COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 22

(Application de l'article 46 du Règlement)

mardi 2 décembre 2003
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

puis de M. Serge Poignant, Secrétaire

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Xavier COMPAIN, Président, et de M. Vincent LESPÉRON, Vice-Président du MODEF (Mouvement de défense des exploitations familiales).


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La Commission a entendu M. Xavier Compain, président, et M. Vincent Lespéron, vice-président du MODEF (Mouvement de défense des exploitations familiales).

Le président Patrick Ollier a indiqué que la Commission recevait le président et le vice-président du MODEF pour évoquer l'ensemble des questions intéressant le monde agricole. Il a rappelé que les commissaires souhaitaient en effet depuis plusieurs mois entendre les organisations professionnelles agricoles pour discuter de l'évolution de l'agriculture française et, plus particulièrement, du contenu du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, ce texte devant être suivi en 2004 d'une loi dite de « modernisation agricole ». Il a jugé essentiel de confronter les points de vue pour permettre aux parlementaires d'enrichir le texte qui leur est soumis.

M. Xavier Compain, président du Mouvement de défense des exploitations familiales (MODEF), a tout d'abord rappelé que le débat portant sur le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux s'inscrivait dans un contexte particulier, l'année 2003 s'étant révélée calamiteuse pour les paysans français et les récents choix européens, notamment la réforme de la politique agricole commune (PAC), étant lourds de conséquences. Il a jugé que le projet de loi constituait donc l'occasion de répondre aux attentes légitimes des paysans français et, plus largement, de redonner des perspectives au monde rural. Il a souligné que le MODEF ne pouvait se résigner à voir disparaître des exploitations agricoles pour des raisons climatiques et a indiqué que son organisation avait d'ailleurs participé à de nombreux groupes de travail réunis par M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, à la suite de la canicule de l'été 2003. Il a jugé que tous les interlocuteurs souhaitaient désormais une mise en œuvre rapide des mesures décidées, même si certaines d'entre elles ne vont pas assez loin. Il a par ailleurs souhaité que soit réformé le régime des calamités agricoles, afin que les agriculteurs bénéficient d'une indemnisation à la hauteur des pertes subies. Il a suggéré que, dans ce cadre, le financement de la caisse nationale de garantie des calamités agricoles (CNGCA) soit également réformé, en instituant notamment une participation des industries agro-alimentaires, de la grande distribution, des banques, des assurances agricoles et de l'Etat.

Puis, notant que d'autres pays européens avaient été également touchés par la sécheresse, il a estimé indispensable que la PAC sorte de ses préceptes réglementaires et apporte désormais une réponse solidaire aux attentes de la paysannerie européenne. Déplorant que le Conseil des ministres de l'Union européenne n'ait pas opté, le 26 juin dernier, pour une réorientation de la PAC vers la rémunération du travail paysan par les prix, les dogmes libéraux ayant prévalu, il a regretté qu'aient été édictées la mise en place d'un découplage des aides et la fin à terme des aides compensatoires, parallèlement à la baisse des prix et à l'introduction de l'écoconditionnalité des aides. Il a donc jugé que l'accord de Luxembourg était une « arme d'élimination massive » des paysans français. Il a rappelé que le MODEF militait quant à lui en faveur d'aides directes et de droits à produire, prioritairement accordés aux petites et moyennes exploitations, aux jeunes qui s'installent et aux exploitations en cours de développement, ainsi qu'en faveur d'un couplage maximum des aides avec la production, pour lutter contre les délocalisations provoquées par la réforme de la PAC.

Il a jugé que la France devait résolument chercher à maintenir toutes ses exploitations et avoir l'ambition d'installer de jeunes paysans. Il a rappelé que M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, avait annoncé en juin dernier que la France corrigerait les mesures communautaires défavorables aux agriculteurs français dans la réforme de la PAC ; il a déclaré qu'il rappellerait cette déclaration à M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, lorsqu'il aurait à le rencontrer.

