COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 16

(Application de l'article 46 du Règlement)

mercredi 12 novembre 2003
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Yves Coussain, Vice-président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de Mme Clara GAYMARD, présidente de l'Agence française pour les investissements internationaux ;


2

- Information relative à la Commission :

12

   

La Commission a entendu Mme Clara Gaymard, présidente de l'Agence française pour les investissements internationaux.

M. Yves Coussain, président, remarquant que la France se situait au troisième rang mondial des pays investisseurs, et au second rang des pays d'accueil des investissements étrangers en 2002, a tenu à demander à Mme Clara Gaymard son avis sur les débats, parfois très partiaux, concernant la perte d'attractivité de notre territoire. Il s'est interrogé sur les moyens de l'Agence française des investissements internationaux (AFII) pour encourager les investissements sur notre territoire, et notamment dans les régions en difficulté économique, ainsi que sur la collaboration entre l'Agence et la Direction des relations économiques extérieures (DREE), la création de l'AFII en 2001 ayant répondu à la volonté de rationaliser des structures parfois redondantes destinées à promouvoir l'investissement international en France.

Mme Clara Gaymard, ambassadrice déléguée aux investissements internationaux, a commencé par souligner l'importance d'attirer les investissements internationaux en France, ce que, a-t-elle observé, les élus locaux peuvent mesurer quotidiennement sur le terrain.

S'agissant de l'investissement direct international, elle a indiqué que les investissements directs étrangers, en forte croissance depuis près de 20 ans, enregistraient un recul important depuis 2002, concernant principalement les Etats-Unis et le Royaume-Uni. A cet égard, elle s'est félicitée de la résistance de la France à cette dégradation de la conjoncture mondiale, à l'instar de la Chine et des pays d'Europe centrale et orientale.

Elle a indiqué que le montant d'investissements directs internationaux avait été multiplié par 23 depuis 1982 alors que le produit intérieur brut (PIB) mondial a été multiplié par trois et les exportations mondiales par quatre, signe que l'investissement international est une donnée nouvelle de l'économie mondiale. De ce fait, elle a estimé que la balance des paiements d'un pays retraçait désormais moins la situation des ventes à l'étranger de ce pays que l'intensité des échanges entre des entreprises de dimension mondiale.

Ces échanges sont particulièrement intenses, a-t-elle indiqué, dans le domaine de la production et de la distribution, sachant par ailleurs qu'ils pourraient être intensifiés dans le futur dans les domaines de la recherche et des quartiers généraux d'entreprises dans lesquels la France bénéficie d'un avantage concurrentiel certain.

Elle a indiqué que le flux des investissements directs étrangers de la France en 2002 plaçait notre pays devant la Chine, sachant par ailleurs que la moitié des investissements dans ce pays sont réalisés par des Chinois établis à l'étranger.

Considérant ensuite le marché européen de l'investissement international mobile, elle a d'abord tenu à préciser que cette notion s'entendait des investissements productifs pouvant être établis dans plusieurs pays concurrents, ce qui exclut par conséquent les investissements destinés au secteur du tourisme et du commerce, compte tenu du fait que ces investissements sont par essence destinés à un marché local, mais aussi les investissements liés aux opérations de fusions et d'acquisitions d'entreprises sauf si elles occasionnaient une création d'emplois.

Elle a indiqué que la courbe européenne des investissements directs étrangers et celle des investissements internationaux mobiles étaient similaires, enregistrant une augmentation jusqu'en 2000, date à laquelle un certain reflux s'est fait sentir.

Par conséquent, elle a souligné que les investissements internationaux mobiles avaient chuté de 30 % en nombre d'emplois au niveau européen, mais que la France était parvenue à maintenir sa position derrière le Royaume-Uni, ce qui permettait d'espérer que notre pays devienne à l'avenir, le premier pays européen en la matière. L'amélioration sensible de l'attractivité des pays d'Europe centrale et orientale peut s'expliquer par ailleurs en grande partie par un phénomène de rattrapage.

