COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 14

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 4 novembre 2003
(Séance de 16 heures 45)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Jean-Cyril SPINETTA, président d'Air France.

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La Commission a entendu M. Jean-Cyril Spinetta, président d'Air France.

Le président Patrick Ollier s'est félicité des bons résultats d'Air France malgré une conjoncture très troublée après les attentats du 11 septembre 2001 et la guerre en Irak et a salué la performance de l'entreprise, passée d'une situation déficitaire à celle d'une société en expansion capable d'être autonome vis-à-vis de l'Etat.

Rappelant que la privatisation d'Air France était prévue depuis longtemps, il a expliqué que la loi du 9 février 2003 avait prévu un dispositif original de contrôle du capital d'Air France lui permettant de s'engager dans des alliances capitalistiques comme elle vient de le faire avec KLM au terme d'une négociation difficile.

Il s'est félicité que cette évolution permette à Air France de traiter à armes égales avec l'Etat actionnaire et rende possible le respect de ses obligations de service public sans conséquences financières néfastes pour l'entreprise.

Il a ensuite souhaité poser des questions à M. Jean-Cyril Spinetta :

- abordant le problème de la desserte des plates-formes régionales, il a demandé quelle était la stratégie d'Air France alors que de nombreuses chambres de commerce se plaignent de la réduction du nombre de liaisons régionales qui les contraint à s'adresser aux compagnies low-costs ;

- concernant le hub de Roissy, il a souhaité savoir si Air France le considérait comme saturé et quelle était sa réaction face aux conclusions de la mission d'information présidée par M. François-Michel Gonnot jugeant qu'il n'était pas indispensable de créer une troisième plate-forme en région parisienne ;

- abordant le problème des low-costs, il a souhaité savoir comment Air France entendait réagir face à la concurrence agressive de ces compagnies.

M. Jean-Cyril Spinetta, président d'Air France, a tout d'abord précisé que la prise de conscience de l'intérêt de l'alliance KLM-Skyteam était venue d'Air France et non d'experts externes à la compagnie, et qu'il en assumait la responsabilité pour le présent et l'avenir.

Il a ensuite indiqué que, jusqu'à maintenant, on avait oublié l'importance fondamentale du choix fait par les Européens d'un marché unique aérien à partir du 1er janvier 1993, choix qui avait rendu obsolète la notion de marché domestique national et imposait aujourd'hui aux opérateurs européens de travailler dans un marché « domestique » devenu européen, de 400 millions de consommateurs aujourd'hui et de 500 millions de consommateurs demain.

Il a souligné que, depuis 1993, tous les opérateurs savaient que l'organisation antérieure, caractérisée par un champion national disposant de droits de trafic nationaux négociés dans le cadre d'accords entre Etats souverains, était dépassée. Il a rappelé que, à la fin des années 80, en tant que directeur de cabinet du ministre des transports, il avait effectivement eu à signer un accord entre la France et le Royaume-Uni, qui précisait clairement les fréquences et les capacités octroyées à chaque pays, sur la base du principe de réciprocité, les droits de trafic étant par ailleurs octroyés aux deux « champions nationaux » que constituaient Air France et British Airways. Mais, a-t-il ajouté, alors que le bouleversement des méthodes de travail est total depuis 1993, l'organisation des compagnies aériennes est demeurée jusqu'à aujourd'hui inchangée.

Dans ce contexte, a-t-il précisé, les difficultés de la Sabena ou de Swissair sont moins liées à des erreurs de gestion qu'à ce changement, mal appréhendé, de l'organisation du secteur.

Il a souligné que, depuis 1993, tous les acteurs savaient que le transport aérien européen se fédérerait autour de trois grands acteurs - Bristish Airways, Lufthansa et Air France - car il s'agissait des compagnies « majeures », des « champions nationaux » des trois principaux pays européens, compagnies disposant par ailleurs d'un savoir-faire ancien et reconnu.

Il a indiqué qu'Air France et KLM étaient les premiers à s'engager dans une modification de structure conforme au changement profond des règles de fonctionnement du secteur. Celui-ci a mis dix ans à produire ses effets pour deux raisons principales :

- une question d'identité et de mémoire nationales, KLM, société royale néerlandaise, créée en 1919, étant à cet égard emblématique ;

- une contradiction entre le droit européen et le droit international, l'Union européenne raisonnant sur un territoire transnational, celui de l'Union, alors que chaque Etat européen négociait encore avec chaque état tiers, les droits de trafic, ceux-ci étant ensuite en général remis au champion national, et non à une compagnie européenne étrangère.

Il a rappelé que deux événements récents avaient contribué à changer la donne :

- la Cour de justice des Communautés européennes, interrogée par la Commission, a rendu en novembre 2002 un arrêt déclarant illégales les clauses de nationalité et imposant la négociation de droits de trafic européens. Cet arrêt interdit de fait de réserver aux compagnies nationales les droits négociés avec les Etats hors Union européenne ;

- en juin 2003, les Etats européens ont donné mandat à la Commission pour négocier les droits de trafic européens, et non plus nationaux, avec les Etats-Unis.

Ainsi, a-t-il conclu, le transport aérien est en train de sortir du régime particulier institué après la guerre par l'OACI.

