COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 20

(Application de l'article 46 du Règlement)

mardi 25 novembre 2003
(Séance de 16 heures 45)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président,
puis de M. Jean Proriol, Vice-Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. François ROUSSELY, Président d'EDF

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La Commission a entendu M. François Roussely, président d'EDF.

Le président Patrick Ollier a tout d'abord remercié M. François Roussely d'avoir accepté de venir s'exprimer, pour la seconde fois, devant la Commission des affaires économiques à la veille d'une année qui sera décisive dans le domaine énergétique.

Il a, en effet, estimé que deux grands rendez-vous interviendraient en 2004, le premier étant la discussion du projet de loi d'orientation sur les énergies.

A ce sujet, il a rappelé que le Gouvernement avait fait connaître, dans un livre blanc, un ensemble de propositions tandis que la Commission des affaires économiques avait, elle aussi, engagé sa réflexion notamment avec le rapport sur la politique de soutien aux énergies renouvelables présenté par M. Serge Poignant.

Il a jugé que le projet de loi d'orientation serait d'une grande importance puisqu'il conduirait la représentation nationale à se prononcer, pour la première fois, sur les choix fondamentaux de la politique énergétique et, en particulier, sur la confirmation du choix du nucléaire dont il a estimé qu'elle était souhaitée par de nombreux parlementaires.

Puis, il a estimé que du choix politique qui serait fait dans cette loi, découlerait, pour EDF, une opportunité : la possibilité de commander un réacteur de type EPR. Il a donc souhaité que M. François Roussely indique, d'une part, s'il souhaitait procéder à cette commande et, d'autre part, si EDF était en mesure de la financer seule, comme cela a été le cas de presque tous les réacteurs nucléaires qu'elle exploite, ou si l'entreprise jugeait avoir besoin, pour le faire, de partenaires.

M. Patrick Ollier a ensuite rappelé qu'une polémique avait été lancée aujourd'hui à propos de l'EPR en raison de la diffusion par une association anti-nucléaire d'une lettre classée « confidentiel défense » d'EDF aux autorités de sûreté.

Il a solennellement regretté, sur le principe, l'attitude irresponsable conduisant à violer la loi en rendant publics des documents secrets alors même qu'existe une menace terroriste tout en jugeant que, sur le fond, cette lettre, qui se contente d'indiquer que les conséquences de la chute d'un avion de ligne sur un réacteur nucléaire sont mal connues, n'apportait guère d'éléments nouveaux.

Il a donc estimé que la polémique que certains tentaient d'entretenir n'était pas justifiée mais a souhaité que M. François Roussely donne des éléments sur cette affaire et qu'il indique s'il avait diligenté une enquête interne sur l'origine de la fuite.

M. Patrick Ollier a ensuite évoqué le second grand rendez-vous de 2004 qui est la poursuite de l'ouverture à la concurrence du marché français de l'électricité.

Il a rappelé que cette ouverture à la concurrence allait changer d'échelle puisque si depuis février dernier, plus de 3 100 sites de consommation sont éligibles, au 1er juillet prochain, ce sont tous les consommateurs professionnels, soit environ 2,3 millions de consommateurs, qui pourront choisir leur fournisseur d'électricité.

Puis, il a évoqué la préparation d'EDF à cette échéance en rappelant que M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a demandé aux présidents d'EDF et de GDF d'élaborer un projet industriel et social présenté formellement demain au conseil économique et social.

Il a rappelé que, comme Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, l'avait indiqué, ce serait sur la base de ce projet industriel et social que le Gouvernement prendrait, le cas échéant, les initiatives nécessaires pour faire évoluer la forme juridique d'EDF et de GDF.

Il a souhaité que M. François Roussely précise si le projet industriel et social qu'il avait préparé lui paraissait de nature à convaincre les personnels de la nécessité d'un changement de statut d'EDF.

Enfin, M. Patrick Ollier a évoqué la question de l'obligation d'achat consentie au bénéfice de certaines filières. Notant que ce mécanisme entraînait des surcoûts pesant sur le prix de l'électricité et indiquant qu'il avait l'intention de prendre des initiatives pour faire évoluer le dispositif, il a souhaité que M. François Roussely donne son sentiment sur ce mécanisme.

M. François Roussely, président d'EDF, a tout d'abord rappelé que, depuis ses dernières auditions par les commissions permanentes de l'Assemblée nationale, la stratégie et le contexte dans lequel évolue EDF n'avaient pas changé mais que le calendrier s'accélérait, puisqu'il ne restait plus que 217 jours d'ici au 1er juillet 2004, date à partir de laquelle 70 % du marché de l'électricité français serait ouvert à la concurrence.

Il a précisé que, le 25 juillet dernier, M. Francis Mer, ministre de l'économie et des finances, avait fixé une « feuille de route » à EDF et à GDF précisant les étapes nécessaires pour préparer les entreprises aux échéances européennes, cette lettre soulignant que le Gouvernement entendait donner à EDF les moyens de devenir un leader européen incontestable sur son marché et demandant à EDF et à GDF de consolider les positions acquises par ces entreprises en Europe, de conforter leurs missions de service public en France et d'élaborer, dans le cadre d'une large concertation, un projet industriel et social. Il a également rappelé qu'étaient explicitement prévues l'abrogation du principe de spécialité et, dans le cas d'EDF, l'évolution de la forme juridique de l'entreprise afin de nouer plus facilement des partenariats et de trouver des financements.

Il a estimé qu'étaient donc prévues, d'abord, l'élaboration par l'entreprise d'un plan d'action industriel et social traduisant le projet de groupe 2003-2007 rendu public en juin puis des réformes législatives relatives au régime des retraites, à l'évolution de la forme juridique des entreprises et à l'abrogation du principe de spécialité ainsi qu'à la transposition de la directive 96/92 CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité modifiée.

Il a précisé que le plan d'action industriel et social, qui serait présenté au Premier ministre à la fin de la semaine prochaine après son examen par le conseil d'administration d'EDF, visait à « mettre en tension » l'entreprise pour la préparer à l'ouverture du marché et abordait, pour ce faire, six enjeux.

M. François Roussely a indiqué que le premier d'entre eux était de réussir l'ouverture du marché français. Il a jugé que cette ouverture était d'ores et déjà réelle, comme le traduisent l'existence d'une autorité de régulation spécialisée et un accès effectif de tous les opérateurs au réseau de transport, et qu'elle était d'ailleurs incontestée par les concurrents d'EDF. Il a indiqué que, dans ce contexte, EDF avait réussi à fidéliser 83 % des clients éligibles, la consommation totale des clients éligibles représentant 37 % du marché français.

M. François Roussely a ensuite estimé que l'ouverture à la concurrence de 70 % du marché français conduisait à un véritable changement qualitatif, car les clients aujourd'hui éligibles sont des gros consommateurs qui disposaient déjà, à l'époque du monopole, de tarifs et de services spécifiques et adaptés à leur activité, contrairement aux consommateurs devenant éligibles au 1er juillet 2004. Il a indiqué que cette évolution exigerait donc une plus grande personnalisation de l'offre, c'est-à-dire des tarifs, et un élargissement de l'offre pour inclure du gaz, des services, notamment de maîtrise de la demande d'énergie ainsi que des offres d'électricité « verte » pour lesquelles une véritable demande existe.

Il a estimé que cela imposait à EDF de passer d'une offre identique pour la plupart de ses clients à des offres différenciées prenant en compte, dans le respect du principe d'égalité, les attentes spécifiques de chaque catégorie de clients. Il a insisté sur le fait que cela impliquait l'abrogation législative du principe de spécialité propre aux établissements publics.

En deuxième lieu, M. François Roussely a indiqué que le plan d'action industriel et social visait également à se concentrer sur les pays et les métiers prioritaires, comme l'ont d'ailleurs préconisé plusieurs rapports parlementaires. M. François Roussely a rappelé qu'au premier semestre 2003, 96 % de l'excédent brut d'exploitation d'EDF était réalisé en Europe, principalement en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie et, dans une moindre mesure, en Espagne.

Dans ce cadre, il a souligné qu'EDF devait continuer de développer ses synergies en Europe et passer ainsi d'une fédération d'entreprises travaillant ensemble à un vrai groupe industriel intégré.

En troisième lieu, il a indiqué qu'une des caractéristiques majeures de l'entreprise que le plan d'action entend développer était sa maîtrise complète de l'outil industriel, notamment en termes d'ingénierie. Il a jugé que cela constituait un atout important, notamment en vue d'assurer l'avenir de la filière nucléaire. Il a précisé, à ce sujet, que la construction d'un démonstrateur du réacteur EPR lui paraissait nécessaire pour assurer le remplacement des réacteurs nucléaires en exploitation dits de la troisième génération et pour maintenir les compétences industrielles européennes dans ce domaine.

Il a, en effet, rappelé que la quatrième génération de réacteurs nucléaires ne verrait le jour qu'en 2040 ou 2045. Or, il a indiqué que, les réacteurs les plus anciens, qui sont ceux de Fessenheim et du Bugey, seraient en exploitation depuis quarante ans en 2018 et 2020 de sorte que, même si la durée de vie de certaines centrales actuelles était prolongée au-delà de 40 ans, leur remplacement par des réacteurs de quatrième génération ne serait pas possible. Il a donc jugé que l'alternative était soit le recours à un réacteur nucléaire de transition sûr et efficace dans l'attente des réacteurs de quatrième génération, ce à quoi correspond l'EPR, soit le recours à des centrales à gaz qui aurait des conséquences du point de vue des émissions de dioxyde de carbone et ne permettrait pas, en pratique, faute d'outil industriel, la conception de réacteurs de quatrième génération.

M. François Roussely a, en outre, rappelé que le contexte international attestait d'un regain d'intérêt pour l'énergie nucléaire illustré par la décision finlandaise et par les futures décisions probables de la Chine. Il a indiqué que la Chine semblait, en effet, s'inspirer de l'exemple français et envisageait, de même que nous avons « francisé » une technologie américaine, de « siniser » la technologie française utilisée dans les centrales de Daya Bay et Ling Ao.

Il a donc jugé nécessaire de préserver la continuité du programme électro-nucléaire français en préservant la spécificité que constitue la maîtrise d'ouvrage de l'exploitant, architecte du projet chargé de l'ingénierie et de l'allotissement des différents aspects du projet.

Il a conclu que, dans un contexte de recherche d'indépendance énergétique et de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, la nécessité de la construction d'un réacteur EPR lui semblait certaine même si la question du financement d'un tel projet, comme le serait d'ailleurs celle de tout très grand projet et sans qu'il y ait de spécificité du nucléaire, était délicate dans le cadre d'un marché concurrentiel. Il a en effet rappelé qu'il s'agissait d'un investissement dont la mise en service prendrait environ dix ans et qui nécessiterait, après sa mise en service, une dizaine d'années supplémentaires pour apporter une contribution positive au résultat net de l'exploitant. Il a, à ce sujet, souligné qu'aux Etats-Unis des dispositions législatives permettant la prise en charge par les pouvoirs publics de certaines dépenses, notamment de recherche, afférentes aux projets de réacteurs nucléaires étaient en cours d'examen.

