ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D’EXAMINER
LE PROJET DE LOI RELATIF À l’INITIATIVE ÉCONOMIQUE

COMPTE  RENDU    3
(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 23 janvier 2003
(Séance de 9 heures 45)

Présidence de M. Hervé Novelli

SOMMAIRE

 

 

  Audition de M. Christian Sautter, vice-président de la Fédération des organisations contribuant à la création des entreprises et à leur reprise (FORCE).

 

  Audition de M. François Hurel, délégué général de l’Agence pour la création d’entreprises.

 

  Audition de M. Pierre Fonlupt, membre du Conseil exécutif du MEDEF

 
 

La Commission spéciale a procédé à l’audition de M. Christian Sautter, vice‑président de la Fédération des organisations contribuant à la création des entreprises et à leur reprise (FORCE).

M. Christian Sautter a tout d’abord rappelé que le réseau FORCE, créé le 11 mai 2001, était composé de 8 membres : l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI), l’Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM), l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE), France Active, présidée par lui‑même, France Initiative Réseau (FIR), le Conseil supérieur de l’ordre des experts comptables (CSOEC), le Réseau des boutiques de gestion (RBG) et le Réseau Entreprendre ; il a en outre signalé que la Caisse des dépôts et consignations était membre associé du réseau FORCE.

Puis, M. Christian Sautter a présenté les trois objectifs majeurs de la Fédération. Il a indiqué qu’il s’agissait tout d’abord de promouvoir au niveau local et national la lisibilité des réseaux et des dispositifs d’accueil et d’accompagnement des créateurs ou repreneurs d’entreprises, grâce à leur suivi et leur orientation auprès des 8 membres du réseau FORCE. Il a par ailleurs fait observer que la Fédération visait également à faciliter l’accès des porteurs de projets au dispositif de soutien financier et à les accompagner avant, pendant et après la création d’entreprises. Il a enfin indiqué que le réseau FORCE souhaitait devenir un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics et s’est félicité de son audition par la Commission spéciale. Ainsi, a-t-il souligné, la Fédération accueille environ 1 million de porteurs de projets par an et accompagne 30 000 d’entre eux jusqu’à la création définitive de leur entreprise ; ce sont donc près de 15 % des créations d’entreprises qui sont suivies par le réseau FORCE.

M. Christian Sautter a ensuite abordé le projet de loi pour l’initiative économique en signalant que la Fédération, à l’issue d’un entretien avec M. Renaud Dutreil, secrétaire d’Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l’artisanat, aux professions libérales et à la consommation, avait émis le 20 décembre 2002 un communiqué faisant état de l’adhésion du réseau FORCE aux principes essentiels du projet de loi. Il s’est ainsi réjoui que ce dernier reconnaisse l’importance des créations d’entreprises en termes de gisements de croissance et d’emplois. Puis, il a évoqué quatre points qui, selon le réseau FORCE, mériteraient d’être amendés.

En premier lieu, M. Christian Sautter a noté que les articles 10 et 11 du projet de loi, relatifs aux entreprises en « couveuses », faisaient référence à « l’accompagnement de ces entreprises », terme qu’il a jugé peu adapté car trop général pour définir le contrat particulier prévu dans ces articles. Il a estimé qu’il serait donc préférable de substituer au terme « accompagnement » le terme « tutorat » et a observé qu’il serait alors nécessaire de modifier en conséquence l’exposé des motifs du projet de loi.

En deuxième lieu, évoquant l’article 13, il s’est félicité que celui‑ci institue les Fonds d’investissement de proximité (FIP), qui permettront de mobiliser une épargne de proximité en faveur des créations d’entreprises locales. Notant que l’entreprise individuelle continuait d’être le modèle de référence de la majorité des créateurs d’entreprises, il a précisé que le réseau FORCE estimait souhaitable que ces fonds puissent accorder des concours, sous forme de prêts, aux entreprises individuelles nouvellement créées ou reprises ; il a estimé qu’un tel soutien financier local irait pleinement dans le sens de l’intérêt général.

Après avoir rappelé que l’article 18 du projet de loi prévoyait que les cotisations provisionnelles ou définitives dues au titre des 12 premiers mois d’activité pouvaient être reportées l’année suivante, M. Christian Sautter a alerté les commissaires sur les risques que comporte une telle disposition. En effet, a-t-il estimé, le report des cotisations sur la deuxième année d’activité pourrait être fatal aux entreprises dégageant un revenu trop faible. Il a donc proposé de modifier ce dispositif afin de distinguer deux cas :

– lorsque les revenus de l’entreprise dégagés lors de la première année d’activité sont inférieurs au revenu minimum d’insertion (RMI), les cotisations dues au titre de la première année d’activité ne sont pas reportés mais font l’objet d’une exonération pure et simple ;

– lorsque ces revenus sont compris entre le RMI et le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), seule la moitié des cotisations est reportée.

Il a souligné qu’un tel dispositif éviterait d’handicaper trop lourdement les entreprises dont le démarrage est particulièrement lent.

Enfin, abordant l’article 21 du projet de loi relatif au mécénat des entreprises, M. Christian Sautter a souhaité que ces pratiques soient encore plus tournées vers la création d’entreprises et a proposé en conséquence, que les entreprises puissent déduire 50 % de leurs apports en dons, dans la limite inchangée de 3,25 pour 1 000 fixée par l’article 238 bis du Code général des impôts.

Le président Hervé Novelli a alors salué la qualité des propositions concrètes émises par M. Christian Sautter ainsi que la connaissance dont celui‑ci faisait preuve en matière de création et de développement d’entreprises. Après avoir souscrit à la nécessité d’un changement sémantique afin de faire désormais référence à des contrats de tutorat, il a estimé intéressantes les propositions émises par M. Christian Sautter relatives aux articles 13 , 18 et 21.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure, s’est déclarée plus réservée s’agissant de la notion de tutorat, dont elle a craint qu’elle ne soit source de confusion en raison de son lien avec la notion de formation. Concernant l’article 18, elle a rappelé que le projet de loi prévoyait la possibilité d’étaler sur cinq ans le paiement des cotisations dues au titre de la première année d’activité et qu’un amendement préciserait que ce règlement serait effectué par cinquième, à compter de la deuxième année d’activité. Elle s’est déclarée défavorable à la mise en place d’un dispositif d’exonération totale et a insisté  sur la nécessité, pour les chefs d’entreprise, de faire immédiatement face à leurs responsabilités. De ce point de vue, a-t-elle observé, une exonération des cotisations dues ne serait qu’une aisance illusoire et néfaste à la gestion, à moyen terme, de l’entreprise.