C'est pour prendre en compte cette évolution jugée certaine par les deux compagnies que KLM et Air France ont souhaité s'allier, convaincues qu'il valait mieux l'anticiper que d'essayer vainement de la retarder.

M. Jean-Cyril Spinetta a ensuite expliqué les raisons du choix de la compagnie KLM. Il a d'abord rappelé que les compagnies généralistes, les « majors », étaient en train de se structurer autour de trois pôles :

- Oneworld, autour de British Airways et American Airlines ;

- Star Alliance, autour de Lufthansa et United Airlines ;

- Skyteam, autour d'Air France et Delta.

Il a ensuite souligné que les alliances étaient déjà très structurées en Europe :

- Lufthansa est alliée à SAS, à Austrian, à la compagnie polonaise LOT, à British Midlands et à Spanair ;

- British Airways est alliée à Iberia, Finnair et Swiss ;

- Air France est alliée à Alitalia et à la compagnie tchèque CSA.

Ainsi, a-t-il conclu, après plusieurs expériences infructueuses avec Alitalia et British Airways en 2000, une seule grande compagnie européenne n'avait pas encore fait son choix : KLM.

Il a indiqué qu'il avait donc pris l'initiative de contacter les dirigeants de la compagnie et entamé des négociations avec cette entreprise puissante, quatrième compagnie européenne, détenant 11 % de parts de marché, loin devant Iberia et SAS, et juste derrière Lufthansa, qui représente 16,5 % du marché, British Airways 17 % et Air France, première compagnie européenne, détenant 17,5 % de parts de marché. Il a précisé que ce classement s'était d'ailleurs resserré au cours des cinq dernières années, puisque British Airways « caracolait » auparavant en tête avec 23 % de parts de marché, Air France se situant à 13 %, soit 10 points d'écart.

Il a ensuite indiqué que KLM et Air France avaient une conception de leurs métiers similaires, avec une forte implication des deux compagnies dans le fret et la maintenance industrielle aéronautique.

Il a également rappelé que KLM était la première compagnie en Europe à avoir compris que la seule stratégie gagnante était celle du hub, c'est-à-dire d'une plate-forme de correspondance rapide et efficace, et disposait d'un hub puissant, celui de Schiphol, qui constituait un atout à l'heure où l'Europe crée progressivement une situation de pénurie, au regard du développement prévisible de la demande de transport aérien.

En effet, a-t-il ajouté, l'intégration accrue de notre espace économique génère des besoins croissants de déplacements. Parallèlement, l'Europe citoyenne qui se construit induit également une demande croissante de dessertes entre les différents pays de l'Union.

Dans ce cadre, il a souligné que l'aéroport d'Amsterdam était admirablement bien situé, tout comme Roissy, mais qu'il disposait, contrairement à la plate-forme parisienne, d'une vision à long terme de ses capacités, et d'un potentiel doublement du nombre de passagers (à hauteur de 90 millions) et de mouvements accueillis, une cinquième piste étant déjà opérationnelle et une sixième devant être construite avant 2006, l'ensemble de ces décisions ayant fait l'objet d'un consensus, à l'issue d'un débat national.

M. Jean-Cyril Spinetta a ainsi estimé que cette alliance serait gagnante en Europe dans les années à venir. Puis il a évoqué les principes ayant guidé les négociations entre les deux compagnies.

Après avoir rappelé l'importance, dans les deux pays, de l'attachement des populations aux deux marques internationalement reconnues que sont Air France et KLM, il a souligné qu'il aurait été absurde de tuer ces marques, dont la prégnance dans les mémoires nationales, représente une véritable force. C'est ainsi que, tant du point de vue psychologique que du point de vue économique, il a été jugé préférable de conserver les deux compagnies. Aussi, si au terme de la fusion économique, un seul groupe existera, celui-ci sera constitué des deux entités distinctes, Air France et KLM, gérant leur propre personnel, mais pilotées par un comité stratégique composé de quatre personnalités de chacune des deux compagnies. Ce comité, présidé par le président d'Air France, doté d'une voix prépondérante, aura pour mission de définir les éléments de coordination entre les deux compagnies, concernant notamment la redéfinition annuelle des fréquences, les tarifs, les achats de flotte, mais aussi les investissements, les budgets, les alliances ou les systèmes d'informations.

M. Jean-Cyril Spinetta a en outre précisé que pendant une période de transition de trois années, le choix avait été fait de préserver la distinction entre les droits de vote et les droits économiques, afin de pouvoir éviter des conflits avec des Etats tiers ayant accordé des droits de trafic à l'une ou l'autre des deux compagnies avant la fusion.

Par ailleurs, M. Jean-Cyril Spinetta a rappelé qu'Air France s'était engagé à ce que l'évolution des réseaux se fasse de façon équilibrée, et que la croissance du trafic de l'une des deux compagnies de la holding, dont le siège sera en France et dont la langue de travail sera le français, ne se fasse pas au détriment de l'autre.

