COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 11

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 3 novembre 2004
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Patrick Ollier,
Président de la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,

de M. Jean-Michel Dubernard,

Président de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales,

et de M. Pascal Clément,

Président de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

SOMMAIRE

 

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- Audition commune avec la Commission des affaires culturelles et la Commission des lois de M. Gilles DE ROBIEN, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur le service minimum garanti



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La Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales et la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République ont, au cours d'une réunion conjointe, entendu M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, sur le service minimum garanti.

M. Patrick Ollier, Président de la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, a tout d'abord tenu à remercier M. Gilles de Robien, Ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer d'avoir accepté son invitation à s'exprimer sur la question de la prévention des conflits et de la continuité du service public dans les transports. Il s'est félicité de ce que la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République et la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales participent à cette audition, qui intéresse leur champ de compétence respectif, s'agissant tout à la fois d'un sujet présentant une forte dimension juridique et constitutionnelle et comportant des implications fortes sur le plan social ; il a remercié les Présidents Pascal Clément et Jean-Michel Dubernard de s'être associés à cette initiative.

Rappelant l'engagement pris par M. Gilles de Robien, le 9 décembre 2003, devant les parlementaires de parvenir dans les neuf mois à une solution satisfaisante sur la question du service minimum garanti dans les transports, il a noté que la voie du dialogue social avait été privilégiée avec l'assentiment de la majorité, et qu'il ne voyait pas d'objection à ce que, dans la mesure où le droit n'imposait pas le recours à la loi, la négociation collective puisse être préférée à la voie législative si elle s'avérait plus efficace.

Saluant l'accord relatif à la prévention des conflits et à l'amélioration du dialogue social signé à la SNCF, il a souligné l'évolution culturelle dont cet accord témoignait et a estimé que le travail mené par M. Louis Gallois, président-directeur général de la SNCF, et par M. Gilles de Robien y avait largement contribué.

Il a ensuite demandé comment la démarche initiée à la SNCF pourrait être étendue à l'ensemble du secteur du transport public, et s'il serait possible de passer de la gestion négociée de la prévisibilité des conflits à des dispositions permettant d'organiser effectivement une continuité du service.

Estimant que les conséquences de l'accord signé à la SNCF devaient faire l'objet d'une démarche d'évaluation qui impliquait une période d'observation, il a néanmoins rappelé que le Parlement conservait toute liberté d'intervenir si cela se révélait nécessaire.

M. Pascal Clément, président de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, après avoir félicité le président Patrick Ollier d'avoir pris l'initiative de cette audition élargie à trois commissions, a estimé que l'accord récent obtenu à la SNCF sur la prévention des conflits sociaux pouvait être considéré à certains égards comme un piège, car s'il marquait une avancée, la moitié du chemin restait à parcourir. Il a en effet constaté que, s'il conduisait à la mise en place inédite d'un dispositif où le dialogue social précédait la grève, alors que jusque là la grève précédait le dialogue social, l'accord ne concernait toutefois pas l'instauration souhaitée par les Français d'un mécanisme garantissant un service minimum. Rappelant que l'hypothèse d'une intervention du législateur, ainsi que la réflexion produite par le rapport Mandelkern, avaient contribué de façon déterminante à la bonne fin de la négociation, il a regretté que celle-ci se fût arrêtée au milieu du gué, l'alerte sociale ne pouvant servir de substitut au service minimum, et a constaté que cette situation était d'autant plus insatisfaisante qu'il semblait que toute tentative pour aller au-delà de ce point risquait manifestement de remettre en cause tout l'acquis de la négociation.

Il a observé que l'accord à la SNCF laissait ouvert le dossier de la continuité des services de transport dans les régions et les grandes villes, les départements pouvant être aussi concernés avec les transports scolaires, et que seule la loi serait à même d'apporter une solution pour ces situations locales.

Il a enfin noté que l'accord traduisait certes une évolution dans la culture des relations sociales en France, mais qu'il faudrait encore de nombreuses années pour que cette évolution parvînt à son terme, et qu'on pouvait craindre que les Français n'eussent pas la patience nécessaire.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a rappelé que la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales était très attachée au dialogue social, et qu'elle se félicitait donc de l'accord conclu le 28 octobre à la SNCF, accord qu'il fallait resituer dans le sillage de résultats similaires déjà obtenus antérieurement à la RATP. Il a observé que cet accord avait recueilli un large soutien syndical, y compris de la part de la CGT, ce qui illustrait une évolution de l'attitude des syndicats majoritaires vis-à-vis de leur responsabilité, qu'on pouvait mettre au crédit de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. Il a estimé que la réforme du dialogue social portait ainsi très vite ses fruits.

Il a observé également qu'en ce qui concerne la prévention des conflits durs, l'accord à la SNCF s'inspirait du dispositif institué, pour la négociation par anticipation des procédures relatives aux restructurations et aux plans sociaux, par la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, dont l'application sur le terrain rencontrait par ailleurs un franc succès, puisqu'elle avait conduit à la signature de 180 accords.

