COMMISSION SPÉCIALE
CHARGÉE D'EXAMINER LE
PROJET DE LOI RELATIF À L'ASSURANCE MALADIE

COMPTE RENDU N° 8

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 29 juin 2004
(Séance de  16 heures)

12/03/95

Présidence de M. Yves Bur, président.

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, sur la note de la direction du budget et de la direction de la prévision et de l'analyse économique du ministère de l'économie et des finances concernant l'impact financier du projet de loi relatif à l'assurance maladie

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La commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie a entendu M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, sur la note de la direction du budget et de la direction de la prévision et de l'analyse économique du ministère de l'économie et des finances concernant l'impact financier du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

Le président Yves Bur a expliqué que, suite aux informations parues dans la presse relatives à une note de la direction de la prévision et du budget du ministère des finances concernant l'impact financier de la réforme de l'assurance maladie, il avait adressé avec M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur, une lettre à M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, demandant à ce que cette note soit communiquée aux parlementaires. Une audition de M. Nicolas Sarkozy a par ailleurs été envisagée mais celui-ci étant retenu en séance publique, c'est M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget, qui est aujourd'hui chargé de donner des explications sur cette note.

Plusieurs membres de la commission ont fait remarquer qu'ils n'avaient pas reçu cette note et M. Jean-Marie Le Guen a donc demandé une suspension de séance pour en prendre connaissance.

Le président Yves Bur a suspendu les travaux pour cinq minutes.

A la reprise de la séance, le président Yves Bur a demandé au secrétaire d'Etat quelle est la perception de la réforme par le ministère des finances et quelle est son analyse des objectifs de réduction des déficits et des moyens mis en œuvre dans ce but.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, a tout d'abord indiqué que le ministère de l'économie et le ministère du budget ont été associés dès l'origine à ce projet de réforme. De nombreuses réunions ont permis une concertation entre les ministres concernés, les cabinets ministériels et les différents services sous l'autorité du Premier ministre. Durant cette phase préparatoire, de nombreux documents de travail ont été réalisés.

Le ministère des finances a fait de façon constante connaître certaines de ses préoccupations, comme par exemple la nécessité d'une augmentation raisonnable et raisonnée des prélèvements obligatoires adaptée à la conjoncture économique et sociale, afin de ne pas handicaper la reprise de la croissance. A ce titre et dans un souci de justice, il est satisfaisant de constater que la hausse de la CSG sera faible et répartie sur l'ensemble des contributeurs. De même, le choix a été fait de ne pas ajouter une hausse de la CRDS à celle de la CSG. Le ministère des finances estime également très important de parvenir à une responsabilisation de l'ensemble des acteurs. C'est la raison pour laquelle il a défendu la contribution d'un euro par consultation, symbolique de la volonté de changer les comportements des patients.

La réforme s'annonce donc comme un ensemble de mesures équilibrées aussi bien dans son volet de maîtrise des dépenses que dans l'équilibre trouvé entre les nouvelles recettes, chaque participation (retraités, entreprises, jeux) étant assez modeste. Elle a permis d'éviter une approche strictement comptable à la différence des réformes précédente et fait le pari du changement de comportement des assurés sociaux. L'avis du ministère sur la réforme proposée est donc positif.

Par ailleurs, on ne peut que s'étonner qu'une telle note, interne au ministère, ait été publiée dans la presse et regretter une telle fuite, contraire aux traditions républicaines. Cette note n'est qu'un élément parmi d'autres de la réflexion et du chiffrage. Toutefois, elle a le mérite de souligner les enjeux à long terme de la réforme qui repose en grande partie sur un changement des comportements. Il est souhaitable que ce plan réussisse car son échec conduirait à l'adoption de mesures drastiques d'augmentation des recettes.

M. Richard Mallié s'est déclaré scandalisé par la diffusion de cette note, signée par le seul directeur de la prévision, qui dresse un procès d'intention au gouvernement au lieu de proposer des estimations financières fiables. Est-il normal que cette note mette en doute la possibilité de changer les comportements de consommation de soins alors que la campagne menée en matière de sécurité routière illustre que l'on peut parvenir à de profondes modifications, comme en atteste le changement de conduite automobile constaté chez les Français. Ce qui est possible en matière de sécurité routière peut l'être pour l'assurance maladie. Est-il normal que cette note mette en doute le volontarisme du gouvernement ? Il ne faut pas se laisser arrêter par des prévisions incertaines alors qu'il y a un choix politique à faire. Quant à la critique portant sur l'absence de caractère d'ordre public de la contribution forfaitaire, il appartient au Parlement, et notamment à la commission, d'y remédier.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, a souligné que de telles notes internes n'ont pour but que d'éclairer les décisions politiques et qu'elles ne sauraient en aucun cas être considérées comme la position officielle du ministère des finances. Cette réforme a été préparée par l'ensemble du gouvernement et ce n'est pas le plan du seul ministère de la santé.

M. Hervé Mariton a indiqué que la diffusion de cette note a au moins servi à souligner que cette réforme repose en grande partie sur une modification des comportements des patients et des professionnels de santé. Plusieurs questions restent en suspens. La direction du budget a-t-elle modélisé les incidences des changements de comportement des patients ? La participation d'un euro à chaque consultation ne pourra-t-elle faire l'objet d'aucun remboursement par les organismes de protection sociale complémentaire ?