En ce qui concerne d'éventuels partenaires, il a indiqué que des gros consommateurs, soucieux de se prémunir de la volatilité des prix dans un contexte où le prix de gros de l'électricité augmente aujourd'hui mensuellement d'environ un euro par mégawatheure, étaient intéressés par une prise de participation dans la société EPR. Il a indiqué que des électriciens allemands et l'électricien italien ENEL étaient également intéressés.

M. François Roussely a ensuite évoqué le mix énergétique d'EDF qu'il a jugé nécessaire de préserver.

Il a ainsi rappelé le rôle de l'hydraulique qui, compte tenu de l'évolution de la Compagnie nationale du Rhône (CNR), représente 11 % de la capacité de production d'EDF. Il a souligné la nécessité du renouvellement des concessions et a jugé qu'il serait nécessaire, à cette occasion, de garantir la maîtrise de la ressource en eau en évitant la concurrence des différents usages de l'eau.

Il a ensuite jugé que les autres énergies renouvelables devaient jouer leur rôle dans le mix énergétique mais que, comme le rapport d'information de M. Serge Poignant sur la politique de soutien aux énergies renouvelables l'a bien montré, un objectif de part des énergies renouvelables dans l'offre totale d'énergie serait sans doute plus pertinent que l'objectif ne concernant que l'électricité fixé par la directive du 27 septembre 2001.

Il a ensuite souligné le caractère fondamental du renouvellement des moyens de production thermiques classiques qui assurent, avec l'hydraulique, la production de pointe.

Il a également insisté sur la nécessité d'investissements pour sécuriser le réseau, notamment après les tempêtes de 1999, auxquels RTE a prévu de consacrer 1,7 milliard d'euros sur 15 ans notamment pour mettre en place des dispositifs « anti-cascade » dont les événements survenus cet été en Italie et aux Etats-Unis ont rappelé l'intérêt.

Enfin, il a rappelé l'importance de la recherche-développement notamment pour garantir la maîtrise industrielle de l'outil de production.

En quatrième lieu, M. François Roussely a indiqué que le plan d'action industriel et social visait à renforcer la compétitivité et la structure financière de l'entreprise, par un intense effort pour augmenter sa rentabilité. Il a précisé que des mesures avaient déjà été mises en œuvre : meilleure maîtrise des achats notamment grâce à la création d'une direction des achats, stabilisation de la masse salariale, création d'une direction des contrôles des risques et recentrage du groupe sur les métiers et les pays prioritaires avec la cession de la participation dans la société suédoise Graninge et dans Péchiney.

Il a souligné la nécessité d'améliorer le rapport entre la dette nette d'EDF et ses fonds propres, rapport qui est préoccupant non en raison d'un surendettement mais du fait d'une sous capitalisation.

En cinquième lieu, il a indiqué que le plan d'action industriel et social visait à mobiliser les personnels et à conduire le changement avec eux, conjointement avec GDF pour les agents communs aux deux entreprises.

Il a indiqué que cela passait par le développement et le redéploiement géographiques et sectoriels des compétences au sein d'EDF pour permettre aux agents d'EDF d'exercer plusieurs métiers au cours de leurs carrières et de capitaliser leurs expériences.

Il a, en outre, souligné la nécessité de donner aux salariés une lisibilité non seulement sur l'évolution de l'entreprise mais aussi sur l'évolution concrète de leurs métiers.

Il a jugé que, dans ce cadre, il convenait également de conforter et de faire évoluer si nécessaire le statut de l'industrie électrique et gazière qui doit être appliqué à toute la branche comme l'a rappelé la loi du 10 février 2000. Il a estimé que cela passait notamment par la mise en œuvre du protocole relatif aux retraites mais également par l'amélioration des conditions de travail (astreintes, travail de nuit, réglementations en matière de santé et de sécurité) et par l'approfondissement des capacités de négociations au niveau local. Il a également jugé parallèlement nécessaire de construire un référentiel commun à l'échelle du groupe en matière de ressources humaines, notamment à travers le comité d'entreprise européen, pour réduire le « grand écart » qui existe entre certaines filiales étrangères et la maison mère dont les personnels sont sous statut.

Enfin, en sixième lieu, M. François Roussely a indiqué que le plan d'action industriel et social visait également à garantir le service public de l'électricité en France pour garantir la qualité du service aux usagers et aux collectivités dont EDF est concessionnaire pour ce qui concerne la distribution. Il a jugé nécessaire à cet égard de garantir la pérennité du service public dans un cadre financier sécurisé en privilégiant la proximité, la péréquation qui met en œuvre le principe d'égalité et dont le maintien est assuré par une tarification du transport indépendante de la distance, la solidarité en faveur des clients les plus démunis (mission à laquelle EDF consacre chaque année 20 millions d'euros) et le respect de l'environnement, notamment en ce qui concerne l'insertion des ouvrages de réseau dans les paysages.

Il a rappelé que le maintien d'un service public de qualité passait également par un renforcement de la relation avec les collectivités locales grâce à la modernisation des contrats de concession. Il a jugé, à cet égard, nécessaire de concilier le principe d'égalité et les demandes spécifiques des collectivités notamment au vu du souhait de certaines d'entre elles d'intervenir directement sur le marché de gros de l'électricité ce qui peut s'avérer risqué et affaiblir le principe d'égalité, toutes les collectivités ne disposant pas des mêmes capacités.

Après avoir ainsi rappelé les orientations de son projet d'action industriel et social, M. François Roussely a indiqué qu'EDF était actuellement « sous tension » avec une forte mobilisation de ses forces commerciales pour promouvoir un marketing offensif. Il a insisté, à cet égard, sur l'importance de l'abrogation du principe de spécialité qui permettra de mieux adapter les offres commerciales aux spécificités des clients.

Il a ensuite expliqué qu'un des prochains défis de l'entreprise serait la dissociation entre la fonction de commercialisation et de distribution avec la mise en place d'un opérateur de réseau commun à EDF et à GDF qui regroupera 65 000 personnes et qui remplacera l'actuelle direction EDF-GDF services (DEGS), observant qu'il s'agissait d'un élément de réponse au débat qui continue d'être ouvert sur les futures relations d'EDF et de GDF.

Il a ensuite indiqué que les résultats du premier semestre 2003 attestaient d'une forte croissance du chiffre d'affaires qui progresse de 4,7 % par rapport au premier semestre 2002 hors effet de périmètre et de change, cette évolution résultant d'une augmentation de 1,1 % du chiffre d'affaires en France et d'une croissance, hors effet de périmètre et de change, de 12 % de l'activité dans le reste de l'Europe.

Il a également souligné la forte progression du résultat net courant du groupe, le résultat net courant positif de toutes les filiales, la forte réduction de l'endettement (qui recule de 2,6 milliards d'euros) et l'amélioration de la lisibilité des comptes.

Il a précisé que l'objectif était d'amener, en 2005 ou 2006, EDF au niveau des meilleures entreprises du secteur sur le plan financier en portant l'excédent brut d'exploitation à environ 26 % du chiffre d'affaires et d'obtenir un ratio du résultat net sur le chiffre d'affaires donnant une rentabilité de l'ordre de 6 %, précisant que ce dernier point était celui sur lequel devaient porter les améliorations les plus importantes, la rentabilité actuelle du groupe s'établissant entre 1 et 2 %.

Abordant les enseignements qui peuvent être tirés de la période de canicule, il a estimé que l'entreprise avait bien réagi à cette période de crise en évitant tout délestage et donc tout désagrément pour les clients. Il a jugé que cela témoignait de la pertinence du modèle d'organisation d'EDF reposant sur une entreprise intégrée, modèle qui, bien que longtemps critiqué, a démontré sa capacité à offrir une véritable continuité dans la fourniture d'électricité alors même que des événements survenus en Italie et aux Etats-Unis cet été avaient illustré les limites d'organisations différentes du secteur électrique.

Il a fait remarquer que la construction européenne avait trop eu tendance jusqu'à présent à se focaliser sur les questions de prix et de respect de la concurrence alors que l'essentiel dans le secteur électrique demeure la continuité du service. Il a ainsi indiqué que durant cet été, EDF avait dépensé 300 millions d'euros, soit une somme équivalente au produit de la majoration des tarifs difficilement obtenue, pour acheter l'électricité nécessaire pour approvisionner ses clients pendant la canicule. Il a précisé ne pas regretter d'avoir fait ce choix qui avait permis d'éviter toute coupure, à la différence de beaucoup de pays européens, notamment grâce au caractère intégré de l'entreprise, qui avait permis une collaboration efficace entre la production, le transport et la distribution, les connaissances des services de recherche ayant été également utiles, notamment pour comprendre les mécanismes d'évolution de la température de l'eau des fleuves en aval des ouvrages de production d'électricité.

Faisant un bilan de la gestion de cet été, il a indiqué qu'il lui paraissait important que les futurs projets de loi concernant le secteur énergétique comprennent des dispositions spécifiques pour la gestion des crises et tiennent compte de la nécessité de maintenir une certaine intégration des différentes activités, gage de réactivité en période critique. Il a rappelé, à cet égard, le rôle des difficultés de coordination entre les différents acteurs dans les incidents survenus aux Etats-Unis cet été.

Revenant sur le réacteur EPR, il a confirmé qu'EDF souhaitait la construction d'un réacteur de ce type et envisageait de la réaliser avec les partenaires le souhaitant.

Il a regretté la divulgation de la lettre évoquée par le président Ollier. Il a rappelé que cette lettre s'inscrivait dans la problématique posée depuis le 11 septembre 2001 quant à la résistance des centrales nucléaires, et plus généralement de l'ensemble des ouvrages industriels, au choc d'un avion de ligne. Il a précisé que cette lettre constatait qu'il n'existait aucun ouvrage au monde conçu pour résister à cela et rappelait que la résistance d'un réacteur EPR au choc d'un avion de ligne n'avait pas été testée. Il a noté qu'en revanche, le réacteur EPR était le seul réacteur nucléaire conçu, à la demande des exploitants allemands, pour résister à l'impact d'un avion de combat. Jugeant qu'il n'était pas opportun de porter sur la place publique les conditions techniques de sécurité des grands ouvrages industriels, qu'il s'agisse de réacteurs nucléaires ou d'autres installations, il a estimé qu'il s'agissait là d'une polémique vaine. Rappelant que la lettre évoquée avait été adressée par le directeur de la branche énergie d'EDF à l'Autorité de sûreté nucléaire, la fuite pouvait être recherchée de part et d'autre.

Il a conclu son propos en abordant la question des obligations d'achats en indiquant que pour le premier semestre 2003, leur montant s'élevait à 1 036 millions d'euros et que les seuls achats faits au titre de la cogénération représentaient 770 millions d'euros. Il a indiqué que ces achats étaient en légère croissance.

Le président Ollier a jugé que les extraits rendus publics de la lettre précédemment évoquée paraissaient assez anodins et a manifesté le souhait qu'une enquête interne permette d'éclaircir les conditions dans lesquelles elle avait été diffusée.

M. Jacques Masdeu-Arus, a, tout d'abord, rappelé que la commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques avait critiqué très sévèrement la gestion d'EDF, confirmant ainsi les analyses de son avis budgétaire d'octobre 2002.

