ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D’EXAMINER
LE PROJET DE LOI RELATIF À l’INITIATIVE ÉCONOMIQUE

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 23 janvier 2003
(Séance de 15 heures)

Présidence de M. Hervé Novelli

____________

SOMMAIRE

- Audition de M. Alain Griset, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM) et de M. Jean-François Bernardin, président de l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie

- Audition de M. Albert Ollivier, directeur de la Direction du programme PME-Emploi à la Caisse des dépôts et consignations

- Audition de M. Robert Buguet, président de l’Union des professions artisanales (UPA) et de M. Jean-François Roubaud, Président de la CGPME

- Audition de M. Philippe Dupont, vice-président de la Fédération bancaire française

- Audition de MM. Michel Tudel, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, de Jean-François Humbert, vice-président du Conseil supérieur du notariat, de Mme Eglantine Granvilliers au titre du Conseil de l’Ordre des avocats et de MM. Jacques-Philippe Gunther, Pierre Lafon et Michel Pitron au titre du Conseil national des barreaux

La Commission spéciale a procédé à l’audition de MM. Alain Griset, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM) et Jean-François Bernardin, président de l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie.

M. Alain Griset, président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM), a souligné l’intérêt que revêt le projet de loi relatif à l’initiative économique qui aborde deux sujets fondamentaux pour les entreprises artisanales, qui sont aujourd’hui au nombre de 840 000 : d’une part, celui de la transmission, puisque 30 % des artisans ont plus de 50 ans et devront, dans les dix années à venir, trouver des repreneurs, et, d’autre part, celui de la création de passerelles entre le statut de salarié et celui d’entrepreneur, ce qui devrait permettre, en réduisant le " gouffre " entre ces deux statuts, de favoriser la création d’emplois. Ce projet de loi devra impérativement être prolongé par un autre texte législatif, davantage tourné vers les entreprises existantes, qui devra aborder les questions du statut du conjoint, de l’apprentissage et du financement de ces entreprises afin, en particulier, d’améliorer l’environnement législatif et social de l’artisanat. A l’avenir, il serait opportun d’appliquer systématiquement les dispositifs adoptés en faveur de la création d’entreprises à ceux qui concernent la transmission.

M. Alain Griset a ensuite présenté l’appréciation que porte l’Assemblée permanente des chambres de métiers sur certaines dispositions du projet de loi, regrettant, en premier lieu, que les articles 13, 15 et 16 soient limités aux entreprises sous forme sociétaire. Il serait souhaitable d’étendre les dispositifs prévus par ces articles aux entreprises individuelles, au risque, à défaut, d’accentuer le fossé entre celles-ci et les sociétés. A l’heure actuelle, 60 % des artisans exercent sous forme d’entreprise individuelle mais les 40 % restant, qui ont choisi la forme sociétaire, ne sont en réalité pas gérés comme des sociétés car ce choix répond, le plus souvent, à des contraintes d’optimisation fiscale ou sociale.

Il serait par ailleurs opportun d’adopter une nouvelle mesure qui permettrait aux particuliers, désireux de créer ou de reprendre une entreprise, d’utiliser leur plan d’épargne en actions (PEA) ou leur plan d’épargne logement (PEL) à l’instar de ce que prévoyait le projet de loi relatif au développement des petites entreprises et de l’artisanat, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale à la fin de la précédente législature.

L’article 22, qui tend à rehausser le seuil de taxation des plus-values professionnelles traduit, certes, un effort louable mais risque, en se basant sur le chiffre d’affaires, d’inciter à réduire l’activité de l’entreprise avant sa transmission afin de ne pas atteindre ce seuil de taxation. Il serait donc préférable de choisir une autre référence de déclenchement qui ne se base pas sur l’activité de l’entreprise. Par ailleurs, il conviendrait de modifier les règles d’évaluation de l’entreprise en adoptant les règles applicables à l’évaluation des biens immobiliers, afin de tenir compte de l’érosion monétaire.

