COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 18

(Application de l'article 46 du Règlement)

mardi 18 novembre 2003
(Séance de 11 heures)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

page

- Audition de M. Francis MER, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom (n° 1163).

2

   

La Commission a entendu M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom (n° 1163).

M. Patrick Ollier, président de la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, a, tout d'abord, souligné que la Commission recevait avec grand plaisir pour la seconde fois, après son audition de juillet 2002, M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, venu présenter le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom adopté par le Sénat.

Il a rappelé l'attention portée par la Commission aux grands services publics et, en particulier, à France Télécom, entreprise qui a récemment connu de grandes difficultés mais que son nouveau président, M. Thierry Breton, a placée sur la voie du rétablissement.

Il a précisé que celui-ci venait d'être entendu et qu'il avait, à cette occasion, indiqué la manière dont l'entreprise se préparait à la suppression de certaines rigidités de son statut grâce au projet de loi, rigidités dont M. Patrick Ollier a rappelé le rôle dans les difficultés financières que l'entreprise avait connues en 2002 et dont elle est sortie notamment grâce au soutien personnel sans failles du ministre de l'économie.

Il a donc souhaité que l'intervention du ministre permette d'obtenir un éclairage sur la façon dont cette évolution législative allait s'insérer dans la politique du Gouvernement dans le domaine des télécommunications.

Puis, rappelant que la plupart de nos voisins européens considéraient que l'avantage commercial retiré par l'opérateur titulaire de la mission du service universel équilibrait le coût des charges qu'il assumait à ce titre, il a interrogé le ministre sur la possibilité, non à brève échéance mais à terme, d'une évolution en ce sens dans le système français.

Enfin, il a souhaité obtenir des précisions sur le calendrier envisagé pour la transposition des directives dites du « paquet télécoms », transposition prévue par le projet de loi relatif aux communications électroniques déposé en juillet dernier sur le bureau de l'Assemblée nationale. Il a rappelé qu'il était aujourd'hui envisagé de procéder à cette transposition pour partie par voie d'ordonnances et pour partie par voie d'amendements. Tout en rappelant ses réserves de principe quant au recours aux ordonnances, dont il a estimé qu'il devait être évité autant que possible, il a souligné que le recours aux ordonnances pouvait néanmoins être justifié par l'urgence, réelle en l'espèce et a souhaité obtenir des précisions sur les intentions du Gouvernement sur cette question.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a, tout d'abord, rappelé l'ampleur des bouleversements technologiques intervenus dans le secteur des télécommunications qui représente aujourd'hui environ 7 % du produit intérieur brut communautaire. Il a jugé que cette part augmenterait dans les années à venir, les évolutions technologiques étant appelées à se poursuivre. Il a estimé que le secteur des télécommunications constituerait probablement, en conséquence, l'un des trois moteurs de la croissance de notre économie au cours des vingt années à venir, aux côtés, d'une part, des progrès dans le secteur des biotechnologies et, d'autre part, de la globalisation des économies.

M. Francis Mer a donc jugé que l'économie était marquée par le changement qui bouleverse évidemment les habitudes et les comportements mais auquel il est nécessaire de s'adapter. Il a estimé que la responsabilité de l'Etat était donc d'accompagner ce changement comme il le fait, en matière de télécommunications, par des initiatives au niveau européen, en faveur du développement des réseaux transeuropéens et, au niveau national, dans le cadre du plan « RESO 2007 ».

Il a souligné la nécessité de mieux prendre en compte le facteur temps et les évolutions de long terme dans les politiques publiques. Rappelant que le nombre d'abonnés à un accès internet à haut débit avait cru de 150 % en un an, il a jugé que des marchés aussi dynamiques, et les entreprises intervenant sur ces marchés, tiraient la croissance macroéconomique. Il a également estimé que ce dynamisme n'était pas miraculeux mais résultait simplement des efforts collectivement consentis notamment en matière de recherche.