Enfin, concernant les critiques sur l'opportunité financière pour Air France d'une telle alliance, il a précisé que la compagnie Air France attendait de l'offre publique d'échange sur KLM une amélioration des résultats de 500 millions d'euros sur cinq ans, soit une rentabilité exceptionnelle, supérieure aux meilleurs derniers résultats annuels de la compagnie. Si 100 % des actionnaires acceptaient l'échange d'actions de KLM contre des actions d'Air France, ceux-ci posséderaient 19% du capital de la nouvelle entité, tandis que l'Etat français en posséderait 44 %. M. Jean-Cyril Spinetta a ajouté que la valorisation de KLM à 800 millions d'euros devait être rapportée à la valeur des actifs nets comptables de la compagnie qui s'élèvent à 1 437 millions d'euros, l'opération représentant ainsi un « bad will » de 700 à 800 millions d'euros pour Air France.

En conclusion, M. Jean-Cyril Spinetta a rappelé que cette opération, comme toute opération de fusion, comportait des risques, mais que ceux-ci étaient moindres que ceux impliqués par le statu quo et estimé qu'elle s'inscrivait dans la logique même du marché unique européen voulu par les traités.

Puis, en réponse au président Patrick Ollier, M. Jean-Cyril Spinetta, président d'Air France, a précisé les points suivants :

- concernant le rôle des hubs en matière d'aménagement du territoire, on doit souligner qu'aucune compagnie aérienne ne s'implique dans une telle organisation dans le seul but de renoncer à des destinations directes. En effet, si une compagnie renonce à assurer des liaisons directes qui demeurent économiquement pertinentes, un autre opérateur le fera. Air France, contrairement à ce que relate souvent la presse, ne s'évertue pas à faire transiter ses passagers par Roissy ; Air France compte un nombre considérable de destinations directes, notamment au départ d'Orly vers les grandes villes françaises, et se bat avec énergie pour garder sa place prééminente par rapport aux autres opérateurs sur cette plate-forme ; en outre, au départ de Roissy, la plupart des liaisons assurées par Air France sont également directes. Sur ce point, on doit d'ailleurs noter qu'Air France n'avait aucune intention de supprimer la liaison Strasbourg-Londres et qu'elle y a été contrainte par l'apparition sur le marché du concurrent Ryan Air ; mais, dans le même temps, la compagnie a créé une liaison directe Bordeaux-Londres. L'insertion d'une compagnie dans un système de hub ne signifie donc pas l'abandon des destinations directes.

La création d'une plate-forme de correspondance n'est pas non plus contraire à l'aménagement du territoire et au développement des régions. Ainsi, Clermont-Ferrand accueille le siège social et les bureaux d'études de Michelin. Ceux-ci ne peuvent demeurer à Clermont-Ferrand que si cette ville est reliée, de manière commode, à une ou plusieurs plates-formes de correspondances mondiales. On peut certes rêver d'une ligne Clermont-Ferrand-Osaka ou d'une liaison Clermont-Ferrand-Atlanta, mais cela est peu réaliste. En réalité, la ligne la plus utilisée par les cadres de Michelin est à destination de Greenville, en Caroline du Sud, où se situe la plus grande usine Michelin au monde. Une destination directe n'étant pas envisageable, des systèmes de correspondance sont indispensables. Une observation similaire peut être faite concernant les cadres de l'entreprise Legrand, située à Limoges. Les grands hubs ne sont donc pas des systèmes « maléfiques » visant à faire transiter les passagers par des points où ils ne souhaiteraient pas se rendre, mais constituent une véritable liberté pour les grandes villes françaises et européennes, qui peuvent ainsi être reliées aux autres grandes villes du monde. Il convient donc de se battre pour que les villes de la province française soient reliées à de grandes plates-formes de correspondances internationales, qui sont non seulement conformes à l'intérêt général et à l'aménagement du territoire, mais aussi aux besoins des grandes villes françaises et européennes.

On peut par ailleurs observer que le succès des hubs résulte étroitement des choix opérés par les consommateurs ; à cet égard, l'échec de l'ouverture d'une ligne Lyon-New-York en 2000 par Delta Airlines est éclairant, les passagers ayant préféré à cette liaison directe des vols transitant par Francfort, en raison de la plus grande fréquence des vols offerts par Lufthansa sur ce hub, qui constitue quasiment « l'aéroport naturel » des Lyonnais et permet une plus grande souplesse ;

- concernant le troisième aéroport du Bassin parisien, il n'y a pas d'urgence à réaliser une telle structure. On doit néanmoins souligner que le trafic aérien suit une « pente naturelle » de croissance de l'ordre de 4 à 5 % par an, hors fluctuations liées à des événements imprévisibles comme des menaces d'attentats. Ce taux de croissance signifie que le trafic aérien doublera en volume sur les 14 à 18 années à venir ; cette augmentation concernera toutes les plates-formes mais sera plus rapide dans les aéroports de province, comme Nice et Lyon, que dans les aéroports d'Orly et de Roissy.