Il a donc indiqué qu'il ne reviendrait pas en détail sur les questions financières pour évoquer surtout la situation sociale d'EDF.

Abordant en premier lieu les échéances prévues par le droit communautaire qui impose une séparation juridique d'EDF et du réseau de transport d'électricité au 1er juillet 2004, il a rappelé qu'il appartiendrait aux pouvoirs publics de décider si cette séparation doit se faire au sein d'EDF, sous la forme d'une filiale, ou en dehors d'EDF, sous la forme d'un établissement public ou d'une société anonyme qui ne soit pas une filiale du groupe mais a demandé à M. François Roussely de préciser quelle était la solution ayant sa préférence et, d'autre part, d'indiquer quelles seraient, le cas échéant, les conséquences financières pour EDF d'une sortie de RTE du groupe.

Puis, M. Jacques Masdeu-Arus a évoqué les questions sociales en rappelant que la majorité travaillait sur la question du service garanti dans les services publics et que, sur ce plan, EDF avait longtemps constitué un véritable modèle, la grève d'agents d'EDF ne conduisant pas à des coupures de courant.

Or, il a estimé que, manifestement, ce modèle social était aujourd'hui mis à mal comme le montrent les déclarations à la presse du nouveau secrétaire général de la fédération de l'énergie de la CGT, principal syndicat d'EDF et GDF, selon lequel « cela fait quinze ans que les mouvements de grève (...) n'empêchent pas EDF et GDF de continuer à fonctionnement normalement. Il est donc temps que cela cesse ».

Il a également rappelé que des coupures de courant s'étaient d'ailleurs produites au printemps dernier notamment à Montpellier, où tout le centre ville avait été coupé, mais aussi, en présence du Premier ministre, à Asnières et à Strasbourg.

Il a indiqué qu'à la suite de ces événements, EDF avait publié un communiqué de presse, daté du 10 juin, pour dénoncer « des actes isolés de coupures d'électricité » en indiquant que « la direction d'EDF prendra toutes les mesures nécessaires pour que cessent ces agissements qui ne resteront pas sans suite ».

Il a rappelé qu'en conséquence certains cadres avaient lancé des procédures pour sanctionner les responsables de ces actes inadmissibles qui prennent les usagers en otage et qui peuvent, en outre, avoir des conséquences très graves.

Or, il a indiqué que, quelques jours plus tard, le 20 juin, le directeur général d'EDF en charge des ressources humaines, M. Yann Laroche, avait ordonné la suspension des procédures engagées en précisant que cette suspension ne concernait pas « la mise en cause caractérisée de la sécurité des personnes et des biens » mais qu'elle couvrait les manœuvres sur le réseau non commandées, c'est-à-dire les coupures, et le filtrage des accès, c'est-à-dire les piquets de grève.

M. Jacques Masdeu-Arus a donc jugé que cela se traduisait par une « amnistie » générale de tous les actes illégaux sauf les délits.

Il a également rappelé que le même document précisait également que la suspension des poursuites était valable jusqu'à la fin d'une concertation nationale avec les fédérations syndicales sur les modalités d'exercice du droit de grève, concertation qui, pendant des années, n'a pas été nécessaire.

Après avoir regretté que la situation se soit assez dégradée pour qu'une telle concertation devienne nécessaire, M. Jacques Masdeu-Arus a souhaité que M. François Roussely explique cette dégradation brutale de la situation sociale et qu'il justifie cette décision de suspendre les poursuites dont il a jugé qu'elle constituait une démonstration de faiblesse préoccupante ainsi que la diffusion parallèle d'un communiqué de presse inflexible et d'une note interne de suspension des poursuites.

Enfin, M. Jacques Masdeu-Arus est revenu sur les aspects financiers. Il a rappelé que la plupart des participations internationales d'EDF étaient détenues par l'intermédiaire d'une filiale, EDF International, société qui a perdu 2,5 milliards d'euros en 2002 et près de 1,4 milliard d'euros en 2001 soit une perte cumulée, en deux ans, de 3,9 milliards d'euros ou 25,5 milliards de francs. Il a souhaité que des éléments d'information soient apportés sur la situation de cette filiale au premier semestre 2003.

M. Christian Bataille, intervenant comme orateur du groupe socialiste, a tout d'abord regretté le ton polémique de l'intervention de M. Jacques Masdeu-Arus qui contraste avec la dignité de l'intervention de M. François Roussely.

Rappelant qu'EDF fonctionnait aujourd'hui, pour l'essentiel, selon les principes établis par la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité dont il avait été le rapporteur pour l'Assemblée nationale, il a souligné que cette loi avait délibérément choisi d'assurer une transposition a minima de la directive du 19 décembre 1996. Il a indiqué qu'il s'agissait de concilier la nécessaire application des règles communautaires et le refus d'aller au-delà de ce que celle-ci imposait c'est-à-dire de céder aux sirènes de la libéralisation.

Il a rappelé qu'il avait ainsi été possible, malgré les contraintes communautaires, de préserver un service public cohérent dont l'excellence a, à nouveau, été mise en évidence à l'occasion de la canicule.

Il a ensuite souhaité que des précisions soient apportées concernant la politique d'EDF en faveur des consommateurs démunis et le tarif social ainsi que sur leurs conséquences financières pour EDF.

Rappelant que la politique menée en ce qui concerne le chauffage électrique dont la promotion, notamment dans le logement locatif social, expliquait certaines difficultés financières de personnes modestes, il a demandé si EDF poursuivait cette politique de promotion du chauffage électrique et si l'évolution des techniques avait permis d'améliorer la compétitivité de ce mode de chauffage.

Abordant la question des enseignements à tirer de la période de canicule, il a demandé quel bilan avait été tiré par l'entreprise et a souhaité savoir s'il était nécessaire de créer de nouvelles petites centrales thermiques pour faire face aux périodes de canicule ou de grand froid.

Il a ensuite évoqué la question du réacteur EPR. Après avoir rappelé que Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie avait récemment exprimé son souhait de voir maintenue ouverte l'option nucléaire, il a indiqué avoir compris qu'il appartenait à EDF de demander l'autorisation de construire ce réacteur. Il a donc souhaité savoir si EDF allait solliciter cette autorisation et si le financement de ce projet serait assuré par EDF seul ou avec des partenaires.

Evoquant la question des énergies renouvelables, il a souhaité savoir quelle était la politique d'EDF en la matière, notamment vis-à-vis de l'énergie solaire.

Il a conclu en demandant des précisions sur la place envisagée pour le gaz dans les prochaines années, notamment au vu des perspectives de constructions de centrales géantes au gaz. Il a, en particulier, souhaité savoir si M. François Roussely estimait que le gaz pouvait constituer une alternative à l'énergie nucléaire.

Intervenant au nom de son groupe, M. Daniel Paul a tout d'abord estimé que les débats à venir sur la politique énergétique, d'une part, et sur l'avenir de deux grandes entreprises publiques, d'autre part, gagneraient à être centrés sur les véritables enjeux, sans esprit polémique.

Constatant que M. François Roussely avait souligné les capacités d'EDF à faire face aux enjeux de l'avenir et notamment aux situations de crise, il a estimé que cette situation résultait du travail réalisé depuis 1946 pour construire cette entreprise et du choix opportun, en 2000, d'une transposition a minima de la directive de décembre 1996.

Rappelant les événements récents qui, aux Etats-Unis et en Europe, ont montré la vulnérabilité des systèmes électriques, il a demandé à M. François Roussely si la capacité de production lui paraissait suffisante pour faire face aux pointes de consommation futures en Europe et en France.

Puis, il a demandé que M. François Roussely précise ce qu'il entendait en parlant de « société EPR ».

M. François Roussely lui a précisé que le projet EPR était porté depuis une dizaine d'années par un groupement d'entreprises et que c'était à cela qu'il faisait référence.

M. Daniel Paul a pris acte de cette précision en estimant qu'il existait une différence fondamentale entre la structure portant le projet au stade actuel et le fait d'envisager, le cas échéant, la mise en place d'une structure spécifique pour financer, construire et exploiter un futur réacteur commercial.

Evoquant ensuite les questions sociales, il a rappelé que les personnels s'étaient prononcés sur la question de la réforme du régime des retraites et a estimé que l'autorité politique comme la direction des entreprises devaient désormais prendre en compte la situation ainsi créée sans ignorer la position prise par l'organisation syndicale majoritaire avant et après cette consultation. Il a donc souhaité savoir comment cette situation serait prise en compte.

Il a ensuite demandé s'il était toujours opportun de parler de statut, compte tenu de l'évolution envisagée de l'entreprise et s'il était envisagé de faire cohabiter dans l'entreprise des personnels soumis à des régimes juridiques différents.

Il a aussi souhaité savoir si, à l'instar de ce qui se passe dans le domaine des télécommunications, certaines collectivités locales étaient tentées d'intervenir dans le secteur énergétique.

Il a conclu son propos en réaffirmant l'attachement du groupe communiste au projet du réacteur EPR.

Après avoir souligné le caractère exhaustif de l'intervention de M. François Roussely, M. Serge Poignant, intervenant au nom du groupe UMP, a, tout d'abord, souhaité savoir ce qu'envisageait concrètement M. François Roussely en ce qui concerne l'abrogation du principe de spécialité d'EDF.

Rappelant que chacun gardait à l'esprit les difficultés rencontrées par EDF en Amérique du Sud, il a souhaité que la situation actuelle au Brésil et en Argentine soit précisée et que, plus généralement, l'activité d'EDF hors d'Europe soit présentée.

Puis, il s'est félicité de la clarté des propos tenus sur le projet EPR qui contribuera à la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre.

Concernant le rapport d'information qu'il venait de réaliser sur la politique de soutien aux énergies renouvelables évoqué par M. François Roussely, il a indiqué qu'il avait effectivement jugé plus pertinent de retenir un objectif de couverture par les énergies renouvelables de 10 % de la consommation totale d'énergie que de faire référence à l'objectif européen indicatif qui est relatif au seul secteur électrique et qui est, en outre, assez mal adapté à la fluctuation de la production d'origine hydraulique en raison des aléas climatiques.

Puis, il a souhaité connaître l'opinion de M. François Roussely sur les différents modes de production d'électricité ainsi que sur le mécanisme de l'obligation d'achat.

Il a ensuite demandé des précisions sur les moyens envisagés pour améliorer, comme cela a été annoncé et semble nécessaire, le rapport entre la dette d'EDF, qui s'élève à 25 milliards d'euros, et ses fonds propres.

Rappelant qu'EDF avait bénéficié cet été de dérogations exceptionnelles aux règles protégeant la température des cours d'eau, il a souhaité connaître les éventuelles conséquences environnementales de ces dérogations.

Après avoir noté que le surcoût de 300 millions d'euros supporté du fait de la canicule avait été compensé par la hausse des tarifs, il a souhaité savoir si la France était véritablement à l'abri d'une panne électrique de grande ampleur telle que celles survenues aux Etats-Unis ou en Italie, et si l'abrogation du principe de spécialité aurait des conséquences à cet égard.