Il a indiqué qu'il soulignait l'importance du changement dans l'économie d'une part, parce que France Télecom était l'archétype d'une entreprise participant à ce mouvement et, d'autre part, par souci de convaincre de l'importance de ces phénomènes et de la nécessité, pour tous les acteurs, de les accompagner en conduisant les mutations nécessaires. Il a d'ailleurs indiqué que celles-ci se traduisaient concrètement pour l'Etat puisque le nombre de déclarations d'impôt sur le revenu remplies sur internet avait quintuplé en un an.

Le ministre a indiqué que France Télécom était un acteur majeur du secteur des télécoms, aujourd'hui soumis à la concurrence, et qu'il disposerait donc de belles perspectives s'il les méritait. Mais il a ajouté que l'entreprise était aujourd'hui concurrencée par des initiatives privées et qu'elle avait donc à la fois besoin d'une dynamique interne d'amélioration de ses performances et d'outils pour son développement.

Il a dénoncé tout triomphalisme, consistant à considérer France Télécom comme sortie de crise car, si l'entreprise va mieux - la dette a diminué de 20 milliards d'euros -, le poids du passé est lourd, avec encore 50 milliards d'euros de dettes à gérer.

Il a précisé qu'il restait beaucoup à faire pour que France Télécom devienne une entreprise européenne et mondiale puissante : elle doit encore définir clairement sa stratégie, ses cibles, ses objectifs et se donner les moyens d'avancer.

Il a ensuite présenté le projet de loi, qui se décompose en trois volets : la continuité du service public, le statut des fonctionnaires et l'actionnariat de l'entreprise.

En premier lieu, a-t-il indiqué, la loi de réglementation des télécommunications de 1996, qui désignait France Télécom comme opérateur chargé du service universel, n'étant plus compatible avec la législation communautaire, il est prévu que l'ensemble des missions de service universel seront assurées à la suite d'un appel à candidatures.

Concernant le statut des personnels, le ministre a précisé que l'évolution de l'entreprise, entre 1995 et 2003, n'avait en rien été handicapée par le statut public de ses salariés. Ainsi, a-t-il ajouté, cette société emploie 100 000 fonctionnaires, dont les derniers ne devraient la quitter qu'en 2035, et évolue pourtant sur un marché totalement concurrentiel et mondial. Il s'est réjoui de la formidable évolution interne, qui a permis à l'entreprise de se positionner durablement sur le marché. Il convient, a-t-il précisé, de la montrer en exemple, car elle démontre qu'avec un management adéquat, les entreprises publiques sont tout à fait capables d'évoluer. Il a rappelé qu'il n'y aurait aucune évolution majeure de ce statut des personnels fonctionnaires dans le projet de loi, puisqu'il avait fait ses preuves.

S'agissant de la détention du capital, le ministre a indiqué que l'obligation juridique d'une détention majoritaire du capital par l'Etat pouvait représenter un risque pour l'entreprise, et avait d'ailleurs été l'une des multiples causes de la crise de l'entreprise, en ne permettant pas à l'opérateur de financer sa croissance autrement que par la dette.

Il a indiqué que le fait d'avoir l'Etat comme actionnaire majoritaire n'était en théorie ni un risque, ni un atout pour l'entreprise, mais que l'approfondissement de la concurrence et les évolutions réglementaires et technologiques à venir dans le secteur impliquaient de placer l'entreprise dans un cadre juridique aussi proche que possible de celui de ses concurrents, afin qu'elle puisse réagir rapidement et répondre à toute opportunité.

Il a conclu en indiquant que l'intérêt économique et stratégique de la France était de disposer de quelques entreprises solides et dynamiques et qu'il convenait de tirer les enseignements du passé pour être plus réactif à l'avenir, ce qui était l'objectif premier du projet de loi.

Répondant à M. Patrick Ollier, M. Francis Mer a rappelé que le ministère souhaitait transposer rapidement les directives ; c'est pour cette raison, a-t-il indiqué, que le Président de la République s'est entretenu avec les présidents des deux assemblées pour leur soumettre un projet de transposition par ordonnance, qui serait promulgué au premier semestre 2004. Les autres parties du projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, à savoir celles ne relevant pas directement de la transposition du « paquet télécoms », seraient réintégrées dans le projet de loi relatif à la confiance dans l'économie numérique, qui doit venir en discussion les 7 et 8 janvier 2004 devant l'Assemblée nationale.

