COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 12

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 29 octobre 2003
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président
de la Commission des finances, de l'économie générale et du Plan

puis de M. Patrick Ollier, Président
de la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire

SOMMAIRE

 

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- Audition en Commission élargie de M. Jean-Louis BORLOO, Ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, auprès du Ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur les crédits de son ministère.



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M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Nous examinons en commission élargie des budgets de départements ministériels qui ont déjà donné lieu à des débats importants en séance publique : c'est le cas de la ville et de la rénovation urbaine. L'ensemble du débat aura lieu en commission et le vote des amendements et des crédits interviendra le 14 novembre, sans nouvelle discussion. Les conditions de la présente séance sont en tous points identiques à celles d'une séance publique, notamment en ce qui concerne la publicité des débats. Les parlementaires que j'ai interrogés la semaine dernière ont estimé que les débats en commission avaient été beaucoup plus intéressants qu'en séance publique ! Afin que le débat soit vif, je demande à chacun sans exception d'être bref, mais je suis prêt à donner plusieurs fois la parole à un même orateur. Nos travaux devront particulièrement prendre en compte la mise en œuvre de la loi organique sur les lois de finances. Les crédits seront votés par la commission après le départ du Gouvernement et du public.

M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine - Je me félicite de participer à l'expérimentation de cette nouvelle méthode de travail. La loi d'août a donné lieu à des débats en séance publique très actifs, et j'en profite pour remercier ceux qui étaient encore là à 7 heures moins le quart du matin !

Aux trois actions principales du ministère correspondent trois sous-budgets. La première de ces actions consiste en une « déghettoïsation » du territoire. Un ghetto est un lieu qui présente des différences avec l'ensemble du bassin qui l'entoure et qui concentre toutes les difficultés. La déghettoïsation vise à offrir à chacun un habitat digne du bassin qui l'entoure. Le programme urbain sera porté par l'Agence nationale de la rénovation urbaine - ANRU -, qu'on aurait pu d'ailleurs appeler Caisse de garantie des financements locaux, car c'est de cela qu'il s'agit. Les crédits de l'agence sont débudgétisés. Elle est financée par de nombreux partenaires : les partenaires sociaux pour 650 millions, le monde HLM pour 70 millions, la Caisse des dépôts et consignations, sur ses fonds propres, pour 455 millions, et enfin deux lignes budgétaires relevant du ministère de la ville pour 215 millions et du ministère du logement pour 250 millions. Il ne s'agit pas là d'un effort particulier mais de la répartition traditionnelle.

J'ai été très frappé de la réactivité des bailleurs sociaux et des collectivités locales. J'ai pu en prendre conscience hier à Val-de-Reuil, mais aussi à la Madeleine à Evreux, où deux bâtiments vont être détruits, aux Andelys ou à la Duchère, où la barre des Deux cents va être démolie. L'action de ces partenaires est en tous points exceptionnelle. Je suis donc très optimiste, sauf peut-être pour la Seine-Saint-Denis qui nécessitera d'énormes moyens, à cause de la faiblesse de ses opérateurs et de ses collectivités. Cette priorité n'apparaît donc que pour 215 millions dans le budget, mais elle aura un effet démultiplicateur considérable.

La deuxième priorité est l'activité et l'emploi dans les quartiers. Le Fonds de revitalisation économique y était consacré : les reports, l'année dernière, ont été quasiment aussi élevés que les crédits ouverts ! Il fallait essayer la formule, mais elle a montré ses limites. Le FRE dispose cette année encore des reports de l'an dernier, mais d'aucune mesure nouvelle. Tout ce qui est lié à la rénovation urbaine est transféré vers l'agence de rénovation et le fonds ne conduira plus aucune action dans ce domaine : l'Etat ne peut se permettre à la fois fromage et dessert !

La troisième priorité est le soutien au tissu associatif, aux villes, à l'évaluation et à la communication interactive. Dans ces domaines, certaines actions coûtaient très cher pour peu de résultats. Le fonds d'intervention pour la ville et les contrats de ville qui fonctionnent sont maintenus en l'état.

Le ministère a fait de gros efforts de rigueur et a tiré les conséquences de cette organisation en trois budgets distincts. Sous certains aspects, il applique déjà la LOLF. Nous souhaitons notamment que le programme de rénovation urbaine acquière une certaine autonomie. Par ailleurs, la délégation interministérielle à la ville doit quitter ses réflexes de petit opérateur. Son rôle est la réflexion et l'anticipation sur des sujets sensibles. La loi du 1er août a prévu que pour chaque ville certains indicateurs soient relevés tous les ans : taux de scolarisation, de chômage des jeunes, des moins jeunes et des femmes... Ces indicateurs doivent donner lieu à un débat. Cette mesure ne nécessite aucun crédit nouveau, mais elle apporte une valeur ajoutée intellectuelle considérable. Je suis convaincu que rien ne se fera en matière d'emplois sans les collectivités locales et les services publics. Voir quelques hectares en grande difficulté dans des bassins très riches sans qu'aucun lien ne soit créé entre ces deux mondes voisins est incroyable. La délégation doit donc rester interministérielle et mener une réflexion en amont sur l'égalité des chances, l'égalité de traitement hommes-femmes ou la violence des quatre-dix ans. Elle n'a ni les moyens, ni la vocation d'être un opérateur. Le ministère de la ville lui-même n'est pas un ministère régalien. En revanche, il peut apporter beaucoup en matière de bonnes pratiques des collectivités. Il a, par ailleurs, à son échelle, une vocation internationale puisqu'il pilote pour la France un programme urbain européen.

Sur le terrain, on voit que les choses bougent, mais également qu'un mal profond existe. La délaïcisation de la société a des effets sur la condition des femmes ou sur le repli identitaire. Cependant, la mobilisation apparaît assez exceptionnelle.

M. François Grosdidier, rapporteur spécial de la commission des finances - Ce budget marque la rencontre de deux volontés qui ne sont pas contradictoires : la lutte contre la fracture sociale et territoriale et l'optimisation des dépenses publiques. La première est un leitmotiv du Président de la République qui, la semaine dernière à Valenciennes, exigeait une mobilisation pour la reconquête de ce que l'on a pu appeler les « territoires perdus de la République ». Il ajoutait que tout est lié : l'habitat, la sécurité, le retour de l'activité et la présence des services publics.

En ce qui concerne les dépenses publiques, le Gouvernement ne pouvait pas continuer à tout accepter au nom des plus nobles intentions. De nombreux praticiens constataient des dérives dans de nombreux contrats de ville. A ceux à qui cela aurait échappé, la Cour des comptes a ouvert les yeux dans son rapport de février 2002. Elle dénonçait les hésitations et les contours flous de la politique de la ville, qui favorisent l'éparpillement des actions alors que les moyens doivent être concentrés sur des territoires précis. Devant le maquis de procédures, réunions, échanges d'informations et concertations, elle a jugé qu'un système contractuel plus léger apporterait plus d'efficacité. Elle dénonçait également des artifices de la présentation budgétaire du ministère, qui incluait abusivement des crédits qui n'ont aucun rapport direct avec la politique de la ville. Elle relevait aussi de nombreux cas où le bien-fondé de l'intervention de l'Etat n'était pas établi.

Nous n'avions au demeurant nul besoin de la Cour des comptes pour savoir que l'effort toujours plus grand de l'Etat depuis un quart de siècle n'avait nullement inversé la tendance dans les quartiers sensibles ! Le 21 avril en fut la sanction. Nous ne pouvions donc nous contenter de dépenser autant, voire plus, sans rien changer. Chacun s'accorde à reconnaître la sincérité et le volontarisme du ministre, qui a fait ses preuves à Valenciennes et a démontré un sens du concret tel qu'il pourrait être le maire de toutes les ZUS de France ! 2004 sera la première année pleine pour l'agence de rénovation urbaine, véritable affront à la technostructure, à laquelle peu croyaient il y a un an. Le déplacement du Chef de l'Etat la semaine dernière est le signe d'un soutien total à cette démarche. La sincérité et l'efficacité exigent de changer d'attitude. Le ministère de la ville était le champion de la sous-consommation des crédits et des reports !

Dans ce contexte, la diminution des crédits inscrits - 344 millions contre 370 - n'entravera pas l'efficacité de la politique de la ville. Les moyens de fonctionnement n'échappent pas à l'effort global de maîtrise des dépenses et diminuent. Les crédits d'intervention traduisent la volonté d'une gestion saine. Ils sont recentrés sur les dispositifs les plus performants et sur la prise en compte des besoins réels.

On notera l'attention particulière portée au dispositif « adultes-relais », l'objectif étant d'atteindre 3 600 adultes-relais d'ici la fin 2004 - chacun sait l'effet bénéfique qu'ils ont dans les quartiers. Les moyens inscrits correspondent à cette ambition, puisqu'ils seront de 57 millions en 2004 contre 50 millions en 2003 et 29 millions en 2002. D'autre part, le fonds de redynamisation économique est intégré au FIV, comme nous l'avions suggéré l'année dernière.

