DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE COMPTE RENDU N° 1 Mercredi 29 octobre 2003
(Séance de 16 heures 30) Présidence de M. Emile Blessig, président SOMMAIRE
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I -Présentation du rapport d'information sur la gestion de l'eau sur le territoire (M. Jean Launay, rapporteur) II -Présentation du rapport d'information sur la gestion des déchets ménagers sur le territoire (M. Emile Blessig, rapporteur) III - Nomination de rapporteurs |
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| I -PRÉSENTATION DU RAPPORT SUR LA GESTION DE L'EAU SUR LE TERRITOIRE (M. JEAN LAUNAY, RAPPORTEUR) M. Jean Launay, rapporteur, a indiqué que le thème de l'eau avait déjà fait l'objet de nombreuses attentions de la part des pouvoirs publics : annonce du dépôt d'un projet de loi en 2004 par Mme la ministre de l'écologie et du développement durable, commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les inondations, rapport de M. Yves Tavernier, au nom de la Commission des finances de l'Assemblée nationale sur le prix de l'eau lors de la précédente législature et plus récemment, rapport de M. Gérard Miquel, sénateur du Lot, sur la qualité de l'eau et de l'assainissement en France. Le présent rapport ne vise pas à traiter de nouveau ces questions, mais à montrer certains aspects de la politique de l'eau au regard de l'aménagement du territoire. L'eau est un enjeu pour des politiques aussi diverses que le tourisme, la santé, l'agriculture ou les transports. Mais elle constitue également un élément d'aménagement du territoire. En effet, le législateur, en votant la loi du 16 décembre 1964, s'est fondé sur un dispositif permettant à une collectivité locale ou à un établissement public de se porter maître d'ouvrage d'opérations sur un bassin versant ou un sous-bassin, afin de coordonner les activités humaines sur lesdits bassins. Quarante ans après son vote, la loi du 16 décembre 1964 peut être qualifiée de succès. Elle a même inspiré la Commission européenne lorsque celle-ci a élaboré sa directive cadre sur l'eau. Deux constats s'imposent cependant : d'une part, la loi du 16 décembre 1964 a permis l'établissement d'une politique de l'eau, mais n'est pas allée au bout de la logique en désignant clairement un maître d'ouvrage, ce qui a conduit les collectivités locales à prendre en charge les actions sur le terrain, d'autre part l'émiettement des compétences rend cette politique peu lisible. Or le recours à de nouvelles sources de financement devient urgent, compte tenu des investissements à assurer pour respecter les nouvelles normes environnementales. Actuellement apparaissent quatre enjeux : la qualité de l'eau, le prix de l'eau, le renouvellement et l'interconnexion des installations et enfin l'adaptation du droit aux réalités en redéfinissant les compétences des collectivités locales et des établissements publics. Le travail sur la qualité de l'eau est imposé par l'évolution du droit communautaire, qui a dégagé la notion de masse d'eau. Or, en se fondant sur cette notion qui constitue une échelle plus petite que le bassin, le droit européen conduit à une territorialisation des politiques de l'eau. Cet aspect a sans doute échappé au législateur européen et au législateur national, mais il risque de s'imposer graduellement au fur et à mesure que les collectivités locales devront satisfaire à leurs obligations. Juridiquement, la conduite de la politique de l'eau est assurée par les agences de l'eau et les comités de bassin, mais en pratique les départements, sans compétences juridiques spéciales, assurent une grande partie des investissements. Sans doute faut-il s'interroger sur l'adéquation de nos échelons administratifs avec la réalité du terrain, qui est le bassin versant. C'est pour cette raison que le rapport propose de donner plus de pouvoirs aux établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) qui ont un double avantage : ils émanent des collectivités locales et disposent donc d'une légitimité démocratique. Leur terrain d'action est constitué par le bassin versant. Les communes et les établissements publics rencontrent de multiples problèmes de financement. La disparition du Fonds national de développement des adductions d'eau (FNDAE) n'est pas opportune alors que les réseaux nécessitent d'être modernisés et qu'il faut sécuriser la ressource. Le renouvellement des canalisations constitue un défi financier redoutable à l'heure où les ressources financières se raréfient. La disparition du FNDAE ne peut que tourner les communes vers les départements, conduisant ces derniers à accentuer leur rôle de premiers investisseurs dans le domaine de l'eau. L'enchevêtrement des compétences nuit à la cohérence des politiques de l'eau sur le territoire. Il semble, pour résoudre ce problème, qu'il faille transférer les compétences aux départements qui sont les mieux placés pour coordonner les travaux. Si la politique de l'eau devait être orientée vers la départementalisation, la logique exige que des transferts de ressources financières soient opérés au profit des départements, en affectant, entre autre, à leur profit la taxe sur les titulaires d'ouvrages hydroélectriques concédés, dans la mesure où cette taxe avait été instituée pour financer de nouveaux équipements. Son