Constatant qu'en ce qui concernait la continuité du service de transport, l'accord obtenu à la SNCF prévoyait l'élaboration d'un plan de transport pour les périodes de conflit, plan soumis à l'avis des syndicats, il s'est interrogé sur le caractère opérationnel d'un tel dispositif. Il s'est également demandé si des dispositions législatives ne seraient pas, en tout état de cause, nécessaires pour encadrer la négociation des méthodes de prévention des conflits et la fourniture d'un service minimum. Il a souhaité connaître l'état du dossier de la continuité du service des transports publics dans les pays européens, et les parts respectives de la loi et de la négociation dans les dispositifs qui y étaient mis en place. Il a enfin sollicité l'avis du ministre sur l'éventualité d'une solution au niveau communautaire, conciliant la reconnaissance des services d'intérêt général et les droits sociaux fondamentaux (que le traité établissant une constitution pour l'Europe a confirmés), avec le principe fondamental de libre circulation des personnes et des biens qui prévalait sur le marché intérieur.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, s'est tout d'abord dit heureux et honoré de pouvoir s'exprimer sur la continuité du service public devant la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, élargie aux membres de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales et de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Rappelant l'importance que revêt ce sujet aux yeux des Français, il a évoqué l'engagement pris le 9 décembre 2003 d'aboutir sur ce dossier, et a indiqué que sa démarche avait débuté en septembre 2003 avec une série de visites d'études dans cinq pays d'Europe.

Il a précisé que dix syndicats, sur les quinze représentés à la SNCF et à la RATP, avaient participé à ces visites, qui avaient permis de rencontrer les organisations syndicales des entreprises de transport, les directions de ces entreprises et les autorités publiques de tutelle.

Il en a dressé le bilan suivant :

- dans les pays du Nord, le droit de grève est particulièrement réglementé, et la qualité du dialogue et les dispositifs de prévention rendent les conflits relativement exceptionnels. Cependant, lorsque ces conflits se déclenchent, ils sont parfois durs et peuvent amener à des situations de blocage paralysant l'économie du pays ;

- dans les pays du Sud, la loi a fixé le principe d'un service minimum dans les transports avec deux variantes : soit un système de régulation « à chaud », avec une administration fixant le service qui doit être assuré en cas d'échec de la prévention, soit comme en Italie un service garanti que le législateur a fixé «à froid », avec ensuite des accords contractuels validés par une autorité indépendante.

Evoquant les récentes grèves en Italie mais aussi en Autriche et en Belgique, il a estimé qu'il n'existait pas de système modèle que nous pourrions copier tel quel, du fait de la singularité irréductible de notre histoire sociale, de l'organisation de notre système de transports, des attentes de nos citoyens, et de la spécificité de nos organisations syndicales ; il a indiqué que tous ces paramètres sont à prendre en compte pour constituer un système à la française, équilibré entre la prévention des conflits et la continuité du service public.

Il a ensuite rappelé les deux axes de la démarche qu'il avait suivie au terme de ces visites d'études, c'est-à-dire la prévention des conflits et la continuité du service public en période de conflits.

En ce qui concerne la prévention des conflits, il a indiqué avoir réuni dès le 18 mars 2004 les présidents des entreprises en charge d'un service public de transport terrestre régulier de voyageurs, notamment la présidente de la RATP - Mme Anne-Marie Idrac - et le président de la SNCF - M. Louis Gallois - de même que le président de l'UTP (l'Union des Transports Publics) ainsi que ceux des trois grandes entreprises de transport urbain (Keolis, Connex, Transdev).

Rappelant la présence à cette réunion des autorités organisatrices, le Groupement des autorités responsables de transport (GART) et des représentants des usagers, il a indiqué avoir demandé aux parties d'engager rapidement des discussions en vue de conclure sous 6 mois des accords collectifs de prévention des conflits du travail inspirés de l'alarme sociale de la RATP.

En ce qui concerne le deuxième axe de travail, la continuité du service public, il a rappelé son intervention du 9 décembre 2003 par laquelle il avait fait part de sa « totale conviction qu'avant toute décision, un travail de fond juridique, social et technique, (devait) être préalablement accompli par un petit groupe d'experts... » devant rendre ses conclusions définitives au plus tard au cours de l'été 2004.

Evoquant la commission sur la continuité du service public dans les transports de voyageurs, placée sous la présidence de M. Dieudonné Mandelkern et composée de neuf personnalités indépendantes, il a rappelé que sa mission était double:

- examiner les conditions juridiques de mise en place de la continuité du service public dans le secteur des transports en période de crise,

- étudier les modalités techniques les plus pertinentes pour assurer cette continuité dans chaque mode de transport, en maintenant un haut niveau de sécurité pour le personnel et les usagers.

Il a indiqué qu'après quatre mois d'auditions et de rencontres avec l'ensemble des partenaires sociaux du secteur (confédérations syndicales et principales entreprises) et des représentants des voyageurs, la Commission lui avait remis son rapport le 21juillet. Il a insisté sur le fait que ses préconisations n'engageaient pas le Gouvernement.