J'appelle cependant votre attention, Monsieur le ministre, sur la limitation des crédits inscrits au FIV. Les crédits de paiement baissent de près de 10 % ; en investissements, ils augmentent modestement, mais les autorisations de programme diminuent de 40 %. On atteint là un plancher inquiétant. Il est vrai que le FIV a pu faire l'objet de dotations parfois surdimensionnées et que les critiques formulées par la Cour des comptes ne doivent pas être ignorées. Je souhaite donc que l'on rappelle avec vigueur, et que l'on applique avec rigueur, les principes parfois oubliés dans le fonctionnement des contrats de ville à la fois par les acteurs de ces dispositifs et par les administrations elles-mêmes, qui ont volontiers substitué le FIV aux financements de droit commun. Pour ne pas sacrifier des actions vitales, il faut, plus que jamais, recadrer certains contrats de ville et les évaluer.

En matière de rénovation urbaine, l'effort portera, en 2004, sur les dépenses d'investissement. Le montant des autorisations de programme s'élève à 265 millions, en progression de 10,4 %, et les crédits de paiement s'établissent à 110 millions, en augmentation de près de 14 %. L'effort public global en faveur de la politique de la ville s'établira à près de 6 milliards en 2004, alors qu'il était de 5,4 milliards en 2003.

Les contrats de ville ont montré leurs limites. Il fallait s'attaquer avec détermination à la dévitalisation économique et à l'urbanisme concentrationnaire, les deux racines du mal. C'est ce à quoi s'attache ce budget, qui traduit fidèlement les priorités définies dans la loi d'orientation et de programmation du 1er août 2003. Ainsi, les zones franches urbaines sont relancées, et le programme national de rénovation urbaine bien engagé, puisque l'effort global se montera, pour ce qui le concerne, à 1,53 milliard. La volonté de solidarité, de rationalisation, d'optimisation est satisfaite par la recherche d'une plus grande efficacité. C'est la marque personnelle du ministre qui s'exprime ainsi, ce ministre qui disait, dans un livre, sa colère, lorsqu'il était dans l'opposition, devant la complexité bureaucratique, l'impuissance et l'arrogance technocratique. On constate que ses convictions ont résisté à l'exercice du pouvoir et qu'elles ont même bousculé les habitudes du pouvoir. De fait, sa politique se traduit par la simplification des circuits de financement, tant en matière de rénovation urbaine, avec la création de l'agence nationale pour la rénovation urbaine, que de soutien aux associations.

L'ANRU est un véritable guichet unique pour les porteurs de projet de rénovation urbaine. Lors du débat sur la loi d'orientation et de programmation, j'exprimais la crainte qu'elle ne fasse doublon avec les administrations déconcentrées ; j'admets que cette crainte est infondée pour l'instant. En réalité, l'ANRU est un véritable affront à la technostructure, tant elle court-circuite les méandres institutionnels. Votre rapporteur spécial et la commission des finances dans son ensemble veilleront au résultat de cet EPIC dont la mission est de garantir la réalisation d'objectifs définis avec une meilleure précision.

On se rappellera que la Cour des comptes avait dénoncé les lacunes de l'évaluation de la politique de la ville. La création d'un observatoire permettra de suivre l'évolution des 751 ZUS et les actions engagées dans le cadre de la politique de la ville. Ce n'est pas un organisme supplémentaire, puisqu'il sera intégré à la DIV ; nous souhaitons que l'observatoire soit relayé dans chaque territoire faisant l'objet d'un contrat de ville. Par ailleurs, les critères d'évaluation devraient être plus clairement indiqués aux services déconcentrés et aux municipalités qu'ils ne le sont actuellement... quand ils le sont.

Enfin, la DIV a procédé depuis deux ans à des modifications de nomenclature ; c'est une première étape vers ce qui devra être une remise à plat plus complète pour tenir compte de l'évolution de la procédure budgétaire. Dans cette perspective, il conviendrait de créer une mission « politique de la ville », conçue en trois volets : rénovation urbaine et aménagement du cadre de vie ; équité sociale et territoriale ; stratégies, ressources, évaluation. Ces trois objectifs, distincts, ont vocation à figurer chacun dans un programme séparé. Cette organisation correspondrait à la lettre et à l'esprit de la loi organique et affirmerait l'importance de la politique de la ville. Elle permettrait également de renforcer la portée de l'autorisation parlementaire, puisque la mission constituera l'unité de vote.

M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - Je tiens à dire mon enthousiasme et mon optimisme. La politique de la ville, dont le Président de la République a rappelé qu'elle constitue une priorité pour le Gouvernement, change, car elle dispose désormais des moyens appropriés et, surtout, parce qu'elle est conduite par un ministre déterminé, dont je salue l'action. Son volontarisme a déjà porté ses fruits ; notre rôle est de soutenir et de stimuler les réformes entreprises.

La loi de programmation et d'orientation pour la ville et la rénovation urbaine a créé de nouveaux dispositifs financiers et juridiques tout en simplifiant certaines procédures. L'objectif est de lutter contre la dégradation dramatique de l'habitat et des conditions de vie dans les ZUS. Pour en finir avec l'exclusion sociale, économique et parfois même raciale dans laquelle se débattent les habitants des quartiers difficiles, il était indispensable de rétablir des conditions d'habitat décentes, de désenclaver ces quartiers et d'y développer des activités et des services.

Pour agir au plus vite et au mieux, la loi de programmation a créé l'ANRU, guichet unique de distribution des financements. Le projet de budget traduit cette forte impulsion en faveur des quartiers les plus défavorisés de notre pays. Dans un contexte de grande rigueur budgétaire, je me félicite de l'excellente tenue des crédits alloués à la politique de la ville. Certes, les crédits du ministère sont en baisse de 7 %, mais outre que cette baisse n'est pas très importante (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste), on constate que les dépenses d'investissement sont, elles, en augmentation sensible : de près de 14 % pour les crédits de paiement, et de plus de 10 % pour les autorisations de programme, ce qui est considérable. En contrepartie, les dépenses de fonctionnement sont recentrées sur les programmes qui ont fait la preuve de leur bon fonctionnement, et ils sont en baisse d'un peu plus de 14 % (Mêmes mouvements). Chers collègues, ce n'est pas parce qu'une dotation augmente en permanence qu'un budget est forcément meilleur ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

L'effort public en faveur de la ville bénéficie pour la première fois de l'implication financière de l'UESL, à hauteur de 550 millions, et l'effort public global progresse de 12 %, ce qui permet la montée en puissance des zones franches.

Vous l'aurez compris, je me réjouis de la politique de la ville menée par le Gouvernement, et fondée sur les principes que j'appelais déjà de mes vœux en 2002 : pragmatisme, responsabilité et proximité.

Pour autant, pourriez-vous, Monsieur le ministre, revenir sur la baisse des crédits de votre ministère, qu'il s'agisse de la réduction des aides à la personne ou de celle des aides à la construction ? Cette baisse ne doit pas apparaître comme un revirement. Par ailleurs, quel est l'état d'avancement de la mise en place de l'ANRU ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire - La commission des affaires économiques considère qu'une politique dynamique de la ville participe de la politique de l'aménagement du territoire. C'est particulièrement vrai au moment où le renforcement de la décentralisation permet une redéfinition des fonctions entre Etat et collectivités territoriales. Il convient donc, comme le fait le ministre, et je l'en remercie, d'inscrire la politique de la ville dans la politique, plus large, de compensation des handicaps. Il faut, aussi, rétablir les équilibres. Un bon budget n'est pas forcément un budget qui augmente (Exclamations ironiques sur les bancs du groupe socialiste). L'ironie n'est pas de mise ! Ce qui doit être mesuré, c'est le résultat d'une politique et non l'enveloppe qui lui est allouée, surtout lorsqu'on constate, un an plus tard, que les crédits votés n'ont pas été dépensés ni même, parfois, engagés ! Autrement dit, Monsieur le ministre, vous avez une obligation de résultat. Il n'en reste pas moins vrai que les crédits de paiement augmentent de 14 % et les autorisations de programme de 11 %.

Pouvez-vous préciser comment s'articuleront les projets ainsi financés avec la future décentralisation ? Pouvez-vous nous dire aussi si le Gouvernement prévoit, comme nous le souhaitons, une implication plus large du « 1 % logement » dans les projets de revitalisation urbaine ? Enfin, quel sera le calendrier d'application de la loi d'orientation ?