Par ailleurs, la rapporteure a souhaité connaître la position du réseau FORCE sur l’article 2, relatif à la délivrance d’un récépissé de création d’entreprise par le greffier du tribunal de commerce, ainsi que sur la distinction opérée entre le patrimoine privé de l’entrepreneur et le patrimoine de l’entreprise.

Après avoir salué la clarté et la précision des propos de M. Christian Sautter, M. Gilles Carrez, rapporteur, s’est interrogé sur le souci sémantique qui animait ce dernier concernant la référence à un contrat de tutorat ; il a jugé l’emploi d’un tel terme peu compatible avec la nécessaire prise de risque qui accompagne les créations d’entreprises.

Evoquant la proposition de modification de l’article 13, il a souligné que les FIP auraient à exercer un métier de banquier, qui est très particulier et est soumis à des règles spécifiques. Reconnaissant qu’il existait un problème concernant le financement des très petites entreprises, il a estimé qu’il serait probablement plus pertinent d’améliorer les dispositifs existants, tels que le prêt à la création d’entreprises ou les procédures mises en œuvre par la Société française de garantie des financements des petites et moyennes entreprises (SOFARIS).

Puis, le rapporteur  a évoqué la possibilité, prévue par l’article 18 du projet de loi, d’étaler sur cinq ans le paiement des cotisations dues au titre de la première année d’activité et n’a pas jugé sain de prévoir une exonération totale. Il a, sur ce point, cité les effets pervers de précédentes subventions, telle l’aide régionale à la création d’entreprise (ACCRE), qui avait profondément déstabilisé le secteur du bâtiment. Enfin, il a souligné que la proposition relative au mécénat aurait pour effet de créer une dépense fiscale supplémentaire.

Après avoir relativisé l’importance de l’opposition purement sémantique entre les termes d’accompagnement et de tutorat, M. Christian Sautter a néanmoins souligné que le terme d’accompagnement pouvait sembler trop général. Il a ensuite rappelé qu’au-delà des mots, c’était bien le principe d’un soutien personnalisé aux créateurs d’entreprise qui était essentiel, l’expérience montrant que le taux de survie des entreprises nouvelles bénéficiant d’un tel soutien était, après cinq ans, de 80 % contre 46 % pour la moyenne des entreprises nouvelles. Après avoir réaffirmé l’intérêt du dispositif des « couveuses d’entreprises », peu connu mais fonctionnant très bien, M. Christian Sautter a estimé qu’une troisième dénomination, distincte de celle d’accompagnement et de tutorat pourrait être utilement recherchée.

Ayant mis l’accent sur le besoin de prêt qu’éprouvent les entrepreneurs, M. Christian Sautter a jugé qu’à défaut d’une intervention directe en la matière des fonds d’investissement de proximité, leur intervention indirecte par un financement de fonds de garantie localisés était envisageable. Il a rappelé, à titre d’exemple, l’activité de garantie de France Active qui a concerné 2 000 créateurs d’entreprise, relevant en majorité de situations sociales difficiles.

En matière de cotisations sociales, M. Christian Sautter n’a pas souhaité entrer dans une discussion de principe mais a rappelé les difficultés que rencontrent sur le terrain des entrepreneurs dont le revenu peut, pendant des années, être voisin du revenu minimum d’insertion. Il a estimé qu’un étalement sur cinq ans de la perception des cotisations ne permettrait pas de régler tous les problèmes.

Enfin, M. Christian Sautter a indiqué que les organismes membres de FORCE n’avaient pas de commentaires à formuler sur la délivrance par le greffier du tribunal de commerce du récépissé de création d’entreprise que le projet de loi propose d’instituer, ni sur les dispositions de celui-ci relatives à la protection du patrimoine des entrepreneurs.

M. Alain Madelin a tout d’abord noté que si le réseau FORCE ne présentait que quatre amendements au projet de loi, ses membres avaient commenté de manière approfondie le projet de loi et a jugé souhaitable que les membres de la commission spéciale puissent obtenir communication de ces analyses.

En ce qui concerne les « couveuses d’entreprises », il a estimé que le principal problème était une éventuelle responsabilité juridique du « couveur » par rapport au « couvé ».

Rappelant le formidable appétit d’entreprendre des Français et sa traduction fréquente en projets de petite taille, il a jugé nécessaire de prévoir des dispositifs de financement adaptés. Il a estimé que les Fonds d’investissement de proximité devraient pouvoir, à cet égard, soit consentir eux-mêmes des prêts, solution préférable car elle a le mérite de la simplicité malgré les difficultés juridiques qu’elle soulève, soit participer au financement de fonds locaux de garantie, ce qui permettrait de bénéficier d’un important effet de levier puisque 85 % des prêts à la création d’entreprise sont remboursés. En tout état de cause, il a estimé absolument indispensable de trouver un dispositif pour les prêts de faible montant.

Estimant que les dispositifs de report des cotisations sociales présentaient des inconvénients, il s’est néanmoins déclaré défavorable à un système d’exonération complète et a indiqué que le mécanisme le plus efficace lui paraissait être l’institution d’un forfait de cotisations sociales payable à trimestre échu et calculé, par exemple, en proportion du chiffre d’affaires réalisé.

Enfin, M. Alain Madelin a regretté qu’en matière de protection du patrimoine personnel des entrepreneurs, le projet de loi retienne un système de patrimoine familial garanti qui se caractérise par de nombreuses lourdeurs au lieu d’instituer un patrimoine professionnel affecté qui répondrait davantage aux attentes des entrepreneurs.

Après avoir déclaré partager les analyses de M. Alain Madelin et souligné la nécessité d’aboutir à des solutions concrètes, M. François Sauvadet a fait part de sa réserve quant à l’expression de tutorat tout en soulignant la nécessité d’un accompagnement des créateurs d’entreprise qui sont confrontés à de très nombreuses difficultés. Il a, à cet égard, estimé utile qu’un inventaire de ces difficultés soit réalisé.

Regrettant que le projet de loi n’apporte pas véritablement de solution pour stimuler les prêts de faible montant, il a jugé indispensable de l’améliorer sur ce point en recherchant un mécanisme limitant les effets de seuil et les complexités administratives.

Estimant qu’il serait en pratique difficile pour un créateur d’entreprise de ne pas mobiliser son patrimoine personnel en garantie de ses emprunts à l’amorce de son projet, M. François Sauvadet a indiqué que la protection du patrimoine devrait surtout s’appliquer à l’hypothèse de la défaillance d’entreprise.

