériennes, notamment celles à bas coût. Elle a enfin rappelé que le secteur du rail était également concerné, la SNCF réalisant déjà 6 % de son chiffre d'affaire par Internet.

Elle a toutefois estimé que tous les secteurs de l'économie n'avaient pas encore su tirer partie du commerce électronique avec autant de réussite et devaient donc être encouragés, le projet de loi visant précisément à conforter le cadre juridique de leur développement, en renforçant la confiance et, du même coup, la croissance dans ces nouveaux canaux de distribution.

Elle a enfin indiqué que le Gouvernement souhaitait permettre au plus grand nombre de personnes d'accéder à Internet à haut débit, afin d'élargir le nombre d'agents économiques utilisant cet outil dans des conditions optimales de confort et de prix. Elle a ainsi rappelé qu'une baisse des tarifs de revente en gros de l'ADSL avait été homologuée au cours de l'été 2002, cette décision ministérielle ayant marqué un tournant important dans le développement du marché français, du fait de l'émergence d'une offre grand public d'abonnement mensuel illimité au prix de 30 euros environ.

Elle a noté que cette action aboutissait à des résultats très encourageants, la France rattrapant rapidement son retard. Elle a ainsi précisé que la France connaissait, avec 500 000 nouveaux abonnés à haut débit au dernier trimestre 2003, la plus forte croissance européenne du taux d'utilisation de cette technologie, ce rattrapage accéléré lui permettant aujourd'hui, avec près de 2 millions d'abonnés, d'être devenu le second pays européen en taux de pénétration du haut débit.

Elle a estimé que ce mouvement devait être amplifié pour atteindre l'objectif, ambitieux mais réalisable, de dix millions d'abonnés à Internet à haut débit d'ici cinq ans, cette croissance créant un cercle vertueux pour l'ensemble de l'économie numérique. Elle a ainsi précisé que les perspectives importantes de développement de cette technologie permettraient d'amortir facilement des investissements lourds et de faire émerger de nouveaux services et usages, dans des domaines tels que la santé, l'éducation ou les divertissements.

Puis, évoquant le contenu du projet de loi lui-même, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, a indiqué qu'il ne s'agissait pas de créer un droit spécifique pour l'économie numérique, mais d'assurer pour elle l'adaptation de multiples règles en vigueur par ailleurs, cette opération nécessitant la modification de nombreux codes.

Concernant le cadre d'exercice de la liberté de la communication en ligne, elle a précisé que le projet de loi définissait pour la première fois la notion de communication publique en ligne, qui avait déjà été utilisée dans la loi du 1er août 2000 relative à la liberté de communication, texte en vertu duquel le Conseil supérieur de l'audiovisuel est une autorité de régulation compétente dans ce domaine. Elle a précisé que la communication publique en ligne serait définie comme un sous-ensemble de la communication audiovisuelle ayant comme caractéristiques d'être demandée individuellement et d'utiliser un procédé de télécommunication pour sa transmission.

Elle a par ailleurs souligné que le projet de loi clarifiait les conditions de la responsabilité des hébergeurs de sites, des fournisseurs d'accès et des opérateurs de télécommunications, en tenant compte à la fois des exigences de la directive 2000/31/CE relative au commerce électronique et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui avait censuré une partie de la loi du 1er août 2000. Ainsi, elle a précisé que le projet de loi posait un principe général de limitation des responsabilités civile et pénale des prestataires du fait du contenu qu'ils hébergent, stockent ou transmettent, la responsabilité du prestataire ne pouvant être invoquée que lorsqu'il n'a pas agi promptement pour empêcher l'accès à des informations ou activités illicites hébergées en connaissance de cause. Elle a relevé que le dispositif retenu était conforme au Code pénal, celui-ci renvoyant la responsabilité du contenu sur celui qui le créait, mais permettrait aussi de sanctionner les intermédiaires hébergeant ou transmettant un contenu lorsqu'ils se faisaient complices de la diffusion d'un contenu dont ils connaîtraient le caractère illicite.

Enfin, elle a indiqué que le projet de loi définissait juridiquement les règles de gestion et d'attribution de toutes les adresses françaises sur Internet, ces dernières étant aujourd'hui au nombre de 160 000 et ne disposant pas d'un encadrement juridique clair. Elle a ajouté que cette gestion serait déléguée à des organismes désignés par le Gouvernement, avec la garantie qu'en cas de cessation d'activité de ces organismes, les sites Internet français pourraient continuer à fonctionner normalement.

