COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 15

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 5 novembre 2003
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Yves Coussain, Vice-Président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen pour avis des crédits pour 2004 :

2

-- Recherche (M. Claude GATIGNOL, rapporteur). :

 

- Informations relatives à la Commission : désignations de rapporteurs

6

   
   

La commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a examiné les crédits de la recherche et des nouvelles technologies pour 2004.

Avant l'examen de crédits, M. François Brottes, au nom du groupe socialiste, s'est déclaré indigné de l'absence de la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, estimant qu'elle n'avait pas daigné assumer la responsabilité de son budget devant la Commission. Il s'est demandé si son absence pouvait s'expliquer par le renoncement aux engagements pris par le Président de la République d'accroître les dépenses de recherche, qui se manifeste par la baisse des crédits du budget civil de recherche et de développement (BCRD) en euros constants dans son périmètre réel, traduisant l'abandon de la recherche fondamentale publique au profit de la recherche appliquée privée. Il a déploré les menaces pesant sur les établissements de recherche alors que leurs financements sont victimes d'une année de manipulations budgétaires, de gels et d'annulations de leurs crédits de paiement. Il a jugé que la hausse du montant de l'allocation de recherche était une fausse promesse, et conclu que le budget d'un département d'une importance fondatrice pour le développement économique, le progrès social, la santé publique et l'indépendance nationale ne pouvait être traité avec un tel mépris. Il a alors annoncé que ces raisons conduisaient les commissaires du groupe socialiste à quitter la réunion.

M. Yves Coussain s'est déclaré surpris de la réaction de M. François Brottes et a souligné que l'audition des ministres sur leur budget par chaque commission chargée d'émettre un avis n'était en aucun cas systématique ; il a également observé que le groupe socialiste ne s'était à aucun moment manifesté pour demander l'audition de Mme Claudie Haigneré.

M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire sur les crédits de la recherche et des nouvelles technologies, a rappelé que la Commission était appelée à examiner des crédits très particuliers, puisque relevant, autour du ministère de la recherche, de multiples ministères, à travers le BCRD et qu'il y avait donc lieu d'aller au-delà de la seule approche budgétaire relevant plutôt de la commission des finances, pour juger de l'impact de la recherche en termes de développement. Il s'est félicité de la politique menée par la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies qui, s'appuyant sur des moyens budgétaires ardemment défendus, est en mesure de présenter un budget renforçant l'action en faveur des jeunes chercheurs, l'emploi scientifique et, sur des projets identifiés, la recherche en entreprise, le développement des fonds incitatifs, des fondations scientifiques tout en confortant les secteurs stratégiques que sont l'aéronautique, l'espace, l'énergie, les nanotechnologies et le biomédical.

Il a ensuite fait remarquer que le projet de BCRD pour 2004, établi dans un contexte économique et budgétaire difficile, traduisait la volonté forte du Gouvernement de maintenir à la recherche sa place fondamentale dans le nouveau dynamisme qu'il souhaitait donner aux structures économiques et industrielles du pays. Il a souligné que le BCRD s'inscrivait dans l'objectif défini au sommet de Barcelone, européen et national, de consacrer 3 % du PIB en 2010 aux dépenses de recherche et de développement, et prenait en compte la double préoccupation d'un effort public devant se situer au tiers du total et d'un effort des entreprises devant en atteindre les deux tiers, leurs parts respectives actuelles étant de 0,95 % et de 1,25 %.

Il a noté qu'à périmètre budgétaire comparable, la progression des dotations du BCRD était de 0,9 %, soit un montant de 8, 928 milliards d'euros ou près de 60 milliards de francs et qu'en y ajoutant la création d'un nouveau fonds incitatif, le Fonds prioritaire de la recherche, s'articulant avec le nouveau statut des fondations, doté de 150 millions d'euros et l'apport de mesures d'exonérations fiscales et de recettes affectées à des agences ou organismes de recherche, le taux d'augmentation des moyens disponibles pour la recherche publique serait porté à 3,9 %.

Il a souligné que dans cet ensemble, le budget du ministère de la recherche et de la technologie apparaissait consolidé, puisqu'il augmentait de 1,7 %, les Etablissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) comme les Etablissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) maintenant leurs dotations, leur orientation se fondant sur une approche plus réactive financée davantage sur projets, accompagnée d'une évaluation mieux adaptée.

Cependant, il a constaté que l'articulation de l'effort public français de recherche avec la politique européenne traduite, par le 6ème programme cadre de recherche et de développement technologique (PCRD), devait être améliorée, le lancement récent (décembre 2002) des premiers appels à projet laissant apparaître une sous-participation de la France qui est, en moyenne, rarement au-dessus de 10 % des propositions, alors que les financements nationaux de la recherche atteignent 18,5 % du montant de ceux de l'Union européenne. Il a, à cet égard, regretté la lourdeur des contrôles a priori pesant sur les EPST qui nuit à leur réactivité, alors que dans le domaine européen, les entreprises françaises savent être performantes, comme c'est le cas pour l'initiative EUREKA.

