COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 24

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 15 décembre 2004
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

puis de M. Léonce Deprez, Secrétaire

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de M. Pierre GADONNEIX, président d'EDF.

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- Informations relatives à la commission

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La Commission a entendu M. Pierre Gadonneix, président d'EDF.

Le président Patrick Ollier a remercié M. Pierre Gadonneix, président d'EDF, d'avoir accepté de répondre à l'invitation de la commission, et souligné l'importance de cette audition, à un moment où EDF définit une stratégie nouvelle. La loi du 9 août 2004 a transformé l'entreprise en société anonyme, ce qui a permis, d'une part, de répondre aux critiques de la Commission européenne, et d'autre part de rendre juridiquement possible une augmentation de capital faisant appel à d'autres partenaires que l'Etat pour financer le développement d'EDF.

Le Gouvernement a installé une commission, présidée par M. Marcel Roulet et comprenant cinq parlementaires, dont quatre membres de la commission des affaires économiques, MM. François-Michel Gonnot, Jean-Claude Lenoir, Christian Bataille et Daniel Paul, ce qui illustre la reconnaissance de la compétence des commissaires sur ce sujet. Cette commission ayant étudié les différents scénarios de développement de l'entreprise, il est souhaitable que le président d'EDF indique quelle stratégie il entend conduire, compte tenu des annonces faites par l'actionnaire de l'entreprise, et qu'il fasse le point sur la situation de celle-ci et sur la réorganisation du groupe.

M. Pierre Gadonneix, président d'EDF, a tout d'abord souligné combien il était heureux et honoré de faire le point de la situation d'EDF devant la commission des affaires économiques, laquelle a montré l'intérêt qu'elle portait à l'entreprise et plus généralement au secteur énergétique notamment à l'occasion de la discussion de la loi du 9 août 2004 et du projet de loi d'orientation sur l'énergie. Il a notamment rendu hommage à la qualité du travail des rapporteurs de ces textes, MM. Jean-Claude Lenoir et Serge Poignant, et du rapporteur spécial du budget de l'industrie, M. Jacques Masdeu-Arus.

Il a précisé avoir souhaité à son arrivée à la tête de l'entreprise établir un état des lieux de la situation de celle-ci, qui est aujourd'hui achevé et sur la base duquel une nouvelle organisation avait été définie et un projet industriel, largement inspiré des travaux de la commission présidée par M. Marcel Roulet, établi.

Il a également rappelé qu'il avait, par ailleurs, décidé de lancer, sans attendre, la construction d'un réacteur EPR conformément aux orientations définies par le Parlement à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie.

Décrivant la situation d'EDF, son président a insisté, en premier lieu, sur ses atouts. Le professionnalisme de ses équipes de production n'est plus à démontrer, tout comme le dynamisme des équipes commerciales. L'ensemble du personnel se caractérise en outre par un très fort attachement à l'entreprise et à ses missions de service public.

S'agissant des actifs, EDF dispose de l'un des plus beaux parcs de production du monde, parc qui ne se limite pas au nucléaire qui représente 80 % de la production d'électricité mais seulement 60 % de la puissance installée car son utilisation est optimisée grâce aux autres filières du parc de production, les centrales hydrauliques développées au lendemain de la guerre et les centrales thermiques construites dans les années 1960.

Sur le plan commercial, le fait d'avoir 26 millions de clients en France et 46 millions dans le monde est également un atout non négligeable.

EDF, qui n'est plus le premier énergéticien d'Europe depuis la fusion EON-Ruhrgas, reste, en revanche, de loin le premier électricien européen.

La gestion des réseaux de transport et de distribution, activité régulée, qui complète de manière harmonieuse l'activité de l'entreprise, constitue un autre atout. Cette combinaison de l'activité régulée et de l'activité non régulée n'est pas une exception en Europe ; elle est la règle. Elle constitue un atout sur le plan technique en permettant de dégager des synergies, sur le plan de la qualité du service public à laquelle les collectivités locales sont particulièrement attachées mais aussi sur le plan financier, puisqu'elle permet de combiner des revenus stables régulés à ceux, plus variables, de l'activité concurrentielle. Il importe, en revanche, évidemment que la gestion de ces activités régulées garantisse l'égalité de traitement entre tous les utilisateurs des réseaux.

La situation financière d'EDF est contrastée. Un élément très positif, qui rend possible un projet industriel ambitieux, est que le groupe dégage un « cash-flow » important, les revenus récurrents dégagés annuellement par l'activité de l'entreprise étant de l'ordre de 8 milliards d'euros. Dans la période 2000-2002, le volume des investissements, supérieur, a contribué à une dégradation importante du bilan mais l'entreprise met en œuvre depuis deux ans une politique d'investissement très restrictive.

Reste que le bilan est fragilisé. L'endettement de l'entreprise atteint 24 milliards d'euros pour 21 milliards de fonds propres, ratio peu satisfaisant au regard des autres opérateurs européens et appelé à être davantage dégradé par deux éléments inéluctables : la couverture des engagements de retraite qui diminuera les fonds propres de 14 milliards d'euros et l'exercice par les partenaires d'EDF des options de vente portant sur les titres des filiales allemande et italienne dont ils bénéficient. L'acquisition de titres n'a, en principe, pas d'effet sur le bilan car elle se traduit par une augmentation d'actif d'une valeur correspondante mais ces opérations devraient entraîner une augmentation de la dette d'environ dix-neuf milliards d'euros.

Deux raisons majeures expliquent cette situation financière. La première est qu'EDF a connu, au cours des dix dernières années, une dégradation continue de sa rentabilité, à un rythme proche de 1,5 % par an, compte tenu, d'une part, de la baisse des tarifs, au rythme d'environ 1,5 % par an, et, d'autre part, de l'augmentation des coûts. La seconde est que certains investissements se sont révélés coûteux.

Les options stratégiques d'EDF doivent donc être définies en tenant compte d'un bilan et d'une rentabilité dégradés, mais aussi d'un actif en France tout à fait remarquable et de certains actifs internationaux de grande valeur, notamment au Royaume-Uni, en Allemagne et en Italie.

