DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 3

Mardi 14 novembre 2006
(Séance de 16 h 30)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

Audition de Mme Jacqueline Gourault, sénatrice de Loir-et-Cher, vice-présidente de l'Association des maires de France (AMF)

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a indiqué que la Délégation avait souhaité entendre Mme Jacqueline Gourault, principalement en sa qualité de vice-présidente de l'Association des maires de France, à propos de l'éventuel examen du projet de loi sur la parité promis par le Président de la République en janvier 2006.

L'Observatoire de la parité a dressé, en 2005, le bilan de toutes les élections intervenues depuis 2001, c'est-à-dire après l'adoption de la loi sur la parité du 6 juin 2000. Il en ressort que les élections au scrutin de liste - européennes, régionales, municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants -, avec alternance stricte d'hommes et de femmes, donnent de bons résultats mais que le problème se pose toujours pour les élections uninominales, législatives et cantonales. Pour les élections au Sénat, nombre de femmes élues en 2001 ne le seront plus en 2010, depuis la modification législative intervenue en 2003, qui a constitué un retour en arrière et un recul de la parité.

L'Observatoire de la parité a également préconisé de légiférer sur les exécutifs locaux, au moins temporairement, car ils ne suivent pas le mouvement paritaire. Les femmes seraient-elles moins douées que les hommes pour occuper les fonctions d'adjointe au maire ?

Une autre suggestion de l'Observatoire ne figure malheureusement pas dans le projet de loi : la parité dans les intercommunalités, alors que la plupart d'entre elles sont particulièrement en retard, surtout les petites communautés de communes.

Il est aussi proposé dans le texte que les conseillers généraux aient un suppléant de sexe opposé et que les pénalités appliquées aux partis politiques soient alourdies.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a estimé que Mme Jacqueline Gourault, en ses qualités de femme, de vice-présidente de l'AMF, de sénatrice et de vice-présidente d'une communauté de communes, avait toutes les compétences pour éclairer la Délégation sur la problématique de la parité. Elle a appelé les femmes à se montrer vigilantes, faute de quoi la France risque de faire marche arrière.

Mme Jacqueline Gourault a dit vouloir témoigner de son expérience de femme ayant eu la chance de réussir dans un système politique alors dépourvu de loi sur la parité. C'est une femme maire qui lui a mis le pied à l'étrier en lui demandant de figurer sur sa liste puis de lui succéder, ce qui met à mal l'idée que les femmes n'aident pas les femmes. En 2001, elle a été élue au Sénat - au scrutin uninominal, son département ne comptant que deux sénateurs -, après avoir été battue trois fois aux élections législatives. Elle était l'une des deux seules femmes élues en 2001 au scrutin uninominal.

Quoique ne passant pas pour une suffragette, elle considère qu'étant donné le faible nombre de femmes dans la vie politique, il est nécessaire de leur en faciliter l'entrée, notamment en instaurant la parité dans les exécutifs des communes de plus de 3 500 habitants.

Elle a signalé que l'AMF, au sein de laquelle elle exerce les fonctions de première vice-présidente et de présidente de la commission intercommunalité, était désormais l'association des communes mais aussi des intercommunalités. Un rapprochement a du reste été intelligemment initié, depuis deux ans, entre l'AMF et l'Assemblée des communautés de France (ADCF), sous l'égide de leurs présidents respectifs, M. Jacques Pélissard et M. Marc Censi.

Si le projet de loi ne prévoit aucune mesure concernant les intercommunalités, c'est que, au-delà, se pose le problème complexe et sensible de la légitimité de la représentation intercommunale, c'est-à-dire du mode de scrutin. Même si 89 % du territoire national est couvert par les intercommunalités, la carte doit être achevée, en surface mais aussi en qualité, certains périmètres ne correspondant pas aux réalités des bassins de vie. Tant que le processus est en cours, il serait dangereux de toucher au mode de scrutin, mais une réforme de la représentation intercommunale sera, à terme, incontournable.

Mme Jacqueline Gourault s'est déclarée personnellement favorable à une élection au scrutin direct des conseillers communautaires, liée à l'élection municipale, commune et intercommunalité ne formant pas deux niveaux de collectivités mais un couple. Une enquête menée récemment parmi les membres de la Fédération des élus démocrates montre que les maires pourraient être intéressés par cette formule, qui préserve le choix communal et le choix intercommunal. Dans le système actuel, il serait difficile d'intégrer la problématique paritaire, d'autant que la plupart des communautés de communes comprennent des collectivités de moins de 3 500 habitants. Il faudrait profiter d'une réforme du mode de scrutin intercommunal, qui ne pourrait cependant intervenir avant 2014.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé que la plupart des communes désignent des hommes pour les représenter dans les conseils communautaires, sauf lorsque le maire est une femme.

