COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 5

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 15 octobre 2003
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire


2

- Examen pour avis des crédits pour 2004 :

 

- Plan (M. André Chassaigne, rapporteur)

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- Aménagement du territoire (M. Jacques Le Nay, rapporteur)

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La Commission a entendu M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire sur les crédits de l'aménagement du territoire pour 2004.

A titre préliminaire, le président Patrick Ollier a rappelé non seulement l'attachement de la Commission des affaires économiques à l'examen des crédits de l'Aménagement du territoire et du Plan, mais aussi son investissement personnel constant en faveur d'un développement équilibré du territoire national.

Il a estimé que la politique d'aménagement du territoire était contrainte d'évoluer dans la perspective de l'élargissement européen et de la globalisation de l'économie, en substituant à l'assistanat des territoires une logique de développement de leur attractivité fondée sur le principe d'une coproduction des politiques de développement local. Il s'est dit favorable aux orientations politiques exprimées lors du Comité interministériel à l'aménagement du territoire (CIADT) du 13 décembre 2002, ainsi qu'à celles résultant du CIADT du 26 mai 2003 en faveur de l'accompagnement des mutations économiques des territoires.

Il a en outre estimé que le budget de la DATAR, s'il enregistrait une légère baisse en 2004, traduisait la volonté louable du ministre de limiter les dépenses de fonctionnement de la Délégation afin d'accroître les crédits d'intervention destinés à financer ses nouvelles priorités. Il a enfin exprimé sa satisfaction devant la contribution de la DATAR aux débats de l'Assemblée nationale dans le domaine de l'aménagement du territoire, notamment dans le cadre du débat sur les infrastructures publiques réalisé au printemps 2003 dont les conclusions devraient être mieux prises en compte par le Gouvernement.

Il a ensuite posé les questions suivantes :

- estimant que la perspective de la décentralisation allait libérer les initiatives des collectivités locales, impliquant la mise en œuvre d'une politique de cohésion cohérente à l'échelon national, il a demandé si le Gouvernement entendait approfondir sa politique de péréquation, dont le principe avait été affirmé dans le cadre de la loi LOADT du 4 février 1995 mais remis en cause par la loi LOADDT du 25 juin 1999 ;

- il s'est interrogé sur la modestie des crédits destinés aux contrats de plan Etat-régions dans le projet de budget pour 2004 ;

- il a souhaité que la collaboration entre le ministère de l'Aménagement du territoire et la Commission des affaires économiques soit approfondie, afin que de nouvelles marges de manœuvre financières puissent être définies en vue du projet de budget pour 2005 ;

- rappelant que l'aménagement du territoire faisait partie des missions régaliennes de l'Etat, il a estimé que son budget méritait d'être préservé autant que ceux d'autres ministères.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, a indiqué que sa politique visait à anticiper les mutations territoriales, à construire un véritable partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales, et à mieux gérer les crédits disponibles dans le cadre des fonds structurels européens et des contrats de plan Etat-régions.

Rappelant l'ampleur des réorganisations industrielles affectant les territoires, il a affirmé la nécessité d'anticiper les mutations économiques et sociales, mais aussi de développer l'attractivité des territoires dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne, risquant d'entraîner une délocalisation de la majorité des investissements en Europe centrale.

A cet effet, il a indiqué que la DATAR avait mis en œuvre une réflexion visant à analyser les modalités probables de ces mutations, ce qui permettrait ensuite de mettre en œuvre les mesures politiques propres à consolider nos industries traditionnelles ou à attirer les nouvelles entreprises. Il a néanmoins regretté devoir également réagir aux situations de crise, par exemple récemment par la signature des contrats de sites destinés à pallier les conséquences économiques et sociales, souvent dramatiques sur le plan humain, de la fermeture d'entreprises majeures dans certaines régions. En dépit des aspects positifs de ce type de mesures, il a néanmoins reconnu qu'elles ne permettaient pas d'anticiper les mutations économiques, notamment le recul du secteur secondaire au profit du secteur tertiaire. En réaction à ce constat, la DATAR a donc développé des structures d'ingénierie adaptées, dans le respect de la maîtrise des dépenses de cette administration, dont les moyens de fonctionnement sont très limités au regard des moyens d'intervention.

Il a par ailleurs indiqué que la DATAR avait pour mission naturelle d'animer le débat public relatif à l'aménagement du territoire, y compris dans le domaine des infrastructures de transport. Il a en outre estimé que la consolidation des perspectives de la croissance française, nécessaire en vue de l'élargissement de l'Union européenne, passait certes par des politiques en faveur de la qualification de la main-d'œuvre, de la recherche et de l'innovation, mais aussi en faveur des infrastructures de transport. A titre d'exemple, il a évoqué les cas des ports du Havre et de Marseille, dont le développement implique une liaison avec les ports de l'Europe du Nord. Cette nécessité poussera le Gouvernement à tirer les conséquences du débat sur les infrastructures de transport et leurs modalités de financement avant la fin de l'année 2003.

Il a en outre indiqué que la DATAR avait pour mission de préparer les décisions des CIADT successifs ; ainsi le CIADT du 26 mai 2003, arrêtant de nombreuses mesures en faveur du monde rural, a été préparé par une évaluation des nouvelles réalités du monde rural de la DATAR, permettant les choix politiques adéquats en matière, notamment, d'accès au haut débit ou en matière de téléphonie mobile, qui se traduiront par la construction des premiers pylônes avant la fin de l'année 2003. A cet égard, il s'est félicité que les collectivités locales participant aux plans de couverture en téléphonie mobile dans les zones blanches puissent bénéficier d'un versement du fonds de compensation de la TVA (FCTVA), mesure exceptionnelle représentant un effort considérable.

S'agissant du maintien des services publics, et particulièrement des services postaux, il a affirmé que le ministère suivait quatre expériences dans quatre départements permettant de redéfinir les modalités de l'offre de services publics dans les territoires, rejetant par ailleurs les logiques de moratoire ou de réorganisation sectorielle par chaque administration de ses prestations de service public. Il a donc affirmé la volonté de voir émerger une volonté politique locale, au niveau des établissements publics de coopération intercommunale et des pays, dont son ministère a considérablement simplifié le fonctionnement, mais aussi au niveau de la société civile qui doit devenir un acteur du développement local.

