ASSEMBLÉE NATIONALE
COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D’EXAMINER
LE PROJET DE LOI RELATIF À l’INITIATIVE ÉCONOMIQUE
COMPTE
RENDU N°
3
(Application de l'article 46 du Règlement)
Jeudi
23 janvier 2003
(Séance
de 9 heures 45)
Présidence de M. Hervé Novelli
SOMMAIRE
|
|
–
Audition de M. Christian Sautter, vice-président de la Fédération
des organisations contribuant à la création des entreprises et
à leur reprise (FORCE).
|
|
–
Audition de M. François Hurel, délégué général de
l’Agence pour la création d’entreprises.
|
|
–
Audition de M. Pierre Fonlupt, membre du Conseil exécutif
du MEDEF
|
|
La Commission spéciale a procédé à
l’audition de M. Christian
Sautter, vice‑président de la Fédération des organisations
contribuant à la création des entreprises et à leur reprise (FORCE).
M. Christian
Sautter a tout d’abord rappelé que le réseau FORCE, créé le 11 mai
2001, était composé de 8 membres : l’Assemblée des chambres
françaises de commerce et d’industrie (ACFCI), l’Assemblée
permanente des chambres de métiers (APCM), l’Association pour le droit
à l’initiative économique (ADIE), France Active, présidée par
lui‑même, France Initiative Réseau (FIR), le Conseil supérieur de
l’ordre des experts comptables (CSOEC), le Réseau des boutiques de
gestion (RBG) et le Réseau Entreprendre ; il a en outre signalé que
la Caisse des dépôts et consignations était membre associé du réseau
FORCE.
Puis, M. Christian
Sautter a présenté les trois objectifs majeurs de la Fédération. Il a
indiqué qu’il s’agissait tout d’abord de promouvoir au niveau local
et national la lisibilité des réseaux et des dispositifs d’accueil et
d’accompagnement des créateurs ou repreneurs d’entreprises, grâce à
leur suivi et leur orientation auprès des 8 membres du réseau
FORCE. Il a par ailleurs fait observer que la Fédération visait également
à faciliter l’accès des porteurs de projets au dispositif de soutien
financier et à les accompagner avant, pendant et après la création
d’entreprises. Il a enfin indiqué que le réseau FORCE souhaitait
devenir un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics et s’est félicité
de son audition par la Commission spéciale. Ainsi, a-t-il souligné, la Fédération
accueille environ 1 million de porteurs de projets par an et
accompagne 30 000 d’entre eux jusqu’à la création définitive
de leur entreprise ; ce sont donc près de 15 % des créations
d’entreprises qui sont suivies par le réseau FORCE.
M. Christian
Sautter a ensuite abordé le projet de loi pour l’initiative économique
en signalant que la Fédération, à l’issue d’un entretien avec M. Renaud
Dutreil, secrétaire d’Etat aux petites et moyennes entreprises, au
commerce, à l’artisanat, aux professions libérales et à la
consommation, avait émis le 20 décembre 2002 un communiqué faisant
état de l’adhésion du réseau FORCE aux principes essentiels du projet
de loi. Il s’est ainsi réjoui que ce dernier reconnaisse l’importance
des créations d’entreprises en termes de gisements de croissance et
d’emplois. Puis, il a évoqué quatre points qui, selon le réseau
FORCE, mériteraient d’être amendés.
En premier lieu, M. Christian
Sautter a noté que les articles 10 et 11 du projet de loi, relatifs aux
entreprises en « couveuses », faisaient référence à
« l’accompagnement de ces entreprises », terme qu’il a jugé
peu adapté car trop général pour définir le contrat particulier prévu
dans ces articles. Il a estimé qu’il serait donc préférable de
substituer au terme « accompagnement » le terme « tutorat »
et a observé qu’il serait alors nécessaire de modifier en conséquence
l’exposé des motifs du projet de loi.
En deuxième lieu,
évoquant l’article 13, il s’est félicité que celui‑ci
institue les Fonds d’investissement de proximité (FIP), qui permettront
de mobiliser une épargne de proximité en faveur des créations
d’entreprises locales. Notant que l’entreprise individuelle continuait
d’être le modèle de référence de la majorité des créateurs
d’entreprises, il a précisé que le réseau FORCE estimait souhaitable
que ces fonds puissent accorder des concours, sous forme de prêts, aux
entreprises individuelles nouvellement créées ou reprises ; il a
estimé qu’un tel soutien financier local irait pleinement dans le sens
de l’intérêt général.
Après avoir rappelé
que l’article 18 du projet de loi prévoyait que les cotisations
provisionnelles ou définitives dues au titre des 12 premiers mois
d’activité pouvaient être reportées l’année suivante, M. Christian
Sautter a alerté les commissaires sur les risques que comporte une telle
disposition. En effet, a-t-il estimé, le report des cotisations sur la
deuxième année d’activité pourrait être fatal aux entreprises dégageant
un revenu trop faible. Il a donc proposé de modifier ce dispositif afin
de distinguer deux cas :
– lorsque
les revenus de l’entreprise dégagés lors de la première année
d’activité sont inférieurs au revenu minimum d’insertion (RMI), les
cotisations dues au titre de la première année d’activité ne sont pas
reportés mais font l’objet d’une exonération pure et simple ;
– lorsque
ces revenus sont compris entre le RMI et le salaire minimum
interprofessionnel de croissance (SMIC), seule la moitié des cotisations
est reportée.
Il a souligné
qu’un tel dispositif éviterait d’handicaper trop lourdement les
entreprises dont le démarrage est particulièrement lent.
Enfin, abordant
l’article 21 du projet de loi relatif au mécénat des entreprises, M. Christian
Sautter a souhaité que ces pratiques soient encore plus tournées vers la
création d’entreprises et a proposé en conséquence, que les
entreprises puissent déduire 50 % de leurs apports en dons, dans la
limite inchangée de 3,25 pour 1 000 fixée par l’article 238 bis
du Code général des impôts.
Le
président Hervé Novelli a alors salué la qualité des propositions
concrètes émises par M. Christian Sautter ainsi que la connaissance
dont celui‑ci faisait preuve en matière de création et de développement
d’entreprises. Après avoir souscrit à la nécessité d’un changement
sémantique afin de faire désormais référence à des contrats de
tutorat, il a estimé intéressantes les propositions émises par M. Christian
Sautter relatives aux articles 13 , 18 et 21.
Mme Catherine
Vautrin, rapporteure, s’est déclarée plus réservée s’agissant
de la notion de tutorat, dont elle a craint qu’elle ne soit source de
confusion en raison de son lien avec la notion de formation. Concernant
l’article 18, elle a rappelé que le projet de loi prévoyait la
possibilité d’étaler sur cinq ans le paiement des cotisations dues au
titre de la première année d’activité et qu’un amendement préciserait
que ce règlement serait effectué par cinquième, à compter de la deuxième
année d’activité. Elle s’est déclarée défavorable à la mise en
place d’un dispositif d’exonération totale et a insisté
sur la nécessité, pour les chefs d’entreprise, de faire immédiatement
face à leurs responsabilités. De ce point de vue, a-t-elle observé, une
exonération des cotisations dues ne serait qu’une aisance illusoire et
néfaste à la gestion, à moyen terme, de l’entreprise.