Elle a indiqué qu'un observatoire européen avait été créé en 2002 au sein de l'AFII, afin de détecter sur Internet, dans les bases de données payantes et dans la presse les intentions d'investissements à destination de l'Europe. Cet observatoire, dont un bilan récent a montré la particulière efficacité, et dont les analyses sont dans l'ensemble concordantes avec celles réalisées par le cabinet Ernst and Young, a entre autres montré que les pays d'Europe centrale et orientale ont attiré près de la moitié des investissements étrangers en Europe en 2002.

Abordant ensuite le niveau de l'investissement étranger en France, elle a indiqué qu'il pâtissait de la mauvaise conjoncture économique mondiale, mais que le recul enregistré en 2002 était limité à 10 %, contre 30 % au niveau européen. Notant que la France retrouvait ainsi le niveau d'investissement de 1996 ou 1997, elle s'est interrogée sur le point de savoir s'il s'agissait d'un retour à un niveau d'investissement normal après la période de forte croissance des investissements liée aux nouvelles technologies.

Notant que la répartition géographique des investissements étrangers était liée au poids démographique et économique des différentes régions françaises, notamment s'agissant de la région parisienne et de la région Rhône-Alpes, elle a néanmoins indiqué que leur montant y était parfois proportionnellement moins élevé que dans certaines régions moins peuplées, ce qui s'explique notamment par la politique active de la France dans le domaine de l'aménagement du territoire. Ainsi, a-t-elle indiqué, les investisseurs sont attirés par les terrains de la France rurale qui, moins chers que ceux des concurrents allemands ou anglais, restent facilement accessibles depuis la capitale.

Elle a indiqué que la France était particulièrement attractive dans les domaines de l'automobile, des équipements électriques, des services, de l'agroalimentaire et de l'informatique. Comparée à l'Allemagne, qui a des entreprises dynamiques principalement dans le domaine industriel, ou le Royaume-Uni, offensif dans le secteur de la finance, elle a estimé que l'atout majeur de la France était d'avoir des entreprises de premier plan dans pratiquement tous les domaines économiques.

Par conséquent, elle a indiqué qu'il fallait juger l'attractivité de la France à la fois à l'aune des investissements réalisés en France par des compagnies étrangères et des investissements des compagnies françaises à l'étranger, sans s'alarmer trop vite des prétendues délocalisations françaises, compte tenu du fait que l'existence de compagnies françaises leaders mondiaux permet d'attirer sur notre territoire d'autres entreprises qui leur sont économiquement liées, comme par exemple les équipementiers travaillant avec Renault ou Peugeot.

Puis elle a évoqué les atouts dont dispose la France pour attirer les investisseurs, tels qu'ils sont mis en évidence à la fois par une étude du cabinet Ernst and Young et de l'American chamber of commerce.

Ces atouts résultent, a-t-elle estimé, d'éléments divers comme sa situation géographique au cœur de l'Europe, la qualité de ses infrastructures, le prix de son électricité, le coût limité des appels téléphoniques, et surtout la qualité de la main-d'œuvre française unanimement reconnue à l'étranger (contrairement à une idée reçue en France) et largement prise en compte par les investisseurs internationaux. La France est en effet, a-t-elle indiqué, le pays ayant le pourcentage de la population titulaire d'un diplôme scientifique ou technique le plus important d'Europe, derrière le Royaume-Uni.

Elle a en revanche estimé que l'effort français dans le domaine de la recherche et du développement qui se situe au-dessus de la moyenne européenne, mais largement en retrait par rapport aux Etats-Unis ou au Japon, était insuffisant et qu'il s'agissait d'un sujet déterminant pour la compétitivité future de la France face à des nations concurrentes comme l'Inde ou la Chine.

Elle a enfin indiqué que la qualité de la vie était un atout important pour l'attractivité de la France.

S'agissant des handicaps de notre territoire pour attirer les investissements internationaux, elle a particulièrement relevé la complexité administrative et l'instabilité juridique française qui dissuade grandement les investisseurs dont les calculs de rentabilité sont établis sur 7 à 8 ans, alors que les normes juridiques ont parfois changé plusieurs fois dans cet intervalle de temps, notamment dans le domaine de la fiscalité.

Elle a par ailleurs estimé que le poids de la fiscalité et des charges sociales était également un élément négatif, mais que les investisseurs tendaient de plus en plus à contrebalancer ce désavantage par la prise en compte de la qualité et du faible coût des services publics, ce qui rend à leurs yeux la France parfois plus intéressante que le Royaume-Uni.