De plus - et ce n'était pas évident - l'entreprise n'a pas de problème de liquidités, d'une part en raison d'un cash-flow de 8 milliards d'euros - 3,5 milliards restant disponibles après investissements en 2004 - et d'autre part grâce à certains actifs liquides d'une valeur importante.

Cette situation d'ensemble a été présentée à la commission présidée par M. Marcel Roulet dans un esprit de grande transparence, afin de restaurer la confiance des parlementaires, des Français et des analystes financiers. Deux scénarios ont été soumis à cette commission. Le premier, dit « de repli », s'appuyait sur une très forte limitation des investissements et, surtout, sur un volume important de cessions. Le second, dit « de développement », est celui qui a été retenu.

Ce projet mobilisateur exclut une fusion avec GDF. Celle-ci, dont il n'est pas sûr qu'elle aurait été facilement acceptée par la Commission européenne, aurait emporté des conséquences économiques contraires à l'intérêt des consommateurs et aux intérêts patrimoniaux de la Nation.

EDF a opté pour un scénario de développement maîtrisé. Après une forte croissance suivie d'un arrêt du développement, il s'agit maintenant de veiller aux conditions d'une reprise s'appuyant sur les actifs susceptibles d'assurer à l'entreprise une position de leader en Europe.

Le premier objectif d'EDF est de conforter, en France, la position de l'entreprise s'agissant de la production, de l'activité commerciale et des activités régulées.

Le moment est ainsi venu de renforcer l'appareil de production. La tête de série du réacteur EPR représente un investissement de près de 3 milliards d'euros. D'autre part, l'objectif de porter à quarante ans, sous réserve de l'accord de l'autorité de sûreté, la durée de vie du parc nucléaire implique des investissements de rénovation et de modernisation importants représentant 700 millions d'euros par an. Les investissements hydrauliques seront relancés notamment avec la réalisation, à Gavet, dans la vallée de la Romanche, d'une rénovation lourde s'étalant sur plusieurs années. Dans le parc thermique, EDF remettra en service, à hauteur de 2000 mégawatts, des installations aujourd'hui « mises sous cocon ». Il est également envisagé de construire jusqu'à 2000 mégawatts d'installations thermiques de pointe, ces investissements pouvant être amorcés dans trois ans environ.

S'agissant de l'activité commerciale, l'ouverture du marché, réalisée à 70 % au 1er juillet 2004 et qui pourrait être totale au 1er juillet 2007, donne à l'entreprise l'occasion de définir une offre innovante, qui doit être enrichie autour de services associés de maîtrise de la consommation, de services complémentaires ou encore dans le domaine du gaz naturel pour les clients qui souhaitent un fournisseur unique.

S'agissant des activités régulées, EDF devra investir dans des activités de réseau, dont 1,6 milliard par an sur la période 2005-2007, pour améliorer la qualité des réseaux de distribution et répondre aux attentes des collectivités locales. La loi prévoyant la filialisation du transport, EDF conservera le contrôle de cette activité mais il n'est pas exclu qu'une part minoritaire du capital de la filiale soit cédée à un partenaire public. La filialisation sera d'autre part source de clarification, grâce à une distinction plus nette entre le rôle d'opérateur du réseau régulé, garantissant l'égalité de traitement de tous les utilisateurs du réseau, et le rôle patrimonial de l'actionnaire. Le premier relèvera du directeur général, le second du conseil d'administration et de son président.

S'agissant des missions de service public, l'ouverture du marché à la concurrence leur donne une dimension nouvelle puisqu'elles doivent être assurées au moindre coût. Ces missions seront identifiées et chiffrées de manière à être justement rémunérées.

Le deuxième objectif stratégique est d'assurer à EDF une position de leader de l'énergie en Europe.

C'est pourquoi EDF souhaite consolider certains actifs stratégiques, notamment EnBW et Edison, pour bénéficier de synergies. La Suisse est également au cœur de cette Europe proche où des optimisations d'actifs sont opportunes.

Pour consolider ce groupe européen, il est également important qu'EDF ait accès à des ressources gazières, ce qui suppose des investissements. Les trois filiales présentes au Royaume-Uni, en Allemagne et en Italie consomment, en effet, à elles trois, les deux tiers environ de la consommation française de gaz naturel. L'accès à des ressources gazières est également important en France, et cet objectif pourra être atteint grâce à des accords avec GDF conformes aux règles de la concurrence.

Le troisième objectif stratégique est de préparer des relais de croissance qui pourront être exploités lorsque la situation financière sera assainie. Outre les pays d'Europe centrale et orientale qui offrent un potentiel important et dans lesquels des positions doivent être conservées après cession des actifs non stratégiques, le principal pays concerné est la Chine. L'évolution probable du secteur énergétique chinois rend possible, dans un premier temps, d'y consolider, au cours des trois ans à venir, la présence d'EDF notamment en tant que prestataire de services d'ingénierie et de préparer des investissements ultérieurs.

L'entreprise est en mesure de financer cette stratégie. Les investissements récurrents sur le périmètre actuel s'élèvent à 6 milliards par an, soit 18 milliards en trois ans. Les engagements de long terme inéluctables sont compris, sur la période, entre 15 et 18 milliards. Enfin, le choix de l'entreprise de consolider ses positions en Europe implique un investissement de l'ordre de 20 milliards d'euros.

Parmi les ressources permettant de faire face à ces besoins, EDF peut d'abord compter sur un cash-flow d'environ 25 milliards sur trois ans. La tentation est forte de demander à l'actionnaire, c'est-à-dire au contribuable, d'apporter la trentaine de milliards restant à trouver mais il n'est pas sûr qu'une telle idée lui paraisse acceptable.

