DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 5

Mardi 5 décembre 2006
(Séance de 18 heures)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

- Audition de MM. Daniel Nouaille, vice-président, et Nicolas Portier, délégué général, de l'Assemblée des communautés de France (ADCF)

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité la bienvenue à MM. Daniel Nouaille, vice-président, Nicolas Portier, délégué général, et Emmanuel Duru, responsable juridique de l'Assemblée des communautés de France (ADCF). Elle a souhaité connaître leurs observations sur le projet de loi tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, qui sera examiné par le Sénat en première lecture le 14 décembre prochain. Bien que le texte ne comporte aucune disposition concernant les intercommunalités, elle a souhaité qu'ils dressent un bilan de la parité au sein de celles-ci et qu'ils fassent part de leurs propositions.

M. Daniel Nouaille a rappelé qu'il était président de la communauté de communes du Val de Vienne, située en Haute-Vienne, et maire d'une commune de 5 800 habitants, celle d'Aixe-sur-Vienne. La logique de parité y a été poussée jusqu'au bout, il y a six ans, puisque des femmes y ont été élues première et troisième adjointes.

La situation est plus complexe au sein des communautés des communes, ne serait-ce qu'en raison de l'absence de parité dans un grand nombre de petites communes, surtout rurales. Il manque peut-être de candidates, mais il faut reconnaître que rien n'est fait pour les attirer vers cette fonction. Cela étant, la situation évolue, et les femmes seront sans doute plus présentes sur les prochaines listes.

Les communes de plus de 3 500 habitants devant respecter le principe de parité, un texte devrait imposer une représentation paritaire de ces communes au conseil communautaire.

Quant aux communes de moins de 3 500 habitants, il faudrait fixer une obligation de résultats - 10, 20 ou 30 % de femmes - ce qui obligerait les têtes de listes - hommes ou femmes - à un effort de représentativité.

M. Daniel Nouaille a rappellé que l'ADCF a souhaité officiellement que les intercommunalités ne soient pas exclues de la loi. Celles-ci sont de plus en plus des lieux de pouvoir, notamment en zone rurale. Elles s'occupent de projets importants, tels que la petite enfance, le tri des déchets, l'eau ou les loisirs. Les femmes sont souvent porteuses de projets forts, et leur regard est une source de richesse pour les communautés de communes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, l'ayant interrogé sur la place du conseiller général d'un canton rural au sein de la communauté de communes, M. Daniel Nouaille a répondu qu'il était simplement le délégué communautaire de sa propre commune. Les maires regretteraient du reste que la communauté de communes prenne localement beaucoup plus d'importance que le conseil général sans que ne soit clarifié le rôle respectif du conseiller général et du président de communauté. Cependant la communauté de communes, porteuse de nombreux projets et nouveaux services, est progressivement reconnue par la population, comme en témoignent les sondages réalisés par l'ADCF avec l'IFOP. Aujourd'hui, le conseil général ne porte plus de projet lourd comme en porte la communauté de communes ou la communauté d'agglomération.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a jugé nécessaire de se pencher sur cette question, ce qu'a approuvé Mme Danielle Bousquet, pour qui l'empilement des structures est source de confusion.

M. Daniel Nouaille a confirmé que les maires souhaitaient aujourd'hui une clarification des compétences et de l'organisation.

Mme Danielle Bousquet a observé que le conseiller général, en territoire rural, ne connaît pas de problème d'identification, car il est porteur de projets structurants pour le canton. Il en va différemment dans les villes où il n'a pas de rôle propre et identifié. Les territoires pertinents sont devenus les intercommunalités. Or, aujourd'hui, le découpage des intercommunalités ne correspond pas forcément à celui des cantons, ce qui devrait conduire à un redécoupage des cantons.

S'agissant des conseillers intercommunaux, elle a estimé que la loi devrait prévoir leur désignation par liste paritaire, bloquée ou non. Il n'est cependant pas certain qu'une loi ordinaire suffise : peut-être une loi organique serait-elle nécessaire.

M. Nicolas Portier a indiqué qu'un simple amendement à une loi ordinaire suffirait, et précisé que l'ADCF privilégiait une obligation de résultats à un système de listes bloquées pour la désignation des conseillers communautaires par les conseils municipaux des villes de plus de 3 500 habitants.

M. Daniel Nouaille a considéré qu'il serait logique d'étendre l'obligation de parité, déjà prévue pour les communes de plus de 3 500 habitants, à certaines communes de moins de 3 500 habitants.

Mme Danielle Bousquet s'étant interrogée sur l'opportunité d'abaisser ce seuil à 2 500 habitants, M. Daniel Nouaille a observé que ce seuil avait déjà été abaissé dans d'autres domaines.

