COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 17

(Application de l'article 46 du Règlement)

mardi 18 novembre 2003
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Thierry BRETON, président de France Télécom

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La Commission a entendu M. Thierry Breton, président de France Télécom.

Le président Patrick Ollier a souhaité la bienvenue à M. Thierry Breton, président de France Télécom, en notant que c'était la première fois que la commission avait l'occasion de l'auditionner depuis sa nomination officielle à la tête de France Télécom, le 2 octobre 2002, mais qu'il s'agissait là d'un délai en partie concertée, puisque la commission avait estimé qu'une audition ne prendrait tout son sens qu'une fois l'entreprise sortie de la tourmente où elle se trouvait l'an dernier.

Il a indiqué que France Télécom faisait partie des entreprises que la commission aimait beaucoup, n'oubliant pas que c'était grâce à elle que la France était passée de la situation du « 22 à Asnière » à un niveau d'équipement moderne des ménages en téléphone, au prix d'un effort de mise à niveau considérable.

Il a signalé que l'an dernier, dans les mois qui avaient précédé l'arrivée à sa tête de M. Thierry Breton, cette entreprise avait donné à ses admirateurs des sueurs froides, puisqu'elle avait été confrontée à une dette culminant à 70 milliards d'euros. Il a rappelé que Thierry Breton indiquait lui-même, au terme de son bilan d'évaluation de l'entreprise, au début de décembre 2002, qu'elle était confrontée à un « mur de liquidités » de près de 50 milliards d'euros.

Il s'est félicité de ce que M. Thierry Breton eût brillamment relevé le défi du redressement de l'entreprise grâce à son programme des « trois 15 » : 15 milliards de refinancement, 15 milliards d'augmentation de capital, 15 milliards d'économie. Il a indiqué qu'il semblait que, désormais, le gros des difficultés de court terme semblait surmonté, la dette ayant été ramenée à moins de 50 milliards d'euros, et la situation financière étant assainie grâce aux provisions pour dépréciation d'actifs, de plus de 18 milliards d'euros en 2002.

Il a estimé que France Télécom allait pouvoir désormais profiter pleinement de sa capacité à dégager, grâce à son positionnement pertinent sur des marchés dynamiques, un résultat d'exploitation impressionnant, près de 15 milliards d'euros en 2002, et s'est interrogé sur la manière dont ce redressement allait se poursuivre, celui-ci devant reposer désormais pour l'essentiel sur un effort au niveau de la gestion courante, en particulier à travers l'objectif ambitieux de dégager, au cours des trois ans qui viennent, 15 milliards d'euros sur les résultats opérationnels pour continuer à diminuer la dette. Il a souhaité connaître la part reposant sur des économies internes dans cet effort, et quelles formes elles allaient prendre.

Au-delà du redressement de l'entreprise, il a interrogé M. Thierry Breton sur les perspectives stratégiques pour l'entreprise à moyen terme, notamment en fonction des évolutions du marché, ainsi que la part qu'y prendraient les efforts d'innovation.

Il a conclu sur une question touchant au personnel, et particulièrement à la population des 106 000 fonctionnaires dont la situation va être juridiquement consolidée jusqu'au départ en retraite du dernier d'entre eux, en contrepartie de la banalisation du statut de l'entreprise apportée par le projet de loi faisant l'objet d'un examen prochain. Rappelant qu'une mission avait été confiée en mars 2003 par le Premier ministre à M. Bertrand Maréchaux pour faciliter la mobilité des fonctionnaires de France Télécom en direction des administrations publiques, il a souhaité avoir des indications sur la mise en œuvre de ce programme de mobilité externe.

M. Thierry Breton, président de France Télécom, a tout d'abord rappelé qu'il était à la tête de cette entreprise depuis un an, sa nomination par le Gouvernement ayant été suivie de son élection par l'assemblée générale des actionnaires.