M. Philippe Vitel - D'évidence, le chemin vers une République confiante et fraternelle passe par les cités et le Président de la République a réaffirmé, le 21 octobre, la priorité accordée par le Gouvernement à la politique de la ville. C'est ce projet ambitieux que traduit le budget, qui vise à plus de cohérence, de lisibilité et d'efficacité dans l'action. L'effort public global sera supérieur à 6 milliards en 2004, en dépit d'un contexte économique difficile. Voilà qui traduit les ambitieuses dispositions votées dans la loi de programmation pour répondre à la crise urbaine et sociale qui frappe un nombre croissant de nos communes. C'est ainsi que 751 territoires seront classés en ZUS. Un effort notable devait être fait en faveur des familles qui résident dans des conditions d'habitat médiocres, sinon indignes.

Monsieur le Ministre, le diagnostic est sans appel : 163 quartiers sont à refaire de fond en comble et 550 doivent être massivement soutenus. Dès lors, votre objectif des « trois fois 200 000 » - 200 000 démolitions, 200 000 réhabilitations et 200 000 constructions - est parfaitement justifié. L'amélioration du cadre de vie dans les ZUS sera considérablement accélérée par l'instauration du guichet unique que représente l'ANRU. L'agence, qui sera officiellement installée par le Premier ministre le 17 novembre prochain, sera dotée d'un budget d'1,053 milliard. Ces moyens se décomposent en 465 millions d'engagements de l'Etat - 215 millions sur le budget de votre ministère et 250 millions sur celui du logement -, 550 millions au titre de la contribution de l'UESL et 38 millions au titre de la participation de la CDC. Cinq conventions globales sont d'ores et déjà acquises. Elles portent sur 4 093 démolitions, 3 856 réhabilitations et 6 651 opérations de résidentialisation. Douze conventions sont en cours de négociation pour un montant de 1,054 milliard. A la fin du deuxième trimestre 2004, au moins 94 conventions devraient être opérationnelles.

En vue de revaloriser le travail dans les quartiers les plus en difficulté, le dispositif des ZFU, créé par MM. Gaudin et Juppé en 1997, est rouvert et amplifié. 41 nouvelles ZFU sont créées et le système, qui a déjà permis de créer plus 50 000 emplois, est prorogé jusqu'au 31 décembre 2008.

Le suivi et l'évaluation des ZUS seront assurés par un nouvel observatoire, dont nous attendons beaucoup. Les 247 contrats de ville pour la période 2000-2006 sont dotés de 131,4 millions de crédits de fonctionnement, 60 % allant aux associations, 40 % aux collectivités locales, et de 53 millions en crédits d'investissements. Le programme « Ville-vie-vacances » sera doté cette année d'un peu plus de 10 millions. Je souhaite vous interroger sur la transversalité des actions de l'Etat en faveur du développement urbain. Je constate en effet que plusieurs ministères refusent toujours d'entrer dans la mutualisation des moyens. Pouvez-vous nous apporter des éclaircissements sur ce point ?

20 millions sont dévolus aux grands projets de ville et une dotation de 57 millions permettra d'atteindre l'objectif de 3 600 adultes-relais présents dans les quartiers, contre 3 100 aujourd'hui.

Telles sont, Monsieur le ministre, les principales caractéristiques de votre budget. Le groupe UMP le soutient sans état d'âme, car il va dans le sens de la confiance et de la fraternité, valeurs que nous souhaitons inscrire toujours plus profondément au fronton de notre République, conformément à la volonté du Président de la République et du Premier ministre.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous ne l'espérions pas, et c'est donc sans joie que nous constatons que nos craintes étaient fondées : votre budget traduit la volonté du Gouvernement de faire reculer l'effort public en faveur de la politique de la ville. A cet égard, j'appelle l'attention du ministre sur le décalage flagrant entre les documents distribués à la presse et le jaune budgétaire. Les premiers font état de 6 411 millions, le second de 5 950 millions : comment s'explique cette différence de plus de 450 millions ? Il est par ailleurs avancé que l'effort public augmente de 10 %. En réalité, cette progression provient pour une large part de l'inclusion de la ligne de l'UESL (Plusieurs députés de l'UMP s'exclament), et, entre autres manipulations, d'une appréciation de plus de 39 % de la participation des collectivités locales.

M. le Rapporteur spécial - Pas du tout !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Les assemblées délibérantes des collectivités apprécieront !

S'agissant du budget de votre département pour l'exercice en cours, la représentation nationale n'est toujours pas en mesure de savoir de quelle manière les masses votées ont été réellement engagées. Les gels successifs et autres ré-imputations lui ôtent tout lisibilité.

Force est aussi de constater que le ministère de la ville perd une bonne part de sa vocation interministérielle, le ministère de l'éducation nationale - dont les crédits pour la ville accusent une baisse de 15,6 % - ayant rompu son processus de participation.

Après que vos thuriféraires se sont plu à faire l'éloge de votre volontarisme, affrontons en face la série de baisses que subit votre budget : moins 10 % pour les crédits de fonctionnement de la DIV, moins 40 % pour les crédits d'aides au fonctionnement des services publics dans les quartiers, moins 10 % pour les crédits de fonctionnement du FIV, principal instrument de financement des associations. A ce sujet, faut-il considérer que les engagements financiers pris par les associations dans les départements restent fiables, sachant que plusieurs n'ont toujours pas reçu les fonds attendus au titre des engagements contractuels pris en 2002 ? Le financement des GPV non intégrés dans l'ANRU est-il par ailleurs garanti ?

Quant au Fonds de revitalisation économique, destiné à soutenir l'activité dans les quartiers les plus défavorisés, nous ne pouvons que déplorer son assèchement prématuré. Il est un peu injuste de lui reprocher de n'avoir produit aucun effet après seulement un an d'existence !

S'agissant de la création de l'ANRU, notre groupe, par son abstention, vous a signifié cet été qu'il n'était pas hostile à votre démarche. Nos critiques constructives portaient plutôt sur les modalités de mise en œuvre que vous entendiez privilégier et je vous avais dit à l'époque que les habitants vous attendraient au tournant...

M. le Ministre délégué - Ne vous en faites pas, j'y vais, dans les quartiers !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Mais, là encore, comment justifiez-vous le décalage entre le budget prévu pour l'agence il y a trois mois - 1 200 millions - et la dotation qui est finalement soumise à notre approbation - 1 053 millions  - ? (M. le ministre proteste).

M. le Président - Je vous rappelle, Monsieur le ministre que vous pouvez intervenir à tout moment.

M. le Ministre délégué - Je répondrai ultérieurement à cette série d'incroyables contrevérités ! Pour ce qui concerne le budget de l'ANRU, il suffit de ne pas oublier la participation de la CDC !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Monsieur le ministre, je n'accepte pas que vous m'accusiez d'asséner des contrevérités ! Vous pouvez nous reprocher de commettre des erreurs mais ne mettez pas en cause notre bonne foi. Lorsque je vous avais interrogé cet été sur la réalité de l'engagement de l'Etat en faveur de l'ANRU, vous m'aviez mis en garde sur la nécessité de bien distinguer crédits de paiement et autorisations de programme. Vous m'aviez même assuré que les crédits d'Etat en faveur de la rénovation urbaine seraient libellés en « vrai argent » - soit en CP. Las, sur les 215 millions de crédits de votre ministère en faveur de l'ANRU, je ne retrouve que 57 millions en CP. De même, 152,5 millions seulement sont inscrits en CP sur les 250 millions prévus au titre de la participation du ministère du logement.

Nous sommes donc fondés à considérer que vous vous êtes déjà placé dans la nécessité de ne pas déclarer acquises toutes les participations de l'Etat. Pourquoi ne pas vous engager à verser la participation de l'Etat à l'agence dans le cadre d'une subvention unique sur un compte affecté ? Vous vous targuez de financer les cinq projets d'ores et déjà validés à hauteur de 45 %. A ce rythme, les crédits de l'ANRU seront asséchés dès la fin de 2005 ! Ne devrait-on pas plutôt, et ma question s'adresse aussi au président de notre commission des finances, « sanctuariser » l'engagement de l'Etat en faveur de l'agence ? Ce serait adresser aux quartiers en difficultés un message très fort (« Excellent ! » sur plusieurs bancs).

M. Gilbert Biessy - Ce budget devrait être important puisqu'il s'agit du premier exercice après le vote de la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. Las, la contradiction entre les ambitions que porte ce texte et la baisse de 7 % de vos crédits est pour le moins frappante. En visite dans votre bonne ville la semaine dernière, le Président de la République a affirmé sa volonté d'inverser par l'action le cours des choses. Le volontarisme est une chose. La méthode Coué et le double langage en sont une autre. Or, les beaux mots de République et de citoyenneté ne sont pas inusables. Les effets d'annonce non transformés nourrissent la résignation et le rejet.

Pour la deuxième année consécutive, Les habitants des quartiers populaires sont les premières victimes de la politique du Gouvernement. Derniers à ressentir la décrue du chômage entre 1998 et 2001, ils sont aujourd'hui les premiers à subir sa recrudescence.