Puis, évoquant le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, il a souligné que selon le MODEF, il ne pouvait y avoir de monde rural vivant sans que celui-ci ne se structure autour de secteurs économiques créateurs de richesses. Il a notamment estimé que les activités de services ne pouvaient exister sans lien avec l'acte créateur de production et notamment la production industrielle et agricole. Il a ajouté que le MODEF considérait, en conséquence, qu'il ne pouvait y avoir de dynamique rurale sans dynamique agricole, et de dynamique agricole sans maintien d'exploitations familiales nombreuses, garantes d'une production agricole diversifiée de qualité, d'un environnement sain et du développement de l'emploi. Il a donc estimé que la multifonctionnalité, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole, ne pouvait se concevoir qu'en lien avec la production agricole elle-même, seule fonction créatrice de richesses durables.

Puis, M. Vincent Lespéron, vice-président du MODEF, a exposé l'analyse du MODEF sur le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

Abordant en premier lieu le titre Ier du projet de loi, relatif au développement des activités économiques, il a indiqué que le MODEF n'avait pas de remarque particulière concernant le chapitre Ier relatif aux zones de revitalisation rurale. Il a en revanche indiqué que le syndicat prenait acte du fait que, dans le chapitre III consacré au soutien des activités agricoles, était prévue l'exclusion de l'assiette des cotisations sociales de la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA) et d'une partie des indemnités octroyées pour l'abattage des troupeaux, mesure qu'il a jugée positive. En revanche, il s'est déclaré plus réservé quant à la suppression du plafond de superficie maximale autorisé pour les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) et à la possibilité de constituer des sociétés en participation pour les assolements en commun, chaque exploitation demeurant fiscalement indépendante. Il a en effet souligné que ces deux mesures avaient pour conséquence de favoriser la concentration et la restructuration des exploitations et seraient donc contraires aux intérêts des exploitants familiaux. Il a jugé que pour soutenir réellement l'activité agricole et l'emploi, il serait plus judicieux de prendre des mesures confortant le revenu des exploitants familiaux, encourageant l'installation de tous les jeunes agriculteurs et améliorant le statut des concubins. Il a souligné que le MODEF était par ailleurs très attaché à l'agriculture de groupe, et a regretté que le projet de loi ne propose pas de renforcer les moyens des coopératives d'utilisation du matériel agricole (CUMA), qui permettent aux exploitants familiaux de se regrouper pour mettre en commun leur matériel et réduire ainsi les charges d'investissement que ceux-ci doivent supporter.

Evoquant enfin le chapitre IV relatif à l'emploi, il a noté que les services de remplacement en agriculture étaient étendus aux autres secteurs professionnels et a appelé à la vigilance concernant la possibilité de cumuler emploi public et emploi privé grâce à des centres de gestion permettant, dans les communes de moins de 3 500 habitants, de mettre à disposition d'un employeur privé un agent public à mi-temps ; il a souhaité qu'une telle faculté soit strictement encadrée.

Puis, M. Vincent Lespéron a abordé le titre II du projet de loi relatif aux instruments de gestion foncière et à la rénovation du patrimoine bâti. S'agissant du chapitre Ier, portant sur la protection des espaces agricoles et naturels périurbains, il a rappelé que le nombre d'exploitations agricoles situées en zone périurbaine pouvait être évalué à 200 000. Notant que la région pourrait désormais délimiter des périmètres de protection, sur lesquels elle disposerait du droit de préemption, et pourrait créer une agence régionale des espaces agricoles et naturels ou encore donner mandat à une société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER), il a souligné que le MODEF souhaitait le maintien d'un maximum d'exploitations sur le territoire, ce qui supposait que les agriculteurs disposent d'un revenu décent. Il a pourtant observé qu'au niveau national, 42 % des agriculteurs avaient un revenu inférieur ou égal au SMIC et, que parmi eux, un tiers avait un revenu seulement égal au revenu minimum d'insertion. Notant que si la mise en œuvre du droit de préemption était certes encadrée, la rétrocession, la location ou la mise à disposition n'obéissaient à aucune règle, hormis l'obligation, pour les bénéficiaires, de respecter le cahier des charges annexé à l'opération, il a craint qu'un « remodelage » du paysage ne soit imposé dans les zones agricoles périurbaines protégées, dans le seul souci d'en garantir la mission récréative et environnementale, au détriment de l'objectif de production. Il a appelé les commissaires à être très vigilants sur cette question, soulignant en outre qu'il n'était pas certain que le droit de préemption octroyé à la région soit employé par celle-ci à bon escient ou en toute transparence, comme en témoigne la gestion du parc immobilier de certaines villes.