Il a donc indiqué qu'il était désireux de répondre aux situations de crise tout en continuant à anticiper les mutations profondes du territoire, grâce à une collaboration entre les collectivités locales, le ministère de l'Aménagement du territoire et la DATAR, formalisée par des projets globaux et cohérents propres à développer les perspectives d'avenir parfois limitées des territoires.

Dans la perspective de la décentralisation, il a estimé que les principes de liberté et d'égalité des collectivités locales devaient être coordonnés, grâce à un dispositif de péréquation financière adaptée, dont le principe est d'ailleurs maintenant inscrit dans la Constitution. Un outil de péréquation est en cours d'élaboration, permettant de mettre en relation les compétences transférées aux collectivités locales et les ressources qui doivent leur être affectées, comme c'est par exemple le cas pour la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), au lieu de financer les transferts de compétence par une augmentation de la dotation de l'Etat aux collectivités, ce qui conduit à accroître la dépendance de ces collectivités. Il a en outre indiqué mener des réflexions sur le transfert de compétences sociales.

S'agissant du défi de la gestion des fonds structurels européens, il a indiqué que le Premier ministre avait pris en 2002 plusieurs mesures destinées à en améliorer la consommation - en conséquence desquelles leur taux de programmation est passé de 15 % en 2002 à 44 % en 2003 - tout en reconnaissant que le taux de consommation dans certaines régions suscitait des inquiétudes.

Le ministre a affirmé vouloir défendre la conception française de cohésion régionale auprès des autres Etats membres de l'Union européenne, sachant que ces derniers sont actuellement très divisés entre les pays désireux de réduire leur contribution au budget communautaire et les pays voulant continuer à bénéficier des fonds structurels, tandis que les nouveaux entrants dans l'Union voudraient profiter des mêmes aides que les Etats membres.

Compte tenu du fait que le budget communautaire est limité, il a affirmé vouloir préserver la partie des crédits destinée à assurer la convergence des territoires ayant un produit intérieur brut inférieur à 75 % de la moyenne européenne, mais aussi développer les interventions communautaires en faveur des grandes infrastructures de transport, en faveur des politiques transversales européennes, par exemple à destination des zones de montagne, et enfin en faveur des villes.

S'agissant des crédits mobilisés par le biais des contrats de plan Etat-régions, il a indiqué que le projet de budget pour 2004 avait prévu une somme correspondant au septième du montant total. En outre, il a convenu que la comparaison des crédits votés en loi de finances initiale pour 2003 et 2004 suscitait certaines critiques, mais il a affirmé que la prise en compte du niveau de consommation des crédits permettait de relativiser ces critiques. A titre d'exemple, il a indiqué que le titre IV de la loi de finances initiale pour 2004 totalisait près de 75 millions d'euros de crédits, enregistrant une forte augmentation par rapport aux 59 millions d'euros votés en 2003. En fait, les crédits effectivement disponibles compte tenu des reports passent en exécution de 90 millions d'euros à 80 millions d'euros entre 2003 et 2004, ce qui doit inciter chacun à beaucoup de circonspection dans les comparaisons entre deux lois de finances. En outre, les crédits prévus pour 2004 au titre VI permettront d'assurer le financement des CPER et de respecter les engagements pris lors des derniers CIADT, mais les autorisations de programme et les crédits de paiement destinés à la prime d'aménagement du territoire vont être diminués afin de concentrer ces moyens sur les projets structurants en matière d'aménagement du territoire.

Il a par ailleurs tenu à féliciter la DATAR pour la rationalisation de ses moyens de fonctionnement, réalisée par le non remplacement d'un départ sur deux, et par une réduction de la subvention de la Délégation à l'association Entreprises, territoires et développement (ETD), dont les ressources seront désormais pour un tiers assurées par les collectivités locales, et pour un tiers par le revenu de ses prestations. Il a enfin indiqué que certaines subventions finançant des organismes aux missions essentiellement environnementales avaient été retirées du budget de l'Aménagement du territoire pour être imputées sur le budget de l'Environnement. Il a en outre affirmé avoir entendu les critiques de l'Assemblée concernant le financement de l'Institut des hautes études de développement et d'aménagement du territoire.

En conclusion, il a indiqué que les priorités de ce projet de budget consistaient, dans le cadre d'une rationalisation des moyens de fonctionnement, à conforter la mission essentielle d'anticipation des mutations territoriales du ministère de l'Aménagement du territoire, dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne.

Indiquant que le budget de l'aménagement du territoire était traditionnellement un budget important de la Commission des affaires économiques, M. Jacques Le Nay, rapporteur pour avis des crédits de l'aménagement du territoire, s'est félicité de la préservation des crédits destinés à l'aménagement du territoire, qui augmentent globalement de près de 2 % en crédits de paiement.

Il a estimé que les moyens destinés à l'aménagement du territoire avaient été rationalisés. Ainsi, les moyens de fonctionnement de la DATAR enregistrent une baisse de 2,3 %, ce qui s'explique par la volonté du ministre de limiter les reports de crédits. En outre, il a indiqué que la subvention à l'Agence française des investissements internationaux (AFII) serait simplement reconduite en 2004, et que les dotations aux associations subventionnées par la DATAR seraient légèrement réduites.

A l'inverse, il a estimé que les crédits d'intervention et les subventions d'investissement destinés à l'aménagement du territoire allaient être globalement augmentés. Ainsi, les crédits du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) augmentent de 5 % en 2004, permettant un meilleur financement des CPER et des priorités du Gouvernement fixées dans le cadre des CIADT. En revanche, il a jugé regrettable que les crédits mobilisés dans le cadre de la prime à l'aménagement du territoire (PAT) soient en baisse de plus de 11 % en crédits de paiement et de près de 25 % en autorisations de programme.

Par ailleurs, il a estimé que les objectifs de la politique d'aménagement du territoire avaient fait l'objet d'une clarification, à travers des engagements concrets pris par le Gouvernement. Il s'est félicité du fait que le Gouvernement ait décidé de réaffirmer la nécessité d'une solidarité nationale en faveur des territoires ruraux et montagneux, en réunissant le 3 septembre 2003 un CIADT exclusivement consacré au monde rural, et en examinant le même jour en Conseil des ministres le projet de loi en faveur des territoires ruraux.