Le modeste budget de la politique de la ville s'apprécie par rapport à l'ensemble de cette politique. Personne ne vous reproche d'essayer de réparer les dégâts sociaux de plus de quinze ans de chômage avec un budget de 344 millions. Mais pour la deuxième année, le budget de l'Etat traduit une politique libérale et sécuritaire : moins d'argent pour le logement, l'éducation ou la santé, crédits en hausse pour l'armée ou les prisons. Le désengagement de l'Etat dans le secteur du logement a des effets dramatiques pour les mal-logés et les familles modestes.

L'aggravation du chômage, avec un taux de bientôt 10 %, la fin des emplois-jeunes, la réduction du droit à l'ASS, fragilisent la situation de centaines de milliers de personnes. L'affaiblissement des solidarités en matière de retraites, de droit au travail et de santé, est également en cause.

Les partenaires de la politique de la ville sont maltraités. Les associations souffrent en particulier de diminutions de subventions, notamment dans le cadre du Fonds d'action sociale pour l'intégration. La situation des collectivités locales les plus modestes n'est pas meilleure. Vos projets de décentralisation risquent de creuser encore les inégalités. Les baisses d'impôt accordées aux plus aisés se payent en taxes pour tous. Les transferts de charges liés au passage du RMI au RMA font craindre le pire.

Nous aurons à vous interroger sur la diminution des crédits de fonctionnement des contrats de ville, et sur les opérations de démolition-reconstruction.

M. Rodolphe Thomas - La loi d'orientation et de programmation pour la ville entre en application. Le groupe UDF est satisfait de la bonne mobilisation des crédits, qui s'inscrit dans une volonté partagée de maintenir la cohésion nationale. L'an prochain sera lancée l'Agence de renouvellement urbain, qui permettra de relever un formidable défi : améliorer le cadre de vie et rendre leur dignité à nos concitoyens habitant les quartiers en difficulté. Ainsi, les élus de proximité que nous sommes pourront engager, de façon vigoureuse et efficace, les actions de renouvellement urbain. Tant il est vrai que la loi d'orientation s'attaque à tous les domaines qui font la vie des quartiers, depuis la consolidation des commerces de proximité jusqu'à la réforme des sociétés HLM. Le logement est l'axe fort de la loi car là se trouve la clé de la mixité sociale : 200 000 constructions de logements sociaux, 200 000 réhabilitations, 200 000 démolitions, voilà des chiffres éloquents ! Ainsi, vous avez respecté vos engagements. A nous maintenant de faire vivre cette formidable aventure.

Notre groupe a été à l'origine d'amendements qui ont permis de rendre votre loi encore plus humaine et égalitaire. Je pense à l'allongement des exonérations de charges pendant cinq années supplémentaires dans les quartiers en ZRU ; à une meilleure association des départements, des régions et des EPCI ; à une démarche renforcée de mixité sociale et de développement durable ; à la garantie pour les communes dans certaines conditions de taux de subventions supérieurs à 80 % du total de la dépense ; à l'intégration de la charte d'insertion par l'économique pour les personnes les plus éloignées du monde du travail. S'y ajoute la prise en compte du tissu associatif qui effectue un travail remarquable en matière d'insertion par l'économique. Nous regrettons néanmoins que les associations opérant dans les ZUS ne bénéficient pas suffisamment de cette démarche.

Nous saluons la poursuite des contrats de ville, dont certaines actions sont renforcées, et nous nous réjouissons des crédits supplémentaires accordés au dispositif adultes-relais, et au programme Ville-vie-vacances. Il en va de même pour l'aide en faveur des communes dont les moyens financiers sont insuffisants pour intervenir dans la modernisation des banlieues. Nous éprouvons cependant une petite inquiétude face à la baisse des crédits alloués aux contrats de ville.

Je vous donne rendez-vous, Monsieur le ministre, à Hérouville-Saint-Clair, pour apprécier sur le terrain la mise en œuvre de vos promesses.

M. le Ministre délégué - Vraiment, nous nous trouvons ici dans un monde virtuel. L'écart entre nos discussions et ce que je vis sur le terrain est proprement fascinant. Non, il n'y a pas un centime contractualisé de l'Etat qui ne soit pas honoré ! Il y en a assez des vieilles lunes qui déstabilisent nos associations ! Je suis formel dans mes affirmations, car j'ai vérifié département par département.

M. Jean-Louis Dumont - Vous parlez des départements ministériels ?

M. le Ministre délégué - Je parle de ce qui relève de mes responsabilités. Monsieur Le Bouillonnec, vous plaisantez ! Dois-je vous rappeler pourquoi nous en sommes là ? Que vous donniez des leçons sur la situation dans laquelle se trouvent les quartiers, je trouve cela suffocant ! Le gouvernement que vous souteniez avait promis aux quartiers, à l'occasion d'un comité interministériel à la ville de décembre 1998, 1 015 millions. Ces crédits ont été notifiés aux collectivités locales, et les préfets ont signé des conventions. Or, il manque 675 millions en autorisations de programme et 68 millions en crédits de paiement au jour d'aujourd'hui, et les créances que détiennent les HLM sur l'Etat ne sont pas honorées. Je ne dis pas que vous en êtes responsables. C'est le produit d'une mécanique budgétaire, et j'évite d'incriminer mes prédécesseurs.

Aujourd'hui, et pour la première fois, il existe une loi de programmation, il existe une clé de répartition entre autorisations de programme et crédits de paiement sur trois ans de 40-40-20, garantie par un « bleu » de Matignon. De plus, et par anticipation, la loi de finances rectificative pour 2003 comporte 106 millions de crédits. Alors, vos leçons sur le taux de couverture CP/AP sont inconcevables !

Quant aux zones franches urbaines, quand je constate la polémique qui oppose à Lyon M. Collomb à M. Hamelin pour que La Duchère soit éligible, je m'interroge sur une schizophrénie qui fait parler le député dans un sens et le maire dans l'autre ! Je reconnais qu'il n'existe pas de dispositif parfait, mais reconnaissez que celui qui existe ne marche pas si mal. Nous allons travailler à ce que La Duchère en profite.

S'agissant des métiers qui demeurent inscrits dans le budget de la politique de la ville, leurs crédits demeurent au même niveau ou augmentent. Les ZFU, elles, disposent de 400 millions. Nous sommes passés de 160 millions de reports de crédits à 68 millions, et le taux de consommation atteindra cette année 96 %.

Oui, les actions de rénovation urbaine conduites par le ministère de la ville sont partenariales. C'est ensemble que nous avons monté des opérations, et je n'oublie jamais de rappeler que ce sont les programmes de tout le monde ! Pourquoi cela ? Parce que le Gouvernement est décidé à mettre fin aux errances du passé, qui consistaient en particulier à « piquer » l'argent du 1 % pour faire les fins de mois de l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président de la commission des finances - Nous en venons aux différentes interventions.

Mme Irène Tharin - Vice-présidente de la communauté d'agglomération du Pays de Montbéliard, je me préoccupe des conditions de réalisation des GPV. La récente création de l'ANRU a permis de regrouper une grande partie des financements de l'Etat, de la CDC et des collecteurs du 1 % logement. Cette rationalisation des moyens s'accompagne néanmoins de nouvelles conditions d'attribution des crédits de l'Etat. Signée en février dernier, la convention d'application du GPV du Pays de Montbéliard subira un nouvel examen de passage en décembre prochain. L'obligation d'un nouvel agrément fait craindre aux différents partenaires une révision à la baisse de l'engagement de l'Etat. Que puis-je leur répondre, et comment conserver à ce partenariat toute son efficacité ? Si la démarche d'optimisation des interventions de l'Etat est tout à fait légitime, il ne faut pas porter atteinte à l'ambition d'un GPV dont dépend tout le visage de notre Pays. Je vous fais donc part de mon inquiétude face à une possible remise en cause de ce grand projet dans nos cinq quartiers sensibles. Enfin, je vous invite, Monsieur le ministre, à venir sur place constater le travail accompli, et qui ne demande qu'à être poursuivi.

M. Pierre Cohen - Féliciter le ministre, c'est une chose, décortiquer les moyens mis au service de sa politique en est une autre, et vous n'avez aucune raison de vous indigner. Cherchez plutôt les arguments propres à nous convaincre.

Au cours de la discussion de la loi d'orientation pour la ville, beaucoup ont été surpris du caractère limité de son périmètre d'application. Cette conception restrictive s'était déjà manifestée sous le gouvernement Balladur. Pourtant, lutter contre la ghettoïsation et en faveur de la mixité sociale, exige de prendre en compte la ville dans toutes ses dimensions.

Que M. Balladur ait commis une erreur en 1994 est à la rigueur compréhensible, mais ce l'est beaucoup moins de la refaire aujourd'hui. Ainsi, une fois que vous aurez financé votre programme de démolitions, comment pourrez-vous reloger les habitants avec votre budget ? Il ne vous restera pratiquement plus aucune marge de manœuvre pour reconstruire dans le reste des agglomérations concernées. Et ne me répondez pas que vous pourrez y pourvoir grâce à la baisse du taux du livret A ou à la revente de logements ! Vous êtes bien dans une impasse.