S'agissant du chapitre III relatif à la rénovation du patrimoine bâti, et notamment de la possibilité pour le bailleur de reprendre un bâtiment d'exploitation dont le changement de destination a été autorisé et ne compromet pas l'exploitation agricole, il a regretté que l'Etat se préoccupe de l'intérêt architectural et patrimonial de certains bâtiments d'exploitation, tout en se désintéressant de l'état de vétusté ou de l'absence de confort de la maison d'habitation du fermier. Evoquant par ailleurs les avantages fiscaux prévus en faveur des bâtiments affectés à l'hébergement des travailleurs saisonniers, il a souligné que c'était surtout l'absence d'hébergement qui expliquait les difficultés rencontrées aujourd'hui en matière de recrutement de ces travailleurs, les petits et moyens producteurs de fruits et légumes n'ayant en effet pas les moyens financiers d'investir dans des structures d'hébergement. Il a donc estimé souhaitable que les collectivités locales, qui ont intérêt à maintenir et développer l'emploi, investissent dans des structures d'hébergement collectif pour les travailleurs saisonniers, ces locaux pouvant par ailleurs être utilisés, par exemple, pour des classes vertes.

M. Vincent Lespéron a ensuite abordé le titre III du projet de loi relatif à l'accès aux services. Il a regretté l'ouverture des maisons de service public au secteur privé et la possibilité d'en confier la gestion à une personne privée, jugeant qu'une telle privatisation des services publics en milieu rural n'était pas de nature à garantir les principes fondamentaux qui régissent ces derniers. Il a à cet égard cité l'exemple de la commune de 500 habitants dont il est le maire, qui a conclu avec la Poste une convention visant à maintenir sur place un bureau de poste, auquel est affecté un agent à mi-temps dont la Poste ne finance plus désormais qu'un tiers du salaire, le solde étant pris en charge par la commune.

S'agissant des dispositions permettant aux collectivités locales d'octroyer des aides au maintien ou à l'installation des professionnels de santé, il a jugé qu'elles étaient nécessaires mais a regretté que leur financement par les collectivités locales mette à contribution les habitants de zones dépeuplées, déjà fortement pénalisées, tandis que la fermeture des hôpitaux publics en milieu rural pour des motifs de rentabilité a créé des situations remettant en cause le principe d'égalité dans l'accès aux soins, situations aggravées par la disparition de nombreux médecins généralistes dans les zones rurales.

Puis, M. Vincent Lespéron a abordé le titre IV du projet de loi relatif aux espaces naturels, pour souligner l'attachement du MODEF à une chasse populaire, devant permettre de réguler le grand gibier qui occasionne des dégâts croissants aux cultures.

Enfin, il a évoqué le titre VI du projet de loi portant sur certains établissements publics. Notant que les chambres d'agriculture devenaient l'organe consultatif, représentatif et professionnel des intérêts agricoles et que leurs missions étaient redéfinies pour leur donner la charge de l'élaboration du programme régional de développement agricole et rural, l'association permanente des chambres d'agriculture devenant « tête de réseau », il a craint que le Gouvernement ne cherche en réalité à réduire la portée de la réglementation sur la représentativité et le pluralisme syndical. Il a en outre dénoncé le mode de scrutin aux élections aux chambres d'agriculture départementales et régionales, plaidant en faveur de la représentation proportionnelle.

Concernant le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), il a noté que les compétences de cet établissement public étaient élargies et renforcées tant auprès de l'Etat que des collectivités territoriales et de la Commission européenne. Soulignant que le Gouvernement souhaitait confier au CNASEA la mise en œuvre de la politique de développement rural initiée par l'Agenda 2000, renforcée par la réforme de la PAC décidée le 26 juin 2003, il a jugé que ces transferts de compétences de l'Etat vers un établissement public traduisaient bien la « nouvelle gouvernance » actuelle, visant à réduire de manière drastique les effectifs de l'ensemble des services de l'Etat, tant dans les directions départementales et régionales de l'agriculture et de la forêt, qu'en administration centrale au sein du ministère chargé de l'agriculture.