C'est pourquoi EDF a donc, premièrement, besoin d'une augmentation de capital et le Gouvernement a annoncé une telle opération dans une fourchette de 8 à 11 milliards. Deuxièmement, une enveloppe de l'ordre de 10 milliards d'euros devrait être fournie par des cessions d'actifs ; il serait évidemment maladroit d'annoncer publiquement les actifs dont la cession est envisagée, car cela aurait pour effet d'en faire baisser le prix, mais il est possible, en revanche, de mentionner la cession partielle de RTE, dont la valeur est stable. Reste une dizaine de milliards, que pourrait apporter l'augmentation des marges, à raison d'une diminution des coûts pour les trois quarts et d'une évolution des tarifs, au rythme de l'inflation, et des prix pour le dernier quart. Les tarifs et les prix se rapprocheront ainsi, les prix du marché pouvant se stabiliser aux environs de 35 euros par mégawatt heure.

A l'issue des trois prochaines années, EDF devrait se situer parmi les trois premiers opérateurs européens avec un chiffre d'affaires de l'ordre de 60 milliards d'euros. Quant au ratio entre le résultat net et le chiffre d'affaires, aujourd'hui inférieur à 2 %, il devra se rapprocher de la moyenne européenne, qui est de l'ordre de 7 %.

Outre un contexte favorable, l'entreprise compte, pour atteindre ces ambitions, sur les investisseurs, au premier rang desquels figureront ses propres salariés, car il n'est pas douteux que le plan d'actionnariat salarié qui sera mis en œuvre connaîtra un grand succès. De façon plus générale, l'ensemble des hommes et des femmes qui ont déjà fait d'EDF un champion national sauront se mobiliser encore pour relever ce formidable défi industriel.

Le président Patrick Ollier a remercié le président Gadonneix pour avoir présenté avec clarté ce projet ambitieux, porteur de beaucoup d'espérances.

M. Jacques Masdeu-Arus a également remercié le président d'EDF pour avoir dressé un tableau très complet de la situation économique et financière et des perspectives de l'entreprise, et a souhaité obtenir des précisions complémentaires sur trois points.

Le premier concerne la tête de série du réacteur EPR. Nombreux sont les membres de la commission, au-delà même des bancs de la majorité, qui ont souhaité sa construction rapide. Le Parlement a voté en ce sens, le Gouvernement a annoncé une décision, EDF a choisi un site. Le temps est maintenant venu d'entrer dans la phase de réalisation concrète du projet.

La situation financière de l'entreprise est certes moins mauvaise que ce que l'on aurait pu craindre, mais le projet EPR nécessitera un investissement initial très lourd. De manière informelle, plusieurs électriciens ont exprimé leur intérêt pour ce projet. De même, de grands consommateurs industriels, préoccupés par la hausse et par l'instabilité des prix de l'électricité, pourraient être séduits par l'acquisition de droits de tirage d'électricité à long terme à un prix prédéfini. Le premier réacteur EPR construit, le réacteur finlandais, sera d'ailleurs exploité par une société qui est, en fait, une coopérative de grands consommateurs industriels, notamment des papetiers.

M. Jacques Masdeu-Arus a donc souhaité savoir si le président d'EDF envisageait d'associer à ce projet des partenaires, notamment industriels, et s'il avait déjà noué des contacts en ce sens.

Il a ensuite indiqué que sa seconde question concernait la gestion du réseau de transport. Tous les acteurs s'accordent pour estimer que RTE a, jusqu'à présent, bien travaillé et que sa saine gestion n'a jamais été de nature à fausser la concurrence. La loi du 9 août 2004 a prévu la filialisation de cette entité selon des modalités permettant d'apporter des garanties, tant pour ce qui est de son indépendance de gestion que de la préservation des intérêts de ses actionnaires. La mise en œuvre concrète de ces dispositions est toutefois conditionnée par les textes d'application et par les statuts de la nouvelle filiale, deux points restant en suspens.

Le premier est celui de la propriété de cette société. La loi prévoit qu'elle doit appartenir en totalité à EDF, à l'Etat ou à d'autres entreprises ou organismes du secteur public, et qu'EDF en sera l'unique actionnaire à sa création. En revanche, la loi n'interdit pas que la part d'EDF dans le capital de cette filiale évolue par la suite, hypothèse qui a d'ailleurs été évoquée dans l'entretien que le président d'EDF a accordé au quotidien Les Échos. Il convient donc que ce dernier apporte des précisions sur la part du capital de RTE qu'il envisage de céder et sur l'état des discussions avec les éventuels partenaires susceptibles d'investir dans cette filiale.

Le second est l'indépendance de la gestion de la future société. Celle-ci dépendra notamment des statuts, et la presse a fait état de l'attention que la Commission européenne prête à cette question. Où en est la réflexion sur ce dossier, et qu'en est-il du calendrier de création de cette filiale, prévue pour février au plus tard selon la loi ?

M. Jacques Masdeu-Arus a ensuite évoqué la présence d'EDF en Italie. Il a rappelé avoir émis, dès octobre 2002, les plus vives réserves sur les conditions dans lesquelles EDF avait conduit un développement international au demeurant tout à fait opportun. Il a noté que la suite des événements lui avait donné raison puisque tant la commission d'enquête de l'Assemblée sur la gestion des entreprises publiques que la commission Roulet ont mis en évidence les difficultés financières causées à EDF par ses acquisitions dispendieuses à l'étranger.

Il a ensuite estimé que le dossier sur lequel les plus graves erreurs avaient été commises était l'opération italienne. Aujourd'hui, la situation est très difficile puisque les partenaires italiens ont le droit de vendre à EDF et à un prix extrêmement élevé, toutes les parts dans la société Italenergia Bis qui contrôle Edison, ce qui conduirait EDF à devenir l'unique propriétaire de cette holding et, semble-t-il, à devoir en outre lancer une OPA sur le reste du capital d'Edison, ce qui nécessiterait des exportations de capitaux très élevés. Se poserait de plus, et de façon aiguë, la question de la limitation à 2 % des droits de vote d'EDF.

Compte tenu de ces éléments, le quotidien La Tribune a, cette semaine, résumé fidèlement la situation en titrant : « Le piège italien menace de se refermer sur EDF ». Si l'on peut regretter que l'entreprise se soit elle-même placée dans un tel piège, il s'agit maintenant d'en sortir, et c'est pourquoi il importe de savoir si une discussion a abouti avec ses partenaires sur le report de l'exercice de leurs options et quelles sont les perspectives d'évolution de la législation italienne qui, au mépris du droit communautaire, limite les droits de vote d'EDF.