Enfin, il serait opportun de revenir sur la règle de double taxation des artisans qui ont choisi d’exercer sous le régime de la location-gérance, adoptée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Le président Hervé Novelli a indiqué que la question de l’amélioration de l’accès au financement des entreprises individuelles a déjà été longuement abordée par la Commission spéciale et fait l’objet d’un consensus sur cet objectif. Au sujet de la transmission des entreprises, le projet de loi est globalement satisfaisant mais peut encore être amélioré. S’agissant des passerelles ouvertes entre le statut de salarié et celui d’entrepreneur, il conviendra de veiller à ce que le salarié-entrepreneur n’exerce pas de concurrence déloyale à l’égard de son employeur. Enfin, il a rappelé que le secrétaire d’Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l’artisanat, aux professions libérales et à la consommation a confirmé devant la Commission spéciale, lors de son audition le 21 janvier, qu’un deuxième projet de loi sera déposé, relatif à l’entreprise, avant la fin de l’année 2003.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure, a souhaité connaître l’appréciation des chambres de métiers sur la partie économique du projet de loi, et notamment l’article 7, et sur l’article 18, qui prévoit le report des charges sociales de la première année suivant la création de l’entreprise, article ayant suscité un débat nourri au sein de la Commission spéciale.

M. Gilles Carrez, rapporteur, a souligné que la notion d’apport en fonds propres n’étant pas pertinente pour le financement des entreprises individuelles, les avancées très significatives apportées par le texte en la matière se concentrent évidemment sur les entreprises créées sous forme de sociétés. Or, les créations d’entreprises individuelles sont très largement supérieures en nombre aux créations d’entreprises sous forme de sociétés. Ainsi, encourager l’initiative économique implique sans doute de faciliter l’accès aux crédits des créateurs d’entreprises individuelles. S’il n’apparaît pas opportun d’affecter les fonds d’investissement de proximité à des crédits aux entreprises, les décisions de prêt nécessitant une expertise avisée propre au métier de banquier, il serait envisageable de les utiliser pour améliorer l’accès aux cautions. D’ailleurs, les réseaux d’organismes de caution existent déjà et apportent des garanties substantielles élargissant l’accès aux crédits des entrepreneurs individuels.

Abordant l’article 22, le rapporteur a estimé qu’il était difficile d’aller plus loin. Ce seul article concentre les deux tiers du coût budgétaire du projet de loi, avec 350 millions d’euros, et le contexte budgétaire actuel rend impossible un effort plus soutenu. Il convient, par ailleurs, de relever que le projet de loi permet des progrès très réels en élevant le seuil d’imposition des plus-values de 150 000 à 250 000 euros et en introduisant des paliers qui, s’ils n’assurent pas un lissage parfait, améliorent cependant considérablement le dispositif. Le critère du chiffre d’affaires répond au souci de simplicité qui anime le Gouvernement. Certes, d’autres possibilités existent, mais le système doit rester lisible.

En conclusion, le rapporteur a insisté sur le fait que l’augmentation du plafond d’exonération des plus-values constitue un acte politique fort et audacieux. Il a rappelé que sous la précédente législature, ses propositions, pourtant plus modérées, visant à élever le seuil à 200 000 euros s’étaient heurtées à l’opposition du précédent Gouvernement pour des motifs étroitement budgétaires.

En réponse, M. Alain Griset a apporté les précisions suivantes :

– les artisans se félicitent de la proche adoption d’une loi très attendue, et qui répond à des demandes depuis longtemps non satisfaites ;

– en ce qui concerne la concurrence, il est indéniable que l’article 7 qui autorise un salarié encore en activité dans une entreprise à créer sa propre entreprise, recèle des effets pervers importants. A titre d’exemple, est-il concevable qu’un artisan permette à un de ses salariés, qui aurait par ailleurs créé sa propre entreprise dans le même secteur d’activité, de capter sa clientèle ? Il conviendrait donc de ne pas multiplier les situations de concurrence déloyale ;