Il a souligné qu'il était également nécessaire de compléter l'étude des crédits pour 2004 par la présentation de l'impact des mesures de régulation budgétaire de l'année 2003, soit une diminution de 2,5 % des crédits de paiement du ministère de la recherche destinés aux différents acteurs de la recherche publique, afin de donner à l'exercice budgétaire toute sa pertinence et d'apaiser certaines des inquiétudes qui ont pu s'exprimer au cours du premier semestre 2003.

Il s'est réjoui de constater que la poursuite de la politique engagée par le Gouvernement en faveur des jeunes chercheurs dans le cadre d'un plan de gestion prévisionnelle des emplois scientifiques rénové s'amplifiait, comme le montre la revalorisation des allocations de recherche qui doit être de 15 % en trois ans, soit d'ores et déjà 1591 euros mensuels, près de 11 000 francs, depuis la rentrée universitaire 2003, avec l'exercice d'un monitorat, et la poursuite de l'accroissement du nombre de contrats de post-doctorant, 600, parallèlement à un assouplissement des recrutements.

Il a insisté sur le nombre de conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) qui devrait être de 860 cette année, l'objectif étant d'atteindre 1500 CIFRE en 2010, alors que le dispositif CORTECHS, qui est l'équivalent pour les techniciens, se développera en interaction avec les régions qui les cofinancent.

Il a ensuite présenté le deuxième volet de l'action gouvernementale visant à stimuler l'effort des entreprises en matière de recherche, dont les mesures du plan innovation, défendu conjointement par les ministres de la recherche et de l'industrie, qui devraient faire bénéficier la recherche privée d'environ 1,1 milliard d'euros d'aides sous forme de dispositions fiscales favorables ou d'exonérations de charges patronales, touchant donc non seulement les grandes entreprises, mais aussi le tissu de petites PME innovantes.

Il a précisé que la dynamisation de l'initiative privée se traduisait d'abord par la réforme profonde du crédit d'impôt recherche, qui prendra désormais en compte le volume des dépenses de recherche, à hauteur de 5% et leur croissance annuelle, à hauteur de 45 %, le plafond en étant porté à 8 millions d'euros, les dépenses de recherche prises en compte étant doublées si la recherche est effectuée en partenariat avec un établissement public de recherche. Elle se traduit également par la mise en place de la société unipersonnelle d'investissement à risque (business angels), de la jeune entreprise innovante et enfin d'un statut rénové des fondations qui devrait permettre le développement des fondations scientifiques.

Il s'est donc félicité que la valorisation de la recherche publique, amorcée par la loi de 1999 sur l'innovation et la recherche, pût trouver dans ce plan une concrétisation nouvelle et renforcée.

Il a ensuite fait remarquer que la place de la recherche dans l'aménagement du territoire devait être renforcée et offrir la même souplesse de fonctionnement que les fonds incitatifs, le Fonds national de la science (FNS) et le Fonds de la recherche technologique (FRT) connaissant, en 2004, une reconduction de leur capacité d'engagement, accrue de 60 % en deux ans et l'Agence nationale pour la valorisation de la recherche (ANVAR) voyant, quant à elle, son rôle précisé dans le cadre de cette politique énergique de soutien à la recherche privée, en développant son action régionale.

La place de la science dans la société devant être également une préoccupation constante, le rapporteur a souligné que l'information et la culture scientifiques devaient être renforcées dès l'enseignement primaire, ce qui permettrait notamment d'aborder sereinement mais avec fermeté la question du principe de précaution, sa valeur réelle et la place qu'il conviendrait ou non de lui accorder dans le dispositif juridique.

En conclusion, le rapporteur a estimé que l'effort important représenté par un BCRD en progression dans une conjoncture économique morose, joint à des incitations fiscales doublées en faveur de la recherche en entreprise, devrait permettre à la France de tenir ses objectifs de croissance des dépenses de recherche, conduisant au progrès technologique et au développement économique de notre société.

M. Serge Poignant, s'exprimant au nom du groupe UMP, a indiqué qu'il partageait les conclusions du rapporteur. Il a précisé que, dans la situation budgétaire difficile que connaissait notre pays, le BCRD était en progression et les moyens affectés à la recherche en hausse de 3,9 %.

Il a ensuite rappelé que les priorités du gouvernement étaient louables. Il convient en effet, a-t-il précisé, d'accroître l'attractivité des formations supérieures en matière de recherche. La revalorisation de l'allocation recherche, en hausse de 15% entre 2002 et 2004, y contribue, tout comme l'augmentation du nombre de post-doctorants, en France mais également à l'étranger.