Dans son entretien au quotidien Les Echos, le président de l'entreprise a déclaré n'exclure aucune solution en Italie, y compris un désengagement, et a évoqué l'intérêt porté par le groupe EON à la participation d'EDF. Il est incontestable que la situation difficile héritée du passé récent rend envisageable un tel scénario. S'il venait à se concrétiser, EDF sortirait de fait du marché italien, au profit de son principal concurrent européen. L'opération italienne se révélerait donc un fiasco stratégique. Compte tenu du caractère très avantageux des concessions accordées aux partenaires italiens, ce qui deviendrait un simple aller-retour financier en Italie aurait sans doute un coût net pour EDF. A-t-on évalué son montant potentiel ?

M. Christian Bataille a salué, en la personne de M. Pierre Gadonneix, l'ingénieur dont les propos manifestent une véritable ambition industrielle alors que la commission Roulet avait donné l'impression que la philosophie de l'entreprise était dominée par des préoccupations d'ordre comptable et financier. Les travaux de celle-ci ont, en outre, fâcheusement rappelé l'époque où M. Alain Juppé, alors Premier Ministre, avait évalué à un franc symbolique la valeur de Thomson.

M. Christian Bataille a estimé que la dramatisation de la situation d'EDF négligeait les atouts exceptionnels de l'entreprise, notamment un réseau électrique qui est probablement le meilleur d'Europe et bien supérieur, en tout cas, au réseau américain et la jeunesse de son parc de production nucléaire dont les réacteurs ont, en moyenne,  dix-sept ans d'âge alors que leur durée de vie potentielle dépasse très probablement les quarante ans, hypothèse retenue sur le plan comptable.

M. Pierre Gadonneix a répondu, sur ce point précis, que le projet industriel qu'il a présenté se fonde effectivement sur l'hypothèse financière d'une durée de vie de quarante ans ce qui ne préjuge pas de ce qu'elle sera effectivement.

M. Christian Bataille a estimé que les centrales d'EDF seront, dans l'avenir, de véritables vaches à lait financières expliquant l'attrait qu'exerce l'entreprise sur les financiers. Il a, en outre, jugé caricaturale l'opposition présentée à la commission Roulet entre le scénario de repli, option évidemment irresponsable, et le scénario de développement, la différence réelle entre les deux options concernant en fait, essentiellement, l'investissement en Italie. Il faut rappeler que le patrimoine de la Nation a été mis en péril par cette opération périlleuse. Dans l'appréciation de la situation, il convient, en outre, de souligner que les Italiens sont partagés entre leur ultranationalisme, qui les porte à refuser l'entrée d'EDF dans le capital de leur entreprise, et leur libéralisme extrême, qui les incite à promouvoir la privatisation.

Par ailleurs, l'appellation de « EDF Transport » qu'il est prévu de donner à RTE donne l'impression d'une reprise en main de cette filiale dans l'entreprise, ce qui serait un recul par rapport à la loi du 10 février 2000.

S'agissant des moyens destinés à la gestion des déchets nucléaires, M. Christian Bataille a jugé que la situation n'était pas saine puisque les provisions correspondantes n'ont qu'une existence comptable et que ces fonds ne sont pas réellement identifiés dans les caisses d'EDF. Il a estimé que la création d'un fonds dédié indépendant serait souhaitable.

Enfin, il a jugé que la question du calendrier de la privatisation, pudiquement qualifiée d'« ouverture du capital », d'« augmentation du capital » ou d'« appel à fonds propres », se posait.

M. Jean-Claude Lenoir a souligné le souci de transparence d'EDF lors des travaux de la commission présidée par M. Marcel Roulet. Le fait que celle-ci ait été chargée d'évaluer les conditions dans lesquelles le capital de l'entreprise devait être ouvert explique qu'elle se soit penchée surtout sur les aspects financiers ce qui heureusement, n'a pas empêché les responsables de l'entreprise d'évoquer leur stratégie industrielle.

Puis, M. Jean-Claude Lenoir a rappelé que le début de l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi devenu la loi d'août 2004 avait coïncidé avec la publication d'une tribune de M. Marcel Boiteux, président d'honneur d'EDF, intitulée « EDF va à la concurrence » soulignant la véritable révolution culturelle que représentait pour l'entreprise la nouvelle organisation du marché. Il a souhaité savoir quel regard portait M. Pierre Gadonneix sur ce nouveau contexte.

Estimant que la dégradation de la situation d'EDF s'expliquait, très largement par la baisse régulière des tarifs, il s'est demandé si cette politique n'avait pas été une erreur, surtout dans un contexte où les prix du pétrole sont tels que l'électricité reste très compétitive de toute façon.

En ce qui concerne l'actionnariat, il a rappelé que la majorité et le Gouvernement avaient décidé d'ouvrir le capital à hauteur de 30 %, objectif nettement moins ambitieux que les 50 % voire davantage préconisés par d'éminents représentants de la précédente majorité. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir quels pourraient être les futurs actionnaires d'EDF.

En matière d'environnement, il convient de savoir si l'entreprise a l'intention de soutenir les énergies renouvelables et quelles modalités elle envisage de retenir pour l'enfouissement des lignes électriques, sachant que la signature de contrats avec les collectivités locales est une piste à explorer.

Des précisions s'imposent également sur le développement des activités gazières et des relations avec des partenaires gaziers, préoccupation qui semble occuper une place relativement faible dans la stratégie présentée. M. Jean-Claude Lenoir a également souhaité connaître l'analyse de M. Pierre Gadonneix, en qualité d'ancien président de Gaz de France, sur la stratégie de cette entreprise et notamment sur son éventuelle entrée au capital de la SNET.

Il a ensuite souhaité savoir comment seraient assurées l'indépendance et l'impartialité nécessaires du réseau de transport, question récurrente lors de la discussion de la loi d'août 2004.

Enfin, en sa qualité de président du groupe d'amitié France-Brésil, il a souhaité connaître les intentions du président Gadonneix en ce qui concerne l'activité d'EDF dans ce pays ainsi qu'en Argentine et a souligné l'inquiétude des pouvoirs publics brésiliens devant les choix que l'entreprise est susceptible de faire.