rendement actuel ne suffira pas à financer l'ensemble des besoins d'investissements constatés sur notre territoire ; aussi faut-il envisager de dégager pour les départements une partie de la fiscalité assise sur l'eau. Le gouvernement ne pourra faire l'économie d'une réflexion sur les financements nouveaux car ces derniers sont indispensables, quelle que soit la répartition future des compétences. La réalité physique du bassin versant, qui dépasse les limites administratives, a conduit de facto les collectivités locales à se grouper au sein d'établissements publics territoriaux de bassin, qui sont devenus au fil du temps un échelon essentiel de la gestion de l'eau. Une reconnaissance juridique plus forte rétablirait le triptyque de la loi du 16 décembre 1964 en déterminant clairement un maître d'ouvrage. Il s'agit de substituer à la simple logique de travaux sur des cours d'eau une politique d'aménagement du territoire autour des cours d'eau. Dès lors qu'une politique d'aménagement s'exerce à cette échelle, elle nécessite des négociations et des accords qui ne peuvent être portés que par des élus. Chaque acteur a sa place dans la conduite de la politique de l'eau. Les agences de l'eau disposent de moyens financiers, mais leurs crédits sont en partie inutilisés alors que les projets d'investissements existent. Il est évident qu'il faut renforcer le rôle des maîtres d'ouvrage. Ce renforcement exige de dépasser les querelles de chapelle que l'on rencontre encore trop souvent parmi les acteurs de la politique de l'eau. M. Emile Blessig, président, a constaté que l'eau, à l'instar de nombre de domaines techniques, souffrait d'un éparpillement des intervenants. M. Jean Launay, rapporteur, a estimé que le projet de loi, dont le dépôt est annoncé pour 2004, devrait procéder à des transferts de blocs de compétences, et sans doute mettre en avant les départements et les EPTB. On constate actuellement que le dialogue est difficile entre les agences de l'eau et les EPTB. M. Serge Poignant a souligné l'importance d'un maître d'ouvrage à l'échelle du bassin. Il s'est ensuite interrogé sur les différences du prix de l'eau dans les communes regroupées en communautés urbaines, qui mutualisent les coûts, et dans les communes rurales. M. Jean Launay, rapporteur, a indiqué que cette question n'était pas évoqué par le rapport, qui a été axé sur les besoins d'investissement : garantir et sécuriser l'accès à la ressource, interconnecter les réseaux. Mais il ne fait pas de doute que si le département jouait un rôle de chef de file, ses investissements permettraient l'égalisation du prix de l'eau en fonction de critères de solidarité. M. Jean-Pierre Dufau a rappelé que le débat de fond consistait en l'accessibilité des citoyens au service de l'eau. Doit-on laisser agir librement chaque collectivité, ce qui induira des écarts, ou mettre au point un meilleur système de péréquation ? L'enjeu est de maintenir un prix accessible sur l'ensemble du territoire. Il faut également garder à l'esprit que les collectivités locales raisonnent en séparant l'approvisionnement en eau de l'assainissement alors que les usagers globalisent déjà ces deux missions. M. André Chassaigne a souligné que les problèmes de l'eau étaient aggravés en milieu rural. L'occupation des sols exige en effet des captages nombreux et la mise en place de périmètres de protection augmente le coût de fonctionnement des régies. Les nouvelles normes communautaires créent des problèmes financiers pour les communes, obligées de procéder à des enquêtes et à des acquisitions foncières, ainsi qu'à des clôturages et des analyses sanitaires. Nombreuses sont celles qui ne peuvent trouver de solution technique, comme la diminution du taux d'arsenic, ce qui laisse à penser que les préfectures et les DASS les poussent vers la privatisation du service de l'eau. Sans doute faudrait-il limiter ou moduler l'application du droit européen dans les zones peu peuplées. Par ailleurs, la législation européenne impose également le contrôle des installations individuelles d'assainissement, qui concernent les deux tiers des foyers en milieu rural. Ce contrôle entraînera des répercussions à la hausse sur les factures des usagers. M. Jean Launay, rapporteur, a suggéré de renforcer la solidarité entre territoires, en désignant une collectivité chef de file pour porter la réflexion politique et conduire les travaux. Il n'est en revanche pas souhaitable de déroger au droit communautaire. Le problème de notre pays est qu'il n'a pas anticipé la nécessaire connexion des réseaux alors que des événements comme la récente sécheresse en montrent l'utilité. M. Philippe Folliot a souligné l'intérêt de l'interconnexion des réseaux et a évoqué la question de l'acidité de l'eau en zone de montagne. Cette acidité empêche certaines eaux, saines au demeurant, de répondre aux normes de potabilité, et renchérit les coûts d'exploitation des gîtes ruraux. La Délégation a autorisé la publication du rapport d'information sur la gestion de l'eau sur le territoire. II -PRÉSENTATION DU RAPPORT D'INFORMATION SUR LA GESTION DES DÉCHETS MÉNAGERS SUR LE TERRITOIRE (M. EMILE BLESSIG, RAPPORTEUR) La délégation a ensuite examiné le rapport de M. Emile Blessig sur la gestion des déchets ménagers sur le territoire. M. Emile Blessig, rapporteur, a rappelé