COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 61

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 21 juillet 2004
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Louis GALLOIS, président de la SNCF

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La Commission a entendu M. Louis Gallois, président de la SNCF.

Le président Patrick Ollier a remercié M. Louis Gallois de sa venue et a suggéré de passer d'emblée aux questions des commissaires.

M. François-Michel Gonnot, rapporteur pour avis sur le budget des transports, a posé des questions sur :

- les réactions que suscitent les conclusions du rapport de la MEC (Mission d'évaluation et de contrôle) présenté par M. Hervé Mariton sur la classification des relations financières entre le système ferroviaire et ses partenaires publics de la part de la SNCF ;

- la mise en place d'un service minimum et la nécessité ou non de légiférer sur ce sujet qui vient de faire l'objet d'une expertise par la commission « Mandelkern » ;

- l'évaluation pour 2004 du chiffre d'affaires voyageurs ;

- la mise en œuvre du plan fret ;

- la mise en route des grandes infrastructures ferroviaires fixées par le CIADT ;

- la teneur des relations entre la SNCF et RFF.

Mme Odile Saugues intervenant au nom du groupe socialiste a rappelé que la SNCF se trouve confrontée à la fois à des problèmes technologiques comme l'a montré la panne du système Mozaïque, et à des choix stratégiques importants. Elle a souligné que la réorganisation du fret, qui est actuellement la grande œuvre de la SNCF, posait de nombreuses questions tant au niveau des zones désertées par le fret qu'au niveau de la définition d'une véritable politique intermodale de transport en France. Elle a estimé que la suppression de nombreuses gares de fret était pénalisante pour les collectivités en termes d'aménagement du territoire et constituait une absurdité en termes d'équilibre des modes de transport et du respect de l'environnement.

Par ailleurs, a-t-elle observé, deux rapports, celui du conseiller Dieudonné Mandelkern sur le service minimum dans le service public, et celui de la Mission d'Evaluation et de Contrôle (MEC), présenté par M. Hervé Mariton, mettent le monde cheminot en effervescence. Pour ce qui concerne le rapport Mandelkern, une proposition suscite l'inquiétude justifiée des salariés : c'est celle de la déclaration individuelle de grève 48 heures à l'avance, sous peine de sanction. S'agissant du rapport de la MEC, les préconisations concernant le patrimoine des gares, l'augmentation du coût du billet afin de faire financer par l'usager les infrastructures, les constats sur l'état du réseau sont controversées ainsi que l'opposition à la création d'une autorité de régulation ferroviaire.

Mme Odile Saugues a terminé son propos en évoquant les problèmes de fonctionnement du Téoz, mis en service le 1er septembre 2003 à Clermont-Ferrand, et qui suscite beaucoup de désagréments - tels que la réservation obligatoire y compris pour les abonnés - par rapport aux avantages chichement concédés qu'il présente.

M. Jean Dionis du Séjour, intervenant au nom du groupe UDF, a souhaité savoir quelle était la vision du président de la SNCF sur l'avenir des lignes pertinentes pour l'aménagement du territoire. Il a également souhaité savoir si le durcissement des relations entre la SNCF et la région Aquitaine, illustré notamment par une multiplication de contentieux relatifs au respect des conventions les liant, était un phénomène local ou s'il s'agissait d'une tendance plus générale.

En réponse aux différents intervenants, M. Louis Gallois, président de la SNCF, a apporté les précisions suivantes :

- le rapport d'information de M. Hervé Mariton en conclusion des travaux d'une mission d'évaluation et de contrôle sur la clarification des relations financières entre le système ferroviaire et ses partenaires publics résulte d'un travail important et comprend certaines propositions intéressantes.

L'orientation générale qu'il préconise, la clarification des relations entre les différents acteurs du secteur ferroviaire, est tout à fait pertinente. Un certain manque de visibilité dans les relations de la SNCF avec les deux autres grands intervenants que sont, d'une part, l'Etat et, d'autre part, Réseau Ferré de France (RFF), constitue, en effet, l'une des principales difficultés dans la gestion de cette entreprise.

En ce qui concerne les relations avec l'Etat, une réflexion, qui sera nécessairement longue mais qui est d'ores et déjà utile, est engagée sur ce que pourrait être un contrat pluriannuel contenant des engagements réciproques.