M. Alfred Trassy-Paillogues, rapporteur sur le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom, a noté que le projet de loi allait garantir le statut des fonctionnaires de France Télécom, et ouvrir le capital de l'entreprise, que la situation de celle-ci était désormais redressée et qu'elle bénéficiait d'un climat interne de consensus social, qu'elle replaçait l'effort de recherche et de développement au centre de sa stratégie sous l'impulsion de son nouveau président, et que tout cela se produisait au moment où le secteur des télécommunications donnait des signes de reprise. Il s'est réjoui de ces perspectives plutôt favorables pour l'avenir de France Télécom, et a repris à son compte l'analyse du ministre sur la nécessité d'une adaptation au temps et à la vitesse des évolutions de l'environnement, qui justifiait fondamentalement le projet de loi. Il a souligné que l'action du Gouvernement en faveur des nouvelles technologies constituait une belle opération d'aménagement du territoire, puisqu'elle bénéficierait non seulement aux particuliers installés dans le monde rural, mais aussi aux petites entreprises dynamisées par l'accès aux moyens de télécommunication.

S'agissant de la revente de l'abonnement et des services associés, lesquels intégraient, a-t-il précisé, le transfert d'appel et le rappel du dernier numéro, il a constaté qu'elle était déjà opérationnelle en Grande-Bretagne, au Danemark, en Espagne, en Allemagne et en Irlande, et s'est interrogé sur l'impact favorable que pourrait avoir cette mesure, contrairement à ce que laisse entendre France Télécom, sur l'effort d'investissement des opérateurs alternatifs, notamment dans le haut débit. En ce qui concerne le financement du service universel, il a souhaité connaître le sentiment du ministre sur l'application rétroactive à l'année 2002 du nouveau mode de calcul des contributions adoptée au Sénat, sachant qu'une telle évolution législative serait bénéfique pour les fournisseurs d'accès à l'Internet, mais léserait directement deux des opérateurs de téléphonie mobile, qui par ailleurs ne faisaient usage du réseau fixe que de manière limitée et contre une juste rémunération, et de surcroît, étaient actuellement sollicités par l'Etat pour des investissements conséquents, non rentables, dans la couverture des zones blanches.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure pour avis sur le budget des postes et télécommunications, s'est tout d'abord réjouie de la venue en discussion devant l'Assemblée de ce texte sur le statut de France Télécom et les obligations de service public dans les télécoms, qui lui semblait important à un double titre : d'abord, parce qu'il allait permettre à l'opérateur national d'échapper à la contrainte rigide de la structure de son capital, qui a constitué la cause principale des difficultés financières auxquelles il s'était trouvé confronté à l'été 2002 ; ensuite parce que ce texte allait permettre des avancées sur la transposition des directives du « paquet télécoms », avec le volet sur le service universel, mais aussi avec la levée de la contrainte limitant les câblo-opérateurs à une desserte maximale de huit millions d'habitants.

Constatant ensuite, à son tour, que le projet de loi prévoyait d'asseoir la contribution au service universel sur le chiffre d'affaires, ce qui allait certes dans le sens d'une plus grande neutralité technologique de ce prélèvement, mais aboutissait à doubler la contribution des opérateurs du téléphone mobile par ailleurs engagés dans la couverture des « zones blanches », elle a demandé si le Gouvernement envisageait la mise en place d'un quelconque mécanisme de rééquilibrage en faveur de ceux-ci, par exemple en engageant une négociation à l'échelle européenne pour inclure la téléphonie mobile dans le service universel, et permettre ainsi le « pay or play », ou en aménageant dans un sens incitatif le régime financier du prochain renouvellement des licences GSM.