Il a évoqué les outils proposés par la commission afin de concilier trois principes fondamentaux (le droit de grève, la continuité du service public, mais aussi la libre administration des collectivités territoriales) :

- en premier lieu, les dispositifs d'amélioration de la prévention des conflits, grâce au renforcement du dialogue social et à l'allongement du délai de préavis à 10 jours ;

- ensuite, si la grève n'a pu être évitée, la prévision de ses conséquences afin que les entreprises puissent concevoir et assurer le meilleur service possible pour les usagers ; ceci inclut notamment la très contestée « déclaration individuelle de grève », la définition de « priorités de service » par les entreprises, et la garantie aux usagers d'un « droit d'information préalable et gratuite » sur le service qui sera assuré en cas de grève ;

- en troisième lieu, la Commission a esquissé les grandes lignes d'une garantie de service ;

- enfin, elle a souligné l'intérêt d'une Autorité administrative indépendante, dotée de pouvoirs lui permettant d'assurer un rôle de garant de la bonne application de l'ensemble des mesures qui seront adoptées.

M. Gilles de Robien a précisé que la commission s'était dite « convaincue qu'un engagement collectif et contractuel autour de ces mesures peut conduire à une amélioration significative de la continuité du service.».

Evoquant la concertation menée au mois de septembre, aux côtés de François Goulard, Secrétaire d'Etat aux transports, avec les organisations syndicales, les associations d'usagers, les autorités organisatrices, les dirigeants d'entreprises et des parlementaires, il a précisé les positions exprimées par chacun au cours des discussions, et a notamment fait part du consensus existant à l'égard du renforcement des dispositifs de prévention des conflits et d'information des usagers, ainsi que de l'hostilité unanime à la mesure consistant à demander aux salariés de se déclarer grévistes ou non 48 heures avant le début du conflit. Il a ajouté que la même hostilité s'exprimait à l'encontre de la définition par les autorités organisatrices, sur habilitation législative, de besoins essentiels devant être satisfaits en temps de grève éventuellement par voie de réquisition. Il a précisé en revanche que la définition d'un service prioritaire réalisable en temps de grève par les autorités organisatrices, grâce à une affectation optimale des agents non grévistes, était beaucoup plus consensuelle, ainsi que la création d'une autorité indépendante, dès lors qu'elle serait en mesure de faciliter le dialogue social. Il a souligné la vive opposition de l'ensemble des organisations syndicales, y compris les plus modérées d'entre elles, à un passage en force comprenant le recours à une loi limitant le droit de grève, en dépit d'une ouverture perceptible s'agissant d'une loi « de liberté » couronnant les accords contractés.

En ce qui concerne les trois associations d'usagers reçues (la Fédération Nationale des Associations d'Usagers des Transports, l'Union Nationale des Associations Familiales, la Fédération des Usagers des Transports), il a indiqué qu'elles restaient sur une ligne modérée, et avaient toutes exprimé leur soutien à la démarche engagée, mais qu'elles s'étaient déclarées hostiles au recours à une loi limitant le droit de grève, soit parce qu'elles craignaient des réactions sociales très dures pénalisant les usagers, soit parce qu'elles considéraient que le recours à l'accord d'entreprise était la meilleure méthode.

S'agissant des entreprises de transport, il a regretté que l'Union des transports publics (UTP) ne se soit pas, pour l'heure, engagée dans la concertation au sujet de la prévention des conflits, précisant que les présidents de la SNCF et de la RATP considéraient que la voie de l'accord négocié était certainement la meilleure.

Enfin, concernant les autorités organisatrices, il a précisé que l'Association des départements de France avait refusé de venir débattre du sujet, que l'Association des maires de France avait manifesté son hostilité au recours à une loi réglementant et limitant le droit de grève mais s'était montrée favorable à des dispositions législatives encourageant les accords d'entreprises dans ce domaine. Il a également évoqué le refus du président de l'Association des Régions de France de prendre toute position officielle et son hostilité à des mesures limitant le droit de grève dans les transports. Enfin, il a précisé que le président du GART s'était déclaré favorable à la définition, par les autorités organisatrices, des besoins essentiels en matière de transports publics.

Par ailleurs, M. Gilles de Robien a évoqué des enquêtes qualitatives et quantitatives menées auprès des Français, indiquant que 15 % d'entre eux semblaient totalement hostiles à toute réglementation sur ce sujet, que 15 % voulaient à tout prix régler le problème par la loi, et que 70 % souhaitaient résoudre le problème par une démarche contractuelle et équilibrée. Il a également dit avoir noté l'extrême attention de la population à toutes les mesures qui peuvent être prises en matière d'information et d'organisation en période de conflit.

Evoquant les premiers résultats obtenus dans le cadre de ces démarches et saluant l'avancée réelle que constituait l'accord obtenu à la SNCF, accord majoritaire s'ajoutant au dispositif déjà en vigueur à la RATP, il a estimé que la signature de l'accord par la CGT constituait certes un signe très clair d'ouverture de la centrale, mais que cette évolution n'était évidemment pas uniquement endogène, l'évolution du contexte extérieur que le Gouvernement avait réussi à instaurer y ayant contribué.

Soulignant son attachement à toute avancée du dialogue social, il a indiqué ne pas pouvoir affirmer à ce stade si la loi serait indispensable ou non, même si, en toute hypothèse, elle renverrait nécessairement à des accords portant sur trois étapes clés : la prévention, la prévisibilité, et la continuité des services publics en temps de grève.

Il a tenu à exprimer sa détermination à améliorer la situation des usagers en défendant le service public et en respectant le droit de grève, et donc à poursuivre les négociations, dans les semaines à venir.