Puis, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, a évoqué le second volet du projet de loi, consacré au commerce électronique et à la publicité. Elle a ainsi estimé que le commerce électronique ne pourrait pas se développer massivement si les consommateurs n'avaient pas une entière confiance dans les procédures électroniques associées. Elle a donc souligné que le projet de loi transposait à cette fin la directive européenne en définissant le cadre juridique applicable aux commerçants électroniques.

Elle a rappelé que la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 harmonisait, à l'échelle de l'ensemble de l'Union européenne, quelques règles essentielles pour favoriser le développement d'un commerce électronique sécurisé, telles celles concernant l'obligation de fournir des informations aux consommateurs ou définissant les modes de conclusion des contrats par voie électronique. Elle a estimé que l'harmonisation de ces différents « points clés » permettrait de considérer comme équivalentes les législations des différents Etats membres dans ce domaine, ce qui faciliterait l'activité transfrontalière des entreprises et favoriserait l'émergence d'un espace européen de liberté pour le commerce électronique.

Elle a également indiqué que le projet de loi rendait obligatoire un accès facile et permanent, tout au long de la transaction, aux informations sur l'identité des marchands électroniques.

S'agissant de la publicité en ligne sur les offres commerciales, les concours et les jeux promotionnels, elle a souligné que des règles de transparence et de protection des consommateurs étaient instaurées, l'envoi de courriers électroniques ayant pour but la prospection directe étant interdite sans l'accord préalable des consommateurs. Elle en outre précisé que l'émetteur de tels messages devrait être identifié, et la faculté pour le destinataire de s'opposer à un envoi ultérieur garantie, ce qui contribuerait à résoudre le problème posé par ce qui est communément appelé le « spam ».

S'agissant de la dématérialisation des contrats, elle a souligné l'importance de l'innovation, introduite dans le Code civil, qui consiste à permettre de conclure sous forme électronique tous les contrats, sauf ceux qui concernent les droits sur des biens immobiliers, ceux qui requièrent l'intervention de tribunaux ou d'autorités publiques, ou ceux relatifs au droit de la famille. Elle a indiqué que, dans le cadre d'un contrat de commerce par voie électronique, pour protéger le consommateur contre les fausses manipulations et éventuellement contre lui-même, toute acceptation d'une offre devrait prendre la forme d'un « double clic » : l'utilisateur, après avoir passé sa commande, devrait vérifier et confirmer son acceptation au vu des informations récapitulatives présentées par le marchand.

Concernant la sécurité, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, a annoncé qu'une complète liberté d'utilisation des moyens de cryptologie, fréquemment utilisés en matière commerciale, serait instaurée en faveur des utilisateurs, grâce à la suppression de la limitation antérieure, fixée à 128 bits pour la longueur des clés de chiffrement. Elle a en outre précisé que les entreprises concernées pourraient exercer librement leur activité de fourniture après une simple déclaration auprès des services du Premier ministre. Elle a par ailleurs indiqué que les moyens des pouvoirs publics destinés à lutter contre la cybercriminalité étaient renforcés par le projet de loi, des sanctions pénales prévues en cas d'accès frauduleux à un système informatique ou de modification de ses données étant doublées. Elle a également observé que ce dispositif était complété par l'instauration d'un délit en cas de diffusion intentionnelle de virus informatiques.

Enfin, concernant la réglementation des systèmes satellitaires, instrument utile pour permettre aux zones actuellement mal desservies d'accéder à Internet à haut débit, elle a indiqué que le projet de loi visait à mettre en place une procédure administrative inédite pour le transfert des droits attribués à la France par l'Union internationale des télécommunications vers les opérateurs de systèmes satellitaires souhaitant effectuer des réservations de fréquences.

En conclusion, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, a souhaité que le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique contribuât à démontrer la volonté du Gouvernement de dynamiser le secteur de l'économie numérique, et de réduire la fracture numérique dénoncée par le Président de la République. Elle a aussi fait part de son espoir que l'examen de ce texte par la représentation nationale permette, comme cela avait été le cas pour le projet de loi relatif aux marchés énergétiques, une excellente collaboration entre les pouvoirs exécutif et législatif pour procéder à d'éventuelles améliorations de ce projet de loi.