S'agissant de l'amendement du Sénat qui lève la contrainte limitant les câblo-opérateurs à une desserte maximale de huit millions d'habitants, elle a observé qu'il allait permettre un déblocage des restructurations possibles dans ce secteur, lequel pouvait devenir un relais majeur de la distribution de l'Internet à haut débit, au moins dans les zones denses, comme c'était le cas aux Etats-Unis, contribuant en cela à une poursuite de la baisse des prix des abonnements. Elle a souhaité savoir si le Gouvernement avait déterminé une stratégie pour les évolutions industrielles dans ce secteur, l'idée ayant par exemple affleuré, ici ou là, dans la presse, d'une volonté de favoriser la constitution d'un « champion national » dans ce domaine.

Intervenant au nom du groupe socialiste, M. Alain Gouriou a estimé que le présent projet de loi signifiait tout bonnement la privatisation prochaine de France Télécom, conformément aux annonces faites dans la presse.

Il a estimé que le projet de loi risquait de mettre le service universel, autrefois appelé service public, aux enchères par morceaux entre les différents opérateurs, sans que l'on sache si ces missions trouveront preneur ou si les opérateurs privés seront capables de les prendre en charge.

Il s'est ensuite interrogé sur la prise en compte des problématiques spécifiques à la téléphonie mobile ou à l'Internet à haut débit dans la définition du service universel, compte tenu du fait que les technologies de la communication enregistrent des évolutions très rapides qui ne sont pas prévues dans le projet de loi. Il s'est en outre interrogé sur l'absence de mesures concernant l'entretien du réseau, ou le service aux personnes handicapées ou en difficulté dans cette définition du service universel.

Notant que France Télécom comprenait 240 000 salariés aux statuts très différents, il s'est interrogé sur l'avenir des personnels ayant le statut de fonctionnaire au sein de l'entreprise, notamment lorsque celle-ci sera définitivement privatisée.

Il a estimé que la présence de l'Etat dans le capital de France Télécom ne pouvait être considérée comme une anomalie expliquant les difficultés de l'entreprise, qui ont également été le lot de nombreux opérateurs concurrents européens. Il a rappelé qu'a contrario le statut public de France Télécom l'amenait à prendre en charge pour le compte de l'Etat certaines missions de sécurité et de défense nationale, en assurant la sûreté des communications, et à fournir un effort de recherche dans le domaine essentiel des télécommunications.

Il s'est enfin interrogé sur la réalité des risques de spéculation boursière ou d'offre publique d'achat, qui mettraient le capital de l'entreprise France Télécom dans des mains étrangères.

S'exprimant au nom du groupe UMP, M. Jean-Louis Christ a estimé que, compte tenu de la réduction de la dette de France Télécom de 70 à 50 milliards d'euros, il était prématuré de parler d'assainissement de la situation financière de l'entreprise, même si l'opérateur historique avait d'ores et déjà prouvé sa capacité de réaction.

Il s'est ensuite interrogé sur les atouts de France Télécom pour remporter, dans un environnement concurrentiel, les appels d'offre pour la prise en charge du service universel, prévus par le présent projet de loi conformément à la directive communautaire. Il a ensuite observé que les différents statuts des salariés de l'entreprise seraient garantis quelles que soient les évolutions juridiques ultérieures de France Télécom, notant que les derniers fonctionnaires, dont le recrutement a été arrêté en 1997, quitteraient l'entreprise en 2035.

Il s'est enfin réjoui de la mesure supprimant l'obligation de l'Etat de conserver plus de la moitié du capital de l'entreprise, estimant que cette mesure permettrait à France Télécom d'intervenir sur le marché à égalité avec ses concurrents.

S'exprimant au nom du groupe UDF, M. Jean Dionis du Séjour a remercié le ministre d'avoir précisé les modalités de transposition du « paquet télécoms » et le calendrier de l'examen du projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique.

Rappelant que la Commission des affaires économiques avait examiné un amendement visant à préciser les définitions de la communication publique en ligne et du courrier électronique, il s'est interrogé sur la disposition du Gouvernement à travailler en commun avec le Parlement en vue de consolider certaines dispositions de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dans le cadre du projet de loi relatif à la confiance dans l'économie numérique.

