COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 13

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 29 octobre 2003
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Jean-Paul BAILLY, Président de La Poste

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La Commission a entendu M. Jean-Paul Bailly, Président de La Poste.

M. Patrick Ollier, président de la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, a d'abord remercié le président Bailly d'avoir accepté de venir devant la commission pour répondre aux interrogations de ses membres sur l'avenir de La Poste.

Il a souligné que La Poste était un établissement cher au cœur des français et des élus, et qu'elle faisait l'objet d'une attention particulière de la part de la Commission des affaires économiques qui se montrait, d'une façon générale, très soucieuse du devenir des établissements publics, des entreprises nationales et des services publics.

Il a précisé que cette attention était justifiée par les préoccupations relatives à la présence postale, après que le récent rapport de la Cour des comptes avait évoqué l'hypothèse extrême, et tout à fait caricaturale, d'un réseau réduit à 6000 bureaux de Poste.

Il a indiqué que La Poste ne devait pas seulement être présente, mais qu'elle devait être aussi efficace, et que le même rapport de la Cour des comptes avait mis en évidence la performance insuffisante de l'activité du courrier.

Il a rappelé que Mme Fontaine, la ministre de tutelle de La Poste, avait déjà eu l'occasion, la veille, de donner certains éléments de réponse sur ces questions, mais que la Commission attendait d'un dialogue avec M. Bailly qu'il ouvrît des perspectives sur les pistes qui pourraient être suivies pour préparer La Poste à affronter la concurrence, à l'échelle nationale, européenne et mondiale.

M. Jean-Paul Bailly, président de La Poste, a commencé sa présentation en qualifiant La Poste d'entreprise extraordinaire, à la fois en tant que gestionnaire du premier service public de proximité de France, et en tant que très grand opérateur industriel œuvrant en situation concurrentielle.

Il a signalé que ce double aspect de l'entreprise n'était pas toujours connu du grand public, qui certes, connaît bien la dimension de service public de La Poste, incarnée par l'image du facteur assurant la distribution du courrier six jours sur sept, mais beaucoup moins bien sa dimension industrielle.

Il a mis en avant certains faits mettant en valeur cette réalité mal connue de La Poste :

- 60% de l'activité de l'opérateur s'effectue en situation de concurrence, cette part couvrant en particulier totalement le transport des colis, la messagerie express, ainsi que les activités financières ;

- contrairement à l'image parfois admise d'un service postal tourné essentiellement vers les particuliers, le chiffre d'affaires du courrier se réalise à hauteur de 95% avec une clientèle de grandes entreprises, d'administrations publiques et de PME ;

- les postiers sont loin d'être tous des fonctionnaires, puisqu'un tiers d'entre eux sont des salariés sous contrat ;

- les ressources de La Poste ne résultent pas d'une rente alimentée par le contribuable mais sont constituées en quasi-totalité de la vente de ses produits et services, les compléments budgétaires venant en compensation partielle des missions de service public fixées par l'Etat : aménagement du territoire (surcoût annuel pour La Poste de 500 millions d'euros) et aide au transport de la presse (surcoût annuel pour La Poste de 500 millions d'euros également) ;

- le trafic postal concerne quotidiennement 60 millions d'objets, dont la plus grande majorité arrive à destination sans encombre, chiffre qui relativise quelque peu la portée des conclusions hâtives parfois tirées des difficultés pouvant être constatées ponctuellement.

Il s'est proposé ensuite d'examiner les divers défis auxquels se trouve confrontée l'entreprise dans ses différents métiers.

S'agissant du courrier, il a observé qu'il procurait encore 60% de son chiffre d'affaires à La Poste, ce qui plaçait celle-ci dans une situation de dépendance, et donc de fragilité, vis-à-vis de cette activité, les opérateurs voisins servant de référence en matière de modernisation de cette activité, à savoir les postes allemande et hollandaise, étant parvenues à abaisser ce taux de dépendance à moins de 30%.

Il a expliqué que cette dépendance était d'autant plus critique que l'activité de courrier connaissait un déclin structurel, dont les premiers effets s'étaient faits sentir en France en 2003, mais qui s'était déjà nettement dessiné aux Etats-Unis, en Allemagne, aux Pays-Bas depuis deux ou trois ans ; que la cause de ce déclin se trouvait d'abord dans la substitution des communications électroniques au courrier classique, que celles-ci prissent la forme de l'email, des transmissions des feuilles de sécurité sociale via la carte Vitale, ou des déclarations d'impôts par Internet ; que cette concurrence par substitution était inévitable, et ne ferait que se développer, tout particulièrement en France, puisque notre pays avait un rattrapage à effectuer dans le domaine de l'utilisation des nouvelles technologies.

Il a souligné également l'impact de la montée en puissance des opérateurs privés sur le marché du courrier, en notant au passage que le processus de libéralisation en cours dans le secteur postal constituait une première historique dans la mesure où il s'appliquait à une activité globalement en décroissance. La concurrence, a-t-il précisé, prend ou prendra la double forme de petits opérateurs s'établissant sur des niches, et de grands opérateurs affrontant La Poste sur tous les segments du marché. Il a montré la fragilité liée à la concentration des donneurs d'ordre dans le domaine du courrier, en signalant que 35% du chiffre d'affaires de La Poste s'effectuait avec ses cinquante premiers clients, alors que France Telecom, par comparaison, répartissait cette même part de son chiffre d'affaires sur ses cinq cents premiers clients. Il a souligné la facilité qui en résultait pour des concurrents éventuels dans le ciblage de leurs efforts commerciaux, et la nécessité vitale pour La Poste de poursuivre ses efforts de compétitivité et de qualité pour défendre ses positions.