S'agissant des relations avec RFF, l'absence de divergence stratégique entre cet établissement public et la SNCF, illustrée par la très large convergence de vues sur les projets proposés au Comité interministériel de l'aménagement et du développement du territoire (CIADT) du 18 décembre 2003, constitue un élément positif.

La responsabilité de certaines décisions qui sont de la compétence de l'Etat ne peut, en outre, être imputée à RFF. C'est le cas, par exemple, pour ce qui concerne l'augmentation du niveau des péages ou le montant de la convention de gestion liant RFF et la SNCF, le président de RFF ayant raison d'estimer que 100 à 150 millions d'euros manquent en ce qui concerne l'entretien des lignes secondaires.

Il existe, en revanche, des divergences d'appréciation entre la SNCF et RFF dans deux domaines.

Le premier concerne l'application des dispositions de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public « Réseau ferré de France » en vue du renouveau du transport ferroviaire relatives au patrimoine apporté par la SNCF à RFF. Leur imprécision a conduit à la mise en place d'une Commission nationale de répartition des actifs entre RFF et la SNCF qui a élaboré une « jurisprudence » contestée par la SNCF. M. Christian Vigouroux, conseiller d'Etat, chargé de proposer une interprétation des textes en vigueur, a rendu des conclusions reprenant pour l'essentiel les analyses de la Commission nationale de répartition des actifs.

Le ministre d'État, ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie, le ministre de l'Équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire et le secrétaire d'État aux transports et à la mer ont donné instruction aux présidents de RFF et de la SNCF de régler la question du partage d'actifs en appliquant les principes dégagés par la Commission nationale de répartition des actifs et, sous certaines réserves, les principes préconisés par M. Christian Vigouroux. La SNCF va donc le faire, bien qu'il en résulte pour elles des difficultés, notamment d'ordre comptable puisqu'en conséquence, des actifs d'une valeur de 700 à 800 millions d'euros quitteront le bilan de la SNCF pour rejoindre celui de RFF. Une discussion avec l'actionnaire à ce sujet est nécessaire.

La deuxième difficulté rencontrée dans les relations entre la SNCF et RFF résulte des frottements bureaucratiques de deux entreprises ayant 32 000 kilomètres de frontière commune. Il s'agit d'un des inconvénients de la réforme de 1997, qui n'est pas dramatique et qui doit être apprécié au vu des avancées très substantielles que celle-ci a rendu possible notamment en matière de clarification des responsabilités et de transparence sur les projets, les coûts et les modalités de gestion.

Certaines des propositions du rapport d'information de M. Hervé Mariton appellent, en revanche, des observations plus réservées.

Ainsi, s'il est exact que la dette globale du système ferroviaire s'élève à 41 milliards d'euros, la dette de la SNCF n'est que de 7 milliards d'euros, comme en atteste son bilan. Les dettes du service annexe d'amortissement de la dette, créé précisément pour désendetter la SNCF, et de RFF, créé notamment pour cela, ne peuvent être ajoutées à celle de la SNCF. Le système ferroviaire français, qui est le seul en Europe à n'avoir pas fait l'objet d'un désendettement massif, est effectivement surendetté.

En revanche, la dette de la SNCF, qui est celle dont elle a la responsabilité, a légèrement diminué depuis 1996, date à laquelle elle était de 7,5 milliards d'euros, et est aujourd'hui de 7 milliards d'euros. La préoccupation légitime de responsabilisation des acteurs commande de le reconnaître.

La responsabilité de la SNCF est d'autant moins engagée en ce qui concerne la dette de RFF que le niveau des péages qu'elle lui verse est, sauf erreur, le plus élevé d'Europe, à l'exception du Royaume-Uni que l'on ne peut comparer à la France puisque les opérateurs ferroviaires britanniques bénéficient de subventions destinées à les aider à payer les péages qu'ils acquittent. Le montant de ces péages est, en outre, croissant. La SNCF estime donc accomplir son devoir en matière de financement du système ferroviaire.

Deux autres points sur lesquels existent des divergences d'appréciation par rapport aux propositions du rapport d'information de M. Hervé Mariton concernent l'unité de la SNCF.