Cette dernière plate-forme enregistre actuellement près de 50 millions de mouvements de passagers par an ; à terme, une saturation technique des infrastructures est inévitable, comme cela est actuellement le cas dans les aéroports britanniques de Heathrow et de Gattwick, pour des raisons de sécurité d'utilisation des pistes. Par ailleurs, le trafic en direction de la province se développera fortement : on peut estimer que dans 15 à 20 ans, l'aéroport de Nice enregistrera 20 millions de mouvements de passagers par an ; le trafic accueilli par l'aéroport de Lyon aura, dans la même période, doublé ou triplé et la plate-forme de Toulouse aura probablement connu un développement impressionnant. Il ne sera pas possible, dans ces conditions, de transférer l'intégralité du trafic international enregistré par la région Ile-de-France sur des plates-formes de la province française. La question de la création d'un troisième aéroport dans le Bassin parisien se posera donc dans 15 à 20 ans, malgré le très bon potentiel de développement de Roissy ;

- concernant les nuisances sonores, elles sont évidemment réelles. On doit toutefois noter la décision prise à Roissy, lors de la création de la troisième et de la quatrième pistes, de limiter l'enveloppe de bruit à son niveau de décembre 1997. Cette décision doit être strictement appliquée et maintenue. Six ans après, on constate que l'enveloppe de bruit attribuée à Air France a fortement diminué, de l'ordre de 20 %, en raison de la modernisation de la flotte de la compagnie, qui est aujourd'hui constituée d'avions moins bruyants. Air France a d'ailleurs entrepris des investissements pour satisfaire aux exigences réglementaires qui imposent aux opérateurs de renoncer aux avions les plus bruyants, pourtant valables sur le plan technique. Ainsi, la compagnie a mis un terme anticipé à l'exploitation de dix-huit B-737-200, qui étaient de fabrication récente puisqu'ils dataient de 1982 et auraient normalement dû être amortis sur une période de 20 à 25 ans et non 15 ans. En outre, seront éliminés de la flotte d'avions cargos de nuit des B-747-200, afin de respecter les orientations fixées par M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, au mois de juillet 2002. On constate donc que les décisions des compagnies sont profondément modifiées pour mettre en œuvre des contraires réglementaires qui sont, par ailleurs, tout à fait légitimes. Il n'en demeure pas moins qu'en dépit de la diminution globale de l'enveloppe de bruit, qui est réelle, les riverains gardent un sentiment de dégradation de leurs conditions de vie, probablement lié à l'accroissement du nombre de mouvements. Un travail de communication sur les résultats obtenus doit donc être mené ;

- s'agissant des couloirs aériens, il existait un point d'engorgement à l'ouest de Roissy, contrairement à l'est de la plate-forme, qui compte deux points d'entrée. Ce point d'engorgement occasionnait d'ailleurs des retards très importants. Le ministre des transports ayant décidé la création d'un deuxième point d'entrée à l'ouest de l'aéroport, la situation s'est considérablement améliorée, tant en termes de ponctualité qu'en ce qui concerne l'environnement, les avions n'ayant plus à tourner dans l'attente d'une autorisation d'atterrissage, ce qui limite d'autant les émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit donc d'une très bonne décision. Le bilan en termes de nuisances de ces « nouvelles routes » est positif : même si certaines zones ont dû supporter l'apparition de nouvelles gênes, d'autres, en revanche, ont vu les nuisances auxquelles elles étaient précédemment soumises disparaître ou se réduire ;

- concernant la suggestion d'une modification des pentes de descente empruntées à l'atterrissage, il convient d'être prudent, afin de respecter les règles de sécurité. En revanche, des améliorations sont possibles concernant les pentes de montée au décollage. En effet, la plupart des avions longs courriers sont de plus en plus de type « bimoteurs » et non « quadrimoteurs » ; ils sont donc plus fortement motorisés, leur décollage devant pouvoir être effectué en n'utilisant qu'un seul moteur. Ils peuvent donc également monter plus vite et générer des nuisances plus brèves, en adoptant un angle d'incidence marqué. Il est probable que ces angles de montée tendront à s'améliorer, avec le recours croissant aux bimoteurs.

Mme Odile Saugues, s'exprimant en tant que rapporteur budgétaire a remercié M. Jean-Cyril Spinetta pour son exposé très intéressant, mais elle a indiqué qu'elle avait cependant quelques réserves à formuler.

Concernant la distinction entre les droits de vote et les droits économiques, elle a fait part de son inquiétude pour le moyen terme car il n'est pas sûr que les intérêts d'Air France seront alors préservés face à KLM.

Remarquant que les bénéfices trimestriels de KLM avaient été supérieurs à ceux attendus en raison d'une réduction drastique des coûts, elle a noté que plusieurs spécialistes avaient émis des doutes sur les synergies entre KLM et Air France et elle a cité à cet égard les propos du numéro 2 de la compagnie KLM selon lequel l'alliance aurait très bien pu être passée avec Lufthansa plutôt qu'avec Air France mais que cette solution avait été écartée pour éviter une situation d'abus de position dominante ; puis elle a évoqué les propos du journal Les Echos selon lequel « le premier de la classe avait épousé un cancre ! » ?

Elle a ensuite abordé le problème de l'aéroport d'Amsterdam et a demandé comment Air France et KLM allaient coordonner leur trafic. Elle a en outre souhaité connaître la réaction de M. Jean-Cyril Spinetta aux propos de M. Gilles de Robien selon lesquels le troisième aéroport parisien serait Schiphol. Elle a enfin demandé si une alliance avec Aeroflot était toujours possible alors que cette compagnie s'était rapprochée de Lufthansa.