Abordant la question de l'automatisation de l'outil industriel de gestion du courrier, il a constaté le besoin d'un rattrapage important dans ce domaine, en insistant sur le retard pris par rapport aux deux opérateurs allemand et néerlandais. Il a indiqué que le maillage des centres de tri était obsolète, parce qu'encore défini en fonction de la géographie française des années soixante-dix, et selon des critères d'organisation administrative ayant abouti par exemple à des implantations en centre ville, particulièrement difficiles d'accès, et qu'il convenait de le réorganiser en tenant mieux compte des caractéristiques actuelles des grands réseaux de transport.

En conclusion de cette présentation des enjeux de l'activité du courrier, il a enfin réaffirmé sa confiance dans le lien qui existait entre la modernisation et l'amélioration de la qualité des prestations, ainsi que l'avaient démontré les résultats tout à fait remarquables obtenus à cet égard dans le domaine du courrier international, qui a fait l'objet d'un effort de mise à niveau important au cours des dernières années.

S'agissant de l'activité du colis et de la messagerie express, fournissant 17% du chiffre d'affaires de La Poste, il a indiqué qu'elle reposait fondamentalement sur le développement d'une stratégie internationale ; qu'en la matière, La Poste avait su investir dans des acquisitions judicieuses, bien que parfois critiquées, dont elle ne tarderait pas à engranger maintenant les bénéfices, comme l'ont indiqué les résultats du premier semestre 2003. Il a marqué la nécessité de poursuivre le développement de cette activité à l'échelle mondiale, afin de compléter le maillage actuel, qui repose sur des implantations étrangères solides certes, mais trop ciblées sur l'Europe ; des alliances, comme celle conclue avec Fedex devraient y aider. Il a observé que cette activité s'apparentait d'un point de vue stratégique à celle du transport aérien, mais avec la complexité supplémentaire d'avoir à combiner la dimension aérienne avec la gestion d'un réseau terrestre.

S'agissant des services financiers, à l'origine de 25% du chiffre d'affaires de La Poste, et surtout source de contributions positives à son résultat d'exploitation, il a rappelé qu'ils avaient fait l'objet de nombreux efforts d'amélioration au cours des dernières années, tant au niveau de l'accueil du public que de la qualité des prestations fournies, grâce auxquels La Poste avait pu stabiliser sa part de marché. Il a souligné que la présence de l'entreprise dans ce secteur était loin de constituer une anomalie si l'on prenait en compte l'histoire bancaire française, puisque La Poste avait introduit en France les premiers produits d'épargne populaire (1881), ainsi que l'utilisation des chèques (1918).

Il a expliqué que l'élargissement de la gamme de ses services financiers était indispensable pour fidéliser sa clientèle, la situation actuelle empêchant celle-ci d'accéder à l'ensemble des produits dont elle a besoin ; que cette fidélisation était décisive pour le maintien du réseau des points de contact, le chiffre d'affaires de certains d'entre eux dépendant à hauteur de 60 à 70 % des services financiers. Il a insisté sur la contradiction qu'il y aurait eu à vouloir le maintien de la présence postale, tout en refusant à La Poste de compléter son offre de produits financiers.

Il a encore rappelé que la bonne santé de La Poste dans le domaine financier était le gage de la poursuite de son rôle actif dans la lutte contre l'exclusion bancaire, puisqu'elle était un des rares établissements à ne pas sélectionner sa clientèle, et qu'elle offrait de surcroît un service de proximité appréciable pour les personnes modestes. Il a estimé qu'une fois mise en mesure de consolider sa position dans les services financiers, elle serait bien placée pour continuer à assurer un accès simple à l'argent liquide aux personnes qui ne seraient pas à même de s'adapter à la dématérialisation croissance des moyens de paiement.

Abordant la question du devenir du réseau postal, il a jugé qu'il fallait le considérer à la fois comme un atout et un coût. Il a d'abord observé que sur une longue période, ce réseau avait été, dans sa globalité, remarquablement stable avec 17.000 points de contacts, puisqu'en dépit de quelques fermetures en milieu rural, d'ailleurs compensées par des créations de bureaux en zone urbaine, il n'avait pas varié de taille depuis les années cinquante. Il a ensuite constaté que cette relative rigidité avait conduit à un décalage entre les lieux actuels d'implantation et les besoins de la population, puisque 30% des bureaux fonctionnaient moins de deux heures par jour, alors que les files d'attente au guichet devenaient d'une longueur intolérable dans certaines villes ; que ce décalage créait des insatisfactions au sein même du monde rural, puisque 7000 communes de moins de 1000 habitants disposaient d'un bureau de poste, tandis que 1000 communes de plus de 1000 habitants en étaient dépourvues. Il a aussi remarqué que ce réseau était très hétérogène quant à son état d'équipement, certains bureaux de poste étant vétustes, d'autres très modernes, et qu'au total, il était coûteux à entretenir, mais que son coût était la contrepartie de son rôle essentiel dans la politique d'aménagement du territoire.