Rappelant que beaucoup d’entreprises connaissent un développement progressif et que des entrepreneurs peuvent donc avoir durablement des revenus faibles, il a estimé qu’un lissage dans la durée de la perception des cotisations sociales tenant compte des réalités de l’entreprise lui paraissait préférable à un dispositif d’exonération. Il a à cet égard indiqué son intérêt pour le système proposé par M. Alain Madelin.

M. Gérard Bapt a déclaré ne pas être choqué par le terme de tutorat déjà couramment employé. Puis, il s’est étonné que M. Christian Sautter n’ait pas évoqué la transformation en avances remboursables des primes attribuées dans le cadre du dispositif d’encouragement au développement des entreprises nouvelles (EDEN).

En ce qui concerne le mécénat, après avoir rappelé que le projet de loi ne concernait que les dons aux réseaux d’aide à la création d’entreprises, M. Gérard Bapt a jugé souhaitable d’élargir le champ du dispositif aux comités de bassin d’emploi, structures locales expérimentées et connues des entrepreneurs.

Enfin, rappelant la frilosité des banques à financer des créations d’entreprise et l’efficacité du prêt à la création d’entreprise, il a reconnu les spécificités du métier de prêteur et a évoqué les possibilités de mobilisation pour la création d’entreprise d’autres formes d’épargne, et notamment celle constituée dans le cadre des plans d’épargne logement.

M. Eric Besson a exprimé sa surprise face à la modestie des amendements proposés par M. Christian Sautter qu’il a supposés être une sorte de plus petit dénominateur commun entre les différents membres de la fédération. Il a en conséquence regretté que le présent projet ne se soit pas attaché à simplifier et à réorganiser la structure de ces réseaux.

Il a souhaité ensuite avoir des précisions sur les questions suivantes :

– quelle est la position de FORCE sur « le récépissé de création d’entreprise » (RCE), prévu à l’article 2 du projet, et notamment sur le fait qu’il soit délivré par le greffier du tribunal ?

– quel est son avis sur la transformation du dispositif EDEN en avance remboursable, et sur l’aménagement du taux de l’usure pour les prêts aux entreprises ?

M. Michel Vergnier faisant état de son expérience du monde agricole a estimé que la pérennité de l’entreprise était un problème essentiel et que les dispositifs de réduction d’impôts et de report de charges sociales ne remplacaient pas l’efficacité d’un système d’accompagnement par le biais d’un tutorat, quel que soit le nom qu’on lui donne.

Mme Chantal Brunel a souligné le fait que les entreprises nouvellement créées ont essentiellement besoin de réponses rapides et de formalités simples.

En réponse aux différents intervenants, M. Christian Sautter a tenu à apporter les précisions suivantes : 

– les propositions d’amendements sont effectivement le fruit d’un consensus entre les huit membres qui constituent le réseau FORCE. Ils peuvent néanmoins fournir leurs points de vue spécifiques aux députés, à l’instar de France Active qui a une position particulière sur le problème de l’articulation entre les fonds d’investissement de proximité et les fonds de garantie locaux ;

– le terme de « tutorat » a effectivement une connotation condescendante mais il présente l’avantage d’avoir un sens juridique précis qui correspond à ce qui est prévu par le projet ;

– s’agissant des fonds d’investissement de proximité, France Active a envisagé un financement d’un montant de 20 000 euros. Le réseau Entreprendre s’occupe, pour sa part, de crédits plus modestes et les autres réseaux de crédits plus significatifs ;

– l’idée d’une forfaitisation trimestrielle des charges sociales, à hauteur de 20 à 25 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, semble difficile à mettre en œuvre dans la mesure où le chiffre d’affaires n’est pas encore connu la première année ;

– il est important de rappeler aux élus locaux que les collectivités locales ont une importance considérable dans le financement des créations d’entreprises ;

– le réseau FORCE ne s’est pas prononcé sur la modification du dispositif EDEN mais il faut souligner que les modifications périodiquement apportées à ce type de dispositif sont sources de complexité pour les entreprises et qu’une certaine stabilité serait souhaitable ;

– toute mesure permettant de développer le mécénat en France est bonne mais il est peut-être dangereux de diluer le nombre des acteurs susceptibles d’intervenir en y incluant d’éventuels organismes agréés ;

– s’agissant de l’accès au crédit, toutes les banques n’ont pas le même comportement ; à cet égard le crédit coopératif des réseaux mutualistes permet déjà de prendre convenablement en charge le risque de défaillance de certaines entreprises en création. Par ailleurs, les systèmes de garantie sont très incitatifs pour les banques. En revanche, l’utilisation éventuelle des fonds du Compte pour le Développement Industriel (CODEVI) ou du Plan Epargne Logement (PEL) renvoie à un débat qui ne concerne pas le réseau FORCE ;

– s’agissant de la simplification des réseaux, FORCE expérimente déjà la possibilité d’un guichet commun à tous ses membres dans les régions Rhône-Alpes, Bretagne et Alsace, permettant ensuite une orientation vers l’organisme compétent ;

– l’impératif de rapidité et de simplicité de l’action administrative ne doit pas prévaloir sur celui de sa qualité, dans la mesure où l’échec de la création d’une entreprise par un chômeur est souvent vécu comme un ultime drame personnel.

M. Gilles Carrez, rapporteur, après avoir rappelé que M. Christian Sautter avait soutenu un taux marginal de l’Impôt sur la fortune (ISF) à 1,8 % lorsqu’il était ministre du Budget, s’est interrogé sur le point de savoir si cet impôt n’avait pas un caractère dissuasif sur l’investissement productif dans les PME et sur la stabilité de l’actionnariat dans les entreprises familiales.

M. Christian Sautter a répondu qu’en tant que Président de France Active, il considérait que la question de l’ISF n’était pas primordiale pour les créateurs d’entreprise tels que ceux ayant recours à cet organisme, rarement imposables à l’ISF.

*

La Commission spéciale a procédé à l’audition de M. François Hurel, délégué général de l’Agence pour la création d’entreprises (APCE).