que la loi du 13 juillet 1992 sur les déchets avait expiré à la fin de 2002. Il est opportun d'en examiner les résultats avant le dépôt d'un projet de loi annoncé pour 2004, d'autant que la gestion des déchets est une véritable question d'aménagement du territoire. La loi de 1992 a permis de mettre en place une filière industrielle de traitement des déchets et a commencé une politique de réduction à la source et de valorisation de la matière. Mais l'objectif central -le stockage des seuls déchets ultimes - n'a pas été atteint. Le bilan de la loi de 1992 est d'autant plus mitigé qu'il est marqué par l'échec des plans départementaux d'élimination des déchets, victimes d'une instruction trop technocratique et de la peur de nombreux départements de prendre leurs responsabilités politiques. Cette inertie explique le maintien de la mise en décharge au détriment de l'incinération et du recyclage. La France se dirige actuellement vers une saturation de ses capacités de stockage et de traitement : 40 % des départements seront en situation de pénurie d'installations d'ici quatre années, et ce taux monte à 66 % d'ici à 2010. Cela signifie qu'environ 6 millions de tonnes de déchets risquent de ne pas trouver d'exutoire à court terme alors qu'il faut généralement cinq ans pour ouvrir une nouvelle décharge ou une usine d'incinération. La réticence des citoyens à l'égard des installations classées exige que la future politique des déchets renforce la démocratie locale. Il est également nécessaire de modifier le comportement des consommateurs dans la mesure où le rythme de production des déchets évolue parallèlement à celui de la consommation. Le rapport avance plusieurs pistes pour une future politique des déchets : - restaurer la confiance des citoyens, en abolissant notamment le monopole de contrôle de l'administration sur les installations classées ; - déconnecter la production de déchets de la croissance de la consommation ; - réformer la taxe et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, dont le rendement a doublé, mais qui suscitent l'incompréhension des contribuables ; - prévoir des financements incitant les communes à accepter les installations de stockage ou de traitement sur leur territoire, dans la mesure où il s'agit d'une question de solidarité entre territoires ; - clarifier les compétences entre l'Etat et les collectivités locales. M. Serge Poignant a fait un parallèle entre le présent rapport et son récent rapport sur les énergies renouvelables qui montrent, dans les deux cas, la faiblesse des efforts d'investissements sur les techniques nouvelles. Même s'il existe des centres techniques d'enfouissement et des incinérateurs, il est dommage que les pouvoirs publics n'aient pas marqué plus d'intérêt pour la thermolyse. M. Jean-Pierre Dufau a jugé que l'élimination des déchets était un problème urgent. Les citoyens ne font pas actuellement la relation entre la production des déchets et le coût de leur élimination. Leur déresponsabilisation est totale en la matière. Il faut donc sensibiliser les citoyens à cette question, en la dédramatisant et en jouant la transparence. M. Emile Blessig, rapporteur, a indiqué que plusieurs pays comme la Suède jugeaient que la valorisation des déchets constituaient une filière économique d'avenir. M. Philippe Folliot s'est interrogé sur l'obligation de valorisation énergétique applicable aux déchets. Il a également jugé que l'échec des plans départementaux était dû à la conception de grandes unités, ce qui conduisait à un mauvais bilan écologique en raison des myriades de camions qui transportent les déchets sur les routes. Il a appelé à des compensations financières en faveur des communes qui accueillent des installations de stockage et de traitement. M. Emile Blessig, rapporteur, a considéré que les citoyens se sentaient moins coupables de produire des déchets en les triant. Mais notre pays est à la veille d'une saturation de ses équipements. Le recours à de nouveaux espaces exige de restaurer la confiance des citoyens et de faire comprendre que le traitement des déchets est une question de solidarité entre territoires. M. André Chassaigne a jugé que le traitement des déchets devrait être déclaré grande cause nationale et a souhaité la promotion de l'écocitoyenneté. Il s'est déclaré d'accord avec les propositions du rapporteur visant à une meilleure articulation entre démocratie représentative et démocratie participative. Il a enfin souhaité que le secteur de la grande distribution participe plus activement à la lutte sur la production de déchets. M. Jean Launay, après avoir rappelé le bilan de la loi de 1992, s'est déclaré en accord avec les principales propositions du rapporteur. Le rétablissement de la confiance des citoyens doit permettre d'éviter que les élus qui s'emparent à juste titre d'un problème en soient ensuite les victimes. La Délégation a autorisé la publication du rapport d'information sur la gestion des déchets ménagers sur le territoire III - NOMINATION DE RAPPORTEURS La délégation a désigné M. Max Roustan comme rapporteur sur la désindustrialisation du territoire. Elle a ensuite désigné MM. Jean-Pierre Dufau et Emile Blessig comme rapporteurs sur les indicateurs de la politique de développement durable.
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