Abordant le problème des compagnies à bas-coûts, elle a évoqué plusieurs enquêtes administratives en cours, notamment celle de l'Inspection générale de l'aviation civile et celle de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, précisant que par ailleurs, la justice avait été saisie à plusieurs reprises à ce sujet. Elle a demandé à M. Jean-Cyril Spinetta ce qu'il pensait du développement de ces compagnies.

Elle lui a en outre demandé de préciser sa pensée suite à ses déclarations sur le développement des compagnies des pays en voie de développement, dites « de sixième liberté ».

Evoquant une disposition récemment adoptée dans le projet de loi de finances, elle a demandé à M. Jean-Cyril Spinetta ce qu'il pensait du rattachement au FIATA de la dotation de continuité territoriale qui aboutit à en faire supporter le coût par les compagnies aériennes.

Elle a enfin souhaité connaître la position d'Air France quant à l'ouverture du capital d'Aéroport de Paris et sur ses conséquences éventuelles sur les principaux utilisateurs des aéroports.

Mme Catherine Vautrin, intervenant en tant qu'orateur du groupe UMP, s'est félicitée des bons résultats de la société Air France, qui sont meilleurs que ceux de ses concurrents. Remarquant que cette bonne santé semblait encore fragile, elle a demandé à M. Jean-Cyril Spinetta comment Air France pouvait consolider ses positions, notamment en Afrique où sa compagnie a perdu des parts de marché par rapport à British Airways.

Elle a ensuite fait remarquer que l'amélioration de la situation financière d'Air France était due en partie aux nouvelles mesures législatives prises par le Gouvernement, notamment la loi du 9 juillet 2003 qui a permis à Air France de réaliser son alliance avec KLM. Elle a souligné que les réticences de certains dirigeants de KLM à l'égard du projet d'alliance étaient liées à la place jugée trop importante de l'Etat français au sein de la compagnie nationale et elle a donc demandé à M. Jean-Cyril Spinetta des précisions sur les modalités de désengagement de l'Etat et sur la part de l'actionnariat réservée aux salariés.

Abordant le problème des nuisances aériennes, qui préoccupe beaucoup les élus locaux, elle a demandé quelle était la position d'Air France sur une proposition faite par la mission d'information sur l'avenir du transport aérien et la politique aéroportuaire concernant l'approche Nord-Sud de Roissy pour réduire les nuisances sonores.

Elle a conclu son intervention en abordant le problème du fret et a demandé s'il était envisageable de mieux utiliser les plates-formes régionales sous-exploitées, notamment celle de Vatry afin de désengorger les grands aéroports.

Usant de la faculté offerte par le premier alinéa de l'article 38 du Règlement, M. Victorin Lurel a demandé que la Commission des affaires économiques étudie de manière plus approfondie les pratiques des compagnies à bas-coûts, notamment pour évaluer les conséquences de leur politique en termes d'aménagement du territoire et a souhaité, au nom du groupe socialiste, la création d'une mission d'information sur ces compagnies low-costs.

Abordant le problème de la desserte aérienne de l'outre-mer, il a interrogé M. Jean-Cyril Spinetta sur les conclusions d'un rapport de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes au sujet d'ententes illégales entre les compagnies Air France, Air Lib et Corsair pour la desserte de l'outre-mer. Il a demandé des précisions sur ce rapport qui est pour l'instant confidentiel mais dont la presse s'est fait largement l'écho. Il a ensuite souhaité connaître quelle était la référence servant à fixer le prix des dessertes de l'outre-mer, des comparaisons étant possibles pour les liaisons métropolitaines entre le trafic TGV et le trafic aérien alors qu'aucune base de comparaison n'existe pour l'outre-mer. Constatant une très forte saisonnalité et des fluctuations de prix qui vont du simple au quintuple, il a demandé à M. Jean-Cyril Spinetta comment parvenir à une tarification plus harmonieuse.

Le président Patrick Ollier a rappelé avoir lui-même présidé une mission d'information consacrée au tourisme aux Antilles, dont les travaux s'étaient révélés très instructifs. Il a observé que la Commission avait effectivement décidé, à la demande de M. Joël Beaugendre, la constitution d'une mission d'information relative à la constitution du coût du billet d'avion à destination de l'outre-mer, mission dont les conclusions devraient être rendues publiques dans quelques mois.

M. Joël Beaugendre a souligné l'opacité de la politique d'Air-France s'agissant des vols à destination de l'outre-mer et a souhaité savoir si ceux-ci devaient être considérés comme des vols internationaux ou domestiques, du point de vue économique et commercial.

Il a également souhaité savoir si les recettes kilométriques par personne transportée (RKPT) étaient proportionnelles, sur l'ensemble des vols internationaux et notamment sur les vols à destination de l'outre-mer, au coût kilométrique par personne transportée (CKPT).

S'agissant des obligations de service public à la charge de la compagnie Air France pour les vols à destination de l'outre-mer, il a rappelé que 12 rotations devaient être effectuées chaque semaine à destination de Pointe-à-Pitre et de Fort-de-France. Il a constaté que certains passagers avaient bénéficié de remboursements pendant 3 ou 4 mois, alors même que la compagnie Air France avait annoncé de futurs changements d'avions, les appareils de type B-747 200 devant notamment être remplacés par des B-747 400 dont la capacité de transport de passagers est moindre. Il s'est étonné des chiffres annoncés s'agissant des coûts de transport pour ce dernier type d'appareils, qui seraient compris entre 415 et 585 euros selon les saisons et a jugé ces estimations très éloignées des coûts actuels. Il a donc souhaité savoir comment de tels coûts avaient pu être établis.