Par ailleurs, la
rapporteure a souhaité connaître la position du réseau FORCE sur
l’article 2, relatif à la délivrance d’un récépissé de création
d’entreprise par le greffier du tribunal de commerce, ainsi que sur la
distinction opérée entre le patrimoine privé de l’entrepreneur et le
patrimoine de l’entreprise.
Après
avoir salué la clarté et la précision des propos de M. Christian
Sautter, M. Gilles Carrez,
rapporteur, s’est interrogé sur le souci sémantique qui animait ce
dernier concernant la référence à un contrat de tutorat ; il a jugé
l’emploi d’un tel terme peu compatible avec la nécessaire prise de
risque qui accompagne les créations d’entreprises.
Evoquant la
proposition de modification de l’article 13, il a souligné que les FIP
auraient à exercer un métier de banquier, qui est très particulier et
est soumis à des règles spécifiques. Reconnaissant qu’il existait un
problème concernant le financement des très petites entreprises, il a
estimé qu’il serait probablement plus pertinent d’améliorer les
dispositifs existants, tels que le prêt à la création d’entreprises
ou les procédures mises en œuvre par la Société française de garantie
des financements des petites et moyennes entreprises (SOFARIS).
Puis, le rapporteur
a évoqué la possibilité, prévue par l’article 18 du projet de
loi, d’étaler sur cinq ans le paiement des cotisations dues au titre de
la première année d’activité et n’a pas jugé sain de prévoir une
exonération totale. Il a, sur ce point, cité les effets pervers de précédentes
subventions, telle l’aide régionale à la création d’entreprise (ACCRE),
qui avait profondément déstabilisé le secteur du bâtiment. Enfin, il a
souligné que la proposition relative au mécénat aurait pour effet de créer
une dépense fiscale supplémentaire.
Après avoir
relativisé l’importance de l’opposition purement sémantique entre
les termes d’accompagnement et de tutorat, M. Christian
Sautter a néanmoins souligné que le terme d’accompagnement pouvait
sembler trop général. Il a ensuite rappelé qu’au-delà des mots, c’était
bien le principe d’un soutien personnalisé aux créateurs
d’entreprise qui était essentiel, l’expérience montrant que le taux
de survie des entreprises nouvelles bénéficiant d’un tel soutien était,
après cinq ans, de 80 % contre 46 % pour la moyenne des
entreprises nouvelles. Après avoir réaffirmé l’intérêt du
dispositif des « couveuses d’entreprises », peu connu mais
fonctionnant très bien, M. Christian Sautter a estimé qu’une
troisième dénomination, distincte de celle d’accompagnement et de
tutorat pourrait être utilement recherchée.
Ayant mis
l’accent sur le besoin de prêt qu’éprouvent les entrepreneurs, M. Christian
Sautter a jugé qu’à défaut d’une intervention directe en la matière
des fonds d’investissement de proximité, leur intervention indirecte
par un financement de fonds de garantie localisés était envisageable. Il
a rappelé, à titre d’exemple, l’activité de garantie de France
Active qui a concerné 2 000 créateurs d’entreprise, relevant en
majorité de situations sociales difficiles.
En matière de
cotisations sociales, M. Christian Sautter n’a pas souhaité entrer
dans une discussion de principe mais a rappelé les difficultés que
rencontrent sur le terrain des entrepreneurs dont le revenu peut, pendant
des années, être voisin du revenu minimum d’insertion. Il a estimé
qu’un étalement sur cinq ans de la perception des cotisations ne
permettrait pas de régler tous les problèmes.
Enfin, M. Christian
Sautter a indiqué que les organismes membres de FORCE n’avaient pas de
commentaires à formuler sur la délivrance par le greffier du tribunal de
commerce du récépissé de création d’entreprise que le projet de loi
propose d’instituer, ni sur les dispositions de celui-ci relatives à la
protection du patrimoine des entrepreneurs.
M. Alain
Madelin a tout d’abord noté que si le réseau FORCE ne présentait
que quatre amendements au projet de loi, ses membres avaient commenté de
manière approfondie le projet de loi et a jugé souhaitable que les
membres de la commission spéciale puissent obtenir communication de ces
analyses.
En ce qui concerne
les « couveuses d’entreprises », il a estimé que le
principal problème était une éventuelle responsabilité juridique du
« couveur » par rapport au « couvé ».
Rappelant le
formidable appétit d’entreprendre des Français et sa traduction fréquente
en projets de petite taille, il a jugé nécessaire de prévoir des
dispositifs de financement adaptés. Il a estimé que les Fonds
d’investissement de proximité devraient pouvoir, à cet égard, soit
consentir eux-mêmes des prêts, solution préférable car elle a le mérite
de la simplicité malgré les difficultés juridiques qu’elle soulève,
soit participer au financement de fonds locaux de garantie, ce qui
permettrait de bénéficier d’un important effet de levier puisque 85 %
des prêts à la création d’entreprise sont remboursés. En tout état
de cause, il a estimé absolument indispensable de trouver un dispositif
pour les prêts de faible montant.
Estimant que les
dispositifs de report des cotisations sociales présentaient des inconvénients,
il s’est néanmoins déclaré défavorable à un système d’exonération
complète et a indiqué que le mécanisme le plus efficace lui paraissait
être l’institution d’un forfait de cotisations sociales payable à
trimestre échu et calculé, par exemple, en proportion du chiffre
d’affaires réalisé.
Enfin, M. Alain
Madelin a regretté qu’en matière de protection du patrimoine personnel
des entrepreneurs, le projet de loi retienne un système de patrimoine
familial garanti qui se caractérise par de nombreuses lourdeurs au lieu
d’instituer un patrimoine professionnel affecté qui répondrait
davantage aux attentes des entrepreneurs.
Après avoir déclaré
partager les analyses de M. Alain Madelin et souligné la nécessité
d’aboutir à des solutions concrètes, M. François
Sauvadet a fait part de sa réserve quant à l’expression de tutorat
tout en soulignant la nécessité d’un accompagnement des créateurs
d’entreprise qui sont confrontés à de très nombreuses difficultés.
Il a, à cet égard, estimé utile qu’un inventaire de ces difficultés
soit réalisé.
Regrettant que le
projet de loi n’apporte pas véritablement de solution pour stimuler les
prêts de faible montant, il a jugé indispensable de l’améliorer sur
ce point en recherchant un mécanisme limitant les effets de seuil et les
complexités administratives.
