COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 46

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 3 mars 2004
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, portant transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau (n° 1335)

 

(M. André FLAJOLET, rapporteur) :

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La Commission a examiné, en deuxième lecture, sur le rapport de M. André Flajolet, le projet de loi, modifié par le Sénat, portant transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau (n° 1335).

M. André Flajolet, rapporteur, a indiqué qu'à l'issue de l'examen de ce projet de loi par le Sénat en première lecture, aucune divergence de fonds ne séparait les deux assemblées.

Il a précisé que six articles du projet de loi restaient en discussion, dont un nouveau portant sur les adaptations de ses dispositions à la Corse.

Il a estimé que les modifications apportées par le Sénat étaient très limitées ; elles portent notamment sur la nécessité pour l'autorité administrative, dans le cas de bassins ou groupements de bassins s'étendant au-delà de la frontière de notre territoire, de procéder à la délimitation, à la mise en œuvre des objectifs de gestion de la qualité et de la quantité des eaux, et à la mise en œuvre d'un programme pluriannuel de mesures contribuant à la réalisation des dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) en coordination avec les autorités étrangères.

Prenant acte de la convergence de vue entre les deux assemblées, il a proposé l'adoption du présent projet de loi dans la rédaction issue du Sénat.

Rappelant que la transposition de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau avait initialement été présentée comme urgente, Mme Nathalie Gautier s'est étonnée du délai d'une année écoulé depuis l'examen de ce texte en première lecture.

Elle a également remarqué que ce texte avait été présenté comme une première étape indispensable avant l'examen d'un vaste projet de loi sur l'eau, qui ne devrait pas intervenir avant le mois de juin 2004. Rappelant qu'elle avait elle-même présidé une commission géographique au sein de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, elle a indiqué que ce délai était mis à profit pour mener une concertation avec les acteurs de la politique de l'eau dont les inquiétudes doivent être entendues.

Puis, elle a indiqué qu'un rapport de la Cour des Comptes rendu public en janvier 2004, contrôlant les programmes d'intervention des agences de l'eau au cours de la période 1997-2002, invitait à donner une meilleure assise territoriale à ces programmes, aujourd'hui peu hiérarchisés, et à rééquilibrer les contributions entre les agriculteurs, qui perçoivent des aides très importantes, et les autres contributeurs.

Elle s'est interrogée sur le sens de l'opposition du Président de la République à la création d'une taxe, nécessaire, selon elle, pour remédier aux déséquilibres existants et mettre en œuvre le principe pollueur-payeur.

Elle a ajouté que les instruments actuellement disponibles pour conduire la politique de l'eau étaient déficients à en juger par les résultats de celle-ci au regard de l'importance des aides perçues. Elle a ainsi considéré que les difficultés d'organisation ne provenaient pas des agences de l'eau elles-mêmes, mais d'une confusion entre les différentes maîtrises d'ouvrages. Elle a précisé que l'architecture des compétences prévue dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales était à cet égard inquiétante, les moyens financiers des collectivités locales semblant difficiles à mobiliser pour cette politique. Elle a suggéré d'améliorer la coordination entre les politiques de planification, de taxation, de soutien financier et de police de l'eau.

Elle a ensuite estimé que la transposition de cette directive rendrait plus pressante l'attente d'une efficacité accrue de la politique de l'eau, dont les instruments sont anciens en dépit de leurs qualités. Elle a rappelé que la directive fixait des objectifs ambitieux, tels qu'un retour à un bon état écologique des eaux en quinze ans, l'obligation de tenir compte du rejet de substances dangereuses dans l'eau, ou encore la mise en œuvre du principe de  récupération des coûts, l'ensemble de ces règles risquant d'accroître le prix de l'eau. Elle a donc jugé nécessaire de répondre à cette ambition, en évitant une transposition minimaliste de la directive.

M. Antoine Herth a précisé qu'il ne fallait pas confondre taxe et redevance, et que l'opposition à la première ne signifiait pas opposition à la seconde, dont les spécificités juridiques sont différentes.

Il a souligné qu'il était difficile d'appliquer abruptement le principe pollueur-payeur aux agriculteurs : si ces derniers sont à l'origine de pollutions, comme l'ensemble des acteurs économiques, il a en effet indiqué qu'ils jouent aussi un rôle incontournable dans l'entretien du territoire, ce qui implique des soutiens publics. Il a donc suggéré de réfléchir à la création d'une redevance permettant de financer des actions particulières de préservation et de restauration de la qualité de l'eau par les agriculteurs, dont le principe serait plus adapté que celui d'une taxe, dont le produit est versé au budget général de l'État finançant par conséquent des actions n'entrant pas dans le champ de la politique de l'eau.