Il s'agit, en premier lieu, de la question de la gestion de la circulation et de la maintenance pour laquelle la SNCF estime que l'unité de gestion actuelle entre les trains et les infrastructures doit être préservée. Il n'existe, en effet, pas de réseau ferroviaire fonctionnant bien sans une telle unité de gestion, à l'exception du réseau suédois qui se caractérise par une faible densité de trafic. Le seul autre réseau fonctionnant sans une telle unité est celui du Royaume-Uni qui connaît en conséquence des difficultés. Tous les autres réseaux européens, celui des Etats-Unis et celui du Japon l'ont en revanche préservé selon des modalités variables, la France se caractérisant par la délégation par RFF à la SNCF de la gestion quotidienne des infrastructures alors que l'Allemagne, par exemple, a retenu un système de holding.

La remise en cause de ce principe constituerait un grave danger aussi bien du point de vue de l'efficacité que de la sécurité.

Il s'agit, en second lieu, de la gestion des gares. Il va de soi que celles-ci offrent un service essentiel en termes de relation clientèle, et qu'il convient donc de les rendre les plus attrayantes possibles. Si, en ce domaine, la SNCF a encore des progrès à accomplir, la stratégie qu'elle a adoptée semble plus pertinente que les alternatives évoquées par la MEC.

La SNCF mise en effet sur le développement, en forte croissance, d'espaces commerciaux dans les gares. Elle en concède la gestion soit par le truchement d'une filiale, soit en contractant directement avec un grand opérateur. Dans les deux cas, cette stratégie permet à la SNCF de garder le contrôle des services offerts aux clients dans les gares, tout en bénéficiant d'une rente concessionnaire appréciable.

Parallèlement, l'idée alternative de vendre les gares n'offrirait pas de ressources financières considérables, ou du moins pas à la hauteur des problèmes financiers du système ferroviaire. De même, l'idée de confier la gestion des espaces commerciaux à une filiale mixte RFF/SNCF suscite quelques réserves : RFF n'a ni vocation, ni capacité particulière à gérer directement la clientèle. La SNCF, à l'instar du mouvement engagé par de nombreuses compagnies aériennes vers l'appropriation des aérogares, revendique sa vocation à maîtriser seule le contact avec sa clientèle dans l'enceinte des gares.

Le président Louis Gallois a également regretté que le rapport d'information de M. Hervé Mariton n'ait pas retenu l'idée d'instituer une autorité de régulation du secteur ferroviaire. Elle présenterait deux ordres d'avantages :

- d'une part, l'existence d'une autorité de régulation constituerait une garantie de transparence et d'ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire. Cela mettrait un terme au procès récurrent fait au système ferroviaire français, réputé opaque et fermé ;

- d'autre part, une autorité de régulation indépendante pourrait gérer les relations des opérateurs ferroviaires entre eux comme avec RFF. Il faut, à ce propos, garder à l'esprit que ces relations sont de plus en plus complexes, à mesure que de nouveaux opérateurs, concurrents de la SNCF, entrent et entreront sur le marché.

S'agissant du rapport de M. Mandelkern, au sujet du service minimal, M. Louis Gallois, président de la SNCF, a indiqué que, le rapport n'étant pas encore publié à l'heure de cette audition, aucun commentaire précis n'était possible, même si ce rapport avait d'ores et déjà suscité des réactions de la part des organisations syndicales avec lesquelles il conviendra, bien entendu, d'engager un dialogue à la rentrée.

S'agissant des activités « voyageurs » et « fret », M. Louis Gallois a indiqué que le chiffre d'affaires « voyageurs » était, fin juin 2004, proche des objectifs.

Concernant le plan fret, il a estimé nécessaire de nuancer le regard quelque peu critique qui a été porté par les intervenants.

En effet, la qualité du service de fret s'améliore. Cette amélioration a été constante jusqu'à la mi-mai. Le conflit social occasionné par le changement de service intervenu à cette date a, certes, marqué une dégradation dans cette tendance, mais la fin du conflit a permis un retour progressif à la qualité de service atteinte auparavant.

Il a souligné que le « Plan Fret » constituait une rupture lourde, un tournant quasi-historique pour le fret français : la gestion des convois, auparavant confiée à des régions plus ou moins bien coordonnées, est désormais pilotée à l'échelle de zones locales et de grands axes reliant ces zones entre elles.