Intégrant ce coût du réseau des points de contact au nombre des handicaps concurrentiels de La Poste, il a établi la liste des trois autres de ces handicaps : le poids des retraites des fonctionnaires ; l'exclusion des 100.000 contractuels de La Poste du bénéfice de l'allègement de charges sociales prévu par la loi du 17 janvier 2003 ; l'insuffisante compensation par l'Etat du tarif préférentiel octroyé à la presse. Il a rappelé sur ce dernier point qu'en effet, la compensation de 300 millions d'euros accordée par l'Etat, ajoutée aux 400 millions d'euros payés par les éditeurs de presse, laissait un solde conséquent de 500 millions d'euros à la charge de La Poste, puisque le service rendu initial coûtait chaque année environ 1,2 milliard d'euros.

Il a déduit de ce panorama que La Poste se trouvait dans une situation de fragilité quant à l'équilibre de son exploitation ; qu'elle avait réussi néanmoins à maintenir, bon an mal an, un résultat proche de zéro sur la décennie écoulée ; mais qu'il ne s'agissait pas là d'une situation satisfaisante, car La Poste s'était trouvée de ce fait privée des ressources qui lui auraient permis soit d'investir dans sa modernisation, et ainsi d'améliorer la qualité de ses prestations de service public, et de gagner des parts de marché dans ses activités concurrentielles, soit encore de renforcer ses fonds propres, qui s'élevaient à moins de deux milliards d'euros seulement, alors que l'engagement hors bilan lié à la charge des retraites des fonctionnaires atteignait cinquante milliards d'euros.

Il a signalé que le diagnostic qu'il venait d'effectuer était très proche de celui effectué par le sénateur Gérard Larcher dans son rapport d'information de juin 2003, ou par la Cour des comptes dans son rapport publié en octobre, et a estimé que les transformations nécessaires à une amélioration de la situation seraient d'autant plus faciles à obtenir que, d'une part, un nombre croissant d'élus auraient conscience des réels enjeux du développement de La Poste, et que, d'autre part, un langage de vérité sur le contexte de gestion serait tenu, et entendu, au sein même de l'entreprise, ce à quoi il continuerait à s'employer.

Évoquant ensuite le projet de contrat de plan, il s'est proposé d'en faire une présentation succincte s'agissant de trois aspects : le renforcement de l'activité du courrier, l'extension de la gamme des services financiers, l'évolution du réseau des points de contact.

S'agissant du renforcement de l'activité du courrier, il a indiqué qu'elle passait prioritairement par l'amélioration de la qualité du service rendu, qui irait de pair avec la modernisation de l'outil industriel, justement prévue par le contrat de plan ; que le développement de nouveaux produits s'appuyant sur les technologies de l'information constituait un axe de développement indispensable et fructueux, même s'il ne fallait pas en espérer une compensation à due proportion du recul inévitable du chiffre d'affaires du courrier ; que les investissements lourds de modernisation qui interviendraient, notamment en ce qui concerne les centres de tri, seraient décidés sans dogmatisme, suite à une concertation étroite avec les élus et un dialogue approfondi avec les postiers.

S'agissant de l'extension des services financiers, il a rappelé que le projet de contrat de plan autorisait La Poste à distribuer du crédit immobilier sans épargne préalable, au travers d'une filiale ayant le statut d'établissement de crédit qui serait mise en place en 2005, puis a donné la parole à M. Patrick Werner pour un complément d'explications.

M. Patrick Werner, directeur général délégué de La Poste pour les activités financières, a indiqué que cette extension était justifiée par le besoin de préserver la part de marché et la clientèle de La Poste, en lui permettant de se battre à armes égales sur le terrain commercial avec ses concurrents, par l'offre d'une gamme de produits mieux adaptés aux besoins financiers des individus tout au long de leur vie ; que si elle n'intervenait pas, 40% des encours étant détenus par les clients de plus de 70 ans, La Poste subirait une perte de part de marché de 20% en 20 ans, l'obligeant à mettre fin à ses activités financières, car celles-ci n'auraient plus alors une masse critique suffisante ; que cette disparition serait dommageable pour les deux millions d'allocataires sociaux qui gèrent sur leur livret A de La Poste des sommes très modestes, qui risqueraient ailleurs de les faire tomber sous le coup de l'exclusion bancaire.

Après avoir rappelé que l'offre financière de La Poste souffrait de l'absence de trois produits, le crédit immobilier sans épargne préalable, le crédit à la consommation, l'assurance IARD (Incendie, Accidents et Risques Divers), il a constaté que La Poste était le dernier opérateur français à ne pas pouvoir les distribuer. Il a précisé que cette distribution ne pouvait se concevoir que dans un contexte de rentabilité, lequel constituait un garant tout à la fois de la qualité de service, et de la poursuite de la mission d'intérêt général au profit des épargnants modestes, que La Poste remplissait d'ailleurs sans y être obligée par aucun texte.

Il a observé que le droit pour les opérateurs postaux d'étendre leurs activités financières, sur la base d'une licence complète, correspondait à une évolution d'ensemble en Europe, cette extension passant alors le plus souvent par la mise en place d'une filiale spécialisée, ce qui permettait ainsi un fonctionnement en toute transparence, conforme aux règles sectorielles.

Il a expliqué que c'était précisément ce dispositif qu'avait mis en place le contrat de plan, sous la réserve que l'extension des services financiers était limitée au crédit immobilier sans épargne préalable ; que cette avancée était en soi appréciable, puisque le crédit immobilier était le produit d'appel des banques, mais qu'il n'était pas certain que cette ouverture limitée de la gamme financière de La Poste suffirait pour lui permettre de défendre sa part de marché.