Enfin, il a noté que le service public d'équarrissage, qui couvre la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux présentant des risques sanitaires élevés, serait étendu à la transformation des carcasses en farines animales, ce service complémentaire étant transféré par l'Etat au CNASEA. Il a indiqué que le MODEF proposait, pour rationaliser le service public de l'équarrissage, de mettre en place des centres de pré-collecte, permettant à la fois de réduire le temps d'attente des cadavres dans les corps de fermes - ce qui réduirait les risques sanitaires -, de diviser par deux le coût de la collecte, d'impliquer les éleveurs dans la gestion de ce service public, et enfin de faire face à une surmortalité momentanée des animaux, comme cela a été le cas cet été avec la canicule. Il a sur ce dernier point rappelé que des départements, notamment dans l'ouest de la France, n'avaient pas pu assurer la collecte de ces déchets dans des délais raisonnables, alors que dans la Drôme, où existe depuis de nombreuses années un système de pré-collecte, l'afflux d'animaux morts a pu être géré correctement.

M. Xavier Compain, président du MODEF, a ensuite présenté les principales pistes de réflexion du MODEF pouvant justifier des amendements au projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

Il a d'abord indiqué que le MODEF souhaitait que les charges sociales soient modulées au profit des exploitations familiales. Il a jugé que le salaire minimum interprofessionnel de croissance constituait à cet égard un seuil pertinent, de nombreuses petites et moyennes exploitations ne pouvant aujourd'hui assurer aux agriculteurs une rémunération de ce niveau et devant par conséquent être aidées. Il a donc considéré qu'il serait souhaitable de réduire de moitié à la fois les charges sociales, fiscales et parafiscales pesant sur les exploitations dont le bénéfice réel ou forfaitaire par actif familial est inférieur au SMIC, et la taxe intérieure sur les produits pétroliers acquittée par ces mêmes exploitations lors de leurs achats de fioul.

Il a ensuite remarqué que la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole avait certes créé un statut pour les conjoints collaborateurs mais avait exclu de son bénéfice les personnes non mariées. Il a observé qu'il existait pourtant, au niveau national, probablement un millier de personnes vivant aux côtés d'agriculteurs en dehors du mariage, qu'il s'agisse de concubins ou de personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité (PACS). Il a donc appelé à étendre à ces personnes le bénéfice du statut de conjoint collaborateur, cette modification de statut devant également leur permettre d'entrer dans le régime d'assurance des exploitants contre les accidents.

Puis, il a estimé nécessaire de mener une politique d'installation plus offensive. Il a regretté la persistance de plusieurs freins à l'installation de jeunes agriculteurs et a notamment cité la notion de niveau de revenu de référence, le niveau de formation exigé et en particulier le brevet professionnel agricole (BPA), la nécessité d'effectuer un stage de six mois, ou encore la grande difficulté d'accès à la propriété foncière pour ces personnes. Il a estimé possible de réduire l'importance de ces obstacles, d'une part en abaissant le revenu minimum de référence, d'autre part en accompagnant la reconnaissance de capacité professionnelle initiale d'une obligation de suivi d'une formation agricole continue au cours des dix années suivantes. Il a ajouté que la technicité croissante de la profession agricole justifiait aujourd'hui une extension de la formation permanente destinée aux agriculteurs.

Il a également suggéré de créer une aide minimale à l'installation au profit des jeunes agriculteurs ne bénéficiant actuellement ni de la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA) ni d'une aide équivalente. Il a estimé que cette situation concernait environ la moitié des jeunes s'installant en agriculture et devait être examinée avec attention, la nécessité d'un débat sur cette question ayant été portée à la connaissance à la fois du ministre chargé de l'agriculture et de la représentation nationale. Il a proposé d'attribuer à ces jeunes agriculteurs une aide minimale s'élevant à environ 7 500 euros (50 000 francs), ainsi qu'un prêt agricole à taux zéro, dont le montant pourrait être plafonné à environ 22 500 euros (150 000 francs). Il a jugé que l'adoption d'une telle mesure, sans naturellement résoudre toutes les situations difficiles, constituerait un important geste politique en direction de jeunes agriculteurs oubliés par le dispositif d'aide actuel et pourtant contraints de vendre leurs produits au même prix que les autres producteurs. Il a indiqué que ces nouvelles aides, si elles étaient mises en place, devraient être confortées à plus long terme par un financement adéquat, permettant à tous les jeunes agriculteurs d'accéder, grâce à des prêts à taux super-bonifiés de l'ordre de 1 % par an, à la propriété foncière, et ainsi d'intégrer pleinement la profession agricole.