M. François Hurel a dressé un tableau d’ensemble de l’initiative en France. En 2002, 177 000 nouvelles entreprises ont été créées, chiffre stable depuis cinq ans, mais en baisse par rapport à l’année 1990 au cours de laquelle on a pu dénombrer 205 000 nouvelles entreprises. Il faut souligner l’écart croissant en France entre le nombre de personnes déclarant vouloir créer une entreprise et le nombre d’entre elles qui concrétisent ce souhait. 12 millions de Français annoncent en effet avoir l’intention de créer une entreprise dans leur vie. Trois difficultés majeures peuvent expliquer ce constat, d’après le sondage rendu public le 23 janvier 2003 par l’APCE et le Salon des entrepreneurs : les difficultés de financement pour 70 % des personnes sondées, les difficultés de sécurisation de la création d’entreprise, qui conserve l’image d’une aventure par trop risquée, ainsi que les difficultés administratives pour 10 % des personnes interrogées (contre 20 % il y a trois ans), la complexité administrative étant principalement considérée non pas comme un frein direct à la création proprement dite, mais comme une source d’anxiété pour la vie de l’entreprise.

Le site Internet créé par l’APCE reçoit 400 000 visiteurs chaque mois, ce qui traduit un véritable engouement pour l’entreprenariat. En conséquence, il conviendrait de résoudre ces difficultés et le projet de loi pour l’initiative économique présente plusieurs avancées, notamment sur les problèmes de financement en appelant à la contribution de l’épargne de proximité, les questions de sécurisation du patrimoine personnel et le passage du statut salarial au statut entrepreneurial (57 % des créateurs d’entreprises sont des salariés ou des anciens salariés).

Le financement de la création d’entreprise obéit en France à la règle dite des « 20‑20‑60 », comme partout ailleurs : 20 % du financement est d’origine publique, 20 % constitué de prêts bancaires traditionnels et 60 % de l’épargne personnelle ou de l’environnement proche. L’épargne de proximité n’avait jamais été soutenue en France et le projet de loi ouvre un nouveau circuit de financement qui présente un intérêt majeur.

En ce qui concerne le passage du statut de salarié à celui d’entrepreneur, une personne pourra demeurer salariée tout en créant une entreprise et cette phase de transition lui permettra de mieux appréhender son projet et, éventuellement, de demeurer dans son entreprise d’origine dans le cas où ce projet n’aboutirait pas.

La dématérialisation des procédures par le transfert électronique des données relatives à la création d’entreprise est également une idée importante.

La protection de l’habitation principale de l’entrepreneur évitera qu’à l’insuccès économique ne s’ajoute une sanction familiale.

Enfin, les perspectives d’allégements fiscaux (transmission d’entreprise et collecte de l’épargne de proximité) vont dans un sens favorable aux créateurs de demain.


Le président Hervé Novelli a souligné que le financement demeure la première difficulté rencontrée par le créateur. Il convient donc de s’interroger sur les aménagements à apporter au texte afin de soutenir plus spécifiquement l’entreprise individuelle et d’améliorer son accès au crédit.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure, a souhaité avoir des éléments sur les modalités concrètes de la séparation du patrimoine personnel et entrepreneurial. Elle a également demandé l’avis de M. François Hurel sur les centres de formalités des entreprises (CFE) et le « chèque-premier emploi ».

M. Gilles Carrez, rapporteur, a souligné que les fonds d’investissement de proximité (FIP) permettraient de mobiliser l’épargne de proximité pour des apports en fonds propres, mais non pour des prêts aux entreprises individuelles. L’épargne des proches pourrait‑elle alors faire l’objet de mesures fiscales incitatives pour être mobilisée au travers de prêts aux entreprises individuelles ?

M. François Hurel a rappelé que la France s’apprête pour la première fois à mettre en place un mécanisme de collecte de l’épargne de proximité par la mutualisation dans les FIP, ce qui devrait dégager des financements importants.

Les Français sont attachés à la notion de petite entreprise et surtout à la notion d’entreprenariat individuel ; il faut donc prévoir des dispositifs en faveur des prêts pour les très petites entreprises. Deux pistes peuvent être évoquées :

– renforcer l’action du prêt à la création d’entreprise, qui ne sert en 2002 qu’un peu plus de 11 000 porteurs de projets. Il faudrait disjoindre ce prêt du prêt bancaire traditionnel qui demeure un préalable obligatoire avant de pouvoir avoir accès au prêt à la création d’entreprise ;

– on constate que les banques prêtent facilement lorsqu’elles ont de solides garanties et le système SOFARIS, notamment, a un effet de levier important (évalué à 1 pour 10). Sans demander aux FIP de devenir des fonds prêteurs, ceux-ci pourraient constituer des mécanismes de garantie au niveau régional.

En ce qui concerne la sécurisation du patrimoine individuel, il convient de souligner que les entreprises individuelles représentent 1 700 000 entreprises et 55 % des nouvelles entreprises créées. Il ne serait pas opportun de créer un mécanisme si complexe ou coûteux qu’il en deviendrait contreproductif. Déclarer, par exemple, au Registre du commerce les biens que l’entrepreneur souhaite affecter à son activité professionnelle semble une bonne solution.

S’agissant des centres de formalités des entreprises, il faut saluer l’effort fait par la France dès 1981 et en 1984 pour favoriser la création d’entreprises à travers les CFE. Une démarche simple permet d’avertir simultanément les onze administrations concernées par la création. Un récépissé est ensuite communiqué dans les jours suivants. Mais des vérifications sont nécessaires qui demandent un certain temps. Une amélioration pourrait être apportée par un dispositif d’inscription par Internet.

M. François Hurel a ensuite évoqué les pistes à explorer, s’agissant des charges sociales pesant sur les petits entrepreneurs : il paraît indispensable de mettre en place une forfaitisation de ces charges. En effet, les charges sociales pesant sur les petits entrepreneurs sont devenues extrêmement complexes, notamment en raison du décalage de deux ans existant entre le fait générateur de ces charges et leur perception. Ce décalage de deux ans entraîne des effets pervers, tels que l’obligation de régulariser les charges sociales à la fin de la deuxième année d’activité, voire débouche sur des effets de ressaut ou de guillotine. Il oblige aussi à acquitter des charges sociales deux ans et demi après la cessation d’activité d’un entrepreneur.

On pourrait remédier à ces inconvénients en introduisant une forfaitisation trimestrielle ou semestrielle des charges sociales assises sur le chiffre d’affaires. Cette mesure permettrait d’accéder au statut d’entrepreneur ou de le quitter sans ce long processus de régularisation et en faisant disparaître les effets de ressaut et de guillotine précités. Elle suppose toutefois de mettre un place un collecteur unique des charges sociales.

Après avoir salué la qualité du rapport remis par M. François Hurel au Premier ministre, M. Alain Madelin a exprimé le souhait que les travaux conjoints du Gouvernement et du Parlement débouchent sur des mesures permettant une création plus simple des entreprises, permettant aussi de mieux accompagner les projets et de faciliter le financement des nouvelles entreprises.