Il a insisté sur le caractère complexe et délicat de la situation de France Télécom lors de son entrée en fonction, puisqu'il s'agissait de l'entreprise la plus endettée au monde, alors que le personnel n'avait pas véritablement pris conscience de la gravité de la situation à laquelle elle devait faire face. Qualifiant cette situation de « sinistrée », il a indiqué qu'il avait donc dû entreprendre un travail de communication interne afin d'insuffler une dynamique positive tout en élaborant parallèlement un plan drastique visant à désendetter l'entreprise sur une période de trois ans, le plan « trois fois 15 ». Soulignant que ce plan, plutôt bien perçu par les marchés financiers, avait permis de réduire la contrainte financière s'imposant à l'entreprise, il a rappelé que celui-ci reposait sur trois piliers : le refinancement de la dette à hauteur de 15 milliards d'euros, ce qui a permis de régler le problème de liquidités de France Télécom ; une augmentation de capital significative au printemps, qui a été menée avec succès, puisque le cours de l'action est ainsi passé de 14,5 euros à l'époque à 21 euros aujourd'hui, rendant l'opération bénéfique pour les actionnaires, dont l'Etat ; enfin, un volet opérationnel visant à réaliser des économies à hauteur de 15 milliards d'euros, correspondant à la part des efforts que doit consentir l'entreprise pour rétablir sa situation.

Il a indiqué que ce plan, très rigoureux, se déroulait de manière tout à fait satisfaisante, et a fait observer qu'il s'agissait du plan de redressement le plus important au monde à ce jour ; il a également rappelé que l'effort à fournir aujourd'hui était à la dimension des opérations financières qui avaient conduit à la crise, France Télécom ayant procédé à des acquisitions d'un montant de 100 milliards de francs, en cash, lors de l'année 2000.

Abordant plus spécifiquement le volet opérationnel du plan, qui nécessite que l'entreprise procède à des économies de l'ordre de 15 milliards d'euros, il a jugé que les économies réalisées en 2003 se monteraient environ à un tiers de cette somme, soit 5 milliards d'euros, qui seront en quelque sorte ainsi « restitués » par l'entreprise pour mener son désendettement. Il a néanmoins souligné que, malgré la réduction de la dette de 20 milliards d'euros, France Télécom demeurait, avec son endettement de 50 milliards d'euros, l'entreprise la plus endettée au monde et ne pouvait donc être encore qualifiée d'entreprise « normale ».

Il a ensuite souligné la complexité de sa mission, puisqu'il lui revient non seulement de régler la question de la dette de France Télécom, mais également de donner de l'espoir aux salariés, pour lesquels le projet d'entreprise ne doit pas se résumer à ce seul enjeu financier, et qui se montrent par ailleurs très attachés à leur entreprise et aux services que celle-ci rend à nos concitoyens. Il a indiqué qu'il avait donc souhaité leur redonner une vision positive des activités de l'entreprise et qu'il avait été aidé en ce sens par l'évolution des technologies. En effet, a-t-il fait observer, France Télécom compte près de 110 millions de clients (53 millions pour le téléphone fixe et 55 millions pour le téléphone mobile), qui sont de plus en plus « éduqués » aux nouvelles technologies et attendent de France Télécom qu'elle leur offre le dernier cri de l'offre des services en réseaux, comme par exemple aujourd'hui la transmission d'images, dans laquelle l'entreprise va se lancer. Il a indiqué que les investissements technologiques et en recherche et développement constituaient donc pour lui la priorité, afin que l'entreprise soit davantage à l'écoute de ses clients et se montre innovante. Il a souhaité que les marges de manœuvre dégagées par le plan de redressement permettent ainsi d'accroître ces investissements en recherche et développement, essentiels non seulement pour l'entreprise, ses salariés et ses clients, mais également pour la France et l'Europe, et a déploré que lors des dernières années, le rôle des grandes entreprises françaises en matière de recherche et développement ait été oublié. Or, a-t-il souligné, ces entreprises sont aujourd'hui beaucoup plus conscientes des efforts qu'elles doivent consentir en la matière, la recherche et développement permettant par ailleurs de dynamiser le tissu de petites et moyennes entreprises. Rappelant sa formation d'ingénieur, il a réitéré son attachement aux innovations technologiques, celles-ci devant primer sur les opérations financières, qui doivent simplement « suivre » les mutations techniques de l'entreprise.