En outre, il a indiqué que la politique foncière à destination des exploitations familiales, dont il a rappelé qu'elles représentaient 80 % des exploitations, pouvait être plus ambitieuse. Il a indiqué, à cet égard, que le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, n'avait pas répondu aux attentes du MODEF, qui espérait une meilleure prise en compte de ses positions dans le prochain projet de loi de modernisation agricole. Il a en particulier estimé qu'un débat devait être engagé sur le rôle des SAFER, aujourd'hui trop cantonnées dans un rôle commercial, au détriment de leurs fonctions de service et d'aide à l'installation des agriculteurs, pour lesquels elles devraient pourtant être un interlocuteur privilégié.

Il a proposé que soit créée une mission d'information parlementaire visant à faire le bilan de l'évolution du monde rural depuis le vote de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole, dont les dispositions ont été très favorables au monde agricole. Il a indiqué que ce dernier avait besoin de mesures législatives fortes pour freiner la spéculation foncière, en réservant la priorité à l'agriculteur désirant s'installer.

Il a ensuite indiqué que les services d'équarrissage devaient rester un service public et suivre l'exemple du département de la Drôme, dans lequel un service de pré-collecte avait été mis en place, permettant de maintenir ce service public pendant la canicule estivale, tout en faisant face à ses difficultés de financement.

En conclusion, il a indiqué que le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux ne prenait pas suffisamment en compte les difficultés liées à la commercialisation des produits agricoles, estimant que la rémunération du travail des agriculteurs et la régulation des prix agricoles devaient faire l'objet de mesures complémentaires dans le projet de loi de modernisation agricole annoncé par le Gouvernement pour l'année 2004. Il a en particulier indiqué que la grande distribution, qui avait entrepris d'attaquer certains agriculteurs en justice pour entente et abus de position dominante, pouvait elle-même encourir ce reproche et devrait voir ses pratiques commerciales, notamment celles des marges arrières, mieux contrôlées dans le cadre du futur projet de loi. Il a indiqué avoir demandé au Premier ministre la convocation d'une conférence nationale sur les prix des produits agricoles, dans le cadre de laquelle les différents syndicats agricoles ne pourraient s'exprimer que de manière concordante, tant il est vrai qu'ils sont en accord sur la nécessité de mieux rémunérer le travail des agriculteurs. A cet effet, il a demandé aux députés de la Commission de l'aider à porter ce projet, qui permettrait d'avoir avec les producteurs et les distributeurs un débat attendu sur les prix des produits agricoles, et d'aborder les questions liées à la réforme de la politique agricole commune (PAC) et aux négociations agricoles menées dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui n'apportent pas de solution à ce type de problèmes.

Le président Patrick Ollier s'est félicité de l'adhésion du MODEF à la démarche engagée par le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, en particulier s'agissant du renforcement des zones de revitalisation rurale.

Il a cependant regretté que la question de l'hébergement des saisonniers ou celle de l'ouverture des groupements d'employeurs aux collectivités locales n'aient pas été davantage abordées. Il a jugé que les mesures prévues par le projet de loi sur ces sujets apporteraient une aide importante aux agriculteurs, en particulier aux plus modestes d'entre eux.

Il a indiqué que les propositions d'amendements transmises par les syndicats agricoles seraient examinées avec attention par les rapporteurs. Il a par ailleurs souligné que la réglementation intervenue sur les marges arrières de la grande distribution lui semblait de nature à améliorer les rapports entre les agriculteurs et celle-ci. Il a néanmoins observé que les progrès en matière de qualité et de certification des produits vendus étaient de l'intérêt même des petits agriculteurs, même si les prix des produits restent le fondement de la rémunération du travail des agriculteurs.

M. Jean-Claude Lemoine a souligné l'intérêt des interventions de M. Xavier Compain, président, et de M. Vincent Lespéron, vice-président du MODEF. Il a estimé qu'une partie des réflexions devrait permettre d'enrichir le futur projet de loi de modernisation agricole, qui devrait être examiné avant la fin de l'année 2004, afin de prendre en compte les conséquences de la réforme de la PAC.