M. Daniel Paul a rappelé l'opposition du groupe communiste et républicain à la loi d'août 2004 et, malgré des éléments positifs, au projet de loi sur l'énergie notamment dans la mesure où ce texte s'inscrivait dans la perspective du changement de statut d'EDF.

Tout en saluant le souci de transparence manifesté par EDF, il a également marqué son désaccord avec la démarche adoptée par la commission présidée par M. Marcel Roulet. Rappelant qu'il avait, dans ce cadre, entendu continûment qu'EDF était menacé de faillite, il s'est déclaré heureux d'entendre aujourd'hui que tel n'était pas le cas.

Puis il a posé quatre questions.

La première concerne les coûts. L'objectif d'augmentation des marges annoncé par le président d'EDF risque de n'être atteint qu'au prix d'une réduction des dépenses de personnel et des dépenses liées à la sécurité notamment dans le domaine nucléaire.

Rappelant que le nucléaire avait été accepté par les Français parce que la production était assurée par une entreprise publique, avec les moyens du service public et parce qu'il permettait une production à moindre coût, M. Daniel Paul a attiré l'attention sur les conséquences que pourrait avoir la remise en cause de ces éléments. Puis, il a souhaité savoir si EDF allait enfin cesser de recourir à ce qu'on appelle les « nomades du nucléaire ».

Il a, en second lieu, rappelé qu'EDF avait été depuis cinquante ans un élément moteur de l'industrie française : c'est ainsi qu'Alstom a équipé cinquante-huit réacteurs nucléaires. L'entreprise a-t-elle encore vocation à jouer ce rôle, et a-t-elle encore l'ambition d'être un levier de la politique industrielle ? La construction de l'EPR, par exemple, donnera-t-elle lieu à un appel d'offres international ?

Troisièmement, que signifie au juste le « recentrage sur l'Europe » évoqué lors des travaux de la commission Roulet ? Compte tenu de la spécificité de l'électricité, la politique qui pourrait être menée en la matière est celle d'une coopération entre les différentes entreprises publiques. Comment le président d'EDF envisage-t-il l'articulation entre les différents opérateurs et notamment la question de la nécessaire et coûteuse réserve de capacité de production permettant de faire face aux pointes de demande ?

Enfin, il a souhaité savoir quelles étaient les intentions d'EDF s'agissant de la centrale thermique du Havre.

M. François-Michel Gonnot rappelant l'objectif d'économie recommandé par la commission Roulet a demandé au président d'EDF s'il jugeait que cet objectif impliquait une rupture avec la politique d'emploi de ses prédécesseurs.

Soulignant que les futurs actionnaires auraient besoin d'une politique tarifaire prévisible, au demeurant prévue par le contrat de plan, il a rappelé que la presse s'était fait l'écho d'une perspective d'augmentation des tarifs de 7,5 % sur trois ans alors que l'écart entre prix et tarifs est de l'ordre de 25 %. Il a donc souhaité savoir quelle pourrait être l'évolution des tarifs au terme des trois ans et dans quelle mesure elle serait supportable par les ménages.

Évoquant l'Italie et notant que la modification de la « loi Marzano » n'était évidemment pas de la compétence du président d'EDF et semblait peu probable à brève échéance, il a souhaité savoir si celui-ci avait l'intention de rencontrer le président d'ENEL pour contribuer à débloquer le dossier italien.

S'agissant de RTE, il a rappelé que le président de Suez avait fait part de son inquiétude. Différents scénarios ont été envisagés par la commission Roulet et il semble que l'on ait arrêté la décision d'une ouverture du capital à hauteur de 33 %. Cette question est suivie de très près par la concurrence, par la Commission européenne et par la Commission de régulation de l'énergie (CRE). La question, aujourd'hui, est de connaître les perspectives de gouvernance de cette filiale et, plus précisément, de savoir si un membre du comité exécutif d'EDF peut présider son conseil de surveillance.

En ce qui concerne l'ouverture du capital d'EDF, est-il envisageable de favoriser les particuliers français ou européens par rapport à des investisseurs institutionnels étrangers qui pourraient ne pas partager la logique industrielle que doit suivre EDF ?

Enfin, il a souhaité savoir, comme M. Jean-Claude Lenoir, si M. Pierre Gadonneix jugeait envisageable la remise en cause des accords entre GDF et la SNET.

M. François Brottes a souligné, en préalable, que le projet hydraulique de Gavet suscitait localement des interrogations et jugé souhaitable que le président d'EDF apporte des précisions sur son impact en particulier sur les conséquences fiscales potentielles pour les collectivités concernées.

S'agissant de RTE, après avoir estimé que la clarification des rôles était opportune, M. François Brottes a souhaité savoir si la réorganisation aurait lieu avant ou après l'ouverture de la filiale et dans quelle mesure la CRE y serait associée.

Il a ensuite demandé si le fait que le président d'EDF n'ait pas du tout évoqué les énergies renouvelables signifiait que l'entreprise allait réduire ses ambitions, voire renoncer au rôle historique de partenaire qu'elle joue dans ce domaine.

En matière tarifaire, il convient de rappeler que les industriels, notamment dans les secteurs de l'aluminium et de la chimie, disent avoir de plus en plus de mal à supporter le coût de l'énergie. Compte tenu du fait que certaines délocalisations annoncées sont, en partie, justifiées par ce problème, la perspective d'une augmentation des tarifs, suivant celle des prix, n'est pas sans susciter des inquiétudes.

Enfin, dans la mesure où l'Assemblée nationale examine le projet de loi relatif à la régulation des activités postales, M. François Brottes a jugé intéressant de connaître l'analyse du président d'EDF sur les expérimentations conduites en matière de bureaux communs entre EDF et La Poste.

M. Pierre Ducout a souligné que l'ouverture totale à la concurrence du marché électrique était proche et a souhaité savoir si elle ne serait pas plus onéreuse que le monopole. Il a également demandé quelle était l'analyse du président d'EDF, d'une part, sur l'accès des collectivités aux tarifs et, d'autre part, sur l'écart entre les prix et les tarifs rappelé par M. François-Michel Gonnot.