Il a estimé que le Gouvernement avait fixé un cap politique clair en programmant une réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR), de leur zonage et de leur dispositif fiscal afin qu'elles soient mieux adaptées à la réalité d'un monde rural profondément modifié par les évolutions économiques et sociales récentes.

Il a enfin félicité le Gouvernement pour sa volonté de réduire la fracture numérique, notamment grâce à la signature du plan d'extension de la couverture du territoire en réseaux de téléphonie mobile le 15 juillet 2003, prévoyant l'installation de 1 250 sites nouveaux, avec un soutien de l'Etat à hauteur de 44 millions d'euros.

S'agissant de la desserte du territoire en liaisons Internet à haut débit, il a indiqué qu'une étude préoccupante de la DATAR avait récemment mis en évidence les faibles progrès de la couverture du territoire. Constatant que les collectivités locales avaient déjà réagi, en mettant en œuvre près de 163 projets d'extension, il a jugé que le Gouvernement pourrait également participer financièrement à cet effort.

Enfin, il a indiqué que certains outils de la politique d'aménagement du territoire pouvaient encore faire l'objet de perfectionnements. Ainsi, les CPER, appréciés par de nombreux élus pour leur logique contractuelle, auraient déjà fait l'objet de certaines améliorations fonctionnelles, mais souffriraient encore d'un retard dans l'engagement des dépenses. Il a estimé que la révision à mi-parcours des CPER pouvait être l'occasion de résoudre ces problèmes.

Il a en outre indiqué que la mauvaise utilisation des fonds structurels européens avait été remarquée par de nombreux élus en 2002, ce qui avait permis une amélioration du taux d'engagement des crédits au premier semestre 2003. Il a néanmoins estimé qu'il était aujourd'hui urgent de communiquer auprès des collectivités locales sur le bilan à mi-parcours du programme 2000-2006 des fonds structurels, et sur le redéploiement possible des lignes de crédits.

Après avoir invité la Commission à adopter les crédits de l'aménagement du territoire, il a posé les questions suivantes :

- quelle sera la portée de la révision à mi-parcours des CPER ?

- Quelles mesures peuvent être prises pour améliorer l'utilisation des fonds structurels sans compromettre la réalisation des projets dont les dossiers sont actuellement en cours d'instruction ?

- En fonction de quel principe le zonage des ZRR sera-t-il réformé ? Prendra-t-il en compte, dans un souci de cohérence, l'évolution économique et sociale des 10 dernières années ?

S'exprimant au nom du groupe UMP sur les crédits de l'aménagement du territoire, M. Jacques Bobe s'est réjoui du projet de budget, en progression de 1,9 % par rapport à 2003. Il a souligné que les moyens des services diminuaient de 2,27 %, tandis que les crédits consacrés aux interventions publiques augmentaient de 28 % et ceux concernant les subventions d'investissement progressaient de 5,71 %. Il a jugé que l'essentiel avait été sauvegardé et que l'objectif consistant à réduire les charges de fonctionnement au profit des investissements avait été atteint. Il a également signalé qu'en tenant compte des interventions d'autres départements ministériels et des fonds européens en matière d'aménagement du territoire, 10,753 milliards d'euros étaient consacrés à cette politique.

S'agissant du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), il a observé que les autorisations de programme passaient de 202 millions d'euros en 2002 à 228 millions d'euros en 2004, les crédits de paiement passant quant à eux de 133 millions d'euros à 143 millions d'euros. Il a indiqué que ces concours concernaient en particulier des opérations contractualisées dans le cadre des contrats de plan Etat-régions mais aussi des opérations non contractualisées concernant des engagements de longue durée. S'agissant des crédits consacrés aux opérations contractualisées, il s'est réjoui de constater qu'ils étaient en augmentation très sensible (36 millions d'euros en 2004 contre 20 millions d'euros en 2003). Il a néanmoins jugé nécessaire d'alerter le ministre sur la nécessité de garantir un taux de réalisation des programmes des contrats de plan conforme aux prévisions et a souhaité que la révision à mi-parcours de ces contrats ne conduise pas à une diminution de l'engagement de l'Etat, notamment en matière d'infrastructures routières et aériennes destinées au désenclavement de régions isolées, ce qui aurait un impact très préjudiciable à l'aménagement du territoire. Il a également plaidé en faveur d'un recentrage des grands projets sur les régions en difficulté.

Puis, il a noté que le projet de budget prévoyait des autorisations de programme à hauteur de 50 millions d'euros en faveur de la prime à l'aménagement du territoire (PAT), enregistrant un recul de 25 % par rapport aux dotations prévues en 2003, ainsi que des crédits de paiement à hauteur de 40 millions d'euros, soit une diminution de 11 %. Il a craint que ces baisses ne mettent en cause des projets de développement dans des zones particulièrement sensibles.

Abordant la question de l'économie numérique, il a jugé que la suppression des « zones blanches », c'est-à-dire non couvertes par les réseaux de haut débit et de téléphonie mobile, était essentielle et a estimé qu'à cet égard, les décisions prises dans le cadre du CIADT, ainsi que la possibilité donnée aux collectivités locales de devenir opérateurs, étaient très positives. Il a souhaité que le calendrier de mise en œuvre de cette politique soit rapidement arrêté et diffusé.

Puis, évoquant l'aménagement spécifique de l'espace rural, M. Jacques Bobe a souligné l'importance du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, qui sera débattu prochainement par le Parlement. Il a plaidé en faveur d'une concertation étroite entre les différentes parties concernées afin d'assurer la cohérence globale de la politique d'aménagement du territoire en milieu rural, en particulier s'agissant des services publics.

En conclusion, M. Jacques Bobe a estimé que le projet de budget de l'aménagement du territoire présentait des aspects très positifs, dans un contexte économique difficile. Il a toutefois jugé nécessaire qu'à terme, la politique nationale d'aménagement du territoire soit plus lisible et cohérente, l'action de Mme Dominique Voynet, sous la précédente législature, ayant en effet complètement brouillé les orientations et les objectifs dans ce domaine. Il a souhaité qu'une réflexion débouchant sur une redéfinition de cette politique soit conduite, dans le souci de faire de l'aménagement du territoire un instrument de cohérence, de justice et d'équité, en concertation avec les structures locales.