M. Thierry Breton a ensuite mis l'accent sur l'attachement des Français à France Télécom, qui a beaucoup apporté au pays, non seulement en raison de son rôle fondamental en matière de recherche et développement, mais également du fait de son rôle auprès des collectivités locales. Il a indiqué que si les relations entre ces dernières et l'entreprise avaient été constructives dans le passé, il avait néanmoins pu constater que les élus attendaient parfois davantage de la part de France Télécom, qui a pu dans certains cas adopter une attitude défensive. Il a annoncé qu'il souhaitait faire de l'entreprise un véritable partenaire des collectivités, en contribuant au développement des territoires, objet d'une légitime préoccupation des élus locaux. Il a jugé que cela nécessiterait de la part de France Télécom de mener un travail de compréhension des enjeux locaux et de s'engager sur le long terme, en garantissant aux collectivités que les investissements réalisés conjointement par celles-ci et l'entreprise seront rentables et réalisés dans de bonnes conditions.

Notant que France Télécom devrait accompagner, grâce à son expertise, le développement des collectivités locales, il a estimé indispensable que l'Etat accorde à l'entreprise une sollicitude identique à celle dont il fait preuve à l'égard des autres opérateurs, dans un contexte de concurrence désormais plus assise, et d'innovation constante et qu'en particulier, le régulateur lui réserve un traitement un peu moins discriminatoire.

Enfin, M. Thierry Breton a abordé la question du statut du personnel de France Télécom. Rappelant que l'entreprise était issue de la transformation d'une administration brillante en société anonyme, soumise à une rude concurrence et ayant dû évoluer pour s'adapter aux exigences des marchés financiers, il a insisté sur la nécessaire adaptation que cette évolution avait impliquée pour le personnel et a rendu hommage aux efforts consentis par ce dernier.

Il a insisté sur le caractère unique et paradoxal de la situation de l'entreprise, qui bénéficie, dans un environnement fortement ouvert et concurrentiel, du statut de société anonyme, mais qui, pour des raisons historiques, compte au sein de son personnel plus de 100 000 fonctionnaires, qui ont intégré cette structure à l'époque où elle était encore une administration. Soulignant que la question du statut de cette catégorie de personnel n'avait pas été réglée initialement et représentait une véritable « épée de Damoclès », il a rappelé qu'une première solution transitoire avait permis de justifier la présence de fonctionnaires au sein du personnel par les missions de service public assurées par l'entreprise. Toutefois, a-t-il fait observer, le « paquet télécoms », qui aurait dû être transposé en droit national au plus tard au mois de juillet 2003, impose d'ouvrir à la concurrence les missions de service public, qui ne seront plus forcément assurées dans leur intégralité par l'opérateur historique ; France Télécom est résolue à se porter candidate, et à se montrer compétitive dans ce domaine, mais cette évolution met à mal l'argumentaire juridique développé par l'avis du Conseil d'Etat de 1993, qui justifiait la présence de fonctionnaires au sein de son personnel.

Il a indiqué qu'il avait donc demandé au Gouvernement de se saisir de ce dossier, les questions de nature sociale devant être réglées prioritairement, et que le Gouvernement avait déposé en ce sens le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom. Il a précisé que ce projet de loi avait vocation à régler définitivement le problème de la situation juridique des fonctionnaires, qu'il a qualifié, en tout état de cause, de transitoire, France Télécom n'embauchant plus de personnel relevant du statut de la fonction publique depuis 1997. Rappelant que ce projet de loi serait bientôt examiné par l'Assemblée nationale, il a précisé qu'il visait à sécuriser la situation des fonctionnaires aujourd'hui employés par l'entreprise, et prévoyait en outre de supprimer le caractère législatif de l'obligation de détention par l'Etat de la majorité du capital de la société. Il a indiqué qu'ainsi, l'Etat pourrait se prononcer sur les modalités de sa participation en tant qu'actionnaire de France Télécom, sans pour autant mettre en cause le statut des personnels relevant de la fonction publique.