Il a enfin demandé à M. Jean-Cyril Spinetta si une « cagnotte » était progressivement constituée afin de mettre en place de nouveaux avions sur les liaisons à destination de l'outre-mer, ou si une décision prospective avait au contraire été prise pour amortir le coût des avions actuels sur une durée de 15 ans, solution qu'il a jugé peu cohérente compte tenu de la baisse du coût du transport des passagers.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont s'est interrogée sur la politique engagée par Air France s'agissant de certaines liaisons intérieures. Elle a rappelé que le président de la compagnie avait fait part de sa volonté que les grandes villes de province bénéficient d'un transport aérien de qualité et avait cité le cas de l'entreprise Legrand, dont les cadres figurent effectivement parmi les clients fréquents de la ligne Paris-Limoges.

Elle a remarqué que, dans son programme automne-hiver 2003, la compagnie Britair avait décidé de remplacer l'avion bi-réacteur du type CRJ-100, en place depuis trois ans sur la ligne Orly-Limoges, par le modèle antérieur, un bi-moteur à hélice du type ATR-42, qui est à la fois moins confortable, moins rapide et plus bruyant.

Elle a estimé qu'une telle décision constituait un recul inacceptable et dégradait le service rendu à la clientèle, alors même que le taux de remplissage des vols concernés est excellent. Elle a souligné l'importance du désenclavement aérien, bien que celui-ci ne concerne pas la majorité des Français. Elle a jugé qu'une telle politique, si elle devait être pérennisée, constituerait une régression et porterait gravement atteinte à l'égalité des chances entre les territoires, au moment où les collectivités locales et les chambres consulaires, à Limoges comme ailleurs, consentent des efforts financiers considérables pour moderniser les aéroports et offrir aux compagnies des conditions de travail optimales et aux usagers un accueil de qualité.

M. Jean-Pierre Grand a rappelé que la compagnie Air Littoral était liée à la compagnie Air-France par un contrat de sous-traitance, dit d'affrètement, portant sur des appareils de type Fokker 70. Il a précisé que ces appareils avaient été acquis par Air-Littoral en 1995 dans le cadre d'un partenariat avec Air France, qui s'était portée caution sur leur financement. Il a ajouté que, les contrats concernés arrivant à échéance d'ici 2 ou 3 années, Air Littoral avait rendu récemment à Air France un appareil du type Fokker 70 mais continuait à en exploiter deux autres.

Il a toutefois remarqué que, le groupe italien « Seven Group/Azzura » ne désirant pas garder ces appareils, ceux-ci devraient être récupérés par la compagnie Air France puisque cette dernière s'était portée caution, à charge pour elle d'en confier l'exploitation à l'une de ses filiales françaises équipées d'avions du même type, c'est-à-dire Britair ou Régional.

Il a rappelé que le plan de reprise de la compagnie Air Littoral prévoyait déjà la suppression de la moitié des emplois au sein de l'entreprise et a donc souhaité que la compagnie Air France s'engage à recruter les équipages de ces avions. Il a ajouté que les personnels concernés, dont la qualité professionnelle est reconnue, seraient d'autant plus utiles à Air France qu'ils sont déjà qualifiés pour ce type d'appareils. Il a précisé que cette demande concernait une trentaine de pilotes, une soixantaine d'hôtesses ou stewards ainsi que, le cas échéant, quelques mécaniciens aéronautiques spécialisés. Il a enfin estimé qu'il était certainement possible de trouver un aménagement au problème social qu'un tel recrutement pourrait poser à la compagnie Air France au regard des listes de « séniorité » accordant habituellement une priorité aux pilotes d'Air France.

M. Jean-Charles Taugourdeau s'est interrogé sur la variation du prix du billet d'avion en fonction de la durée du séjour sur place, en prenant l'exemple d'un vol Paris - San Francisco, qui coûte 600 à 700 euros pour un séjour de huit jours alors que son prix s'élève à 4000 euros pour un aller - retour de 48 heures.

M. Alain Marty a souhaité recueillir la réaction du président Spinetta sur l'incidence qu'aura sur le transport aérien la remontée forte du prix du pétrole, à des niveaux correspondant à une multiplication par trois, quatre ou cinq du prix du baril, à un horizon compris entre 2010 et 2050, du fait de la concurrence créée par la multiplication des utilisations non énergétiques du pétrole. Il a observé que ce choc aurait d'ailleurs un impact d'autant plus fort dans le cas où le trafic aérien viendrait à doubler d'ici une quinzaine d'années, conformément aux perspectives tracées précédemment par le président Spinetta.