Estimant qu’il
serait en pratique difficile pour un créateur d’entreprise de ne pas
mobiliser son patrimoine personnel en garantie de ses emprunts à
l’amorce de son projet, M. François Sauvadet a indiqué que la
protection du patrimoine devrait surtout s’appliquer à l’hypothèse
de la défaillance d’entreprise.
Rappelant que
beaucoup d’entreprises connaissent un développement progressif et que
des entrepreneurs peuvent donc avoir durablement des revenus faibles, il a
estimé qu’un lissage dans la durée de la perception des cotisations
sociales tenant compte des réalités de l’entreprise lui paraissait préférable
à un dispositif d’exonération. Il a à cet égard indiqué son intérêt
pour le système proposé par M. Alain Madelin.
M. Gérard
Bapt a déclaré ne pas être choqué par le terme de tutorat déjà
couramment employé. Puis, il s’est étonné que M. Christian
Sautter n’ait pas évoqué la transformation en avances remboursables
des primes attribuées dans le cadre du dispositif d’encouragement au développement
des entreprises nouvelles (EDEN).
En ce qui concerne
le mécénat, après avoir rappelé que le projet de loi ne concernait que
les dons aux réseaux d’aide à la création d’entreprises, M. Gérard
Bapt a jugé souhaitable d’élargir le champ du dispositif aux comités
de bassin d’emploi, structures locales expérimentées et connues des
entrepreneurs.
Enfin, rappelant la
frilosité des banques à financer des créations d’entreprise et
l’efficacité du prêt à la création d’entreprise, il a reconnu les
spécificités du métier de prêteur et a évoqué les possibilités de
mobilisation pour la création d’entreprise d’autres formes d’épargne,
et notamment celle constituée dans le cadre des plans d’épargne
logement.
M. Eric
Besson a exprimé sa surprise face à la modestie des amendements
proposés par M. Christian Sautter qu’il a supposés être une
sorte de plus petit dénominateur commun entre les différents membres de
la fédération. Il a en conséquence regretté que le présent projet ne
se soit pas attaché à simplifier et à réorganiser la structure de ces
réseaux.
Il a souhaité
ensuite avoir des précisions sur les questions suivantes :
– quelle est
la position de FORCE sur « le récépissé de création
d’entreprise » (RCE), prévu à l’article 2 du projet, et
notamment sur le fait qu’il soit délivré par le greffier du tribunal ?
– quel est
son avis sur la transformation du dispositif EDEN en avance remboursable,
et sur l’aménagement du taux de l’usure pour les prêts aux
entreprises ?
M. Michel
Vergnier faisant état de son expérience du monde agricole a estimé
que la pérennité de l’entreprise était un problème essentiel et que
les dispositifs de réduction d’impôts et de report de charges sociales
ne remplacaient pas l’efficacité d’un système d’accompagnement par
le biais d’un tutorat, quel que soit le nom qu’on lui donne.
Mme Chantal
Brunel a souligné le fait que les entreprises nouvellement créées
ont essentiellement besoin de réponses rapides et de formalités simples.
En
réponse aux différents intervenants, M. Christian
Sautter a tenu à apporter les
précisions suivantes :
– les
propositions d’amendements sont effectivement le fruit d’un consensus
entre les huit membres qui constituent le réseau FORCE. Ils peuvent néanmoins
fournir leurs points de vue spécifiques aux députés, à l’instar de
France Active qui a une position particulière sur le problème de
l’articulation entre les fonds d’investissement de proximité et les
fonds de garantie locaux ;
– le terme
de « tutorat » a effectivement une connotation condescendante
mais il présente l’avantage d’avoir un sens juridique précis qui
correspond à ce qui est prévu par le projet ;
– s’agissant
des fonds d’investissement de proximité, France Active a envisagé un
financement d’un montant de 20 000 euros. Le réseau
Entreprendre s’occupe, pour sa part, de crédits plus modestes et les
autres réseaux de crédits plus significatifs ;
– l’idée
d’une forfaitisation trimestrielle des charges sociales, à hauteur de
20 à 25 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, semble
difficile à mettre en œuvre dans la mesure où le chiffre d’affaires
n’est pas encore connu la première année ;
– il est
important de rappeler aux élus locaux que les collectivités locales ont
une importance considérable dans le financement des créations
d’entreprises ;
– le réseau
FORCE ne s’est pas prononcé sur la modification du dispositif EDEN mais
il faut souligner que les modifications périodiquement apportées à ce
type de dispositif sont sources de complexité pour les entreprises et
qu’une certaine stabilité serait souhaitable ;
– toute
mesure permettant de développer le mécénat en France est bonne mais il
est peut-être dangereux de diluer le nombre des acteurs susceptibles
d’intervenir en y incluant d’éventuels organismes agréés ;
– s’agissant
de l’accès au crédit, toutes les banques n’ont pas le même
comportement ; à cet égard le crédit coopératif des réseaux
mutualistes permet déjà de prendre convenablement en charge le risque de
défaillance de certaines entreprises en création. Par ailleurs, les systèmes
de garantie sont très incitatifs pour les banques. En revanche,
l’utilisation éventuelle des fonds du Compte pour le Développement Industriel
(CODEVI) ou du Plan Epargne Logement (PEL) renvoie à un débat qui
ne concerne pas le réseau FORCE ;
– s’agissant
de la simplification des réseaux, FORCE expérimente déjà la possibilité
d’un guichet commun à tous ses membres dans les régions Rhône-Alpes,
Bretagne et Alsace, permettant ensuite une orientation vers l’organisme
compétent ;
– l’impératif
de rapidité et de simplicité de l’action administrative ne doit pas prévaloir
sur celui de sa qualité, dans la mesure où l’échec de la création
d’une entreprise par un chômeur est souvent vécu comme un ultime drame
personnel.
M. Gilles
Carrez, rapporteur, après avoir rappelé que M. Christian
Sautter avait soutenu un taux marginal de l’Impôt sur la fortune (ISF)
à 1,8 % lorsqu’il était ministre du Budget, s’est interrogé
sur le point de savoir si cet impôt n’avait pas un caractère dissuasif
sur l’investissement productif dans les PME et sur la stabilité de
l’actionnariat dans les entreprises familiales.
M. Christian
Sautter a répondu qu’en tant que Président de France Active, il
considérait que la question de l’ISF n’était pas primordiale pour
les créateurs d’entreprise tels que ceux ayant recours à cet
organisme, rarement imposables à l’ISF.
*
La
Commission spéciale a procédé à l’audition de M. François
Hurel, délégué général de l’Agence pour la création
d’entreprises (APCE).