M. Thierry Breton a signalé que le projet de loi avait d'ores et déjà fait l'objet d'un examen par le Sénat en première lecture, et a alerté les commissaires sur un amendement adopté à cette occasion, visant à anticiper l'application du « paquet télécoms » en imposant à France Télécom la revente en gros de l'abonnement à d'autres opérateurs, afin que les clients de ceux-ci puissent recevoir une facture unique. Il s'est étonné de cette initiative, dont il a jugé qu'elle dénaturait le projet de loi initialement circonscrit aux questions relatives au statut du personnel et à la détention publique de la majorité du capital. Signalant que depuis, l'entreprise avait procédé à des négociations fructueuses avec son concurrent Cégétel afin de réaliser cette vente d'abonnements de manière contractuelle, sans avoir à attendre la mise en œuvre de la loi, il a plaidé en faveur d'un retour à l'état d'esprit du projet de loi initial, les initiatives de France Télécom, et l'accord obtenu, dispensant le législateur d'intervenir sur la question des abonnements.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur sur le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom, en constatant que France Télécom aurait à gérer jusqu'en 2035 un personnel fonctionnaire, bénéficiant d'un statut très particulier notamment au regard du régime des sanctions, s'est interrogé sur les risques induits de complication pour la gestion de l'entreprise. Il a souhaité connaître le sens de la suppression, lors de la lecture au Sénat, de la disposition obligeant le président de l'entreprise, lorsqu'un fonctionnaire en ferait la demande, à lui transmettre dans un délai de six mois un projet de contrat de travail. S'agissant de la revente de l'abonnement, il s'est dit sensible à l'effort de négociation avec Cégétel conduit par France Télécom, qui prenait ainsi les devants des souhaits du législateur, mais s'est interrogé sur le risque que l'accord entre les deux principaux opérateurs de la téléphonie fixe ne conduisît à créer une distorsion de concurrence au détriment des autres opérateurs du même marché, distorsion qui risquait d'être d'autant plus dommageable que l'abonnement constituait une ressource non négligeable, représentant pas loin de la moitié des recettes de la téléphonie fixe. Enfin, notant la volonté du président Breton de développer l'accès au haut débit sur le territoire en partenariat avec les collectivités locales, il s'est étonné de ce qu'un effort similaire ne soit pas conduit dans le domaine de l'enfouissement des réseaux, les déploiements aériens de liaison téléphonique perdurant alors que, parallèlement, EDF s'efforçait systématiquement de privilégier l'enterrement de ses lignes.

Intervenant au nom du groupe socialiste, M. Alain Gouriou s'est dit satisfait de constater l'amorce d'un redressement de l'entreprise France Télécom, ainsi que la volonté de son président de renforcer les moyens destinés à la recherche et au développement, sans lesquels l'entreprise serait dépendante à court terme des innovations de ses concurrents étrangers, ce qui impliquerait nécessairement des pertes ultérieures de part de marché, nuisibles aux 240 000 salariés que comprend l'entreprise, dont 140 000 en France.

Il a par ailleurs indiqué que le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom faisait l'objet de nombreuses réserves de la part du groupe socialiste. Il a notamment regretté la précipitation avec laquelle ce projet avait été élaboré, le Conseil supérieur des Postes et Télécommunications n'ayant ainsi eu que 10 jours, entre le 12 et le 22 juillet 2003, pour rendre son avis sur ce texte, alors que le rapport du sénateur Gérard Larcher de 2002 sur France Télécom avait au contraire préconisé un large débat préalable à l'évolution du statut de l'entreprise, notamment avec les partenaires sociaux, ce qui manifestement n'a pas été le cas.