M. Jean-Pierre Defontaine a d'abord observé que le débat sur le troisième aéroport le rajeunissait d'une douzaine d'années, puisqu'il avait lui-même été en charge, à cette époque, celle où avait été lancé la construction du grand aéroport d'Osaka, projet aussi vaste que celui du tunnel sous la Manche, d'une réflexion sur les besoins d'équipement de la France face à l'évolution du trafic aérien. Il a signalé que la fréquentation totale d'alors était estimée à environ un milliard de passagers par an, et a souhaité savoir quel niveau atteignait cette fréquentation aujourd'hui. Il a observé que des erreurs pouvaient être réalisées quant aux estimations du trafic dans le futur, en prenant comme exemple l'échec de la desserte Lille - New York. Il a souligné qu'il fallait prendre en compte les possibilités offertes par les aéroports existants dans les analyses relatives à l'extension des capacités des plates-formes, et en l'occurrence ne pas négliger le rôle que pourrait jouer celui d'Amsterdam pour délester Roissy. Il a souhaité connaître l'avis du président Spinetta sur l'impact de la montée en puissance des préoccupations de sécurité dans le domaine du trafic aérien, ainsi que sur la situation en ce qui concerne le nombre des pilotes, des pénuries ayant existé voilà quelques années du fait de l'insuffisance des dispositifs de formation. Il a enfin interrogé le président Spinetta sur son analyse des moyens destinés à résoudre les problèmes de capacité d'accueil du trafic dans le futur.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-Cyril Spinetta, président d'Air France, a apporté les précisions suivantes :

- des commentaires négatifs ont effectivement été formulés sur l'alliance entre Air France et KLM. Il faut faire la part du dépit et les critiques issues de sources proches de compagnies rivales rappellent le renard de la fable qui, faute de pouvoir atteindre les raisins qu'il convoitait, les déclare trop verts. Il n'est, en tout état de cause, pas conforme à la réalité de qualifier de « cancre », KLM, compagnie à l'histoire glorieuse et qui présente, en outre, la particularité d'être la seule grande compagnie européenne à n'avoir perçu aucune subvention publique au cours des trente dernières années ;

- la décision de KLM d'engager une opération de maîtrise de ses coûts qui se traduira notamment par une réduction de ses effectifs de l'ordre de 4 500 personnes dans les 18 prochains mois a été prise par les actionnaires et les dirigeants de cette compagnie pour des raisons qui leur sont propres, indépendantes du projet d'alliance et Air France n'a pas à la juger. Il est toutefois clair que le fait que les dirigeants d'Air France aient eu le sentiment que KLM pouvait rapidement redevenir rentable a été pris en compte dans la décision de réaliser le rapprochement ;

- les deux compagnies, malgré la proximité de leurs marchés domestiques, présentent la particularité de n'avoir que 31 des 101 destinations long-courrier que l'une ou l'autre desservent en commun. Le rapprochement permettra donc, en premier lieu, d'offrir aux consommateurs de nouvelles destinations de manière coordonnée. Sur les destinations desservies par les deux compagnies, ce qui est par exemple le cas de Pékin, le rapprochement permettra d'accroître la fréquence des dessertes et donc de proposer des horaires plus adaptés aux attentes des consommateurs qui pourront ainsi, demain, faire un trajet long courrier au départ d'une ville européenne via Paris à l'aller et via Amsterdam au retour. En outre, les consommateurs bénéficieront de synergies en ce qui concerne les programmes de fidélisation et les salons d'attente ;

- un rapprochement avec Aeroflot reste possible si la compagnie russe le souhaite. Il permettrait de renforcer Air France quant à la desserte des villes de l'ex-Union soviétique qui reste trop limitée puisque seule trois d'entre elles sont desservies par Air France contre 17 par la Lufthansa. Même si des liens forts existent entre cette compagnie et Aeroflot, notamment en matière de maintenance, Air France conserve toutes ses chances ;

- le modèle économique des compagnies à bas coût qui proposent une offre nouvelle complémentaire de celle des compagnies classiques n'est pas critiquable. Le fait qu'elles bénéficient dans certains cas de subventions publiques l'est en revanche. La décision de la Commission européenne sur la compatibilité avec les règles communautaires des aides dont bénéficie une de ces compagnies à bas coût pour l'utilisation de l'aéroport de Charleroi sera donc d'une très grande importance. Si ces aides sont jugées compatibles avec les règles communautaires, toutes les compagnies, y compris les compagnies classiques, pourront les solliciter et le feront probablement. L'idée de certains gestionnaires de plateformes aéroportuaires selon laquelle la présence des compagnies classiques est garantie et celle des compagnies à bas coût peut être recherchée en complément à son coût marginal est donc fausse ;

- les « compagnies de la sixième liberté » évoquées sont celles dont le marché domestique est très faible, ce qui est le cas, par exemple, d'Emirates, compagnie de Dubaï, ou de Singapore Airlines, et qui ont donc vocation à acheminer des passagers entre des marchés tiers. Actuellement, et c'est une source d'inquiétudes pour Air France bien plus importante que les compagnies à bas coût, certaines de ces compagnies prévoient d'acquérir massivement des avions au cours des années à venir ce qui risque, à terme, de recréer des surcapacités importantes qui seront très néfastes à l'ensemble du secteur ;