S’agissant de la création des entreprises, M. Alain Madelin a fait remarquer que les dispositions de l’article 2 n’auraient véritablement de signification que si l’inscription en ligne des nouveaux entrepreneurs était introduite. Cette inscription devra déboucher sur un récépissé permettant de garantir que l’ensemble des formalités à accomplir auprès des différentes administrations sont automatiquement satisfaites. Afin que le statut de petit entrepreneur soit plus facile à vivre, il est également nécessaire d’introduire le guichet unique social. Ce dispositif était déjà prévu par la loi de 1994, pour être concrétisé dans un délai de deux ans. Cet engagement n’est toujours pas concrétisé : il importe désormais de le faire.

M. Alain Madelin a également fait part de son accord sur la nécessité de supprimer le décalage de deux ans en matière de charges sociales, en introduisant une forfaitisation optionnelle ou simplement en faveur des micro entreprises.

L’ensemble de ce dispositif permettrait d’aboutir à un enchaînement vertueux de formalités : le statut d’entrepreneur serait accessible directement en ligne ; l’entreprise obtiendrait un carnet de facturation ; au bout de trois mois, elle serait en mesure de verser des charges sociales forfaitisées ; les banques auraient un intérêt certain à délivrer à la nouvelle entreprise ainsi créée des moyens de financement, devenant ainsi un auxiliaire de la politique de création des entreprises. En introduisant un statut de démarrage de l’activité d’entrepreneur, éventuellement cumulable avec d’autres activités et en permettant aux banques d’accompagner les prêts à la création d’entreprise distribués par les FIP ou par des structures locales garanties par le FIP, le financement des petites entreprises serait ainsi considérablement simplifié.

Abordant la question de la sécurisation des petites entreprises, M. Alain Madelin a fait part de sa préférence en faveur d’un patrimoine professionnel affecté, qui lui apparaît plus simple. Il est également important d’améliorer la sécurité entourant le statut de travailleur indépendant, qui aujourd’hui fait parfois l’objet d’une requalification sous forme de contrat salarial en raison de la simple existence d’un client dominant. Afin de remédier à cette situation, il conviendrait d’introduire une présomption quant à l’existence du statut de travailleur indépendant, sauf à ce que l’administration soit en mesure de prouver le contraire. Il est vrai qu’une telle mesure se heurte à la méfiance, historique, à l’égard du statut de travailleur indépendant, méfiance qui s’expliquait à l’époque par le refus du tâcheronnage. Mais ces préjugés sont aujourd’hui dépassés : le travailleur indépendant a la même protection qu’un travailleur salarié ; le travailleur indépendant occupe souvent des missions prestigieuses ; on voit se développer, à l’intérieur même du salariat, une obligation de résultat qui se substitue à une obligation de présence dans l’entreprise, et qui rappelle le contrat commercial.

M. Alain Madelin a enfin demandé le pourcentage des prêts à la création d’entreprise faisant l’objet d’un remboursement et le montant moyen nécessaire pour une création d’entreprise.

Après avoir remercié M. François Hurel d’avoir rappelé sans ambiguïté les progrès qui ont été faits dans la simplification des formalités de la création d’entreprise, M. Eric Besson a souligné la nécessité de « tordre le cou » à ce mythe durable selon lequel la création d’entreprise en France serait rendue difficile par la complexité des formalités administratives à accomplir. Il a également fait remarquer que la proposition consistant à permettre la création, en une heure, d’une entreprise dotée d’un euro de capital risque de susciter des vocations dont l’avenir n’était guère assuré.

Il s’est déclaré surpris de la suggestion faite par M. François Hurel de disjoindre le prêt bancaire obligatoire du prêt à la création d’entreprise. En effet, les prêts à la création d’entreprise se heurtent à certains obstacles qu’il importe de lever et, par ailleurs, les banques sont d’autant plus incitées à accorder des prêts bancaires que ceux‑ci sont mieux garantis. M. Eric Besson a jugé primordial d’accroître les liens entre les créateurs d’entreprise et les réseaux bancaires, en évitant la création d’un réseau bancaire parallèle spécialisé dans le financement de la création d’entreprise, qui ne manquerait pas d’être source de gaspillage.

Le président Hervé Novelli s’est interrogé sur la portée des dispositions de l’article 2 qui introduit un nouveau récépissé préalablement au récépissé final : ne va‑t‑on pas seulement rendre plus complexe la procédure d’octroi du récépissé ? Il a souhaité également connaître l’appréciation de M. François Hurel, s’agissant de l’article 17 relatif au déplafonnement du taux de l’usure.

S’agissant du taux d’échec des entreprises nouvellement créées, M. François Hurel a indiqué que seulement 15 % des nouvelles entreprises subissent un échec économique dans les trois à cinq années qui suivent leur création, ce qui signifie que 85 % des entreprises sont en mesure de s’acquitter de leur dette. Pour sa part, le montant moyen investi dans la création d’une entreprise serait, pour 85 % des entreprises nouvellement créées, de moins de 7 500 euros : la France créée donc des entreprises, mais il s’agit de petites entreprises. Les besoins en trésorerie et en prêts des entreprises nouvellement créées sont donc considérables.

M. Eric Besson a fait valoir que la valorisation des biens apportés par un entrepreneur lors de la création d’une entreprise était généralement sous-estimée en France, même s’il est vrai que les entreprises sont créées avec peu de liquidités.

M. François Hurel a souligné la nécessité de créer un guichet social unique, ce qui nécessite notamment d’introduire un collecteur unique. S’agissant des prêts à la création d’entreprise, il a indiqué qu’il ne préconisait pas de disjoindre systématiquement ce prêt du prêt bancaire, mais qu’il estimait souhaitable d’atténuer le lien fait de façon automatique et, en pratique, égalitaire entre ces deux types de prêt. Il convient donc de mener une réflexion approfondie pour améliorer le dispositif du prêt à la création d’entreprise (alors que le prêt à la création d’entreprise pourrait concerner potentiellement 30 000 porteurs de projet, seulement 11 000 d’entre eux y recourent), tout en l’accordant mieux avec la nécessaire bancarisation des nouveaux entrepreneurs.