M. Philippe Auberger a tout d'abord fait remarquer que le ministère des finances a toujours été incapable d'évaluer l'impact sociologique et psychologique des réformes. On ne peut qu'être étonné du montant des frais financiers en forte augmentation. Cette augmentation est inexplicable : ils n'atteignaient que 400 millions d'euros dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 et les taux d'intérêts pratiqués par la Caisse des dépôts et consignations ont été réduits de 7 points au cours de l'année 2004. A partir de quelles sources financières ces informations ont-elles été établies ?

M. Gérard Bapt a estimé cette note remarquable car elle pose de manière réaliste les difficultés de cette réforme. On ne peut que regretter que les notes de la direction du budget ne soient pas communiquées aux parlementaires chargés de contrôler l'action du gouvernement. Les critiques adressées à la technostructure sont déplacées surtout si l'on considère que la mission d'information relative à la problématique de l'assurance maladie a jugé très intéressantes les auditions de ces mêmes « technocrates ». Il est anormal que le projet de loi ne comporte aucune étude d'impact mesurant les conséquences prévisibles de cette réforme.

Certains points de cette note sont cependant contestables, comme par exemple la critique faite portant sur la mise en œuvre d'une aide à l'acquisition d'une protection sociale complémentaire, mais elle a le mérite de poser les vraies questions comme par exemple celle de la différence entre le taux d'évolution des dépenses et celui des recettes.

M. Jean-Marie Le Guen a estimé que le présent débat n'a pas à porter sur le contenu politique de la note dont, d'ailleurs, le gouvernement ne tient pas compte. La maîtrise comptable a montré ses limites et, dans ces conditions, les parlementaires doivent mesurer les effets de leur action. Aussi, dans ce contexte, convient-il de ne pas faire d'amalgame entre le débat politique et le strict chiffrage. D'après les chiffres fournis par le ministre de la santé et de la protection sociale, le différentiel entre les dépenses et les recettes croît de 2 milliards par an soit un déficit tendanciel de 20 milliards en 2007. D'après les chiffres fournis par le ministre, le plan prévu permettra 5 milliards de recettes supplémentaires et 10 milliards d'économies sur les dépenses. Dans ce cas de figure, le déficit serait donc équivalent à 5 milliards d'euros en 2007.

De plus, la montée en charge progressive des mesures d'économie fait que la réalité des déficits pourrait être la suivante : 10,5 milliards en 2005, 9,4 milliards en 2006 et 5,4 milliards pour 2007, soit un déficit cumulé, en trois ans, de 25 milliards. La question est donc simple : les chiffres contenus dans la note de la direction du budget sont-ils confirmés par le ministre de l'économie et des finances ?

Le président Yves Bur a indiqué que la présente réunion ne permet pas, pour des raisons de temps, d'engager un débat qui relève du débat en séance publique.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur, a rappelé que la présente réunion de la commission a été convoquée à la suite d'une demande du président du groupe socialiste, qui a souhaité obtenir des informations sur la note de la direction du budget.

M. Alain Clayes a demandé au secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire dans quelles conditions le ministre des finances a autorisé ses services à être entendus par mission d'information sur la problématique de l'assurance maladie et au rapporteur s'il conteste la réalité des chiffres contenus dans la note ? L'ensemble des travaux de la commission spéciale bute sur la question de l'efficacité de la maîtrise médicalisée et, au centre de celle-ci, du dossier médical personnel.

M. Jean Le Garrec a rappelé que les services de la direction de la prévision et de l'analyse économique sont souvent entendus par les organismes les plus divers et que le cheminement de la note importe peu. Il y a un défaut d'information qu'accroît l'absence d'étude d'impact.

Le projet de loi examiné mélange deux problèmes de natures différentes : un plan comptable pesant sur les assurés d'une part, le problème de la maîtrise médicalisée d'autre part. Les parlementaires ont encore des doutes sur ce sujet et la note reflète les mêmes interrogations. Ainsi, les articles 10 et 14 du projet témoignent d'un transfert de la responsabilité du médecin au patient. Il existe par ailleurs un véritable débat entre le ministre de la santé et celui de l'économie et des finances : ce dernier s'engage-t-il sur le chiffrage effectué par ses services ?

M. Daniel Garrigue a jugé qu'il n'y a pas lieu de surestimer l'importance de cette note et d'en faire une affaire d'Etat. Elle n'est qu'un exemple du travail habituel de la direction de la prévision et de la statistique qui consiste à minorer les recettes et maximiser les dépenses. Le chiffrage ne prend au surplus en compte que les mesures à caractère automatique. Il faut savoir si l'on souhaite se limiter à une maîtrise purement comptable du déficit ou conduire une politique volontariste de réduction de celui-ci.

Le rapporteur a remercié le ministre d'avoir replacé la note dans son contexte et rappelé qu'il y a dans la réforme des éléments d'économie qui ne sont pas quantifiables, comme l'a rappelé le directeur de la prévision lui-même.

En réponse aux différentes interventions, le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire a rappelé que la note de la direction du budget et de la direction de la prévision et de l'analyse économique ne reflète en rien la position du ministère de l'économie et des finances sur la réforme mais doit être prise comme un élément d'information parmi d'autres. Le ministère de l'économie et des finances est pleinement solidaire du plan défini par le ministre de la santé, M. Philippe Douste-Blazy, qui prévoit à juste titre peu de ressources nouvelles et fait fort pertinemment porter l'effort sur la modification des comportements.

Après que M. Jean-Marie Le Guen l'a à nouveau interrogé sur la réalité de l'engagement financier du ministère des finances sur le plan de réforme, le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire a affirmé à nouveau que le ministère des finances fait siens les engagements du ministre de la santé.

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