Cette restructuration a permis des gains de productivité sérieux, dont les principaux indicateurs sont les suivants :

- le taux de remplissage des trains a augmenté de 5 % ;

- certains types de locomotives parcourent désormais en moyenne 6 000 km par mois contre 4 000 auparavant ;

- le taux de rotation des wagons est en croissance significative.

Si le volume de trafic a connu une baisse de 3 % par rapport à l'an passé sur les 6 premiers mois, il ne faudrait pas en tirer de conclusions directes sur la compétitivité du fret SNCF : cette baisse en volume masque une légère hausse en valeur, et trois ordres d'observations concourent à l'éclairer :

- le réajustement des prix a pu dissuader certains clients, mais il s'inscrit dans une perspective de restructuration de l'activité « fret » ;

- la conjoncture économique était globalement défavorable, notamment dans trois secteurs qui sont les plus gros consommateurs de fret : l'agriculture céréalière, la chimie et la sidérurgie ;

- d'un point de vue structurel, il faut aussi voir dans cette baisse d'activité un reflet de certains éléments de délocalisation d'entreprises françaises, l'industrie étant le secteur consommateur de fret par excellence.

Ce constat n'amène donc pas à remettre en cause l'efficacité du Plan Fret, mais incite à le poursuivre. L'objectif financier est simple : il faut rattraper en trois ans un déficit global de 450 millions d'euros, ce qui signifie que la SNCF doit économiser 150 millions d'euros par an.

Pour ce faire, elle doit fermer un certain nombre de gares de fret, notamment certaines de celles qui sont spécialisées dans le transport du bois, souvent déficitaires. La SNCF n'a en effet plus de capacité de péréquation de trafic : les lignes bénéficiaires ne peuvent plus supporter le déficit des autres lignes et il faut démontrer à Bruxelles que nos comptes sont équilibrés sur le fret.

Bien entendu, cette réforme rude s'accompagne d'une démarche volontariste destinée à regagner des trafics, comme c'est le cas en Bretagne par exemple.

Le territoire français ne dégage pas de massification spontanée du trafic, à l'inverse par exemple du territoire allemand, qui concentre son fret sur une dorsale nord-sud reliant les ports du Nord (Hambourg, Brême) et la Ruhr, au sud de l'Europe. En France, les ports industriels sont plus petits et s'appuient sur des hinterlands aux industries plus dispersées. La SNCF doit donc faire en sorte de massifier son trafic de façon volontariste.

- En ce qui concerne les orientations récentes du CIADT, M. Louis Gallois a indiqué que la SNCF estimait que la création de nouvelles lignes de TGV (Est, Sud-Ouest) ne devrait pas se faire au détriment des lignes existantes.

- S'agissant de la panne informatique, pour perturbante qu'elle ait été, celle-ci n'a pas été longue : deux jours au maximum. Les problèmes de files d'attente dans les gares ont été réglés plus rapidement encore, dès le jeudi en milieu d'après-midi.

L'origine de la panne ne réside pas, contrairement à ce que l'on a lu, dans une mise à jour du système Mozaïque, mais dans le dérèglement d'un instrument de traçage.

Il ne faudrait pas perdre de vue qu'une défaillance de ce type n'aurait pas suscité un si vif émoi médiatique s'il n'était survenu au début des congés d'été. Rien donc ne porte à dramatiser cette panne.

- Les missions de service public de la SNCF doivent être précisément définies et leur financement organisé ; Si certains trafics fret en font partie, il faut déterminer sur qui doit peser la charge du financement des déficits d'autant que les capacités de péréquation de l'entreprise sont de plus en plus limitées. M. Louis Gallois a ainsi fait remarquer que, sur les liaisons interrégionales voyageurs, la SNCF perdait cent cinquante millions d'euros, et a par conséquent posé la question du financement des lignes déficitaires si elles devaient être maintenues pour des raisons d'aménagement du territoire ce que la SNCF comprend parfaitement. Eu égard au TGV, il a fait observer que la capacité de péréquation de l'entreprise s'amenuisait, notamment parce que le TGV devait financer son propre développement.