S’agissant des modalités d’obtention du récépissé actuel, qui sanctionne de façon formelle la création d’une entreprise suite au dépôt de l’ensemble des pièces nécessaires à cette création et qui permet ainsi le démarrage effectif de l’activité entrepreneuriale, M. François Hurel a relevé que des difficultés tenant au délai permettant cette obtention sont rares et apparaissent uniquement dans des cas très spécifiques. Dans ce contexte, l’introduction d’un nouveau récépissé, délivré plus tôt lors du processus de la création d’entreprise et qui constituerait à la fois la fiche signalétique de l’entreprise nouvelle et l’amorce du récépissé en bonne et due forme tel qu’il existe actuellement, ne relève peut‑être pas de l’urgence absolue. Par contre, cette introduction apparaîtra sans doute nécessaire dès lors qu’elle sera liée à un signalement immédiat et en ligne de la création de l’entreprise à toutes les administrations intéressées.

Abordant la proposition tendant au déplafonnement du taux de l’usure, M. François Hurel a noté qu’il s’agissait de tenir compte du fait que les banques ne souhaitent pas, le cas échéant, prêter à un nouvel entrepreneur parce qu’elles ne peuvent pas retirer de l’opération de prêt un prix convenable. Or, il apparaît que le taux d’intérêt moyen appliqué à un prêt bancaire destiné à la création d’une entreprise s’élève aujourd’hui à environ 6,7 %, soit un niveau inférieur de deux points au niveau actuel du taux de l’usure s’agissant de cette catégorie de prêts bancaires. Cependant, il faut noter que les créateurs d’entreprise qui ne parviennent pas à bénéficier d’un prêt bancaire, financent, le cas échéant, leur projet par le recours à des prêts à la consommation, catégorie de prêts pour lesquels le taux d’usure est supérieur à 18 %. On peut donc penser que le recours à cette pratique, courante dans les pays anglo‑saxons, pourrait être légitimement évité par un relèvement du taux de l’usure s’agissant des prêts bancaires permettant le financement d’un projet entrepreneurial. Il n’en demeure pas moins que les taux d’intérêt appliqués précisément à ces prêts se situent aujourd’hui en moyenne à un niveau nettement inférieur à ce taux de l’usure. Il serait peut‑être nécessaire de clarifier le contexte de cette proposition, en tentant de comprendre de façon très précise pourquoi les banques militent en sa faveur avec une telle conviction.

M. Alain Madelin a précisé qu’il n’était pas prêt, à titre personnel, à adopter cette proposition sans que soient apportées certaines précisions relatives à son sens et à sa portée. Il apparaît nécessaire que les banques précisent l’utilisation qu’elles feront, le cas échéant, du relèvement du taux de l’usure. Il est en effet à craindre que ce relèvement permettrait, certes, d’une part, d’ouvrir le bénéfice du crédit à des entrepreneurs qui en étaient exclus jusqu’alors du fait du niveau actuel du taux de l’usure, mais qu’il relèverait, d’autre part, de façon substantielle le coût des crédits courts accordés aux entreprises et qui leur permettent, au quotidien, de couvrir leurs besoins de trésorerie. Il est probable que les gains faits par les banques à ce dernier titre seraient nettement supérieurs aux montants supplémentaires des crédits distribués à raison du premier effet.

S’agissant du statut de « travailleur indépendant » des petits entrepreneurs, M. François Hurel a noté qu’il n’était pas rare que ceux‑ci, au début de leur activité, prêtent leurs services uniquement à un ou deux clients. Il est vrai que les dispositions légales actuelles peuvent aboutir à ce que de telles situations soient requalifiées par le juge comme relevant du salariat et non plus d’une relation d’entreprise à entreprise. Une telle requalification peut, bien sûr, avoir des conséquences négatives pour le travailleur indépendant mais, bien plus encore, pour son client. Il apparaît donc opportun d’établir légalement qu’il existe une présomption juridique simple de l’existence de l’activité entrepreneuriale, dès lors que celle‑ci a été considérée initialement comme telle par les intéressés. A tout le moins, il apparaît nécessaire d’offrir à chacun de ces intéressés la faculté d’interroger l’administration, quant à sa perception de la nature du contrat qui lie lesdits intéressés.

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La Commission spéciale a procédé à l’audition de M. Pierre Fonlupt, membre du Conseil exécutif du MEDEF.

Précisant qu’il était lui-même chef d’entreprise, M. Pierre Fonlupt a indiqué qu’il ne s’exprimerait donc pas en tant que juriste ou technicien chevronné. Rappelant que 95 % des adhérents du MEDEF employaient moins de 50 salariés et 25 % (soit environ 200 000) moins de 10, il a indiqué que celui-ci se félicitait de ce que les entreprises de terrain aient été entendues et que le Gouvernement présente un plan novateur et cohérent pour favoriser la création d’entreprises.

Il s’agit d’un enjeu majeur car le nombre de créations plafonne à un niveau inférieur à celui observé au cours des années 1980. Les conséquences en sont un non-renouvellement du tissu économique d’autant plus grave que le nombre des faillites augmente et que beaucoup d’entreprises disparaissent faute de repreneur lorsque leur propriétaire prend sa retraite. Or, toute une génération d’entrepreneurs arrive aujourd’hui à l’âge de la retraite et il existe donc un risque majeur pour l’emploi et la vitalité économique de certaines régions.

Si le projet de loi représente un net progrès, il ne résout pas tous les problèmes de la création d’entreprise en France. Dès lors, les observations formulées par le MEDEF n’ont pas pour objet d’en réduire la portée, mais au contraire de la consolider en en facilitant l’application.

Une première série d’observations ont pour objet d’améliorer certaines des dispositions présentes dans le projet de loi.

Le MEDEF approuve l’article premier permettant la constitution d’une SARL à un euro mais considère que cela ne dispense pas le créateur de constituer ses fonds propres. A cet égard, pour l’y inciter, il serait souhaitable de réduire le coût des augmentations de capital en les exonérant de droits de timbre et d’enregistrement jusqu’à atteindre un niveau de capital de 7 500 euros et d’exonérer d’impôt sur les sociétés la part des bénéfices réincorporés pendant les cinq premières années d’existence de l’entreprise.

Le MEDEF privilégie la contractualisation pour les rapports entre les salariés et leurs employeurs et préfèreraient donc que les dispositions de l’article 7, qui rendent les clauses d’exclusivité inopposables au salarié créateur, se fassent par accord entre les parties. Par ailleurs, le fait qu’elles soient applicables aux contrats en cours et aient donc un effet rétroactif constitue une source d’insécurité juridique pour les entreprises. En accord avec sa position générale hostile à toute rétroactivité, le MEDEF souhaite qu’elles soient limitées aux contrats conclus après la promulgation de la loi.

En ce qui concerne l’article 9, relatif au congé et au temps partiel pour la création d’entreprise, le MEDEF privilégie aussi la voie contractuelle, mieux à même de préserver les bonnes relations entre l’employeur et ses salariés.

