DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 20

Mardi 20 mai 2003
(Séance de 17 heures)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Marie-Josèphe Lamar, présidente de l'Union départementale des centres d'information des femmes et des familles des Hauts-de-Seine, enseignant chercheur à Paris V, et Mme Florence Denneulin-Desproges, responsable du groupe de travail "retraites" du CNIDFF

- Audition de Mme Roselyne Lecoultre, présidente de la commission des conjoints, M. Christian Pineau, chargé de mission, et M. Guillaume Tabourdeau, chargé des relations avec le Parlement, de l'Union professionnelle artisanale (UPA)

- Audition de Mme Karen Serres, vice-présidente de la commission nationale des agricultrices de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)

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La Délégation aux droits des femmes a entendu Mme Marie-Josèphe Lamar, présidente de l'Union départementale des CIDF des Hauts-de-Seine, enseignant chercheur à Paris V, et Mme Florence Denneulin-Desproges, responsable du groupe de travail "retraites" du CNIDFF, sur la réforme des retraites.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous recevons aujourd'hui Mme Marie-Josèphe Lamar, présidente de l'Union départementale des centres d'information des femmes et des familles des Hauts-de-Seine, enseignant chercheur à Paris V, et Mme Florence Denneulin-Desproges, responsable du groupe de travail "retraites" du Centre national d'information et de documentation des femmes et des familles (CNIDFF), en remplacement de Mme Annie Guilberteau, directrice générale, empêchée.

Mme Marie-Josèphe Lamar, vous avez beaucoup réfléchi sur le problème des femmes dans les régimes de retraites. Nous avons pris connaissance avec le plus grand intérêt de vos travaux et publications sur ce sujet.

Nous souhaiterions d'abord recueillir votre opinion, d'une façon générale, sur les inégalités de traitement entre hommes et femmes dans les régimes de retraite, particulièrement dans la fonction publique, et sur l'intérêt des avantages familiaux dans une perspective à long terme.

Plus précisément, nous aimerions ensuite connaître votre opinion sur les points du projet de loi qui concernent les femmes :

- les pensions de réversion du régime général, dont les conditions d'accès sont sensiblement modifiées et améliorées ;

- les avantages familiaux des fonctionnaires, révisés pour respecter la jurisprudence communautaire sur l'égalité de traitement hommes-femmes.

Mme Denneulin-Desproges, vous êtes responsable du groupe de travail "retraites" du CNIDFF. Vous avez travaillé avec Mme Annie Guilberteau, sur ce sujet, et plus particulièrement, sur le problème des pensions de réversion.

Quelles sont les réflexions de votre groupe de travail sur la place faite aux femmes dans les régimes de retraite ? Le projet du Gouvernement, qui maintient les avantages familiaux, permettra-t-il d'améliorer la situation des femmes vis-à-vis des droits à la retraite et à la réversion ?

D'une manière générale, je souhaiterais avoir votre sentiment sur ce projet gouvernemental.

Mme Marie-Josèphe Lamar : Je suis enseignant chercheur en université, présidente de l'Union départementale des CIDF des Hauts de Seine, qualités au titre desquelles vous avez souhaité m'entendre, mais je précise que je suis également :

- vice présidente de Population et Avenir, association reconnue d'utilité publique - qui a plus de cent ans - dotée d'un important fonds documentaire et d'une revue d'un haut intérêt démographique, dont vous êtes destinataires ;

- et administrateur d'un réseau national d'associations familiales.

J'ai donc tenté d'opérer une synthèse née de la richesse des observations pratiquées au sein de ces différents réseaux, et des analyses théoriques qui y sont menées ou répertoriées.

Une réforme des régimes de retraite est rendue inévitable en France, comme dans presque tous les Etats européens, principalement en raison des évolutions démographiques. Il est extrêmement important de considérer que la place que les régimes de retraite actuels et futurs consentent aux femmes qui auront à la fois exercé une activité professionnelle et élevé des enfants ne relève pas de problématiques catégorielles. Elle est tout à fait emblématique de la reconnaissance par la société de l'effort contributif au renouvellement des générations, si important dans un pays où l'on entend sauver le système de retraite par répartition, symbole de la solidarité entre les générations. Cette charge qui est vitale, essentielle pour l'avenir de la société, ne peut être essentiellement assumée par les femmes sans contrepartie.

A des époques diverses, de façon propre à nos très nombreux régimes de retraite, - je vais limiter mon propos aux deux principaux : au régime général et au régime de la fonction publique- sont apparues des dispositions dites "avantages familiaux", qui sont en réalité des compensations familiales. Il y a un problème de vocable à ce sujet. Certains de ces "avantages familiaux" sont accordés aux pères et aux mères. Ce sont les suppléments de pension pour les parents de famille nombreuse, qui sont servis à partir de trois enfants et plus. D'autres sont réservés aux mères pour compenser les désavantages causés spécifiquement par leurs maternités et l'éducation des enfants dans leurs carrières professionnelles, et dont les droits à pension de retraite sont une conséquence.

Au sein de ces avantages spécifiquement féminins, il y en a de deux sortes :

D'une part, les bonifications d'ancienneté qui permettent des gains en annuités ou en trimestres, suivant que l'on est dans la fonction publique ou dans le régime général et, d'autre part, le droit à retraite proportionnelle des femmes fonctionnaires ayant élevé au moins trois enfants et ayant au moins quinze ans de service.

Le principe des compensations familiales est plus que jamais nécessaire dans un pays où la situation démographique est inquiétante. Il a pourtant été menacé - il l'est peut-être encore - au nom du principe d'égalité entre hommes et femmes, et aussi par la réflexion menée sur la finalité de ces compensations, certains s'interrogeant sur l'utilité, en termes de politique familiale, de maintenir des avantages qu'on perçoit au moment de la retraite.

Si un constat de la situation d'inégalité persistante entre hommes et femmes peut être fait, un certain soulagement naît de la lecture de l'avant-projet de loi et de son très long exposé des motifs. Ils susciteront de ma part, des propositions motivées, parfois alternatives.

Le constat, que vous trouverez dans le document que je vous laisserai à la fin de cette audition, c'est :

- une forte inégalité des pensions de retraite entre les sexes,

- une inégalité persistante dans la vie familiale et la vie professionnelle que l'on voit mise en lumière dans tous les rapports,

- un contexte démographique peu favorable. J'y reviens puisqu'en tant que vice-présidente de Population et Avenir, c'est un souci qui m'anime.

La France demeure dans ce que Gérard-François Dumont, président de Population et Avenir, professeur à Paris IV, appelle un "hiver démographique", dans la mesure où le niveau de fécondité demeure inférieur au seuil de remplacement des générations, même si celui-ci est moins bas que dans d'autres pays d'Europe. Peut-être le devons-nous aux prolongements de notre politique familiale au moment des retraites.

La comparaison européenne montre que, dans les pays du Sud où le taux d'activité féminine est le plus faible, le taux de natalité est aussi le plus bas, alors qu'il monte dans les pays où l'investissement professionnel des femmes est le plus fort. Ce qui paraît paradoxal.

Tout se passe donc comme si les femmes européennes, y compris les Françaises, souhaitaient exercer une activité professionnelle, au point de ne plus avoir d'enfants lorsque ceux-ci obligent la femme à cesser de travailler, faute de politique familiale convaincante.

Au sein de ces pays, la France a une place de choix quant à son taux de natalité, et bien qu'il soit fort difficile de mettre en évidence et d'isoler les causes de ces phénomènes, on peut penser qu'elles sont en partie liées à une politique familiale forte accompagnant les femmes et leurs familles de l'avant naissance à une ouverture à compensations au moment de la retraite, et non pas à une politique familiale qui se rapprocherait d'une politique purement nataliste d'accueil au jeune enfant.

Que propose l'avant-projet de loi du 7 mai 2003 ?

C'est une analyse qui, pour l'instant, est presque un rapport d'étape, puisqu'une nouvelle mouture peut être présentée au Conseil des ministres du 28 mai.

L'exposé général des motifs de l'avant-projet de loi affirme la volonté de "maintenir et moderniser les avantages familiaux". Il est donc apparent que l'interrogation porte plus aujourd'hui sur la "modernisation" des avantages familiaux, que sur leur principe même, ce qui est un excellent point. Un consensus semble s'être dégagé pour ne pas toucher aux suppléments de pension servis dans les différents régimes aux pères et aux mères ayant élevé au moins 3 enfants, avec une progressivité liée à l'accroissement du nombre d'enfants, limité à 30 % dans la fonction publique, par exemple.

Il est vrai que les lois de finances ont innové à partir de celle de 2001, en imposant à la CNAF une cotisation au Fonds de solidarité vieillesse, fondée sur le fait qu'il assure les majorations de pension accordées en fonction du nombre d'enfants. En réalité, la branche vieillesse n'utilise qu'une infime partie de ce transfert pour les annuités validées à ce titre, le reste servant à payer les autres retraites. Peut-être est-ce un élément qui a permis qu'un tel consensus ait été dégagé, mais finalement on est satisfait de ce consensus sur les suppléments de pension.

L'accord conclu le 15 mai avec les deux syndicats (CFE-CGC et CFDT) n'a rien apporté de nouveau sur les avantages familiaux.

Sur la date d'entrée en vigueur des dispositions nouvelles :

Le projet rejette toute rétroactivité des dispositions pouvant avoir des conséquences négatives pour les femmes fonctionnaires devenues mères avant le 1er janvier 2004.

Les droits modifiés ou ouverts par la réforme s'appliqueront pour tous les enfants nés à compter du 1er janvier 2004, l'ancien régime étant conservé pour les droits ouverts par les enfants nés avant le 1er janvier 2004 (sauf amélioration, comme c'est le cas à l'adresse des pères fonctionnaires qui pourront bénéficier, sous conditions difficiles à remplir, de bonifications d'ancienneté.

Il est normal que les droits à compensations familiales soient considérés comme acquis du fait de la naissance des enfants, et non du fait de la liquidation des droits à pension ; les juristes y verront certainement une nuance. Je crois qu'il ne faut pas raisonner en juriste, mais en tant que femme. En effet, c'est, entre autres, au regard de l'existence de ces droits que les femmes ont accepté de mettre au monde leurs enfants.

Sur le contenu des dispositions nouvelles :

Dans le secteur privé, l'avant projet de loi est muet sur les bonifications de durée d'assurance dues aux mères de famille salariées, - huit trimestres par enfant, qui sont un avantage strictement féminin - ce qui encline à croire sans réserves en leur maintien et à leur attribution aux mêmes titulaires.

Les pères du secteur privé n'auront donc pas accès aux bonifications d'ancienneté.

L'article 24 de l'avant-projet de loi ouvre aux salariés du privé à temps partiel la possibilité de cotiser sur la base d'un temps plein. C'est une excellente mesure qui bénéficiera principalement aux femmes, très largement majoritaires à exercer des activités à temps partiel.

Dans la fonction publique, sont maintenues deux sortes de compensations familiales, outre les suppléments de pension, droits mixtes dont on a vu qu'ils faisaient consensus :

- les bonifications d'ancienneté :

Il faut faire un distinguo entre les enfants nés avant le 1er janvier 2004 et les enfants nés après le 1er janvier 2004.

Pour les enfants nés avant le 1er janvier 2004, elles seront comme par le passé d'un an par enfant, sous condition, pour les hommes (droit nouveau destiné à mettre la France en conformité avec la jurisprudence Griesmar de la Cour de Justice des Communautés européennes) et les femmes, d'avoir interrompu leur activité au moins deux mois en rapport avec la naissance de l'enfant ou son éducation. Cela revient pour les femmes au maintien d'une acquisition quasiment automatique de ces droits, sous réserve de ceux qui ne seraient plus ouverts aux femmes ayant adopté des enfants avant l'existence du congé d'adoption, ou pour leurs enfants nés pendant qu'elles étaient étudiantes.