M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur pour la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, s'est félicité de l'inscription du projet de loi à l'ordre du jour, aussi bien parce qu'il allait contribuer à la dynamisation du potentiel de l'économie numérique, que parce qu'il allait permettre d'avancer dans le programme de transposition des directives. Il a ajouté que les propos d'ouverture de Madame la ministre à des propositions d'aménagement du texte bénéficiaient d'une forte crédibilité, car il avait pu apprécier la façon dont elle avait su profiter du concours des parlementaires sur le projet de loi sur l'énergie. Il s'est ensuite interrogé sur la portée de l'inclusion du domaine de l'Internet comme sous-ensemble du domaine de l'audiovisuel, par son rattachement, au travers de l'article 1er du projet de loi, à la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Il a fait remarquer en effet qu'il aurait tout autant été possible a priori d'opter plutôt pour la création d'un droit spécifique. Il a ensuite demandé la raison pour laquelle l'article 5 du projet de loi prévoyait la création de plusieurs organismes d'adressage, alors qu'il s'agissait là manifestement d'une activité de service public, impliquant au contraire une centralisation de gestion. Il a enfin souhaité comprendre pourquoi la définition du commerce électronique formulée à l'article 6 était aussi laconique, ne laissant pas la place pour une très souhaitable mise en évidence de la responsabilité pleine et entière de l'offreur sur toute la chaîne logistique mobilisée en aval de l'enregistrement de la commande, jusqu'à la livraison.

Mme Michèle Tabarot, rapporteure pour la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, a signalé avoir noté des nuances de sens entre les considérants et le dispositif de la directive 2000/31/CE s'agissant des dispositions qui ont été transposées par l'article 2 du projet de loi, et a demandé à Madame la ministre les conséquences qu'il convenait d'en tirer. Elle a ensuite fait observer que la règle formulée à l'article 7 selon laquelle c'était la loi du pays du consommateur qui devait s'appliquer si elle était plus favorable, plutôt que la loi du pays du vendeur, reprenait les termes de la directive 2000/31/CE alors que ceux-ci entraient en contradiction avec la disposition similaire du Traité de Rome, qui conditionnait son application au cas d'un achat déclenché suite à une sollicitation directe du vendeur ; elle s'est alors interrogée sur le risque que le consommateur, ayant procédé à son achat dans un cadre de commerce électronique, se vît privé de cette mesure plus favorable devant un juge, qui se réfèrerait inévitablement au Traité plutôt qu'à la loi. Elle a remarqué que l'article 25 du projet de loi, en son dernier alinéa, introduisait pour la première fois en droit français, à l'occasion de la description des conditions dans lesquelles une aggravation des peines sanctionnait l'utilisation frauduleuse d'un moyen de cryptologie, lorsque cette utilisation visait à préparer ou commettre un crime ou un délit, le cas du repenti, qui aiderait en l'occurrence au décryptage des messages chiffrés. Elle s'est inquiétée de l'application très large que le texte prévoyait pour cette exception, puisque l'auteur même de l'infraction pouvait en bénéficier, alors qu'il semblerait plus prudent d'en restreindre uniquement l'application aux complices. Enfin, s'agissant de la lutte contre la cybercriminalité, elle a rappelé qu'une convention internationale avait été adoptée en 2001, que la France n'avait pas encore transposée ; elle a demandé où en était l'application par la France de cette convention.

M. Alfred Trassy-Paillogues, intervenant au nom du groupe UMP, s'est tout d'abord félicité des apports du projet de loi en ce qui concerne la dématérialisation des contrats, l'introduction d'une obligation de « double clic » pour un achat en ligne, les progrès dans la libéralisation de la cryptographie, l'interdiction de la prospection directe sans l'accord préalable des destinataires.

Il a ensuite évoqué les questions suscitées par d'autres parties du texte :

- concernant l'article 5, il a repris à son compte l'interrogation de Jean Dionis du Séjour sur la pluralité des organismes chargés d'attribuer des noms de domaine sur Internet ;

- concernant la fourniture de moyens ou de prestations de cryptologie, il a demandé à Mme la ministre déléguée à l'industrie pourquoi les déclarations prévues aux articles 18 et 19 devaient être formulées auprès des services du Premier ministre, et non auprès d'une autre administration ;

- il a fait remarquer que plusieurs dispositions de ce texte, qui font directement référence à l'ergonomie de l'Internet sur micro-ordinateur, sont difficilement applicables au cas des communications en ligne à partir de téléphones mobiles ;

- il s'est enfin interrogé sur le risque que ce texte, qui va assez souvent au-delà des prescriptions posées par la directive 2000/31/CE, ne pénalisât les acteurs économiques français par rapport à leurs concurrents étrangers.

M. Alain Gouriou, intervenant au nom du groupe socialiste, a souligné que ce texte reprenait de nombreuses dispositions contenues dans l'avant-projet de loi sur la « société de l'information » de la législature précédente. Il a par ailleurs indiqué qu'il comportait certaines carences, tout en supposant que certaines d'entre elles seraient probablement comblées lors des prochains projets de loi sur les télécommunications qui viendraient en discussion d'ici la fin de l'année 2003.