Le MEDEF souhaiterait, à l’article 14, que la fiscalité des fonds d’investissement de proximité (FIP) soit alignée sur celle des fonds de commun de placement pour l’innovation et que, à l’article 15, la réduction d’impôt sur le revenu pour souscription au capital d’une société soit doublée. De même, afin de réduire le coût des pertes subies à la suite d’une souscription au capital d’une société nouvelle, il demande une déduction totale de celles‑ci. Même si le MEDEF privilégie la forme sociétale, force est de constater que l’article 15 ne bénéficiera pas aux entreprises individuelles.

Le MEDEF est favorable au relèvement du taux de l’usure prévu par l’article 17, qui est destiné à favoriser l’accès des PME au crédit, surtout dans le contexte du renforcement des ratios de fonds propres des banques.

S’il se félicite que le sujet de la transmission des entreprises soient enfin abordé, il s’interroge néanmoins sur la pertinence des critères mentionnés à l’article 22 et, plus précisément, sur le lien entre le chiffre d’affaires réalisé et l’imposition des plus-values. La détermination de l’année de référence et la prise en compte des recettes de toutes les entreprises exploitées par le contribuable sont également discutables.

Le MEDEF est favorable à la réduction d’impôt pour le repreneur qui s’endette pour acquérir des actions ou des parts de sociétés, prévue à l’article 23, mais souhaiterait le rétablissement du dispositif de rachat d’une entreprise par ses salariés disparu en 2000.

Enfin, les dispositions de l’article 4 relatives à la domiciliation des entreprises posent des problèmes juridiques et paraissent marquer un recul pour les personnes physiques.

Outre ces observations, le MEDEF souhaite soutenir des mesures qui devraient être intégrées au projet de loi, afin d’en renforcer l’efficacité. En effet, la question de la transmission des entreprises ne sera pas pleinement résolue tant que le sujet de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), longtemps tabou, ne sera pas abordé et que ne sera pas mis un terme à la véritable mécanique infernale déclenchée par cet impôt. Ce sujet ne doit pas être abordé sous l’angle patrimonial, mais sous celui de ses conséquences sur le développement et la pérennité des entreprises.

Il est aujourd’hui urgent d’agir, d’abord pour mettre fin au traitement inéquitable des actionnaires, puisque seul l’actionnaire majoritaire ou celui qui est également mandataire social bénéficie de l’exonération. Cette inégalité conduit les entreprises à distribuer plus de dividendes qu’il ne serait souhaitable pour le développement de l’entreprise, pour permettre aux actionnaires minoritaires d’acquitter l’impôt. Outre qu’elle entraîne un appauvrissement de l’entreprise, cette situation conduit bien souvent à sa mise en vente, notamment quand il s’agit d’entreprises familiales, à des repreneurs étrangers qui, progressivement, délocalisent le siège de l’entreprise puis ses unités de production. De même, les règles en vigueur s’avèrent inadaptées à la configuration actuelle du capital des entreprises, souvent éparpillé, et sont un obstacle au renouvellement de leurs cadres dirigeants. Enfin, elles conduisent à la mise en place de montages complexes inutiles.

C’est pourquoi, le MEDEF propose, pour remédier aux conséquences les plus négatives, de modifier l’ISF afin d’exonérer les investissements dans les sociétés non cotées, et d’aider les actionnaires minoritaires à conserver leurs titres.

Le président Hervé Novelli a précisé que le Gouvernement était déjà revenu, dans sa version finale du projet de loi, sur la formule très efficace médiatiquement de la « société à un euro », car elle prêtait par trop à confusion. Il a indiqué qu’il percevait bien les raisons qui militaient contre l’usage de la rétroactivité dans le domaine du droit des entreprises, mais a souligné qu’il fallait néanmoins concilier cette préoccupation avec l’ambition de produire des lois ayant des effets sur la réalité. Il a signalé qu’en ce qui concerne le niveau du taux d’usure, la position de la commission restait encore très ouverte.

Mme Catherine Vautrin a approuvé les analyses du MEDEF s’agissant des modifications à apporter aux articles 7 et 4, en souhaitant que ces aménagements permettent aussi, en ce qui concerne l’article 7, de prévoir plus spécifiquement le cas d’une externalisation, qui peut apporter un soutien au chef d’entreprise, et s’agissant de l’article 4, que le cas du changement de domiciliation soit précisé. Elle a par ailleurs émis le vœu d’entendre le commentaire du MEDEF sur les articles 6 et 18, à propos respectivement de la sécurisation du patrimoine personnel du chef d’entreprise et de la fixation de règles en matière de report du paiement des charges sociales.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, a indiqué que les propos de Monsieur Pierre Fonlupt reprenaient un certain nombre de propositions du MEDEF connues de longue date, s’agissant en particulier de l’exonération fiscale pour la part des bénéfices réinvestis, de l’augmentation de 25 % à 50 % de la réduction d’impôt sur le revenu pour souscription au capital d’une société, ou de la déduction totale de l’impôt sur les sociétés des pertes subies à la suite d’une souscription au capital d’une société nouvelle. Revenant sur l’idée d’un alignement de la fiscalité des FIP sur celle des FCPI, il a rappelé qu’elle se heurtait généralement à l’argument selon lequel cette différence se justifiait par des niveaux différents de risque. Il s’est déclaré en plein accord avec l’approche consistant à aborder la question « tabou » de la réforme de l’ISF en rappelant que l’entreprise était avant tout un outil, qu’il fallait essayer de garder sur le sol national. Il s’est enfin interrogé sur la pertinence de la distinction entre les sociétés cotées et non cotées pour ce qui concerne l’encouragement au réinvestissement des bénéfices en fonds propres, la politique de réorientation de l’épargne devant s’effectuer selon lui à l’échelle de l’ensemble des entreprises.