Il a enfin souhaité obtenir quelques éléments sur le plan relatif aux aléas climatiques devant être présenté au Gouvernement ainsi que des précisions sur les perspectives d'évolution du statut.

En réponse aux intervenants, M. François Roussely, président d'EDF, a apporté les précisions suivantes :

- RTE fonctionne de façon parfaitement autonome au sein d'EDF depuis la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, qui a préservé le caractère intégré de l'entreprise. Le système actuel est toutefois complexe, puisque la conclusion d'une soixantaine de conventions internes a été nécessaire pour régler les relations d'EDF et du RTE et laisse subsister des incertitudes juridiques.

EDF souhaite que la séparation juridique aboutisse au maintien de RTE au sein du groupe sous la forme d'une filiale ce qui est, d'ailleurs, le schéma sur la base duquel le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a demandé que soit élaboré un projet industriel et social.

Dans l'hypothèse où RTE quitterait le groupe EDF, la difficulté serait davantage d'ordre fonctionnel que d'ordre financier. En Italie comme aux Etats-Unis, où sont survenues de grandes pannes, le gestionnaire du réseau de transport n'était pas propriétaire des actifs correspondants. Ce système qui confie à des entités différentes l'investissement dans les réseaux et la gestion des flux est dangereux.

On ne peut souligner le grand intérêt de la logique de l'entreprise intégrée tout en souhaitant transformer RTE en entité entièrement indépendante et séparée, car il est indispensable, pour faire face aux crises, de ne pas perdre l'expérience du travail en commun, qu'il s'agisse des équipes ou des systèmes d'information ;

- sur le plan social, la situation d'EDF est aujourd'hui analogue à celle qui prévalait auparavant, sous deux réserves. En premier lieu, il est évident que les jeunes salariés embauchés par l'entreprise depuis 2 ou 3 ans sont moins imprégnés de la tradition de l'entreprise que les agents qu'ils ont remplacés. Ce renouvellement de génération est donc un vrai défi pour l'entreprise qui s'est toujours caractérisée par une convergence de vues de toutes les parties prenantes (personnels, direction mais aussi clients et pouvoirs publics) sur ce qui est utile au pays. Ce sens de l'intérêt général des personnels a d'ailleurs été illustré de manière particulièrement forte à l'occasion des tempêtes de l'hiver 1999 notamment par les retraités ayant repris provisoirement leur activité pour aider leurs collègues au profit des usagers. Il convient de veiller à la transmission de cette tradition au cours des prochaines décennies.

Il faut nuancer certaines déclarations. Tous ceux qui ont pratiqué les congrès politiques ou syndicaux savent que les déclarations faites dans de tels contextes ne sont pas nécessairement marquées par l'esprit d'équilibre.

Au printemps, le sujet des retraites a provoqué dans de nombreuses institutions, qu'il s'agisse de syndicats ou d'entreprises, des réactions sur la base desquelles il n'est pas certain qu'il soit pertinent d'extrapoler. Il n'y a pas eu de spécificité d'EDF à cet égard. Certains événements, comme celui qui s'est produit à Asnières et pour lequel des explications ont été apportées au Premier ministre, sont évidemment très regrettables mais il s'agit d'événements très isolés. La direction d'EDF assume pleinement la responsabilité des décisions prises dans ce contexte afin de distinguer, dans l'ensemble des comportements constatés au cours des mouvements sociaux, les pratiques complètement répréhensibles de celles pouvant donner lieu à une négociation.

Il ne s'agit absolument pas d'une amnistie générale. La direction de l'entreprise n'a d'ailleurs jamais décidé d'amnistie en matière disciplinaire en cinq années et demi malgré de nombreuses sollicitations, car une mesure de cette nature démobilise les cadres de l'entreprise, auxquels il appartient de décider des poursuites disciplinaires, et sape leur autorité.

En revanche la direction d'EDF est favorable, compte tenu du renouvellement des générations et du renouvellement de certains responsables, à une refonte de l'accord social implicite de l'entreprise relatif à la continuité de la fourniture. Il ne repose, en effet, que sur l'esprit de responsabilité des salariés et de leurs organisations syndicales qui a prévalu, en 1987 au lendemain des grèves hivernales difficiles. Il est donc apparu souhaitable, après un printemps agité, de refonder sur des bases claires un accord avec les organisations syndicales définissant une vision commune du service public et de l'avenir de l'entreprise ;

- s'agissant du développement international d'EDF, déjà évoqué à plusieurs reprises devant la représentation nationale, il faut bien comprendre que l'élément déterminant a été le principe de spécialité empêchant une diversification des activités sur le marché national analogue à celle engagée, avec des fortunes diverses, par les principaux autres électriciens sur leurs marchés domestiques. Une telle diversification nationale d'EDF, engagée en 1993 et 1994, a, en effet, été stoppée par les pouvoirs publics. En conséquence, les responsables successifs d'EDF ont recherché des « relais de croissance » à l'étranger, notamment en Amérique du Sud où les taux de croissance de la demande d'électricité sont élevés. C'est ainsi que les investissements en Argentine et au Brésil datent de 1992, 1993 et 1997, la direction d'EDF assumant pleinement la responsabilité d'avoir ensuite tenté de dénouer l'écheveau des participations.

La dégradation de la situation en Argentine est uniquement due à l'évolution du taux de change. Il s'agissait d'un risque lié à l'investissement dans ce pays. On peut penser qu'une entreprise publique n'aurait pas dû s'exposer à ce risque de change qui ne pouvait pas être couvert par les techniques financières habituelles, mais il faut rappeler que l'action d'EDF en Argentine s'inscrit dans une logique de service public. Un travail considérable a été fait notamment au bénéfice des personnes modestes. De 1995 à 2000, la filiale argentine d'EDF, EDENOR a contribué à hauteur de plusieurs centaines de millions de dollars au résultat net de ses actionnaires dont 100 millions de dollars pour EDF. Il est vrai que, courant 2002, la dévaluation du peso a eu un fort impact sur les comptes d'EDENOR même si l'exploitation est restée en équilibre. Malgré ces évolutions, le taux d'impayés n'a pas évolué et la qualité du service est restée identique. Au premier semestre 2003, EDENOR a contribué au résultat net du groupe à hauteur de 105 millions d'euros et, grâce à un effet positif de change, le résultat de cette filiale sur l'ensemble de l'année devrait être positif.

Au Brésil, la situation est plus difficile car le taux de pertes non techniques est plus important, un quart de l'électricité distribuée n'étant pas payée y compris par les autorités publiques. Le redressement de la situation reste lent malgré les négociations en cours avec le gouverneur de la province de Rio et le président Lula, ce dernier souhaitant la gratuité de l'électricité, alors que les investissements réalisés par EDF nécessitent une juste rétribution.

Sauf accident dans les derniers jours de l'année, la contribution des filiales mexicaines au résultat du groupe devrait également être positive.

Une autre participation enregistre momentanément des pertes. Il s'agit de la filiale allemande ENBW. Une provision de 500 millions d'euros concernant cette filiale a été constituée au premier semestre 2003, montant qui devrait couvrir la provision nécessaire pour l'ensemble de l'année. Cette situation résulte de choix de gestion malheureux, pour l'essentiel effectués avant la prise de participation par EDF et en dehors du cœur de métier de l'entreprise. La nouvelle direction de l'entreprise a lancé un programme ambitieux de maîtrise des coûts qui prévoit une réduction des dépenses d'un milliard d'euros d'ici 2006. La mise en œuvre de ce programme se déroule conformément aux prévisions.

Toutes les participations d'EDF à l'étranger, à l'exception du Brésil et d'ENBW, devraient produire un résultat positif d'ici deux ans. Il est très difficile de constituer en seulement 2 ou 3 ans un grand groupe paneuropéen mais EDF s'est doté des moyens humains et matériels pour relever ce défi avec succès. L'évolution favorable des résultats de l'entreprise montrera, dès le second semestre de l'année 2003, que l'année 2002 correspondait, comme cela avait été annoncé, à un point bas ;

- les actions d'EDF envers les personnes les plus démunies ne pèsent pas de façon excessive sur ses comptes. En application de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité et indépendamment du tarif social, EDF verse chaque année 20 millions d'euros au fonds de solidarité énergie qui abonde les caisses communales d'action sociale, cette contribution ayant tendance à croître. La vraie difficulté aujourd'hui est le délai d'instruction des demandes d'aide et c'est pourquoi il a été décidé de reporter sur l'exercice 2004, 5 millions d'euros non consommés en 2003 au titre de ce fonds. Il convient de rappeler qu'en 1992, 600 000 coupures avaient été décidées contre un peu plus de 200 000 en 2002. Parallèlement, le nombre de clients bénéficiant du service minimum et du service de maintien de l'énergie, destinés à maintenir l'alimentation des clients incapables de régler leurs factures, est passé de quelques milliers en 1998 à plus de 100 000 aujourd'hui, ce qui s'est accompagné de la mise en place de procédures destinées à mieux comprendre la situation sociale de ces personnes. Si l'ouverture à la concurrence fait craindre un affaiblissement de l'action en faveur des personnes les plus démunies, cette action, dont le coût est aujourd'hui financé au titre des charges de service public, pourra être maintenue à l'avenir ;

- le chauffage électrique s'est développé initialement selon des modalités techniques imparfaites et dans des bâtiments peu adaptés. 120 000 logements étaient équipés dans ces conditions il y a 5 ans, contre seulement 25 000 à 30 000 aujourd'hui. Chaque année, 5 000 à 6 000 de ces logements sont rénovés, ce qui est plus aisé avec les bailleurs publics, avec lesquels des conventions peuvent être passées, qu'avec les bailleurs privés. Le nouveau standard « Vivrelec » est compatible avec les critères sociaux et s'accompagne d'un dispositif de garantie des charges, plafonnées quoiqu'il arrive lorsque les clients ont des difficultés, afin d'éviter que le choix du chauffage électrique ne constitue une prise de risque financière ;

- la France n'est pas à l'abri d'événements tels que ceux survenus cet été en Italie ou aux Etats-Unis. Néanmoins, notre pays dispose d'atouts pour faire face à ce type de situations dans la mesure où la production d'électricité y est de 15 % supérieure à la consommation, les sources de production diverses et le réseau de qualité. Il convient toutefois de garder à l'esprit que la France n'est pas encore sortie de la période de sécheresse, les étiages des barrages demeurant inférieurs de 50 % à ce qu'ils devraient être à cette saison. Il est indéniable que la France aurait été confrontée à de sérieuses difficultés cet été si la canicule et la sécheresse s'étaient prolongées 4 ou 5 jours de plus. Cela ne résulte pas d'une fragilité spécifique du parc électro-nucléaire car tous les moyens ont été touchés y compris l'hydraulique, les éoliennes (qui ne fonctionnaient, cet été, qu'à 7 % en Espagne et 3 % en Allemagne) et les centrales thermiques, qui ont, comme les centrales nucléaires, besoin de sources froides. Ces difficultés ont, en outre, été accrues cet été par l'impossibilité d'une solidarité électrique transfrontalière, tous les pays européens connaissant des difficultés similaires en même temps ;