Mme Clara Gaymard a ensuite abordé la stratégie mise en œuvre par le Gouvernement à l'issue des premières rencontres de l'investissement international qui se sont tenues à la Baule en juin 2003, au cours desquelles le Premier ministre a tenu un discours fondateur visant à placer l'attractivité au cœur de la politique économique. Elle a jugé que si les mesures envisagées n'avaient pas directement trait à l'attractivité de notre territoire, elles démontraient néanmoins la volonté du Gouvernement de créer un environnement favorable à la liberté d'entreprendre et qu'elles avaient d'ores et déjà obtenu un accueil très favorable de la part des investisseurs étrangers.

S'agissant de la stratégie utilisée, elle a souligné que le Premier ministre avait lancé un travail interministériel à partir du mois de juin 2003 qui doit s'achever par un séminaire gouvernemental au mois de décembre 2003 permettant de mettre en place les premières mesures, notamment la création d'un Conseil pour l'attractivité de la France, rassemblant autour du Premier ministre des personnalités issues du monde de l'entreprise et d'autres horizons, une action de communication triennale, ainsi que des actions prioritaires plus ponctuelles.

Elle a indiqué que le premier axe du plan gouvernemental visait à attirer les compétences sur notre territoire. A cet égard, elle a jugé que la mobilité de la population étudiante jouerait un rôle essentiel et s'est réjouie de la première réunion du Conseil national pour le développement de la mobilité internationale des étudiants le 12 novembre 2003. Elle a par ailleurs indiqué qu'un effort serait consenti pour attirer des chercheurs de renommée internationale en France, en leur offrant une rémunération comparable à celle des pays concurrents, et pour améliorer les conditions de séjour des cadres et dirigeants s'installant en France, notamment en expérimentant de nouvelles procédures d'obtention de visas et titres de travail.

Mme Clara Gaymard a souligné que le deuxième axe retenu consistait à attirer les capitaux étrangers sur notre territoire par la diminution des prélèvements obligatoires, notamment pour la recherche-développement grâce au crédit d'impôt-recherche par le biais de la loi sur les entreprises innovantes et par l'exclusion des dépenses de recherche et développement de l'assiette de la taxe professionnelle ; en second lieu, seront mis en œuvre une simplification du droit et un renforcement de la sécurité juridique, domaine dans lequel des avancées significatives sont déjà enregistrées.

Enfin, a-t-elle déclaré, des actions sectorielles seront soutenues, d'une part pour attirer les sièges sociaux d'entreprises et des organisations non gouvernementales, pour accueillir l'industrie du cinéma sur notre territoire, et d'autre part pour améliorer la compétitivité de notre place financière, condition de la puissance économique.

Mme Clara Gaymard a par ailleurs fait observer que l'AFII était chargée d'animer le secrétariat général du séminaire gouvernemental consacré à l'attractivité de la France et notamment des réunions techniques et interministérielles en vue de la présentation de mesures sur ce thème au mois de décembre.

Puis, présentant la méthode de travail de l'AFII, elle a souligné que l'Agence avait pour mission de répondre aux besoins des investisseurs internationaux. A cet effet, a-t-elle signalé, l'AFII dispose d'instruments d'intelligence économique permettant de détecter au plus tôt les intentions de ces investisseurs, grâce à l'exploitation de bases de données, d'informations émises par les bureaux à l'étranger et de logiciels d'analyse sémantique, ces informations étant par la suite communiquées à des observatoires en France et en Europe ; en outre, des fiches d'alerte portant sur des projets d'investissement sont émises à l'attention des régions, des autres partenaires de l'Agence et de son réseau à l'étranger, afin qu'une démarche commerciale se situant le plus en amont possible puisse être adoptée à l'égard de ces investisseurs.

Mme Clara Gaymard a indiqué qu'une fois les projets d'investissement détectés, l'AFII pouvait, par le biais de la base de données COSPE et de l'outil informatique SINPA, lancer des appels d'offres auprès des territoires intéressés, qui sont placés en situation de concurrence afin de répondre rapidement aux attentes des investisseurs. Ella a fait observer que la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) intervenait également en amont afin d'aider, notamment par le biais de subventions, les sites en difficultés à être concurrentiels vis-à-vis des territoires français les plus attractifs.