– en ce qui concerne le report des charges sociales, le décalage est une avancée prometteuse et ce d’autant plus que l’écrasante majorité des entreprises créées dans notre pays comporte lors de leur création un, voire deux employés. Ces petits entrepreneurs ne peuvent dès lors pas acquitter les charges sociales dès le lancement de leur activité, leurs apports initiaux étant par définition modestes. Cependant, il existe un risque évident d’effet d’aubaine pour les entrepreneurs qui seraient tentés de mettre fin à l’activité de leur entreprise un an après leur création, afin de ne pas payer les charges sociales reportées ;

– en ce qui concerne le financement de l’artisanat, il faut relever que depuis la suppression des prêts bonifiés, dont les effets n’ont en réalité pas été compensés par la création de la SOFARIS, les artisans doivent acquitter des taux d’intérêt de 3 à 4 points supérieurs à ceux des très grandes entreprises. Dans ces conditions, la réactivation des prêts bonifiés serait une solution idéale. Une autre solution serait de renforcer le statut des sociétés de caution mutuelle qui jouent un rôle essentiel dans l’accès au crédit des artisans. A titre d’exemple, la société interprofessionnelle artisanale de garantie d’investissement (SIAGI), associée à la SOFARIS, cautionne entre 70 et 80 % du montant des crédits contractés par les petits artisans auprès des banques. Dans ces conditions, il faut veiller à ce que ces mutuelles ne soient pas assimilées à des banques. Il ne faut pas pour autant croire que l’accès au financement des petites entreprises pourra être modifié en quelques mois, dans la mesure où le problème fondamental tient au fait que les banques préfèrent prêter d’importantes sommes d’argent plutôt que de multiplier des petits prêts, en raison de coûts fixes de constitution des dossiers. A cet égard, il convient d’examiner avec attention les solutions de substitution qui se font jour dans les régions, notamment les avances remboursables à taux zéro, ou les apports accordés par les chambres de commerce ;

– concernant les plus-values, le passage du seuil d’imposition de 150 000 à 250 000 euros est un progrès très significatif ; il conviendrait toutefois de lisser encore les effets de seuil ;

– il conviendrait d’insister sur la nécessité de relancer d’autres outils de la transmission d’entreprise dont l’efficacité est remarquable, notamment les stages individualisés formation alternance (SIFA).

Mme Chantal Brunel a, à son tour, exprimé ses inquiétudes quant à l’article 7 qui, s’il encouragera sans aucun doute l’externalisation des services d’une grande entreprise au travers de l’essaimage des activités, n’en comporte pas moins un risque élevé de concurrence déloyale. Un amendement permettrait d’éviter cet effet pervers en précisant qu’en l’absence d’agrément du chef d’entreprise, le salarié décidant de créer une entreprise s’interdit de travailler pendant deux ans avec les clients de l’entreprise de son employeur. Les procédures judiciaires relatives au non-respect des clauses de non-concurrence sont, en effet, extrêmement longues, la survie financière des entreprises qui les intentent étant souvent compromise bien avant leur achèvement.

Le président Hervé Novelli a pris acte du consensus de la Commission sur la nécessité de préciser le contenu de l’article 7.

M. Jean Launay a, comme ses collègues, manifesté son inquiétude quant à la compatibilité entre l’article 7 du projet de loi et la nécessaire loyauté de l’employé envers son employeur. De même, il a évoqué le titre V du projet de loi concernant la transmission d’entreprise, rappelant les préoccupations des artisans qu’il a été amené à rencontrer au sujet de l’étalement du paiement de l’imposition sur les plus-values.

M. Gilles Carrez, rapporteur, a indiqué que le principe de l’étalement de ce paiement était retenu.

Mme Chantal Brunel a estimé qu’il conviendrait de préciser les modalités de prise en compte des garanties de passif.

M. Michel Vergnier a interrogé M. Alain Griset sur l’opportunité de reprendre certaines dispositions du projet de loi relatif au développement des petites entreprises et de l’artisanat, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 21 février 2002, notamment la création de titres emplois-salaires ou la sécurisation des dépôts bancaires.