Rappelant que les obligations d'achat, notamment en faveur de l'éolien et de la cogénération avaient un coût, il a demandé si le président d'EDF souhaitait leur remise en cause.

Après avoir fait part de son désaccord quant à l'ouverture du capital d'EDF, il a souhaité connaître les partenaires envisagés pour développer l'EPR ou pour consolider les participations prises dans EnBW ou Edison, actifs stratégiques dont l'intérêt doit être rappelé.

S'agissant du gestionnaire du réseau de transport, il a rappelé que les députés de l'opposition avaient souligné, lors de la discussion de la loi d'août 2004, que la dénomination « EDF-Transport » ne constituerait pas le meilleur signal pouvant être adressé à la Commission européenne. Il a également fait part de son inquiétude quant au risque de sous-investissement dans les réseaux, constaté notamment aux Etats-Unis.

Enfin, compte tenu du fait qu'EDF et GDF risquent, à terme, de devenir des concurrents sur le marché français, il a souhaité savoir comment la pérennité de la structure commune « EDF-GDF-Distribution » serait assurée.

M. Jean-Pierre Nicolas s'est félicité que les comptes d'EDF soient enfin connus avec plus de précision que par le passé.

S'agissant de l'endettement de l'entreprise, il a toutefois noté qu'à la dette financière, pour laquelle le président d'EDF avait avancé le chiffre de 24 milliards d'euros, il convenait d'ajouter le poids des diverses charges futures certaines, telles que la garantie des retraites ou les dépenses liées à l'aval du cycle nucléaire ou au démantèlement des centrales, et que le total des engagements était, en conséquence, plutôt de l'ordre de 60 milliards d'euros.

Il a rappelé qu'un consensus existait maintenant sur les causes de la dégradation de la situation de l'entreprise, liée notamment aux modalités de l'expansion internationale et à l'évolution des tarifs qui doit être revue. Il s'est toutefois demandé dans quelle mesure le manque de compétitivité d'activités concurrentielles sur lesquelles pèsent des charges communes au groupe n'expliquait pas également cette situation.

Après s'être réjoui du projet industriel volontaire présenté par le président d'EDF, il a souhaité savoir si celui-ci pourrait être financé en maintenant la qualité du service public et notamment la qualité de la fourniture d'électricité. Il s'est également demandé dans quelle mesure le coût du renouvellement du parc nucléaire était pris en compte et comment l'entreprise envisageait de sortir du piège italien.

Après s'être associé à la question de M. François-Michel Gonnot sur l'éventuelle participation au comité exécutif d'EDF d'un dirigeant de la filiale de transport et rappelé la vigilance de la Commission européenne quant à l'indépendance de cette société, il a conclu en soulignant que l'avenir était conditionné, d'une part, par la fiabilité des pronostics financiers d'EDF et, d'autre part, par l'acceptabilité par les personnels du projet industriel.

M. Dominique Le Mèner a insisté sur l'existence d'une certaine disparité entre les régions du point de vue de la production électrique. Soulignant qu'en Bretagne et dans les Pays de la Loire, des investissements importants avaient été différés, il s'est interrogé sur les conditions d'un rééquilibrage en faveur de ces régions.

M. Gabriel Biancheri a évoqué un exemple local pour souligner que le plan de réduction des coûts d'EDF risquait d'avoir un prix social élevé. Ainsi, dans le nord de la Drôme, le marché de la maintenance des générateurs de vapeur des réacteurs nucléaires se partage actuellement entre les entreprises Cegelec pour 33 %, Framatome pour 50 %, et Westinghouse pour 17 %. A compter de 2005, ces proportions seront respectivement de 17 %, 33 %, et 50 %. Or, ce marché représentait 12 millions d'euros pour Cegelec, soit 70 % de son chiffre d'affaires. Nombre de licenciements sont donc à craindre. Cegelec a accepté de diminuer ses prix de 25 % et s'est néanmoins vu préférer Westinghouse, dont les prestations sont de bien moindre qualité car assurées exclusivement par des intérimaires. De même, l'effort de réduction des coûts risque d'avoir des conséquences pour les institutions de formation ou de recherche travaillant avec EDF.

Après avoir estimé illusoire d'espérer des bénéfices à l'étranger d'une association plus étroite avec Westinghouse, M. Gabriel Biancheri a conclu en évoquant le risque de compromettre l'avenir de notre secteur nucléaire en confiant sa sécurité à des acteurs étrangers, qui fournissent déjà à la France une part du combustible nucléaire.

MM. Daniel Paul, Christian Bataille, Pierre Ducout et François Brottes ont salué l'intervention de M. Gabriel Biancheri.

M. Roland Chassain a remercié le président d'EDF pour la sincérité dont il avait fait preuve dans sa présentation de la situation de l'entreprise et estimé que les investissements de celle-ci à l'étranger ont été décidés avec beaucoup de légèreté.

Il a souhaité savoir quelle était la position d'EDF en ce qui concerne le développement des éoliennes et où en étaient les procédures judiciaires en cours concernant la gestion de la caisse centrale des activités sociales d'EDF.

M. Léonce Deprez, Président, a souligné le profond attachement des députés à EDF en tant qu'entreprise du service public et s'est félicité de son projet industriel ambitieux. Il a insisté sur la question des énergies renouvelables et rappelé que Mme Nicole Fontaine, lorsqu'elle était ministre déléguée à l'industrie, l'avait personnellement encouragé à soutenir le développement des éoliennes en précisant qu'EDF consentirait des efforts en la matière.

Il a également souhaité savoir si la cession du patrimoine immobilier d'EDF, susceptible d'intéresser beaucoup de collectivités, était envisagée.