Pour les enfants nés après le 1er janvier 2004, les bonifications d'ancienneté seront ouvertes aux hommes et aux femmes dans les mêmes conditions. Chacun, homme ou femme, pourra valider jusqu'à trois ans par enfant (exprimé en trimestres), sous condition d'avoir interrompu son activité ou de l'avoir réduite au profit de l'enfant. De cette façon, le Gouvernement entend répondre à l'exigence d'égalité entre les sexes posée par l'arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 29 novembre 2001, qui a imposé l'ouverture de ces avantages aux hommes ayant la charge effective des enfants. Le Conseil d'Etat avait aggravé, par un arrêt du 29 juillet 2002 rendu dans la même affaire Griesmar, l'impact financier de cette jurisprudence en considérant que tous les pères titulaires de l'autorité parentale ont la charge effective des enfants, alors qu'il pouvait être donné de la notion de "charge effective" une définition plus étroite.

- le droit à retraite proportionnelle des femmes fonctionnaires ayant élevé au moins trois enfants et totalisant 15 ans de services :

Officiellement ce droit n'est pas menacé par l'avant-projet de loi, puisqu'il est inclus dans l'exposé général des motifs proposant le maintien et la modernisation des avantages familiaux, et qu'il est ignoré dans le texte des articles de l'avant-projet, et notamment de son article 35, qui réaménage en le confirmant le droit à retraite proportionnelle des militaires.

Officieusement, on peut être plus inquiet à la lecture du discours de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la Fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, qui déclarait le 7 mai dernier : "le droit au départ après 15 ans de service des femmes ayant élevé trois enfants est conservé. Une discussion spécifique sera ouverte sur ce point." C'est toujours un élément d'alerte. On peut donc légitimement se demander si l'on n'attend pas des parlementaires un dépeçage de ce droit. On peut également se demander si ce droit ne serait pas soumis à décote, ce qui en ruinerait l'intérêt, dans la mesure où l'article 33 de l'avant projet institue une décote spéciale moindre pour les militaires prenant leur retraite proportionnelle.

Cette réflexion conduit à faire des propositions motivées sur l'ensemble des compensations familiales, tant sur leur opportunité que sur les modalités qui paraissent être souhaitables. Ce sont des pistes de recherche de solutions équitables.

Le Gouvernement paraît désireux à la fois de répondre aux exigences européennes d'égalité entre les hommes et les femmes, et de "maintenir une politique familiale avantageuse", dans le but de favoriser la natalité, y compris - puisqu'il accepte le principe du maintien des compensations familiales - dans le traitement des conséquences des maternités, et parfois paternités, au moment des retraites.

Il s'agit de mettre en œuvre un véritable contrat de confiance avec les femmes et les familles. L'amélioration des droits à retraite, liée au nombre d'enfants élevés, est un juste instrument de politique familiale qui, seul, peut combler en partie l'inégalité de fait entre les sexes résultant d'une différence persistante des rôles féminins et masculins dans l'éducation des enfants et la vie domestique.

Les choses peuvent bouger. Mais aujourd'hui, il y a quand même, semble-t-il, une différence assez irréductible.

Je pense qu'il faut absolument, dans ce domaine-là, quoi que le Parlement soit amené à voter, qu'il n'y ait pas de rétroactivité sur l'applicabilité des mesures nouvelles, la rétroactivité étant entendue, telle que je l'ai définie tout à l'heure, comme revenant sur des avantages que des femmes ont pu croire acquis parce qu'elles avaient conçu des enfants au regard de la législation existante à cette époque. C'est beaucoup plus grave que l'incidence fiscale rétroactive d'une disposition de la loi de finances. Il s'agit quand même de l'humain, de donner confiance dans le devenir, et de faire qu'il y ait demain des femmes qui aient envie d'avoir des enfants.

Dans une perspective de confiance réciproque, il est indispensable de confirmer le principe de l'acquisition de droits par les femmes du fait de la naissance de leurs enfants, et, mieux, de leur conception, celle-ci ayant été décidée au regard d'un certain nombre de paramètres, dont les droits futurs à pension. En décider autrement au prétexte que ces droits sont inconnus, ou mal connus reviendrait à enterrer le principe de sécurité juridique. Nous sommes tous attachés à la sécurité juridique ; dire que les femmes ne connaissent pas leurs droits revient finalement à considérer qu'il n'y a pas de sécurité juridique. Quelque part, cela me paraît être un peu dérangeant.

Il faut donc écarter toute forme de rétroactivité de la loi, qui pourrait être soulevée à l'occasion des prochains débats, car elle révélerait un profond dédain des sacrifices consentis par celles qui ont tenté de concilier vie familiale et vie professionnelle au regard des règles existantes. Il en est autrement bien entendu quand il s'agit d'ouvrir, et non de fermer un droit (cf. ouverture aux pères fonctionnaires des bonifications d'ancienneté pour leurs enfants déjà nés, sous condition d'avoir interrompu au moins deux mois leur activité professionnelle).

Pour une réforme de cette importance, il pourrait être envisagé d'aligner le bénéfice des diverses compensations familiales dans tous les régimes. La situation d'une femme au travail, dans la fonction publique et dans le secteur privé, par exemple, n'est pas si différente quand elles tentent de conjuguer avec succès les impératifs des vies professionnelles et familiales.

Il se posait indéniablement un problème de recherche d'égalité entre hommes et femmes depuis la condamnation par la CJCE des principes retenus en ce domaine par la législation française. Comme la CJCE, pour des raisons de compétence, a pu condamner les dispositions du code des pensions civiles et militaires instituant des "avantages" spécifiquement féminins, et non celles du régime général du secteur privé, on arrive à ce paradoxe que l'inégalité entre les régimes pourrait bien sortir doublement renforcée de cette réforme :

- il faut éviter l'inégalité entre les pères.

Les pères restent exclus du bénéfice des majorations de durée d'assurance dans le secteur privé, alors que, dans le dispositif de la fonction publique, ils seront non seulement à égalité avec les mères, pour les enfants qui naîtront à compter du 1er janvier 2004, mais pourront bénéficier d'allongement des durées de cotisations, de façon rétroactive, pour leurs enfants déjà nés au 1er janvier 2004. Il suffira qu'ils aient satisfait à la condition d'interruption de deux mois de leur activité qui les rendra, il est vrai, assez difficilement en situation d'en bénéficier ;

- il faut éviter l'inégalité entre les mères.

Dans le secteur privé, elles continueront comme par le passé à bénéficier de plein droit d'une majoration de durée d'assurance de huit trimestres par enfant élevé, alors que les femmes fonctionnaires perdront ce bénéfice par principe. Elles devront avoir interrompu deux mois leur activité pour les enfants nés avant le 1er janvier 2004, ce qui entraînera une impossibilité de pouvoir bénéficier des bonifications d'ancienneté pour les enfants nés alors qu'elles étaient encore étudiantes par exemple, et, pour leurs enfants nés à partir du 1er janvier 2004, elles devront faire la preuve, comme les pères, d'une interruption ou d'une diminution d'activité professionnelle conditionnant un gain en trimestres qui pourra aller jusqu'à trois ans par enfant.

C'est regrettable, car cette disposition, d'une part, nie les désavantages maternels de carrière autres que ceux résultant de la diminution de l'activité du fait des maternités. Autrement dit, à partir du moment où l'on continue à travailler, on ne subirait pas de désavantage. Je pense que toutes les femmes qui ont travaillé, même dans la fonction publique, savent que l'on connaît des désavantages. D'autre part, cela pourrait contribuer - cela fait partie de ces effets pervers des lois que, dans la mesure du possible évidemment, le législateur essaie d'éviter - à détourner les femmes du marché de l'emploi, alors même que les évolutions économiques et sociales de la société devraient faciliter l'activité professionnelle des femmes. En effet, elles subissent plus que les hommes la fragilité des unions et la paupérisation.

Il serait souhaitable :

- Pour les mères : de décider l'acquisition automatique de droits à majoration de durée de cotisations d'assurance du seul fait de la naissance d'enfants - c'est-à-dire de revenir à ce qui se faisait autrefois et leur accorder un bénéfice de plein droit de leur qualité de mère, étant donné que tout montre que l'inégalité, au moins une inégalité de fait, persiste entre hommes et femmes - et d'aligner l'avantage procuré à deux ans de bonification par enfant quel que soit le régime, voire en aménageant les conditions de ce calcul de façon à ce que ces deux ans de bonification soient identiques dans le secteur privé et dans la fonction publique.

- Pour les pères : leur accorder les avantages familiaux, non pas de plein droit, mais à condition que ceux-ci justifient d'une preuve de la charge effective des enfants, définie par :

· soit une situation de monoparentalité : qu'il s'agisse d'une monoparentalité d'origine ou acquise (veuvage ou décès de la mère naturelle des enfants) ; ou bien le fait d'être celui chez qui la résidence habituelle de l'enfant est fixée, après séparation des parents ;

· soit la prise de congés parentaux ou de congés spéciaux, tels le congé de présence parentale (en cas d'accident ou de handicap grave de l'enfant), ou en raison d'un passage à temps partiel de l'activité professionnelle motivé par les besoins de l'éducation de l'enfant. Le projet de loi ne retient que cet aspect là des choses et encore pour les seuls pères de la fonction publique, pour l'acquisition des droits à bonifications d'ancienneté.

Une fois constatée l'inégalité entre les mères, l'inégalité entre les pères, l'inégalité entre les régimes, il faut évoquer le droit à retraite proportionnelle des femmes fonctionnaires ayant élevé au moins 3 enfants et totalisant au moins 15 ans de services. Ce droit devrait être maintenu, voire élargi.

Selon la philosophie développée dans l'avant-projet, c'est un droit qu'il faut considérer comme acquis pour celles qui en réuniront les actuelles conditions au 1er janvier 2004, soit au moins 3 enfants et 15 ans de services. La question ne devrait être éventuellement discutée que pour les enfants non encore nés.

Pour l'avenir, il me paraît essentiel de préserver ce droit, car c'est le seul qui crée une compensation au profit des mères de famille nombreuse.

Ce droit favorise la reconversion professionnelle dans le secteur privé des mères de famille nombreuse, permettant aux plus jeunes d'entre elles d'accéder dans des conditions confortables à un statut de polypensionnées.

Il permet également de libérer du marché du travail des femmes plus âgées, à l'heure où elles vont pouvoir s'investir dans le soutien à leurs petits enfants et dans la charge de leurs propres ascendants, souvent encore présents, mais dont la situation de dépendance s'installe. Il permet une véritable manifestation de solidarité intergénérationnelle.

Dans le rapport de la Cour des comptes rendu public le 17 avril dernier, qui stigmatise ce droit, il est quand même précisé que la moyenne d'âge des femmes en faisant usage est de 51,7 ans. C'est donc rarement une petite écervelée de 33 ans.