M. Nicolas Forissier a rappelé, en premier lieu, que l’environnement des entreprises fait l’objet de débats depuis plusieurs années. Le secrétaire d’Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l’artisanat, aux professions libérales et à la consommation a d’ailleurs indiqué que d’autres textes législatifs viendraient bientôt compléter le projet de loi sur l’initiative économique, notamment sur les thèmes du développement des entreprises et de la formation. Pour autant, il serait préférable de ne pas avoir à revenir, dans deux ou trois ans, sur les dispositifs qui seront adoptés à l’occasion du projet sur l’initiative économique. Celui-ci donne-t-il aux représentants des organismes consulaires le sentiment qu’il est suffisamment complet ?

Par exemple, il n’y a aucune disposition, dans le projet de loi, qui tendrait à harmoniser le traitement fiscal de la création et celui de la reprise d’entreprise. Or, par exemple, le régime des exonérations d’impôt sur les sociétés au titre de l’article 44 sexies du code général des impôts, est différent du régime d’exonération en cas de reprise d’entreprise en difficulté (article 44 septies), ce qui est source de nombreuses difficultés pour les repreneurs d’entreprises. Il n’est pas rare que, mal conseillés, ceux-ci se fassent " rattraper " par le fisc, deux à trois ans après la décision de reprise rendue par le tribunal de commerce.

En matière de simplification administrative, la plupart des décisions seront prises dans le cadre des ordonnances qui ont d’ores et déjà été annoncées par le Gouvernement. Les artisans et commerçants attendent des mesures concrètes, qui changent, dans le bon sens, leur vie quotidienne. Quelle est l’approche des milieux consulaires sur cette question ?

Enfin, le projet de loi sur l’initiative économique représente une grande avancée en matière de soutien à la création et à la transmission d’entreprises. Cependant, sa pleine réussite suppose un engagement des professionnels au service des entrepreneurs, dans le cadre de réseaux d’accompagnement et de conseil. De quelle façon l’APCM compte-t-elle se mobiliser pour cette cause. Quel message politique veut-elle livrer au Parlement ?

Mme Catherine Vautrin, rapporteure, a souhaité recueillir l’avis de l’APCM sur le chèque emploi-services, sur l’idée, parfois évoquée, d’une forfaitisation des charges et sur l’opportunité de prendre des mesures pour soutenir le financement de la mise aux normes des installations, qui amène trop souvent les artisans et les commerçants à arrêter leur activité et à fermer boutique.

M. Alain Griset a indiqué que le projet de loi étant consacré à la création et à la transmission des entreprises, la problématique du chèque emploi-services n’y trouve pas sa place. Cependant, sur le fond, un travail important a déjà été engagé avec le secrétariat d’Etat, qui devrait se traduire par des propositions dans un texte législatif ultérieur.

En tous domaines, la création et la transmission d’entreprises doivent être traitées de façon équivalente. Ceci implique que l’harmonisation de leur régime juridique, y compris fiscal, doit être recherchée. Si, donc, le Parlement décide de répondre aux préoccupations des organismes consulaires relatives aux entreprises individuelles, la loi qui résultera de ses travaux offrira des outils importants, susceptibles de réduire l’écart entre le statut de salarié et celui d’entrepreneur individuel et de rendre celui-ci plus attractif. Il faut se donner les moyens de faire passer un message de mobilisation et de valoriser l’esprit d’initiative. Alors, les chambres des métiers diffuseront l’information – répondant ainsi à leur mission de service public – et accompagneront les entrepreneurs.

L’effort d’accompagnement doit être raisonné : créer une entreprise est un acte positif, qui mérite d’être encouragé ; cependant, l’entreprise ne peut durer que si elle s’appuie sur un marché, sur la capacité de ses dirigeants, etc. Il ne s’agit pas de donner de faux espoirs et de fabriquer des chômeurs à une échéance de deux à trois ans. L’objectif des organismes consulaires n’est pas d’accroître le nombre de créations d’entreprises mais le nombre de créations durables, c’est-à-dire, in fine, le nombre d’entreprises existantes. Leur implication devrait donc s’articuler autour d’un conseil avant l’installation, de stages pour les créateurs d’entreprises et d’un suivi pendant deux à trois ans visant à asseoir la solidité de l’entreprise nouvelle et à assurer sa pérennité. La loi sur l’initiative économique doit contenir les mesures nécessaires pour que le développement de l’entreprise individuelle devienne un vrai objectif de politique publique. Si elle y parvient, les chambres de métiers sont disponibles pour prendre leur part de l’effort collectif.