Croyez-vous également que vous pourrez réaliser l'égalité devant l'emploi dans des quartiers où le taux de chômage atteint 30 à 40 %, si, dans le même temps, la politique du Gouvernement consiste à accepter les licenciements massifs et à réduire le nombre des emplois publics ? En dépit de vos bonnes intentions, vous ne ferez qu'aggraver la stigmatisation de ces quartiers en passe de devenir des ghettos.

Vous vous rendez dans les quartiers, dites-vous. Mais nous y sommes nous aussi et, personnellement, je puis vous garantir que, dans l'agglomération toulousaine, certains crédits de votre ministère sont en baisse, de sorte que nombre d'associations se trouvent en difficulté. Vous aviez promis des emplois « de l'humain » pour prendre le relais des emplois-jeunes : où sont-ils ? Quant à la prévention, M. Sarkozy vous a tout pris. Enfin, je ne puis qu'être choqué par la façon dont vous parlez de la DIV et dont vous invitez les opérateurs à se consacrer à une réflexion stratégique. Il n'est de pires ennemis de la politique de la ville que ceux qui considèrent que mettre de l'argent dans les villes est un gâchis (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Gilbert Meyer - La création d'un guichet unique pour le financement de la rénovation urbaine visait à vous permettre d'utiliser pleinement les crédits européens, « libérant » ainsi les financements traditionnels. Par là également, vous vous donnez davantage de moyens pour accompagner les programmes de rénovation. Pouvez-vous donc faire un premier point sur le montant des crédits européens que vous pourrez mobiliser en 2004 ?

M. David Habib - Ma question portera sur les missions que vous assignez à la Caisse des dépôts. D'après les documents dont nous disposons, la participation de la CDC à l'effort public global tomberait de 229 à 123 millions d'euros, soit une baisse de 45 % entre 2003 et 2004. Pour le financement de l'ANRU, 8 millions seulement sont inscrits sur les 90 attendus. D'autre part la DSU restera à 448 millions, exactement comme cette année. Comment expliquez-vous cette baisse des dotations aux collectivités ?

Vous vantez la réactivité de votre ministère dont vous voulez faire le ministère de la transparence et du dialogue, mais je vous ai envoyé en vain quatre lettres l'an passé pour avoir des explications sur cette baisse de la DSU, et vous n'avez pas répondu, pas plus d'ailleurs que M. Sarkozy que j'ai également interrogé. Pourrons-nous un jour constater, comme je le souhaite, que votre ministère est celui de toutes les villes, du nord comme du sud, de droite comme de gauche ?

Mme Annick Lepetit - Revenant sur le fonds d'intervention pour la ville, le FIV, j'espère ne pas provoquer chez vous la même suffocation que M. Le Bouillonnec ! Je ne puis cependant m'empêcher de constater que les crédits de fonctionnement de ce fonds ont diminué de 9,8 % par rapport à 2003 et de 36 % par rapport à 2002. Or il s'agit d'un instrument essentiel pour le financement des associations. Comment comptez-vous donc soutenir celles-ci ?

Comment allez-vous garantir un service continu et égal pour tous lorsque les crédits d'aide au fonctionnement des services publics alloués par votre ministère baissent de 40 % ? Le relèvement des crédits destinés aux adultes-relais ne peut à l'évidence compenser ce désengagement de l'Etat. Sera-ce aux collectivités d'y pourvoir ? Si tel est le cas, dites-le franchement.

Vous supprimez le fonds de revitalisation économique au prétexte qu'il était difficile d'y recourir et qu'il a donc été peu utilisé. Cependant, il permettait de créer des entreprises dans les quartiers. Désormais, ce soutien économique sera-t-il réservé aux seules zones franches urbaines ?

Vous prévoyez la démolition de 200 000 logements entre 2004 et 2008, mais vous n'avez toujours pas répondu à la question que nous vous posions en juillet sur les moyens d'accompagnement humain que vous comptez mettre en place. N'oubliez pas que les logements détruits sont dans leur grande majorité habités : qu'allez-vous faire pour les locataires ?

M. Léonce Deprez - Je suis de ceux qui partagent, Monsieur le ministre délégué, votre colère devant toutes les formes d'immobilisme et d'inertie, ainsi que devant l'état où se trouvent certaines de nos villes. Pensez-vous possible de créer une nouvelle dynamique, un nouvel état d'esprit qui suppriment les raisons de se révolter ? En construisant 200 000 logements locatifs sociaux, en en réhabilitant et en en démolissant autant, on peut sans doute créer un choc dans l'opinion qui facilitera la reconquête des territoires et je vous suggère donc de publier chaque trimestre un tableau récapitulant l'état d'avancement de ce programme. Cela aiderait grandement à convaincre du bien-fondé de votre politique.

Etes-vous prêt à mettre à profit la chance historique que constitue ce programme pour lancer une nouvelle politique d'aménagement du territoire ? Il ne faut surtout pas retomber dans l'aberration qui a consisté après guerre à construire des barres. Les contrats d'agglomération et de pays donnent de nouveaux moyens de reconquête pour revitaliser ces territoires, mais il conviendrait aussi que votre ministère coopère avec celui de l'aménagement du territoire...

Au sein de cette commission élargie, il n'y aucune raison de reproduire les faux débats qui se déroulent parfois dans l'hémicycle. Nous sommes tous, que je sache, pour la justice sociale. Mais nous sommes aussi pour le droit de propriété dont on m'a appris qu'il est assorti de devoirs. Or, dans ma commune, on compte 700 logements vacants et le cas n'est certainement pas unique. Cela n'est pas tolérable quand on demande aux gens d'aller chercher un logement ailleurs. Ne pourrait-on obliger les propriétaires à exercer leurs droits sans en abuser, pour mettre fin à ces vacances ?

M. Jean-Louis Dumont - Il faut appliquer la loi Meyer !

Mme Nathalie Gautier - Vous avez l'ambition de casser les ghettos en cinq ans et nous ne pouvons que souscrire à ce projet, ainsi qu'à votre programme de démolitions, de constructions et de réhabilitations. Pourtant, il semble que les conditions d'une véritable crise du logement soient réunies : à euro constant, le budget du logement diminue de plus de 8 % alors que le coût des opérations ne cesse de s'élever et que le montant et le nombre des aides au logement baissent. Les offices HLM sont ainsi obligés de mobiliser leurs fonds propres. Les réhabilitations se concentreront sur les territoires de la politique de la ville, au détriment du parc HLM, cependant que le parc privé à vocation sociale va rejoindre le marché libre. Dans ces conditions, comment pensez-vous réaliser la mixité dans les quartiers ? Croyez-vous possible d'accueillir les populations les plus pauvres et les plus fragiles si l'Etat n'assure pas une production de logements suffisante ? Enfin, pensez-vous que le rythme des reconstructions pourra être tenu ? En 2002 on était bien loin des 8 000 opérations prévues.

M. Nicolas Perruchot - Je n'entends parler que de baisse des crédits mais je puis témoigner que ce qui baisse dans nos quartiers, c'est bien plutôt la délinquance de voie publique, le nombre de voitures brûlées, de logements vacants, de ghettos, de caillassages des voitures de pompiers et d'ambulances, de tags à nettoyer, ainsi que le montant des crédits de réparation dépensés par les bailleurs sociaux.

C'est sans doute lié à la volonté des acteurs locaux d'accompagner l'action du ministère de la ville. Je ne veux pas croire que l'opposition laisse entendre que ce mouvement va échouer : ce serait un pari risqué. A mon arrivée à la mairie de Blois, le grand projet de ville portait sur 300 logements à démolir et à reconstruire, et le déficit atteignait 55 millions. Je ne veux pas savoir qui a consommé bien ou mal, mais avec M. Borloo nous sommes passés à 1 400 logements à démolir et nous avons triplé les prévisions de constructions. Nous redonnons ainsi espoir à la population, et je pense que se focaliser sur des baisses techniques est quelque peu réducteur.

M. Michel Delebarre - M. Deprez a évoqué le droit de propriété. Je voudrais rappeler l'existence de la déclaration d'abandon manifeste : il s'agit d'une procédure très lourde, mais nécessaire. L'alléger pour qu'elle ne prenne plus qu'un an au lieu de deux en ferait un moyen d'action beaucoup plus efficace pour les maires.

Le rapporteur spécial a rappelé les préoccupations de la Cour des comptes quant à la mise en oeuvre de la politique de la ville. Les compétences de la Cour des comptes sont absolument indiscutables, mais je ne suis pas sûr que sa manière d'analyser les choses puisse s'appliquer à une action transversale comme celle de la politique de la ville. Analyser ce budget ligne par ligne ne peut donner une vision juste des choses. Il est donc urgent de déterminer des critères d'évaluation, idée sur laquelle je crois que nous sommes tous d'accord.