Il ne faut pas se fonder sur les effets pervers d'un système, mais le considérer dans sa globalité. Les mères de famille nombreuse sont rarement de grandes égoïstes, complètement écervelées. Donc, c'est rarement pour partir planter leur tente aux Canaries ou ailleurs qu'elles vont utiliser ce droit. Si elles l'utilisent en moyenne à 51,7 ans, c'est que les parents deviennent dépendants, les premiers petits-enfants sont là. Elles rendent donc un service à la société. Dès lors, pourquoi en limiter l'accès aux femmes fonctionnaires ? Dans une inspiration très généreuse de la réforme, il me paraîtrait souhaitable de l'étendre aux autres régimes. On pourrait en restreindre les conditions d'accès, par exemple, à 25 ans d'activités professionnelles, de façon à éviter qu'il y ait une jeune femme qui parte à 33 ans ou bien à trois enfants au moins, voire quatre enfants. Les familles de quatre enfants et plus sont extrêmement peu nombreuses. Le rapport de Laurent Toulemon, publié en janvier 2003, pour le Haut conseil de la famille et de la population, le met très nettement en évidence. Je pense qu'il y a moyen de faire cette réforme quasiment à coût constant. Ce serait un effet d'affiche intéressant dans un pays où la démographie est en chute et où l'on a besoin qu'il y ait des familles nombreuses pour compenser le déficit de ceux qui n'arriveront pas à avoir plus de deux enfants, puisqu'il faut 2,1 enfants par femme pour renouveler les générations. Il faut également ouvrir ce droit aux pères qui auraient la charge effective des enfants, aux mêmes conditions.

En conclusion, les compensations familiales mériteraient d'être renforcées de façon à ne pas décourager les maternités tardives, et aussi mieux ciblées en direction des femmes et particulièrement des mères de famille nombreuse qui ont fait le choix de conjuguer vie familiale et vie professionnelle de façon souvent acrobatique, dans une société en pleine mutation et dont la mutation n'est pas achevée.

En effet, on constate un recul de l'âge moyen de la maternité et un pic de maternités tardives, survenant à un âge où la problématique "d'incidence-retraite" est davantage prise en compte qu'elle ne l'est par les très jeunes mères.

Si l'on supprimait ou modérait les compensations familiales, on s'exposerait à une chute du taux de fécondité, par renoncement de raison à une nouvelle maternité de la part des femmes plus âgées.

Quand on expose les raisons de la réforme des retraites, on dit souvent que tous les retraités de 2040 sont déjà nés. On dit moins que tous les actifs ne sont pas encore conçus. Les projections ont toutes été faites à taux de natalité constant. Mais est-on vraiment à l'abri d'une chute de ce taux de natalité ? Prenez l'exemple de l'Italie. On arrive maintenant à un enfant par femme. On a tout intérêt à tout faire pour que le taux de natalité se maintienne et si possible progresse. Il faut éviter tout ce qui pourrait de façon quasi certaine faire diminuer les naissances.

"Trop d'égalité tue l'égalité". Je suis désolée qu'une féministe vous dise cela. Il faut maintenir le principe de dispositions instituées au bénéfice des femmes, prenant en compte la contribution maternelle à l'éducation et au relais des générations, sans induire une disparité de fait à l'encontre du sexe masculin, par une automaticité liée à la naissance des enfants, sans introduire des conditions d'accès telles que la prise de congés ou la diminution d'activité.

C'est une voie qui n'est pas écartée par le Conseil d'orientation des retraites : "Aussi la problématique de l'égalité entre hommes et femmes ne se résume-t-elle plus aujourd'hui à celle de l'égalité des droits reconnus par la loi, mais s'est-elle élargie à l'égalité des chances, pouvant justifier, dans des limites délicates à définir, des discriminations positives". Ce sont peut-être ces discriminations positives qui ont permis à la France de préserver mieux que d'autres son taux de natalité.

Mme Florence Denneulin-Desproges : Je voudrais d'abord excuser l'absence d'Annie Guilberteau, directrice générale du CNIDFF, qui n'a pas pu déplacer une intervention à l'Ecole nationale de la Magistrature sur les questions de violences.

Je suis responsable du département de communication du CNIDFF et j'ai assuré la responsabilité du groupe de travail interne au CIDF sur les retraites.

Avant de commencer mon propos, je vous rappellerai brièvement que le CNIDFF, créé en 1972, est aujourd'hui à la tête d'un réseau national de 120 centres CIDF, qui sont implantés sur tout le territoire. Ce réseau compte aujourd'hui 975  points d'information et il est composé d'équipes pluridisciplinaires ; aujourd'hui, plus de 960 professionnels : des juristes, conseillères dans des domaines divers, tels que l'emploi, la formation, la création d'entreprise, la vie familiale, la lutte contre les violences, des psychologues, des documentalistes. Nous accueillons chaque année plus de 350 000 personnes et répondons à plus de 570 000 demandes d'information.

L'Etat nous confie une mission d'intérêt général en matière d'information des femmes, en priorité, et, plus largement, des familles.

Les CIDF ont pour rôle d'informer, d'orienter, d'accompagner le public en privilégiant, et cela est véritablement la spécificité des CIDF, la globalité de la situation des personnes et en y répondant par une approche personnalisée gratuite et confidentielle.

Nos champs d'intervention sont avant tout l'accès au droit dans tous les domaines, la lutte contre les violences sexistes, l'emploi, la formation, la création d'entreprise, toutes les questions liées à la conjugalité et à la parentalité, la sexualité et la santé.

On embrasse, si je puis dire, toutes les questions qui occupent les femmes.

A travers l'accueil et l'accompagnement des femmes, nous sommes donc des observateurs privilégiés des problématiques spécifiques des femmes dans un contexte économique, social et législatif, aujourd'hui en pleine évolution. Nous sommes également un partenaire fréquemment sollicité par les pouvoirs publics en termes d'analyse, de veille juridique et de préconisation pour faire évoluer la place des femmes dans la société et gommer les inégalités de traitement entre les hommes et les femmes.

La question des retraites des femmes était jusqu'à maintenant peu traitée. C'est un problème de société majeur pour le respect de l'égalité entre les hommes et les femmes et les choix qui seront faits auront des effets importants sur leur statut. Nous ne sommes pas des spécialistes de la retraite en général, nous ne faisons pas de propositions chiffrées sur cette question, mais notre contribution au débat est spécifique à la connaissance que nous avons des questions qui touchent la vie des femmes. Elle se veut constructive à partir de nos analyses et de nos réflexions, au regard des risques potentiellement encourus par les femmes.

Nous vous avons préparé un document de quatre pages, qui est le support de mon intervention.

La France engage une réforme de son système de retraite. Parallèlement, le Conseil européen met en place une stratégie pour la modernisation des systèmes de retraite faisant du "maintien du niveau de vie" et de la "prévention de la pauvreté" des critères à prendre en compte à côté de celui de la "viabilité financière" des dispositifs.

Cette réforme de notre système de retraite français est aujourd'hui devenue incontournable du fait des profondes évolutions de notre société, qu'elles soient démographique, sociétale, économique ou professionnelle.

Pour le CNIDFF et le réseau des 120 CIDF qu'il fédère, cette réforme place la situation des femmes au cœur du débat pour l'avenir des retraites et le respect du principe d'égalité entre les femmes et les hommes.

Pour les femmes, la réforme de notre système de retraite est cruciale. En 2015, 52 % des retraités seront des femmes et ce seront elles qui subiront de plein fouet la crise des caisses de retraites, si l'évolution de leur situation dans toutes ses dimensions n'est pas prise en compte et anticipée.

L'entrée des femmes dans la vie active a contribué pour une large part à l'équilibre des régimes des retraites et à l'essor économique de notre société. Elles ont contribué comme les hommes au renouvellement des générations. Pour autant, le poids des normes culturelles a amené des générations de femmes à "sacrifier" leur vie professionnelle pour élever leurs enfants. Ces normes sociales changent progressivement, mais leur héritage pour l'instant reste encore lourd. Il est essentiel que les politiques publiques en faveur de la natalité ne se retournent pas contre elles, aujourd'hui comme demain.

Notre système de retraite par répartition est aujourd'hui menacé du fait de la lente dégradation du rapport actifs/inactifs et de l'augmentation de l'espérance de vie.

La tendance en Europe est de privilégier une approche contributive des retraites et par conséquent de supprimer les avantages non contributifs que constituent les avantages familiaux et conjugaux.

Le projet de réforme proposé par le Gouvernement fait le choix de maintenir les avantages familiaux et d'améliorer la situation des conjoints survivants, choix que nous apprécions.

Pour autant, le cœur de la réforme, à savoir l'allongement des cotisations, aura des conséquences financières significativement plus importantes pour les femmes que pour les hommes. Pour notre réseau, la situation spécifique des femmes doit donc être analysée, réaffirmée et prise en compte. Des modalités nouvelles doivent être trouvées pour éviter que la réforme des retraites entérine les discriminations financières existantes aujourd'hui entre hommes et femmes du fait d'inégalités dans la vie professionnelle relatives au plus fort investissement familial des femmes.

Pour mener une réflexion prospective sur la problématique des retraites au féminin, il est essentiel de partir, d'une part, de la réalité de leurs prestations de retraite aujourd'hui et, d'autre part, de l'évolution de leur parcours professionnel et personnel.

Qu'est-ce que la retraite des femmes aujourd'hui ?

Les conditions dans lesquelles les régimes de retraite valident les périodes d'activité professionnelle sont les mêmes pour les femmes et les hommes. Or, les hommes et les femmes se trouvent dans des situations différentes vis-à-vis de l'activité professionnelle. Les inégalités de retraite entre les hommes et les femmes sont donc en général le reflet des inégalités observées sur le marché du travail.

Malgré une participation active des femmes dans l'emploi, des interruptions de carrières de plus en plus courtes et une amélioration des carrières féminines, force est de constater que les écarts entre les retraites des hommes et des femmes subsistent.

Plusieurs constats. Tout d'abord des retraites plus faiblement rémunérées pour les femmes. Le montant moyen de retraite est aujourd'hui deux fois plus élevé chez les hommes que chez les femmes. En 2001, le montant mensuel moyen brut des avantages principaux de droit direct était de 1 383 euros pour les hommes et 650 euros pour les femmes, tous âges de pensionnés confondus. Il est légèrement supérieur pour les 60-64 ans, respectivement 1 417 euros pour les hommes et 892 euros pour les femmes.

Les femmes fonctionnaires bénéficient de montants de pension plus proches de ceux des hommes, en moyenne 1 625 euros, mais ces montants restent néanmoins inférieurs de 21 % à ceux des hommes.

Des écarts importants encore entre hommes et femmes se rencontrent, tant au niveau de l'âge de départ en retraite que du montant, car les carrières des femmes sont plus courtes et leurs salaires plus faibles. Elles liquident donc leurs pensions plus tardivement que les hommes.

Alors que 84,5 % des hommes ont pu faire valider une carrière complète (168 trimestres), les femmes ne représentent que 39,1 % (122 trimestres en moyenne) tous âges confondus. Si l'on peut noter une nette amélioration de la situation des femmes de 60-64 ans, puisqu'elles sont 52% à avoir une carrière complète, l'écart de montant reste toutefois de près de 30 % dans le secteur privé (source DREES et résultats publiés en juillet 2002)

74 % des femmes sont uni-pensionnées contre 51 % des hommes, du fait là encore de leurs carrières plus brèves. Ainsi, près de la moitié d'entre elles (45 %) ont acquis moins de 100 trimestres pour le calcul de leur pension et ne perçoivent en moyenne que 583 euros par mois, soit un montant inférieur de 63 % à celui versé aux hommes uni-pensionnés du secteur privé.

Par ailleurs, les femmes qui ont travaillé comme non salariées bénéficient, comme chez les hommes, de retraites très réduites : les agricultrices, commerçantes et femmes d'artisans uni-pensionnées perçoivent respectivement 298 euros, 312 euros et 272 euros par mois.

En 1997, près de trois retraités sur dix âgés de 65 ans et plus percevaient une retraite inférieure au montant du minimum vieillesse (557,20 euros au 1er janvier 2002). Cela concernait 41 % des femmes et 11 % des hommes. Le cumul de pension de droit direct et réversion concernait 34 % des femmes et seulement 4 % des hommes. En outre, 9 % des femmes retraitées en 1997 n'ont jamais travaillé et perçoivent uniquement une pension de réversion.