M. François Hurel a dressé un tableau d’ensemble de
l’initiative en France. En 2002, 177 000 nouvelles entreprises
ont été créées, chiffre stable depuis cinq ans, mais en baisse par
rapport à l’année 1990 au cours de laquelle on a pu dénombrer 205 000 nouvelles
entreprises. Il faut souligner l’écart croissant en France entre le
nombre de personnes déclarant vouloir créer une entreprise et le nombre
d’entre elles qui concrétisent ce souhait. 12 millions de Français
annoncent en effet avoir l’intention de créer une entreprise dans leur
vie. Trois difficultés majeures peuvent expliquer ce constat, d’après
le sondage rendu public le 23 janvier 2003 par l’APCE et le Salon
des entrepreneurs : les difficultés de financement pour 70 %
des personnes sondées, les difficultés de sécurisation de la création
d’entreprise, qui conserve l’image d’une aventure par trop risquée,
ainsi que les difficultés administratives pour 10 % des
personnes interrogées (contre 20 % il y a trois ans), la complexité
administrative étant principalement considérée non pas comme un frein
direct à la création proprement dite, mais comme une source d’anxiété
pour la vie de l’entreprise.
Le
site Internet créé par l’APCE reçoit 400 000 visiteurs
chaque mois, ce qui traduit un véritable engouement pour
l’entreprenariat. En conséquence, il conviendrait de résoudre ces
difficultés et le projet de loi pour l’initiative économique présente
plusieurs avancées, notamment sur les problèmes de financement en
appelant à la contribution de l’épargne de proximité, les questions
de sécurisation du patrimoine personnel et le passage du statut salarial
au statut entrepreneurial (57 % des créateurs d’entreprises
sont des salariés ou des anciens salariés).
Le
financement de la création d’entreprise obéit en France à la règle
dite des « 20‑20‑60 », comme partout ailleurs :
20 % du financement est d’origine publique, 20 % constitué
de prêts bancaires traditionnels et 60 % de l’épargne personnelle
ou de l’environnement proche. L’épargne de proximité n’avait
jamais été soutenue en France et le projet de loi ouvre un nouveau
circuit de financement qui présente un intérêt majeur.
En
ce qui concerne le passage du statut de salarié à celui
d’entrepreneur, une personne pourra demeurer salariée tout en créant
une entreprise et cette phase de transition lui permettra de mieux appréhender
son projet et, éventuellement, de demeurer dans son entreprise
d’origine dans le cas où ce projet n’aboutirait pas.
La
dématérialisation des procédures par le transfert électronique des
données relatives à la création d’entreprise est également une idée
importante.
La
protection de l’habitation principale de l’entrepreneur évitera qu’à
l’insuccès économique ne s’ajoute une sanction familiale.
Enfin,
les perspectives d’allégements fiscaux (transmission d’entreprise et
collecte de l’épargne de proximité) vont dans un sens favorable aux créateurs
de demain.
Le président Hervé Novelli a souligné que le financement demeure
la première difficulté rencontrée par le créateur. Il convient donc de
s’interroger sur les aménagements à apporter au texte afin de soutenir
plus spécifiquement l’entreprise individuelle et d’améliorer son accès
au crédit.
Mme Catherine Vautrin, rapporteure, a souhaité avoir des éléments
sur les modalités concrètes de la séparation du patrimoine personnel et
entrepreneurial. Elle a également demandé l’avis de M. François
Hurel sur les centres de formalités des entreprises (CFE) et le « chèque-premier
emploi ».
M. Gilles Carrez, rapporteur, a souligné que les fonds
d’investissement de proximité (FIP) permettraient de mobiliser l’épargne
de proximité pour des apports en fonds propres, mais non pour des prêts
aux entreprises individuelles. L’épargne des proches
pourrait‑elle alors faire l’objet de mesures fiscales incitatives
pour être mobilisée au travers de prêts aux entreprises individuelles ?
M. François Hurel a rappelé que la France s’apprête pour
la première fois à mettre en place un mécanisme de collecte de l’épargne
de proximité par la mutualisation dans les FIP, ce qui devrait dégager
des financements importants.
Les
Français sont attachés à la notion de petite entreprise et surtout à
la notion d’entreprenariat individuel ; il faut donc prévoir des
dispositifs en faveur des prêts pour les très petites entreprises. Deux
pistes peuvent être évoquées :
– renforcer
l’action du prêt à la création d’entreprise, qui ne sert en 2002
qu’un peu plus de 11 000 porteurs de projets. Il faudrait
disjoindre ce prêt du prêt bancaire traditionnel qui demeure un préalable
obligatoire avant de pouvoir avoir accès au prêt à la création
d’entreprise ;
– on
constate que les banques prêtent facilement lorsqu’elles ont de solides
garanties et le système SOFARIS, notamment, a un effet de levier
important (évalué à 1 pour 10). Sans demander aux FIP de
devenir des fonds prêteurs, ceux-ci pourraient constituer des mécanismes
de garantie au niveau régional.
En
ce qui concerne la sécurisation du patrimoine individuel, il convient de
souligner que les entreprises individuelles représentent 1 700 000 entreprises
et 55 % des nouvelles entreprises créées. Il ne serait pas opportun
de créer un mécanisme si complexe ou coûteux qu’il en deviendrait
contreproductif. Déclarer, par exemple, au Registre du commerce les biens
que l’entrepreneur souhaite affecter à son activité professionnelle
semble une bonne solution.
S’agissant
des centres de formalités des entreprises, il faut saluer l’effort fait
par la France dès 1981 et en 1984 pour favoriser la création
d’entreprises à travers les CFE. Une démarche simple permet
d’avertir simultanément les onze administrations concernées par la création.
Un récépissé est ensuite communiqué dans les jours suivants. Mais des
vérifications sont nécessaires qui demandent un certain temps. Une amélioration
pourrait être apportée par un dispositif d’inscription par Internet.
M. François
Hurel a ensuite évoqué les pistes à explorer, s’agissant des charges
sociales pesant sur les petits entrepreneurs : il paraît
indispensable de mettre en place une forfaitisation de ces charges. En
effet, les charges sociales pesant sur les petits entrepreneurs sont
devenues extrêmement complexes, notamment en raison du décalage de deux
ans existant entre le fait générateur de ces charges et leur perception.
Ce décalage de deux ans entraîne des effets pervers, tels que
l’obligation de régulariser les charges sociales à la fin de la deuxième
année d’activité, voire débouche sur des effets de ressaut ou de
guillotine. Il oblige aussi à acquitter des charges sociales deux ans et
demi après la cessation d’activité d’un entrepreneur.
On
pourrait remédier à ces inconvénients en introduisant une
forfaitisation trimestrielle ou semestrielle des charges sociales assises
sur le chiffre d’affaires. Cette mesure permettrait d’accéder au
statut d’entrepreneur ou de le quitter sans ce long processus de régularisation
et en faisant disparaître les effets de ressaut et de guillotine précités.
Elle suppose toutefois de mettre un place un collecteur unique des charges
sociales.
Après
avoir salué la qualité du rapport remis par M. François Hurel au
Premier ministre, M. Alain
Madelin a exprimé le souhait que les travaux conjoints du
Gouvernement et du Parlement débouchent sur des mesures permettant une création
plus simple des entreprises, permettant aussi de mieux accompagner les
projets et de faciliter le financement des nouvelles entreprises.