Mme Clara Gaymard a ensuite insisté sur l'évaluation permanente de l'activité de l'AFII, suivie au niveau de chaque bureau et de chaque agent par des d'objectifs assignés annuellement (nombre d'entreprises prospectées, nombre de projets réalisés), et par des indicateurs de résultats permettant d'évaluer l'efficacité de chaque action menée par pays.

Elle a en outre indiqué qu'une politique d'amélioration des prestations de services de l'AFII à destination des agences régionales et locales serait menée, impliquant notamment pour ces dernières la possibilité de s'adosser à la structure de l'AFII pour mener une politique de prospection plus approfondie. Elle a également souligné que le taux de pénétration de l'Agence sur les marchés étrangers en termes de projets s'élevait à 35,2 % en 2002, contre 23,3 % en 2001 ; elle a néanmoins noté que les performances mesurées en termes de créations d'emplois étaient largement liées à des extensions de structures déjà existantes.

Abordant le suivi des projets, Mme Clara Gaymard a signalé la nécessité d'un travail en commun avec l'ensemble des acteurs compétents, pour le développement duquel un réseau d'expertise est à la disposition des agences de développement régionales et locales. Elle a souligné également la nécessité de développer les opportunités de reprise et de partenariat d'entreprises, compte tenu du fait que les investisseurs étrangers commencent de plus en plus par racheter une petite entreprise en vue de la développer.

Puis, elle a établi une comparaison internationale concernant la position de la France par rapport à ses voisins européens, signalant que notre territoire accueillait 2 250 entreprises américaines et 320 quartiers généraux de telles entreprises, alors que ces chiffres se situent respectivement à 7 200 et 305 en Grande-Bretagne.

Elle a ensuite souligné le partenariat étroit entre l'Agence, la DATAR et les structures régionales de prospection des investissements, insistant sur le caractère essentiel du travail qui incombe aux élus locaux et aux agences de développement locales, afin que l'AFII puisse proposer des solutions d'investissement de grande qualité aux investisseurs étrangers.

Elle a également souligné la nécessité de restaurer l'image de la France, très dégradée aux yeux des investisseurs anglo-saxons, alors que l'attractivité de la France bénéficie en réalité d'avantages très significatifs. Elle a jugé que cette appréciation négative était essentiellement liée au manque de flexibilité de notre économie et à la réforme des 35 heures qui a été perçue par les investisseurs étrangers comme un refus de travailler imposé à tous. Afin de revenir sur cette tendance, a-t-elle indiqué, M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, a donc décidé de confier à l'Agence le pilotage d'une campagne d'image. Un conseiller en stratégie a d'ores et déjà été recruté, les agences sont en cours de sélection, et cette campagne sera menée en créant un logo commun à l'ensemble des agences de prospection, ainsi qu'un « kit d'attractivité » qui permettra aux élus de défendre l'image de la France à partir d'éléments concrets, et de faire des 300 000 Français aujourd'hui actifs dans le monde entier de véritables ambassadeurs de l'attractivité de la France.

Mme Clara Gaymard a ensuite évoqué les moyens budgétaires de l'AFII, rappelant qu'outre sa mission de promotion des investissements étrangers en France, l'Agence était chargée du secrétariat général du séminaire sur l'attractivité du territoire et de la campagne de promotion de l'image de la France. Elle a déploré que face à ce surcroît de missions, l'Agence ait vu ses ressources diminuer nettement en 2003, jugeant que cette évolution était en partie imputable à la situation de l'AFII, qui, placée sous la double tutelle du ministère chargé des finances et du ministère chargé de l'aménagement du territoire, était souvent désavantagée par rapport à la Direction des relations économiques extérieures (DREE) et la DATAR. Elle a en outre observé qu'une partie du personnel de l'AFII étant mise à sa disposition par le ministère chargé des finances et par des entreprises publiques, l'Agence avait dû faire face aux conséquences de la situation budgétaire actuelle. Elle a jugé que si l'année 2003 avait été difficile, l'année 2004 serait plus délicate encore, car elle serait marquée par une diminution des ressources publiques qui devra être compensée par un accroissement des ressources privées ; dans ces conditions, elle a jugé inévitable une restructuration du réseau de ses bureaux à l'étranger.