MM. Daniel Nouaille et Nicolas Portier ont rappelé que le Bureau de l'ADCF s'était montré favorable à l'abaissement du seuil de 3 500 à 2 500, voire 2 000 habitants, et à une désignation des élus communautaires dès le scrutin municipal, avec application du principe de parité, pour les communes à scrutin de liste. M. Nicolas Portier a proposé à la Délégation de lui envoyer une cartographie des communes de moins de 3 500 à 2 000 habitants dans les agglomérations.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a observé que, dans les petites communes, les deux postes de conseillers communautaires étaient souvent occupés par des hommes et elle a rappelé qu'elle avait demandé que la parité soit respectée, dès lors que l'on désignait deux conseillers communautaires.

M. Nicolas Portier ayant soulevé l'hypothèse de l'absence de femmes au conseil municipal, Mme Danielle Bousquet a noté qu'aucune étude n'avait été réalisée sur ce sujet.

MM. Daniel Nouaille et Nicolas Portier ont alors signalé qu'un problème se posait pour les communes sans liste municipale, les électeurs ne pouvant être contraints de voter pour une femme, ce qu'a confirmé Mme Danielle Bousquet, convaincue qu'il faudrait réformer le mode de scrutin dans ces communes.

S'agissant des relations avec le conseil général, M. Nicolas Portier a signalé que M. Marc Censi, président de l'ADCF, avait suggéré l'idée qu'à terme les présidents de communautés siègent de droit au sein des assemblées départementales et y assurent la représentation territoriale.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a estimé que l'hypothèse envisagée par le président de l'ADCF conduirait à une transformation totale du conseil général, voire à une remise en cause de son existence.

M. Daniel Nouaille a estimé que beaucoup d'élus souhaitent que la communauté de communes reste un lieu de consensus, d'échange, et ne devienne pas un lieu d'affrontement. Cela étant, il faut bien définir les compétences.

Mme Danielle Bousquet s'est alors demandé comment l'on pouvait considérer l'intercommunalité comme étant, en soi, un lieu de consensus, et comment des projets ayant, au niveau communal, une forte teneur politique pouvaient devenir apolitiques au niveau intercommunal ?

M. Nicolas Portier a relevé que 28 % des présidents de communautés s'inquiétaient des tensions qui pourraient survenir lors des prochaines élections municipales au sujet de l'intercommunalité, d'après une enquête conduite par l'ADCF durant l'été 2006 auprès de 900 présidents. La majorité des présidents considèrent que les relations entre communes sont plutôt en voie d'amélioration. Il n'est en effet pas illégitime que des élus de toutes sensibilités s'entendent sur la recherche de l'intérêt général sur un territoire sur lequel ils ne sont pas en compétition.

Mme Danielle Bousquet a objecté que l'intérêt général, dans l'absolu, n'existait pas, puisqu'il était forcément lié à une orientation politique.

M. Nicolas Portier a répondu que des élus pouvaient se mettre d'accord sur des projets qui ne relèvent pas du domaine de la concurrence politique. En revanche, des difficultés spécifiques sont parfois constatées lorsque les communes accordent des sièges à l'opposition au sein du conseil communautaire Les clivages politiques internes aux communes se superposent aux discussions entre communes. Ce qui peut être source d'un certain brouillage d'autant que les Français identifient mal ces différentes structures et leurs champs de compétence. Surtout, le sondage ADCF-IFOP a montré que les Français s'estiment très mal informés, notamment au niveau de l'intercommunalité. Ils souhaitent en savoir beaucoup plus.

Mme Danielle Bousquet s'est demandé si la confusion politique entre la position défendue au niveau municipal et celle adoptée au niveau intercommunal ne contribuait pas à développer ce sentiment de manque d'information, ou de manque de transparence.

M. Nicolas Portier a fait état du sondage réalisé par l'IFOP pour le compte de l'ADCF et qui montre que les Français sont très favorables à ce que des maires s'unissent, surtout s'agissant des petites communes, même si le système peut s'en trouver compliqué. 88 % des Français considèrent que l'intercommunalité est une « bonne chose » pour leur commune.

Mme Danielle Bousquet lui ayant demandé son avis sur les pays, M. Daniel Nouaille a répondu que ceux-ci représentaient, aux yeux des maires, un échelon supplémentaire, aux procédures lourdes et longues.

M. Nicolas Portier a évoqué le double risque de l'institutionnalisation des pays et de la gestion de subventions, voire de fonds globalisés, par des structures d'animations transformées en lieux de pouvoir. Il a rappelé que l'ADCF soutient toutefois la politique des pays dès lors qu'elle s'appuie sur un réseau de communautés et en reste à une contractualisation directe des communautés. Il est très clair qu'un certain nombre de communautés n'ont pas la taille suffisante pour répondre seules aux compétences théoriques qu'elles sont censées assumer comme le développement économique, ce qui pose la question de l'élargissement des périmètres des communautés. Plus d'un tiers, en effet, comptent moins de 5 000 habitants ; si cela suffit pour gérer une petite zone d'activité, seul le bassin d'emploi peut permettre une stratégie de développement économique.

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