Il a évoqué certains signaux positifs :

- à la RATP, la présidente Mme Anne-Marie Idrac, en présentant vendredi 29 octobre à son conseil d'administration ses orientations pour sa nouvelle mandature, a inscrit dans ses priorités d'actions « le dialogue social et le management décentralisé pour garantir la continuité du service ». Cela doit conduire : d'abord à renforcer l'alarme sociale pour réduire la conflictualité ; ensuite, lorsque malgré tout, des perturbations sont inévitables, à mettre en place des dispositifs de prévisibilité et de continuité à la hauteur des espérances de l'ensemble des usagers. L'objectif est de fournir aux voyageurs 24 heures à l'avance, une information sur le niveau de perturbation, ainsi qu'une information en temps réel et gratuite sur l'état précis et détaillé du trafic par tous les moyens modernes de communication. La RATP fera avant la fin de l'année des propositions sur la garantie d'un niveau de service en période de conflit ;

- à la SNCF, une nouvelle phase de négociation doit s'engager à présent sur la question de la prévisibilité, parallèlement à la mise en place, au sein de l'ensemble des établissements, du dispositif sur la prévention signé la semaine passée ;

- s'agissant des transports terrestres de voyageurs, toutes les fédérations syndicales ont affirmé, par voie de communiqués, la semaine passée, leur disponibilité pour améliorer le dialogue social et régler les conflits. Un projet d'accord de branche sur la prévention des conflits sera présenté par l'UTP aux organisations syndicales le 7 décembre prochain.

M. Gilles de Robien s'est ensuite engagé sur les avancées à obtenir selon le calendrier suivant :

- pour la prévention : un accord de branche sera présenté par I'UTP le 7 décembre prochain et discuté avec les organisations syndicales. Ce secteur des transports en région est vaste puisqu'il concerne 170 entreprises. Compte tenu de la variété des réseaux dans ce secteur, les discussions dureront plusieurs mois ;

- pour la prévisibilité et l'information des voyageurs dans les périodes de conflit: la RATP s'est engagée à entamer avant la fin de l'année des discussions poussées sur ce point. Un nouveau tour de négociation devra également débuter à la SNCF dès le premier trimestre 2005 ;

- pour la continuité du service en temps de grève : les discussions entre les autorités organisatrices et les entreprises doivent s'engager dés novembre. Il s'agit en effet pour les autorités organisatrices, de définir les priorités du trafic à assurer en temps de grève, qu'il s'agisse de liaisons ou d'horaires (aux heures de pointe par exemple), et pour les entreprises, de satisfaire cette priorité à partir d'une utilisation optimale des personnels non grévistes. De plus, la RATP fera avant la fin de l'année des propositions sur la garantie d'un niveau de service en période de conflit que l'entreprise pourra annoncer aux usagers.

Enfin, il a annoncé la mise en place d'une autorité indépendante à la fin du premier trimestre 2005, cette autorité devant assurer un rôle de garant de la bonne application des accords et des engagements de chacun, ainsi qu'une mission d'observation des pratiques et de leurs résultats.

Il a indiqué qu'il recevrait avant la fin du mois la présidente de la RATP, le président de la SNCF, le président de I'UTP et les représentants des autorités organisatrices pour leur faire part de ce calendrier.

Enfin, il a estimé que la méthode qui a très bien réussi jusqu'à maintenant devait impérativement être conservée, d'autant qu'une très grande majorité de Français étaient en faveur de la mise en place d'une continuité du service public par la voie contractuelle, la loi ne devant venir qu'en cas d'échec de ces accords.

M. Patrick Ollier, président de la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, a remercié le ministre pour son compte-rendu détaillé des négociations menées avec la SNCF et la détermination qu'il avait montrée à régler le problème sans nécessairement recourir à la loi. Il a souligné que le but à atteindre comptait plus que les moyens employés pour l'atteindre. Il a relevé que le processus en cours avait d'ailleurs permis de créer un climat de confiance évident, tout à l'honneur du ministre, facilitant la négociation pour parvenir au but : assurer la prévisibilité des conflits et la continuité des services publics. Il a rappelé que 170 entreprises étaient encore concernées par le processus de discussion dans la deuxième phase qui s'annonçait. Arguant de ce climat de confiance restaurée et du calendrier indiqué par le ministre, M. Patrick Ollier a proposé un délai d'expérimentation de six mois durant lequel les parlementaires resteraient sur leur réserve. Il a cependant ajouté que cette démarche d'expérimentation n'empêcherait pas le Parlement de garder évidemment la liberté d'intervenir à tout moment si la situation l'imposait, qu'il n'hésiterait pas alors à prendre ses responsabilités, sachant que son intervention signerait malheureusement l'échec du dialogue social. Il a conclu en marquant sa préférence pour un dialogue constructif et une sortie par le haut sur cette question.

Le ministre de l'équipement et des transports a indiqué qu'il souscrivait à la démarche proposée par le président de la commission préférant lui aussi le contrat et l'expérimentation à la contrainte. Il a précisé qu'une loi n'était pas nécessaire pour créer une autorité chargée de réguler les conflits, à moins, évidemment, de doter celle-ci de moyens coercitifs ce qui, à l'heure actuelle, n'apparaissait pas nécessaire. Il a toutefois estimé que le calendrier proposé, prévoyant un semestre entier avant tout nouveau rendez-vous, constituait un délai trop long et jugé plus opportun de prévoir une réunion d'étape au cours de la dernière quinzaine du mois de mars ou de la première du mois d'avril.