Mme Jacqueline Gourault a approuvé l'idée de la suppléance pour les élections cantonales, qui réglerait un problème institutionnel en évitant la multiplication des élections partielles et qui serait favorable à la parité, titulaire et suppléant étant de sexe opposé.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a regretté que, aux termes du projet de loi, le suppléant d'un conseiller général ne puisse remplacer le titulaire qu'en cas de décès et non en cas de démission pour cause de cumul de mandats. Elle a indiqué qu'elle souhaitait déposer un amendement sur ce point.

Mme Jacqueline Gourault a signalé qu'entre 1999 et 2001, trois élections avaient dû être organisées dans son propre canton.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que, à peine élue députée, elle avait repris une proposition de loi de son prédécesseur tendant à instituer des suppléants pour les conseillers généraux mais que les ministres de l'intérieur successifs, MM. Jean-Pierre Chevènement, Daniel Vaillant et Nicolas Sarkozy, lui avaient invariablement répondu que le nombre d'élections partielles était faible.

Elle a ajouté que, plus généralement, la réflexion sur la parité devait être intégrée à celle concernant l'organisation des institutions.

Mme Jacqueline Gourault a demandé si le projet de loi, dont l'examen par le Sénat était prévu pour le 14 décembre, avait une chance d'être voté par l'Assemblée nationale.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a indiqué qu'elle se battrait pour son examen et son adoption, pour éviter que, comme pour le droit de vote des femmes avant-guerre, la mesure soit adoptée seulement au Sénat. Elle a confié que le Premier ministre devrait recevoir les bureaux des Délégations aux droits des femmes du Sénat et de l'Assemblée le 28 novembre prochain et qu'elle attendait de lui qu'il s'engage publiquement à ce que le texte soit voté avant la fin de la législature, ce qui supposerait un examen par l'Assemblée nationale dès la rentrée de janvier.

Mme Anne-Marie Comparini s'est inquiétée que le programme de la commission des lois comporte trois dossiers mais pas celui de la parité.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a déploré que le Sénat ait tout d'abord prévu de n'examiner le projet de loi qu'en janvier ou février, ce qui aurait rendu matériellement impossible son adoption définitive. Elle a répété qu'elle demanderait officiellement au Premier ministre, le 28 novembre, les dates précises de discussion devant le Sénat et l'Assemblée nationale.

Mme Jacqueline Gourault a jugé qu'un renoncement serait dommageable politiquement, d'autant que personne ne s'oppose à ce texte, si ce n'est à la mesure d'alourdissement des pénalités.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a précisé que celle-ci ne s'appliquerait pas pour 2007, non pas, contrairement à ce que prétendent certains, parce que les investitures sont déjà données, mais parce que l'UMP n'a désigné que 30 % de candidates. Ne pas dire la vérité serait s'exposer à ce qu'elle revienne comme un boomerang. Les députées socialistes, en 1997, avaient afflué à l'Assemblée parce que les hommes qui ne se représentaient pas avaient été remplacés par des femmes. Pourquoi l'UMP ne ferait-elle pas de même ? Si cette habitude se prenait, cela enclencherait un processus.

Mme Jacqueline Gourault lui ayant demandé de la tenir au courant du calendrier de l'examen du texte dans les deux assemblées, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a répondu qu'elle communiquerait l'information à la presse en sortant du bureau du Premier ministre.

Mme Jacqueline Gourault a souligné que, dans les très petites communes de son département, beaucoup de femmes avaient été élues sans contrainte législative, mais que l'exemple de la loi pour les communes de 3 500 habitants avait constitué une locomotive en aidant les femmes à oser se porter candidates. Les femmes ont toujours joué un grand rôle dans la vie associative rurale, les caisses d'allocations familiales, les syndicats de jeunes agriculteurs, les fédérations de familles rurales ; beaucoup de celles qui ont été formées dans ces structures occupent désormais des responsabilités municipales. Mais il ne faut pas en tirer la conséquence que légiférer est inutile.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que M. Philippe Séguin, président du RPR lors des élections régionales de 1998, avait placé 30 % de femmes sur les listes et avait prédit que cela enclencherait un processus. Mais le recul de 2003, avec la modification législative de l'élection des sénateurs, a porté un coup dur à ce processus. Qui plus est, en 2002, l'UMP, forte de ses 363 députés, avait projeté de rendre tous les scrutins uninominaux, ce qui aurait condamné la parité. Il est donc important de se mobiliser pour continuer à faire progresser la parité.

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