Il s'est ensuite interrogé sur la notion d'économie agricole diversifiée invoquée par le MODEF et a souhaité connaître son avis sur le choix opéré par le projet de confier le droit de préemption aux régions plutôt qu'aux départements dans les zones périurbaines.

Puis, il a observé que les hôpitaux ruraux pâtissaient surtout de la difficulté de pourvoir certains postes, compte tenu du contingentement appliqué depuis longtemps aux études médicales.

Il a enfin souhaité connaître l'avis du MODEF sur l'articulation départementale ou régionale de l'organisation de la chasse et sa définition de l'équilibre agro-sylvo-cynégétique.

M. Francis Saint-Léger a approuvé les positions du MODEF s'agissant des aides accordées aux agriculteurs et de la réforme de la PAC, tout en remarquant que ces questions relevaient du futur projet de loi de modernisation agricole. Il a remarqué l'importance des mesures de simplification administrative, comme celle mettant fin à la différence de traitement fiscal entre les exploitations gérées par une personne physique et les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) à associé unique, l'assouplissement de l'obligation de faire appel à un architecte pour déposer une demande de permis de construire, ou encore les encouragements aux groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC) ou aux assolements en commun dans le cadre du statut du fermage.

Il a souligné l'intérêt de la suppression du plafond de superficie maximale pour les EARL, ainsi que des mesures fiscales telles que l'exclusion de la base de calcul des cotisations sociales de la dotation aux jeunes agriculteurs, ou encore les mesures en faveur de la transmission d'exploitation. Il a également noté la création d'une agence régionale des espaces agricoles et naturels périurbains destinée à éviter le « mitage » de l'espace périurbain, l'attribution des responsabilités d'aménagement foncier au président du conseil général, en remplacement du préfet, et souhaité connaître l'avis du MODEF sur la communalisation des biens et droits des sections de communes.

M. André Chassaigne a tout d'abord indiqué qu'il partageait les préoccupations des précédents orateurs. Constatant que le texte ne traitait pas des CUMA, il s'est demandé s'il ne conviendrait pas d'organiser la collaboration entre les collectivités locales et les CUMA.

Il s'est ensuite interrogé sur l'opportunité de créer une agence régionale destinée à gérer les territoires périurbains, craignant la création d'un dispositif trop complexe alors qu'il pourrait suffire d'étendre le rôle des SAFER en veillant notamment à en démocratiser le fonctionnement.

Puis, il a souhaité connaître les propositions du MODEF pour parvenir à un encadrement des pratiques commerciales de la grande distribution.

M. Jean Gaubert a abordé la question de la politique foncière, en se demandant s'il fallait élargir le rôle des SAFER ou créer un organisme foncier régional, et ce que le MODEF proposait pour démocratiser le fonctionnement des SAFER.

Il a ensuite souhaité savoir si les modifications à apporter au fonctionnement des commissions départementales d'orientation agricole (CDOA) relevaient du pouvoir réglementaire ou législatif.

Puis, il a évoqué l'agriculture de groupe en estimant qu'il fallait encourager les CUMA et faciliter le fonctionnement des groupements d'employeurs, ces derniers rencontrant aujourd'hui des difficultés dues à la complexité des procédures administratives.

M. Jean-Marc Lefranc a souhaité obtenir des précisions sur les propositions du MODEF relatives à la politique d'installation des jeunes agriculteurs. Il a observé qu'il existait dans le Calvados un répertoire permettant de recenser les agriculteurs souhaitant céder leurs terres ainsi que ceux qui souhaitent s'installer, et a émis le vœu que la profession agricole s'organise pour faciliter les cessions d'exploitation.

Il a fait part de ses doutes quant à l'opportunité de prévoir que les collectivités locales interviennent dans l'hébergement du personnel saisonnier. Il a considéré que ce rôle devait être assumé par les agriculteurs selon des modalités financières qu'il conviendrait de préciser.

Puis, il a rejoint l'opinion déjà exprimée sur la nécessité de démocratiser les SAFER et de redéfinir leur rôle mais a fait part de son scepticisme quant au rôle des délégués cantonaux, qui défendent de façon inconditionnelle l'agriculteur de leur canton, parfois au détriment de l'intérêt de l'agriculture dans son ensemble.

Il s'est enfin demandé comment améliorer les relations entre l'agriculture et la grande distribution.