M. François-Michel Gonnot a demandé quel avait été le nombre de jours de grève à la SNCF et à la RATP en 2002 et en 2003 et leur incidence afin d'évaluer les effets d'un mode de règlement amiable des conflits.

Il a souhaité savoir s'il avait été clairement précisé au cours des négociations que le non-paiement des jours de grève serait désormais strictement appliqué. Il a enfin observé que les dispositifs de prévention des conflits mis en place par la SNCF et par la RATP, s'ils pouvaient permettre de régler les conflits internes à l'entreprise, étaient en revanche inadaptés pour répondre aux conflits de nature interprofessionnelle qui se révélaient particulièrement durs comme l'avaient montré récemment les grèves liées aux projets de réforme des retraites et de l'assurance maladie, lesquelles avaient mobilisé beaucoup de personnel dans ces entreprises alors même que celui-ci n'était pas concerné. Il a demandé quelles solutions pouvaient être proposées afin, au minimum, d'organiser la prévisibilité des conflits et, au mieux, de permettre la mise en place d'un service garanti dans le cas de conflits ayant des causes extérieures à l'entreprise.

Mme Anne-Marie Comparini a souligné que, dans le cadre de l'expérimentation à venir, il serait opportun de consulter et de mobiliser les représentants des collectivités locales, également susceptibles d'être confrontées aux difficultés occasionnées par les grèves. Elle a salué la mise en place d'un dispositif d'alerte et de prévention des conflits à la SNCF tout en soulignant la nécessaire garantie d'une continuité du service public. Elle a estimé nécessaire qu'en cas de conflit, la préservation d'un service minimum sur les liaisons nationales ne se fasse pas au détriment de celles assurées sur le plan local.

Mme Odile Saugues a déclaré approuver la démarche de recherche du consensus initiée par le ministre et ce d'autant plus qu'elle intervenait dans un climat dominé par la surenchère. Elle a jugé l'accord signé au sein de la SNCF remarquable à plusieurs titres : d'une part parce que 80 % des syndicats y adhéraient et sur ce point, elle a estimé qu'il fallait féliciter la direction et les partenaires sociaux qui avaient fait preuve de responsabilité dans une entreprise où, malheureusement le recours prioritaire au dialogue n'était pas toujours la règle ; d'autre part, parce que le texte issu de l'accord prévoyant un plan de transport adapté aux périodes de grève constituait un modèle à diffuser.

Elle a appelé à ne pas céder à la ligne dure prônée par certains députés qui réclamaient absolument le recours à la loi. Elle a jugé que le but n'était pas de dresser les Français les uns contre les autres ni de limiter de manière inacceptable le droit de grève en imposant un délai de préavis de 48 heures, mesures qui iraient à l'encontre du but recherché, comme l'avait montré l'exemple italien. Elle a rappelé que, l'an dernier, lors du débat sur la question du service minimum, l'Italie avait été élevée au rang de modèle pour son dispositif de service garanti ; pour autant, les grandes manifestations qui avaient rapidement suivi avaient montré que celui-ci ne permettait pas d'empêcher les mouvements sociaux. Elle a conclu en indiquant que le sujet était suffisamment grave pour que le ministre ne cédât pas à la fraction la plus dure des députés partisans d'une loi et que l'accord d'entreprise était certes une voie étroite mais la seule valable.

M. Jacques Kossowski a rappelé que le succès des négociations présenté comme le résultat de l'ouverture du gouvernement découlait également du mouvement initié par la proposition de loi dont il était l'auteur et qui était cosignée par 310 collègues. Il a par ailleurs admis la nécessité d'une première étape ne faisant pas appel à la loi. Il a également pris acte du fait que 70 % des Français s'étaient déclarés opposés à toute atteinte au droit de grève - tel n'était au demeurant pas l'objet de la proposition de loi déposée puisque ce droit est constitutionnellement garanti - ce qui n'exclut pas d'apporter des précisions supplémentaires sur son exercice. Il s'est en outre demandé si ce pourcentage eût été le même en période de grève et non dans celle de calme relatif que nous connaissons aujourd'hui.

Il a souligné le fait que les Français aspirent sinon à une réglementation du droit de grève, du moins à un exercice de celui-ci qui permettrait, en particulier aux plus nécessiteux d'entre eux, d'aller travailler et de rentrer chez eux le soir. Il a également relevé les difficultés que pose aux collectivités territoriales ainsi qu'aux entreprises, en cas de grève, la décentralisation des transports. Il a enfin dénoncé le paradoxe qu'il y a à simultanément conclure un accord et brandir la menace d'une grève.