S’agissant
de la création des entreprises, M. Alain Madelin a fait remarquer
que les dispositions de l’article 2 n’auraient véritablement de
signification que si l’inscription en ligne des nouveaux entrepreneurs
était introduite. Cette inscription devra déboucher sur un récépissé
permettant de garantir que l’ensemble des formalités à accomplir auprès
des différentes administrations sont automatiquement satisfaites. Afin
que le statut de petit entrepreneur soit plus facile à vivre, il est également
nécessaire d’introduire le guichet unique social. Ce dispositif était
déjà prévu par la loi de 1994, pour être concrétisé dans un délai
de deux ans. Cet engagement n’est toujours pas concrétisé : il
importe désormais de le faire.
M. Alain
Madelin a également fait part de son accord sur la nécessité de
supprimer le décalage de deux ans en matière de charges sociales, en
introduisant une forfaitisation optionnelle ou simplement en faveur des
micro entreprises.
L’ensemble
de ce dispositif permettrait d’aboutir à un enchaînement vertueux de
formalités : le statut d’entrepreneur serait accessible
directement en ligne ; l’entreprise obtiendrait un carnet de
facturation ; au bout de trois mois, elle serait en mesure de verser
des charges sociales forfaitisées ; les banques auraient un intérêt
certain à délivrer à la nouvelle entreprise ainsi créée des moyens de
financement, devenant ainsi un auxiliaire de la politique de création des
entreprises. En introduisant un statut de démarrage de l’activité
d’entrepreneur, éventuellement cumulable avec d’autres activités et
en permettant aux banques d’accompagner les prêts à la création
d’entreprise distribués par les FIP ou par des structures locales
garanties par le FIP, le financement des petites entreprises serait ainsi
considérablement simplifié.
Abordant
la question de la sécurisation des petites entreprises, M. Alain
Madelin a fait part de sa préférence en faveur d’un patrimoine
professionnel affecté, qui lui apparaît plus simple. Il est également
important d’améliorer la sécurité entourant le statut de travailleur
indépendant, qui aujourd’hui fait parfois l’objet d’une
requalification sous forme de contrat salarial en raison de la simple
existence d’un client dominant. Afin de remédier à cette situation, il
conviendrait d’introduire une présomption quant à l’existence du
statut de travailleur indépendant, sauf à ce que l’administration soit
en mesure de prouver le contraire. Il est vrai qu’une telle mesure se
heurte à la méfiance, historique, à l’égard du statut de travailleur
indépendant, méfiance qui s’expliquait à l’époque par le refus du
tâcheronnage. Mais ces préjugés sont aujourd’hui dépassés : le
travailleur indépendant a la même protection qu’un travailleur salarié ;
le travailleur indépendant occupe souvent des missions prestigieuses ;
on voit se développer, à l’intérieur même du salariat, une
obligation de résultat qui se substitue à une obligation de présence
dans l’entreprise, et qui rappelle le contrat commercial.
M. Alain
Madelin a enfin demandé le pourcentage des prêts à la création
d’entreprise faisant l’objet d’un remboursement et le montant moyen
nécessaire pour une création d’entreprise.
Après
avoir remercié M. François Hurel d’avoir rappelé sans ambiguïté
les progrès qui ont été faits dans la simplification des formalités de
la création d’entreprise, M. Eric
Besson a souligné la nécessité de « tordre le cou » à
ce mythe durable selon lequel la création d’entreprise en France serait
rendue difficile par la complexité des formalités administratives à
accomplir. Il a également fait remarquer que la proposition consistant à
permettre la création, en une heure, d’une entreprise dotée d’un
euro de capital risque de susciter des vocations dont l’avenir n’était
guère assuré.
Il
s’est déclaré surpris de la suggestion faite par M. François
Hurel de disjoindre le prêt bancaire obligatoire du prêt à la création
d’entreprise. En effet, les prêts à la création d’entreprise se
heurtent à certains obstacles qu’il importe de lever et, par ailleurs,
les banques sont d’autant plus incitées à accorder des prêts
bancaires que ceux‑ci sont mieux garantis. M. Eric Besson a jugé
primordial d’accroître les liens entre les créateurs d’entreprise et
les réseaux bancaires, en évitant la création d’un réseau bancaire
parallèle spécialisé dans le financement de la création
d’entreprise, qui ne manquerait pas d’être source de gaspillage.
Le président Hervé Novelli s’est interrogé sur la portée des
dispositions de l’article 2 qui introduit un nouveau récépissé
préalablement au récépissé final : ne va‑t‑on pas
seulement rendre plus complexe la procédure d’octroi du récépissé ?
Il a souhaité également connaître l’appréciation de M. François
Hurel, s’agissant de l’article 17 relatif au déplafonnement du
taux de l’usure.
S’agissant
du taux d’échec des entreprises nouvellement créées, M. François
Hurel a indiqué que seulement 15 % des nouvelles entreprises
subissent un échec économique dans les trois à cinq années qui suivent
leur création, ce qui signifie que 85 % des entreprises sont en
mesure de s’acquitter de leur dette. Pour sa part, le montant moyen
investi dans la création d’une entreprise serait, pour 85 % des
entreprises nouvellement créées, de moins de 7 500 euros :
la France créée donc des entreprises, mais il s’agit de petites
entreprises. Les besoins en trésorerie et en prêts des entreprises
nouvellement créées sont donc considérables.
M. Eric Besson a fait valoir que la valorisation des biens
apportés par un entrepreneur lors de la création d’une entreprise était
généralement sous-estimée en France, même s’il est vrai que les
entreprises sont créées avec peu de liquidités.
M. François Hurel a souligné la nécessité de créer un
guichet social unique, ce qui nécessite notamment d’introduire un
collecteur unique. S’agissant des prêts à la création d’entreprise,
il a indiqué qu’il ne préconisait pas de disjoindre systématiquement
ce prêt du prêt bancaire, mais qu’il estimait souhaitable d’atténuer
le lien fait de façon automatique et, en pratique, égalitaire entre ces
deux types de prêt. Il convient donc de mener une réflexion approfondie
pour améliorer le dispositif du prêt à la création d’entreprise
(alors que le prêt à la création d’entreprise pourrait concerner
potentiellement 30 000 porteurs de projet, seulement 11 000 d’entre
eux y recourent), tout en l’accordant mieux avec la nécessaire
bancarisation des nouveaux entrepreneurs.
S’agissant
des modalités d’obtention du récépissé actuel, qui sanctionne de façon
formelle la création d’une entreprise suite au dépôt de l’ensemble
des pièces nécessaires à cette création et qui permet ainsi le démarrage
effectif de l’activité entrepreneuriale, M. François Hurel a
relevé que des difficultés tenant au délai permettant cette obtention
sont rares et apparaissent uniquement dans des cas très spécifiques.