M. le Rapporteur spécial - Je partage entièrement cette dernière remarque : les critères d'évaluation doivent être valables pour chaque contrat de ville. En revanche, je regrette les propos manichéens qu'ont tenus certains de nos collègues. On n'est pas loin du procès d'intention quand on laisse entendre que d'aucuns considéreraient que l'argent investi dans la politique de la ville ou dans les zones urbaines sensibles le serait forcément à fonds perdus... Ma ville compte 78 % de logements sociaux. Est-il normal que plus de 10 % des dépenses du FIV n'y aient rien à voir avec la politique de la ville ? A quel titre le contrat de ville devrait-il financer le collaborateur pour la toxicomanie du préfet, qui était détaché d'ailleurs par une association ou encore un festival de musique dont aucun concert n'était donné en zone urbaine sensible ? Nous avons l'obligation de distinguer entre ce qui relève de la solidarité, absolument nécessaire, et ce qui relève de la connivence, voire du copinage. La politique de la ville a connu certains errements qui n'ont aujourd'hui pas complètement disparu. Une grille d'évaluation de chaque contrat de ville est donc nécessaire.

En ce qui concerne la politique de l'emploi, nous avons parlé des adultes-relais, qui sont absolument nécessaires. Je crois que les communes et les associations ont cependant tendance à confondre aides à l'employeur et aides à l'employé. Les emplois-jeunes, les contrats emplois solidarité et les contrats emplois consolidés sont d'abord des aides à l'insertion, mais le système a souvent été détourné et ils sont devenus des aides aux employeurs.

M. le Ministre délégué - Madame Tharin, je vous assure qu'aucun nouvel agrément n'est institué, en aucune manière. Croyez bien que l'idée d'une agence partenariale n'a pas fait plaisir à tout le monde ! La nouvelle traçabilité des crédits oblige en effet les administrations à mettre les moyens prévus à disposition : c'est à cause de cela que certains services se sont livrés à une véritable opération de déstabilisation. Il est vrai que la politique de la ville a longtemps été une variable d'ajustement budgétaire : ses actions sont éparpillées, et il est facile de les reporter d'année en année sans que cela se voie. Depuis dix ou quinze ans, le contrôle financier du pays a véritablement tué les initiatives des ministres successifs, et je suis en mesure de le prouver... Pour en revenir à l'agrément, il s'agit d'une pure et simple opération de déstabilisation. J'ai été invité à Montbéliard, et j'ai pu y constater que le grand projet de ville avançait. S'il y a trois fois plus de moyens, nous n'allons pas vous freiner par un nouvel agrément !

M. Cohen a évoqué la concertation ; le rapport très intéressant de Zaïr Kedadouche vient de m'être remis et que je tiens à sa disposition. La concertation est rendue difficile à la fois par le fait qu'elle doit précéder de très peu l'action et parce qu'elle exige un savoir-faire complexe. Cependant, il est devenu inenvisageable de faire progresser des dossiers sans concertation, et tous les partenaires HLM et les collectivités ont intégré cette obligation.

En ce qui concerne la prévention, qui est un domaine interministériel, la loi en a confié le pilotage au ministère de la ville, qui représente par ailleurs l'Etat dans les instances internationales. Le sujet est par nature interpartenarial, et mon ministère doit collaborer avec les collectivités locales, mais aussi avec d'autres grands ministères régaliens.

M. Meyer m'a interrogé sur les crédits européens. Je ne crois pas qu'il y ait de difficultés d'alimentation des lignes de requalification urbaine, ou en tout cas il n'y en avait pas lors de l'évaluation de mai dernier. Le taux de consommation est plus ou moins élevé, et il faut donc organiser une réunion avec le secrétariat général aux affaires régionales et le conseil régional pour discuter du redéploiement, mais nous sommes de manière générale plutôt en retard qu'en avance pour la consommation des crédits. Dans le Nord-Pas-de-Calais, une réunion doit avoir lieu et dans votre circonscription la gestion est intégralement assurée par le conseil régional.

M. Habib m'a demandé une explication sur les 8 millions de la CDC. Il s'agit tout simplement de sa quote-part pour l'aide au fonctionnement de l'agence : 20 millions au total, dont 8 tout de suite. La question de la stratégie à adopter est cruciale, et elle n'est pas complètement résolue. La CDC a plusieurs moyens d'intervention. Il y a par exemple les prêts bonifiés que nous utilisons tous sans aucun problème. Les crédits qui y sont relatifs ne se trouvent pas dans ce budget, mais dans la réduction de la quote-part financée par la ville sur le 1 %. Ce système fonctionne très bien et nous lui apportons des modifications techniques de façon consensuelle lorsque c'est nécessaire. Enfin, les 455 millions de contribution de la CDC au FRE, sur ses fonds propres, recouvrent trois types d'intervention. Dans le premier, les partenaires privés ou parapublics servent de déclencheurs : il peut manquer par exemple 10 % de participation dans une clinique. Ce type d'intervention relève par nature de la CDC, même s'il est normal qu'elle soit coordonnée avec l'Agence. La deuxième activité est le financement de la rénovation urbaine ; tous les partenaires prennent part à la fongibilisation, et il est logique que la Caisse fasse de même. Le troisième type d'intervention regroupe en fait toute la « boîte à outils » de la CDC, comme, par exemple, les avances sur subventions. Les équipes ont changé et l'état d'esprit est bon. Je crois que nous arriverons à un dispositif intelligent.

La stabilité des crédits consacrés à la DSU équivaut en fait à une réduction, c'est vrai, mais ce n'est pas ce qui me préoccupe le plus. J'en profite d'ailleurs pour faire un appel aux parlementaires : la DSU a été une avancée, mais elle est maintenant dépassée. Elle échoue à répondre aux difficultés de certaines collectivités. Il est possible que la solution passe par la modification de certains critères. En l'état, la DSU profite plus aux grandes collectivités qu'aux petites - il y a plus d'argent à Toulouse qu'à Montfermeil ! Cela appelle en tout cas un débat de fond. En région parisienne, de nombreuses villes de taille moyenne ne sont pas concernées par les critères actuels de la DSU. Certaines par exemple ont une forte proportion de familles de plus de dix enfants, et la dotation ne prend pas leurs problèmes spécifiques en considération.

Il faut donc faire évoluer ce dispositif qui, à dire vrai, est indigne, car ce n'est pas en saupoudrant des aides « bouche-trou » que l'on réglera le problème de fond. Je sais bien qu'il y a des princes et même des cardinaux des finances locales (Sourires)... les plus riches... mais ils apparaissent assez ouverts à la discussion...

Enfin, je pense vraiment être le ministre de toutes les villes, qu'elles soient de droite ou de gauche, et le calendrier de mes déplacements, cette semaine, devrait vous en donner l'absolue conviction.

Je pense comme vous, Madame Lepetit, que la présentation budgétaire des aides n'a aucun sens en matière de politique de la ville, puisque chaque ministère se limite à annoncer sa quote-part dans les termes qui lui conviennent ; la loi organique permettra d'être un tout petit peu plus précis, et donc d'améliorer l'évaluation. A propos d'évaluation, justement, je compte beaucoup sur les maires et sur les présidents de communautés d'agglomération, puisque nous avons obtenu - en nous y acharnant ! - que le décret prévoie que l'administration fiscale leur envoie les critères quartier par quartier. Cela dit, l'évaluation de la politique globale, somme des politiques conduites dans chaque quartier, n'en sera pas plus facile. Je pense, comme vous, qu'une politique interministérielle ne peut être évaluée par la Cour des comptes. C'est manifeste pour la politique de la ville, puisque l'exonération fiscale est à elle seule supérieure au budget du ministère ! Autant dire que les observations formulées sont plutôt théoriques...

S'agissant du FRE, je partage votre opinion sur les besoins mais je n'ai trouvé aucun soutien pour ces opérations, sauf dans un département. Peut-être le dispositif aurait-il pris de l'ampleur avec le temps, mais l'on peut en douter. Et puis, j'ai tellement dû me bagarrer avec Bercy pour les zones franches urbaines que je ne pouvais demander tout, partout et tout le temps ! (Sourires)

Je ne sais que vous dire, Monsieur Deprez, à propos des rapports trimestriels, mais vous voudrez bien reconnaître que nous avons organisé la traçabilité et la transparence des financements quartier par quartier, ce qui est une première. Je rappelle par ailleurs qu'un film a été réalisé, qui retrace la politique conduite. Il est à la disposition des maires, conformément à l'engagement que j'avais pris.

S'agissant de la propriété privée, je partage votre point de vue et celui qu'a exprimé M. Delebarre. Encore faut-il distinguer propriété privée individuelle et copropriété. Dans ce dernier cas, vous savez que nous avons progressé pour ce qui est des copropriétés dégradées, même si le texte n'est pas encore pleinement satisfaisant. Il reste, en particulier, à accélérer la procédure d'abandon manifeste, encore exceptionnelle et particulièrement lente. Nous souhaitons réduire de moitié les délais constatés actuellement, en espérant les faire passer à 16 mois.