Elle a par ailleurs souligné que l'Agence était aujourd'hui présente dans tous les grands pays développés, comme les Etats-unis, le Japon, l'Europe, Hong Kong, Taïwan et la Corée du Sud ; elle a signalé que les bureaux de l'AFII étaient toujours représentés dans les missions économiques, sauf en Europe et au Japon, lorsqu'il y a des impossibilités matérielles. Elle a tenu à souligner la forte symbiose existant entre ces services, dont la gestion informatique est commune, de même que leurs interlocuteurs sont identiques.

Remerciant Mme Clara Gaymard pour son intervention, Mme Chantal Brunel, intervenant comme orateur du groupe UMP, a souligné que la création l'AFII avait permis d'améliorer l'image de la France auprès des investisseurs internationaux étrangers.

Elle s'est félicitée du fait que cette création ait permis de rationaliser l'effort français de prospective des investissements internationaux, partagé auparavant entre la DATAR, la Délégation aux investissements internationaux du ministère chargé de l'économie, et l'association Invest in France.

Elle a souligné que l'instabilité juridique était très néfaste aux décisions d'implantation des investisseurs internationaux, qui ne disposant pas d'interlocuteurs facilement identifiables pour comprendre les subtilités juridiques françaises. Elle a donc indiqué qu'un effort devait être impérativement fait dans ce domaine pour restaurer l'image de la France.

Elle a souhaité que l'AFII devienne le seul interlocuteur des investisseurs étrangers afin de jouer le rôle de « guichet unique » orientant ensuite les candidats vers les structures idoines. Elle a ensuite posé une question concernant la comptabilisation des investissements étrangers en France, en demandant si l'on avait estimé le montant de ces investissements en retranchant les investissements immobiliers et ceux correspondant à des rachats d'entreprise.

Soulignant l'importance de la qualité des structures d'enseignement dans la prise de décision des cadres et des dirigeants d'entreprises désirant s'installer en France et leurs difficultés à faire scolariser leurs enfants en raison des subtilités de la carte scolaire, elle a déploré l'insuffisance des lycées internationaux et souhaité un effort accru dans ce domaine. Elle a par ailleurs demandé une définition précise de la notion d'« impatrié » qui est pour l'instant assez floue.

M. François Brottes intervenant comme orateur du groupe socialiste, a remercié Mme Clara Gaymard pour l'objectivité de son exposé et a indiqué qu'il avait pu constater par lui-même l'excellente réactivité de cette agence en tant qu'élu local.

Après avoir souligné que l'excellence de ses réseaux de télécommunications et la qualité de son approvisionnement énergétique constituaient des facteurs déterminants de la position française en matière d'investissements étrangers, il a fait part des craintes que faisaient naître pour l'avenir les premières mesures du Gouvernement visant à démanteler les réseaux de services publics.

Il a tenu à faire remarquer qu'il ne fallait pas multiplier les missions de l'Agence, notamment en la chargeant de la politique du Gouvernement dans le domaine du développement de l'attractivité du territoire français, celle-ci devant pour l'essentiel rester très réactive vis-à-vis des projets d'investissement, et estimé que ce n'était pas sur son budget qu'il fallait faire des économies.

Concernant les statistiques citées, il a regretté que les emplois induits créés par les investissements étrangers n'aient pas été mieux cernés ; de même, il a indiqué que les réseaux de sous-traitance créés à l'occasion de l'implantation d'entreprises étrangères en France devaient être mieux évalués.

Il a conclu en indiquant que les investissements américains avaient été en partie réalisés grâce à l'excellente qualité de la recherche publique française, ce qu'il est fondamental de rappeler à l'heure où la recherche publique fait les frais des restrictions budgétaires décidées par le Gouvernement. Il a donc incité Mme Clara Gaymard à tirer la sonnette d'alarme auprès des décideurs français sur l'importance stratégique du soutien à la recherche pour le rayonnement de la France à l'étranger.