M. Jean Launay a regretté que l'application de certaines dispositions issues du cadre communautaire soit envisagée sans que des réponses claires aient été apportées à des interrogations concrètes. Il a ainsi indiqué attendre depuis plus de trois mois une réponse du ministère de l'écologie et du développement durable sur les conséquences du classement des masses d'eau sur les plans réglementaire, notamment en termes de police de l'eau, et financier, pour ce qui concerne l'affectation des moyens. Il a regretté que les commissions géographiques des comités de bassin soient appelées à travailler dans cette incertitude juridique et alors même que l'inventaire des masses d'eau reste très partiel. Il a, en outre, rappelé que la diminution des moyens des agences de l'eau contribuait à accroître la difficulté à trouver des maîtres d'ouvrage.

M. Jean-Claude Flory a rappelé que le débat national sur la politique de l'eau avait mis en évidence le fait que tous les acteurs concernés sont conscients du travail remarquable réalisé au cours des dernières décennies par les agences de l'eau et les comités de bassin. Il a également souligné que ce débat avait également mis en évidence le fait que les agriculteurs et leurs organisations professionnelles étaient parfaitement conscients de la nécessité de mieux intégrer leurs activités dans les préoccupations environnementales et ce d'une manière négociée, conformément à la méthode de travail choisie par le Gouvernement.

Il a ensuite souligné la nécessité de privilégier le financement de la politique de l'eau par des redevances affectées et non par des taxes dont le produit est versé au budget général. A cet égard, il a estimé qu'il serait probablement souhaitable de resserrer les ratios entre le niveau des redevances perçues et le niveau des aides attribuées par les agences de l'eau. Il a également rappelé l'intérêt d'une affectation progressive à la politique de l'eau du produit de la taxe générale sur les activités polluantes appliqué à l'eau pour aider les agriculteurs à relever les défis qui se posent en matière d'environnement qui constituent un enjeu central pour l'image de notre agriculture.

Enfin, il a souligné la nécessité d'une simplification de la police de l'eau, qui est aujourd'hui exercée, à des titres divers, par sept ou huit administrations.

M. Pierre Ducout a noté que si les objectifs de qualité des masses d'eau souterraines étaient louables, il importait de noter que des masses d'eau pouvaient être parfaitement potables sans présenter un bon état chimique, en raison, par exemple, de la présence de fluor ou de sel.

Il a ainsi rappelé le travail important réalisé, sous la précédente législature, sur le projet de loi portant réforme de la politique de l'eau, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale. Il a estimé que ce projet de loi avait été considéré comme équilibré par tous les acteurs et qu'il marquait des avancées importantes en matière de protection de l'environnement notamment par la mise en œuvre du principe pollueur-payeur.

Il a ensuite fait part de son étonnement de voir envisagée l'instauration de redevances qui pèseraient sur l'ensemble des entrants et non sur les seuls excédents conformément à l'objectif de soutien d'une agriculture raisonnée.

Enfin, il a rappelé les résultats inégaux de la politique de l'eau selon les bassins et le travail de qualité réalisé par certains maîtres d'ouvrage.

Mme Marcelle Ramonet a estimé que la transposition de cette directive constituait une étape importante de la réforme de la politique de l'eau, sans pour autant la résumer.

Elle a ainsi rappelé que la ministre de l'écologie et du développement durable, Mme Roselyne Bachelot, avait annoncé l'examen, dans quelques mois, d'un projet de loi sur l'eau beaucoup plus important. Elle a précisé que le rapport qu'elle avait présenté avec Antoine Herth au mois de novembre 2003 à la Commission, intitulé « Le développement durable, réponse aux enjeux agricoles et environnementaux », trouverait dans ce cadre une place particulière, la ministre ayant indiqué qu'elle s'appuierait sur cette réflexion.

Elle a par ailleurs considéré que la politique de décentralisation invitait les collectivités locales à s'impliquer plus fortement dans les services et la maîtrise d'ouvrages, ainsi que dans la politique d'aménagement et de développement. Elle a estimé que la reconquête de la qualité de l'eau et de la confiance des consommateurs était un enjeu essentiel, rappelant que la région Bretagne avait déjà pris de nombreuses initiatives dans ce domaine au cours des dernières années, telles que le programme « Bretagne eau pure ». Elle a ajouté que le président du conseil régional de Bretagne, M. Josselin de Rohan, souhaitait mettre rapidement en œuvre le nouveau droit à l'expérimentation qui serait accordé aux régions et mettre en place une gestion régionale de la ressource en eau.

Elle a conclu en indiquant que si l'eau était sans doute l'un des produits les plus contrôlés de France, puisqu'elle fait l'objet d'environ 200 analyses chaque jour, la transposition de la directive constituerait un signal politique important pour poursuivre les efforts. Elle a appelé à une évolution des comportements dans ces domaines, souhaitant que la rigueur et l'honnêteté dans l'analyse l'emportent à l'avenir sur la stigmatisation des catégories professionnelles, dont les responsabilités sont évidemment partagées.