S'exprimant au nom du groupe socialiste sur les crédits de l'aménagement du territoire, M. Pierre Cohen a jugé qu'il n'était pas sérieux d'insister sur la croissance des crédits inscrits dans le projet de budget, compte tenu des annulations de crédits opérées en 2003 et a estimé que dans un tel contexte, l'annonce d'une progression des moyens consacrés au FNADT n'était pas crédible. Il a par ailleurs observé qu'en raison de son rôle de coordination et d'orientation, le ministère chargé de l'aménagement du territoire était particulièrement exposé à de nouvelles annulations de crédits en 2004.

Puis, évoquant les contrats de plan Etat-régions, M. Pierre Cohen a rappelé le gel de 20 % des crédits en 2002 et 2003, doutant de la volonté du Gouvernement de renforcer ces instruments. Il a en outre fait observer qu'un certain retard était pris dans la signature de nouveaux contrats territoriaux et notamment d'agglomérations, soulignant que cela n'avait pas été le cas pour les contrats de pays, qui ont connu un réel succès. Estimant qu'en réalité le Gouvernement ne considérait pas les contrats de plan comme un élément déterminant de la politique d'aménagement du territoire, il a craint que les collectivités locales n'aient finalement à prendre en charge l'essentiel du financement des infrastructures prévues dans ces contrats et a observé que la majorité parlementaire elle-même semblait inquiète sur ce point.

Abordant la question de la téléphonie mobile, il a regretté le ton ironique du ministre lorsque celui-ci avait fait le bilan de l'action du précédent gouvernement en la matière, et noté que l'action de l'actuel Gouvernement, en place depuis plus de 18 mois, se résumait à avoir fait bénéficier seulement deux opérateurs de la couverture du territoire en téléphonie mobile. Il a jugé cette situation regrettable, de nombreuses collectivités locales étant conduites, sous la pression de ces opérateurs, à prendre en charge une part croissante du financement des nouvelles infrastructures.

Concernant l'intercommunalité, il a fait part de l'inquiétude des structures percevant la taxe professionnelle unique (TPU), aujourd'hui confrontées à un contexte économique difficile, citant notamment les communautés d'agglomérations. Il a demandé si le Gouvernement envisageait la mise en place de nouveaux moyens pour encourager la constitution de structures intercommunales, qui avait été particulièrement intense en 2001 et 2002.

Enfin, il a regretté que les crédits consacrés à la PAT aient été revus à la baisse, estimant que si le zonage actuel posait problème, il aurait été plus efficace de restreindre le nombre de territoires éligibles, sans pour autant réduire le montant des crédits affectés à la PAT.

Après avoir observé la baisse de nombreuses dotations au sein du budget de l'aménagement du territoire, M. André Chassaigne, s'exprimant au nom du groupe Député-e-s communistes et républicains, a déploré que des contrats de sites aient été engagés sur 13 sites sans que les critères d'éligibilité à de tels contrats aient été clairement définis. Notant que ces contrats avaient essentiellement vocation à répondre en « sapeur-pompier » à des restructurations douloureuses, il s'est étonné de constater que d'autres territoires, dans une situation tout aussi difficile, ne puissent bénéficier de ce dispositif. Il a donc demandé sur quels critères étaient retenues les zones éligibles à ces contrats de sites, dont il a rappelé qu'ils permettaient aux territoires concernés de bénéficier de financements parfois importants de l'Etat, tandis que les autres zones doivent se contenter d'un accompagnement technique et social financé à partir de dispositifs existants.

Puis, évoquant les contrats de plan Etat-régions, il a déploré le retard important pris dans leur exécution. Citant l'exemple de la région Auvergne, il a souligné le désengagement de l'Etat dans des domaines essentiels, comme les interventions dans les bassins hydrographiques, l'action sanitaire et sociale ou l'accueil des personnes âgées, alors que la région a respecté ses engagements financiers. Il a donc souhaité que le ministre établisse un bilan des contrats de plan.

S'agissant de la téléphonie mobile, M. André Chassaigne a rejoint les propos de M. Pierre Cohen pour déplorer l'ironie dont avait fait preuve le ministre à l'égard de l'action du précédent gouvernement et a demandé au ministre de dresser un bilan de la programmation dans ce domaine. Il a également souligné les estimations très divergentes concernant la couverture du territoire national par les réseaux de téléphonie mobile, certains allant jusqu'à avancer que 15 000 communes ne sont pas couvertes.

M. André Chassaigne a ensuite souhaité savoir dans quelle mesure le Gouvernement entendait contraindre la Poste à maintenir ses bureaux de poste en milieu rural.

Enfin, évoquant l'Internet à haut débit, il a rappelé qu'un inventaire des différentes technologies disponibles avait été dressé lors du dernier CIADT, qui avait par ailleurs évoqué la création d'une mission d'expertise et de conseil sur ce sujet. Il a souhaité que le ministre fasse le point sur la mise en place de cette structure, soulignant que les collectivités locales avançaient « en ordre dispersé » sur la question de l'accès à un réseau Internet à haut débit.

En réponse aux premiers intervenants, M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, a ensuite apporté les précisions suivantes :

- les crédits de fonctionnement de la DATAR ont effectivement été rationalisés, mais les moyens d'intervention et les subventions d'investissement ont, en contrepartie, été augmentés. En conséquence, la DATAR aura consommé très probablement près de 94 % des ses crédits à la fin de l'année 2003 contre seulement 49 % en 2002. Elle n'aura donc plus d'excédent de trésorerie, ce dont le ministre s'est félicité ;

- s'agissant de la fracture numérique, le coût de la couverture du territoire par des technologies classiques, de l'ordre de 11 à 12 milliards d'euros, est trop important pour pouvoir être financé. Il convient donc d'utiliser les technologies alternatives, comme les réseaux à basse tension ou la technologie satellitaire. Ces options, annoncées par le Premier ministre dans le cadre du plan « RESO 2007 » seront rapidement mises en œuvre ;

- en matière de téléphonie mobile, le précédent Gouvernement avait prévu le financement de l'extension du réseau par l'Etat, les collectivités locales et les opérateurs, à hauteur de 500 millions d'euros chacun. Suite à la baisse du prix des licences UMTS, il a néanmoins demandé aux opérateurs une participation plus importante, entraînant l'exigence des opérateurs de voir chaque pylône exploité en exclusivité, ce qui a eu pour effet de rendre le plan de couverture inopérant. Le présent Gouvernement a donc réétudié ce dossier en privilégiant le principe de l'itinérance, c'est-à-dire l'accessibilité des pylônes à tous les opérateurs. Le financement de l'Etat est aujourd'hui assuré à hauteur de 44 millions d'euros et délégué aux préfets de région, sachant par ailleurs que la participation des communes sera nécessaire pour installer 1 250 pylônes et équiper 1 850 communes. Actuellement, près de 80 % des plans régionaux de couverture ont déjà été transmis au ministère.