Il a ainsi rappelé la nécessité de régler la question du dépôt légal des données, qui soulève des difficultés en ce qui concerne les modalités pratiques d'archivage, compte tenu de la masse des informations à stocker, et les coûts considérables qui en résulteraient pour la mise en oeuvre.

Il s'est ensuite interrogé, comme M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur, sur la pertinence de l'approche consistant à considérer la communication en ligne comme un sous-ensemble de la communication audiovisuelle, la communication par Internet lui paraissant spécifique par rapport à la communication audiovisuelle. Il a souligné que cette assimilation de l'Internet à la communication audiovisuelle soulèverait ultérieurement des difficultés quant à la détermination de l'autorité de régulation compétente, le Conseil supérieur de l'audiovisuel étant certes compétent pour réguler les contenus, mais l'Autorité de régulation des télécommunications étant mieux placée pour réguler les contenants, à savoir particulièrement les réseaux de télécommunication.

Abordant la question de la responsabilité des hébergeurs de sites, il a estimé qu'il lui paraissait peu réaliste de leur reconnaître une responsabilité sur le contenu alors que certains d'entre eux gèrent des centaines de milliers de sites. Il a souligné en outre qu'il ne lui paraissait pas opportun qu'ils soient tenus de juger du caractère illicite de certaines informations, sauf lorsque celles-ci étaient manifestement illicites.

Rejoignant les observations de M. Alfred Trassy-Paillogues, il a souligné que le texte était bien adapté au cas de l'Internet sur ordinateur personnel, mais qu'en revanche les modalités pratiques des communications sur téléphones portables, qu'ils fussent de deuxième, voire de troisième génération, avaient été mal prises en compte.

Il a remarqué au passage que la baisse de prix de l'ADSL, quoique satisfaisante en soi, ne concernait véritablement que le premier palier de l'offre à 30 euros, qui en comportait trois, les deux autres correspondant à des niveaux de débit et de confort d'utilisation, mais aussi de prix, sensiblement plus élevés.

Il a conclu en estimant que la présomption de responsabilité des sociétés assurant des prestations de cryptologie en cas de violation par un tiers des informations protégées lui paraissait quelque peu disproportionnée par rapport au droit commun.

Après avoir rappelé qu'il avait préconisé de longue date la libéralisation de la cryptologie, M. Jean Besson s'est félicité de voir enfin cette mesure figurer dans un projet de loi. L'utilisation de ces moyens ayant un coût, il a souhaité savoir quel était l'ordre de grandeur de celui-ci et comment il serait répercuté sur le consommateur final. D'autre part, il a souhaité savoir si des dispositions étaient prévues ou envisagées pour protéger les particuliers contre les utilisations frauduleuses des cartes bancaires par voie électronique.

En réponse aux différents intervenants,Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, a apporté les précisions suivantes :

- si les questions abordées par le projet de loi sont très techniques, elles concernent malgré tout les citoyens dans leur vie quotidienne et qu'il convient donc de communiquer avec pédagogie afin que chacun comprenne les enjeux du projet ;

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la communication mentionne la notion de communication publique en ligne mais ne la définit pas. Le projet propose donc de la compléter, ce qui conduit effectivement à faire de la communication en ligne un sous-ensemble de la communication audiovisuelle. Il est, peut-être, possible d'élaborer une meilleure définition. Considérer la communication publique en ligne comme une forme de communication audiovisuelle emporte, pour conséquence, de permettre au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'exercer en la matière certaines de ses attributions, notamment ses pouvoirs de régulation et de recommandation prévus à l'article 1er de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, sa mission de surveillance sur la protection de l'enfance définie à l'article 15 de cette loi, ses compétences au service du développement de la concurrence dans les activités de communication audiovisuelle fixées à l'article 17 de cette loi. Pour tenir compte des évolutions futures des technologies et notamment de la convergence des techniques de communication, il sera nécessaire d'examiner quel dispositif de régulation est le plus approprié, ce qui pourrait être déterminé à l'occasion de la transposition des directives dite « paquet télécoms » ;

- la méthode adoptée par le projet de loi pour définir le commerce électronique est d'adapter le droit existant sans créer un droit spécifique de l'Internet, conformément aux préconisations du rapport du Conseil d'Etat de 1998 sur « internet et les réseaux numériques ». C'est pourquoi le commerce électronique est considéré, dans le projet de loi, comme un canal spécifique de commerce, qui est plus généralement défini à l'article 110-1 du code du commerce. Les dispositions protectrices des consommateurs s'appliquent ainsi dans ce domaine comme le prévoit le projet de loi qui les renforce même, notamment à l'article 9, puisqu'il prévoit que tout prestataire intervenant dans la transaction doit s'identifier auprès du consommateur ;