En réponse aux divers intervenants, M. Pierre Gadonneix a apporté les précisions suivantes :

- les capacités de financement d'EDF sont à la hauteur de ses ambitions de développement. Les analyses montrent que, compte tenu du cash-flow prévisible et des actifs qui peuvent être mis sur le marché, l'entreprise n'a pas de problème de liquidités même si la question s'est réellement posée. L'augmentation de capital a, en outre, toutes les chances d'être une réussite, dès lors que le projet de l'entreprise sera lisible par les épargnants ;

- le financement de l'EPR ne pose pas de problème particulier. Une entreprise dont le cash-flow est de 8 milliards d'euros par an peut se permettre un investissement de 3 milliards sur sept ans. EDF a d'ailleurs été capable, dans le passé, de financer la construction de 58 réacteurs nucléaires. Le fait que les Finlandais financent un EPR en totalité avec des fonds privés est rassurant quant à la rentabilité de ce réacteur ;

- EDF n'exclut pas d'associer des partenaires à ce projet mais n'a pas besoin d'argent pour le conduire. Ces partenaires pourraient être d'autres électriciens apportant une contrepartie à EDF, par exemple des capacités de production à l'étranger, ou des clients désireux de bénéficier de prix garantis à long terme ;

- la décision de construire un réacteur EPR, absolument indispensable après dix ans d'arrêt des investissements dans le nucléaire, est justifiée par les besoins de capacité de production à l'horizon de l'entrée en service industriel et par la nécessité de préserver les compétences au sein de l'entreprise et dans l'ensemble de la filière ;

- S'agissant du gestionnaire du réseau de transport, une approche non dogmatique s'impose. Tout le monde considère le marché britannique comme un exemple d'ouverture. Or, la filiale britannique de l'entreprise, EDF Energy, assure la production, la distribution et l'exploitation du réseau dans toute la région de Londres sans que cela ne suscite d'émotion. Au sein du comité exécutif d'EDF Energy siègent le patron de la production, le patron de la commercialisation et le patron du réseau. Le régulateur britannique n'a pas été dogmatique. En France, il faudra naturellement respecter à la fois la lettre et l'esprit de la loi et donc distinguer clairement ce qui relève de l'activité régulée et ce qui relève du patrimoine. EDF n'a nullement l'intention de remettre en cause la transparence et l'indépendance de la gestion du réseau de transport mais a le droit, comme les autres futurs actionnaires d'EDF Transport, de surveiller la rentabilité de son investissement. La piste envisagée, à cette fin, consisterait à bien distinguer les tâches du directeur général et celles du président du conseil d'administration. Les statuts de la société gestionnaire du réseau de transport sont en cours de rédaction ;

- s'agissant du gestionnaire du réseau de transport, l'intention d'EDF, intention qui n'est pas une décision, est de céder environ un tiers du capital. S'agissant des autres actifs susceptibles d'être cédés, il convient de rester discret afin de ne pas réduire leur valeur. Pour ce qui concerne, enfin, les biens immobiliers, les décisions seront prises au niveau local dans le souci de l'intérêt patrimonial de l'entreprise ;

- en ce qui concerne l'Italie, la situation est réellement complexe. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les mots de l'entretien accordé au quotidien Les Echos ont été soigneusement pesés. Des intérêts d'ordre financier, industriel et politique sont en cause. Deux considérations doivent être prises en compte pour définir la position d'EDF. D'une part, Edison, du fait de sa présence sur le marché italien et en tant que société gazière qui a accès à des ressources à long terme, est une belle entreprise qui s'intègre très bien dans la stratégie d'EDF. D'autre part, il importe de préserver l'intérêt patrimonial d'EDF et de son actionnaire. En outre, il n'est pas souhaitable d'acquérir une part du capital sans exercer les droits correspondants. C'est la situation actuelle et il convient donc d'en sortir. Le fait de céder les titres détenus par EDF permet de le faire et donc de préserver l'intérêt patrimonial mais n'est pas tout à fait compatible avec l'objectif de développement européen. La décision finale devra donc arbitrer entre ces deux préoccupations ;

- si la commission présidée par M. Marcel Roulet a insisté sur les aspects comptables et financiers, c'est que tel était son mandat parce que c'était la préoccupation majeure de l'actionnaire comme celle du président d'EDF lui-même à son arrivée. La question de savoir si l'entreprise avait encore des marges de manœuvre était réellement posée. La vérité est qu'elle n'en avait plus mais qu'elle peut en retrouver, notamment parce qu'elle pourra vendre son projet industriel à des épargnants ;

- personne n'a jamais dit que la valeur d'EDF était nulle. Au contraire, cette valeur, comme chacun pourra le constater lorsque des actions de l'entreprise seront mises sur le marché, est considérable ;

- le scénario de repli n'avait rien de caricatural à tel point que beaucoup le considéraient comme le seul possible au moment du changement de président de l'entreprise. Le travail de la commission présidée par M. Marcel Roulet a eu deux mérites essentiels : le premier est d'avoir œuvré dans le sens de la transparence, ce qui a eu pour effet de restaurer la confiance, et le second est d'avoir prouvé qu'il était possible de bâtir et de financer un formidable projet industriel ;

- le chiffre de 24 milliards d'euros correspond à la dette nette. Les provisions relatives au nucléaire représentent 27 milliards et les autres engagements, une dizaine de milliards ;

- s'agissant du calendrier de l'ouverture du capital, l'entreprise fera tout pour qu'elle soit possible à partir d'octobre 2005 ;

- s'agissant de la baisse des tarifs intervenue au cours des dix dernières années, il ne s'agit pas de se demander si c'était une bonne ou une mauvaise décision mais d'analyser la situation telle qu'elle est. Les charges futures sont connues. Elles incluent des coûts liés à l'ouverture du marché car celle-ci, notamment en imposant la séparation des activités de réseau et des activités commerciales, a effectivement un coût, par exemple pour l'adaptation des systèmes d'information. De même, une très importante négociation sociale est en cours dans la branche et elle aura probablement également un coût. Pour autant, une hausse future des tarifs d'environ 2 % par an, c'est-à-dire en ligne avec l'inflation, devrait permettre de faire face à l'ensemble des échéances ;

- compte tenu des chiffres annoncés par les pouvoirs publics concernant le montant de l'augmentation du capital d'EDF, l'ouverture du capital de l'entreprise devrait être inférieure au plafond de 30 % autorisé par la loi ;