M. Jean Le Garrec s'est déclaré en plein accord avec ce qui avait été dit par le ministre dont les propos se sont inscrits dans le droit fil de ceux tenus par le groupe socialiste lors du débat de décembre 2003, qui avait conduit à un net changement des positions des divers interlocuteurs du secteur. Il a reconnu la qualité du rapport de M. Mandelkern et de la négociation menée à sa suite. Il a souligné que l'insuffisance de la négociation collective avait toujours constitué un problème pour les gouvernements successifs et qu'il ne faudrait prendre aucune initiative de nature à briser ou ralentir le mouvement engagé avec la signature de l'accord à la SNCF : faire un rapport d'étape au bout de quelques mois serait une bonne chose mais laisser planer un doute sur une éventuelle initiative législative au terme de l'expérimentation constituerait une grave erreur. Il a enfin rappelé que les salariés des entreprises publiques, outre qu'ils sont terriblement attachés au service public, étaient eux-mêmes des usagers des services publics et, en tant que tels, parfaitement conscients des difficultés posées par l'exercice du droit de grève.

M. Christophe Caresche a remercié le ministre d'avoir clairement exposé la complexité du dossier et montré ainsi que les idées simplistes en la matière ne résoudraient rien. Il a rappelé les interrogations portant sur la capacité du dialogue social à permettre une évolution positive vers la garantie du droit de grève et le maintien d'une continuité du service et sur la capacité de la loi à aboutir à une conciliation de ces deux exigences constitutionnelles. Il a souligné la difficulté de rédiger une éventuelle loi en la matière et s'est demandé qui pourrait défendre une telle approche normative. Il a souligné que la loi aurait en effet, en tout état de cause, à mettre en œuvre un équilibre qui ne pourrait résulter que d'un compromis issu du dialogue social et appelé ceux qui agitent ce genre de solutions à réfléchir à leur efficacité.

M. Francis Delattre a d'emblée souligné le caractère minoritaire de sa position en faveur d'une loi. Il s'est d'abord étonné de ce qu'on fasse si peu de cas de l'engagement pris par le président de la République. Il a ensuite rappelé que sur le réseau de la banlieue nord et du RER C, sur une période de huit mois, on avait dénombré pas moins de sept à huit conflits importants qui avaient suscité de graves difficultés en termes de garderie, de centres d'accueil ou de nécessaire mise en place de lignes de remplacement. Il a déclaré comprendre la difficulté de la position du ministre et sa crainte de se trouver face à un mouvement de grève, mais a également mis en relief le besoin qu'ont les gens qui travaillent d'arriver à l'heure. Il a en outre dénoncé le non respect des règles encadrant le droit de grève et la multiplication des mouvements de grève pour des motifs futiles. Il a conclu sur le souhait de nos concitoyens de disposer d'un service minimum, à hauteur de 50 % aux heures de pointe.

M. Robert Lecou a considéré qu'une politique d'aménagement du territoire équilibrée et harmonieuse demandait un service public qui soit à la fois proche et continu, ce qui correspond aux attentes des Françaises et des Français.

Il a observé que le droit de grève, principe essentiel, produit de nombreuses luttes, avait en France valeur constitutionnelle, tout comme le principe de continuité du service public et qu'il fallait donc concilier ces principes de même valeur. Il a aussi rappelé que la France avait pour caractéristique une forte conflictualité, et que la demande des usagers était très grande.

Il a rappelé avoir mis l'accent, le 9 décembre 2003, à l'occasion du débat organisé à l'Assemblée nationale, sur la conciliation de la continuité du service public et du droit de grève, sur l'intérêt d'un dialogue entre partenaires sociaux, les plus à même de réaliser un service garanti - expression permettant, davantage que celle de service minimum, d'insister sur l'impératif de sécurité. Il a précisé avoir repris par ailleurs cette idée dans une proposition de loi, déposée en février 2004, visant à instaurer un service garanti destiné à maintenir la continuité des services publics en cas de grève et s'est déclaré satisfait de ce que cette réforme soit donc aujourd'hui, dans une certaine mesure, engagée, puisque la démarche gouvernementale visait à assurer continuité et concertation. Il a jugé nécessaire de la poursuivre considérant que, si un accord contractuel voyait le jour, le résultat serait atteint.

En rappelant dans le même temps que le recours à la loi ne devait pas être regardé comme une chose terrible, il s'est interrogé, notamment, sur la nécessité d'élargir le débat au-delà de la seule question des transports terrestres, par exemple au domaine de l'électricité, eu égard aux événements de juin dernier - voire de procéder à un élargissement au profit de l'ensemble des services essentiels à la personne, élargissement auquel les présidents des commissions intéressées de l'Assemblée nationale devraient être attentifs.

M. Philippe Vuilque a relevé le caractère savoureux de l'échange entre le ministre et sa majorité, le premier privilégiant le pragmatisme et la recherche du consensus, la seconde impatiente d'agir par la loi.

Par ailleurs, il a estimé que, si la création d'autorités indépendantes était une pratique à la mode, il n'en fallait pas moins s'interroger sur ce qui restait du rôle du Parlement ; après avoir émis des doutes sur la possibilité de créer une telle autorité par décret, il a souhaité savoir quels seraient le rôle et la composition d'une telle institution et a conclu en soulignant que la création de cette autorité par décret posait des problèmes tant juridiques que fonctionnels.