- les tarifs aériens sont déterminés par l'application de méthodes de tarification en temps réel (souvent désignées par leur nom anglais « yield management ») qui visent à lisser la demande, très irrégulière, par l'application de tarifs différenciés. Le système tarifaire d'Air Inter qui reposait sur des tarifs dits bleus, blancs ou rouges préfigurait ces méthodes ;

- les lignes desservant l'outre-mer sont évidemment des lignes domestiques dans la mesure où la finalité est de relier des départements et des collectivités français à la métropole mais, compte tenu des distances, elles sont assimilables, sur le plan économique, à des lignes internationales. Air France est prête à justifier à livre ouvert ses tarifs sur ces lignes qui sont parfois légèrement déficitaires et parfois, comme cela est le cas aujourd'hui, légèrement bénéficiaires. Il n'y a pas de monopole sur ces lignes puisque la Réunion est desservie par 4 compagnies (Air France, Air Austral, Corsair, Air Bourbon), ce qui est exceptionnel pour une ligne long-courrier, et les Caraïbes par trois (Air France, Corsair, Air Caraïbes). On ne peut pas reprocher à Air France la faillite d'autres compagnies qui ont, au contraire, mis en évidence la continuité de l'engagement d'Air France, qui, elle, n'a jamais été défaillante, pour desservir ces lignes. La compagnie nationale est résolument déterminée à continuer à assurer, dans les meilleures conditions pour les consommateurs, ces dessertes. Un travail d'explication et de dialogue doit toutefois sans doute être conduit pour prendre en compte toutes les préoccupations ;

- les réticences de KLM à s'engager avec un partenaire dans le capital duquel l'Etat est présent ont été réelles. Elles ne sont pas propres à cette compagnie et, au cours de discussions conduites avec tous les grands opérateurs européens, il est apparu qu'aucun n'était prêt à engager un rapprochement capitalistique avec une entreprise dans le capital de laquelle un Etat resterait dominant. Il est, en outre, probable que cette réticence ne soit pas propre au transport aérien. Les Etats européens semblent, en effet, estimer que leurs intérêts nationaux seront moins garantis s'ils deviennent indirectement dépendants d'un autre Etat du fait du rôle d'une entreprise publique étrangère dans un secteur qu'ils jugent particulièrement important, ce qui est le cas du transport aérien ou, par exemple, de l'énergie ;

- l'approche de l'aéroport de Roissy se fait selon un axe Est-Ouest pour des raisons liées aux vents dominants ;

- la préoccupation des élus attachés au développement de l'aéroport de Vatry est légitime. Le fait que la moitié du fret transporté par Air France le soit à bord de ses avions de transport de passagers rend toutefois difficile d'utiliser un aéroport spécifique pour le fret ;

- le changement de flotte sur la liaison Paris-Limoges s'explique par les écarts de coût d'exploitation, qui vont du simple au double, entre les bi-réacteurs et les ATR 42 ou 72, qui sont par ailleurs de très bons avions. Il est vraisemblable que dans un futur proche et pour ces mêmes raisons, les turbo-réacteurs type ATR 42-500 ou 72-500 soient de plus en plus utilisés, car ce sont des avions qui offrent de bonnes performances en termes de bruit et de vibrations, tout en étant moins coûteux à exploiter ;

- la compagnie Air Littoral et la compagnie Air France sont liées, d'une part, par un contrat de sous-traitance et, d'autre part, par la caution que la compagnie Air France a apporté pour l'achat d'avions par Air Littoral. En fonction de la décision que prendra le tribunal de commerce, il y aura peut-être deux situations à prendre en considération : la reprise d'avions en tant que garant, et la reprise d'avions parce qu'ils volent sur des lignes affrétées par Air France. Pour l'instant, il n'est pas établi que l'article L. 122-12 du code du travail sur la reprise d'entreprise s'applique en l'espèce. En outre, si reprise il y avait, celle-ci serait faite par Régional ou Britair, et non par Air France et c'est dans le cadre de ces entreprises que ces problèmes se poseront ;

- la logique tarifaire dite « Sunday Rule », qui consiste à faire bénéficier de tarifs préférentiels les passagers passant la nuit du samedi dans la ville de leur destination, avait à l'origine pour objectif d'attirer la clientèle privée. Cette stratégie est peu à peu en voie d'être modifiée. Les tarifs attractifs seront attribués sans tenir compte du jour de la semaine mais, en contrepartie, les voyageurs n'ayant pas pu prendre place à bord d'un avion ne pourront plus se faire rembourser, ce qui permettra d'atténuer les pratiques de « surbooking » ;

- la taxation du kérosène ne semble pas être une bonne idée, dans la mesure où il n'y a pas actuellement d'énergie de substitution disponible ; par ailleurs, les perspectives d'évolutions techniques des transports routiers permettront peut-être d'éviter une explosion des prix du pétrole ;

- il est nécessaire de faire preuve d'audace dans la construction de nouvelles plateformes partout en Europe, afin d'éviter de se retrouver à moyen terme avec une pénurie d'aéroports et des engorgements de trafic. En outre, une réflexion devrait être menée pour dissocier le problème des nuisances diurnes de celui des nuisances nocturnes, qui sont celles qui sont les plus insupportables. Les dernières décisions de l'actuel ministre des Transports et de son prédécesseur vont dans ce sens, ce dont se félicite la compagnie Air France.

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