Au nom du groupe UDF, il a estimé que le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom était positif, établissant un compromis équilibré entre les dispositions imposées par la directive communautaire « service universel » et les sujétions de l'entreprise héritées du passé, notamment la présence de fonctionnaires dans son personnel.

Il s'est néanmoins interrogé sur l'absence de différenciation, dans le projet de loi, entre les fonctions de gestionnaire du réseau et de prestataire de services, ne serait-ce que sous la forme d'une séparation managériale ou comptable, alors que cette dichotomie sous-tend les directives communautaires concernant les secteurs du gaz et de l'électricité.

Il s'est enfin interrogé sur l'absence de mesures concernant la situation juridique des 6 000 fonctionnaires reclassés et non classifiés de l'entreprise.

M. François Brottes, s'exprimant au nom du groupe socialiste, a tenu à rappeler que le Parlement a su être réactif lorsque le Gouvernement lui a soumis, à la fin de l'année 2002, le projet de redressement de France Télécom, s'abstenant notamment de toute mesure d'obstruction.

Rappelant que les réseaux de télécommunication ont été constitués avec des fonds publics, il s'est interrogé sur l'opportunité d'une privatisation, surtout à l'heure où le rachat de Péchiney par Alcan vient montrer que cette privatisation peut entraîner une perte de contrôle totale de l'entreprise.

Concernant le projet de loi, il s'est interrogé sur l'absence de séparation entre le contenant et le contenu, France Télécom restant gestionnaire du réseau et prestataire de services. Il a estimé que le secteur des télécommunications pourrait en effet prendre appui sur un opérateur de réseau public jouant un rôle comparable à Réseau de transport d'électricité (RTE) dans le domaine de l'énergie.

Il s'est enfin interrogé sur la situation qui serait créée par un refus de France Télécom de prendre en charge le service universel ; le présent projet de loi prévoyant dans ce cas une procédure de désignation d'office, il a demandé au ministre quelles seraient ses intentions dans cette hypothèse.

M. Jean-Paul Charié a tout d'abord rappelé que M. Breton venait d'indiquer à la Commission qu'il était du devoir de France Télécom d'assurer le service universel. Il a ensuite souscrit à l'analyse du ministre sur la situation financière de l'entreprise, qui reste la plus endettée au monde, même avec la baisse de 20 milliards d'euros de son endettement.

S'agissant du financement du service universel, il a interrogé le ministre sur l'amendement de M. Gérard Larcher, voté au Sénat, concernant la rétroactivité à l'année 2002 du nouveau mode de calcul des contributions.

Il a ensuite souhaité une clarification des compétences des collectivités publiques dans le secteur, estimant que, si l'initiative locale était souvent à l'origine de la dynamique et des ententes, elle ne devait pas suppléer les compétences des entreprises.

M. Serge Poignant a interrogé le ministre sur la possibilité d'intégrer les charges liées à la localisation des appels d'urgence dans le service universel, les services départementaux d'incendie et de secours ayant de très gros besoins dans ce domaine.

En réponse aux différents intervenants, M. Francis Mer a apporté les précisions suivantes :

- concernant une possible « privatisation », le Gouvernement n'a pas d'autre intention avec ce projet de loi que de mettre France Télécom dans les meilleures conditions pour le futur, et de lui permettre de trouver des partenaires. La privatisation n'est pas l'objectif du texte, même si elle pourrait, à terme, en être une conséquence. L'entreprise n'est pas handicapée par son statut public, mais par les implications juridiques de ce statut et l'impossibilité, notamment, de se refinancer sur les marchés ;

- s'agissant du service universel, l'Etat restera responsable de ses conditions de mise en œuvre et il est clair que France Télécom sera désignée comme opérateur en l'absence de candidat, car elle est l'entreprise majeure du secteur ;

- le texte limite le périmètre du service universel aux téléphones fixes, en conformité avec les directives européennes actuelles. Le haut débit sera sans doute intégré ultérieurement, dans le cadre du réexamen de ce périmètre qui commencera en 2004. Sur ce sujet, il convient d'être pragmatique, et non idéologique ;