En outre, la sécurisation juridique de la capacité des collectivités locales à investir sera bientôt assurée. Par ailleurs, la signature prochaine d'une convention précisera les modalités de répartition de l'entretien du réseau et de la récupération au titre du FCTVA entre les opérateurs et les collectivités territoriales.

Après avoir noté que le temps de préparation du plan de couverture avait été plus long que prévu, le ministre s'est engagé à ce que sa mise en œuvre soit rapide et efficace, proposant par ailleurs de dresser un bilan en 2004 ;

- le retard d'environ une année dans la mise en œuvre des contrats de plan Etat-régions s'explique par le fait que, pour certains projets, aucun crédit n'avait été programmé, que d'autres se sont révélés difficiles à mettre en œuvre, et qu'une troisième catégorie n'a pu être mise en œuvre pour des raisons budgétaires.

Il conviendra par conséquent de réfléchir avec les élus locaux sur la nature de la future génération de CPER, sachant que leur durée et leur périmètre pourraient être adaptés selon les régions et en fonction des projets qui peuvent parfois se réaliser sur 10 ou 15 ans, quitte à ce que les études nécessaires à leur mise en œuvre soient financées séparément ;

- le taux de réalisation du CPER de l'Auvergne est de 45 % ;

- la baisse des crédits de la prime à l'aménagement du territoire (PAT) s'accompagnera d'un recentrage des aides sur des programmes structurants. Lorsque la contrainte budgétaire sera plus faible, il sera possible de réfléchir à l'augmentation des moyens d'investissement ;

- s'agissant de l'intercommunalité, sans vouloir se montrer critique à l'égard de la loi du 25 juin 1999 dite « loi Voynet » ou à l'égard de la loi de la loi du 12 juillet 1999 dite « loi Chevènement », il faut reconnaître qu'elles ont contribué à alourdir le fonctionnement des pays imaginé par M. Charles Pasqua. La simplification intervenue dans le cadre de la loi du 2 juillet 2003 dite « loi urbanisme et habitat » devrait permettre aux pays de devenir un véritable projet de territoire ;

- les contrats de site ont effectivement été mis en œuvre sans critères d'éligibilité en réaction à la fermeture de l'usine MetalEurop de Noyelles-Godault ; ils impliquent une mobilisation des différents acteurs locaux et nationaux pour assurer le rétablissement d'une économie locale affectée par la fermeture d'un site industriel important. Ces contrats sont limités en nombre pour ne pas banaliser le concept d'une aide qui s'est voulue ponctuelle. Le Gouvernement a ainsi désiré exprimer la solidarité nationale face aux restructurations industrielles affectant certains bassins d'emploi ;

- le processus de révision à mi-parcours des CPER a été demandé par neuf régions dès 2003, les autres préférant laisser passer les échéances électorales de 2004. En tout état de cause, cette révision ne saurait conduire à une remise en cause du principe même de la contractualisation ;

- l'engagement des fonds européens atteint en 2003 le taux convenable de 44 %, mais leur taux de consommation reste à un niveau préoccupant dans certaines régions. Une certaine souplesse dans leur mise en œuvre a été demandée aux préfets, que les élus locaux doivent exploiter pour ajuster les crédits disponibles en fonction des projets déposés.

Plusieurs orateurs sont ensuite intervenus.

M. Jean-Claude Flory, s'appuyant sur sa propre expérience de maire d'une petite commune ardéchoise, a estimé que la DATAR avait joué un rôle majeur et avait encore une mission déterminante à remplir pour répartir les soutiens communautaires et répondre à l'attente des zones rurales fragiles, touchées plus que d'autres par les mutations économiques. Il a observé que les élus locaux des territoires défavorisés, dans des départements tels que les Hautes-Alpes ou le Cantal, pouvaient s'appuyer efficacement sur le remarquable pôle d'expertise et de compétence de la DATAR, en particulier s'agissant des pôles d'économie du patrimoine et des programmes de développement ou de reconversion économique. Il a jugé nécessaire, en conséquence, d'accroître les soutiens accordés à la DATAR, dont les coûts de fonctionnement ne dépassent pas 5 % du budget dont elle a la charge.

M. Léonce Deprez a souhaité savoir si le ministre considérait l'aménagement du territoire comme un devoir majeur du Gouvernement pour le nouveau siècle, estimant que une politique d'aménagement du territoire était nécessaire dans une économie libéralisée. Il a appelé le ministre à exprimer clairement cette idée fondamentale face aux responsables publics qui laissent entendre avec légèreté que l'omnipotence du marché doit conduire à renoncer à toute politique volontariste de régulation et de rééquilibrage territorial.

Il a par ailleurs fait part de son soulagement après l'annonce de la poursuite des contrats de plan Etat-régions (CPER), outil essentiel dont la mort était pourtant annoncée par certains articles de presse. Il a donc approuvé le maintien des lignes directrices de ces instruments, soulignant qu'un grand nombre de territoires devaient recevoir un financement.

Il a enfin rappelé que la Commission avait décidé la création d'une mission d'information consacrée aux problèmes liées à l'application de la loi du 3 janvier 1986 dite « loi Littoral », dont les travaux révélaient à ce stade que des décrets et des moyens juridiques nécessaires à son application n'avaient pas été mis en oeuvre. Il a observé que cette situation avait conduit les tribunaux administratifs et les trois ministères concernés à se substituer au législateur, ce qui a pu occasionner des dérives technocratiques. Il a donc souhaité que les travaux de cette mission d'information trouvent un prolongement dans la politique d'aménagement du territoire menée par le Gouvernement.