Il a par ailleurs regretté que la possibilité de la revente en gros de l'abonnement ait été introduite par surprise lors de l'examen du projet de loi en première lecture au Sénat, estimant que cette mesure risquait de retirer des ressources à France Télécom.

Constatant ensuite que l'entreprise avait vendu beaucoup de patrimoine au cours des dernières années, il s'est interrogé sur les conditions faites aux collectivités locales lorsqu'elles se portaient acquéreuses de certaines possessions immobilières de France Télécom, et notamment celles correspondant aux équipements utilisés par les associations sportives des PTT (ASPTT), dans la mesure où subsistait un doute sur le risque d'un transfert concomitant de la charge de leurs frais de fonctionnement de ces équipements.

Il s'est enfin inquiété du sort réservé, dans le cadre du projet de loi, aux 6 000 anciens fonctionnaires des PTT ayant refusé leur intégration dans les corps de France Télécom, et dont la carrière s'est depuis trouvée bloquée.

M. Jean-Paul Charié, intervenant au nom du groupe UMP, a estimé que les élus locaux avaient un intérêt particulier au bon fonctionnement de l'entreprise France Télécom. Il a estimé que la conversion de l'entreprise, avec ses traditions et ses contraintes, aux règles de la compétition internationale était une mission difficile.

Il a rappelé les trois métiers de l'entreprise que sont la téléphonie fixe, qui pose localement des problèmes de coordination avec les opérations menées par EDF pour l'enfouissement des lignes, la téléphonie mobile et les questions de couverture du territoire qui y sont liées, et enfin l'accès aux réseaux de communication numérique et à l'ADSL.

Résumant les points importants abordés par le président de France Télécom, il a évoqué le fait que l'entreprise était la plus endettée au monde, nonobstant la réduction de la dette de 23 milliards d'euros en 2002. Il s'est ensuite félicité de la prise en compte de l'importance de la motivation des salariés, et du renforcement des moyens consacrés à la recherche et au développement nécessaires à la performance de l'entreprise.

Il a ensuite noté la volonté de M. Thierry Breton de faire de France Télécom un partenaire des collectivités locales, son souhait de la voir bénéficier d'un traitement comparable à celui de ses concurrents, souhait du reste également formulé par ces derniers, et a signalé l'intérêt de ses remarques concernant le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom.

Il a ensuite souhaité recueillir l'avis du président Thierry Breton sur l'avenir des licences UMTS, sur l'état du débat relatif au coût du service universel, compte tenu de l'inquiétude suscitée chez certains opérateurs par les amendements déposés au Sénat sur les conditions de son financement. Enfin, il s'est interrogé sur l'accès du plus grand nombre au haut débit et à l'ADSL, estimant que les collectivités locales devaient pouvoir développer leurs initiatives dans ce domaine, dans la mesure où le développement économique d'une nation et le dynamisme des PME étaient étroitement liés au renforcement des moyens de communication numérique et au déploiement de l'ADSL, et a indiqué que cela pouvait justifier des évolutions législatives.

Le président Patrick Ollier a souhaité obtenir des précisions sur le calendrier prévu pour la mise en œuvre des mesures décidées en matière de téléphonie mobile lors du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) réuni à la fin de l'été dernier. Il s'est en particulier interrogé sur le projet de « pylône unique » auquel pourraient participer les collectivités locales, et a souhaité une concertation avec les associations militant contre la prolifération des pylônes et, plus généralement, en faveur du développement durable.

M. François Brottes a rappelé avoir été lui-même rapporteur pour avis sur le budget des postes et des télécommunications lors de la précédente législature et s'est félicité que la nouvelle direction de l'entreprise ait renoué avec le bon sens en essayant d'accroître les efforts en faveur de la recherche et du développement, efforts dont il avait antérieurement dénoncé l'insuffisance.

