COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 48

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 14 mai 2003
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jean Proriol, vice-président

SOMMAIRE

 

pages

- Communication de MM. Bataille et Birraux, rapporteurs de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur l'étude relative à la durée de vie des centrales nucléaires et les nouveaux types de réacteurs

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- Informations relatives à la Commission

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La Commission a entendu MM. Christian Bataille et Claude Birraux, rapporteurs de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur l'étude relative à la durée de vie des centrales nucléaires et les nouveaux types de réacteurs.

MM. Christian Bataille et Claude Birraux ont présenté leur rapport puis, un débat s'est engagé.

M. Jean Proriol a félicité MM. Claude Birraux et Christian Bataille pour leur exceptionnelle maîtrise du sujet et l'intérêt de leur travail.

Il a estimé que ce rapport montrait clairement que l'énergie nucléaire n'était pas condamnée dans le monde notamment puisque les plus grands pays industrialisés, tels les Etats-Unis, financent de nombreuses recherches sur l'avenir de cette énergie.

Puis, il a remarqué que les deux rapporteurs avaient peu évoqué les questions liées à l'utilisation du MOX, d'une part, et au stockage des déchets nucléaires, d'autre part.

M. Serge Poignant s'est joint à M. Jean Proriol pour complimenter ses collègues dont la qualité du travail conforte la légitimité de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Il a ensuite interrogé les rapporteurs sur les conséquences de l'utilisation du MOX sur la durée de vie des réacteurs en rappelant qu'il avait été dit que le recours à ce combustible fragilisait les cuves des réacteurs.

Il a ensuite estimé que l'âge moyen des réacteurs français et le délai nécessaire à leur remplacement par des réacteurs de type EPR rendaient urgente la décision de construction d'un tel réacteur.

Puis, il a rappelé qu'il avait regretté l'arrêt du réacteur du Superphénix dont la poursuite de l'exploitation aurait permis de dégager des enseignements utiles pour l'avenir.

Estimant que l'énergie nucléaire et les énergies renouvelables ne devaient pas être opposées mais développées conjointement afin de faire face à l'épuisement prévisible des combustibles fossiles, M. Serge Poignant a rappelé qu'il poursuivait, dans le cadre de la rédaction d'un rapport d'information sur la politique de soutien au développement des énergies renouvelables, la réflexion engagée sur la question par le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques réalisé par MM. Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut.

Enfin, il a souhaité savoir si les rapporteurs estimaient qu'existait un risque de voir les technologies des réacteurs évolutionnaires dépassées à court terme en raison d'un progrès plus rapide que prévu de la recherche notamment sur la transmutation des déchets.

M. Claude Gatignol a rappelé que le rapport présenté par MM. Christian Bataille et Claude Birraux constituait l'aboutissement d'une démarche de la Commission des affaires économiques qui avait saisi l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques d'une étude sur la durée de vie des réacteurs nucléaires et les nouveaux types de réacteurs.

Après avoir félicité les auteurs de ce rapport de la qualité de leur travail, il a constaté que celui-ci avait permis à la Commission de disposer d'éléments de réflexion précieux dans la perspective de la conclusion du débat national sur les énergies et surtout de la discussion du futur projet de loi d'orientation sur l'énergie.

Puis, il a remarqué que les enjeux attachés à ce débat étaient considérables et qu'il était, en tout état de cause, nécessaire de disposer de sources d'énergie disponibles, compétitives et compatibles avec les exigences de protection de l'environnement notamment en ce qui concerne la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre ; cela implique de préparer le renouvellement de notre parc électronucléaire par une décision rapide de construction d'un réacteur de type EPR, ce qui favoriserait, en outre, les perspectives d'exportation pour notre industrie nucléaire.

Il a donc jugé que ce rapport, inscrit dans une longue série d'excellents rapports produits par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, fournissait une base de réflexion pertinente pour la préparation de cette décision.

Puis, après avoir souligné l'excellence technologique française en matière nucléaire et la compétitivité de ce mode de production d'électricité, il a souhaité que les rapporteurs précisent pourquoi ils prévoyaient un recul de la part de l'énergie nucléaire dans la production d'électricité.

M. François Dosé a remercié MM. Christian Bataille et Claude Birraux pour la qualité de leur exposé et a estimé que ce rapport constituerait une précieuse aide à la réflexion et à la décision. Il a ensuite estimé qu'il convenait d'éviter de jeter l'anathème aussi bien sur les partisans que sur les adversaires de l'énergie nucléaire.

Il a ensuite souhaité savoir pourquoi les rapporteurs estimaient qu'il existait un risque de fermeture rapide de plusieurs réacteurs dès le début de la décennie 2010 en application de règles d'origine nationale ou internationale et quelle était la nature des règles évoquées.