M. Yves Simon a estimé que le taux de consommation des crédits des fonds structurels aurait été meilleur si l'engagement des sommes correspondantes avait débuté dès le début de l'année 2000 et non à la fin de l'année 2001. Il s'est en outre inquiété, compte tenu du taux actuel d'engagement de 45 %, du risque que la France ne puisse pas engager l'ensemble de ses crédits au terme de la période 2000-2006. Il a par ailleurs souhaité savoir si une remise en cause des fiches élaborées pour les documents uniques de programmation (DOCUP) avec l'accord de la Commission européenne était envisagée, une telle évolution étant inacceptable. Il s'est en outre inquiété des dégagements d'office possibles sur le programme Leader +, ces derniers ayant déjà démarré avec deux ans et demi de retard.

S'agissant des réseaux, il a indiqué que de nombreux élus attendaient une modification des textes en vigueur, de façon à permettre l'intervention des collectivités locales, et en particulier des départements pour les questions sur lesquelles le conseil général dispose de l'initiative. Il a suggéré de mener une réflexion visant à autoriser un amortissement progressif des projets, dont le lancement suppose une forte consommation de crédits au cours des premières années de gestion.

Il a enfin observé que les mutations économiques et les déplacements de population pouvaient conduire certains départements à gagner 1 500 habitants par mois quand d'autres en perdaient autant et a souhaité savoir comment de telles évolutions pourraient être régulées.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont a estimé que le programme de lutte contre la fracture numérique présenté par le Gouvernement n'était pas convaincant, les élus locaux constatant que les moyens engagés sur le terrain ne correspondaient pas à la volonté affichée. Elle a rappelé que les fonds de l'Etat, promis aux collectivités locales lors du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 13 décembre 2002 dans le cadre du cofinancement, n'étaient toujours pas mobilisés à ce jour. Elle a ainsi précisé que la répartition d'une première enveloppe entre les régions, calculée au prorata du nombre de communes, pourrait ne pas être suivie du versement du solde, qui devait pourtant intervenir avant la fin de l'année 2003. Elle a jugé cette situation d'autant plus regrettable que l'enveloppe initiale avait sous-évalué les investissements nécessaires dans de nombreuses régions.

Elle s'est également inquiétée de l'éventuel prélèvement des ressources nécessaires à la couverture complète du territoire national en téléphonie mobile sur les fonds destinés à la desserte en Internet à haut débit, jugeant qu'une telle démarche constituerait, malgré l'appui de certains élus, un subterfuge condamnable, au moment où le haut débit contribue beaucoup à l'intégration économique de la France dans l'Union européenne. Elle a estimé que le transfert de compétences aux collectivités locales n'était pas suivi du transfert des moyens nécessaires, en matière de téléphonie mobile notamment, et a jugé de ce fait que le partenariat entre l'Etat et les collectivités locales était mal engagé.

M. Alain Cousin a remarqué que l'expertise des fonctionnaires de la DATAR était indispensable pour les élus locaux et suggéré des rencontres plus fréquentes, les progrès constatés devant être poursuivis compte tenu de la technicité croissante des projets. Il a noté une amélioration des relations entretenues par les élus avec les secrétaires généraux à l'action régionale (SGAR) et a appelé à poursuivre l'effort s'agissant de la représentation territoriale des commissaires.

Il a regretté l'évolution surprenante et parfois injuste des zonages des fonds structurels et de la prime d'aménagement du territoire (PAT) et a appelé à réduire les inégalités engendrées par la PAT. Il a souhaité que la souplesse de gestion de ces crédits soit accrue et que soit étudiée, dans cette optique, la possibilité de transférer les fonds structurels des zones classées « Objectif 2 » vers des zones en soutien transitoire. Il a également approuvé l'idée, défendue par le ministre au niveau européen, de doubler le plafond en dessous duquel l'aide publique à une entreprise ne devra plus être notifiée aux instances communautaires (règle dite « de minimis ») et a souhaité savoir quels résultats avaient été obtenus en la matière.

M. François Brottes a souhaité savoir de quelle marge de manœuvre le ministre chargé de l'aménagement du territoire disposait pour contrebalancer les approches trop sectorielles des autres ministres, en particulier concernant le rôle d'aménagement du territoire joué par des entreprises publiques telles que la Poste, Electricité de France ou France-Télécom. S'agissant du contrat de plan entre l'Etat et la Poste, il s'est interrogé sur la volonté et les moyens du ministère de maintenir sur l'ensemble du territoire national une présence postale permettant de garantir aux usagers un service réel et non symbolique.

Il a noté que le Gouvernement avait décidé d'assouplir l'application du principe de spécialité régissant l'établissement public Electricité de France et a suggéré, en conséquence, d'autoriser les collectivités locales à s'appuyer sur cet important partenaire afin de mener à bien de nouveaux projets.

Il a enfin regretté la fermeture de plusieurs dizaines de trésoreries, aboutissant à la disparition de points d'ancrage importants du service public, comme cela pourrait être le cas en matière postale. Il a regretté que les démarches engagées par les élus locaux auprès des préfets afin de mettre en place des dispositifs alternatifs tels que des maisons de service public, se heurtent à la logique implacable du ministère des Finances et a appelé le ministère en charge de l'aménagement du territoire à appuyer de telles propositions. Il a regretté que l'aménagement du territoire ne figure jamais au centre des préoccupations du Gouvernement et ne permette qu'une écoute symbolique des élus par les préfets.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Paul Delevoye, ministre de l'aménagement du territoire, a apporté les précisions suivantes :

- le soutien chaleureux apporté par M. Jean-Claude Flory à la DATAR justifie pleinement la place centrale que conserve cet établissement dans le dispositif d'intervention du ministère. Il développe son action au service de l'aménagement du territoire en prenant en compte deux dimensions fondamentales : l'insertion dans une perspective européenne, et la mise à disposition d'une capacité d'ingénierie de projet au service des acteurs locaux. Il gagnerait encore en puissance d'intervention s'il pouvait s'intégrer dans un logique de management très souple, par l'envoi de missions sur le terrain, certaines ressources techniques de haut niveau étant parfois insuffisamment mobilisées dans le cadre du fonctionnement normal de cette administration ;

- l'aménagement du territoire devient une dimension de l'action de l'Etat de plus en plus fondamentale dans le contexte actuel marqué par les progrès de la libéralisation, car il assure un contrepoids aux effets secondaires négatifs des forces du marché, lesquelles induisent parfois des déséquilibres démographiques ou sociaux, justifiant le recours à des outils juridiques correctifs. Son efficacité dépend d'une connaissance exacte des réalités du terrain qu'une approche chiffrée brute ne peut pas toujours fournir, car toute donnée doit être appréciée dans son contexte. Ainsi, un haut niveau local de PIB par habitant ne traduit pas forcément un réel dynamisme économique lorsqu'il est dû à une concentration de population de retraités, de même qu'un taux de chômage faible peut résulter mécaniquement d'un exode des jeunes. D'où l'importance du projet de mise en place d'un Observatoire des territoires ;