- concernant l'article 5 du projet de loi, la pluralité des organismes attributaires d'adresse, qui sont aujourd'hui une dizaine, est lié à la diversité du territoire national, qui inclut à la fois la métropole et ses adresses en « .fr » mais aussi l'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie disposant par exemple d'un suffixe « .nc ». Le projet de loi permet de garantir une procédure fiable et le respect du droit de propriété intellectuelle ;

- concernant le conflit potentiel de normes entre la directive 2000/31/CE et la convention de Rome du 19 juin 1980, avec le risque que le consommateur ne puisse se voir appliquer, pour les obligations contractuelles, comme prévu à l'article 7 du projet de loi, la loi de son lieu de résidence, il est levé dans la mesure où la condition prévue par la convention de Rome selon laquelle la conclusion du contrat doit être précédée d'une « proposition spécialement faite ou d'une publicité » est considérée comme acquise dans le cas du commerce électronique ;

- les nouvelles technologies rendent parfois difficile de remonter jusqu'aux vrais auteurs de l'infraction, ce qui justifie les dispositions du dernier alinéa de l'article 25 ;

- les considérants d'une directive éclairent simplement les articles de celle-ci qui priment sur les considérants en cas de contradiction ;

- la déclaration de certaines opérations liées aux moyens et prestations de cryptographie est indispensable. Le secrétariat général de la défense nationale, dépendant des services du Premier ministre, est le service administratif le mieux à même de les recueillir ;

- la transposition rapide de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique dans des délais brefs permettra aux entreprises françaises de tirer le meilleur parti de l'économie numérique dans un cadre juridique stabilisé, propice à leur développement conformément à l'objectif général du Gouvernement de conforter l'attractivité du territoire ;

- en ce qui concerne la publicité par voie électronique, le projet de loi transpose directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques. Il apporte également quelques restrictions à l'exercice de cette activité pour ce qui concerne les entreprises. Le Gouvernement pourrait accepter des propositions limitant de manière raisonnable ces restrictions à la condition que ces propositions soient compatibles avec la directive ;

- le projet de loi ne prévoit pas de dispositions relatives au dépôt légal des données car cette question sera traitée par un projet de loi transposant la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information que prépare M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication ;

- les différents niveaux de tarif pour la connexion ADSL correspondent à des prestations pour des accès de débit certes différents, mais toutes permettent un accès permanent à l'internet indépendant de la communication téléphonique ;

- par souci de neutralité technologique, le projet de loi ne mentionne pas les nouveaux modes d'accès à l'internet. Il pourrait être amélioré pour mieux les prendre en compte ;

- le rôle des prestataires de cryptologie est important pour conforter la confiance des utilisateurs dans le commerce par voie électronique et favoriser le développement de la signature électronique qui reste trop peu utilisée par le secteur privé. Il est normal qu'un fournisseur s'engage sur la qualité des biens ou prestations qu'il commercialise, ce qui justifie des dispositions relatives à la mise en jeu de la responsabilité des prestataires de cryptologie. Celle-ci peut toutefois être limitée par des dispositions contractuelles relatives notamment au montant maximal des opérations couvertes par cette responsabilité. Ces fournisseurs peuvent en outre être assurés pour couvrir les conséquences de la mise en jeu de leur responsabilité. Enfin, le projet de loi a le mérite de définir un cadre juridique stable et précis ;

- le coût de l'utilisation de moyens de cryptologie pour sécuriser les transactions est limité puisqu'il est de l'ordre de cent euros par an pour un site ;

- le projet de loi ne comprend pas de dispositions relatives aux utilisations frauduleuses des cartes bancaires ; cette question a été traitée par la loi du 18 novembre 2001 qui dispose que la responsabilité du titulaire d'une carte de paiement n'est pas engagée si le paiement contesté a été effectué frauduleusement, à distance, sans utilisation physique de sa carte. Cette loi ouvre, en outre, la possibilité de faire opposition en cas de fraude à distance. Sur le plan pratique, l'adaptation des équipements afin d'éliminer l'apparition en clair des numéros des cartes bancaires sur les facturettes a permis de limiter le problème. Enfin, la libéralisation de l'usage des moyens de cryptologie limitera également les risques de fraude en favorisant la sécurisation des transactions.

Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Alain Venot, rapporteur pour le projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, sous réserve de son dépôt.


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