M. Pierre Fonlupt a reconnu qu’une limitation de la rétroactivité des textes était une affaire complexe, mais que, derrière sa remarque générale sur la rétroactivité, il avait souhaité en fait que l’application de l’article 7 ne conduisît pas à ce que des chefs d’entreprise fussent obligés d’aider d’anciens salariés devenus leurs concurrents après les avoir quitté pour s’installer à leur compte. S’agissant de la rétroactivité, il a indiqué qu’il refusait personnellement de l’appliquer, en tant que chef d’entreprise, même dans le cadre des relations avec ses partenaires commerciaux, arguant du fait qu’il ne pouvait modifier a posteriori des données, de prix par exemple, sur lesquelles il avait fondé sa stratégie. S’agissant du relèvement du taux d’usure, il a expliqué que cette suggestion visait à encourager le développement des entreprises, conformément à l’esprit du projet de loi, en leur ouvrant un plus large accès au crédit, sachant d’une part que les banques peuvent être tentées de refuser les prêts lorsqu’elles ne peuvent pas prendre une prime de risque suffisante, et que d’autre part, le taux d’usure est maintenu mécaniquement bas par le faible niveau de l’inflation, puisqu’il se calcule à partir des taux courants. En ce qui concerne la sécurisation du patrimoine personnel du chef d’entreprise prévue à l’article 6, et en particulier la préservation de l’habitation principale, il a souligné combien elle était importante pour entretenir l’incitation à la création d’entreprise dans le pays, le spectacle de la catastrophe humaine et financière d’un chef d’entreprise qui a échoué pouvant conduire ses descendants pendant plusieurs générations à se détourner de la prise de risque. Il s’est déclaré également favorable au dispositif de report de charges prévu à l’article 18, tout en soulignant que cette possibilité devait être enfermée dans des règles rigoureuses, afin qu’elle ne se transformât pas en piège pour les bénéficiaires. Il a en effet expliqué que certains chefs d’entreprise pourraient se laisser tenter de profiter du soulagement temporaire ainsi procuré, sans se préparer suffisamment, par des provisions, à un retour à la situation normale. Il a indiqué qu’à titre personnel il s’était toujours refusé, dans le cadre de la direction de son entreprise, à profiter des effets d’aubaine, afin d’éviter d’avoir à gérer les éventuelles conséquences de leur suppression. Il s’est ensuite inscrit en faux contre l’argument d’une éventuelle différence de niveau de risque entre les FCPI et les FIP, en insistant sur le fait que les entreprises du secteur traditionnel étaient confrontées au même niveau de risque que celles du secteur technologique, et qu’il serait dommageable pour l’économie de les désavantager. Concernant l’idée d’un traitement différencié des réinvestissements des bénéfices entre sociétés cotées et non cotées, il l’a justifié par le lien plus fort que tissait l’apporteur en capital avec une société non cotée, en choisissant de s’associer à un projet industriel, situation qu’il convenait d’encourager, tandis que le propriétaire d’un titre coté en bourse pouvait être tenté de revendre sur la seule considération de l’évolution du cours.

M. Alain Madelin s’est félicité de l’économie du projet de loi, qui a abaissé le seuil financier de constitution d’une SARL, tout en créant une incitation à ce que le capital soit ultérieurement renforcé pour assurer la consolidation de la situation de l’entreprise. Il s’est déclaré peu convaincu de l’effet globalement favorable pour les petites entreprises d’un relèvement du taux de l’usure, et a souhaité que le MEDEF utilisât ses moyens économétriques pour construire une prévision chiffrée de l’impact d’une telle mesure. Il a expliqué en effet que si l’inflation restait effectivement basse, la situation économique actuelle, assez défavorable, créait les conditions d’un resserrement de la distribution du crédit lié à la baisse de la valeur des gages (« Credit Crunch »), qu’un tel resserrement favorisait une hausse du coût du crédit devenu plus rare, et que le relèvement du taux d’usure ne pourrait qu’encourager ce mouvement à la hausse des taux imposés aux entreprises. Il a rappelé que les encours des découverts des entreprises atteignant environ 54 milliards d’euros, et les prêts courts de moins de deux ans représentant 110 milliards d’euros, un relèvement de 2 à 3 points du taux d’usure, s’il était suivi d’un relèvement parallèle des taux débiteurs, pourrait avoir un effet de prélèvement non négligeable sur les entreprises, pouvant contrebalancer l’effet positif d’augmentation de la distribution de crédit.

M. Eric Besson a formulé les interrogations suivantes :

– quelles sont les raisons conduisant le MEDEF à approuver les dispositions permettant de créer une entreprise au capital d’un euro ?

– dispose-t-on d’éléments concrets sur les problèmes posés par l’ISF ? Combien de personnes sont‑elles concernées ? Quels sont les enjeux ? A‑t‑on des données sur les conséquences attribuées à cet impôt en termes d’expatriations, de délocalisations, d’investissement ? Ces éléments peuvent seuls permettre de mener la réflexion sur une base objective.

Il a demandé si, de façon plus générale, la commission spéciale disposait d’éléments techniques sur l’ensemble des incitations fiscales supplémentaires envisagées.

Le président Hervé Novelli a souscrit à l’idée que la commission devait statuer sur des données précises.

M. Gilles Carrez, rapporteur, après avoir relevé la difficulté que représente la ventilation entre les différents éléments constitutifs de l’assiette de l’ISF, a indiqué que les informations sur ses effets pervers étaient nombreuses.

M. Pierre Fonlupt a apporté les précisions suivantes :

– la position favorable du MEDEF sur les dispositions relatives au taux de l’usure découle de la nécessité de ne pas priver certaines entreprises de toute possibilité de crédit ; d’autres pistes de nature à aider ces entreprises à obtenir un crédit peuvent être explorées, comme celle de la garantie SOFARIS ;

– la possibilité de créer une entreprise au capital d’un euro, outre son efficacité, revêt une portée symbolique essentielle. Créer une entreprise suppose d’abord l’existence d’un projet et un bon accompagnement du créateur. La question financière n’intervient qu’en second lieu même si les outils concrets permettant d’y répondre doivent exister. Le succès repose avant tout sur l’existence d’un esprit entrepreneurial.

M. Jean-Charles Taugourdeau, après avoir relevé l’absence de dispositions sur le statut du chef d’entreprise, a formulé les observations suivantes :

– il faut mettre fin à l’idée reçue selon laquelle créer une entreprise en France serait une folie ;

– la perception de l’entreprise doit changer : la notion d’entreprise doit reposer sur une déontologie et sur l’existence d’un projet social. La démarche entrepreneuriale ne saurait être réduite à la seule recherche du profit ; il faut d’ailleurs être conscient que l’employeur s’engage le plus souvent, en créant son entreprise, à ne rien posséder en propre ;

– on ne peut passer sous silence le fait que ce sont les entreprises qui créent la richesse en France, notamment les plus petites d’entre elles. Dans celles-ci, l’employeur a une relation personnelle avec ses salariés et ne procède pas à des licenciements dans un but strictement financier, contrairement à ce qu’avancent couramment certains ;

– il faut effectivement éviter les dispositions rétroactives ;

– l’intérêt de l’entreprise n’est pas de former ses futurs concurrents et il ne faudrait pas, au motif que l’on soutient la création d’entreprise, oublier celles qui existent.


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