Plusieurs centaines de milliers de conjointes travaillent encore aux côtés de leurs époux (professions libérales, commerçants, artisans) sans droits propres. La loi leur donne la possibilité d'opter pour un statut de conjoint (collaborateur, salarié ou associé), mais ce statut se révèle être une charge difficile à assumer financièrement, d'où son faible succès.

Voilà un premier bilan assez alarmiste en termes de montant de retraites perçues par les femmes. Il est important aussi de voir quelle est leur situation au regard de leur parcours de vie personnelle et professionnelle.

Le taux d'activité féminin, aujourd'hui de 78 %, et l'allongement des carrières féminines permet de réduire progressivement les écarts entre les sexes. Cependant, leurs différences de parcours professionnel, leurs interruptions de carrière et le contexte du marché du travail, auront des incidences majeures au moment de la retraite.

Les parcours professionnels des femmes diffèrent fortement de ceux des hommes. Bien que les femmes s'engagent de plus en plus dans des études supérieures, elles n'accèdent pas dans la même proportion que les hommes à certains types d'emplois très qualifiés et aussi bien rémunérés.

A poste égal, les écarts de salaire sont en moyenne, toutes catégories professionnelles confondues, entre 20 % et 25 %. Ces écarts se creusent encore avec le niveau d'études, notamment pour les diplômées de l'enseignement supérieur.

A ce handicap salarial, s'ajoutent des carrières nettement plus courtes et des parcours plus erratiques que ceux des hommes.

L'activité à temps partiel et l'occupation d'emplois précaires est essentiellement le fait des femmes. En effet, les femmes subissent plus que les hommes les effets de la flexibilité de l'emploi. 27 % d'entre elles sont aujourd'hui employées à temps partiel contre 4,7 % des hommes. Ce temps partiel est imposé à l'embauche, pour près de la moitié d'entre elles. 8,44 % des femmes contre 4,9 % des hommes sont également en emplois précaires et 4,4 % d'entre elles cumulent emploi précaire et temps partiel.

Les femmes ont un taux de chômage plus fort. Depuis 30 ans, il est supérieur de 3 points à celui des hommes et il augmente lorsque la femme a des responsabilités parentales (2 points pour 2 enfants).

Selon les chiffres du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, au-delà de 65 ans, 83 % des titulaires du minimum vieillesse sont des femmes. En 1997, on démontrait ainsi qu'une proportion majoritaire des femmes vivaient sous le seuil de pauvreté. Il faut aussi souligner que les familles monoparentales sont aujourd'hui à 86,7 % représentées par des femmes et qu'elles constituent 92 % des familles pauvres, 95,3 % d'entre elles percevant le RMI.

A la suite de ces constats, nous souhaiterions apporter un certain nombre de propositions et de pistes de réflexion.

Tout d'abord, nous tenons à réaffirmer, d'une part, notre attachement au système de répartition, symbole de solidarité entre les générations, et, d'autre part, au recours aux discriminations positives, admis expressément dans l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, modifié par le traité d'Amsterdam, pour compenser les désavantages de carrière de l'un ou l'autre sexe.

La réforme des retraites doit désormais prendre en compte toutes les évolutions de la société que nous avons décrites qu'elles soient démographique, sociétale, économique et professionnelle, pour offrir aux femmes et aux familles un cadre protecteur et juste au regard des différents aléas de la vie.

Pour ce qui concerne les avantages familiaux, je n'y reviens pas. Tout ce qui a été évoqué précédemment l'avait déjà été par le groupe de travail. Donc, nous sommes évidemment tout à fait d'accord. Le projet confirme le maintien de ces compensations. Nous estimons qu'effectivement c'était tout à fait légitime et nous en sommes satisfaits.

Mme Catherine Génisson : Dans votre rapport, vous mettez en évidence le fait que les politiques familiales menées en France par tous les Gouvernements, ont permis de maintenir un taux de natalité, je ne dirai pas suffisant, mais supérieur à nos voisins des autres pays européens et que cette politique familiale a permis en même temps aux femmes françaises de pouvoir travailler.

La seule question que je me pose porte sur l'avantage des femmes fonctionnaires qui ont trois enfants et qui ont travaillé pendant quinze ans. Dans quelle mesure cet avantage pourra-t-il être maintenu au titre de l'égalité et de la législation européenne ? Il n'est pas dans mon optique bien évidemment de proposer la suppression de cette mesure, sauf à se demander s'il convient de conforter une mesure qui, telle que vous la décrivez, est certes une réalité, mais renforce les femmes dans leur rôle spécifique de soutien, d'un côté, aux enfants et, de l'autre côté, aux ascendants.

J'ai été souvent interpellée sur le fait que cette mesure était pour le moins discriminatoirement positive pour les femmes du secteur public. Allons-nous pouvoir maintenir cette disposition ?

Mme Marie-Josèphe Lamar : Les gouvernements successifs ont permis, non pas le maintien du taux de natalité, mais un réamorçage, puisqu'il est plus élevé qu'il y a une quinzaine d'années. Malgré tout, le souci demeure, puisqu'il est en dessous du seuil de renouvellement des générations.

Dans la mesure où l'on a trouvé des solutions permettant de contourner les avis négatifs de la Cour de Justice des Communautés Européennes pour les bonifications d'ancienneté servies aux femmes dans la fonction publique, à mon avis, il eut été tout aussi simple d'en trouver d'équivalentes pour préserver le droit à retraite proportionnelle des femmes fonctionnaires. Il suffit de l'ouvrir aux pères ayant eu la charge effective des enfants, définie de façon aussi habile que l'avant-projet de loi l'a fait pour les bonifications d'ancienneté, pour permettre une rétroactivité de cette disposition pour les enfants nés avant le 1er janvier 2004. C'est le rôle du Parlement d'éventuellement faire des propositions en ce sens.

Je serais très inquiète sur les incidences de la suppression d'un tel droit. J'ose espérer encore que l'on n'envisagera pas une rétroactivité pour les enfants déjà nés et les droits déjà ouverts. Songez que c'est un droit qui existe depuis 1924.

Mme Catherine Génisson : Je crois qu'il n'est pas du tout question de revenir sur ce droit. Mais, il y a également l'inégalité d'accès à ce droit selon le revenu des femmes. Par exemple, dans la fonction hospitalière, ce droit est beaucoup plus exploité par les infirmières que par les aides-soignantes, parce qu'il y a un problème de revenu.

Mme Marie-Josèphe Lamar : Si l'on se penche sur les problèmes de revenus, je suis très alarmée par la mise sous condition d'interruption d'activité des bonifications d'ancienneté dans la fonction publique pour les enfants qui naîtront à partir du 1er janvier 2004.

Quand vous avez un bon traitement et que vous avez les charges qui lui sont liées, comment faites-vous pour vous arrêter et vous contenter de votre allocation parentale d'éducation (3 000 F/mois), même si cela est pris en compte pour votre retraite ?

Moins vous gagnez, plus vous avez la possibilité de vous arrêter ; plus vous gagnez, plus c'est difficile de s'arrêter. Je parle de l'interruption d'activité pour élever un enfant.

Il y a des compensations qui s'opèrent. Ceci va profiter plutôt à cette catégorie-là, cela plutôt à une autre catégorie.

La mise sous condition d'interruption d'activités ne profitera pas à des femmes ayant fait des études supérieures, à moins d'appartenir à une famille richissime ou d'avoir un mari ayant une super carrière ; les femmes n'auront pas forcément les moyens de se priver de 10 000 F par mois.

Mme Marie-Françoise Clergeau : Vous avez dit que vous trouviez qu'il y avait des éléments positifs dans les propositions du projet de loi. J'aimerais que vous en disiez deux mots. En effet, je me pose deux questions :

- d'une part, sur la suppression de l'assurance-veuvage et la possibilité de pouvoir toucher la pension de réversion quel que soit l'âge. Pour les veuves ou les veufs dont le conjoint décède jeune, il peut y avoir un problème de revenu ;

- d'autre part, sur la possibilité de pouvoir continuer à toucher la pension de réversion en cas de remariage. Il subsiste un plafond, qui est mentionné dans le texte de loi, mais qui n'est pas défini. Avez-vous eu une réflexion à ce sujet ?

Mme Florence Denneulin-Desproges : La pension de réversion concerne aujourd'hui 22 % des femmes. Elles seront a priori 17 % en 2020. La suppression dans le projet des conditions liées à l'âge et à la durée du mariage constitue pour nous une première étape importante pour l'amélioration de la situation des femmes qui perdent leur conjoint. Désormais, seules les conditions de ressources personnelles du bénéficiaire, c'est-à-dire les ressources tirées d'une activité professionnelle, les revenus de biens immobiliers ou l'immobilier personnel seront pris en compte, lesquels ne devront effectivement pas dépasser un plafond qui sera fixé par décret. Rappelons, et cela est important, que les ressources personnelles avant le projet de réforme ne devaient pas dépasser le montant annuel du SMIC à la date du décès du conjoint et de la demande.

Pour nous, ce plafond est un plafond couperet. Nous proposons et nous souhaiterions beaucoup qu'il soit largement supérieur et également que soit institué un barème des ressources, à considérer en fonction notamment du nombre d'enfants restant à charge. En effet, de nombreuses femmes et jeunes femmes seront concernées. Il est donc important de préserver l'équilibre financier de la famille et de ne pas pénaliser les femmes qui exercent une activité professionnelle tout en élevant leurs enfants, d'autant que, ne l'oublions pas, le montant de la pension de réversion sera aussi proportionnel aux droits à pension du conjoint décédé.

De plus, il faut souligner qu'en cas de divorce, la pension doit être partagée entre les conjoints ou ex-conjoints survivants. Un mariage sur trois se termine aujourd'hui par un divorce et nombreuses sont les familles recomposées. La faiblesse des montants de la pension dans ce cas risque de fortement précariser les mères qui ont des enfants à charge, d'autant que le projet prévoit que la pension de réversion peut désormais aussi bénéficier au conjoint survivant même remarié. Il est prévu de tenir compte des ressources du ménage dans la fixation du plafond. Pour ce qui concerne cette nouvelle modalité, nous nous posons la question de l'opportunité de cette ouverture au regard de la fragilité économique que connaissent de nombreuses femmes, veuves ou divorcées ou non remariées ayant encore à charge des enfants.

Le montant de ce plafond est véritablement un enjeu et, en fonction peut-être de la situation de la mère et du nombre d'enfants qui restent à charge, un barème progressif pourrait être envisagé. Le plafond de ressources lié au montant du SMIC était un couperet insuffisant à nos yeux.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Ce plafond sera fixé par décret.

Mme Marie-Josèphe Lamar : Rien ne vous empêchera en tant que parlementaires de baliser un peu les conditions dans lesquelles sera fixé par décret le montant de ce plafond.

Cela a été fait dans la loi sur les droits des malades pour déterminer ce qui ressort de l'aléa thérapeutique et ce qui n'en ressort pas. Le Gouvernement devait le décider par décret et le Parlement lui a imposé de ne pouvoir descendre en dessous d'un certain seuil.

M. Pierre-Christophe Baguet : Le décret doit être le résultat d'un calcul. La réforme des retraites a un coût de 15 Milliards d'euros. L'allongement de la durée d'assurance représente environ 5 Milliards d'euros ; il reste donc à trouver 10 Milliards . Les compensations familiales ont un coût équivalent à 25 % des 15 Milliards d'euros. Un calcul doit permettre de déterminer le montant disponible pour les retraites.

Mme Marie-Josèphe Lamar : Il est certain que j'ai plus raisonné en termes d'opportunité politique que technique. A ce sujet, j'ai dénoncé tout à l'heure l'inégalité qui pourrait résulter de la réforme entre les pères, entre les mères, entre les régimes et j'en dénoncerai bien volontiers une de plus qui sera celle d'être veuf ou veuve de fonctionnaire ou veuf ou veuve de salarié du régime général.