En réponse aux différents intervenants, M. Vincent Lespéron, vice-président du MODEF, a apporté les précisions suivantes :

- concernant l'accueil des saisonniers, il est très difficile sur le plan financier, pour les agriculteurs de proposer des hébergements conformes aux normes de confort ; il semble donc indispensable que les collectivités locales et les agriculteurs travaillent de concert pour tirer le meilleur profit de bâtiments inoccupés à certaines périodes de l'année, sans pour autant rigidifier le système en imposant des obligations aux collectivités locales ;

- s'agissant des groupements d'employeurs et des possibilités pour des employeurs publics et privés de partager des agents, il a rappelé que certaines collectivités locales n'hésitaient pas à s'associer à des entreprises pour embaucher du personnel, de telles opérations ayant parfois été couronnées de succès ;

- la question de savoir si le droit de préemption doit être exercé, dans les espaces périurbains, par la région ou le département est complexe, mais il semble préférable de rapprocher le plus possible la prise de décision des structures agricoles, le département paraissant le meilleur échelon pour mener cette politique. Certaines communautés de communes ont par ailleurs mis en place des réserves foncières en faveur de l'agriculture. Il est exact que les préfets ont trop tendance à suivre les avis des CDOA, qui favorisent l'agrandissement des exploitations existantes plutôt que les premières acquisitions ;

- s'agissant de l'agriculture de groupe, il serait souhaitable d'intensifier la coopération entre les collectivités locales et la CUMA. Il serait en outre opportun de prévoir, dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, une aide à l'investissement des CUMA, le dispositif des contrats territoriaux d'exploitation n'ayant pas permis la mise en place d'un tel soutien.

M. Xavier Compain, président du MODEF, a ajouté les précisions suivantes :

- les propositions du MODEF sont trop souvent méconnues des parlementaires, ce qui a poussé son nouveau président à solliciter l'ensemble des groupes politiques de l'Assemblée nationale dans le cadre de ce projet de loi. Le MODEF a été un syndicat agricole marginalisé, du fait de sa position trop partisane, ce constat ne devant pas occulter la nécessité d'avoir un vrai engagement politique. Désormais, le MODEF désire avant tout défendre la cause des agriculteurs dans le respect du pluralisme syndical et de la représentativité du monde agricole ;

- la démocratie participative des agriculteurs doit être renforcée par une diversification des syndicats qui les représentent, ce qui implique notamment que les règles de représentativité des syndicats lors des élections des chambres d'agriculture soient revues. Le MODEF a en effet souffert du caractère restrictif des règles actuelles de représentativité, qui déterminent également le financement des syndicats agricoles. Des réformes du mode de scrutin aux chambres d'agriculture et des modalités de financement des syndicats agricoles sont indispensables pour transformer les chambres d'agriculture en véritable « parlement du monde agricole », avec un pluralisme reflétant la réalité du terrain ;

- certains mécanismes comme la location-vente pourraient utilement favoriser l'installation de jeunes agriculteurs, la commune se portant alors acquéreuse d'une exploitation délaissée pour la mettre en location auprès d'un jeune agriculteur en mesure de la racheter ultérieurement. Ce type d'intervention devrait également inspirer l'action des SAFER ;

- une nouvelle agence régionale de gestion des espaces périurbains pourrait être un outil complémentaire aux SAFER, outil utile pour favoriser l'installation de jeunes agriculteurs et la transmission des exploitations ;

- l'idée d'une conférence sur les prix agricoles est fondamentale pour inviter les différents intervenants du secteur à négocier. Le MODEF estime aujourd'hui que la grande distribution pille le travail des agriculteurs. Il est donc nécessaire que ce débat national ait lieu pour lever les tensions pouvant apparaître localement entre les acteurs du monde rural. La régulation des pratiques commerciales de la grande distribution est possible en définissant ce qu'est, pour l'agriculteur, le prix rémunérateur de son travail ;

- il convient de faire respecter le principe de la préférence communautaire en matière d'importation de produits agricoles. Il est par ailleurs nécessaire de remettre en cause l'idée d'un prix mondial, absurde au regard de la diversité des productions et fondamentalement anti-économique. Ces positions pourraient accroître les tensions avec les instances communautaires, mais correspondent à une impérieuse nécessité pour le monde agricole. Le MODEF est évidemment disposé à travailler en collaboration avec les députés sur de tels enjeux.

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