M. Jean-Paul Mingasson, directeur général des entreprises à la Commission européenne, a récemment déclaré que les pouvoirs publics devaient viser à ce que toutes les entreprises se développent pour atteindre un format d’une à quelques centaines de salariés. Mais, en matière d’artisanat, près de 400 000 entreprises n’ont aucun salarié et n’éprouvent pas le besoin d’en embaucher : les coiffeurs, les artisans-taxis, etc. vivent très bien leur statut d’entrepreneur individuel et ne pourraient pas se retrouver dans une politique qui serait faite uniquement pour les entreprises petites ou moyennes. Il faut avant tout créer les conditions permettant que les individus n’hésitent plus à franchir le pas pour créer leur entreprise.

M. Jean-François Bernardin, président de l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI), a rappelé que le quotidien des chambres de commerce et d’industrie s’organise autour d’entreprises dont 80 % (soit 1,4 million) ont moins de 10 salariés. Sauf quelques nuances mineures, l’ACFCI est en parfait accord avec les analyses de l’APCM sur les propositions du projet de loi sur l’initiative économique.

Par rapport au projet de loi relatif au développement des petites entreprises de l’artisanat, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale à la fin de la précédente législature, le présent projet évite l’écueil de la segmentation entre grandes et petites entreprises et procède donc d’une meilleure vision de l’acte d’entreprendre. On ne peut pas construire une politique économique efficace sur une approche dichotomique, trop simpliste : les activités des grandes et des petites entreprises sont souvent complémentaires (par exemple, dans le cadre des relations entre donneurs d’ordres et sous-traitants) et, d’autre part, une entreprise débute rarement avec 200 ou 1 000 salariés. Avant d’être grandes, toutes les entreprises ont été " petites ".

L’ACFCI se réjouit également d’un texte qui entend contribuer à réhabiliter la création d’entreprise, alors que le climat social français n’est pas favorable à l’entrepreneur. Il faut pourtant sortir de ce tiraillement permanent de la société française, qui réclame plus d’emplois mais tient en suspicion ceux-là même qui se donnent pour mission de les créer. Pour autant, les bonnes intentions du législateur sont parfois la cause de sévères difficultés : il faut donc légiférer avec discernement. A cet égard, un certain nombre de textes récents posent des problèmes sérieux, dont l’impact ne peut être surmonté par une quelconque défiscalisation ou réduction de charges sociales. Par exemple, les dispositions actuellement applicables à l’encontre du harcèlement au travail sont incontestables dans leur objectif mais constituent une " bombe sociale " pour la prochaine décennie. De même, la législation relative à la sécurité dans les entreprises, qui constitue la transposition d’une directive européenne, impose que chacune couche par écrit l’ensemble des risques auxquels elle peut exposer ses salariés ainsi que les mesures de prévention et de protection qu’elle met en œuvre. De telles dispositions sont-elles réellement applicables dans les petites entreprises commerciales et industrielles ?

L’ACFCI soutient sans réserve la démarche du secrétaire d’Etat qui entend faciliter l’acte de création et combattre le sentiment trop largement répandu selon lequel cet acte est réservé aux personnes qui peuvent mobiliser des capitaux importants et qui sont bardées de diplômes. D’ailleurs, de trop nombreux exemples montrent – malheureusement – que les diplômes ne peuvent éviter les faillites ou quasi-faillites.