- les contrats de pays sont des instruments d'autant plus utiles qu'ils peuvent être ajustés avec souplesse aux besoins des projets d'aménagement envisagés. Ainsi, ils peuvent tout aussi bien fournir un cadre au développement touristique d'une façade maritime française, que fournir un espace de coopération économique transfrontalier entre le département du Nord et la Belgique, ou entre l'Alsace et la Rhénanie allemande ;

- la mission d'information de la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sur le littoral prend tout son sens dans un contexte où la Commission du littoral du Conseil national d'aménagement et de développement du territoire (CNADT) vient d'être mise en place sous la présidence de M. Jean-Paul Alduy. Il s'agit en ce domaine de trouver un équilibre entre les interventions du Conservatoire du littoral, et les rigidités des règles d'urbanisme qui gênent parfois, en dépit du bon sens, la réaffectation de certains éléments de patrimoine abandonnés ;

- la question de la validation des documents uniques de programmation (DOCUP) par la Commission européenne fera l'objet d'une réponse technique de la DATAR, de même que celle relative à la procédure de dégagement d'office dans le cadre du programme « Leader + ». L'idée de modifier les règles de comptabilité publique pour y introduire la possibilité d'un amortissement progressif des investissements à la place de l'amortissement linéaire mérite d'être examinée. Il existe de fait certaines règles de comptabilité publique, comme l'annualité, qui jouent parfois à l'encontre d'une bonne gestion du patrimoine, puisque, faute de pouvoir bénéficier d'une procédure d'amortissement, les collectivités publiques sont amenées, pour éviter un déficit budgétaire, à louer plutôt qu'à investir pour un coût finalement très supérieur sur longue période, ce qui est dommageable au total pour les finances publiques ;

- la participation de l'Etat à l'opération actuelle de couverture des zones blanches de téléphonie mobile est prévue à hauteur de 44 millions d'euros. Les 30 millions d'euros à la charge du ministère de l'Aménagement du territoire seront mobilisés à hauteur de 15 millions d'euros en 2003, 10 millions d'euros en 2004 et 5 millions d'euros en 2005. Les 14 millions d'euros restant sont à la charge du ministère de l'Industrie. Pour ce qui le concerne, le ministère de l'Aménagement du territoire tiendra ses engagements ;

- une mobilisation de fonds européens sera possible, au profit des collectivités locales, sur les opérations de couverture en téléphonie mobile et en Internet à haut débit, bien que les commissaires européens Mario Monti et Michel Barnier aient manifesté au départ certaines réticences, arguant de risques de distorsion de concurrence ; mais ces craintes ne sont pas justifiées lorsqu'il s'agit de surmonter l'enclavement de certains territoires ;

- dans le domaine du raccordement à l'Internet à haut débit, certaines collectivités territoriales, départements ou régions, se sont d'ores et déjà engagées dans des opérations ambitieuses, dans des conditions qui font craindre la réédition du drame financier du plan « câble ». Des moyens d'ingénierie publique ont d'ailleurs été mobilisés pour aider les élus locaux à s'engager dans ce domaine à bon escient ;

- le recours au réseau d'électricité pour la distribution de l'Internet à haut débit, en utilisant le support des courants basse tension, fait l'objet d'une expérimentation, qu'il a été difficile de mettre en place, et qui ne remet pas en cause, pour l'instant, le principe de spécialité d'EDF ;

- il est vrai que la politique d'aménagement du territoire appelle aujourd'hui une mobilisation de l'intelligence, et doit donc faire une place importante à l'expertise ;

- s'agissant du principe de minimis limitant l'octroi de la prime à l'aménagement du territoire, il fait actuellement l'objet d'une négociation au sein des instances communautaires, auprès desquelles la France plaide pour un certain assouplissement. Cette souplesse doit permettre notamment d'orienter l'aide vers les petites entreprises, qui ne risquent nullement, dans la plupart des cas, de constituer une menace pour le libre jeu de la concurrence sur les marchés européens. Dans cette logique, la France demande un relèvement du plafond de 100 000 à 200 000 euros ;

- il est exact que le ministère de l'Aménagement du territoire a pour rôle de faire contrepoids à la logique de fonctionnement vertical des ministères régaliens. Une expérience permettant de faire prévaloir dans le processus d'ajustement de l'organisation administrative une logique horizontale et territoriale, est en cours dans quatre départements, où le préfet a reçu pouvoir de piloter complètement la réorganisation administrative, en partant d'une analyse des besoins locaux, et en mettant en place une nouvelle structure séparant d'un côté la gestion de l'accès au service public, et de l'autre le traitement des demandes, lequel a vocation à être centralisé au niveau de pôles d'intelligence. Il s'agit de faire émerger des solutions nouvelles dans un esprit constructif, au besoin en bouleversant les schémas traditionnels, qui conduisent trop souvent au constat d'une impossibilité de faire. C'est ainsi qu'un bureau de poste pourrait être amené à vendre des billets de train, que le patrimoine immobilier de la Poste libéré par une réorganisation de la distribution du courrier pourrait servir à instituer des maisons médicales de proximité, que les hôpitaux pourraient apporter localement leur soutien au maintien des personnes âgées à domicile, que les collèges pourraient héberger des activités de formation en apprentissage, ou de formation professionnelle continue, à côté des enseignements de l'Education nationale. Le Gouvernement s'occupera de lever, si nécessaire, les éventuels obstacles juridiques à ces solutions d'organisation originales. Ces expérimentations bénéficient sur le terrain d'un soutien actif des élus, qu'ils soient nationaux ou locaux, ainsi que des administrations, qui perçoivent leur avantage à entrer dans une logique de réorganisation « gagnant - gagnant » ;

- s'agissant du contrat de plan de la Poste, son contenu ne relève pas du ministère de l'Aménagement du territoire, puisque la tutelle de la Poste est assurée par le ministère de l'Industrie. Cependant, le ministère de l'Aménagement du territoire a demandé qu'il y soit fait mention du maintien de la qualité du service rendu, que celle-ci soit assurée, selon les situations locales, par la présence du facteur ou par l'amélioration de l'accessibilité des prestations fournies par la Poste.