M. Jean-Paul Bailly, reprenant son commentaire du projet de contrat de plan pour ce qui concernait l'évolution du réseau postal, a indiqué que toute stratégie de repli avait été écartée au profit de l'affirmation de la volonté du maintien du réseau, sous réserve de son évolution ; que cette évolution se concevait dans le cadre d'un dialogue avec des partenaires locaux, puisqu'il s'agissait de permettre, le cas échéant, la transformation de certains bureaux de poste en agences postales communales, ou en « points Poste » gérés par des commerçants.

Il a observé que toutes les parties prenantes avaient intérêt à ce genre d'évolutions, puisque les citoyens pouvaient ainsi bénéficier d'une extension des horaires d'accès jusqu'à 60 heures par semaine, et que les commerçants en retiraient l'occasion d'accroître leur chiffre d'affaires ; que les ressources libérées par ces solutions plus légères permettraient en contrepartie, par des implantations nouvelles, d'accroître l'accessibilité de La Poste dans certaines zones urbaines où elle est ressentie comme insuffisante aujourd'hui.

Il a signalé que le contrat de plan prévoyait, pour la première fois, l'amorce d'un dispositif de péréquation des moyens affectés à l'adaptation du réseau postal, puisqu'il évoquait la possibilité d'affecter le produit correspondant aux abattements dont La Poste bénéficie sur les taxes locales à un « fonds postal national de péréquation territoriale ».

Mme Catherine Vautrin, s'exprimant en tant que rapporteure pour avis sur le budget Poste et télécommunications, a remercié M. Jean-Paul Bailly pour son diagnostic exhaustif et a déclaré partager le sentiment du président de La Poste sur l'urgence de mettre en place un plan pour restaurer la capacité concurrentielle de La Poste.

Elle a d'abord souligné les changements qui sont annoncés par le contrat de Plan en ce qui concerne la compensation de plusieurs charges qui obèrent aujourd'hui les résultats de La Poste : le coût des retraites, le poids des cotisations sur les bas salaires ainsi que le coût des tarifs préférentiels pour l'expédition de la presse.

Concernant l'activité courrier, elle a souhaité avoir des précisions sur les plates-formes logistiques envisagées et sur les modalités d'automatisation des centres de tri. Elle a également souhaité connaître les conséquences en terme de ressources humaines de la réorganisation de l'activité courrier. Elle a demandé à M. Jean-Paul Bailly de démentir une rumeur selon laquelle cette réorganisation aurait des effets induits négatifs sur la qualité de la desserte en milieu rural et d'expliquer quelle était la politique de La Poste pour parvenir à optimiser son réseau.

Abordant la question des services financiers, elle a souligné l'importance pour La Poste de pouvoir désormais offrir des crédits immobiliers sans épargne préalable, et a demandé des précisions sur la stratégie qui serait suivie pour conquérir, grâce à ce produit, une nouvelle clientèle.

Elle s'est interrogée sur l'éventualité d'une stratégie européenne de La Poste en se demandant dans quelle mesure celle-ci serait ouverte sur l'Europe de l'Est.

En conclusion, elle a insisté sur l'importance du respect du futur contrat de Plan, qui comporte des engagements clairs aussi bien pour La Poste que pour l'Etat.

M. François Brottes a tout d'abord fait remarquer qu'il s'agissait d'une audition plus technique que politique, et s'est réjoui qu'elle permette de discuter sereinement de l'avenir de La Poste.

Il a souligné qu'il fallait cesser de faire de mauvais procès à La Poste qui avait réussi à redresser une situation financière particulièrement défavorable en 1997 et présentait aujourd'hui des comptes en équilibre.

Remarquant que l'ouverture à la concurrence fragilisait considérablement La Poste, il a demandé à M. Jean-Paul Bailly si une estimation avait été faite des résultats financiers qui seraient obtenus si La Poste ne supportait plus l'intégralité des charges sur les bas salaires, sur les retraites et le surcoût du tarif préférentiel de la presse. Il a indiqué que les comparaisons de rentabilité ne pouvaient être établies que sur des bases comparables, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui car La Poste ne reçoit pas de compensation pour certaines charges indues, et estimé que si tel était le cas, La Poste pourrait aisément financer l'intégralité de son réseau même dans des zones rurales isolées.

Concernant la stratégie industrielle de La Poste, il a souligné l'urgence de permettre à La Poste d'offrir l'intégralité des crédits à sa clientèle, le crédit à la consommation permettant de toucher une clientèle plus jeune. Il a demandé à M. Jean-Paul Bailly si une intervention législative serait indispensable pour donner une telle possibilité à La Poste ou si une évolution du contrat de Plan serait suffisante. Il a demandé des précisions sur l'avenir de la publicité non adressée et a souhaité obtenir des informations sur l'évolution des services logistiques, notamment en terme de reconversion des personnels.

Abordant le problème de la stratégie sociale, il a souhaité connaître les conséquences en terme d'emplois de l'application du contrat de Plan et notamment le nombre de départs à la retraite qui seraient remplacés.

Il a fait part de son inquiétude quant au rôle attribué à l'ART dans la régulation de l'activité courrier qui n'a que peu de choses en commun avec les télécommunications, et qui génèrera des problèmes de concurrence en des termes nouveaux, puisque ceux-ci s'appliqueront à la situation inédite d'un marché en récession. A ce propos, il a souhaité savoir comment évolueraient les attributions du médiateur postal suite à la mise en place de l'ARTP.