Il a enfin remarqué que l'allongement de la durée de vie des centrales nucléaires, s'il semblait raisonnable du point de vue de la sûreté et était donc décidé, permettrait de dégager des marges financières considérables. Il a souhaité savoir si une réflexion avait été conduite sur l'affectation de ces nouvelles ressources, qui pourraient être utilisées pour accroître la compétitivité de l'exploitant ou pour financer des dépenses d'intérêt général, par exemple en matière de recherche, notamment sur le traitement des déchets nucléaires et leur transmutation ou sur les futurs réacteurs nucléaires.

Après avoir rappelé qu'il avait défendu la réalisation du programme électronucléaire civil français, M. Philippe Tourtelier a considéré qu'il était souhaitable d'éviter que le débat sur l'énergie nucléaire ne prenne un tour trop passionné ou polémique. Il a ensuite souligné que, si le rapport n'avait pas vocation à recommander une décision quant à l'avenir de la filière nucléaire en France mais seulement à dresser un état des lieux, le débat sur l'avenir de la filière était néanmoins ouvert et que la difficulté à cet égard résidait dans le fait que les délais techniques de leur mise en œuvre imposaient des décisions rapides.

Il a également ajouté qu'une seconde question se posait aux partisans du renouvellement du parc électronucléaire qui était de savoir s'il convenait de passer directement aux réacteurs de la quatrième génération compte tenu des performances que l'on peut attendre en matière de sûreté et de production de déchets, domaines qui sont les principales faiblesses actuelles de la filière nucléaire.

Il a considéré que le rapport étudiait bien la question de l'allongement de la durée de vie des centrales nucléaires mais sans trancher sur l'arrêt ou le maintien de la filière nucléaire, question sous-jacente qui implique de disposer d'autres éléments.

Il s'est ainsi déclaré convaincu, au vu des chiffres donnés sur l'effort de recherche en matière nucléaire, qu'un effort similaire, et pouvant d'ailleurs être complémentaire, portant sur les énergies renouvelables permettrait de développer, dans les quinze ans, des filières économiquement compétitives et disposant, en outre, de perspectives importantes à l'exportation y compris en direction de pays qui n'ont pas la capacité technique d'exploiter des installations nucléaires.

Il a donc jugé nécessaire de ne pas prendre de décision trop rapide afin de laisser le temps à la recherche d'avancer, en particulier sur l'exploitation de l'énergie solaire.

M. Claude Birraux, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, s'est tout d'abord félicité de la qualité de la collaboration entre la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire et l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques qui se manifeste, d'une part, par le fait que la Commission ait accepté que les rapporteurs de l'Office viennent lui présenter les conclusions de l'étude sur laquelle elle avait saisie celui-ci, et, d'autre part, par le fait que la Commission ait également décidé de confier à M. Serge Poignant la rédaction d'un rapport d'information sur la politique de soutien au développement des énergies renouvelables visant à décliner les priorités dégagées par le rapport de l'Office du 22 novembre 2001 sur l'état actuel et les perspectives techniques des énergies renouvelables.

Puis, en réponse aux différents intervenants, il a apporté les précisions suivantes :

- il n'existe pas d'indices laissant supposer une incidence de l'utilisation du MOX sur le vieillissement des réacteurs. Il convient de rappeler que le taux de combustion du MOX est limité, ce qui a pour inconvénient de contraindre à des arrêts des réacteurs pour rechargement en combustible tous les douze mois, période qui pourrait être portée à 18 ou 24 mois pour le réacteur EPR voire allongée davantage encore pour d'autres types de réacteurs ;

- les réacteurs de quatrième génération, et notamment les réacteurs à très haute température, qui pourraient être utilisés pour la transmutation des déchets nucléaires, nécessitent des sauts technologiques, notamment en ce qui concerne la résistance à la chaleur des matériaux, qui ne sont pas encore réalisés. Sur la question plus générale de la transmutation des déchets nucléaires, il convient de rappeler que les suédois, qui ont choisi l'option d'un cycle du combustible ouvert, travaillent néanmoins sur la transmutation, notamment par des systèmes pilotés par des accélérateurs, afin de réduire le volume des déchets à stocker. Cela est également le cas, pour les mêmes raisons, des américains, dont le site de stockage de Yucca Mountain sera rapidement saturé, sans que le choix du cycle ouvert soit, pour autant, officiellement remis en cause à ce jour ;