Dans ce contexte, l’introduction d’un nouveau récépissé, délivré
plus tôt lors du processus de la création d’entreprise et qui
constituerait à la fois la fiche signalétique de l’entreprise nouvelle
et l’amorce du récépissé en bonne et due forme tel qu’il existe
actuellement, ne relève peut‑être pas de l’urgence absolue. Par
contre, cette introduction apparaîtra sans doute nécessaire dès lors
qu’elle sera liée à un signalement immédiat et en ligne de la création
de l’entreprise à toutes les administrations intéressées.
Abordant
la proposition tendant au déplafonnement du taux de l’usure, M. François
Hurel a noté qu’il s’agissait de tenir compte du fait que les banques
ne souhaitent pas, le cas échéant, prêter à un nouvel entrepreneur
parce qu’elles ne peuvent pas retirer de l’opération de prêt un prix
convenable. Or, il apparaît que le taux d’intérêt moyen appliqué à
un prêt bancaire destiné à la création d’une entreprise s’élève
aujourd’hui à environ 6,7 %, soit un niveau inférieur de deux
points au niveau actuel du taux de l’usure s’agissant de cette catégorie
de prêts bancaires. Cependant, il faut noter que les créateurs
d’entreprise qui ne parviennent pas à bénéficier d’un prêt
bancaire, financent, le cas échéant, leur projet par le recours à des
prêts à la consommation, catégorie de prêts pour lesquels le taux
d’usure est supérieur à 18 %. On peut donc penser que le recours
à cette pratique, courante dans les pays anglo‑saxons, pourrait être
légitimement évité par un relèvement du taux de l’usure s’agissant
des prêts bancaires permettant le financement d’un projet
entrepreneurial. Il n’en demeure pas moins que les taux d’intérêt
appliqués précisément à ces prêts se situent aujourd’hui en moyenne
à un niveau nettement inférieur à ce taux de l’usure. Il serait
peut‑être nécessaire de clarifier le contexte de cette
proposition, en tentant de comprendre de façon très précise pourquoi
les banques militent en sa faveur avec une telle conviction.
M. Alain Madelin a précisé qu’il n’était pas prêt, à
titre personnel, à adopter cette proposition sans que soient apportées
certaines précisions relatives à son sens et à sa portée. Il apparaît
nécessaire que les banques précisent l’utilisation qu’elles feront,
le cas échéant, du relèvement du taux de l’usure. Il est en effet à
craindre que ce relèvement permettrait, certes, d’une part, d’ouvrir
le bénéfice du crédit à des entrepreneurs qui en étaient exclus
jusqu’alors du fait du niveau actuel du taux de l’usure, mais qu’il
relèverait, d’autre part, de façon substantielle le coût des crédits
courts accordés aux entreprises et qui leur permettent, au quotidien, de
couvrir leurs besoins de trésorerie. Il est probable que les gains faits
par les banques à ce dernier titre seraient nettement supérieurs aux
montants supplémentaires des crédits distribués à raison du premier
effet.
S’agissant
du statut de « travailleur indépendant » des petits
entrepreneurs, M. François Hurel a noté qu’il n’était pas rare
que ceux‑ci, au début de leur activité, prêtent leurs services
uniquement à un ou deux clients. Il est vrai que les dispositions légales
actuelles peuvent aboutir à ce que de telles situations soient requalifiées
par le juge comme relevant du salariat et non plus d’une relation
d’entreprise à entreprise. Une telle requalification peut, bien sûr,
avoir des conséquences négatives pour le travailleur indépendant mais,
bien plus encore, pour son client. Il apparaît donc opportun d’établir
légalement qu’il existe une présomption juridique simple de
l’existence de l’activité entrepreneuriale, dès lors que
celle‑ci a été considérée initialement comme telle par les intéressés.
A tout le moins, il apparaît nécessaire d’offrir à chacun de ces intéressés
la faculté d’interroger l’administration, quant à sa perception de
la nature du contrat qui lie lesdits intéressés.
*
La Commission spéciale
a procédé à l’audition de M. Pierre
Fonlupt, membre du Conseil exécutif du MEDEF.
Précisant
qu’il était lui-même chef d’entreprise, M. Pierre
Fonlupt a indiqué qu’il ne s’exprimerait donc pas en tant que
juriste ou technicien chevronné. Rappelant que 95 % des adhérents
du MEDEF employaient moins de 50 salariés et 25 % (soit environ
200 000) moins de 10, il a indiqué que celui-ci se félicitait de ce
que les entreprises de terrain aient été entendues et que le
Gouvernement présente un plan novateur et cohérent pour favoriser la création
d’entreprises.
Il
s’agit d’un enjeu majeur car le nombre de créations plafonne à un
niveau inférieur à celui observé au cours des années 1980. Les conséquences
en sont un non-renouvellement du tissu économique d’autant plus grave
que le nombre des faillites augmente et que beaucoup d’entreprises
disparaissent faute de repreneur lorsque leur propriétaire prend sa
retraite. Or, toute une génération d’entrepreneurs arrive
aujourd’hui à l’âge de la retraite et il existe donc un risque
majeur pour l’emploi et la vitalité économique de certaines régions.
Si
le projet de loi représente un net progrès, il ne résout pas tous les
problèmes de la création d’entreprise en France. Dès lors, les
observations formulées par le MEDEF n’ont pas pour objet d’en réduire
la portée, mais au contraire de la consolider en en facilitant
l’application.
Une
première série d’observations ont pour objet d’améliorer certaines
des dispositions présentes dans le projet de loi.
Le
MEDEF approuve l’article premier permettant la constitution d’une SARL
à un euro mais considère que cela ne dispense pas le créateur de
constituer ses fonds propres. A cet égard, pour l’y inciter, il serait
souhaitable de réduire le coût des augmentations de capital en les exonérant
de droits de timbre et d’enregistrement jusqu’à atteindre un niveau
de capital de 7 500 euros et d’exonérer d’impôt sur les
sociétés la part des bénéfices réincorporés pendant les cinq premières
années d’existence de l’entreprise.
Le
MEDEF privilégie la contractualisation pour les rapports entre les salariés
et leurs employeurs et préfèreraient donc que les dispositions de
l’article 7, qui rendent les clauses d’exclusivité inopposables au
salarié créateur, se fassent par accord entre les parties. Par ailleurs,
le fait qu’elles soient applicables aux contrats en cours et aient donc
un effet rétroactif constitue une source d’insécurité juridique pour
les entreprises. En accord avec sa position générale hostile à toute rétroactivité,
le MEDEF souhaite qu’elles soient limitées aux contrats conclus après
la promulgation de la loi.
En
ce qui concerne l’article 9, relatif au congé et au temps partiel pour
la création d’entreprise, le MEDEF privilégie aussi la voie
contractuelle, mieux à même de préserver les bonnes relations entre
l’employeur et ses salariés.