Je partage l'avis de Mme Gautier sur la crise du logement. On s'accorde à penser que de 80 000 à 100 000 logements sociaux nouveaux seraient nécessaires chaque année. Or, on a assisté à une très forte diminution de la construction au cours des dernières années, pour des raisons multiples, dont un télescopage législatif qui n'explique cependant pas à lui seul que, de 80 000 logements par an, on soit passé à 40 000. La tendance est désormais inversée, et l'on remonte vers 50 000, mais il faut faire mieux.

La difficulté tient pour partie au financement, mais il n'y a pas que cela. Vous avez eu raison d'évoquer un problème rarement mentionné : l'évolution du coût de production. On ne se félicitera jamais assez qu'elle ait été compensée par la baisse des taux. En aurait-il été autrement que nous serions en plein drame. Le sujet est préoccupant, et difficile à traiter. M. de Robien et moi-même l'avons évoqué, mais la difficulté tient à ce que le coût de production n'est pas uniforme sur l'ensemble du territoire. Dans tous les cas, un changement est nécessaire, et il faut tout faire pour empêcher les cautions de la CGLLS de sauter.

S'agissant de l'Ile-de-France, le rapport Pommelet recense 3 millions de mètres carrés d'emprises étatiques et para-étatiques assez facilement appréhendables. Cela ne résoudra pas tout, mais c'est une piste intéressante. Ailleurs, on constate un vrai problème avec les agriculteurs, et il serait bon de parvenir à un échange de bons procédés, notamment dans le sud de la France. Tout devra être fait pour augmenter la construction dans les meilleurs délais. Il faut dire, aussi, que nous refusons la construction industrialisée - une phobie française ! -. Certes, nous sommes les leaders mondiaux de la cimenterie, mais quand même ! Nous étudions tous ces problèmes, et nous travaillons aussi à la généralisation de l'habitat social universel, c'est-à-dire adapté aux besoins des personnes handicapées. Il faut savoir que le surcoût n'est que de 1 % !

M. Gérard Bapt - Je suis quelque peu interloqué par la procédure choisie pour l'examen de ce budget. En effet, la commission des finances, qui n'a pas eu de note préliminaire du rapporteur spécial, est maintenant invitée à se prononcer sur un rapport pratiquement définitif. Ce texte pourra-t-il encore être modifié, comme nous le souhaitons ? Le ministre lui-même a évoqué une sorte de monde virtuel, dans lequel chaque ministère fait ce qui lui plaît. Dans ces conditions, que devient le pouvoir de contrôle du Parlement ? L'interrogation est d'autant plus légitime que l'exécution du budget de la ville ne laisse pas d'inquiéter. C'est bien pourquoi le rapport de M. Grosdidier devrait être modifié, de manière que le tableau qui figure en page 37 ne s'arrête plus au 13 août 2003. Il est en effet indispensable de pouvoir mesurer l'effet des gels. On sait que 16,7 millions de crédits de paiement ont été gelés, mais ensuite 18,4 millions ont été annulés. De plus, le rapporteur spécial nous explique que les reports ont été gelés à hauteur de 34 millions pour le chapitre 67-10 et de 0,04 million pour le chapitre 57-71, ce qui représente la moitié des reports globaux. Chacun sait que si ces crédits ne sont pas réinscrits, ils seront annulés. Qu'en sera-t-il ? Sur la forme, j'observe que les commissions élargies se transforment en tribune, et que l'on est loin de l'esprit dans lequel se déroulent les réunions ordinaires de la commission des finances.

J'approuve sans réserve les propos de mon collègue Pierre Cohen. Comme la sienne, ma commune fait l'objet d'un contrat de ville, et comme lui j'ai reçu du préfet une lettre par laquelle il me fait savoir qu'en raison des gels budgétaires, l'Etat n'honorera pas l'engagement qu'il avait pris de contribuer, modestement, à un projet dans ce cadre. Je tiens ce courrier à votre disposition. Il ne devrait pas vous étonner outre mesure puisque, à la page 42 de son rapport, M. Grosdidier « s'inquiète du désintérêt dont semble être victime le FIV ». Le rapporteur spécial rappelle que « le ministère de la ville doit apporter des moyens en complément de la participation des autres ministères » et que « l'effort en faveur du programme national de rénovation urbaine ne doit pas être réalisé au détriment des contrats de ville ». Pourtant, nous sommes bel et bien soumis aux fluctuations des gels budgétaires, et la lisibilité de votre action en souffre. A la réduction des crédits s'ajoute la baisse des reports, dont vous avez laissé entendre qu'ils ne seraient pas intégralement repris, tant s'en faut. Ainsi, les crédits réellement disponibles seront davantage réduits que le rapport ne le laisse entendre. Cela doit apparaître dans le rapport définitif et figurer dans la loi de finances initiale.

M. Gilbert Meyer - Puis-je rappeler que, grâce à la loi Meyer, proposée par la droite et approuvée par la gauche, ce qui tend à montrer qu'elle devait être bonne (Sourires), la question du patrimoine privé est réglée, puisque les organismes sociaux sont désormais autorisés à le gérer pour le réhabiliter ? Le texte est d'autant plus utile que les plafonds de ressources ont été rehaussés par M. de Robien. J'utilise ces dispositions à Colmar, et cela fonctionne très bien.

Il a été dit, à juste titre, que les opérations de rénovation urbaine sont l'affaire de tous, et les communes s'y impliquent fortement. C'est pourquoi de nombreuses opérations de démolition-reconstruction ont été prévues dans des contrats de ville. Depuis lors, vous avez formulé une nouvelle proposition plus favorable que le dispositif ancien. Il y a là une profonde injustice envers les bénéficiaires de celui-ci. Monsieur le ministre, confirmez-vous votre volonté de rattraper ces opérations pour les loger à la même enseigne, si j'ose dire, que celles relevant du nouveau dispositif ? Vous aurez compris que je suis un peu concerné. (Sourires).

M. Jean-Louis Dumont - Les maires que nous sommes pour beaucoup d'entre nous sont particulièrement attentifs à la lisibilité, à la continuité et aux perspectives que trace ce budget. Nous avons plus que jamais besoin de moyens financiers, opérationnels et administratifs. S'agissant de l'ambitieux objectif de 85 000 nouveaux logements sociaux par an, les collectivités, auxquelles on demande beaucoup, auront-elles vraiment les moyens d'y participer ? La baisse des taux d'intérêt est un élément déterminant, mais elle n'est pas une panacée !

Par ailleurs, vous avez vous-même admis que la politique de la ville ne pouvait réussir que s'il y avait du foncier. Alors, je vous le demande, comment fabriquer du foncier à bâtir, au service de la mixité sociale ? En ce qui concerne l'accession sociale, nous déplorons que l'excessive concentration des crédits prive nombre de candidats de la possibilité de réaliser leur projet. N'oublions pas en outre que la participation obtenue au titre du 1 % est théoriquement constitutive de l'apport personnel, et qu'il faut faire respecter cette caractéristique, trop souvent oubliée.

Qu'en sera-t-il, par ailleurs, de la participation du budget du logement au financement de l'ANRU si de nouvelles annulations de crédits interviennent cette année ?

S'agissant des contrats de ville, je partage l'inquiétude de M. Bapt, car j'ai constaté lors de mon dernier conseil municipal une légère régression des crédits. Qu'en sera-t-il en 2004 ? La création de l'ANRU contribue à la débudgétisation croissante des moyens de l'Etat, cependant qu'est constamment affirmée la nécessité de rendre plus cohérente l'intervention publique. Pouvez-vous nous faire part de votre sentiment à ce sujet ?

J'appelle enfin votre attention sur le fait qu'il est de plus en plus difficile d'obtenir des crédits de la CDC. Le démantèlement programmé de cette excellente maison ne risque-t-il pas de contribuer à l'assèchement des ressources du logement social ?

M. Robert Lecou - Je salue, Monsieur le ministre, l'intérêt que le Gouvernement porte à la ville et à la rénovation de nos quartiers, et je tiens à souligner votre réactivité. Ayant dû mener à Lodève une opération de démolition-reconstruction très délicate, j'ai été très sensible à votre capacité à réagir dans l'urgence.

Je considère que la légère régression de vos crédits de fonctionnement n'est pas significative. L'essentiel à mes yeux, c'est de mieux suivre les crédits engagés et de simplifier les procédures.

Je veux plaider auprès de vous la situation des villes-centres, qui rayonnent sur un territoire souvent rural pour lui apporter les indispensables services de proximité. Ces communes, souvent de taille moyenne, sont fragiles, et leurs difficultés risquent d'entraîner le repli économique de l'ensemble de leur aire d'influence. Or, elles échappent en règle générale aux mesures de discrimination positive réservées aux zones urbaines. Je vous fais confiance pour prendre en compte leurs difficultés particulières en rétablissant des dispositifs de péréquation réellement adaptés. Au reste, je serais favorable à ce que votre département ministériel devienne le référent des autres pour ce qui concerne le développement urbain.