S'agissant du service universel, dont il a jugé le contenu excessivement réduit, il a souhaité savoir si la direction de France Télécom serait candidate à sa prise en charge dans le nouveau cadre mis en place par le projet de loi, ou si elle préférerait laisser cette responsabilité à d'autres opérateurs.

Soulignant la progression remarquable du nombre d'abonnements en Internet à haut débit, qui infirme les prévisions selon lesquelles seul le bas débit pourrait connaître une large diffusion, il s'est demandé si l'offensive menée par France Télécom en faveur de l'ADSL aurait pu être menée sans la pression exercée par l'Etat.

Il a enfin souhaité savoir si les juristes de l'entreprise avaient étudié le risque de censure par le Conseil constitutionnel du projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom.

Le président Patrick Ollier a rappelé que l'Assemblée nationale avait été réunie en session extraordinaire en juillet dernier, les commissaires étant dès lors disponibles à cette époque pour la consultation engagée par le Gouvernement sur l'évolution de statut de France Télécom.

En réponse aux différents intervenants, M. Thierry Breton, président de France Télécom, a apporté les précisions suivantes :

- France Télécom assumera pleinement ses responsabilités au regard du service universel des télécommunications, car son statut d'opérateur majoritaire, s'il lui procure des avantages, lui confère aussi des devoirs, en France comme dans d'autres pays, tels que la Pologne ou la Jordanie, où l'entreprise occupe, à travers ses filiales, une position majoritaire similaire. Tout chef d'entreprise se doit également d'observer que son intérêt est de vivre en harmonie avec la collectivité qui lui accorde sa confiance. Il a rappelé l'existence de débats similaires lorsqu'il était président du groupe Thomson, certains interlocuteurs lui ayant conseillé dès son arrivée de fermer les sites français de production dont le fonctionnement n'était pas conforme aux ratios économiques habituels, notamment à Tonnerre, où la suppression de 400 emplois avait été envisagée. Il a remarqué qu'il avait finalement été possible de préserver ce dernier site en lui trouvant une nouvelle vocation. Il a considéré que les chefs d'entreprises avaient toujours intérêt à agir de la sorte, le modèle américain des « stakeholders», l'ensemble des parties prenantes, supposant d'entretenir des relations non avec les seuls actionnaires mais avec tous les acteurs concernés, c'est-à-dire également les salariés, les clients ou les acteurs institutionnels tels que l'Etat ou la Commission européenne ;

- la décision d'accélérer le déploiement de la technologie ADSL, notamment en consacrant 600 millions d'euros supplémentaires aux investissements correspondants, a été prise parce que c'était le devoir de France Télécom et non en réponse à une « demande de l'actionnaire », formulation qui néglige le fait que France Télécom a, non pas un actionnaire, mais un grand nombre d'actionnaires. Si le gouvernement français a souhaité, comme d'autres gouvernements européens et la Commission européenne, un développement rapide du haut débit qui est un facteur de compétitivité, c'est France Télécom qui a déterminé l'objectif, très ambitieux et qui d'ailleurs ne sera peut-être pas atteint, d'offrir, en 2005, à 90 % de la population l'accès à l'ADSL ;

- il n'appartient pas à France Télécom de se prononcer sur la constitutionnalité du projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom. Il faut toutefois noter que ce projet de loi apporte une clarification de la situation juridique des personnels qui est dans leur intérêt et que le Conseil d'Etat n'a pas critiqué le dispositif proposé ;

- France Télécom est habitué, depuis près de dix ans, à gérer des personnels soumis à deux statuts distincts et continuera à le faire sans difficultés nouvelles grâce au savoir-faire acquis. En outre, si le dernier fonctionnaire cessera en principe son activité en 2035, le nombre de fonctionnaires au sein de l'entreprise devrait décroître très rapidement en raison de leur âge moyen puisqu'en 2010, la moitié des agents concernés devraient avoir cessé leur activité ;