Mme Marcelle Ramonet a rappelé que l'AFII était chargée, à l'étranger, d'une mission de promotion de la France et de prospection des investisseurs et devait, en France, faciliter l'accueil de ceux-ci grâce aux informations détenues par ses services. Elle a estimé que ces objectifs devaient la conduire d'une part à détecter, par le biais de ses bureaux à l'étranger, les investisseurs potentiels avant qu'ils n'aient pris une décision d'implantation, d'autre part à orienter les investissements sur le territoire national par un accueil adéquat, ce dernier critère expliquant, avec celui de la qualité de vie, environ 40 % d'une décision d'investissement.

Elle a en outre souhaité connaître les actions que l'AFII envisage de mettre en œuvre afin d'accroître l'attractivité du territoire français aux yeux des investisseurs américains malgré les tensions provoquées entre les deux pays par la crise irakienne.

M. Léonce Deprez a estimé que l'audition de la présidente de l'AFII constituait une réunion politique d'autant plus essentielle qu'elle intervenait après un entretien avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Francis Mer, qui avait communiqué ses réflexions sur les investissements internationaux en France.

Il s'est interrogé sur la prise en compte de l'objectif d'aménagement du territoire dans l'action de l'AFII, mettant en garde contre toute dissociation entre la prospection des investissements et le rééquilibrage territorial des décisions d'implantation. Il a rappelé son expérience personnelle s'agissant de l'implantation de l'entreprise Firestone dans le bassin minier du Pas-de-Calais, la ville de Béthune ayant, contre toute attente et grâce à une bonne mobilisation politique, été préférée à celle de Bordeaux. Il a en conséquence estimé que l'AFII ne pourrait être soutenue dans son action que si elle veillait à ne pas accroître la concentration des investissements dans les grands pôles urbains au détriment du reste du territoire national, une telle évolution n'étant pas conforme aux objectifs d'une politique d'aménagement du territoire.

Il s'est ensuite étonné que les investissements touristiques, qui contribuent à la qualité de vie et permettent la construction d'importants équipements dont le rôle est déterminant pour l'avenir économique de la France, ne soient pas comptabilisés dans les statistiques de l'AFII. Il a jugé indispensable d'évoquer les pôles d'intérêt touristique, ces derniers devant être développés pour éviter l'apparition de régions mono-industrielles et attirer les investisseurs étrangers. Il a cité l'exemple du pôle de Sophia-Antipolis, dont le développement a pu être obtenu il y a trente-cinq ans malgré la monoactivité du tourisme existant à cette époque sur la Côte d'Azur. Il a donc souhaité que soient mises à profit, en conservant à l'aménagement du territoire son caractère offensif, l'expérience et la bonne volonté des 2 280 communes et 510 stations touristiques françaises, notamment en valorisant auprès des entreprises américaines l'attrait environnemental de sites disponibles à une distance raisonnable des métropoles urbaines.

M. Luc-Marie Chatel, après avoir souligné la clarté et le professionnalisme de l'exposé de Mme Clara Gaymard, a rappelé l'importance du réseau régional de l'AFII. Il a précisé que ce dernier assurait l'analyse de la proposition d'offre territoriale ainsi que le travail de finalisation des dossiers d'investissement, en s'appuyant à la fois sur le réseau de la DATAR et sur les collectivités régionales dans certaines régions, comme par exemple les régions Champagne-Ardenne et Picardie dans le cadre de l'initiative « cap-développement ». Il a considéré qu'il était très difficile pour l'investisseur, malgré l'existence de tels partenariats, de disposer d'un décideur unique ou d'un « produit » unique pour appuyer ses projets d'implantation sur le territoire français. Il s'est donc interrogé sur le rôle qui pourrait être dévolu aux collectivités territoriales en matière de développement économique, compte tenu des nouveaux transferts de compétences attendus dans le cadre des projets de décentralisation.

Il a par ailleurs souhaité savoir comment pourraient être développées les synergies entre l'AFII et l'agence Ubifrance, dont l'action obéit à une logique inverse, laquelle a récemment fait l'objet d'une réforme destinée à accroître son efficacité.