Il a enfin demandé quelle était la position de La Poste s'agissant de la négociation européenne qui va s'ouvrir en 2006 pour fixer l'étape suivante de libéralisation, après la limitation du domaine réservé aux plis de moins de 50 g, l'enjeu étant le maintien ou non d'une capacité pour La Poste de faire de la péréquation territoriale.

M. Daniel Paul a tout d'abord fait remarquer qu'il partageait de nombreuses remarques faites par M. François Brottes notamment sur l'insuffisance de la compensation par l'Etat des charges actuellement supportées par La Poste.

Il a exprimé son inquiétude quant à la transformation profonde de La Poste qui doit faire face à une concurrence très dynamique tout en continuant à assumer des obligations de service public.

Il a interrogé M. Jean-Paul Bailly sur le nombre de bureaux de poste qui devraient être fermés et sur ceux qui seraient confiés à des buralistes ou à des commerçants dans le cadre du redéploiement des bureaux de poste en zone rurale.

Il a indiqué qu'il trouvait inacceptable certaines conclusions du récent rapport de la Cour des Comptes qui porte des jugements de valeur alors qu'elle n'a aucune légitimité pour le faire, notamment quand elle déclare qu'il existe 6 000 bureaux en trop et que les salaires obèrent la rentabilité de La Poste. Il a donc interrogé M. Jean-Paul Bailly pour savoir combien de postes seraient remplacés en compensation des départs à la retraite et si les contractuels deviendraient à moyen terme majoritaires dans le personnel de La Poste. Il a aussi demandé si La Poste souhaitait le maintien d'une capacité de péréquation aux termes de la prochaine étape de négociation de la libéralisation prévue par la directive postale de 2002.

Abordant le problème des services financiers, il a déclaré ne pas être opposé à ce que La Poste cherche à toucher une nouvelle clientèle mais il a exprimé les craintes que lui inspirait l'ouverture des services financiers qui seraient soumis à une course à la rentabilité risquant de mettre en cause le rôle social joué par La Poste à l'égard des personnes à faibles moyens. En conclusion, il a souhaité savoir s'il était exact que figurait sur le fronton de La Poste new-yorkaise le nom des Français qui avaient créé La Poste.

S'exprimant au nom du groupe UMP, M. Jean-Marc Nudant a tout d'abord fait part de son inquiétude, notant que si le résultat net de La Poste est équilibré, il reste très faible. Il a à cet égard souligné que la Deutsche Bank, qui compte le même nombre de salariés que La Poste, parvient à un chiffre d'affaires deux fois supérieur à celui de l'opérateur postal français, avec des profits s'élevant à 1,6 milliard d'euros et a craint que La Poste ne parvienne à faire face, malgré sa mutation, à des concurrents qui disposent d'énormes moyens financiers et pourraient capter des clients représentant une partie non négligeable de son chiffre d'affaires.

Il a indiqué que le groupe UMP considérait qu'il ne fallait pas négliger les difficultés de La Poste, celle-ci ayant en effet un rôle majeur en termes de service public et d'aménagement du territoire. Rappelant que le contrat de plan présenté par le Gouvernement pour la période 2003-2007 visait à doter l'établissement de moyens suffisants pour assurer des prestations de qualité sur l'ensemble du territoire national, il a fait part du soutien de cet objectif par le groupe UMP, qui souhaite que La Poste puisse rivaliser avec ses concurrents européens à l'horizon 2010.

Puis, M. Jean-Marc Nudant a demandé des précisions quant aux moyens prévus pour permettre à La Poste de rendre un service plus efficace et de meilleure qualité, soulignant que les performances en matière de courrier n'étaient pas satisfaisantes, puisque le taux de délivrance du courrier à « j + 1 » n'est aujourd'hui que de 75 %.

Notant que le Gouvernement avait choisi d'étendre la gamme des produits financiers pouvant être offerts par La Poste, il a jugé que cette décision représentait à la fois une chance et un défi pour l'établissement et a souhaité savoir d'où proviendraient les fonds propres nécessaires pour financer cette extension.

Puis, évoquant les recommandations émises par la Cour des Comptes, il a indiqué ne pas partager l'opinion de M. Daniel Paul et a souhaité savoir quelles réformes internes de La Poste étaient envisagées pour rattraper son retard et entrer dans une concurrence active. Rappelant que la Cour des Comptes estimait par ailleurs que le réseau de La Poste est surdimensionné, il a indiqué que le groupe UMP ne souhaitait en aucune manière mettre en cause les 17 000 points de contact du réseau postal mais se montrait en revanche favorable à une adaptation de cette structure, pour mieux tenir compte des réalités démographiques et se montrer plus performante. Après avoir observé que 18 % des bureaux de poste n'étaient ouverts que 2 heures par jour, il a jugé tout à fait positive la création, depuis cet été, de 70 « points poste », qui ne doivent pas être conçus comme des palliatifs à des fermetures de bureaux de poste mais comme un nouveau modèle d'organisation. Il a souhaité savoir quelle suite serait donnée à cette réforme qu'il a jugée souhaitable et rentable et a demandé si  Poste envisageait de se diversifier pour faire face à la diminution de son activité de courrier.

M. Jean-Marc Nudant a conclu que le groupe UMP serait très attentif aux évolutions de La Poste, qui doit être pérenne.

S'exprimant au nom du groupe UDF, M. Jean Dionis du Séjour a jugé que La Poste était actuellement dans une situation très difficile, en raison notamment de la diminution de son activité de courrier et du retard pris dans sa modernisation.