- en ce qui concerne l'EPR, à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie, le Parlement se prononcera sur la question de l'option nucléaire. Sur cette base, le Gouvernement prendra une décision et, ensuite, EDF prendra ses responsabilités dans le cadre des procédures habituelles de demande d'autorisation. Il existe d'ores et déjà des partenaires impliqués dans le projet qui sont les électriciens allemands et, évidemment, les constructeurs. Un investissement d'une telle importance, et, à cet égard, le fait qu'il s'agisse d'un réacteur nucléaire n'est pas déterminant et le problème serait le même pour un grand barrage hydroélectrique, est plus difficile à financer dans le cadre d'un marché ouvert à la concurrence que sous le régime du monopole. Cela peut justifier l'appel à des partenaires parmi lesquels l'actionnaire peut figurer, en acceptant, par exemple, une politique différente de dividendes pendant un certain nombre d'années. La législation en cours d'élaboration aux Etats-Unis pour favoriser le financement de projets de cette nature peut également constituer une solution ;

- la France enregistre effectivement un certain retard dans le développement des énergies renouvelables hors hydraulique comparé à d'autres pays européens. Compte tenu du développement du parc électronucléaire, il n'y avait, dans notre pays, ni besoin de capacités de production nouvelles ni incitation en termes de coût à développer la production d'électricité d'origine renouvelable. Il faut rappeler qu'un kilowattheure (KWh) coûte entre 25 et 125 centimes d'euros quand il est d'origine photovoltaïque, entre 5 et 15 centimes d'euros quand il est issu de la biomasse, entre 5 et 13 centimes d'euros quand il est d'origine éolienne, environ 4 centimes d'euros quand il est produit à partir de charbon, entre 3 et 4 centimes d'euros quand il est produit par un cycle combiné à gaz, autour de 3 centimes d'euros quand il est d'origine nucléaire et entre 2 et 10 centimes d'euros quand il est d'origine hydraulique. Ces chiffres illustrent l'absence de compétitivité des filières photovoltaïque, éolienne et utilisant la biomasse qui n'a pas incité à les développer. Cela est regrettable car cette absence de compétitivité résulte notamment du fait que les coûts n'ont pas été abaissés par l'industrialisation des processus. Pour ce faire, il est nécessaire de développer de tels moyens de production et il n'est donc pas choquant que le producteur historique d'électricité participe à ce développement dans la phase de démarrage de ces filières. Il est toutefois souhaitable que le soutien soit aussi dégressif que possible afin que des filières ne soient pas durablement portées à bout de bras. Il faut, en outre, être conscient que les moyens de production d'origine renouvelable ne pourront pas se substituer à des moyens de production de masse et qu'ils présentent, en revanche, un grand intérêt pour alimenter des sites de consommation qui ne sont pas reliés au réseau. Le photovoltaïque a un grand intérêt, notamment en Afrique, mais cette filière a un coût très élevé et le devenir des cellules photovoltaïques hors d'usage soulève, en outre, des difficultés environnementales ;

- la production d'électricité à partir de gaz peut être très pertinente sur certains sites industriels, comme le site Usinor de Dunkerque. Le gaz naturel n'est toutefois pas une énergie véritablement concurrente du nucléaire mais plutôt une énergie complémentaire en particulier pour faire face aux pointes de consommation ;

- un renouvellement profond des capacités de production européennes va se produire en raison notamment des choix politiques allemands. L'idée selon laquelle l'Europe aurait des capacités de production d'énergie excédentaires a été sérieusement remise en cause par la canicule qui a également mis en évidence la nécessité d'améliorer les interconnexions entre réseaux nationaux. C'est dans ce domaine du développement des interconnexions que les investissements sont les plus urgents, d'autant qu'il faut pratiquement dix ans pour construire une ligne à très haute tension notamment en raison de la lourdeur des procédures juridiques. Il est heureux que la Commission européenne se soit saisie du dossier et qu'elle évoque maintenant le concept d'utilité européenne, proche du concept français d'utilité publique ;

- l'expression « société EPR » renvoyait à la structure existante pour porter le projet. Il faut également rappeler les exemples de Fessenheim et de Cattenom qui sont des réacteurs pour lesquels des partenaires étrangers bénéficient de droits de tirage. Le cas de la coopération avec Eurodif en ce qui concerne des centrales de la vallée du Rhône est similaire ;

- s'agissant des retraites, il n'est pas envisageable de trouver un accord sécurisant mieux les retraites des agents des industries électriques et gazières que le protocole négocié pendant six mois avec les organisations syndicales. Ce protocole reconnaît la spécificité du régime de retraite des industries électriques et gazières, prévoit la création d'une caisse de retraite gérée paritairement et organise une mutualisation avec les régimes de droit commun qui n'est pas une intégration. En outre, les salariés bénéficieront d'une retraite égale à 75 % de leur dernier salaire après 37,5 années de cotisations. Néanmoins, 53 % des salariés n'ont pas désiré que la CGT signe cet accord, ce qui est regrettable compte tenu du fait qu'il n'existe pas de meilleure solution. Le jour même de cette consultation, le 9 janvier dernier, le Gouvernement a décidé l'application de ce protocole, et des mesures d'application immédiate, notamment la revalorisation des pensions de reversion, ont été mises en œuvre le soir même.

Après des négociations complexes, d'une part, avec les régimes de retraite complémentaires et, d'autre part, avec la Commission européenne qui veillait à ce qu'aucune aide d'Etat ne soit instituée par ce biais, le dispositif est aujourd'hui prêt à être adopté par le Parlement. Il est souhaitable que cela soit fait aussi rapidement que possible ;

- il faut bien distinguer le statut de l'entreprise et le statut des personnels. Le statut des personnels n'est en aucune façon menacé. La loi du 10 février 2000 le garantit d'ailleurs en reprenant des dispositions de la loi de 1946. Il est vrai que le statut est un édifice complexe qui comprenait jusqu'à présent des dispositions législatives et des dispositions réglementaires. Il s'enrichira désormais de conventions collectives conclues dans le cadre de la branche ;

- la technologie du courant porteur de ligne pour transporter des données sur les lignes électriques a suscité beaucoup d'espoir, notamment de la part des collectivités locales. Aujourd'hui, la diffusion de ce procédé se heurte encore à certaines difficultés techniques et à des obstacles juridiques liés au principe de spécialité d'EDF et au fait qu'EDF n'est que concessionnaire des réseaux de distribution ;

- le principe de spécialité empêche également EDF de fournir des services au-delà du compteur des clients et de fournir, en complément de l'offre d'électricité, d'autres énergies ;

- les pays prioritaires pour le développement international d'EDF sont les pays européens et, plus particulièrement, la Grande-Bretagne, l'Italie, l'Allemagne et, peut-être, le moment venu et dans une moindre mesure, l'Espagne. Il faut également rappeler la présence de l'entreprise en Chine avec des activités contribuant à hauteur de 38 millions d'euros au résultat net d'EDF au premier semestre 2003 et, surtout, une présence dans le nucléaire depuis 1984 qui devrait être confortée par des décisions futures des autorités chinoises ;

- EDF dont le capital n'a pas été augmenté par l'Etat depuis près de 20 ans a un vrai problème de fonds propres au regard de sa dette nette. L'utilisation des techniques financières comme la titrisation de créances ne permet plus de le résoudre. La réduction de la dette est engagée et la dette nette a reculé de 2,6 milliards d'euros au premier semestre 2003. Si la situation financière de l'entreprise peut être ainsi améliorée, elle ne pourra pas, par de tels moyens, être rendue identique à celle de ses concurrents qui détiennent généralement 20 à 25 % de leurs actifs en fonds propres. Les actifs d'EDF étant de l'ordre de 145 milliards d'euros, ce ratio impliquerait qu'EDF dispose de 25 à 30 milliards d'euros de fonds propres. Sauf à admettre que notre pays renonce à doter le premier électricien mondial, qu'il a su constituer au cours des cinquante dernières années, des moyens de financer son développement, il faudra donc soit que l'Etat apporte de nouveaux capitaux à l'entreprise, soit que celle-ci puisse faire appel au marché ;

- le Conseil d'administration de l'entreprise qui se réunira le jeudi 27 novembre examinera le plan d'aléa climatique dont l'objet est plus large que la simple prise en compte d'une possible nouvelle canicule. Il se caractérise par des mesures de coordination et d'étalement au long de l'année des arrêts pour maintenance des installations, qui étaient pour l'instant essentiellement concentrés durant l'été. Il comprend également diverses mesures que la ministre déléguée à l'industrie devrait annoncer le vendredi 28 novembre, notamment l'extension au réseau souterrain du champ d'intervention de la force d'intervention rapide d'EDF ;

- les dérogations autorisées pendant la canicule en ce qui concerne les règles préservant la température des eaux n'ont été que très prudemment utilisées de sorte qu'elles n'ont aucune conséquence environnementale.

M. Jean-Claude Lenoir a tout d'abord souligné que la canicule avait été révélatrice de la capacité d'EDF à fournir à ses clients l'électricité dont ils avaient besoin, alors que des difficultés d'approvisionnement sont survenues pendant la même période dans de nombreux autres pays européens, ce qui montre qu'il ne faut pas considérer comme banal le fait de disposer d'une fourniture continue d'électricité. Après avoir noté que la canicule attestait également de l'augmentation des besoins en électricité l'été, il a considéré qu'EDF aurait tout intérêt à communiquer, non sur le chauffage électrique, mais sur les dispositifs de régulation de température réversibles pouvant produire aussi bien de la chaleur que du froid qui ont vocation à intéresser de plus en plus les consommateurs.

Après avoir jugé pertinente l'analyse de M. François Roussely soulignant la nécessité d'élargir la gamme des offres d'EDF, il a souhaité que celui-ci précise concrètement la nature des offres nouvelles envisagées en évoquant l'exemple des autres énergies, comme le gaz, ou de l'accès à l'Internet mais aussi des services dont il a souligné qu'ils constituaient un enjeu important, car les appareils électriques étant toujours plus sophistiqués, il devient difficile, en milieu rural, de disposer de personnes aptes à assurer la maintenance de ces produits.

Puis, évoquant les relations entre EDF et les collectivités locales, il s'est déclaré convaincu de la nécessité de renforcer le rôle de celles-ci en matière de choix énergétiques comme cela est le cas en Allemagne. Il a jugé qu'il était à cet égard indispensable de renforcer la politique commerciale d'EDF envers les collectivités en soulignant que celles-ci seraient amenées à participer au financement des réseaux de distribution. Il a donc jugé souhaitable que les distributeurs d'électricité participent eux aussi à ces financements qui sont pour l'instant à la seule charge des collectivités.

Enfin, il a demandé, et M. Jean Proriol s'est associé à cette question, pourquoi EDF n'avait pas participé à l'émission de télévision « Complément d'enquête » portant sur le nucléaire diffusée le lundi 24 novembre sur France 2.

M. François-Michel Gonnot a rappelé que dans un contexte en plein bouleversement, avec l'accroissement de l'ouverture à la concurrence, la réflexion en cours sur la modification des statuts des entreprises EDF et GDF et la « mise à plat » de leurs projets industriels et sociaux, certains, au sein des entreprises comme au Parlement, continuaient de travailler sur des schémas de rapprochement d'EDF et de GDF.