- les énergies renouvelables sont payées, au bout du compte, par les consommateurs au titre des charges du service public de l'électricité sauf lorsque les tarifs baissent pour les compenser. La politique en la matière a été fixée par les pouvoirs publics qui ont mis en place le mécanisme incitatif de l'obligation d'achat. La question pour EDF est donc de savoir si l'entreprise entend investir dans les énergies renouvelables et bénéficier, comme les autres investisseurs, de ce mécanisme incitatif. La réponse est oui : EDF s'engage dans les énergies renouvelables à travers sa filiale EDF Energies Nouvelles ;

- les relations avec GDF sont importantes, notamment à travers l'opérateur commun EDF GDF Distribution, qui assure l'essentiel des missions de service public. EDF a vocation à rester le principal électricien sur le marché français et GDF, le principal gazier. Les deux entreprises souhaitent toutefois compléter leur offre pour conserver les clients désireux de bénéficier d'une offre intégrée. C'est pourquoi GDF est devenu opérateur électrique à Dunkerque ;

- la situation au Brésil est préoccupante. D'une part, beaucoup de clients ne paient pas. D'autre part, la dépréciation de la monnaie locale a provoqué un renchérissement relatif de la dette libellée en devises de la filiale brésilienne d'EDF, Light. Des négociations de hausses tarifaires sont en cours avec les autorités brésiliennes pour tenir compte de ces deux phénomènes ;

- la situation en Argentine est voisine de ce qu'elle est au Brésil à ceci près que l'exploitation y est équilibrée ;

- les efforts de performance se feront en respectant le pacte social auquel l'entreprise est attachée. Des priorités seront fixées pour concentrer les recrutements sur les domaines où les besoins sont importants. Symétriquement, les baisses d'effectifs seront encouragées là où les besoins diminuent. Les mêmes principes s'appliqueront également aux achats et aux relations avec les fournisseurs. Il importe également de réaliser des synergies entre la production et la commercialisation et entre les différentes sociétés du groupe, y compris, s'agissant de la politique sociale et des mouvements de personnel, entre les activités régulées et concurrentielles ;

- EDF souhaite rester l'architecte industriel de son parc de production et estime que les compétences ainsi acquises contribuent à l'optimisation de l'usage de l'outil de production. C'est pourquoi EDF entend être architecte-ensemblier du projet EPR en France alors que l'exemplaire de ce réacteur construit en Finlande est acheté « clés en main » par son exploitant ;

- en ce qui concerne l'Europe, la priorité est de développer les interconnexions ce qui est dans l'intérêt d'EDF et de la France ;

- la centrale thermique du Havre bénéficiera d'investissements importants au cours des prochaines années ;

- les objectifs de réduction des coûts peuvent être présentés avec différents chiffres qui sont, en fait, équivalents. L'objectif cumulé sur trois ans pour l'ensemble du groupe et en incluant une diminution des besoins de fonds de roulement est de 7,5 milliards d'euros d'économie. Cela correspond à une maîtrise des coûts d'exploitation d'un montant de 1,8 milliard d'euros en France au cours de la troisième année de mise en œuvre du projet ;

- EDF est prêt à ouvrir des discussions avec ENEL mais il reste à déterminer ce que cette entreprise peut lui proposer ;

- l'ouverture du capital s'adressera au grand public, le but étant que l'action EDF soit un « placement de père de famille » ce que ne signifie pas qu'elle ne sera pas performante ;

- des renseignements complémentaires sur les aspects locaux du projet de Gavet pourront être apportés par le délégué régional d'EDF compétent ;

- le début de la libéralisation du marché de l'électricité a coïncidé avec une phase de baisse importante des prix liée à un excédent de capacité au niveau européen. Les prix sont ainsi progressivement descendus sous le niveau permettant de financer le renouvellement des capacités de production puis ont remonté compte tenu de la résorption progressive des surcapacités. Aujourd'hui, un prix de 35 euros par mégawatt heure, niveau qui correspond au coût de production des moyens neufs les plus compétitifs, peut être considéré comme un prix d'équilibre de long terme autour duquel le prix de marché devrait osciller. Il est pertinent de proposer aux gros consommateurs des contrats à moyen ou long terme permettant de stabiliser leurs coûts ;

- un rapprochement avec La Poste dans le cadre des expérimentations en cours relatives à l'accomplissement des missions de service public est tout à fait souhaitable. Les zones d'implantation doivent être développées dans les zones où la demande est forte, en s'associant avec d'autres services publics là où la demande est faible ;

- s'agissant des obligations d'achats, évoquées par M. Pierre Ducout, c'est au pouvoir politique qu'il appartient d'arbitrer entre les différentes exigences en sachant que la réalisation d'objectifs politiques, comme la promotion des énergies renouvelables ou le développement de l'enfouissement des lignes, a nécessairement un coût ;

- pour ce qui est de l'acceptabilité sociale du projet d'EDF, des négociations sont en cours en vue d'adapter le pacte social de l'entreprise aux nouvelles conditions, par exemple pour tenir compte de l'adossement au régime général des retraites qui implique d'augmenter les cotisations salariales. La négociation concerne également le régime maladie. Le projet industriel présenté prend en compte ces éléments ;

- EDF a conscience de la nécessité, soulignée par M. Dominique Le Mèner, de renforcer la sécurité de l'approvisionnement de la Bretagne et également du sud-est de la France. Cela nécessite soit le développement des interconnexions, soit la création de nouveaux moyens de production.

M. Léonce Deprez, président, a remercié M. Pierre Gadonneix pour l'ensemble des éclairages apportés à la commission, et a dit se réjouir d'avoir entendu le responsable d'un grand service public affirmer qu'il avait aussi la responsabilité de mener à bien un formidable projet industriel.

Informations relatives à la Commission

La Commission a procédé à la nomination de rapporteurs :

- M. Dominique Le Mèner a été nommé rapporteur pour la proposition de résolution de M. Christian Philip (n° 1887) sur le troisième paquet ferroviaire (documents E 2535, E 2536, E 2537 et E 2696)

- M. François-Michel Gonnot a été nommé rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux aéroports (n° 1914).

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