Le
MEDEF souhaiterait, à l’article 14, que la fiscalité des fonds
d’investissement de proximité (FIP) soit alignée sur celle des fonds
de commun de placement pour l’innovation et que, à l’article 15, la réduction
d’impôt sur le revenu pour souscription au capital d’une société
soit doublée. De même, afin de réduire le coût des pertes subies à la
suite d’une souscription au capital d’une société nouvelle, il
demande une déduction totale de celles‑ci. Même si le MEDEF privilégie
la forme sociétale, force est de constater que l’article 15 ne bénéficiera
pas aux entreprises individuelles.
Le
MEDEF est favorable au relèvement du taux de l’usure prévu par
l’article 17, qui est destiné à favoriser l’accès des PME au
crédit, surtout dans le contexte du renforcement des ratios de fonds
propres des banques.
S’il
se félicite que le sujet de la transmission des entreprises soient enfin
abordé, il s’interroge néanmoins sur la pertinence des critères
mentionnés à l’article 22 et, plus précisément, sur le lien entre le
chiffre d’affaires réalisé et l’imposition des plus-values. La détermination
de l’année de référence et la prise en compte des recettes de toutes
les entreprises exploitées par le contribuable sont également
discutables.
Le
MEDEF est favorable à la réduction d’impôt pour le repreneur qui
s’endette pour acquérir des actions ou des parts de sociétés, prévue
à l’article 23, mais souhaiterait le rétablissement du dispositif de
rachat d’une entreprise par ses salariés disparu en 2000.
Enfin,
les dispositions de l’article 4 relatives à la domiciliation des
entreprises posent des problèmes juridiques et paraissent marquer un
recul pour les personnes physiques.
Outre
ces observations, le MEDEF souhaite soutenir des mesures qui devraient être
intégrées au projet de loi, afin d’en renforcer l’efficacité. En
effet, la question de la transmission des entreprises ne sera pas
pleinement résolue tant que le sujet de l’impôt de solidarité sur la
fortune (ISF), longtemps tabou, ne sera pas abordé et que ne sera pas mis
un terme à la véritable mécanique infernale déclenchée par cet impôt.
Ce sujet ne doit pas être abordé sous l’angle patrimonial, mais sous
celui de ses conséquences sur le développement et la pérennité des
entreprises.
Il
est aujourd’hui urgent d’agir, d’abord pour mettre fin au traitement
inéquitable des actionnaires, puisque seul l’actionnaire majoritaire ou
celui qui est également mandataire social bénéficie de l’exonération.
Cette inégalité conduit les entreprises à distribuer plus de dividendes
qu’il ne serait souhaitable pour le développement de l’entreprise,
pour permettre aux actionnaires minoritaires d’acquitter l’impôt.
Outre qu’elle entraîne un appauvrissement de l’entreprise, cette
situation conduit bien souvent à sa mise en vente, notamment quand il
s’agit d’entreprises familiales, à des repreneurs étrangers qui,
progressivement, délocalisent le siège de l’entreprise puis ses unités
de production. De même, les règles en vigueur s’avèrent inadaptées
à la configuration actuelle du capital des entreprises, souvent éparpillé,
et sont un obstacle au renouvellement de leurs cadres dirigeants. Enfin,
elles conduisent à la mise en place de montages complexes inutiles.
C’est
pourquoi, le MEDEF propose, pour remédier aux conséquences les plus négatives,
de modifier l’ISF afin d’exonérer les investissements dans les sociétés
non cotées, et d’aider les actionnaires minoritaires à conserver leurs
titres.
Le
président Hervé Novelli a précisé que le Gouvernement était déjà
revenu, dans sa version finale du projet de loi, sur la formule très
efficace médiatiquement de la « société à un euro », car
elle prêtait par trop à confusion. Il a indiqué qu’il percevait bien
les raisons qui militaient contre l’usage de la rétroactivité dans le
domaine du droit des entreprises, mais a souligné qu’il fallait néanmoins
concilier cette préoccupation avec l’ambition de produire des lois
ayant des effets sur la réalité. Il a signalé qu’en ce qui concerne
le niveau du taux d’usure, la position de la commission restait encore
très ouverte.
Mme Catherine
Vautrin a approuvé les analyses du MEDEF s’agissant des
modifications à apporter aux articles 7 et 4, en souhaitant que ces aménagements
permettent aussi, en ce qui concerne l’article 7, de prévoir plus spécifiquement
le cas d’une externalisation, qui peut apporter un soutien au chef
d’entreprise, et s’agissant de l’article 4, que le cas du
changement de domiciliation soit précisé. Elle a par ailleurs émis le vœu
d’entendre le commentaire du MEDEF sur les articles 6 et 18, à propos
respectivement de la sécurisation du patrimoine personnel du chef
d’entreprise et de la fixation de règles en matière de report du
paiement des charges sociales.
M. Gilles
Carrez, rapporteur général de la commission des finances, a indiqué
que les propos de Monsieur Pierre Fonlupt reprenaient un certain nombre de
propositions du MEDEF connues de longue date, s’agissant en particulier
de l’exonération fiscale pour la part des bénéfices réinvestis, de
l’augmentation de 25 % à 50 % de la réduction d’impôt sur
le revenu pour souscription au capital d’une société, ou de la déduction
totale de l’impôt sur les sociétés des pertes subies à la suite
d’une souscription au capital d’une société nouvelle. Revenant sur
l’idée d’un alignement de la fiscalité des FIP sur celle des FCPI,
il a rappelé qu’elle se heurtait généralement à l’argument selon
lequel cette différence se justifiait par des niveaux différents de
risque. Il s’est déclaré en plein accord avec l’approche consistant
à aborder la question « tabou » de la réforme de l’ISF en
rappelant que l’entreprise était avant tout un outil, qu’il fallait
essayer de garder sur le sol national. Il s’est enfin interrogé sur la
pertinence de la distinction entre les sociétés cotées et non cotées
pour ce qui concerne l’encouragement au réinvestissement des bénéfices
en fonds propres, la politique de réorientation de l’épargne devant
s’effectuer selon lui à l’échelle de l’ensemble des entreprises.
M. Pierre
Fonlupt a reconnu qu’une limitation de la rétroactivité des textes
était une affaire complexe, mais que, derrière sa remarque générale
sur la rétroactivité, il avait souhaité en fait que l’application de
l’article 7 ne conduisît pas à ce que des chefs d’entreprise fussent
obligés d’aider d’anciens salariés devenus leurs concurrents après
les avoir quitté pour s’installer à leur compte. S’agissant de la rétroactivité,
il a indiqué qu’il refusait personnellement de l’appliquer, en tant
que chef d’entreprise, même dans le cadre des relations avec ses
partenaires commerciaux, arguant du fait qu’il ne pouvait modifier a posteriori
des données, de prix par exemple, sur lesquelles il avait fondé sa stratégie.