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La Commission a ensuite examiné les crédits de l'aménagement du territoire pour 2004.

Conformément aux conclusions de M. Jacques Le Nay, rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'aménagement du territoire pour 2004.

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Puis, la Commission a examiné les crédits du Plan pour 2004.

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis des crédits du Plan, a estimé que le budget du Plan pour 2004 traduisait, encore un fois, le renoncement du Gouvernement à réaliser une véritable politique de planification, compte tenu du fait que les crédits de paiement baissent en effet de 5 % et les autorisations de programme de 5,2 %. Cette baisse des crédits se traduira par la suppression de trois postes budgétaires, et une réduction des crédits de fonctionnement et d'études à hauteur de 720 000 euros.

Indiquant que 90 000 euros seraient versés au profit du Commissariat général du Plan (CGP) afin de financer ses crédits de vacation, il a dénoncé cette mesure destinée à permettre de recourir à des experts extérieurs au CGP, mais conduisant à une certaine forme de précarisation de l'emploi public par ailleurs vérifiée dans l'ensemble des organismes constituant le Plan, puisque le nombre de titulaires a été réduit de 6 postes depuis 2002, alors que deux postes de contractuels ont été créés.

Il s'est par ailleurs interrogé sur l'avenir réservé au Plan par le Gouvernement, sachant que le rapport de la mission d'information et de contrôle présidée par M. Georges Tron, déposé le 21 mai 2003, avait proposé de priver le CGP de ses missions d'évaluation des politiques publiques, afin de les intégrer dans une nouvelle « instance nationale de l'évaluation ».

Il a néanmoins noté que le Gouvernement n'avait que partiellement répondu à cette proposition, puisque le Premier ministre, par une lettre de mission remise au Commissaire général du Plan, avait recommandé au CGP de recentrer ses recherches sur la prospective dite « de l'Etat stratège », en retirant au CGP ses missions d'évaluation des politiques publiques, sans créer de nouvelle instance d'évaluation, ce qui prive la Nation d'un important outil de contrôle de l'action du Gouvernement.

Il s'est en outre interrogé sur le point de savoir s'il n'était pas par nature paradoxal de vouloir faire de la prospective de long terme, en étant soumis à un impératif de réactivité de court terme.

Désireux de faire également des propositions concrètes, il s'est appuyé sur une étude du CGP montrant que les pays européens étaient en train de créer ou de renforcer leurs outils de planification pour proposer de renforcer les moyens du CGP afin qu'il puisse être saisi par le Parlement, voire rattaché à lui, lorsque certaines questions techniques méritaient une étude d'experts.

Il a estimé que, de cette manière, l'Etat pourrait véritablement orienter les mutations économiques, en se comportant en « Etat stratège », selon l'expression du Premier ministre, et non pas en sapeur pompier comme c'est le cas actuellement. Il a en effet estimé qu'en annonçant la signature d'une dizaine de « contrats de sites » au profit de régions particulièrement touchées par les restructurations industrielles ou par le retrait progressif de Giat Industrie, le Gouvernement témoignait de son incapacité à prévoir et planifier les mutations économiques territoriales, et a estimé que la création d'un véritable « observatoire des mutations économiques », proposé par le Gouvernement, pour redonner un contenu concret à sa politique de planification était sans objet puisque cet observatoire existait déjà à travers le CGP.

Notant en conclusion que le terme même de Commissariat général du Plan n'avait même pas été utilisé par le ministre, il a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du Plan pour 2004 et s'est interrogé sur les points suivants :

- quelle sera l'instance en charge de mener les missions d'évaluation des politiques publiques dont était chargé le CGP entre 1946 et 2003 ?

- Quelles mesures entend prendre le Gouvernement pour améliorer son anticipation des mutations économiques des territoires ?

- Quelle est la position du Gouvernement à l'égard d'un éventuel rapprochement du CGP du Parlement, dont il deviendrait l'outil d'expertise propre à assurer la qualité de sa mission de contrôle du Gouvernement ?

Le président Patrick Ollier a noté que de nombreuses remarques émises par le rapporteur pour avis sur les crédits du Plan étaient de bon sens, mais a souligné que priver le Commissariat général du Plan de son budget n'était pas la bonne solution. Il a jugé préférable d'alerter le Gouvernement sur la nécessité de faire évoluer cette institution.

M. Léonce Deprez, s'exprimant au nom du groupe UMP, faisant observer la récurrence des débats portant sur cette institution au sein de la Commission, s'est déclaré frappé par les propos de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire et a jugé qu'il serait tout à fait pertinent de rattacher à son ministère le Commissariat général du Plan. En effet, a-t-il observé, la politique d'aménagement du territoire consiste à se projeter dans l'avenir et cette instance s'inscrit dans la même logique. Il a jugé qu'une telle solution serait d'autant plus opportune que la France est entrée dans un nouveau siècle caractérisé par une forte concurrence entre territoires. Il a donc appelé ses collègues à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du Plan, tout en plaidant en faveur d'une nouvelle dynamique.

Le président Patrick Ollier a estimé que ces observations pourraient utilement être communiquées au ministre concerné lors de l'examen des crédits du Plan en séance publique et a déclaré qu'il soutiendrait une telle position.

M. François Brottes, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a annoncé que son groupe émettrait un avis défavorable à l'adoption des crédits du Plan, soulignant néanmoins qu'il souscrivait à l'analyse de M. Léonce Deprez et qu'il convenait de ne pas laisser tomber le Commissariat général du Plan en désuétude mais au contraire de le reconvertir et le dynamiser.

Le président Patrick Ollier a souligné qu'il avait toujours été défavorable, à titre personnel, à une fusion de la DATAR et du Commissariat général du Plan, la première inscrivant son action dans l'espace et le second dans le temps. Il a estimé qu'une fusion de ces deux structures comporterait plus d'inconvénients que d'avantages. Il a réitéré son souhait que lors de l'examen du projet de budget en séance publique, il soit demandé au ministre de maintenir les moyens du Commissariat général du Plan et d'accompagner la mutation de cette instance.

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Contrairement aux conclusions de M. André Chassaigne, rapporteur pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du Plan pour 2004.

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