Mme Arlette Grosskost, constatant que les collectivités locales se dotaient chacune séparément d'instruments destinés à attirer les investisseurs étrangers, notamment en exploitant les différents avantages fiscaux existants, a estimé que cette situation créait des superpositions de structures au niveau local, voire des concurrences totalement inefficaces, risquant de rendre le dispositif français illisible pour les investisseurs étrangers. Elle s'est donc interrogée sur la nécessité de conduire une réflexion sur une optimisation du dispositif de prospection des investissements liée à une meilleure coordination des efforts, particulièrement dans le domaine fiscal.

En réponse aux différents intervenants, Mme Clara Gaymard, présidente de l'Agence française pour les investissements internationaux, a apporté les précisions suivantes :

- le montant des investissements étrangers directement productifs s'élève à 5 milliards d'euros, soit 10 % du total des investissements constatés en France. Elle a reconnu que certains critères retenus pour comptabiliser ces investissements étaient un peu réducteurs : celui touchant à la nécessité de créer au moins dix emplois souffre de ce que le compte n'est effectué qu'au moment de l'implantation, alors que l'emploi peut évoluer favorablement ensuite, franchissant ce seuil ; ainsi, un bilan effectué sur la période 1995 - 2000 a montré que les entreprises implantées respectaient exactement, et même dépassaient souvent, les objectifs d'évolution de leurs effectifs annoncés, illustrant une certaine prudence de leurs prévisions initiales, mais démontrant également que l'on pourrait tenir compte des embauches programmées en plus de l'effectif initial ; les implantations étrangères dans le domaine de la distribution commerciale ne sont pas comptabilisées afin de prendre en compte le fait que les emplois créés peuvent entraîner des pertes d'emplois dans les petits commerces. Francis Mer lui-même a convenu de la nécessité d'ajuster les critères actuellement retenus. Néanmoins ceux-ci présentent l'avantage de fournir une description incontestable de la réalité de la situation. S'agissant de l'évaluation en termes d'impact des investissements étrangers, le volume d'emplois créés constitue certes un indicateur très explicite, mais s'il fallait explorer la piste d'un indicateur plus fin, le rendement fiscal pourrait constituer un excellent critère d'évaluation ;

- une augmentation du nombre des lycées internationaux jouerait incontestablement en faveur de l'attractivité de la France. De même, en ce qui concerne plus généralement l'adaptation de l'appareil éducatif, il faudrait pouvoir offrir aux étudiants étrangers, et particulièrement à ceux venant de Chine ou d'Inde, la possibilité de poursuivre des études entièrement en anglais, sur le modèle que proposent déjà HEC et l'INSEAD ; une prise de conscience de la part des décideurs et des élus français est indispensable dans ce domaine ;

- un « impatrié » se définit par le fait d'être salarié d'une société étrangère, et de résider moins de cinq ans en France. En effet, au-delà de cinq ans, la personne étrangère vivant en France est considérée comme en voie d'être intégrée, bénéficiant d'un statut complet aussi bien du point de vue de l'assurance maladie que de la retraite ;

- un véritable effort pédagogique doit être fait en direction des Anglo-Saxons pour leur expliquer que l'environnement économique français est en rupture avec leurs pratiques habituelles de très grande flexibilité de l'emploi, mais qu'en contrepartie, il intègre une forte implication des pouvoirs publics dans la gestion de situations difficiles ou le soutien aux projets d'investissement important. Le décalage culturel qu'ils ressentent face à la France est comparable avec celui du Japon, au point qu'ils nous considèrent comme des magiciens réalisant des exploits dans un contexte considéré a priori comme très hostile.

- le risque d'une perte d'efficacité de l'action de l'AFII liée à une diversification de ses missions est faible, car son rôle fondamental est d'alerter les pouvoirs publics sur les simplifications pratiques susceptibles d'encourager les investissements étrangers, comme par exemple celles permettant de faciliter la vie des familles « impatriées », qu'il s'agisse des titres de séjour, des équivalences des permis de conduire, ou de la scolarisation. Les nouvelles missions confiées par le Premier ministre constituent plutôt une occasion d'entretenir des contacts directs avec les autorités compétentes, ce qui ne peut qu'augmenter l'efficacité du travail de l'Agence ;

- le traitement des données collectées par l'AFII au sein du programme SINPA sur les intentions des investisseurs étrangers n'a pas pour objectif d'associer tous les acteurs publics locaux à une décision d'investissement. Elle vise au contraire à accélérer la prospection en respectant la confidentialité de l'information sous forme codée.