Il faut donc avant tout donner l’envie d’entreprendre. A cet égard, l’idée récurrente qui voudrait que le formalisme juridique soit un frein important à l’initiative économique ne repose sur aucun fondement sérieux. Certes, on peut toujours simplifier le formalisme de la création d’entreprise, mais le cœur du sujet n’est pas là. Dans une version préliminaire du projet, l’article 2, relatif à la délivrance du récépissé de création d’entreprise, prévoyait que celle-ci serait effectuée par les chambres de commerce et d’industrie. Le texte présenté au Parlement prévoit de confier cette responsabilité aux greffes. Cette solution ne rencontre pas les vœux de l’ACFCI, car la procédure de création est justement le moment privilégié où les organismes soucieux de conseiller et d’assister les entrepreneurs peuvent établir les premiers contacts. L’ACFCI souhaite que les formalités de création soient l’occasion d’intégrer les créateurs dans les réseaux d’accompagnement et de conseil. Pour cette raison, des contacts ont été noués avec les greffes et un accord devrait être prochainement conclu avec eux pour analyser le déroulement temporel des procédures – afin de faire apparaître les points de friction – et accélérer l’ensemble des démarches. Il faut rappeler que si la règle selon laquelle le K bis doit être délivré dans les 24 heures n’est pas toujours respectée, c’est, le plus souvent, parce que le dossier présenté par le créateur d’entreprise est incomplet.

Le thème du " créateur salarié " est une idée excellente et intéressante, y compris dans les petites entreprises. Cependant, il faut un accord profond entre le créateur potentiel et le chef d’entreprise, sinon celle-ci risque de pâtir du départ du salarié. De ce fait, instaurer, en réalité, une obligation de soutien à l’essaimage ne paraît pas opportun, sauf, peut-être, dans les entreprises suffisamment importantes en termes de main d’œuvre.

Le financement de la création est un problème récurrent et il faut convenir que la proposition d’autoriser la constitution d’entreprises dotées d’un capital d’un euro comporte à la fois des avantages et des inconvénients. Actuellement, pourtant, personne ne peut prétendre que l’obligation qui pèse sur les SARL – la constitution d’un capital initial de 7 500 euros au minimum qui peut ne pas être libéré en totalité – offre une garantie financière suffisante. D’ailleurs, si l’on avait indexé sur le coût de la vie les valeurs équivalentes fixées en 1945, le capital minimal d’une SARL serait approximativement de 38 000 euros et celui d’une société anonyme de 183 000 euros.

La " société à un euro " donne, de façon bienvenue, le sentiment que la création d’entreprise n’est pas réservée à des personnes aisées. Cela va dans le sens souhaité par le Gouvernement, pour qui il faut donner aux Français l’envie de créer et de prendre des risques.

Pour autant, la prise de risques doit avoir une réelle signification : l’entrepreneur doit rester responsable de ses activités sur la partie de son patrimoine qu’il aura apportée en propre à son entreprise. En ce sens, la " société à un euro " ne favorise pas l’esprit de responsabilité. Il faut expliquer qu’un euro ne suffit pas – non plus, d’ailleurs, que 7 500 actuellement. En matière de création d’entreprise, la plupart des échecs viennent de personnes qui ne se sont pas posé les questions élémentaires ; un apport financier personnel important aide certainement à une plus grande lucidité.

Les chambres de commerce peuvent jouer un rôle important dans l’amélioration du parcours du créateur. L’ACFCI a fait valoir au Premier ministre que de nombreux organismes sont impliqués dans la création d’entreprises, ce qui nuit parfois à la lisibilité du dispositif global et ne facilite pas une bonne gestion des démarches par les entrepreneurs. Il faut donc, à l’occasion du projet de loi sur l’initiative économique, introduire une rupture dans le processus administratif. L’ACFCI propose que le réseau consulaire devienne une porte d’entrée privilégiée – mais pas exclusive – du futur créateur, à charge pour les chambres de commerce et d’industrie d’établir les partenariats nécessaires avec les autres acteurs. L’ACFCI propose une Charte des chambres de commerce et d’industrie pour améliorer l’orientation des futurs créateurs, fondée sur des engagements pratiques et précis.

En matière de fiscalité, l’ACFCI est très favorable à un amendement qui tiendrait compte de l’érosion monétaire pour la taxation des plus-values. En effet, les organismes consulaires sont témoins d’un phénomène social très grave : la paupérisation des commerçants partant en retraite. Chacun sait que la quasi-totalité des commerçants tirent leur revenu, pendant leur vie active, de leur activité professionnelle. A leur départ en retraite, ils vendent leur fonds de commerce et assurent leurs revenus par le loyer des murs commerciaux. Or, malgré la ruine progressive des fonds de commerce en centre-ville, ceux-ci continuent souvent de supporter une plus-value, notamment lorsqu’ils ont été acquis pour un montant symbolique auprès des ascendants. Les chambres de commerce doivent traiter des milliers de dossiers similaires, qui traduisent de graves dégâts sociaux.