Prenons l'exemple d'une fonctionnaire, qui gagne 15 000 F par mois, qui a acquis 10 000 F de droit à retraite et dont le mari, qui n'est pas fonctionnaire, gagne 30 000 F par mois. Si vous êtes veuf ou veuve de fonctionnaire, vous allez pouvoir cumuler la pension de réversion avec vos propres revenus personnels. Dans mon exemple, si la femme décède avant son mari, celui-ci aura droit à 5 000 F de pension de réversion qui s'ajouteront à ses 20 000 F de retraite ; si c'est lui qui décède en premier, elle sera soumise aux conditions de la pension de réversion du régime général. Donc, elle aura ses 10 000 F de retraite auxquels elle n'ajoutera rien, parce qu'elle sera sans doute touchée par le plafond de ressources. La situation des veufs de fonctionnaires est améliorée, on ne peut que s'en réjouir, mais ce qui reste d'inégalité peut se révéler très pénalisant pour les femmes, parce que leur situation au moment de la retraite est largement inférieure à celle des hommes.

Je n'ai pas voulu être négative. Il est évident qu'il y a des inspirations positives dans ce projet, mais il y a parfois des effets pervers qui n'ont pas été voulus ou que l'on n'a pas pu encore tenter d'arranger. Je voulais simplement tenter d'alerter les parlementaires que vous êtes, tout en étant consciente d'avoir plus une approche d'opportunité politique que technique.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Je suis les négociations avec beaucoup d'anxiété.

Mme Marie-Josèphe Lamar : Vous êtes chargés de la conduite politique de la nation. Il y a un principe numéro un, on ne tire pas sur les femmes et les enfants.

L'inspiration du droit comparé n'est pas toujours heureuse, il faut en tirer ce qui est bon et ce qui est mauvais. Certains pays de la Communauté européenne n'ont pas fait la preuve de l'efficacité de leurs réformes en diminuant les droits des femmes. Il ne faut pas oublier que ce sont surtout les fonctionnaires qui vont subir la réforme et que les femmes risquent de trinquer deux fois, en tant que femme et en tant que fonctionnaire. C'est la double peine.

Mme Marie-Jo Zimmermann : Ce n'est pas au moment des retraites qu'il faut régler le problème de l'égalité hommes-femmes, c'est sur l'ensemble de la carrière.

Mme Catherine Génisson : Les mesures prévues par le projet de loi sont plus ciblées sur les fonctionnaires que sur le secteur privé et vont pénaliser deux fois les femmes, compte tenu de la situation actuelle des femmes que vous avez décrites.

Mme Marie-Josèphe Lamar : Je ne rencontre que des jeunes femmes qui ne veulent pas avoir d'enfants ou qui remettent les maternités à plus tard, alors qu'elles en ont un désir intérieur profond.

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La Délégation aux droits des femmes a ensuite entendu Mme Roselyne Lecoultre, présidente de la commission des conjoints, M. Christian Pineau, chargé de mission, et M. Guillaume Tabourdeau, chargé des relations avec le Parlement, de l'Union professionnelle artisanale (UPA).

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Roselyne Lecoultre, présidente de la commission des conjoints, M. Christian Pineau, chargé de mission, et M. Guillaume Tabourdeau, chargé des relations avec le Parlement, de l'Union professionnelle artisanale.

Nous souhaitons vous interroger sur le problème de la retraite des conjoints d'artisans.

Quelle est aujourd'hui la place de la femme dans l'entreprise artisanale et quels sont les différents types de statuts qui lui sont applicables ? Quelle est encore la part de femmes d'artisans qui ne bénéficient d'aucun statut ?

Pouvez-vous nous donner un aperçu de la situation des femmes d'artisans, au regard de leurs droits à la retraite, des avantages familiaux et particulièrement vis-à-vis des droits à la réversion ? Quel est le niveau moyen des pensions ? Quels sont les avantages complémentaires apportés par la CANCAVA ?

Enfin, quelle est votre appréciation des mesures concernant les femmes proposées par l'avant-projet de loi présenté par M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité : simplification et amélioration des conditions d'accès à la pension de réversion ; égalité de traitement entre hommes et femmes dans les avantages familiaux ?

Mme Roselyne Lecoultre : Les questions posées sont toutes liées, puisque la retraite des conjoints d'artisans est liée à leur statut. Vous évoquiez la place de la femme dans l'artisanat aujourd'hui. La loi relative au statut des conjoints existe depuis vingt ans, puisqu'elle a été instaurée en 1982. Or, il y a encore presque 60 % de conjointes qui n'ont pas de statut, ce qui est énorme.

Dans ce pourcentage, la tendance s'inverse, c'est-à-dire qu'auparavant les conjointes étaient systématiquement conjoints-collaborateurs et qu'il y avait très peu de conjoints-salariés. Aujourd'hui, avec l'évolution des mentalités et le changement de génération, on s'aperçoit que les conjointes ont de plus en plus un statut de salariées au lieu d'un statut de conjoints-collaborateurs. La raison en est simplement qu'elles ont fait autant d'études que les garçons, qu'elles ont déjà souvent eu un travail avant de se marier à un artisan, donc qu'elles ont souvent déjà eu une activité salariée. La nouvelle génération me conforte dans ma démarche concernant les statuts des conjointes, puisque je m'aperçois que les jeunes imposent systématiquement un statut à leur arrivée dans l'entreprise et que c'est en général le statut de conjoint salarié. Cela représente un investissement, puisque cela comporte des charges, mais les conjointes ont alors des droits propres et des droits à la retraite. Je suis confortée dans cette avancée sur les statuts. Bien évidemment, il reste énormément de travail à faire.

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, nous a reçus le 7 mars dernier et nous a demandé comment nous voyions les choses évoluer. Pour nous, ce sera d'imposer automatiquement aux femmes un statut, quel qu'il soit, leur permettant de s'identifier dans l'entreprise. Comment voulez-vous qu'une femme ait une retraite, si elle ne s'identifie pas et n'a pas de statut ?

En ce qui concerne le statut de conjoint-collaborateur, il faudra qu'il y ait une obligation à se constituer des droits propres, mais cette obligation ne devra pas se faire n'importe comment. Aujourd'hui les cotisations sont complexes et les femmes ont plusieurs choix d'assiette. Beaucoup choisissent le partage des bénéfices. Malheureusement, quand on choisit le partage des bénéfices pour calculer une retraite, le jour où les bénéfices sont moindres, on partage la misère au lieu de partager quelque chose.

En plus, certains régimes de pluri-activités sont complexes : il s'agit par exemple du cas d'un artisan qui a d'abord travaillé comme salarié, qui a ensuite été artisan seul, puis qui a déclaré sa conjointe et qui ont tous deux cotisé sur les bénéfices. Nous avons eu un exemple dramatique : au lieu de prendre les vingt-cinq années, on lui a pris sur les soixante-quinze années, c'est-à-dire les vingt-cinq années en tant que salarié, les vingt-cinq années en tant qu'artisan et les vingt-cinq années où, étant artisan, il partage les bénéfices avec sa conjointe. C'est très complexe. Il faut absolument développer l'information pour que tout le monde comprenne bien la difficulté de la retraite des conjointes.

On demande l'augmentation des taux de pension de réversion sur l'assurance vieillesse de base, puisque ce taux de réversion est arrêté à 54 %. En 1994, il est passé de 52 à 54 %. La loi Veil avait dit que tous les deux ans, il serait valorisé et on s'aperçoit que, depuis 1994, il est resté à 54 %. Au niveau de l'UPA, on revendique un taux de 60 % pour la pension de réversion des conjointes.

On demande également la possibilité pour le conjoint-collaborateur de racheter toute période d'activité sans limite de temps, c'est-à-dire qu'il ne soit pas obligé de racheter ses cotisations sur un temps bien défini, car c'est onéreux. Aujourd'hui, le rachat ne se fait que pour les années 1978 à 1985, plus les six années précédant l'affiliation au régime de travailleur indépendant. On aimerait pouvoir élargir ce rachat de cotisations.

En ce qui concerne l'âge de réversion dans le régime complémentaire, il était de 55 ans pour les femmes et de 65 ans pour les hommes. Il devrait donc y avoir une harmonisation, car à partir du moment où l'on demande l'égalité hommes-femmes, il faut jouer le jeu dans les deux sens.

En revanche, on a des revendications supplémentaires au niveau du statut de conjoint-collaborateur. Aujourd'hui, le conjoint-collaborateur doit être marié pour bénéficier de ce statut. Or, le PACS a été instauré, le concubinage existe, et ces situations ne sont pas reconnues dans le statut de conjoint-collaborateur. Avec la nouvelle génération, beaucoup de couples d'artisans ne sont pas mariés. On demande donc à ce que le statut de conjoint-collaborateur soit ouvert au PACS et au concubinage.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : C'est effectivement une des questions qui se pose. Pour le concubinage, la question est moins compliquée, mais le PACS pose un problème, que l'on soit pour ou contre, car on peut être pacsé avec une femme, mais aussi avec un homme. Comment réagit-on ? La question reste entière.

Mme Roselyne Lecoultre : A partir du moment où le couple d'artisans vit en concubinage, la conjointe ne peut être que salariée. Il faut qu'elle le soit, sinon sa situation serait encore pire que dans un mariage. Elle serait dans le cadre du travail au noir !

Ce statut de conjoint-collaborateur est tellement complexe qu'on lui a mis des barrières, par exemple au niveau du cumul du temps de travail. Une femme salariée à l'extérieur de l'entreprise ne peut pas être conjoint-collaborateur, si elle fait plus d'un mi-temps. Or, dans les entreprises nouvelles, nous aimerions pouvoir amener les conjointes progressivement dans l'entreprise, car ce n'est pas facile de faire le choix de quitter son emploi pour venir travailler dans l'entreprise artisanale. Donc, si elles pouvaient continuer à être salariées pendant un certain temps et pouvoir opter pour le statut de conjoint-collaborateur, cela les aiderait à venir progressivement dans l'entreprise et pouvoir choisir le statut adapté. L'avantage que l'on a dans les entreprises artisanales, c'est que le statut n'est pas figé. On peut très bien être conjoint-collaborateur pendant un certain temps et devenir ensuite conjoint-salarié. Rien ne l'empêche, sauf si l'on est en société, car alors on ne peut pas être conjoint-collaborateur.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Mais cela posera plus de problèmes ensuite pour les retraites. Si l'on change trois fois de statut, vous imaginez...

Mme Roselyne Lecoultre : Cela se pose aussi aujourd'hui pour l'artisan qui a été salarié.

Mme  Marie-Françoise Clergeau : Il ne se posera plus.

Mme Roselyne Lecoultre : Normalement, d'après la loi, il ne devrait plus se poser. Ce sera au prorata du nombre d'années et non pas automatiquement les vingt-cinq années de chaque régime. Donc, cela devrait les inciter à pouvoir rentrer dans le système des retraites.

Mme  Marie-Françoise Clergeau : Sur le montant des retraites, vous avez parlé de pourcentage de retraites de réversion. Par rapport à ce qui est indiqué dans l'article 23 du projet de loi, quel est votre avis sur la suppression de l'assurance-veuvage, par exemple, qui peut pénaliser des conjoints qui restent seuls jeunes. Avez-vous une réflexion sur ce sujet ?

M. Christian Pineau : Historiquement, lorsque la question s'est posée de mettre en place l'assurance-veuvage des salariés, la question s'est posée pour les travailleurs indépendants. Le choix n'a pas été fait de faire symétriquement la même création. Depuis, la question ne s'est pas reposée ; donc, la question ne se pose pas aujourd'hui.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : De nombreuses questions seront traitées dans le futur projet de loi de M. Renaud Dutreil, qui sera pour vous extrêmement important.