Il a noté, soulignant qu'il ne souhaitait pas polémiquer, que La Poste était une industrie de main-d'œuvre, qui a dû supporter directement l'application de la réforme des 35 heures en recrutant un supplément d'effectif de 20 000 employés. Notant qu'il s'agissait d'un véritable enjeu, il a souhaité savoir quelles étaient les perspectives d'évolution concernant ces personnels et a souligné que, selon l'UDF, la résorption des difficultés actuelles passait nécessairement par une communication claire sur les éventuelles fermetures de bureaux de poste envisagées. Il a estimé que les parlementaires avaient pour devoir d'aider cet établissement et de soutenir sa mutation, mais que celle-ci ne pourrait effectivement recevoir l'appui d'élus locaux que si concomitamment, des avancées étaient opérées en matière de couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile ou par le réseau d'Internet à haut débit, les maires ne souhaitant pas subir une « marche arrière » de l'ensemble des services publics.

Il a donc plaidé en faveur d'une plus grande lisibilité de la stratégie de La Poste et a notamment demandé des précisions quant aux réductions d'effectifs par départs à la retraite et par non renouvellement des contrats.

Abordant la récente hausse des tarifs postaux à 0,50 euro, il a souhaité savoir quelle était la planification des futures augmentations de ces tarifs.

Puis, après avoir rappelé que la Commission des affaires économiques avait suivi avec attention le débat quant à l'entrée de La Poste sur le marché de l'assurance et de la banque, il a estimé que l'argument avancé par les opérateurs concurrents, selon lequel le marché est saturé, n'était pas valide, chaque entreprise devant faire les efforts nécessaires pour s'adapter à l'arrivée d'un nouvel entrant. En revanche, il a jugé plus justifié l'argument selon lequel La Poste bénéficierait d'avantages concurrentiels, comme son réseau territorial, et a demandé si l'établissement était prêt à abandonner certains de ces avantages.

M. Alfred Trassy-Paillogues, soulignant son attachement à une présence postale dans les communes rurales, a souhaité que les directeurs départementaux de l'établissement fassent preuve d'une plus grande transparence, déplorant que certains d'entre eux soient habitués à communiquer en utilisant la « langue de bois ». Il a critiqué l'inutilité des réunions des commissions départementales de présence postale, lieu, selon lui, d'une « vraie-fausse » concertation et a jugé que La Poste se payait de mots en mettant l'accent, dans sa publication « Heures locales », sur le partenariat qu'elle entretiendrait avec les élus locaux. Notant que chacun souhaitait en réalité que La Poste gagne en efficacité, il a demandé que ses directeurs départementaux mènent une réelle politique d'information, citant à titre de contre-exemple les propos rassurants, tenus par un directeur, sur l'absence de courrier en instance, alors qu'une grève dans le centre de tri de Sotteville-lès-Rouen en Seine-Maritime rendait nécessaire d'acheminer le courrier par camion dans d'autres centres situés dans toute la France. Il a enfin plaidé pour que les directeurs départementaux aillent plus loin dans leur accompagnement des mutations de La Poste, notamment en sollicitant des fonds européens ou dans le cadre des contrats de plan Etat-régions.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Paul Bailly, président de La Poste, a apporté les éléments de réponses suivants :

- le contrat de Plan aborde de nombreux problèmes, prévoyant une mise en œuvre progressive des solutions. Ainsi les questions liées à l'acheminement de la presse devront trouver une solution en 2004, celles liées aux retraites des postiers à la fin de l'année 2005 et celle des exonérations des charges sociales sur les bas salaires au début de l'année 2006. Cet échéancier permettra véritablement à l'entreprise de mettre en œuvre efficacement ces mesures en retrouvant à terme sa performance.

Il a en outre estimé que le rythme des mesures aurait pu être accéléré dans certains domaines et que le caractère contraignant du contrat de Plan pouvait être ponctuellement plus marqué. Ce n'est en effet qu'en liant véritablement les cocontractants que cet outil prouvera son efficacité, faute de quoi l'entreprise publique pourrait se trouver dans une situation délicate. L'ensemble de ces mesures devrait par ailleurs permettre d'améliorer la situation budgétaire de La Poste à partir de 2006, sachant que les résultats seront tout juste à l'équilibre en 2004 et 2005 ;

- la stratégie de La Poste ne repose pas uniquement sur l'automatisation des centres de tri. Cette automatisation implique également une nouvelle ingénierie de toute la chaîne de traitement, ce qui peut passer par le regroupement de certains établissements ou un changement de leur vocation. A cet égard, le contrat de Plan ne s'identifie pas au programme d'action de l'entreprise.

Celui-ci sera mis au point en concertation avec les élus et les salariés, mais se traduira forcément par un redéploiement du réseau et des personnels à l'issue d'une réflexion sur l'employabilité, la formation, la mobilité et l'évolution des qualifications au sein de l'entreprise ;

- dans le contexte de concurrence et d'activité cyclique et saisonnière où évolue La Poste, il faut soit adapter en permanence l'organisation de l'entreprise, soit précariser les emplois. La nouvelle direction a fait le pari de proposer aux partenaires sociaux une adaptation de l'organisation de l'entreprise qui fera l'objet d'un contrat social très prochainement ;

- l'objectif prioritaire du présent projet de contrat de Plan est, contrairement à ce que l'on peut entendre ici ou là, le maintien de la qualité du service de La Poste. La qualité consiste à faire bien du premier coup. La poursuite d'un objectif permanent de satisfaction de la clientèle sera en effet le meilleur moyen tout à la fois de faire face à la concurrence et d'accroître l'efficacité de l'entreprise.