Puis, le président Patrick Ollier a interrogé M. Louis Gallois sur le dialogue social au sein de l'entreprise SNCF, et ses conséquences sur la filière du fret. A ce sujet, il a rappelé qu'en 2003, les mouvements sociaux avaient coûté 250 millions d'euros à la SNCF et que, sur les cinq premiers mois de l'année 2004, en ce qui concerne le fret, la SNCF avait perdu 12 millions d'euros du fait des grèves. Il s'est dit inquiet du poids financier de ces mouvements sociaux qui risque d'obérer la réussite du plan fret, considérant qu'il fallait cesser de penser que c'est uniquement à travers les conflits, et non la concertation, que les problèmes pouvaient être réglés.

MPhilippe Martin, évoquant la desserte de la ville de Reims, a demandé à M. Louis Gallois pourquoi les gares TGV étaient situées en centre ville, entraînant la suppression des lignes traditionnelles qui drainent les bassins de villes et contraignant les voyageurs de la périphérie à venir jusqu'au centre pour emprunter une ligne de chemin de fer.

M. Claude Gatignol a interrogé M. Louis Gallois sur le matériel de fret afin de savoir si la SNCF comptait opter pour le TGV ou le train traditionnel. En matière de fourniture d'énergie, il lui a demandé s'il considérait que l'ouverture du marché à la concurrence allait être favorable à l'entreprise. A l'échelon européen, il l'a interrogé sur les contraintes techniques ou réglementaires rencontrées par la SNCF pour le développement du fret. Enfin, il lui a demandé si l'entreprise était partie prenante à la négociation engagée entre les télécommunications, les collectivités territoriales et l'Etat pour la couverture des zones blanches, un exemple flagrant de ce problème de couverture étant la ligne Paris - Caen - Valognes - Cherbourg.

M. François Dosé, se disant solidaire de l'ensemble des questions posées par ses collègues, a souligné le problème, pour la filière du bois, de la fermeture de gares de fret. Puis, il a insisté sur le problème de l'accessibilité des gares et des rames de trains aux personnes handicapées, rappelant l'effort accompli par notre société à leur endroit.

Il a enfin demandé quel était l'état d'avancement du projet de TGV Est, et s'est interrogé sur les conditions d'indemnisation des dégâts provoqués à l'occasion du chantier.

M. Yves Coussain a souhaité connaître le devenir, s'agissant du fret, des différents engagements pris, notamment par l'ancien ministre chargé des transports, M. Gayssot, en faveur du développement de la ligne Paris - Béziers, qui passe par Clermont-Ferrand et Saint-Flour, et la place qui est accordée à cette ligne dans le plan de développement de la SNCF.

M. Michel Roumegoux a demandé des informations sur l'état d'avancement du projet de ligne Paris - Orléans - Limoges - Toulouse, sur l'évolution des effectifs de la SNCF dans la perspective de la recherche de gains de productivité, sur la part que l'introduction effective de la concurrence pourrait prendre à la revitalisation de l'activité de transport du fret, et sur les conditions de la vente des terrains que la SNCF détient souvent aux alentours des gares. Il a par ailleurs estimé que l'objectif de la modernisation des gares ne devait pas faire oublier que leur maintien comme point d'accès au réseau SNCF restait la préoccupation principale pour de nombreuses villes.

M. Jean Launay a fait part de trois inquiétudes : la première relative aux difficultés alléguées par certains industriels pour retrouver des interlocuteurs commerciaux dans le cadre du nouveau dispositif d'organisation du fret ; la deuxième concernant la desserte, dans le cadre de ce nouveau dispositif ; la troisième relative au désengagement de la SNCF du transport des traverses en bois, qui s'effectue désormais par voie routière.

M. Jean-Pierre Grand a souhaité recueillir l'avis de M. Gallois sur la viabilité du projet de ligne Béziers - Neussargues, soutenu par les autorités régionales de la précédente mandature, mais dont l'intérêt économique semble, au vu du nombre des passagers potentiels, incertain.

M. Robert Lecou a appuyé la question de M. Jean-Pierre Grand, en s'interrogeant sur la réalité des perspectives de développement sur cette ligne, puis a soulevé le problème de la remise en cause de l'atout particulier du train pour ce qui concerne l'utilisation professionnelle du temps de trajet par la mauvaise couverture des lignes en téléphonie mobile. Il a souligné enfin l'importance de trouver un compromis entre l'exercice du droit de grève et la nécessité économique du respect de la clientèle dans le cadre d'un service minimum.