M. Jean-Michel Bertrand a mis en évidence la conjonction de deux grandes habiletés : d'une part celle du ministre tant sur le fond que sur la forme, soucieux de promouvoir le dialogue social en une démarche dont les prémices semblent apporter satisfaction ; d'autre part l'habileté tactique du syndicat majoritaire de la SNCF qui souhaite limiter les concessions.

Par ailleurs, il a observé que voter une loi était une chose, mais qu'il convenait aussi de l'appliquer et de la faire respecter, sauf à créer des situations dangereuses.

Enfin, il a évoqué la nécessité d'accélérer le rythme du processus de dialogue, dans la mesure où par-delà les habiletés tactiques, on se trouvait finalement seulement au début d'un processus de dialogue et d'apaisement social : c'était donc le moment de confirmer l'adage d'Alphonse Allais, selon lequel une vraie évolution est une révolution sans en avoir l'air.

M. Jean-Christophe Lagarde a déclaré faire partie de ceux pour qui le contrat revêt une valeur supérieure à la loi, car il procède d'une démonstration de maturité démocratique et permet d'éviter les conflits majeurs - au bénéfice des Franciliens notamment.

En rupture par rapport aux orateurs du groupe socialiste, il a jugé que la motivation des syndicats à signer l'accord à la SNCF venait de la prise de conscience, suscitée par le ministre, à partir des exemples européens, de l'existence d'un retard français, leur étant pour partie imputable.

Mais il a ajouté que le Parlement avait également été un aiguillon, dans la mesure où il était mandaté par une majorité de Français et qu'en l'absence d'accord, il y aurait la loi.

Il s'est rallié à la proposition du président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, d'organiser des rencontres pour procéder à une évaluation, au besoin région par région, du service garanti qui doit répondre aux impératifs suivants :

- assurer les retours du travail par les transports en commun pour mettre fin au scandale que constituent les grèves déclenchées en cours de journée qui prennent les usagers en otage ;

- donner la priorité aux trajets entre le domicile et le lieu de travail afin d'éviter que les droits syndicaux ne s'exercent à l'encontre des personnes qui ont un emploi, parfois précaire, et risquent de le perdre en cas d'absence.

En réponse aux différents intervenants, M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, a apporté les précisions suivantes :

- le nombre moyen de jours de grève par agent et par an est passé, à la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), de 2,25 en 2003 à 0,48 au cours des dix premiers mois de l'année 2004, tandis que ce nombre a été réduit, à la Régie autonome des transports parisiens (RATP), de 1,32 à 0,09 pour ces mêmes périodes. Le principe absolu retenu par le ministère depuis 2002 est le non paiement des jours de grève. Des dispositifs annexes au service garanti devront effectivement être mis en place, car la meilleure prévention et le meilleur dialogue social possibles ne permettront jamais d'aboutir à la suppression complète des grèves dans les services publics. En effet, les grèves sont l'expression d'un droit constitutionnel et le résultat de la confrontation d'intérêts divergents. Il convient à cet égard de dissiper toute illusion chez les usagers sur la portée du dispositif futur ;

- il est vrai que l'information préalable des usagers ne constitue pas une garantie suffisante, même si cela leur permet d'éviter de découvrir la grève le matin en tentant de se rendre sur leur lieu de travail et d'être ainsi « piégés ». Il est toutefois utile de noter que l'annonce d'une grève 24 ou 48 heures à l'avance permet aux autorités organisatrices d'optimiser les moyens disponibles, et d'accroître ainsi en moyenne de 15 % la capacité de transport ferroviaire ;

-  s'agissant des transports urbains de province, l'Union des transports publics (UTP), qui regroupe 170 entreprises et 40 000 agents, s'est engagée à participer, à partir du 7 décembre prochain, aux négociations devant aboutir à l'élaboration d'un dispositif de prévention des conflits sociaux. Le ministre chargé de l'équipement et des transports s'impliquera alors personnellement pour faire avancer ces discussions. Il revient aux autorités organisatrices de ces transports de définir, avec les personnels non grévistes, le service qu'elles jugent prioritaire en cas de conflit social, ce soin ne pouvant être laissé à la libre appréciation des seules entreprises délégataires ;

- la mise en place d'un service garanti dans les services publics de transport ne doit effectivement pas être un sujet d'affrontements partisans, car le développement des antagonismes catégoriels entre grévistes et non grévistes, agents de la SNCF et agents de la RATP, fonctionnaires et contractuels, ou encore agents et usagers, finirait par conduire à l'apparition de conflits majeurs au sein de la société. Il convient au contraire, dans la mesure du possible, de dialoguer pour désamorcer les crises avant qu'elles n'éclatent, les syndicats pouvant eux aussi y trouver leur intérêt, puisqu'ils ne recherchent pas gratuitement l'apparition de conflits sociaux - qui sont pour eux autant de risques de rudes échecs ;

- le rapport de M. Dieudonné Mandelkern, président de la commission sur la continuité du service public dans les transports terrestres, conclut certes à la nécessité de recourir à la loi pour assurer un service minimum. Toutefois, il est probable que la mise en œuvre d'un accord quasi-unanime pourrait être plus efficace dès lors que son contenu serait satisfaisant. Un nouveau cadre législatif serait indispensable pour permettre la réquisition des agents, mais cette solution ne serait pas forcément la plus efficace et, de ce point de vue, une utilisation optimale des personnels qui ne font pas grève pourrait se révéler bien préférable ;