Mme Roselyne Lecoultre : Il faudra bien spécifier, dans le projet de loi de M. Renaud Dutreil, l'obligation de statut. Cela ne doit pas devenir l'obligation d'un statut particulier, mais l'obligation d'un des trois statuts proposés par la loi de 1982. On ne peut pas obliger quelqu'un qui aujourd'hui est un conjoint-collaborateur à devenir salarié. On ne va pas imposer à un conjoint-salarié de devenir conjoint-collaborateur. A ce propos, l'on se rend compte de la méconnaissance des statuts, et du fait que l'on ne parle que de celui de conjoint-collaborateur. Le conjoint est là pour collaborer, mais il peut avoir des statuts différents.

Mme  Marie-Françoise Clergeau : Vous parliez tout à l'heure de l'augmentation de la pension de réversion de 54 à 60 %. Selon le projet actuel, on parle plus des plafonds de réversion que des pourcentages de pension.

M. Christian Pineau : Depuis la loi Veil, il a été demandé une revalorisation. Elle était programmée de 2 % l'an. Le curseur est resté bloqué à 54 %, en deçà de ce qui était attendu et annoncé. Nous revendiquons toujours une augmentation.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Le statut de conjoint-salarié est le meilleur des statuts.

Mme Roselyne Lecoultre : Il constitue au départ un investissement dans une entreprise artisanale. Il ne faut surtout pas dire que cela coûte cher. C'est ce que disent de nombreux artisans. Mais je ne veux plus l'entendre. Dans les débuts d'une entreprise artisanale, on ne met pas en cause l'investissement pour acheter le matériel ou un camion. Or, s'il n'y avait pas une conjointe dans une entreprise artisanale, il faudrait une secrétaire et il faudrait la payer. La complexité de la gestion de nos entreprises artisanales est telle aujourd'hui que l'on ne peut pas se passer de la personne qui gère les problèmes administratifs. Sur ce point, la nouvelle génération a évolué et cela me conforte. Quand on en parle dans nos conseils d'administration, il y a maintenant un vrai débat. Ce n'est plus quelque chose de tabou. Les hommes ne disent plus que c'est une histoire de femmes. Ils commencent à prendre conscience de notre problème de statut. C'est le changement de génération.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Ce n'est qu'un changement de génération ?

Mme Roselyne Lecoultre : Pour beaucoup oui. Les filles et les garçons n'ont plus du tout les mêmes rapports qu'il y a quarante ans, ne serait-ce que parce que les écoles sont mixtes. L'on reconnaît désormais que la femme a un travail et on reconnaît son travail. Pour nous, cela fait une grosse différence. On est en train de faire évoluer la féminisation des métiers. Là aussi, on commence à faire prendre conscience que finalement les femmes ont leur place. C'est un travail de longue haleine, mais j'ai bon espoir.

Pour le statut, il y a encore beaucoup de travail à faire. Je ne sais plus comment m'y prendre pour arriver à faire comprendre à toutes ces femmes, qui n'ont pas de statut aujourd'hui, qu'elles n'auront pas de retraite. En plus, même si vous êtes conjoint-collaborateur, si vous ne cotisez pas, vous n'êtes qu'ayant droit de votre mari, c'est-à-dire que le jour où il y a un divorce - et il y en a chez nous comme ailleurs - c'est la catastrophe. Je reçois des lettres, des appels téléphoniques toutes les semaines de femmes qui sont complètement démunies ; elles n'ont plus rien.

Mme Claude Greff : Elles ne comprennent pas cela ?

Mme Roselyne Lecoultre : Elles ne le comprennent pas tout de suite, car au début les artisans sont axés sur le bénéfice de l'entreprise, ils ne veulent pas aller plus loin et surtout ne pas en prendre une partie pour se constituer des droits propres. On ne cotise pas, car cela coûte cher.

Mme Claude Greff : Vous avez le sentiment que la nouvelle génération a cette même approche ?

Mme Roselyne Lecoultre : Il y a une nette évolution. J'ai bon espoir, car je travaille régulièrement avec toutes les conjointes. La nouvelle génération arrive. Les femmes n'ont plus du tout la même façon de voir les choses et leurs maris non plus.

Mme Claude Greff : Ce débat sur les retraites va au moins avoir un élément positif, c'est de faire prendre conscience de ce qu'est véritablement la retraite. La réforme est expliquée, comprise, même si elle n'est pas forcément bien acceptée.

Mme Roselyne Lecoultre : Cela va leur faire prendre conscience. Les conjointes étaient mal informées et étaient persuadées qu'elles allaient toucher une bonne partie de la pension de leurs maris, sans savoir comment cela allait fonctionner avec les pluri-activités. On a des artisans qui ont découvert en prenant leur retraite qu'ils n'étaient pas au même régime que les autres et cela a fait mal. Quand en plus la conjointe a cotisé, cela fait trois assiettes au lieu d'une.

Mme Hélène Mignon : Je travaille beaucoup avec les femmes d'artisans et avec la CAPEB. En Haute-Garonne, c'est une catastrophe, les experts comptables leur déconseillent tout statut.

Mme Roselyne Lecoultre : Je n'arrive pas à comprendre pourquoi.

Mme Hélène Mignon : J'ai rencontré des situations catastrophiques, chez les femmes de boulangers en particulier. Le mari partait et elles se retrouvaient sans rien.

Mme Roselyne Lecoultre : Je fais une réunion annuelle à Paris où je fais venir toutes les présidentes des départements. Il y a pratiquement une commission par département ; seuls quelques départements ne sont pas couverts. Cette année, on a discuté des statuts, car je vois bien qu'il faut faire avancer ce problème. Je les ai sollicitées pour qu'elles aillent voir les experts comptables et qu'elles leur expliquent ce qu'est le statut de conjoint, afin qu'ils prennent mieux en compte ce problème dans les entreprises. J'espère que l'on va aboutir. Nous sommes aussi beaucoup aidées par le ministère du droit des femmes. J'avais invité Mme Nicole Ameline à ma réunion. Elle s'est rendu compte que l'on avait besoin de son aide. Chez nous, il s'agit surtout de faire connaître le statut. Les conjointes travaillent dans l'entreprise, elles doivent donc être reconnues comme telles.

Il faut un statut, mais il ne faut pas obliger à un statut particulier. Cela changera tout pour la retraite des femmes, car, quand on dit obligation d'un statut, on dit obligation de droits propres. C'est important de le dire, parce que si on dit statut de conjoint-collaborateur, cela n'oblige pas au droit à la retraite. Il faut une cotisation obligatoire pour la retraite. Si en plus, les femmes peuvent obtenir le rachat d'années de cotisations, cela pourra peut-être les inciter à cotiser. C'est une revendication forte depuis longtemps. On a l'air de rabâcher, mais finalement on s'aperçoit qu'au bout de vingt ans, cela évolue tellement peu qu'il ne faut pas avoir peur de rabâcher.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Une de mes anciennes collègues, Mme Nicole Catala, avait beaucoup travaillé sur la question et avait déposé une proposition de loi, le 8 mars 1998, sur le sujet du statut des femmes d'artisans. Elle avait beaucoup insisté sur le fait qu'il fallait ce statut. Quand nous rencontrons des artisans, c'est vrai que, pour ma part, je suis un peu surprise que, la plupart du temps, la question ne se pose pas.

Mme Roselyne Lecoultre : Vous avez raison, mais l'artisan est dans son métier, la tête dans le guidon, toute la journée sur le chantier.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Oui, mais c'est la femme qui gère l'entreprise et si l'entreprise réussit, c'est parce que la femme l'a bien gérée.

Mme Roselyne Lecoultre : Il y a complémentarité, car l'un sans l'autre, on n'est rien. Si le travail n'est pas bon sur le chantier, il ne sert à rien d'être une très bonne gestionnaire.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Je me souviens très bien du combat de Mme Nicole Catala. Je suis très contente que le ministre, M. Renaud Dutreil, ait repris ce problème, car c'est véritablement un des objectifs majeurs à atteindre aujourd'hui, qui permettra ensuite de réussir la retraite.

Mme Roselyne Lecoultre : Tout à fait, il n'y a pas d'autres solutions.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Je suis contente que vous reconnaissiez que c'est important pour l'artisan et sa femme.

Mme Roselyne Lecoultre : C'est acquis à l'UPA aujourd'hui.

M. Christian Pineau : Mme Roselyne Lecoultre a tout à fait raison de dire que les artisans ont pleinement pris conscience du rôle important et incontournable de la femme d'artisan dans l'entreprise pour la bonne marche de l'entreprise et qu'il est nécessaire, compte tenu du rôle actif qu'elle joue, qu'elle ait en compensation des droits propres pour la prémunir contre les aléas de la vie. L'artisan, comme tout Français, est confronté au risque du divorce, donc la femme d'artisan a besoin d'avoir une couverture propre qui la garantisse contre ce genre de problèmes que tout le monde peut connaître dans sa vie.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : J'attends beaucoup de la future loi Dutreil, je pense que vous aussi.

Mme Roselyne Lecoultre : Oui. Lorsque j'ai eu rendez-vous, le 7 mars, le ministre ne parlait que des conjoints-collaborateurs. Etant la seule autour de la table à être une conjointe-salariée, j'ai expliqué qu'il y avait d'autres statuts que celui de conjoint-collaborateur. J'ai senti que j'avais besoin de convaincre. J'ai fait un courrier à la suite de cette réunion pour remercier le ministre de m'avoir invitée et pour lui faire part des revendications de l'UPA, car j'ai peur d'avoir été mal entendue.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous allons doubler votre demande, car je la comprends très bien et elle est très utile. Nous retravaillerons avec vous au moment de l'examen du projet de loi de M. Renaud Dutreil.

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La Délégation aux droits des femmes a enfin entendu des représentants de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA).

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous avons le plaisir d'accueillir maintenant une nombreuse délégation représentant la FNSEA, dirigée par Mme Karen Serres, vice-présidente de la commission nationale des agricultrices. Mme Marie-Annick Méhaignerie, première vice-présidente, malheureusement empêchée, a regretté de ne pouvoir participer à cette audition.

Vous n'allez pas me contredire si je dis que les femmes dans le domaine agricole ont une lourde tâche, car elles doivent mener à la fois la maison et l'exploitation, élever les enfants dans des conditions extrêmement précaires, et elles connaissent les aléas de la vie d'agriculteur.

Les femmes agricultrices non salariées bénéficient, en général, comme les agriculteurs non salariés, de retraites très réduites. Elles ne perçoivent en moyenne que 300 euros par mois, s'agissant des retraitées uni-pensionnées. Les commerçantes et les femmes d'artisans que nous recevions précédemment ne sont pas mieux loties, mais elles comptent beaucoup sur la future "loi Dutreil" pour leur donner un statut.

Je souhaiterais que vous nous apportiez des précisions sur la situation actuelle des agricultrices au regard de la retraite, en particulier sur la mise en place du statut de conjoint-collabateur, institué par la loi d'orientation agricole de 1999. Quels sont les avantages offerts par ce statut et quelle est la part des couples d'agriculteurs qui ont demandé à en bénéficier ?

Quelles sont les règles applicables aux non-salariées des professions agricoles en matière d'avantages familiaux et de droits à la pension de réversion ?

Quel est l'apport du régime complémentaire de la mutualité sociale agricole ?

Le projet de loi comporte un certain nombre de dispositions relatives aux exploitants agricoles, en particulier la transposition au régime des exploitants agricoles des nouvelles conditions d'accès à la pension de réversion du régime général. Quelle appréciation portez-vous sur ces aménagements ?