M. Jean-Paul Chanteguet a souhaité savoir à quel stade en était le projet de ligne Poitiers - Limoges, et s'est inquiété de l'annonce de la fermeture des bureaux de la SNCF dans les communes de Le Blanc et La Châtre.

M. Jean-Pierre Nicolas s'est interrogé sur l'impact du nouveau dispositif de gestion du trafic de fret pour les courtes distances, en prenant l'exemple de la desserte des céréaliers, qui pourraient être contraints, en l'absence de solutions ferroviaires, de se tourner vers le transport maritime, ce qui induirait une augmentation de la production de gaz à effet de serre.

M. Jean Proriol s'est inquiété d'une réorganisation du trafic de fret qui ferait l'impasse sur certaines zones industrielles. Il a souhaité que M. Gallois fasse un point sur le devenir du ferroutage. Il a souligné l'inconvénient, en termes d'encombrement routier, de la coupure pour travaux de la ligne Firminy - Saint-Étienne - Lyon. Il a enfin rappelé son scepticisme de longue date quant à la réalisation de la ligne Clermont - Béziers.

M. François-Michel Gonnot a demandé les données disponibles sur l'évolution des effectifs à la SNCF en 2004 et 2005.

M. Jean Dionis du Séjour a observé que la vente en ligne des billets de train, sur Internet, fonctionnait désormais à la satisfaction générale s'agissant de la commande, mais que la livraison postale restait encore à améliorer.

En réponse aux différents intervenants, M. Louis Gallois, président de la SNCF, a apporté les précisions suivantes :

- s'agissant du dialogue social pour les activités de fret de la SNCF, il convient de rappeler que les conflits survenus l'an dernier avaient un caractère exceptionnel, lié à la réforme des retraites, et que l'année 2004 a été plus calme. Il n'est pas surprenant que, dans une entreprise aussi importante que la SNCF, la mise en œuvre d'une réforme profonde des activités de fret ait suscité des débats, se traduisant parfois par des conflits locaux, lesquels n'ont pas dégénéré - bien qu'ils aient profondément perturbé le trafic ferroviaire - et étaient le fait d'un nombre limité de grévistes ;

- la ville de Reims sera grandement avantagée par la future desserte du TGV Est, qui la placera vis-à-vis de Paris dans une situation analogue à celle du Mans et augmentera considérablement le trafic. L'existence de deux gares à Reims résulte de décisions et d'exigences antérieures, la construction d'une gare en périphérie à Bezanne, accueillant les TGV ne desservant pas Paris, ayant été décidée il y a une dizaine d'années, tandis que le passage en centre ville des TGV à destination de Paris avait été maintes fois demandé. Des évolutions restent toutefois possibles et le passage à Bezanne de TGV à destination de Paris, n'est pas exclu dans une phase ultérieure. Dans un premier temps, les voyageurs souhaitant rejoindre Paris sans entrer dans la ville de Reims pourraient prendre un train à destination de Marne-la-Vallée, puis rejoindre Paris en RER. Il convient enfin de rappeler que le nombre de voyages en TGV pour des destinations non parisiennes connaît une croissance de 15 à 20 % par an, ce qui est considérable ;

- la nécessité d'un renouvellement massif du matériel utilisé pour le fret ferroviaire résulte largement de l'absence d'investissement au cours des 25 dernières années. La SNCF a ainsi commandé 400 locomotives diesel en mars 2004, ce qui n'avait pas été fait depuis 1973, ainsi que des locomotives de manœuvre suite au conseil d'administration de juillet 2004, ce qui n'avait pas été fait depuis également des décennies ;

- la Poste, avec laquelle des discussions sont en cours, souhaiterait disposer de davantage de TGV pour l'acheminement rapide du courrier mais la SNCF ne peut actuellement satisfaire la totalité de cette demande en raison des exigences liées à l'entretien des voies, à la rénovation de la ligne Paris-Lyon et à la réduction des nuisances sonores. Certains trains de nuit consacrés au fret atteignent actuellement une vitesse de 200 kilomètres par heure sur les lignes nouvelles, mais une vitesse de 80 kilomètres par heure est souvent suffisante. La mesure la plus pertinente sur le plan de la productivité consisterait à mettre en œuvre progressivement un allongement des rames en circulation, la longueur des trains passant de 750 à 1 500 mètres, avec une locomotive intermédiaire télécommandée, même si les garages actuels ne peuvent accueillir que des trains longs de 750 mètres ;