- la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) a certes signé l'accord sur la prévention des conflits conclu au sein de la SNCF, comme 5 autres organisations syndicales, mais cet engagement ne signifie pas une renonciation à tout conflit social : il ne prévoit que d'engager des discussions au plus tard dix jours avant le dépôt d'un préavis de grève. Les bons résultats enregistrés au sein de la RATP grâce au dispositif d'« alarme sociale » cinq jours avant le début des grèves, qui a permis de réduire de 50 % le nombre de préavis de grève déposés, montrent qu'il est utile de poursuivre ces discussions avec les partenaires sociaux pour mettre au point un dispositif dépassant le cadre de la prévention des conflits ;

- comme l'a remarqué à juste titre M. Jean Le Garrec, il n'existe par de grande démocratie sans culture du dialogue social. Mais ce constat général ne permet pas de surmonter un blocage éventuel dans la discussion entre partenaires sociaux qui limiterait les avancées au seul accord sur la prévention des conflits. Dans une telle situation, le Gouvernement devrait évidemment s'impliquer, sachant que la complexité de la question n'appelle pas de réponse simple. A cet égard, le rapport de M. Dieudonné Mandelkern a eu un rôle pédagogique utile, et les sondages, indiquant que 70 % de la population adhère à la démarche retenue par le Gouvernement en matière de service garanti, constituent de ce point de vue une « divine surprise » ;

- l'idée d'aménager le cadre législatif actuel, contrairement à ce qu'a affirmé M. Francis Delattre, n'est pas exclue : si le Gouvernement, qui a fixé de nouveaux objectifs et un calendrier, s'est engagé à privilégier l'information des parlementaires et à donner ses chances aux négociations entre partenaires sociaux, il ne s'interdit pas de recourir à la loi en cas d'échec de cette démarche contractuelle. Cette position est conforme aux déclarations du Président de la République en 2002 et 2004, selon lesquelles il convient de « mettre en place par l'accord, au sein des entreprises, une garantie de service dans le domaine des transports », la loi ne devant intervenir que si un accord n'a pu être conclu ;

- la prévention des conflits sociaux n'est certes pas suffisante, car la grève est un fait social inévitable, comme l'ont encore montré récemment les grèves en Allemagne et en Autriche. Ce sujet gagnerait effectivement à être débattu dans le cadre des discussions en cours entre Etats membres de l'Union européenne sur l'émergence d'une « Europe sociale » ;

- la situation de Franconville n'est pas forcément représentative de celles de l'ensemble des villes françaises. Les enquêtes d'opinion montrent en effet que les usagers des transports publics résidant dans les banlieues ont un respect croissant du droit de grève mais veulent être informés avant les grèves et non « pris en otages » par des grèves imprévues ;

- imposer un trafic minimal à hauteur de 50 % pendant les heures de pointe, c'est-à-dire pendant trois heures le matin et le soir, supposerait de mobiliser 70 à 75 % des agents, effectif qu'il ne serait possible d'atteindre qu'en procédant à des réquisitions, autorisées par des dispositions législatives qu'il faudrait d'abord adopter, et dont la constitutionnalité n'est pas certaine, comme le montre le rapport de M. Dieudonné Mandelkern ;

- la continuité est évidemment partie intégrante de la notion de service public. A ce titre, il serait souhaitable d'élargir la démarche suivie pour les transports à d'autres secteurs, mais la décision d'une telle extension appartient au Premier ministre. On peut toutefois espérer que la garantie d'un service minimum dans les transports serve de modèle, et suscite une « contagion vertueuse » ;

- en ce qui concerne les autorités indépendantes, il convient d'observer que, dans une société complexe, il faut savoir imaginer des solutions complexes, ainsi que l'expliquait Tocqueville à travers son analyse sur le rôle des associations et des instances de concertation dans une démocratie. Les débats qui ont entouré la création de la Haute autorité de l'audiovisuel sont désormais d'un autre âge. Il convient d'envisager d'une manière non polémique, et sans politisation, la mise en place d'une autorité indépendante pour la continuité des services publics de transport. Celle-ci doit permettre de faire face, avec des moyens humains supplémentaires, et les compétences nécessaires, au vaste chantier de négociations qui va devoir s'ouvrir pour la mise en œuvre des procédures de service minimum à l'échelle de toute la France. Cette autorité sera l'instrument de la volonté du Gouvernement de continuer à avancer sur cette question difficile ;

- l'opinion publique constitue, in fine, le vrai moteur des deux habiletés évoquées par M. Jean-Michel Bertrand ; elle pousse à des avancées par la formulation d'exigences à la fois complexes et nuancées ;

- il est exact qu'une société libérale sait faire une place importante aux contrats entre les individus, entre les institutions ; une société démocratiquement mûre n'attend pas tout de la loi. Il faut briser certains archaïsmes qui persistent dans le dialogue social, mais s'il n'est pas possible d'aboutir dans le cadre d'un accord, il faudra recourir à la loi, car l'opinion publique exige des avancées sur la continuité du service public ;

- il appartiendra aux autorités organisatrices, dans l'affectation des moyens disponibles, de prendre en compte la priorité justement soulignée du retour au domicile en cas de grève.


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