Mme Karen Serres : Notre délégation est composée d'agricultrices en activité, mais nous avons également souhaité que Mme Michèle Marcusse nous accompagne, car elle a le mérite du vécu et également une grande compétence. Le sujet est grave. Il n'y a pas d'agriculteurs qui manifestent dans la rue. Pourtant, nous faisons partie des corporations qui touchent les retraites les plus faibles. Nous sommes conscients de la nécessité de la réforme et du maintien du système par répartition. Nous essayons d'être des partenaires raisonnables et responsables.

En ce qui concerne les agricultrices, vous avez évoqué un chiffre ; je vais en citer deux. Pour celles qui bénéficient de la revalorisation, la retraite est d'environ 460 euros par mois. Mais un très grand nombre d'agricultrices n'ont pas pu avoir la revalorisation, car leur carrière était courte. Il faut savoir que les femmes deviennent souvent agricultrices, - c'était surtout le cas autrefois -, après s'être mariées à un agriculteur. C'est un choix de vie qui se fait parfois tard ; donc, les carrières sont plus courtes. Pour celles qui ont des carrières courtes, et qui n'ont pas pu bénéficier de la revalorisation, la moyenne de retraite est de 196 euros par mois.

Nous demandons donc - c'est une question de dignité humaine -, que tous les cas les plus graves soient revus à la hausse.

Il y a également d'autres dossiers très concrets. Je suis contente que vous ayez parlé des conjoints-collaborateurs car il y a une problématique que je souhaite aborder. Ensuite, chacune des autres agricultrices évoquera d'autres points.

Je ne vais pas m'étendre plus sur l'introduction, mais j'espère que vous avez tous retenus le chiffre de 196 euros par mois en moyenne pour les agricultrices qui n'ont pas bénéficié de la revalorisation.

En tant que syndicat, nous avons joué un rôle incitatif auprès des agriculteurs et agricultrices pour que le maximum de personnes opte pour le statut de conjoint-collaborateur. Nous ne l'avons pas amenée avec nous cette fois-ci, mais nous avons prévu, lors de notre assemblée générale, de montrer la carte de France du nombre de personnes ayant le statut de conjoint participant ou de conjoint ne participant pas, mais ayant opté pour le statut de conjoint-collaborateur, et de montrer en parallèle les commissions agricultrices actives sur une autre carte. C'est tout à fait parlant. Le syndicalisme a été vraiment partie prenante, car nous étions conscients que c'était une bonne chose.

Mais il y a un gros problème, qui ne concerne pas beaucoup de personnes, mais qui est une question d'équité, de parole donnée. L'Etat a changé les règles du jeu en ce qui concerne le nombre de trimestres à valider pour bénéficier de la retraite de conjoints-collaborateurs. Ce qui est très grave, c'est que ce changement a eu lieu après que les agricultrices aient opté pour ce nouveau statut.

Nous allons vous donner une fiche technique comportant tous les chiffres. Dans certains cas, l'agricultrice aurait eu plus intérêt à ne pas opter qu'à opter pour ce statut. Elle a été pénalisée, parce qu'elle nous a écoutés et qu'elle a suivi la logique du progrès social. Certaines personnes qui, aujourd'hui, se trouvent pénalisées, se retournent donc vers notre syndicat et disent qu'on leur a menti. Notre seule réponse est de dire que la parole de l'Etat n'a pas été respectée puisque, quand les personnes ont signé, il y avait des règles du jeu et qu'ensuite le nombre d'années ou de trimestres a changé, alors qu'elles avaient déjà signé.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Tout à l'heure, nous recevions les représentants d'artisans qui nous expliquaient que, pour elles, il était plus intéressant d'être conjoint-salarié que conjoint-collaborateur. Dans votre secteur, est-ce aussi une demande ? Pour les droits à la retraite, dans le domaine agricole, ce statut de conjoint-salarié n'est-il pas plus intéressant que le statut de conjoint-collaborateur ?

M. François Guillaume : Il y a plusieurs problèmes à traiter, dont certains peuvent être réglés à l'occasion de la réforme des retraites. D'ailleurs, je remercie Mme Marie-Jo Zimmermann, car elle a sensibilisé M. François Fillon à la nécessité de faire des avancées. Moi-même récemment, la semaine dernière, j'ai travaillé avec le ministre, et j'ai posé les problèmes qui doivent être réglés. Maintenant, ma conception des choses n'est peut-être pas tout à fait la vôtre, car les choses évoluent et qu'il y a un certain temps que j'ai quitté la centrale syndicale.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Oui, mais vous êtes toujours agriculteur et votre femme est toujours présente sur l'exploitation.

M. François Guillaume : Je pense que les femmes d'agriculteurs sont attachées à un statut de conjointes d'exploitation. Elles veulent en quelque sorte être co-exploitantes. Le système de conjoint-salarié, psychologiquement, ne fonctionnera pas.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : C'est pour cette raison que je posais la question. Cela a inévitablement une conséquence sur la retraite.

Mme Karen Serres : Si la femme d'agriculteur cotise en tant que salariée, elle aura une meilleure retraite. Cela dit, tout salarié est subordonné à son employeur. En tant qu'agricultrice, on imagine mal d'inciter les épouses d'agriculteurs à demander une subordination.

M. François Guillaume : Il y a un certain nombre de points que l'on pourrait déjà obtenir. Il y a le problème général du niveau de retraite que vous avez soulevé et sur lequel il faut discuter, mais il est lié au problème des cotisations. A une certaine époque, j'avais regretté que les agriculteurs cherchent toujours à réduire les cotisations. La contrepartie, c'est qu'au moment de la retraite, les retraites sont faibles, puisque les cotisations ont été faibles. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.

En ce qui concerne la pension de réversion, à une certaine époque, il a été fait une distinction entre les conjoints. Ceux qui étaient veufs ou veuves avant le 1er janvier 1995, pouvaient bénéficier d'une somme forfaitaire de 6 000 F, puis, plus tard, de 8 000 F, comme pension de réversion. Les autres bénéficiaient du système de la pension de réversion, c'est-à-dire de 54 % de la pension.

J'ai protesté contre ce système et dit qu'il fallait le même système de pension de réversion pour tous. Je ne sais pas s'il subsiste.

Le projet de loi gouvernemental sur les retraites précise que, pour la pension de réversion, il y aura des conditions de ressources, mais qu'il sera possible de la percevoir à tout âge. Cela pose peut-être aussi un problème et j'ai alerté M. François Fillon à ce sujet. Qu'en pensez-vous ?

Mme Michèle Marcusse : Si l'on donne la réversion très tôt, nous risquons d'avoir des veuves jeunes, 40 ou 50 ans, qui auront une réversion minime pendant toute leur vie. Quand elles arriveront à la retraite, elles n'auront rien. Il faut faire très attention.

Avant 1995, elles devaient avoir 55 ans et avaient à choisir entre leur retraite forfaitaire propre et la réversion du mari. On leur donnait la plus avantageuse. En 1995, on a jumelé les deux. La personne a le droit de percevoir la pension du mari, plus ses droits propres. On additionne ses droits propres et les droits du mari, on divise le chiffre obtenu, non pas par 54 %, mais par 52 %, et ensuite on compare ce montant de réversion au montant de la réversion forfaitaire du régime général, qui est de 73 %. Si le mari avait plusieurs régimes, s'il était non salarié et salarié, on divisait par deux la réversion. Les trois quarts du temps, si le chiffre obtenu était supérieur, la pension de réversion était diminuée d'autant.

Plusieurs personnes sont allées en cassation. Mais, comme il n'y a pas de texte à ce sujet, les caisses ont été déboutées. Aujourd'hui, selon une circulaire diffusée par la mutualité sociale agricole, il faut avoir fait un recours dans les deux mois qui suivent la première pension de réversion. Or, la plupart du temps, quand on vient de perdre quelqu'un qui est cher, on se fiche de la retraite et ce délai de deux mois n'est pas assez long.

Nous sommes en train d'essayer de demander que l'on paie la réversion sans qu'il y ait division. Certaines caisses le font. Je ne sais pas si l'on va maintenir ce système de division ou si l'on va le supprimer. Nous le demandons.

M. François Guillaume : En principe, le système va complètement changer. La séparation tout à fait anormale entre ceux qui sont veufs avant 1995 et ceux qui sont veufs après est une disposition qui devrait peut-être être supprimée dans la loi. Il faut voir également si les nouvelles dispositions de la réversion du régime général peuvent s'appliquer au régime agricole. Cela pourrait supprimer certaines des réticences que vous venez d'exprimer à l'instant.

Mme Michèle Marcusse : Il y a encore une anomalie. Toute personne qui a élevé trois enfants a droit à une bonification de 10 % de sa retraite. Entre la personne qui touche 7 200 F de retraite - pas chez les agriculteurs, il n'y en a pas - et la conjointe qui touche 2 100 F, l'une a 210 F et l'autre 720 F.

Pour avoir droit à la réversion, il y a un plafond qui est très bas. Or, ces 10 % sont ajoutés au cumul des droits de la femme. Autrement dit, au lieu d'obtenir 10% supplémentaire, elle a moins, car cette bonification est comptée dans le calcul du montant du cumul.

M. François Guillaume : Autres problèmes, celui de la retraite proportionnelle et celui de la retraite complémentaire.

En ce qui concerne la retraite proportionnelle, une partie peut être octroyée - je vais prendre le cas le plus général - à la femme de l'exploitant, mais c'est le chef d'exploitation qui en décide. J'ai toujours considéré, et j'ai fait d'ailleurs des amendements lors de la précédente législature, qui n'ont pas été adoptés, pour que la retraite proportionnelle soit partagée équitablement en deux. D'autant plus que, quand il y a des problèmes au sein du couple et qu'il y a, par exemple, un divorce, un des conjoints emmène le tout.

Le problème va se poser exactement de la même manière pour la retraite complémentaire, car, compte tenu du coût qu'elle représente, - ou alors il faudrait augmenter les cotisations de manière substantielle - il n'est pas envisagé pour l'instant de retraite complémentaire pour la co-exploitante. Je me demande donc s'il ne faudrait pas aussi demander de la partager en deux.

Etes-vous d'accord sur ces points et peut-on éventuellement le demander ?

J'en ai déjà parlé à M. François Fillon. Dans la mesure où cela n'a pas d'incidence financière, il ne serait pas opposé à cette mesure.

Mme Marie-Pierre Convert : Les conjoints-collaborateurs n'ont pas droit à la retraite complémentaire obligatoire. On voudrait qu'elles puissent obtenir cette retraite complémentaire, car ce n'est pas normal.

M. François Guillaume : Cela a un coût. Accepte-t-on les cotisations à due concurrence ? Je l'ai dit tout à l'heure, on ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre. Si l'on veut plus de retraite, il faut accepter de payer plus.

Mme Marie-Pierre Convert : Si le conjoint accepte de payer une cotisation supplémentaire, pourquoi n'aurait-il pas droit à la retraite complémentaire ? Cela se ferait à titre volontaire.

Mme Marie-Françoise Clergeau : Le fait de vouloir diviser en deux, comme vous le proposez, n'a-t-il pas une incidence ultérieure, en cas de décès d'un des conjoints, sur le montant de la pension de réversion, qui serait éventuellement moins importante ?

Mme Claude Greff : C'est logique puisqu'elle est au prorata.

M. François Guillaume : Celui qui reste en vie touche sa moitié de pension quand même.

Mme Marie-Françoise Clergeau : Je me demande s'il ne faudrait pas regarder précisément si cela n'a pas une conséquence sur le montant de la pension de réversion que l'un ou l'autre toucherait.