- le ferroutage n'est pas abandonné, même si l'expérience menée entre Saint-Jean-de-Maurienne et Turin reste trop limitée pour être économiquement équilibrée et ne remporte pas un succès commercial suffisant. Cette initiative est néanmoins instructive car elle montre que le ferroutage doit être organisé et géré en liaison avec les routiers. L'avantage du système actuel (Modallor) est de permettre l'absence du chauffeur à bord du train - ceux-ci n'étant de toute façon pas rémunérés en temps de conduite pour la période passée dans le train - et la déconnexion du tracteur, seule la remorque devant être transportée ;

- l'augmentation en 2004 de 49 % des tarifs pratiqués par Electricité de France (EDF) a conduit à une dépense supplémentaire de 100 millions d'euros, tandis que 20 millions d'euros sont dus en 2004 par la SNCF au titre de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) dont le mécanisme est particulièrement désavantageux pour la SNCF, considérée comme une fédération de PME réparties sur 516 sites, ce qui ne lui permet pas de bénéficier du plafonnement par site et explique que la SNCF, 4ème client d'EDF, paie 37 millions d'euros tandis qu'Eurodif, 1er client d'EDF mais sur un seul site, ne paie que 500 000 euros.

- s'agissant du fret européen, la SNCF mène actuellement des négociations, qu'elle espère voir aboutir avant la fin de l'année 2004, avec plusieurs pays européens voisins tels que la Belgique, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, afin de nouer des partenariats forts, débouchant sur des moyens propres en matériel comme en personnels ;

- la SNCF est naturellement très favorable à l'achèvement de la couverture en téléphonie mobile de l'ensemble des zones traversées par ses lignes TGV, mais se refuse à contribuer financièrement à la réalisation des infrastructures requises, qui relève des trois grands opérateurs de téléphonie mobile. Ceux-ci ont supprimé l'ensemble des « zones blanches » pour les autoroutes mais n'ont pas fait de même pour les lignes TGV, dont la couverture n'a pas été jugée suffisamment rentable. Il convient d'espérer que la pression exercée par les pouvoirs publics permettra de faire évoluer l'attitude de ces entreprises. La SNCF se heurte en revanche à des problèmes techniques pour assurer des liaisons Internet dans les trains roulant à une vitesse de 300 kilomètres par heure ;

- il convient de rappeler que la filière bois, qui a longtemps bénéficié de tarifs particulièrement avantageux du fait de l'absence de concurrence, n'utilise la SNCF que comme variable d'ajustement, pour 6 % de son trafic, 94 % du transport de bois étant effectué par la route. Il est vrai que la SNCF a été contrainte de réévaluer des prix trop bas et de répercuter les hausses tarifaires d'EDF et l'augmentation du prix des péages pour le fret, ce qui l'a conduit à augmenter ses tarifs en moyenne de 5 % ; le chiffre est, il est vrai, plus élevé pour la filière bois. La SNCF est par ailleurs obligée d'adapter son réseau à une recherche de compétitivité, qui l'amène par exemple à supprimer l'une de ses quatre gares bois en Dordogne pour mieux organiser les trois autres. Une concertation est engagée avec les entreprises de la filière bois pour prendre en compte ces impératifs et pour faciliter une restructuration et une massification du transport du bois ;

- l'accès des personnes handicapées aux gares et aux trains est effectivement insuffisant, cette démarche supposant des investissements matériels très coûteux, pour réaliser par exemple des ascenseurs et mettre à niveau les quais d'embarquement. La SNCF réalise actuellement ces investissements et, à l'exception d'incidents exceptionnels, ses personnels s'efforcent de bien accueillir les personnes handicapées avec les moyens à leur disposition. L'entreprise mène un important travail sur les attitudes de service de ses personnels, qui souhaitent aider les personnes handicapées dans les meilleures conditions possibles. La mise en fourgon de personnes handicapées, lorsqu'elle s'est produite, s'expliquait par l'insistance de personnes handicapées à monter dans une rame en fauteuil roulant alors que les portes des wagons classiques ne présentaient pas une largeur suffisante et qu'aucun infirmier n'était présent pour déplacer les personnes ;