- s'il appartient effectivement au ministre de sanctionner, le cas échéant, des fonctionnaires ayant commis des fautes, le nombre de personnes concernées est très faible puisqu'il est de l'ordre d'une dizaine par an, de sorte que cela ne soulève pas de difficultés significatives ;

- la rédaction initiale du projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom comprenait une disposition prévoyant que France Télécom propose un contrat de travail à tous les fonctionnaires en formulant la demande dans un délai de six mois suivant la publication de la loi. Des organisations syndicales s'en sont émues et cette disposition a été supprimée par le Sénat. Cette suppression n'entraîne pas de conséquences, car France Télécom est d'ores et déjà tenu de proposer un contrat de droit privé aux fonctionnaires qui en font la demande ;

- l'abonnement aux services de téléphonie filiaire finance l'amélioration de la qualité du réseau et sa réparation, notamment quand des poteaux brûlent à l'occasion d'incendies de forêts ou quand des commutateurs sont endommagés par des inondations. Il faut rappeler que 20 000 personnes assurent cet entretien du réseau. L'abonnement n'est donc nullement une forme de taxe. En outre, son prix est le plus bas d'Europe pour un réseau qui est parmi les meilleurs. L'enjeu réel en ce qui concerne l'abonnement est d'offrir une facture unique aux usagers. Cela nécessite une adaptation des systèmes d'information de France Télécom, qui est en cours, et une discussion avec les autres opérateurs, également engagée puisqu'un accord a d'ores et déjà été conclu avec Cégétel. La revente de l'abonnement sera, de toute façon, rendue obligatoire à l'occasion de la transposition des directives dites « paquet télécoms ». France Télécom est, en tout état de cause, soucieuse de ne pas entraver la concurrence comme en atteste notamment l'accélération très sensible du dégroupage ;

- France Télécom souhaite être une entreprise leader en ce qui concerne le haut débit, enjeu majeur de compétitivité pour notre économie et notamment pour les PME. Cela passe aujourd'hui par le développement de la technologie ADSL mais l'entreprise travaille également sur les technologies qui lui succéderont reposant sur les normes ADSL 2 + et VDSL (« very high bite rate digital subscriber line ») ;

- l'enfouissement des lignes aériennes se poursuit en renforçant la recherche de partenariats, avec EDF et les collectivités locales ; il convient cependant de rappeler que le coût total de cette opération, si elle était généralisée, est estimé à 30 milliards d'euros ;

- l'interopérabilité des trois métiers de France Télécom, le réseau fixe, les portables et le haut débit, doit s'accentuer, non seulement parce que c'est le développement logique de l'entreprise mais aussi afin de répondre aux demandes des clients eux-mêmes qui attendent une meilleure articulation entre ces différents services ;

- s'agissant de la technologie UMTS, il convient d'abord de ne pas oublier qu'elle a conduit, à travers les opérations d'attribution des licences, à une ponction sans précédent sur les opérateurs, représentant au total en Europe 140 milliards d'euros. France Télécom a été, à l'époque, le principal moteur de cette considérable préemption de ressources, par l'intermédiaire de NTL au Royaume-Uni et de Mobilcom en Allemagne. La tragédie financière qui s'en est suivie pour le secteur des télécommunications n'est pas sans lien avec le comportement de certains Etats qui n'ont pas su s'ajuster au rythme effectif des innovations technologiques, ni tenir compte de la réalité des ressources financières disponibles. Pour France Télécom, la mise en place de l'UMTS a commencé dans deux villes tests : Lille et Toulouse, avec le réseau Orange ; elle devrait s'étendre en 2004 à une dizaine de villes en France et au Royaume-Uni ; le déploiement s'effectuera progressivement, avec pragmatisme et réalisme ;