M. François Guillaume : Il faut regarder le nouveau dispositif de la pension de réversion, qui élimine un certain nombre de critères qui étaient bloquants, comme l'âge et le revenu. Il faudrait que vous étudiiez le projet de loi en matière de droits de réversion et qu'on puisse déterminer les effets du partage de la retraite complémentaire pour le co-exploitant, et voir si l'on peut lui donner un caractère volontaire, sous condition d'une cotisation supplémentaire.

Mme Marie-Pierre Convert : Les droits de réversion prévus en matière de retraite complémentaire, posent aussi un gros problème. Pour pouvoir bénéficier de la réversion de retraite complémentaire obligatoire, il est nécessaire d'avoir liquidé sa retraite de base. Pour un exploitant qui a cotisé toute sa carrière et qui décède par exemple à 58 ans, son épouse n'aura pas droit à la pension de réversion de retraite complémentaire. On souhaiterait que cette condition soit supprimée.

Mme Karen Serres : C'est un peu comme une assurance vie un peu "bidon", puisque l'on fait cotiser une personne et si elle décède juste avant de demander sa retraite, c'est à fonds perdus.

M. François Guillaume : Il faut regarder cela de près.

M. Jean-Louis Chandellier : Cette mesure particulière est insérée dans la loi qui a mis en place la retraite complémentaire. Derrière se pose un problème de financement. La réversion est financée par la seule cotisation professionnelle, alors que la retraite complémentaire devait être financée à parité entre l'Etat et les agriculteurs. Si l'on élargit le champ de la réversion, la difficulté est de trouver le financement. Soit on augmente les cotisations des agriculteurs, soit on met en place un financement à parité, ce qui n'est pas prévu par la loi, soit on prévoit un financement de l'Etat. Il ne faut pas oublier qu'à la base cette prestation a été financée par les cotisations des agriculteurs. Donc, il y a une logique de parité en ce sens.

Sur la question du partage des points, ce n'est pas si facile et si avantageux que cela. On avait un système jusqu'en 1999 de partage des points entre le chef d'exploitation et son conjoint. Ce système ne fonctionnait pas trop mal jusqu'à ce que les revalorisations prennent de l'ampleur et que l'on s'aperçoive que les revalorisations étaient plus avantageuses que le système de partage de points pour les bas revenus. Si bien que ce système a été complètement abandonné.

Nous évoquions tout à l'heure le fait que le statut de salarié ne correspond pas du tout à l'esprit des agriculteurs et des agricultrices. Il a aussi un coût relativement élevé, car il n'y a pas seulement la cotisation retraite, il y a aussi des cotisations d'assurance chômage et autres. Eu égard à la faiblesse des revenus de l'agriculture, on va aboutir à ce que le conjoint aura une retraite importante, alors que le chef d'exploitation verra son revenu professionnel diminuer fortement, en raison de cette charge de salaire supplémentaire et des charges sociales, et qu'il n'aura plus de retraite. Il y a donc un équilibre à trouver, sachant qu'en agriculture 75 % des exploitants n'ont pas le SMIC, et qu'ils ont donc nécessairement des retraites faibles.

On a préféré le statut de conjoint-collaborateur, car le conjoint-collaborateur cotise - et c'est l'avantage - sur une assiette forfaitaire. Malgré la faiblesse des revenus professionnels, cela permet de maintenir une pension assez correcte, surtout lorsqu'elle est revalorisée, pour les chefs d'exploitation. Cette assiette forfaitaire, qui génère un coût supplémentaire, ne minore pas pour autant la pension du chef d'exploitation. Il faut toujours un dosage et un savant équilibre. C'est pour ces raisons qu'il faut faire attention à cette notion de partage.

En ce qui concerne la retraite complémentaire, il est vrai que l'on préférerait que l'on donne la possibilité au conjoint de cotiser de la même manière sur une assiette forfaitaire, ce qui lui donnerait une pension de retraite complémentaire personnelle.

M. François Guillaume : Le problème, c'est que l'Etat en règle une partie et que cela va augmenter les dépenses. Je n'ai pas compris pourquoi vous êtes hostile au partage de la retraite proportionnelle. Ce n'est pas difficile de la couper en deux.

M. Jean-Louis Chandellier : Aujourd'hui, le conjoint peut opter pour de nombreux statuts. Le conjoint peut être chef d'exploitation et donc être à égalité de droit et de devoir avec le chef d'exploitation. Ils ont chacun les mêmes bases de cotisations, les mêmes montants de cotisations et les mêmes droits. La seule difficulté c'est que, les revenus étant faibles, et les cotisations étant presque multipliées par deux, cela a un coût élevé. Cela a pour conséquence de minorer la pension de retraite du chef d'exploitation.

Le conjoint peut avoir le statut de conjoint-collaborateur, que l'on a promu pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure et qui donne des droits personnels au conjoint.

Ensuite, il a la possibilité d'avoir le statut de salarié. Ce statut se développe notamment dans le cadre des sociétés d'exploitation type EARL (entreprise agricole à responsabilité limitée).

Pour opter pour le statut de conjoint-collaborateur, le chef d'exploitation doit donner son accord. C'est une mesure qui a été contestée à la commission des agricultrices.

Mme Karen Serres : On continue à la contester. On a émis le vœu au sein de nos propres organisations professionnelles et non au niveau syndical, de supprimer la nécessité de signature du chef d'exploitation. C'est plus une question de principe.

Mme Sylvie Lafourcade : En ce qui concerne la validation des deux années par enfant, on n'est pas contre le fait que cette validation soit accordée à un homme ou à une femme. Le seul élément négatif, c'est la nécessité d'arrêter au moins deux mois l'activité ; or, toute agricultrice ne s'arrête jamais deux mois entiers, car elle ne peut pas se faire remplacer sur l'exploitation.

M. Clément Faurax : Juridiquement, les agricultrices ont droit à un congé de maternité de seize semaines, dont dix semaines après la naissance. Mais, elles ne le font pas et ne sont pas incitées à le faire, car il faudrait avoir recours à un service de remplacement ; or, les indemnités ne permettent pas de prendre en charge complètement le coût du service de remplacement.

M. François Guillaume : Le coût du remplacement n'est-il pas financé par la mutualité sociale ?

M. Clément Faurax : En partie. Il y a un autre problème, c'est que le salarié remplaçant ne travaille pas le week-end. Pour les animaux, il y a des besoins le week-end également. Dans les faits, on se rend donc compte qu'il n'y a pas d'arrêt de deux mois.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : La disposition concernant l'égalité de traitement hommes-femmes pour les bonifications pour enfant ne concerne que la fonction publique et non pas le régime général. Elle ne s'applique donc pas à vous.

Mme Karen Serres : C'est une bonne nouvelle, car on la trouvait complètement inapplicable dans la pratique.

Dernier point : tout à l'heure, j'ai parlé des agricultrices qui rentrent tardivement dans le métier. Malheureusement, certaines sont mono-pensionnées, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas fait autre chose ou qu'elles n'ont pas été déclarées ailleurs. Pour ces personnes, nous demandons de relever un peu le minima de cotisation en tant que non salarié agricole, de l'augmenter de 17,5 à 22,5, et, en revanche, de ne pas exiger 40 annuités. Je parle des mono-pensionnées, donc, des personnes qui n'ont jamais fait autre chose que de l'agriculture et qui vont toucher une retraite agricole.

Mme Marie-Jo Zimmermann : Vous ne l'avez pas obtenu ?

M. François Guillaume : Tous les parlementaires qui sont ici doivent le savoir. On est sans arrêt sollicité par des agriculteurs de ma génération, qui ont travaillé chez les parents pendant un certain temps, qui n'ont pas été déclarés et qui maintenant se retrouvent avec des retraites amputées. Pour l'instant, on n'a pas trouvé de solution.

Mme Michèle Marcusse : Les femmes n'ont pas de carrière complète, car souvent le mari a été salarié des parents. La jeune femme a travaillé sur l'exploitation, en ayant la couverture sociale par son mari. Le jour où il s'est installé agriculteur, elle est devenue sa collaboratrice ou du moins elle a été inscrite à la mutualité, mais jusqu'alors elle n'était rien du tout.

M. François Guillaume : Je me demande s'il n'y a pas une disposition pour essayer de régler ce problème des exploitants agricoles, qui ont démarré chez leurs parents sans être rémunérés, donc, sans être déclarés et qui n'ont été déclarés que le jour où ils ont repris l'exploitation.

Mme Michèle Marcusse : Parfois, ils étaient déclarés comme salariés, mais pas la femme. Aujourd'hui, elles mangent le fruit amer de ce statut.

M. Clément Faurax : Le projet de loi permet de reconnaître les périodes d'activité en tant qu'aide familiale avant 21 ans, mais il n'existe rien pour les conjoints. Il fallait avoir le statut d'aide familiale.

M. François Guillaume : A l'époque, cela n'existait pas. Il fallait des attestations, éventuellement de voisins, de maires.

Mme Michèle Marcusse : Pour les chefs d'exploitation, mais pas pour les femmes.

Mme Karen Serres : Nous demandons, pour ces mono-pensionnées, de ne pas exiger les 40 annuités. Si elles sont mono-pensionnées, c'est qu'elles n'ont travaillé qu'en agriculture. Ce sont les agricultrices qui, en moyenne aujourd'hui, touchent 196 euros par mois. Si on leur donne droit à la revalorisation, cela leur permettrait de toucher environ 400 euros par mois. On ne parle donc pas de certaines catégories sociales qui ont une retraite au-delà du SMIC, on est en train de parler d'une question de dignité.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Sont-elles nombreuses ?

Mme Karen Serres : Malheureusement oui. Ce sont surtout des femmes.

M. François Guillaume : En contrepartie, acceptez-vous de relever le niveau des cotisations, car ce sont les cotisations d'aujourd'hui qui payent les retraites de demain ?

Mme Karen Serres : Il y a quelque chose que je n'ai pas abordé dans mon introduction : c'est la spécificité démographique de l'agriculture. Beaucoup d'enfants d'agriculteurs font autre chose que de l'agriculture. Il y a déjà des réversions de caisse à caisse. On sait très bien que l'argent doit venir de quelque part, mais il n'est pas envisageable que ce soit le peu d'agriculteurs en activité aujourd'hui qui assument ce financement.

M. François Guillaume : Il y a la compensation démographique. On a connu cela à toutes les époques, y compris à la mienne. Le régime général apportait une contribution au titre de la diminution de la population active et du fait qu'une bonne partie des enfants issus de la population active vont dans les autres secteurs d'activité et nourrissent les régimes de retraite des autres secteurs d'activité. Il me semble que la FNSEA fait un calcul assez large qui permet cette compensation.

M. Clément Faurax : On a peut-être une marge de manœuvre, car la situation démographique fait que l'on est dans un régime où les dépenses vieillesse diminuent. On économise de l'ordre du milliard de francs par an sur les dépenses vieillesse.

Si l'on prend le régime vieillesse des non-salariés agricoles, la dépense diminue du fait du moindre nombre de pensions à verser.

Mme Michèle Marcusse : Le Fonds de solidarité diminue aussi car, avec les revalorisations, moins de gens perçoivent le Fonds de solidarité. Cela fait qu'il y a un peu plus d'argent maintenant.

Mme Karen Serres : Puisqu'un changement est prévu, il faudra faire très attention que, si effectivement il y a possibilité de toucher la réversion très tôt, ces sommes soient suffisantes pour en vivre, donc, peut-être créer un système en deçà duquel la réversion ne puisse pas se faire.

Nous saisissons l'occasion de cette audition pour vous inviter tous, le 5 juin, à notre assemblée générale, à laquelle assistera Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, et qui sera consacrée à l'avenir non seulement des femmes, mais de l'agriculture au sens large.

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