Il a fait observer, en outre, que M. Pierre Gadonneix, président de GDF, multipliait les déclarations annonçant l'entrée de son entreprise sur le marché de l'électricité avec comme objectif de disposer d'une capacité de production correspondant à environ 5 % de celle d'EDF tandis que M. François Roussely lui répondait désormais en annonçant son intention de faire entrer EDF sur le marché du gaz. Il a donc souhaité savoir quelle part de marché EDF entendait conquérir, avec quels partenaires et comment l'entreprise entendait-elle satisfaire dans l'avenir les besoins de ses filiales en gaz naturel.

Puis, notant que M. François Roussely se déclarait prêt au changement de statut d'EDF, et que, dans quelques jours, le conseil d'administration de l'entreprise aurait à entériner le projet industriel et social, il a souhaité connaître les attentes du président quant au calendrier de ce changement de statut.

Enfin, après s'être étonné du « mystère » entourant le coût de l'EPR puisqu'en Finlande, le coût d'un EPR de 1 600 mégawatts était évalué entre 1,8 et 2,5 milliards d'euros alors que M. François Roussely avançait le chiffre de 3 milliards d'euros, voire même parfois, celui de 3,3 milliards d'euros, pour un réacteur identique, il a souhaité avoir des précisions sur l'écart entre ces chiffres.

M. François Brottes, évoquant l'abrogation du principe de spécialité d'EDF, a demandé si l'entreprise envisageait de se tourner vers d'autres métiers, comme les télécommunications ou la distribution d'eau, activité qui est celle de certains concurrents de l'entreprise.

Puis, constatant que le Gouvernement avait décidé de « lancer une fusée à plusieurs étages » pour privatiser de grandes entreprises publiques, il a noté que le projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom traitait, dans son titre II, de la question des agents de France Télécom soumis au statut de la fonction publique et a demandé si EDF envisageait de s'inspirer de ces dispositions dans l'hypothèse d'une privatisation de l'entreprise à moyen terme.

Enfin, il a demandé si « la chasse aux concessions » de service public était ouverte auprès des collectivités territoriales et, soulignant que certaines collectivités appréhendaient assez mal la libéralisation du marché, il a demandé si les équipes d'EDF seraient aptes à accompagner cette mutation sur le terrain et à faire preuve de pédagogie.

Puis, M. Pierre Ducout a demandé si dans la perspective de l'ouverture du marché au 1er juillet 2004, EDF envisageait d'élargir son offre aux collectivités locales, citant les services multi-énergie, le gaz et les certificats d'économies d'énergie.

Il a ensuite souhaité savoir si EDF pensait pouvoir durablement conserver environ 85 % des capacités françaises de production de l'électricité notamment au vu des exigences de la Commission européenne et compte tenu des discussions conduites avec l'ENEL sur la vente de droits de tirage voire de moyens de production.

Puis, il a regretté que la présentation des activités internationales d'EDF réalisée n'ait pas évoquée la situation en Italie.

Après avoir souhaité savoir si M. François Roussely partageait l'analyse récemment développée par M. Marcel Boiteux, estimant que l'ouverture du marché à la concurrence pour les consommateurs particuliers rendrait l'électricité plus coûteuse pour eux et qu'il serait plus pertinent de conserver le régime du monopole pour ces clients, il a demandé si EDF prenait en compte dans ses perspectives financières le revenu attendu de la vente de permis d'émission de dioxyde de carbone.

M. Jean-Pierre Nicolas, rappelant que M. François Roussely était auditionné pour la quatrième fois en seize mois par la représentation nationale, a jugé que cela traduisait la perplexité de celle-ci face à la situation d'EDF à l'aube de la mise en œuvre de chantiers fondamentaux comme l'évolution de la filière nucléaire, l'ouverture du marché et le projet industriel et social de l'entreprise. Compte tenu des interventions précédentes, il a souhaité cibler son intervention sur les affaires italiennes soulignant ses doutes quant à l'équilibre des intérêts français et italiens, tant pour les opérations déjà réalisées que pour les contrats apparemment en cours de négociation.

Il a ensuite rappelé l'enchaînement des événements ouverts par le raid financier d'EDF sur Montedison réalisé dans des conditions de confidentialité, voire de clandestinité vis-à-vis de la tutelle qui ont d'ailleurs été dénoncées par M. Laurent Fabius lorsqu'il était ministre chargé des finances, ainsi que par un rapport de la Cour des Comptes et par la commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques. Il a observé que ce raid avait conduit à surpayer les parts de Montedison acquises avec la prise d'engagement hors bilan de près de 5 milliards d'euros et l'achat de Fenice, filiale de Fiat, pour laquelle une moins-value de 400 millions d'euros a été inscrite dans les comptes d'EDF l'année même de son acquisition ce qui conduit à s'interroger sur l'intérêt pour EDF de l'opération.

Il a enfin fait remarquer que malgré ce que certains considèrent comme des largesses au profit de partenaires italiens, le gouvernement italien avait limité à 2 % les droits de vote dans la filiale détenant Edison en claire violation du droit communautaire.

Il s'est donc étonné que pour obtenir l'abrogation de cette disposition, les Italiens aient demandé à EDF, sur le parc de production français et sur la clientèle française, une compensation équivalente à ce que représente Edison en Italie alors que rien ne leur est dû. Il a jugé que les prétentions d'ENEL, présentées dans une lettre de M. Paolo Scaroni, administrateur délégué, étaient exorbitantes car unilatéralement favorables aux Italiens. M. Jean-Pierre Nicolas a souhaité que la traduction de cette lettre soit jointe au compte rendu de la réunion de la Commission.

Puis, il a demandé des précisions sur la négociation en cours et des garanties sur le fait que celles-ci ne grèveront pas le parc de production français et ne conduiront pas à des compensations qui n'ont pas lieu d'être.

Il s'est enfin demandé si le vrai but de cette négociation, comme celui de la vente du patrimoine immobilier de l'entreprise, des renégociations de certains contrats et de diverses opérations comptables, ne consistait pas à améliorer en apparence la situation financière de l'entreprise qui est devenue préoccupante, comme l'ont montré les travaux de la commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques et notamment les auditions de Mme Michèle Rousseau, commissaire du Gouvernement à EDF, de M. Jean-Pierre Jouyet, directeur du Trésor et de M. Edmond Alphandéry, prédécesseur de M. François Roussely.

Après avoir noté que l'Etat nation n'était plus l'échelle pertinente en matière énergétique, M. François Dosé s'est interrogé sur la pertinence de la notion d'indépendance énergétique nationale, qui pouvait être jugée archaïque, et, plaidant en faveur du concept de suffisance énergétique, a souhaité connaître la position de M. François Roussely sur cette question.

Observant que l'intérêt de promouvoir des interconnections de réseaux sur le plan européen avait été souligné, il a ensuite souhaité savoir si M. François Roussely envisageait cette hypothèse dans le cadre d'une Union européenne à 15 ou à 25 membres.

Abordant la question de l'EPR, il a noté que la construction de ce réacteur, si elle était jugée nécessaire, n'était pas estimée urgente et a espéré, en conséquence, que les décisions dans ce domaine ne seraient prises qu'une fois le débat politique arrivé à son terme. Il a souhaité savoir si l'entreprise serait capable de réaliser ce projet, dans l'hypothèse où elle y serait autorisée, ou si de l'argent public devrait être mobilisé.

Enfin, il s'est déclaré gêné par la décision de prolongation de la durée d'amortissement des centrales nucléaires d'EDF, soulignant que, s'il n'en contestait pas le bien-fondé technologique, il lui semblait étrange que l'entreprise ait pris une telle décision sans avoir reçu l'aval de l'autorité de sûreté nucléaire.

M. Philippe Tourtelier a, en premier lieu, abordé la question de l'obligation d'achat ; notant que M. François Roussely avait déclaré que celle-ci représentait un coût d'environ 1 milliard d'euros dont 770 millions d'euros pour la seule cogénération, il a demandé quel en était le surcoût par kilowattheure et a souligné qu'elle concernait surtout l'électricité produite à partir de cogénération et que, à l'exception de la micro-hydraulique, la part de la production d'origine renouvelable était presque négligeable.

Par ailleurs, il a fait observer qu'EDF était accusée de « traîner des pieds » en matière d'achat d'électricité d'origine photovoltaïque et a souhaité savoir si cette situation était imputable à une mauvaise coordination avec RTE.

Puis, notant que M. François Roussely plaidait en faveur d'une suppression du principe de spécialité d'EDF dans la perspective d'un nouveau contexte concurrentiel, il a observé que celui-ci faisait également valoir la nécessité de passer par la génération « trois et demie » de réacteurs, à savoir l'EPR, pour permettre le renouvellement du parc par des réacteurs de quatrième génération à l'horizon 2040. Or, il a constaté que la durée de vie des centrales nucléaires françaises avait été prolongée de 20 ans, que les Etats-Unis suivaient une évolution similaire en envisageant une exploitation d'une durée de 60 ans et que notre pays devait exporter en raison de sa surcapacité de production. Il s'est également demandé comment il serait possible, dans un contexte concurrentiel, de raisonner à un horizon de 20 ans en jugeant que des actionnaires pourraient exiger un retour sur investissement des moyens de production rapide. Il s'est donc demandé si, dans ces conditions, l'EPR avait véritablement un avenir en France sans soutien de l'Etat, ou si l'avenir de ce réacteur ne devait pas plutôt être recherché au niveau européen.

M. Jean-Yves Le Déaut a souhaité obtenir des précisions concernant l'évolution prévisible de la consommation d'électricité en France. Notant qu'un rythme de croissance annuelle de l'ordre d'un pour cent par an avait été évoqué, il a estimé que cela rendrait nécessaire une augmentation de la production de l'ordre de soixante terawattheures en dix ans et a souhaité savoir si, dans le cadre d'une politique volontariste, les énergies renouvelables seraient capables de répondre à cette demande additionnelle.

Jugeant probable que les énergies renouvelables ne soient pas suffisantes, il s'est interrogé sur les modes de production susceptibles de répondre à l'augmentation de la consommation.

Jugeant nécessaire de développer la production d'énergie renouvelable en complément de la production classique tout en se déclarant, sauf rupture en matière de maîtrise de la demande, conscient des limites de ces filières, M. Jean-Yves Le Déaut a regretté qu'une politique ambitieuse de soutien aux énergies renouvelables ne soit pas réellement mise en œuvre. Il a ensuite jugé que le chiffre donné par M. François Roussely à propos des charges liées à l'obligation d'achat était faux, la modestie de la production d'origine renouvelable ne pouvant entraîner un surcoût de l'ordre du milliard d'euros évoqué et souhaité que des précisions soient apportées sur ce point.

M. François-Michel Gonnot a fait part de sa surprise à la lecture de chiffres diffusés par EDF à propos de la composition du bouquet énergétique en s'étonnant que la part indiquée pour les énergies renouvelables soit de l'ordre de 9 % alors que la part habituellement évoquée est plutôt de 15 %.