- en ce qui concerne les évolutions du réseau, l'objectif est le maintien ou l'amélioration de l'accessibilité en maîtrisant les coûts. Le développement de partenariats avec des communes ou avec des commerçants constitue une bonne solution. Des objectifs chiffrés ne sont pas nécessaires en la matière car ces formules se développent naturellement au rythme rapide d'environ une opération par jour et à la satisfaction des usagers, ce dont attestent des articles nombreux dans la presse quotidienne régionale. Il s'agit-là d'une manière moderne d'assurer le service au public. D'autres évolutions similaires sont engagées par exemple avec la mise en vente dans la grande distribution d'enveloppes et de colis pré-affranchis. Ces opérations qui modernisent le service au public bénéficient à tous. Elles ne permettent toutefois pas de régler toutes les difficultés et il n'y a guère de solution quand La Poste est le dernier acteur économique présent dans un village. Il faut donc agir auparavant lorsqu'un commerce est encore présent afin de consolider son activité. Quand cela n'a pu être fait, il faudra dans certains cas exceptionnels envisager une fermeture mais il faut privilégier la recherche d'autres solutions, par exemple en aidant le maire à reconstituer un point multiservices. Il ne s'agit donc pas de gérer le repli du réseau mais, au contraire, d'organiser la reconquête d'une présence réelle renforcée selon des formules où tout le monde est gagnant car elles contribuent au maintien ou au développement de l'activité économique en réduisant les coûts supportés par La Poste. Il faut donc cesser de réfléchir exclusivement selon des schémas administratifs hérités du passé qui sont inadaptés à l'enjeu de la survie de l'activité dans nos villages ;

- en ce qui concerne d'éventuelles alliances futures entre opérateurs postaux, il est difficile de formuler des prévisions. Si de telles évolutions interviendront nécessairement dans les secteurs de la messagerie express et du colis, l'avenir est moins clair dans le secteur du courrier. Dans la mesure où, dans ce secteur, l'efficacité naît de la concentration des flux, et où le marché du courrier décroît, il est toutefois probable que des postes multinationales mais gardant localement des spécificités apparaissent à l'échéance d'une quinzaine d'années. Cette analyse peut toutefois être discutée et la question mérite un débat ;

- le calcul du résultat qui serait dégagé par La Poste dans l'hypothèse, évoquée par M. François Brottes, où les charges supportées par La Poste seraient entièrement compensées, n'a pas été fait, et il serait difficile de l'effectuer de manière consensuelle compte tenu des divergences d'appréciation sur le coût des différentes charges supportées par La Poste. Il est toutefois exact que le surcoût de la présence postale territoriale est du même ordre de grandeur que la charge qu'assume La Poste au titre du transport de la presse, soit environ 500 millions d'euros sous réserve d'une incertitude de l'ordre de 100 millions d'euros ;

- la publicité non adressée est un enjeu important. Il s'agit d'une activité extrêmement concurrentielle dans laquelle les marges sont très réduites et les pratiques sociales diverses. La position prise par La Poste dans ce secteur s'inscrit dans une démarche à la fois défensive, car c'est le point d'entrée potentiel pour des concurrents qui pourraient ensuite monter en gamme à l'instar des compagnies aériennes à bas coût, et offensive, car cette activité complète la distribution postale. La publicité non adressée est souvent décriée et présentée comme une sollicitation importune que tout le monde jette. Ce n'est pas le cas car, sinon, de telles campagnes commerciales ne seraient pas conduites ;

- les postes allemande et hollandaise se sont diversifiées de manière très importante dans la logistique. Cela a nécessité des acquisitions très coûteuses (TNT valant 4 à 5 milliards d'euros et DHL environ 6 ou 7) qui sont stratégiquement pertinentes compte tenu de leur taille. De telles acquisitions ne sont financièrement pas à la portée de La Poste et une opération de plus petite taille présenterait moins d'intérêt car elle ne permettrait pas de dégager des synergies significatives. La logistique est, en outre, un métier spécifique, très concurrentiel et très sensible à la conjoncture internationale comme l'attestent les difficultés de TNT dans cette activité. Pour La Poste, l'enjeu d'une diversification en vue de réduire le poids du courrier dans son activité passe plutôt par un renforcement dans le domaine des services financiers, de l'activité des colis et de la messagerie express ainsi que dans les nouvelles technologies ;

- en ce qui concerne l'évolution du nombre d'emplois, il est trop tôt pour se prononcer précisément. La réduction des effectifs peut être une nécessité mais elle ne saurait être un objectif en soi. Le plus probable est que tous les départs à la retraite ne soient pas remplacés mais dans des proportions variables selon les métiers, les territoires et les périodes. La Poste restera, en tout état de cause, un recruteur important sur le marché du travail au cours des années à venir ;

- il est effectivement nécessaire de veiller, par des formules « ad hoc », à ce que l'Autorité de régulation des télécommunications (ART), dont les personnels ont essentiellement une formation en matière de télécommunications, prenne correctement en compte les exigences spécifiques du secteur postal, ce dernier ne pouvant être régulé de la même façon que le secteur des télécommunications. Toutefois l'analyse de la situation d'autres pays européens, où les formes d'organisation retenues pour les régulateurs sont très variables, montre qu'il n'existe pas de corrélation entre l'existence d'un organe séparé de régulation et la qualité de cette dernière, comme en témoignent les dysfonctionnements du système britannique où le régulateur postal est distinct. L'efficacité de la régulation du secteur postal dépend bien davantage de la compétence et du professionnalisme des personnes qui en sont chargées que de l'organisation des structures ;