En matière de recherche, il a demandé que la politique des brevets soit soutenue parallèlement à un intéressement des chercheurs et s'est réjoui de l'augmentation du contingent des conventions CIFRE.

Il a ensuite rappelé qu'il convenait également d'appuyer la recherche universitaire par des crédits budgétaires conséquents, puisqu'il s'agit d'un autre pan fondamental de la recherche française.

Il s'est félicité du renforcement du dispositif des fonds incitatifs, par abondement du FRT, du FNS et du nouveau Fonds prioritaire de la recherche, qui permettront le développement de grandes thématiques : cancer, effet de serre, gestion de la ressource en eau, diffusion des savoirs, etc. Il a rappelé que ces recherches nécessitaient des crédits supplémentaires, mais surtout une meilleure visibilité pluriannuelle.

Il s'est réjoui de la réforme de la recherche industrielle relancée par le Plan innovation dont le dispositif devrait mettre à disposition des entreprises plus d'un milliard d'euros sous forme d'aides fiscales, ce qui laisse augurer des perspectives intéressantes. Il a plaidé pour le développement des jeunes entreprises innovantes et s'est félicité des dispositions relatives au crédit d'impôt recherche. Il a également indiqué qu'il soutenait la réforme de l'ANVAR.

Il a appelé de ses vœux le développement d'une recherche plus décentralisée et mieux répartie sur le territoire, dans le cadre d'une meilleure coordination interministérielle et d'une réflexion sur la création de vrais pôles de compétence de niveau européen, mais répartis dans l'ensemble des régions, en rappelant que le dynamisme d'une économie passait certes par son industrie, mais également par la recherche fondamentale et appliquée.

Il a conclu en estimant que le budget de la recherche serait tout à fait en mesure de répondre à l'ensemble de ces objectifs, mais qu'il convenait de ne pas oublier le caractère pluriannuel d'un secteur qui conditionne l'avenir d'un pays.

Dans sa réponse, M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis, a déclaré partager l'analyse de M. Serge Poignant, soulignant que le projet de budget de la recherche était caractérisé par la priorité donnée à l'application des résultats obtenus en recherche fondamentale. Il a convenu qu'il était difficile d'identifier, au sein du fascicule budgétaire, les moyens alloués à la recherche universitaire et a souhaité que lors de l'examen du futur projet de loi de finances, une réflexion soit menée pour mieux identifier le contour général des dotations consacrées à la recherche, qui dépendent de plusieurs ministères et notamment de ceux chargés respectivement de la recherche, de l'éducation, de l'agriculture et de l'industrie. Il a déploré que cet aspect interministériel nuise à la lisibilité de l'effort public consenti en matière de recherche, en rappelant qu'il représentait aujourd'hui 0,95 % du produit intérieur brut (PIB), l'effort privé ne représentant quant à lui que 1,2 % du PIB, et a donc souligné le rôle déterminant du secteur privé pour pouvoir atteindre l'objectif de 3 % du PIB en 2010.

Il a réaffirmé que les mesures fiscales prévues par le projet de loi de finances étaient particulièrement pertinentes, puisqu'elles devraient permettre de stimuler la recherche en entreprise. Certaines entreprises lui ayant signalé que tout recours au crédit d'impôt-recherche donnait lieu à un contrôle fiscal, il s'est déclaré préoccupé par cette pratique administrative qu'il a jugée pour le moins peu encourageante à l'égard des entreprises innovantes. Il a indiqué qu'en conséquence, il défendrait un amendement à l'article 62 du projet de loi de finances, afin que les contrôles concernant la détermination du crédit d'impôt recherche ne soient suivis d'une éventuelle notification de redressement qu'après avoir recueilli l'avis motivé des services du ministère chargé de la recherche et de la technologie.

Puis, conformément aux conclusions de M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche et des nouvelles technologies pour 2004.

Informations relatives à la Commission

La Commission a procédé à la nomination de rapporteurs :

- MM. Yves Coussain, Francis Saint-Léger et Jean-Claude Lemoine ont été nommés rapporteurs sur le projet de loi (n° 1058) relatif au développement des territoires ruraux ;

- M. Alfred Trassy-Paillogues a été nommé rapporteur sur le projet de loi (n° 1163) relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom ;

- Mme Arlette Grosskost a été nommée rapporteure sur la proposition de résolution de M. Marc Laffineur (n° 1159) sur la proposition de règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (COM (2002) 711 final/E-2176) ;

- M. Patrick Ollier a été chargé d'un rapport d'information sur le débat relatif aux infrastructures de transport.

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