S’agissant du relèvement du taux d’usure, il a expliqué que cette
suggestion visait à encourager le développement des entreprises, conformément
à l’esprit du projet de loi, en leur ouvrant un plus large accès au crédit,
sachant d’une part que les banques peuvent être tentées de refuser les
prêts lorsqu’elles ne peuvent pas prendre une prime de risque
suffisante, et que d’autre part, le taux d’usure est maintenu mécaniquement
bas par le faible niveau de l’inflation, puisqu’il se calcule à
partir des taux courants. En ce qui concerne la sécurisation du
patrimoine personnel du chef d’entreprise prévue à l’article 6, et
en particulier la préservation de l’habitation principale, il a souligné
combien elle était importante pour entretenir l’incitation à la création
d’entreprise dans le pays, le spectacle de la catastrophe humaine et
financière d’un chef d’entreprise qui a échoué pouvant conduire ses
descendants pendant plusieurs générations à se détourner de la prise
de risque. Il s’est déclaré également favorable au dispositif de
report de charges prévu à l’article 18, tout en soulignant que cette
possibilité devait être enfermée dans des règles rigoureuses, afin
qu’elle ne se transformât pas en piège pour les bénéficiaires. Il a
en effet expliqué que certains chefs d’entreprise pourraient se laisser
tenter de profiter du soulagement temporaire ainsi procuré, sans se préparer
suffisamment, par des provisions, à un retour à la situation normale. Il
a indiqué qu’à titre personnel il s’était toujours refusé, dans le
cadre de la direction de son entreprise, à profiter des effets
d’aubaine, afin d’éviter d’avoir à gérer les éventuelles conséquences
de leur suppression. Il s’est ensuite inscrit en faux contre
l’argument d’une éventuelle différence de niveau de risque entre les
FCPI et les FIP, en insistant sur le fait que les entreprises du secteur
traditionnel étaient confrontées au même niveau de risque que celles du
secteur technologique, et qu’il serait dommageable pour l’économie de
les désavantager. Concernant l’idée d’un traitement différencié
des réinvestissements des bénéfices entre sociétés cotées et non cotées,
il l’a justifié par le lien plus fort que tissait l’apporteur en
capital avec une société non cotée, en choisissant de s’associer à
un projet industriel, situation qu’il convenait d’encourager, tandis
que le propriétaire d’un titre coté en bourse pouvait être tenté de
revendre sur la seule considération de l’évolution du cours.
M. Alain
Madelin s’est félicité de l’économie du projet de loi, qui a
abaissé le seuil financier de constitution d’une SARL, tout en créant
une incitation à ce que le capital soit ultérieurement renforcé pour
assurer la consolidation de la situation de l’entreprise. Il s’est déclaré
peu convaincu de l’effet globalement favorable pour les petites
entreprises d’un relèvement du taux de l’usure, et a souhaité que le
MEDEF utilisât ses moyens économétriques pour construire une prévision
chiffrée de l’impact d’une telle mesure. Il a expliqué en effet que
si l’inflation restait effectivement basse, la situation économique
actuelle, assez défavorable, créait les conditions d’un resserrement
de la distribution du crédit lié à la baisse de la valeur des gages (« Credit
Crunch »), qu’un tel resserrement favorisait une hausse du coût
du crédit devenu plus rare, et que le relèvement du taux d’usure ne
pourrait qu’encourager ce mouvement à la hausse des taux imposés aux
entreprises. Il a rappelé que les encours des découverts des entreprises
atteignant environ 54 milliards d’euros, et les prêts courts de
moins de deux ans représentant 110 milliards d’euros, un relèvement
de 2 à 3 points du taux d’usure, s’il était suivi d’un relèvement
parallèle des taux débiteurs, pourrait avoir un effet de prélèvement
non négligeable sur les entreprises, pouvant contrebalancer l’effet
positif d’augmentation de la distribution de crédit.
M. Eric
Besson a formulé les interrogations suivantes :
– quelles
sont les raisons conduisant le MEDEF à approuver les dispositions
permettant de créer une entreprise au capital d’un euro ?
– dispose-t-on
d’éléments concrets sur les problèmes posés par l’ISF ?
Combien de personnes sont‑elles concernées ? Quels sont les
enjeux ? A‑t‑on des données sur les conséquences
attribuées à cet impôt en termes d’expatriations, de délocalisations,
d’investissement ? Ces éléments peuvent seuls permettre de mener
la réflexion sur une base objective.
Il a demandé si,
de façon plus générale, la commission spéciale disposait d’éléments
techniques sur l’ensemble des incitations fiscales supplémentaires
envisagées.
Le
président Hervé Novelli a souscrit à l’idée que la commission
devait statuer sur des données précises.
M. Gilles
Carrez, rapporteur, après avoir relevé la difficulté que représente
la ventilation entre les différents éléments constitutifs de
l’assiette de l’ISF, a indiqué que les informations sur ses effets
pervers étaient nombreuses.
M. Pierre
Fonlupt a apporté les précisions suivantes :
– la
position favorable du MEDEF sur les dispositions relatives au taux de
l’usure découle de la nécessité de ne pas priver certaines
entreprises de toute possibilité de crédit ; d’autres pistes de
nature à aider ces entreprises à obtenir un crédit peuvent être explorées,
comme celle de la garantie SOFARIS ;
– la
possibilité de créer une entreprise au capital d’un euro, outre son
efficacité, revêt une portée symbolique essentielle. Créer une
entreprise suppose d’abord l’existence d’un projet et un bon
accompagnement du créateur. La question financière n’intervient
qu’en second lieu même si les outils concrets permettant d’y répondre
doivent exister. Le succès repose avant tout sur l’existence d’un
esprit entrepreneurial.
M. Jean-Charles
Taugourdeau, après avoir relevé l’absence de dispositions sur le
statut du chef d’entreprise, a formulé les observations suivantes :
– il faut
mettre fin à l’idée reçue selon laquelle créer une entreprise en
France serait une folie ;
– la
perception de l’entreprise doit changer : la notion d’entreprise
doit reposer sur une déontologie et sur l’existence d’un projet
social. La démarche entrepreneuriale ne saurait être réduite à la
seule recherche du profit ; il faut d’ailleurs être conscient que
l’employeur s’engage le plus souvent, en créant son entreprise, à ne
rien posséder en propre ;
– on ne peut
passer sous silence le fait que ce sont les entreprises qui créent la
richesse en France, notamment les plus petites d’entre elles. Dans
celles-ci, l’employeur a une relation personnelle avec ses salariés et
ne procède pas à des licenciements dans un but strictement financier,
contrairement à ce qu’avancent couramment certains ;
– il faut
effectivement éviter les dispositions rétroactives ;
– l’intérêt
de l’entreprise n’est pas de former ses futurs concurrents et il ne
faudrait pas, au motif que l’on soutient la création d’entreprise,
oublier celles qui existent.
© Assemblée nationale
|