M. Ollier remplace M. Méhaignerie au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

M. Gilles Artigues - J'associe à mon propos M. Dino Cinieri. Merci, Monsieur le ministre, pour la loi d'orientation de cet été. Elle constitue une réelle avancée sociale, et c'est sans doute pour cela qu'elle embarrasse tant nos collègues socialistes !

S'agissant de la présentation des projets à l'ANRU, pouvez-vous préciser quel sera le rôle exact des préfets ? Quant à la présentation elle-même, s'agira-t-il d'un « grand oral » ou du point d'aboutissement d'un travail de concertation approfondi ? Lorsqu'une commune comprend plusieurs quartiers en difficulté, sera-t-il possible de présenter les projets séparément ? Enfin, est-il toujours prévu que l'ensemble des crédits pour la période 2004-2008 soient répartis dès l'été prochain ?

M. Gilbert Biessy - L'effort demandé aux communes les plus pauvres en contrepartie du soutien de l'Etat aux opérations de rénovation urbaine reste trop important. S'agissant des opérations prévues dans l'agglomération grenobloise, êtes-vous en mesure de couper court à la rumeur selon laquelle l'Etat n'assumerait pas la totalité de sa part de financement ? Une telle décision serait lourde de conséquences dans la mesure où elle nous priverait des fonds européens.

Nous déplorons le recul de la DSU. Pour perfectible qu'il soit, le dispositif était favorable aux collectivités les moins favorisées.

Le bâti est certes emblématique de la crise urbaine, mais son amélioration ne résoudra pas tous les maux de la société française. A cet égard, nous ne pouvons que regretter la baisse de 10 % des crédits de fonctionnement des contrats de ville.

S'agissant des opérations de démolition-reconstruction, l'urgence porte à nos yeux davantage sur la construction que sur la démolition. Pour faire face à la pénurie de logements sociaux, il faut construire partout. C'est à ce prix que nous réaliserons une avancée vers l'objectif, toujours actuel, de donner à chacun une vraie liberté dans le choix de son lieu de vie. Nombre de partenaires jugent hors d'atteinte l'objectif de construire 80 000 nouveaux logements sociaux chaque année. Ce chiffre intègre-t-il bien les opérations de démolition-reconstruction ? Pouvez-vous nous indiquer le nombre de nouvelles constructions intervenues cette année et prévues en 2004 ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Lors de la discussion de la loi d'orientation, nous vous avions fixé, Monsieur le ministre, trois rendez-vous : le vote du présent budget, la communication des modalités de constitution de l'ANRU et, in fine, les résultats dans les quartiers dans les deux prochaines années. A l'occasion de la première de ces échéances, notre question est simple : le ministre que vous êtes a-t-il obtenu des moyens suffisants pour mener à bien tous ses projets ? Nous le souhaitons sincèrement, mais, à dire vrai, nous n'en sommes pas très sûrs !

Comment expliquez-vous le décalage entre les chiffres annoncés dans le dossier de presse et le jaune ? Pourquoi n'y indiquez-vous pas explicitement que la progression de l'effort public est essentiellement liée à l'intégration des moyens de l'UESL ? Avez-vous obtenu un engagement clair de la CDC à participer au financement de l'ANRU et des autres dispositifs ? Les maires que nous sommes constatent la tendance récente de la CDC à se désengager des opérations d'ingénierie sociale. Pouvez-vous nous donner des éclaircissements à ce sujet ? Comment le comité d'engagement de l'ANRU fonctionnera-t-il ? N'est-il pas envisageable de sanctuariser la participation des crédits du logement et de la ville au budget d'investissement de l'agence ?

M. Daniel Garrigue - Je salue, Monsieur le ministre, votre volontarisme et je souhaite, après M. Lecou, appeler votre attention sur la situation des villes moyennes. On ignore parfois que certaines cités de Bergerac sont plus dégradées que celles de grandes agglomérations !

Je souhaite également vous interroger sur la situation financière relative des organismes HLM car elle pose problème. Les plus endettés portent en effet souvent le patrimoine le plus dégradé. Comment tourner cette difficulté ?

Est-il envisageable d'expérimenter en France le « busing », pratique introduite aux Etats-Unis sous Kennedy, qui consiste à répartir les élèves des cités dans les différents établissements scolaires de la commune ? J'interrogerai également M. Ferry sur ce point dès mercredi.

M. Rodolphe Thomas - Vous avez expérimenté à Valenciennes, Monsieur le ministre, un service d'accueil des victimes d'urgence - SAVU -, qui, au vu de ses bons résultats, va être étendu à six villes pilotes. Ce service permet aux victimes d'agressions de bénéficier 24 heures sur 24 de mesures d'assistance et d'accompagnement.

L'application de ce dispositif montre que plus précoce est l'intervention, meilleure est l'aide apportée aux victimes. Beaucoup de villes disposent ainsi d'un service d'aide. Celui de l'agglomération roubaisienne, cher à mon collègue Vercamer, emploie 9 salariés et traite 2 300 dossiers par an. Ses activités augmentent régulièrement. Il a été décidé en 2002 que ce SIAVIC opèrerait en soirée et le week-end, mais ses capacités d'intervention demeurent insuffisantes faute de moyens. Son éligibilité au SAVU permettrait de faire face aux besoins. Dans quelles conditions le SAVU pourra-t-il être pérennisé en 2004 ?

M. le Rapporteur spécial - Pour établir notre rapport, nous avons utilisé les données dont nous disposions, la dernière étant le décret de régulation du 3 octobre. Je confirme les inquiétudes que j'ai exprimées, et la nécessité de recentrer certaines dépenses. A mon sens, l'évaluation ne doit pas seulement porter sur la situation des quartiers, mais aussi sur les actions menées dans le cadre des contrats de ville.

M. le Rapporteur pour avis - S'il est vrai, comme l'a dit Jean-Louis Dumont, que la politique de la ville existe depuis de nombreuses années, il n'en reste pas moins qu'elle vient d'opérer un virage significatif, recevant un élan incarné par un ministre au tempérament particulier. C'est pourquoi je suis optimiste. Souvent, l'histoire fait l'homme, ici, il semble que l'homme fasse l'histoire (« Ah ! » sur de nombreux bancs). De ce fait, la dispute sur les chiffres me paraît un peu dérisoire. L'urgence aujourd'hui, c'est d'agir. La loi de programmation constitue en soi une petite révolution, dont les critiques exprimées par nos adversaires témoignent de leur regret de n'en pas être les auteurs.

M. le Ministre délégué - Je m'associe à l'hommage rendu à la loi Meyer par son auteur... Ce ne sont pas les programmes qui changent, ce sont les moyens qui leur sont destinés à tous, et qui augmentent.

Je suis conscient d'un phénomène grave qui affecte les bourgs et les villes moyennes, que j'ai constaté personnellement aux Andelys, et qui existe aussi à Pont-Audemer et à Vernon. Il y a là des sortes de morceaux de quartier, qui sont comme en état d'apesanteur par rapport au reste de la ville, et qui n'entrent pas dans les zonages traditionnels. C'est à leur situation que répondra la nouvelle Agence. Mais je demande, en contrepartie, aux collectivités locales d'entreprendre un effort pédagogique et de soutien scolaire vigoureux.

M. Léonce Deprez - Très bien !

M. le Ministre délégué - Le président Dumont a évoqué le rôle de la CDC...

M. Jean-Louis Dumont - Je m'appuie sur une pratique de terrain !

M. le Ministre délégué - Ne parlez pas de démantèlement, mais plutôt de recentrage sur des actions d'intérêt général.

Monsieur Biessy, le dispositif PICURBAN ne présente pas de problème de contrepartie. Le vrai problème est celui de la mobilisation, pour l'avenir, des fonds structurels pour la requalification urbaine.

Monsieur Le Bouillonnec, vous vous inquiétez des autres domaines d'intervention de la CDC, à savoir les SEM et l'ingénierie. Il s'agit là d'une vraie question. Si la CDC ne peut pas agir, qu'elle nous le fasse savoir, plutôt que de pratiquer un désengagement lent et silencieux. Si, en revanche, elle souhaite intervenir, il nous restera simplement à clarifier les interventions de cet important partenaire.

Monsieur Thomas, le SAVU fonctionne plutôt bien, et nous souhaitons pérenniser ce dispositif. Mais cette question n'est pas du ressort du ministère de la Ville, qui se consacre aux seules expérimentations. Je regrette que l'évaluation du dispositif relève d'un ministère dont les conceptions sont assez différentes des nôtres. Mais je me rassure en constatant que le Président de la République s'est saisi du dossier.

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Puis la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a été appelée à se prononcer sur l'adoption des crédits de la ville et de la rénovation urbaine.

Suivant son rapporteur, la Commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la ville et de la rénovation urbaine.

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