- la réalisation de la ligne TGV Est est conforme au calendrier prévu. Lorsque des dégâts surviennent à l'occasion des travaux, ce qui n'est pas surprenant compte tenu de la taille du chantier, il convient de les signaler et de tenter de les limiter ; ceci relève de la responsabilité de Réseau ferré de France (RFF) ;

- les trains pendulaires, plus rapides que le Téoz, pourront être utilisés sur la ligne Paris - Orléans - Limoges - Toulouse lorsque la mise aux normes de celle-ci sera effectuée, la vitesse de circulation des rames dépendant de la qualité des infrastructures ;

- la SNCF devrait réduire de 3 500 à 4 000 personnes ses effectifs en 2004 et, pour 2005, mène une réflexion tout en s'abstenant de faire des annonces prématurées. Il convient de rappeler que la mise en œuvre de la législation fixant à 35 heures la durée hebdomadaire du travail a conduit la SNCF à embaucher 7 000 à 8 000 personnes, conduisant à stopper à partir de 1999 la progression de la productivité. La SNCF remplace actuellement moins d'un cheminot partant en retraite sur deux, et juge normal de supprimer des postes d'agents dans les gares où la quantité de travail à effectuer ne justifie plus les mêmes effectifs - même si dans de telles circonstances les risques de désertification territoriale sont souvent dénoncés. L'objectif de l'entreprise n'est évidemment pas la réduction d'emploi mais l'augmentation de la productivité et de la compétitivité ;

- la ligne entre Paris et Béziers permet aujourd'hui de faire circuler du trafic voyageurs, notamment TER ou de faire circuler certains trains de fret pour desservir Saint-Chély et d'Apcher. Des investissements pourraient accroître son potentiel. Celui-ci restera cependant limité en raison du profil de la voie. Elle ne permettra pas, en tout état de cause, de remédier à la saturation de la vallée du Rhône ;

- bien que le secteur du fret soit ouvert à la concurrence depuis le 15 mars 2003, l'entrée de nouveaux acteurs ne sera pas réalisée avant la fin de cette année ou le début de l'année prochaine. La SNCF ne maintient pourtant aucun obstacle à l'entrée de nouveaux concurrents, les pratiques commerciales de l'entreprise publique sont d'ailleurs rigoureusement contrôlées par la Commission européenne ;

- la SNCF doit aujourd'hui procéder à la vente de nombreux biens fonciers, mais elle ne pourra le faire qu'aux conditions du marché ;

- la SNCF a été amenée à procéder au transport des traverses en bois par camion, dans la mesure où leur transport par train l'amenait à faire rouler des trains remplis à 25 % ;

- tout en reconnaissant que le droit de grève doit être concilié avec le service public, la direction de la SNCF attend la parution du rapport de la commission présidée par M. Dieudonné Mandelkern consacré à ce sujet avant d'envisager toute mesure ;

- l'édification d'une ligne rapide entre Poitiers et Limoge a fait l'objet d'une étude préliminaire de la part de RFF, mais conformément aux décisions du dernier CIADT, de nombreux projets doivent être traités en priorité ;

- compte tenu du coût très important de l'exploitation de lignes de fret à courte distance, il est nécessaire que le besoin soit suffisamment important et planifié pour rendre une exploitation commerciale rentable, ce qui est, par exemple, le cas entre le port de Rouen et l'arrière-pays de cette ville. Il est indispensable que les professions intéressées s'organisent pour pouvoir prévenir la SNCF suffisamment à l'avance de leurs besoins, faute de quoi la SNCF prévoit des trains qui ne seront pas utilisés, comme c'est le cas actuellement s'agissant de la campagne céréalière ;

- s'agissant des interruptions de trafic entre Firminy et Lyon, la SNCF doit se contenter de préciser qu'elle ne peut faire circuler des trains lorsque des travaux sont en cours, comme c'est actuellement le cas sur la ligne C du RER parisien entre Austerlitz et Champ de Mars ;

- la transmission postale des billets est passée de 300 billets par jour en 1996 à près de 14 000 billets par jour en 2004, sachant par ailleurs qu'il y a eu une augmentation annuelle de 50 %. Les défauts de livraison, qui s'élèvent globalement à 0,7 %, sont imputables à hauteur de 0,4 % à la SNCF et à hauteur de 0,3 % à la Poste : la SNCF travaille quotidiennement à l'amélioration de ces chiffres.

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