En réponse aux différents intervenants, M. François Roussely, président d'EDF, a apporté les précisions suivantes :

- les chiffres évoqués par M. François-Michel Gonnot concernent le bouquet énergétique d'EDF qui diffère désormais substantiellement du bouquet énergétique national en particulier compte tenu de l'évolution des relations entre l'entreprise et la CNR. Cette évolution ainsi que celle de la société nationale d'électricité et de thermique (SNET) ont fait perdre à EDF la disposition d'une quantité importante de moyens de production de pointe ce qui explique les besoins de l'entreprise en ce domaine ;

- EDF a décidé de ne pas participer à l'émission télévisée « Complément d'enquête » quand il est apparu que celle-ci serait un procès à charge contre le nucléaire ne laissant aux participants aucune maîtrise sur la présentation de leur propos. Une telle démarche ne correspond pas à ce qui devrait être la responsabilité du service public de l'information pour traiter un sujet important qui doit être évoqué de manière sérieuse et équilibrée. La direction d'EDF protestera auprès des présidents de France 2 et de France 3. Traiter le nucléaire d'une manière manichéenne en présentant cette activité comme le mal absolu fait, en outre, injure aux 30 000 salariés dévoués et responsables qui travaillent dans le secteur ;

- la canicule a conduit à une réaction de l'entreprise voisine de celle occasionnée par les tempêtes de 1999, puisque 3 000 salariés partis en congés sont revenus pour préparer d'éventuels délestages après le 15 août. La mobilisation a donc été totale même si des délestages n'ont pas été nécessaires ;

- l'électricité est effectivement parfois conçue comme un produit banal et presque gratuit ce qui résulte finalement du succès d'EDF. Cette perception est fausse, l'électricité restant un produit hautement technique et nécessitant des investissements très importants ;

- il convient effectivement de développer plus largement la climatisation réversible et d'en diminuer le coût en développant parallèlement des moyens de production supplémentaires pour satisfaire les besoins correspondants, la demande d'électricité ayant, cet été, dépassé de 2 000 à 3 000 mégawatts la demande de la même période l'année dernière ;

- il existe de nombreuses options pour élargir la gamme d'offres d'EDF. Le fait qu'EDF ait ainsi proposé à certains clients de nouvelles possibilités en matière d'effacement de leur consommation a d'ailleurs permis de mieux réagir à la canicule. Ces clients en ont d'ailleurs été très satisfaits. Il convient de poursuivre en ce sens et d'améliorer la souplesse des offres et de développer des propositions financières permettant de faire bénéficier les 2,3 millions de clients qui seront éligibles d'offres aussi adaptées à leurs besoins que cela a été possible pour les plus gros consommateurs.

S'agissant de l'offre de services, il convient de veiller à associer les professionnels de l'équipement électrique. Sous le régime du principe de spécialité, la répartition des activités entre EDF et ces professionnels était claire, EDF n'intervenant pas en aval du compteur. Il faut désormais redéfinir une relation de même nature entre EDF et ces professionnels dans le respect de leurs métiers. Il est nécessaire de faire en sorte, même si cela est difficile, que l'abrogation du principe de spécialité n'inquiète pas ces professionnels qui sont, depuis cinquante ans, les partenaires d'EDF et avec lesquels l'entreprise veut continuer à travailler.

De même, la gamme de l'offre doit être élargie pour être adaptée aux besoins des personnes les plus démunies, celles-ci devant être aussi considérées comme des clients, auxquels des offres spécifiques et une qualité particulière de service doivent être proposées. Le traitement de ces cas doit donc relever des services commerciaux et non du futur opérateur commun de réseau ;

- les relations entre EDF et les collectivités locales constituent un véritable enjeu au regard de l'échéance de 2007. L'analyse de M. Marcel Boiteux, avec lequel un président d'EDF ne saurait être en désaccord, est tout à fait pertinente. L'idée selon laquelle les particuliers ont un moindre intérêt au choix de leur fournisseur d'électricité qu'au choix de leurs fournisseurs d'autres produits peut conduire à confier cette liberté de choix aux collectivités locales, à charge pour elles de négocier leurs achats et de rétrocéder l'électricité ainsi acquise aux particuliers. Toutefois, un tel système risquerait, d'une part, de conduire à une rupture du principe d'égalité compte tenu des capacités très différentes des diverses collectivités et, d'autre part, de morceler complètement EDF qui deviendrait alors un pur producteur livrant sur le marché de gros sans lien direct avec le consommateur final, ce qui correspond au modèle anglo-saxon qui est légitimement critiqué. Les aspirations de certaines collectivités à jouer un rôle plus actif dans le secteur électrique sont donc légitimes mais doivent être conciliés avec le respect du principe d'égalité aujourd'hui assuré par la péréquation tarifaire.

M. Jean-Claude Lenoir ayant observé à cet égard que la péréquation tarifaire n'était pas complète, les différences entre les taxes locales pesant sur l'électricité se traduisant par des écarts de prix de l'électricité sur le territoire, M. François Roussely, président d'EDF, a précisé que la péréquation portait sur le coût du transport de sorte que les différences de prix de l'électricité restaient limitées et souligné que la vraie difficulté étant que toutes les collectivités locales ne semblaient pas aptes à intervenir sur le marché de gros, il serait nécessaire, compte tenu de notre attachement au principe d'égalité, de réfléchir à ces questions avant 2006, date à laquelle un rapport devra être réalisé par la Commission dans la perspective de l'ouverture totale à la concurrence en 2007.

Puis il a apporté les éléments de réponse suivants :

- le groupe EDF n'envisage pas de concurrencer Gaz de France sur le marché du gaz naturel. Il convient toutefois de constater que certains clients d'EDF manifestent un besoin complémentaire de fourniture de gaz de même que des clients de GDF ont besoin d'une offre complémentaire d'électricité. EDF a donc besoin de pouvoir proposer une offre duale comme peuvent le faire ses concurrents européens. L'incapacité de proposer une telle offre a expliqué la perte par EDF de son premier client, à Dunkerque, où le groupe Usinor a constaté que Gaz de France et Air liquide étaient plus compétitifs pour répondre à ses attentes.

EDF n'exploite aucune centrale au gaz en France. En revanche Dalkia, filiale commune d'EDF et de Veolia, est aujourd'hui le premier client de GDF. De même, EDF Energy, filiale britannique du groupe, consomme d'importantes quantités de gaz. Ainsi, la somme des consommations de gaz naturel du groupe EDF correspond au volume total commercialisé par GDF. Cela devrait faire d'EDF un acteur important sur ce marché. Toutefois, tout investissement dans le secteur gazier est exclu en dehors de l'acquisition de capacités de stockage et d'un accès à la ressource. En tout état de cause, il n'est pas question de prétendre que l'articulation d'EDF et de GDF constitue un optimum et qu'il soit exclu d'envisager autre chose. Aujourd'hui, deux sujets sont au cœur des relations entre les deux entreprises. Le premier est l'emploi en commun des personnels de l'actuelle DEGS à laquelle un opérateur commun de réseau a vocation à se substituer en préservant les compétences et l'implantation géographique de ces agents. Le second sujet est celui de l'accès d'EDF à la ressource gazière qui est plus difficile que l'accès au réseau électrique. Les deux entreprises ne sont pas véritablement concurrentes mais pourraient le devenir selon les alliances conclues. Sur ce point, les partenariats pouvant être noués par EDF dans le secteur gazier le sont aujourd'hui pays par pays. Ainsi, en Allemagne, ENBW a conclu un partenariat avec le pétrogazier italien ENI. Le reste du groupe fait aujourd'hui appel aux compétence d'EDF Trading qui est un des principaux négociants d'électricité et de gaz à l'échelle européenne et qui dispose d'un accès à des capacités de stockage de gaz. En Europe, il n'y a désormais pratiquement plus de gazier qui n'ait pas noué un partenariat stratégique avec un électricien comme l'a illustré l'évolution de Ruhrgas. Le débat sur la fusion d'EDF et de GDF semble donc un peu tardif ;

- l'évolution du statut d'EDF suppose plusieurs étapes. L'urgence absolue est l'abrogation du principe de spécialité, donc la transformation de la forme juridique de l'entreprise d'un établissement public en société anonyme ou société commerciale. Il est en effet équivalent de dire qu'il est nécessaire d'abroger le principe de spécialité et de dire qu'il est nécessaire de transformer l'entreprise en société. Cela est indispensable très rapidement car la construction des offres nécessaires pour faire face à l'accroissement de l'ouverture à la concurrence en juillet 2004 demande du temps. Il n'est pas possible de laisser EDF aborder l'échéance du 1er juillet 2004 sous la forme juridique d'un établissement public, situation qui réjouit les concurrents de l'entreprise mais ni ses clients, ni ses personnels, ni ses dirigeants.

Il n'y a toutefois pas d'ordre dans les réformes nécessaires. Si la question des retraites est prête à être traitée, ce qui semble être le cas, elle doit l'être. Le régime actuel, dans lequel EDF est sa propre caisse de retraites, obère en effet la compétitivité de l'entreprise. La transposition des directives modifiées est également indispensable avant juillet 2004.

On voit donc que plusieurs réformes législatives importantes sont nécessaires dans un calendrier parlementaire écourté par les échéances électorales ;

- en ce qui concerne le coût de l'EPR, la question est de savoir qui supportera les charges financées depuis une dizaine d'années notamment par EDF pour faire avancer le projet. Le coût total peut être de l'ordre de 3,3 milliards d'euros en incluant divers éléments. Il faut noter que l'électricien finlandais souhaite acquérir un réacteur « clés en main » alors qu'EDF entend jouer, comme cela a été le cas pour le reste de son parc nucléaire, les rôles d'architecte et d'ensemblier. Il est probable que deux réacteurs EPR soient construits au cours de la prochaine décennie. Une discussion serrée avec le constructeur aura probablement lieu lorsque le prix de vente à l'électricien finlandais sera connu ;

- EDF n'a pas le désir d'intervenir hors du secteur de l'énergie mais souhaite commercialiser des services liés à la fourniture d'énergie comme la maintenance, le génie climatique ou le génie thermique. Par soucis d'égalité avec ses concurrents, dont l'objet social est fixé par leurs statuts conformément au droit des sociétés commerciales, EDF devrait pouvoir déterminer son champ d'activité, l'objet social le plus vaste possible étant souhaitable mais l'intention n'étant pas d'intervenir hors du secteur de l'énergie ;

- à la différence de France Télécom, EDF n'emploie pas de fonctionnaires mais seulement des agents dont le statut est issu de la loi de 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz. Il n'y aucune raison que ce régime change et que des personnels sous deux statuts différents cohabitent dans l'entreprise ;

- EDF, compte tenu de la structure de son parc de production, est effectivement bien placé en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre et donc d'éventuels échanges de certificats d'émissions. Il reste à déterminer des modalités pertinentes pour l'attribution de ces certificats ;

- EDF, la CNR, la SNET et la Société hydro-électrique du Midi (SHEM) ont dénoué leurs liens. Il n'est nullement envisagé de vendre des actifs de production notamment à des partenaires italiens. Cela n'a pas été fait lorsque la Commission européenne a exigé des contreparties à la prise de participation dans ENBW puisqu'il a été convenu qu'EDF céderait non des moyens de production mais de l'énergie dans le cadre d'enchères de capacités et cela de façon temporaire ;

- la présence d'EDF en Italie se justifie par le fait qu'EDF fournit de longue date à ce pays environ 15 % de l'électricité qui y est consommée. Un partenariat très réussi avec Edison au sein de la société ISE existait en outre. Enfin, les prix en Italie sont environ 60 % plus élevés que les prix français. L'Italie constitue donc un marché prometteur.