- le rôle de l'Internet à haut débit dans le développement des PME est fondamental, et il doit être possible de satisfaire 100 % des demandes des collectivités locales dans ce domaine. Il est nécessaire, pour ce faire, d'élargir les types de technologies utilisées : filaire avec l'ADSL, et l'ADSL 2 +, hertzienne avec les satellites et la WiFi, ce qui suppose la poursuite de la recherche et du développement pour rester compétitif en termes d'innovation et d'expertise ;

- il est sain qu'il existe une concurrence et que les collectivités locales puissent participer aux offres d'opérateurs dans l'Internet à haut débit. Il convient cependant de vérifier la qualité des offres de service dans la durée. Sur ce plan, France Télécom dispose d'une expérience qui doit lui permettre de proposer des offres au meilleur rapport qualité-prix ; le cas des villes de Milan et Stockholm montrent que des initiatives mal accompagnées peuvent aboutir à des pertes financières importantes, reportées en l'occurrence sur des compagnies d'électricité. Certains partenariats, tel celui réalisé dans la Loire, permettent, pour un coût faible pour la collectivité, de réaliser une couverture ADSL complète sur un département.

D'une façon générale, les partenariats imaginatifs constituent la voie à privilégier pour obtenir des résultats en situation de pénurie de ressources.

M. Jacques Champeaux, secrétaire général de France Télécom, a apporté les précisions suivantes :

- le mode de répartition du coût du service universel est actuellement basé sur le trafic, ce qui pénalise les fournisseurs d'accès Internet, dont l'offre s'appuie sur des connexions de longue durée, les opérateurs de téléphonie fixe et mobile se trouvant au contraire avantagées ; les acteurs de l'Internet ont donc souhaité un rééquilibrage, afin qu'au lieu du trafic, c'est-à-dire du temps de connexion, soit pris en compte le chiffre d'affaires généré par les minutes de trafic, ce qui revient à faire payer moins cher les fournisseurs d'accès à Internet, et plus cher les opérateurs mobiles, la part des opérateurs de téléphonie fixe restant à peu près inchangée ;

- la couverture du territoire par le réseau de téléphonie mobile et sa répartition entre les opérateurs a vu sa mise en place parachevée par la parution du décret du 14 novembre 2003 relatif aux aides des collectivités territoriales à la location d'infrastructures destinées à supporter des réseaux de téléphonie mobile. Le recours au dispositif du pylône ou de l'antenne uniques fait partie intégrante de ce processus, qui devrait, en deux phases de déploiement, s'achever d'ici deux ans.

M. Thierry Breton a ensuite fait remarquer que la surcharge du calendrier politique expliquait sans doute que l'élaboration du projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom ait connu une accélération, au début du mois de juillet 2003, mais que ce texte répondait à une demande de longue date de sa part, et à un souhait des syndicats, s'inquiétant des conséquences de l'entrée en vigueur de la directive « service universel » sur le statut des 105 000 fonctionnaires de France Télécom. Il a souligné que la concertation avait été soutenue puisque 20 réunions du conseil d'administration ont eu lieu en un an, associant à chaque fois, par l'intermédiaire d'un comité d'orientation tenu préalablement, les administrateurs salariés puis, par un compte rendu sur tous les points traités, le lendemain du conseil, l'ensemble des syndicats.

Il a également noté que l'accord intervenu entre Cégétel et France Télécom en matière de reventes d'abonnement, que les sénateurs pensaient peu probable, anticipait sur le dispositif législatif.

Il s'est enfin engagé à considérer avec attention la question de la vente du patrimoine sportif de France Télécom et de son articulation avec les préoccupations des collectivités locales.

Enfin, s'agissant des 6 000 fonctionnaires des PTT employés par France Télécom, reclassés dans l'entreprise sans être intégrés à un corps de classification, M. Olivier Barberot, directeur exécutif chargé du développement et de l'optimisation des compétences humaines à France Télécom, a souligné qu'était engagée une relance de leur carrière dans le cadre de France Télécom.

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