On peut, certes, entendre les arguments budgétaires susceptibles d’être avancés par le ministère des finances, mais il ne faut pas négliger la détresse des personnes concernées. Le dispositif proposé est donc bien équilibré et répond à un souci de bonne justice sociale.

Les fonds d’investissement de proximité doivent être compris comme un soutien intéressant, mais pas essentiel, à la nécessaire mobilisation de l’épargne de proximité au service de l’entreprise. En effet, la région n’est pas un bon " lieu " de proximité. La mobilisation de l’épargne locale suppose un certain " patriotisme économique local " et ne peut donc se concevoir à l’échelle du pays ou du bassin d’emploi. Dans ces conditions, les fonds régionaux de proximité ne doivent être perçus que comme des instruments de placement relativement classiques, soumis à des exigences de rentabilité elles aussi classiques.

A propos de l’article 2, Mme Catherine Vautrin, rapporteure, a estimé que la création du récépissé de création d’entreprise prenait tout son sens dans le cas d’une création par la voie électronique. En revanche, dans un autre contexte, la question de son utilité et de sa véritable valeur juridique peut être discutée.

Mme Chantal Brunel s’est interrogé sur la valeur juridique comparée du récépissé et de l’actuel K bis. La cohérence juridique ne milite-t-elle pas pour sa suppression ?

M. Nicolas Forissier s’est félicité de l’engagement des réseaux consulaires de se mobiliser en faveur de la création d’entreprises. L’idée d’en faire une porte d’entrée pour accéder à l’ensemble des structures d’accompagnement est séduisante. Néanmoins, ces réseaux ne souffrent-ils pas d’un préjugé défavorable ? Ils sont parfois ressentis comme rassemblant des gens en place peu soucieux de voir émerger des entreprises nouvelles susceptibles de les concurrencer.

En réponse aux différents intervenants, M. Jean-François Bernardin a apporté les précisions suivantes :

– la vraie question est celle de la valeur juridique de ce récépissé : même si on lui en confère une, qui prendra le risque de s’engager auprès de l’entreprise sur sa seule base ? Les chambres de commerce n’ont pas le sentiment que les délais de création d’une entreprise soient trop longs dans notre pays et elles entendent lancer un audit, en liaison avec les greffes, pour connaître les délais actuels réels et à qui ils peuvent être imputés ;

– même si elles ont commencé à prendre les dispositions techniques nécessaires pour la mettre en œuvre, les chambres sont très réticentes à l’égard de la création par Internet ; d’une part, elles doutent que les nouveaux créateurs arrivent effectivement au bout des différents écrans nécessaires et les chambres risquent de se retrouver avec des documents incomplets ou irrécupérables ; d’autre part, ces nouveaux créateurs constituent justement un public que les chambres veulent accueillir pour leur prodiguer des conseils ou les accompagner ; en revanche, accepter la voie électronique pour les déclarations modificatives, qui représentent 70 % des formalités faites auprès des CFE des chambres de commerce, est une bonne chose, de nature à décharger les centres et à leur permettre de mieux remplir leur mission d’accueil et de conseil ;

– depuis plusieurs années, on assiste à une formidable mobilisation des réseaux en faveur de la création d’entreprises et on n’a entendu aucun responsable émettre des réticences quelconques à ce sujet ; tous s’accordent à considérer cette tâche comme l’une des responsabilités essentielles des chambres ; plus généralement, le sentiment que la richesse d’un bassin d’activité dépende de la prospérité de chacun des acteurs économiques présents a fait son chemin et l’on ne constate plus aucun sentiment de jalousie mesquine.

M. Alain Griset a fait observer que ceux qui doutent de la mobilisation des réseaux consulaires se sont bien souvent auto-proclamés accompagnateur d’entreprise et n’en accompagnent effectivement qu’un millier chaque année, quand les chambres des métiers accompagnent, dans le même temps, près de 80 000 créateurs.