- la part d'électricité d'origine nucléaire dans la production totale française, qui est très élevée, rend nécessaire un fonctionnement de nos centrales nucléaires en suivi de charge ce qui pèse sur leur coefficient de production. Celui-ci est, en moyenne, de 91 % au Etats-Unis et dépasse 100 % dans certaines centrales en raison d'efforts engagés depuis la libéralisation du marché de l'électricité pour augmenter la puissance nominale des réacteurs. Dans un marché libéralisé, il est, en effet, essentiel de maximiser la disponibilité des moyens de production ce que ne permet pas le fonctionnement en suivi de charge. Le fait que les centrales nucléaires ne fonctionnent qu'en base permet donc d'améliorer leurs performances économiques mais implique de définir un mix énergétique satisfaisant permettant de faire face à la demande de pointe ;

- le risque qui ne peut être exclu à partir du début de la décennie 2010 est l'apparition soudaine d'un défaut générique conduisant à une révision drastique d'une règle de sûreté impliquant des investissements excessifs pour l'exploitant ;

- l'affectation des marges financières susceptibles d'être dégagées par l'accroissement de la durée de vie des centrales nucléaires n'a pas été étudiée ;

- l'exemple des pays qui ont annoncé leur volonté d'abandonner l'énergie nucléaire illustre les limites du recours aux énergies renouvelables. Ainsi, en Allemagne, les électriciens estiment que la politique énergétique de leur pays n'est pas soutenable à l'horizon de vingt ans et il existe un projet russe de construction de neuf centrales nucléaires destinées à exporter de l'électricité vers l'Allemagne. Il est nécessaire de développer simultanément les énergies renouvelables et l'énergie nucléaire, dont on peut envisager qu'elle ne fournisse qu'une part comprise entre la moitié et les deux tiers de notre électricité. L'idée de substituer une production massive d'origine renouvelable à une production massive d'origine nucléaire n'est pas réaliste. En revanche, il est clair que si le recul de la part de l'électricité d'origine nucléaire conduit à développer la production d'électricité à partir du gaz, le développement concomitant des énergies renouvelables sera nécessaire pour maîtriser nos émissions de dioxyde de carbone et respecter les engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto.

M. Christian Bataille s'est tout d'abord réjoui du rôle reconnu du Parlement en matière de politique énergétique et a indiqué que, sans être inquiet du poids qu'aura le rapport présenté à la Commission, il se féliciterait, le cas échéant, de ce que le Gouvernement en tienne compte dans ces décisions comme cela a été le cas, par le passé, notamment en ce qui concerne les déchets nucléaires.

Puis, il a souligné les gains de production envisageables grâce à une meilleure disponibilité des installations nucléaires existantes en rappelant qu'aux Etats-Unis, des efforts de productivité avaient ainsi permis d'accroître la production d'électricité d'une quantité équivalente à celle fournie par plusieurs réacteurs et que des marges de progression en la matière existaient incontestablement en France.

Enfin, après avoir rappelé que la production d'électricité d'origine nucléaire s'inscrivait nécessairement dans une perspective de long terme, il a estimé qu'elle nécessitait donc une certaine forme de planification, difficile à mettre en œuvre dans le contexte de marchés de l'électricité libéralisés.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné :

- M. Claude Gatignol rapporteur pour la proposition de résolution de M. Alain Bocquet (n° 567 rectifié) tendant à la création d'une commission d'enquête chargée d'examiner les causes et conséquences de la décision de fermeture du site de Noyelles-Godault (Pas-de-Calais), prise unilatéralement par le groupe industriel Métaleurop, ainsi que les responsabilités sociales et financières qu'il lui appartient d'assumer, et la proposition de résolution de M. Jean-Jacques Guillet (n° 568) tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions de fermeture de l'usine Métaleurop de Noyelles-Godault, ses conséquences sociales et environnementales et sur les responsabilités de ses dirigeants et actionnaires ;

- M. Dominique Le Mèner rapporteur pour la proposition de résolution de M. Christian Philip (n° 712) sur le deuxième paquet ferroviaire (documents E-1932, E-1936, E-1937 et E-1941).

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La Commission a ensuite procédé à la désignation de candidats pour siéger à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction :

comme membres titulaires :

comme membres suppléants :

MM. Patrick Ollier (UMP)

Jean Proriol (UMP)

Serge Poignant (UMP)

Francis Saint-Léger (UMP)

Jean-Pierre Nicolas (UMP)

Mme Odile Saugues (SOC)

M. Philippe Tourtelier (SOC)

MM. André Flajolet (UMP)

Claude Gatignol (UMP)

Jean-Pierre Decool (App. UMP)

Jean-Claude Lenoir (UMP)

Jean Dionis du Séjour (UDF)

Pierre Cohen (SOC)

n (CR)

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