- s'agissant de la directive de 2002 et du bilan d'étape qu'elle prévoit avant 2009 sur le devenir du domaine réservé sur les plis d'un poids inférieur à 50 grammes, il convient de rappeler que le maintien d'un domaine réservé permet aujourd'hui de financer la péréquation tarifaire et les missions de service universel que remplit La Poste. L'ouverture de ce secteur à la concurrence ne devrait donc être envisagée qu'une fois les missions de service universel de La Poste clairement identifiées et financées par un autre biais ;

- les personnels embauchés du fait de la mise en oeuvre de la législation limitant à 35 heures la durée hebdomadaire de travail sont aujourd'hui indispensables au fonctionnement de La Poste et y sont pleinement intégrés depuis la réorganisation de l'entreprise ;

- la nécessité pour La Poste de disposer d'une communication de terrain lisible, permettant d'anticiper les changements au niveau local, a été soulignée à juste titre. La nouvelle organisation de l'entreprise charge directement et personnellement l'ensemble des directeurs de La Poste d'être les ambassadeurs de La Poste et les interlocuteurs des élus au niveau local. Il est vrai que le fonctionnement des commissions départementales de présence postale territoriale est inégal, certaines se limitant parfois à des échanges fictifs. Il existe toutefois une forte pression pour améliorer cette concertation, la qualité du dialogue local entrant dans l'évaluation des directeurs départementaux de La Poste qui en ont la responsabilité ;

- il convient de rappeler que les tarifs postaux français, dont l'évolution est encadrée par le contrat de plan, sont parmi les plus bas d'Europe. Les meilleurs résultats financiers obtenus par certains opérateurs postaux étrangers, en Allemagne ou aux Pays-Bas notamment, s'expliquent certes par une meilleure productivité et une plus grande efficacité du service, qui ont été rendus possible par des tarifs plus élevés et l'absence de charges comparables à celles de La Poste en France. Aussi le contrat de plan prévoit-il un rattrapage tarifaire en faveur de La Poste, sans pour autant renoncer au nécessaire encadrement du prix des services ;

M. Patrick Werner est alors intervenu pour apporter des précisions sur les services financiers :

- la stratégie de La Poste consiste à essayer de devenir la banque principale de ses clients, avec la domiciliation de leurs revenus, ce qui suppose de pouvoir leur proposer des crédits répondant à l'ensemble de leurs besoins. La Poste utilisera les moyens à sa disposition et poursuivra cet effort en proposant des crédits immobiliers sans épargne préalable, ce qui était jusque là impossible et permettra probablement de fidéliser entre 30 000 et 40 000 clients chaque année. Il conviendra d'envisager des modifications législatives pour compléter la gamme des services financiers pouvant être offerts par La Poste, les textes actuels prévoyant que les dépôts de la clientèle sont reçus par La Poste alors qu'ils devront l'être à l'avenir par son établissement de crédit. L'essentiel des entraves à l'extension de la gamme des services financiers provient de la loi n° 60-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et des télécommunications, qui limite l'octroi de crédits par La Poste. L'autorisation législative est déjà acquise pour les produits d'assurance ; il convient à présent de mettre l'objet social de La Poste en accord avec les objectifs qui lui sont assignés s'agissant du crédit aux particuliers. L'examen par le Parlement d'une telle adaptation législative devrait intervenir au cours du premier semestre de l'année 2004, par exemple dans le cadre de la loi relative à la régulation du secteur postal, de façon à permettre la création, rapidement, de l'établissement de crédit ;

- le Gouvernement et la direction de La Poste ne se sont évidemment pas engagés dans la création d'un établissement de crédit sans avoir préalablement vérifié qu'ils disposaient des moyens requis. A cet égard les équipes du ministère des finances et de La Poste fortement engagés dans cette démarche peuvent être choqués par certains propos tenus. La Poste et ses services financiers disposent d'ores et déjà d'importants fonds propres, qui s'élèvent à près d'un milliard d'euros dans le cadre de holdings et de sociétés de participation, et à environ 220 ou 230 millions d'euros par le biais d'Efiposte, sommes auxquelles il convient d'ajouter les actifs immobiliers et diverses autres formes d'actifs. La solvabilité de cette structure, qui sera rentable, sera de surcroît renforcée chaque année par la mise en réserve des résultats, qui devraient être conséquents ;

- La Poste ne bénéficie d'aucune distorsion de concurrence à son avantage pour assurer ses services financiers, puisque les agences postales communales, qui sont les seules structures recevant un appui externe sous la forme de locaux et de personnel, ne vendent pas de produits financiers. De telles agences ne proposent en effet à leurs clients qu'un dépannage financier à hauteur de 150 euros par semaine et renvoient vers les bureaux de poste les plus proches les personnes souhaitant s'adresser à un conseiller financier. L'entreprise supporte en revanche d'importants coûts liés à ses obligations en termes d'aménagement du territoire ou à des handicaps structurels, tels que le taux élevé de cotisation sur les retraites ou l'absence de compensation des charges sociales pesant sur les bas salaires. Il s'agit là d'inconvénients concurrentiels majeurs, qui seront levés dès que les objectifs du contrat de plan auront été remplis.

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