- s'agissant de la recherche, la stratégie française doit être claire : il convient de sortir de la crise par le haut, en renouvelant l'offre en direction de nos voisins européens, mais également des marchés émergents, comme celui de la Chine, pays qui dispose d'un pouvoir d'achat grandissant et qui, avec 2,5 milliards d'habitants et donc de consommateurs, ne peut pas être uniquement considérée comme un danger. La France doit comprendre qu'à l'avenir certaines activités industrielles seront plus difficiles à maintenir sur le territoire, alors que, parallèlement, la Chine constituera un formidable marché pour nos activités si nous savons les renouveler et vendre notre savoir-faire et nos compétences. Dans ce cadre, la recherche est fondamentale et des efforts supplémentaires seront nécessaires, les chefs d'entreprise et les cadres n'ayant pas tous intégré cette nouvelle donnée. France Télécom continuera à investir dans ce domaine, car elle a bien compris que les entreprises ne peuvent bâtir leur futur que sur le renouvellement permanent de leur offre, Microsoft, grâce au génie de Bill Gates, étant à cet égard un formidable exemple et une belle réussite au niveau mondial. Cette entreprise, privée, a bien compris l'enjeu et finance, dans le monde entier et de manière permanente, des recherches sur son secteur ;

- il n'y a pas lieu de nourrir des inquiétudes quant à la faculté d'adaptation des fonctionnaires employés par France Télécom. L'expérience a, en effet, montré, depuis 1995, avec la mutation tout à fait extraordinaire de cette entreprise, conduite par ses dirigeants successifs et notamment par M. Michel Bon (pour lequel M. Françis Mer a indiqué avoir beaucoup d'estime), que les personnels sous statut de la fonction publique, qui représentent aujourd'hui environ 80 % des effectifs de la maison mère, ont été capables de se mobiliser. Il n'y a aucune raison qu'il n'en soit pas de même dans l'avenir, car leur motivation principale est de participer au développement des télécommunications ;

- en ce qui concerne les réseaux, la comparaison entre le secteur des télécommunications et celui de l'électricité n'est pas pleinement pertinente. Le réseau de transport d'électricité constitue un vrai monopole naturel. Il est beaucoup plus difficile de construire des lignes à haute tension que des lignes de transport de données et, en matière de télécommunications, à la différence de l'électricité, il existe des solutions techniques alternatives au réseau filaire ;

- l'évolution législative en matière de télécommunications passe actuellement par le canal de trois projets de loi. Deux d'entre eux, le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom et le prochain projet de loi d'habilitation à la transposition par voie d'ordonnance des directives dites du « paquet télecoms » ont un objet spécialisé. Le troisième, qui est le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, dont la discussion par l'Assemblée nationale est prévue les 7 et 8 janvier prochains, a un objet plus ouvert. Dans ce projet de loi, tous les sujets, notamment les conditions d'intervention des collectivités locales, la question de la couverture du territoire par la téléphonie mobile, les modifications nécessaires à la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et la meilleure articulation des rôles respectifs de l'Autorité de régulation des télécommunications et du Conseil supérieur de l'audiovisuel, pourront être traités. Le Gouvernement souhaite parvenir, en concertation avec la Commission des affaires économiques de l'Assemblée, à un point d'équilibre quant à la définition de la communication publique en ligne. Une définition équilibrée a été établie dans le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, mais il est encore possible de progresser. Toutefois, ce projet de loi ne peut être utilisé pour réécrire entièrement la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication ;

- la séparation des réseaux n'est pas essentielle en matière de télécommunications notamment parce qu'il s'agit d'un secteur où plusieurs réseaux rentables peuvent coexister comme l'illustre l'exemple de la téléphonie mobile. L'innovation en matière de services est réalisée par les détenteurs des réseaux et la séparation des activités conduirait à une moindre amélioration des services. La situation est donc différente de celle de l'électricité. Pour ce secteur, la séparation des réseaux, gérés aujourd'hui par RTE, est nécessaire mais cette filialisation doit intervenir au sein d'EDF. On ne peut pas prendre le risque de séparer les activités de production, de transport et de distribution d'électricité qui font, industriellement, partie de la même entreprise. RTE doit donc être filialisé, pour être mis au service des opérateurs concurrents, mais à l'intérieur d'EDF ;