- l'implantation des « quartiers généraux » des entreprises étrangères est bénéfique non seulement par l'effet d'entraînement qu'elle peut avoir sur les décisions d'implantation d'autres entreprises, mais aussi par la probabilité que ce quartier général sera développé ultérieurement en cas de croissance de l'activité de l'entreprise multinationale.

- la qualité de notre recherche publique est en effet déterminante dans beaucoup de décisions d'investissements. Il convient de préserver l'objectif de 3 % du PIB consacré à la recherche et de saluer la déclaration européenne en ce sens. La France est condamnée à l'innovation si elle veut préserver ses chances d'attirer des investissements ;

- accueillir les entreprises de la meilleure façon est un vrai métier et il convient toujours de se mettre à leur place pour leur proposer les meilleures réponses ;

- les investissements américains sont un sujet majeur, les Américains étant les premiers investisseurs en France, ce qui explique le déplacement récent de M. Francis Mer, ministre de l'économie, aux Etats-Unis. Les investissements américains ont baissé en 2002 pour des raisons économiques et non diplomatiques, les Américains étant largement divisés sur la question irakienne et faisant toujours preuve d'un grand pragmatisme dans les affaires ;

- le niveau de l'euro n'est pas sans conséquences sur les investissements en provenance des Etats-Unis ; toutefois on peut s'étonner qu'il soit considéré comme un handicap à la fois lorsque le taux de change de l'euro est élevé et lorsqu'il est au contraire plus bas ;

- l'AFII et la DATAR ont des rôles complémentaires : l'AFII attire les investissements et la DATAR est chargée de veiller à une équitable répartition des entreprises sur le territoire. Les investissements sont toujours possibles, même dans les zones les plus sinistrées, Valenciennes étant un exemple intéressant, à partir du moment où le projet est solide et où existe une volonté politique forte. C'est bien ce qui avait, à l'époque, convaincu Toyota ;

- l'AFII « vend » la France dans sa globalité mais les entreprises regardent bien sûr également l'environnement dans lequel elles vont s'installer. C'est pourquoi la qualité de vie, l'attractivité touristique d'une zone, jouent un rôle très important ;

- les départements qui veulent attirer les investisseurs ont tout intérêt à se positionner puis se spécialiser dans un secteur, plus lisible, et non à tenter immédiatement une diversification ;

- l'AFII tente de lutter contre la multiplication des structures, créées par les régions ou les départements, destinées à prospecter les investissements internationaux. Cette profusion est néfaste à la lisibilité de l'action de l'Agence et le coût est exorbitant pour les collectivités, par rapport aux retombées potentielles. Il faut savoir que 150 décisions d'investissements étrangers pour toute la France sont prises par an, ce qui est peu. C'est pour cette raison que l'AFII met en place une palette complète de prestations de services de qualité pour les régions et les départements, afin de mettre ses compétences au service des collectivités demandeuses, ce qui conduira à une répartition plus logique des tâches : aux collectivités de prospecter auprès des investisseurs internationaux déjà présents sur le territoire et à l'AFII de se concentrer sur les nouveaux projets.

Dans ce cadre, la coopération avec la région Alsace est par exemple bien meilleure qu'avec les départements de cette région ;

- la répartition des compétences entre Ubifrance et l'AFII est claire et leurs tâches sont complémentaires ; ainsi, sur les salons, Ubifrance « héberge » l'AFII qui peut prospecter auprès des investisseurs étrangers plus facilement et à moindre coût ;

- les investissements des pays arabes se concentrent dans l'immobilier et la finance. Il conviendrait de les réorienter vers les investissements productifs, ce à quoi s'emploie l'AFII, qui leur a ainsi proposé des opportunités lors d'un déplacement aux Etats-Unis.

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Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Luc-Marie Chatel rapporteur sur la proposition de loi (n° 1141) tendant à redonner confiance au consommateur.

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