En choisissant de prendre une participation dans Edison, EDF ne s'est pas trompé de cible. Les récentes difficultés d'approvisionnement en Italie font que les autorités italiennes mesurent l'intérêt d'avoir, en Edison, un deuxième producteur dont la capacité de production a augmenté de 4 000 à 7 000 MW et dont la capacité de production doit atteindre 14 000 MW à la fin de la décennie ce qui permettra d'alimenter entre 15 et 20 % du marché italien.

Les engagements hors bilan d'EDF en Italie, qui ont été évoqués, figurent dans les comptes de l'entreprise qui sont publics et contrôlés notamment par les commissaires aux comptes. Ces engagements hors bilan correspondent à l'hypothèse dans laquelle les partenaires d'EDF souhaiteraient, en 2005, se désengager de la société contrôlant Edison. Dans ce cas, il a été convenu qu'EDF rachèterait leurs parts et deviendrait propriétaire de 100 % de cette société. Si ce scénario se produisait, EDF, comme cela a déjà été indiqué, s'efforcerait de revenir à 49 ou 50 % du capital en revendant des parts acquises à ses partenaires actuels. EDF souhaite, en effet, être le partenaire stratégique d'Edison comme l'entreprise est également le partenaire stratégique d'ENBW mais non détenir l'intégralité du capital de ces sociétés. La question ne se posera en tout état de cause que si les partenaires actuels d'EDF souhaitent se désengager et, à cet égard, on peut rappeler les récentes déclarations à un quotidien français de M. Umberto Agnelli qui a expliqué qu'il n'avait pas du tout l'intention de quitter le secteur de l'énergie avant 2004 ou 2005 et qu'il avait d'excellents rapports avec EDF. Sur le fond, Edison est une très belle entreprise qui s'est désendettée, qui commence à avoir de bons résultats et dont la compétence gazière est importante.

En ce qui concerne Fenice, il s'agit d'une entreprise dont EDF discutait de l'acquisition un an avant l'opération portant sur Montedison. EDF souhaitait, en effet, comme d'autres entreprises françaises dont GDF et Dalkia, être présent sur le marché des services énergétiques en Italie. Fenice a donc été acquise. Le montant de la dépréciation du « goodwill » à l'occasion de cette acquisition n'est pas celui qui a été cité. Cette dépréciation, constatée dans les comptes du premier semestre 2003, a été de 175 millions d'euros. Elle s'explique par le fait que les perspectives de marché se sont dégradées.

Les droits de vote d'EDF dans la société contrôlant Edison restent plafonnés à 2 %. Le Gouvernement italien ne demande rien à EDF. Le président de l'électricien italien ENEL a engagé le recentrage sur l'énergie des activités de son entreprise conformément aux souhaits du Gouvernement italien. Dans diverses déclarations, il a manifesté le souhait qu'ENEL occupe, en France, une place comparable à celle qu'Edison va jouer en Italie, c'est-à-dire fournisse environ 15 % des marchés. Ces déclarations n'engagent que lui et ceux qui l'écoutent. Il faut rappeler qu'EDF ne détient que 18 % du capital de la société contrôlant Edison et que 2 % des droits de vote dans cette société. Le raisonnement qui consiste à prendre comme référence la part de marché future d'Edison ne prend donc pas en compte la participation limitée d'EDF dans cette société.

En plein accord avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, EDF discute avec ENEL sur la question du nucléaire, les italiens constatant aujourd'hui que leur décision d'abandonner cette filière n'est pas des plus heureuses. Cela peut aboutir à des accords portant sur la formation des ingénieurs, sur des droits de tirage sur la production de centrales nucléaires et, éventuellement, sur un partenariat pour le réacteur EPR.

Dans la mesure où l'électricité éventuellement acquise par ENEL en France ne pourrait être exportée vers l'Italie, puisque les interconnexions sont saturées, les discussions n'auraient d'intérêt pour ENEL que si cet électricien parvenait à trouver des clients en France.

M. Jean-Pierre Nicolas a rappelé qu'ENEL sollicitait justement l'accès à des fichiers de clients en France.

M. François Roussely, président d'EDF, a ensuite apporté les précisions suivantes :

- il s'agit d'une négociation commerciale dans laquelle une des parties a fait des déclarations. EDF, en accord avec son actionnaire, n'est en train ni de vendre des clients ni de vendre des actifs industriels. Il s'agit simplement de discussions étudiant l'intérêt d'un développement d'ENEL en France qui, le cas échéant, devrait trouver des mesures équivalentes en Italie même si la lettre de M. Paolo Scaroni, qui était adressée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et donc la copie adressée à EDF a été rendue publique, semble formuler des demandes unilatérales ;

- la dimension européenne d'EDF ne date pas de l'ouverture des marchés énergétiques sous l'impulsion de la réglementation communautaire puisqu'avant cette ouverture, EDF exportait déjà 15 % de sa production en Europe, situation imputable au fait que notre parc électronucléaire a été construit selon des perspectives de croissance de la consommation très importantes. La notion d'indépendance énergétique renvoie effectivement plutôt à une dimension nationale mais aujourd'hui, c'est la notion de sécurité des approvisionnements qui est la plus utilisée. Le nucléaire a le mérite de ne pas faire dépendre notre production d'électricité de contingences extérieures, les fournisseurs du combustible étant variés et le prix de celui-ci stable. Il est nécessaire d'appréhender la question de la sécurité d'approvisionnement à l'échelle européenne, et non pays par pays, afin de mettre en lumière la complémentarité des moyens de production ; c'est l'approche de Mme Loyola de Palacio, vice-présidente de la Commission chargée des transports et de l'énergie. EDF raisonne pour l'instant dans le cadre d'une Union européenne à 15 membres, mais l'élargissement à 25 Etats membres ne devrait pas entraîner de bouleversement majeur : les réseaux sont interconnectés pratiquement jusqu'en Ukraine, avec le même type de tension depuis 1985. L'Europe de l'énergie, si elle n'existe pas encore tout à fait, a de loin précédé la construction de l'Union européenne ;

- il ne faut pas attendre 2040 pour mettre en service l'EPR. Nous avons besoin de disposer d'un réacteur sûr pour les années 2015 à 2020. Pour ce faire, il est nécessaire d'en lancer la construction maintenant pour le mettre en service vers 2012 et bénéficier de trois années d'expérience industrielle en 2015. Il convient évidemment d'attendre les conclusions du débat sur la politique énergétique. EDF est tout à fait capable de réaliser le projet d'EPR, puisqu'elle le porte depuis près de 10 ans ;

- s'agissant de la durée de vie des centrales nucléaires, il convient de bien distinguer trois aspects. D'un point de vue technique, lorsqu'EDF a mis en service sa toute première centrale nucléaire, sa durée de vie était estimée à 30 ans et un amortissement dégressif était prévu en raison des incertitudes pesant sur la véritable longévité de ces centrales. Puis, les années d'exploitation s'accumulant, la centrale de Fessenheim étant exploitée depuis 25 ans, l'expérience acquise, notamment concernant l'usure des pièces qui ne peuvent être remplacées, permet à l'exploitant d'estimer que la qualité des matériaux garantit une durée de vie d'au moins 40 ans.

La question de la durée de l'amortissement comptable est indépendante et les comptes du premier semestre 2003 traduisent, d'une part, une décision d'allongement de la durée d'amortissement et, d'autre part, en application des normes IAS, le passage à un amortissement linéaire.

Enfin, l'autorité de sûreté nucléaire autorise, tous les dix ans, l'exploitation des centrales pour une durée de dix ans supplémentaires. En l'absence d'une telle autorisation, l'exploitation doit bien évidemment cesser.

La décision prise par EDF de prolonger la durée d'amortissement de ses centrales nucléaires ne lie donc aucunement l'autorité de sûreté nucléaire qui reste souveraine. Il existe bien évidement de nombreuses analyses sur la durée de vie des centrales ; ainsi, l'autorité de sûreté nucléaire américaine la fixe a priori et a autorisé une douzaine à fonctionner de 40 à 60 ans ; le président de Mitsubishi a estimé la durée de vie des cuves à 60 ans.

Pour autant, la convergence de pratiques et de règles comptables ne peut lier l'autorité de sûreté nucléaire ; on doit enfin souligner que l'allongement de la durée de vie des centrales françaises n'était pas circonstancielle et ne visait pas à améliorer les comptes d'EDF puisqu'elle était déjà évoquée dans le rapport annuel sur les comptes de 2002 ;

- le coût de l'obligation d'achat s'élève au total à 1 036 millions d'euros, dont 770 millions d'euros pour la cogénération, 17 millions d'euros pour l'éolien, 137 millions d'euros pour l'hydraulique, 49 millions d'euros pour les installations d'incinération et 46 millions d'euros pour les petites installations. D'après la Commission de régulation de l'énergie (CRE), dans l'hypothèse d'une capacité de production d'origine éolienne correspondant aux objectifs affichés, le surcoût lié à l'obligation d'achat pour cette filière sera, en 2010, de l'ordre d'un milliard d'euros. La situation sera donc très différente, puisque aujourd'hui, l'essentiel du surcoût correspond aux installations de cogénération créées dans les années 1995 à 1998. A l'époque, afin de résorber le retard enregistré dans ce domaine, M. Franck Borotra, alors ministre chargé de l'industrie, avait fixé un objectif de production électrique de 500 mégawatts à partir de la cogénération ; ce sont en réalité 3 000 à 4 000 mégawatts qui ont été réalisés, avec un mécanisme d'obligation d'achat très favorable, puisque l'investissement était dépourvu de risque. L'électricité produite à partir du photovoltaïque représente une très faible part des volumes achetés, de même que celle produite à partir de la géothermie. Il est possible que les procédures d'achat par EDF, entreprise plus habituée à vendre de l'électricité qu'à en acheter, soient trop longues et la direction d'EDF examinera attentivement tous les dossiers qui lui seront soumis. On doit enfin noter que les chiffres communiqués sur l'obligation d'achat sont contrôlés par la CRE ;

- la maîtrise de la demande d'énergie reste insuffisamment efficace et EDF développe son action dans ce domaine.

M. Jean-Pierre Nicolas s'étant étonné du chiffre de 175 millions d'euros évoqué à propos des moins-values constatées sur Fenice qui ne correspond pas au chiffre de 400 millions d'euros dont il disposait, M. François Roussely a précisé que la dépréciation des titres de Fenice, enregistrée dans les comptes d'EDF au premier semestre 2003, était de 175 millions d'euros et que le montant de l'écart d'acquisition (« goodwill ») enregistré pour cette société était de 400 millions d'euros.

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