- l'efficacité des fonctionnaires de France Télécom ne fait pas de doute, même dans un contexte où l'entreprise doit faire face à des évolutions importantes ;

- le projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique prévoit que les collectivités territoriales peuvent devenir opérateurs de télécommunication. Il s'agit donc de les autoriser à investir dans un réseau pour apporter de nouveaux services là où le marché ne le permet pas encore. Il faut néanmoins rester confiant dans les capacités des acteurs économiques à prendre ce genre d'initiatives, en collaboration avec les collectivités locales ;

- il y a en effet des travaux à mener pour la localisation des personnes en difficulté usant des appels d'urgence, compte tenu du fait que les technologies GSM actuelles sont d'une efficacité limitée dans ce domaine. La solution pourrait être apportée par la technologie UMTS, bien plus performante en matière de géo-localisation ;

- la téléphonie mobile n'appartient pas actuellement au service universel, mais son inclusion pourra être envisagée dès 2004 dans le cadre des négociations communautaires pour le réexamen du périmètre du service universel. D'ailleurs, conformément au projet de loi tel que modifié par le Sénat, le Gouvernement devra remettre un rapport au Parlement sur le service universel et notamment sur la couverture en téléphonie mobile, examinant les conditions techniques et économiques permettant d'inclure la téléphonie mobile dans le périmètre du service universel ;

- en ce qui concerne le renouvellement des licences GSM, l'ART mène actuellement une consultation publique, permettant de redéfinir en 2004 des conditions d'octroi tenant compte des critères de qualité du service et de couverture du territoire en téléphonie mobile ;

- il faut créer les conditions pour que les opérateurs privés du câble aient le désir d'engager la restructuration de leurs activités, faute de quoi notre pays risque de perdre cette technologie précieuse. Il faut donc supprimer certaines contraintes désuètes, comme par exemple le seuil des 8 millions d'habitants. Ainsi les opérateurs privés pourront s'entendre pour relancer l'offre du câble en France ;

- le coût du service universel sera évalué à la fois par l'ART et par les candidats, afin que leur demande lors des appels d'offre ne soit pas excessive. Il est néanmoins probable que seul France Télécom pourra prendre en charge l'ensemble des missions de service universel à court terme, ce qui justifie que l'ART continue pour l'instant de fixer le coût du service universel à partir d'un audit des comptes de France Télécom ;

- l'application rétroactive sur l'année 2002 des modifications du mode de financement du service universel peut susciter certaines réserves.

A ce sujet, M. Christian Béchon, directeur adjoint du cabinet de M. Francis Mer, a indiqué que les fournisseurs d'accès à Internet opéraient avec des marges financières très réduites, et qu'ils contribuaient proportionnellement davantage aux charges de service universel que les autres opérateurs de télécommunication. C'est pour cette raison que la rétroactivité a été introduite lors de la discussion au Sénat, mais sans qu'elle s'applique à une année antérieure à 2002, année la plus ancienne pour laquelle la valeur définitive des contributions n'a pas encore été arrêtée ;

- la mesure relative à la revente de l'abonnement a été introduite à l'initiative des sénateurs, afin de tenir compte des délais prévisibles d'examen du présent projet de loi, sachant par ailleurs que le Gouvernement souhaite transposer rapidement cette directive, au cours du premier semestre 2004. Parallèlement au processus d'examen du projet de loi, France Télécom et Cegetel se sont mis d'accord sur un dispositif contractuel, conduisant à ce que l'abonné de Cegetel ne reçoive plus qu'une facture au lieu de deux auparavant. L'amendement sénatorial ayant atteint son but, le Gouvernement souhaiterait la suppression de l'article 9 nouveau du projet de loi, malgré la nouvelle navette au Sénat que va imposer cette suppression.

Le président Patrick Ollier a indiqué que la Commission soutiendra l'amendement que le rapporteur ne manquera pas de déposer en ce sens.

--____--


© Assemblée nationale