Le président Patrick Ollier s'est félicité de l'intérêt des précédentes interventions et a jugé le débat fructueux. Il a toutefois rappelé que le projet de loi examiné ne constituait qu'une première étape, la simple transposition d'une directive communautaire ne devant pas conduire à anticiper à l'excès sur le futur débat.

Il a considéré que ce dernier avait également pu être préparé en 2003 grâce à l'excellent rapport d'information sur les activités agricoles et la protection de l'environnement de M. Antoine Herth et Mme Marcelle Ramonet, ainsi qu'au rapport rédigé par M. Jean-Claude Flory sur la politique de l'eau. Il a également souligné l'utilité du travail réalisé à la fin de la précédente législature avec l'examen en première lecture d'un projet de loi portant réforme de la politique de l'eau. Il a indiqué que l'ensemble de ces contributions permettrait indéniablement de préparer et d'éclairer le grand débat qui serait organisé pour l'examen du futur projet de loi sur l'eau.

La Commission est alors passée à l'examen des articles du projet de loi restant en discussion.

· Article 2 (article L. 212-1 du code de l'environnement) : Champ d'application et contenu des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE)

La Commission a examiné un amendement de Mme Nathalie Gautier, visant à revenir à la rédaction de la directive ainsi qu'à celle du projet de loi initial, en disposant que, lorsque la réalisation des objectifs de qualité et de quantité des eaux prévus par cet article est impossible ou d'un coût disproportionné au regard des bénéfices que l'on peut en attendre, des objectifs « moins stricts », et non plus « dérogatoires », peuvent être fixés par le SDAGE.

Emettant un avis défavorable à l'adoption de cet amendement, M. André Flajolet, rapporteur, a indiqué que le choix du terme « dérogatoire » par l'Assemblée nationale en première lecture répondait au souci de mieux encadrer l'éventualité prévue par ce paragraphe.

Il a en effet estimé qu'une dérogation constituait par définition une exception à une norme clairement établie, alors que la fixation d'objectifs « moins stricts », laissant trop de place à l'appréciation subjective, conduisait à changer la norme.

La Commission a donc rejeté cet amendement, puis elle a adopté cet article sans modification.

· Article 3 (article L. 212-2 du code de l'environnement) : Elaboration et mise à jour des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE)

La Commission a examiné un amendement de Mme Nathalie Gautier, prévoyant que le comité de bassin soumet le projet de SDAGE aux associations agréées de protection de l'environnement et de protection des consommateurs.

Mme Nathalie Gautier a indiqué que la directive prévoyait une très large participation du public à l'élaboration de la politique de préservation des ressources en eau, ce qui correspond par ailleurs à une attente très forte, et répond à un reproche des citoyens.

Rappelant que les associations sont désormais associées aux comités de bassins et aux agences de l'eau, elle a estimé nécessaire de recueillir leur avis sur tout projet de SDAGE.

Emettant un avis défavorable à l'adoption de cet amendement, M. André Flajolet, rapporteur, a indiqué que, la démocratie n'étant pas un forum de discussion permanente, il était nécessaire d'encadrer la procédure de consultation du public. A cet effet, il a rappelé que le présent projet de loi prévoyait que le comité de bassin recueille les observations du public sur le projet de SDAGE, ce qui satisfait en grande partie l'amendement de Mme Nathalie Gautier.

Il a en outre rappelé que le comité de bassin, élaborant le SDAGE, comprenait déjà un collège d'usagers et de personnes compétentes incluant les associations de consommateurs et de protection de l'environnement.

La Commission a donc rejeté cet amendement, puis elle a adopté cet article sans modification.

· Article 4 (articles L. 212-2-1 et L. 212-2-2 [nouveaux] du code de l'environnement) : Programmes de mise en œuvre du SDAGE et de surveillance de l'état des eaux

La Commission a adopté cet article sans modification.

· Article 5 (article L. 212-6 du code de l'environnement) : Elaboration par l'autorité administrative du projet de schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) en cas de défaillance de la commission départementale de l'eau

La Commission a adopté cet article sans modification.

· Article 7 (articles L. 122-1, L. 123-1, L. 124-2 du code de l'urbanisme) : Mise en conformité des documents d'urbanisme

La Commission a adopté cet article sans modification.

· Article 7 bis (nouveau) (articles L. 4424-36 et L. 4424-36-1 (nouveau) du code général des collectivités territoriales) : Dispositions particulières à la collectivité territoriale de Corse

La Commission a adopté cet article sans modification.

Puis, elle a adopté l'ensemble du texte sans modification.

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