Enfin, M. Jean-Francois Bernardin a tenu à rappeler qu’être un chef d’entreprise c’était accepter de prendre des risques, s’attacher à réaliser un projet avant d’amasser de l’argent. Cependant, ils devraient pouvoir légitimement profiter des richesses qu’ils ont contribué à créer, notamment au moment de se retirer. A cet égard, l’ISF pose un problème redoutable à bon nombre d’entreprises petites ou moyennes qu’il faudra s’attacher à résoudre.

à

à à

La Commission spéciale a procédé à l’audition de M. Albert Ollivier, directeur de la Direction du programme PME-Emploi à la Caisse des dépôts et consignations.

M. Albert Ollivier, directeur du programme PME-Emploi à la Caisse des Dépôts et Consignations, a indiqué qu’il s’occupait plus particulièrement à la Caisse des Dépôts de l’activité de capital-investissement et qu’à ce titre, deux dispositions du projet de loi le concernaient : celles relatives au fonds d’investissement de proximité (FIP) et au relèvement du taux de l’usure pour les entreprises.

En ce qui concerne le taux d’usure, il a précisé que seules quelques milliers d’entreprises en France, contre quelques dizaines de milliers aux Etats-Unis, pouvaient utiliser le mécanisme du capital-investissement : celles qui ont un potentiel de croissance relativement élevé, dont les dirigeants acceptent d’ouvrir le capital, et dont il est possible de rétrocéder les titres en bourse par la suite pour réaliser une plus-value.

Il a donc ajouté que les autres entreprises prenant des risques et ayant un besoin de financement ne le trouveront pas dans le capital-risque, et pas non plus sur le marché du crédit, étroit du fait du nombre important de crédits interentreprises, très encombré en raison de la surbancarisation. Il a précisé qu’un financement risqué par le crédit ne pouvait être acceptable pour une banque que si le taux inclut le " prix du risque ". Il a indiqué que le dispositif de l’article 17 devrait ainsi permettre de consentir des prêts qu’il est aujourd’hui impossible de faire et donc permettre la création et le développement d’entreprises innovantes ou de très petits projets, constituant un mode de financement intermédiaire entre le capital-investissement et le crédit classique, fort utile à l’économie, d’autant que les marchés boursiers concernant les petites entreprises, qu’il s’agisse du second ou du nouveau marché, sont très déprimés.

Il a rappelé par ailleurs que la prise de participation coûtait souvent plus cher à l’entrepreneur qu’un prêt même obtenu à un taux élevé.

Il a souligné qu’il était compréhensible que les entrepreneurs s’inquiètent d’une possible augmentation des tarifs des banquiers, ce qui n’est évidemment pas l’objectif et n’est pas souhaitable. Il a estimé qu’une telle évolution était cependant hautement improbable dans la mesure où, du fait de la concurrence, les banques qui font leurs marges essentiellement sur les produits collatéraux, n’auront pas intérêt à défavoriser leurs bons clients.

Concernant le dispositif du fonds d’investissement de proximité, il a rappelé que la Caisse des Dépôts connaissait bien le capital-investissement de proximité, car elle en est le principal acteur, étant actionnaire d’une soixante de fonds en régions, gérant un milliard d’euros et ayant investi dans 2 000 entreprises.

Il s’est réjoui que ce secteur ne connaisse pas aujourd’hui la même chute que celui des valeurs technologiques, étant encore en légère croissance et bénéficiaire. Il a rappelé que le capital-investissement concernait ces PME " médianes ", c’est-à-dire innovantes sans être trop technologiques, avec un chiffre d’affaires de 10 à 50 millions d’euros.

Il a estimé que ce secteur avait encore besoin de financements, car, d’une part les transmissions d’entreprises se multiplient, et d’autre part l’ouverture européenne doit conduire nos PME à se développer pour atteindre une taille critique par rapport à leurs concurrentes européennes, notamment allemandes.

Il a indiqué que le produit proposé avait des avantages et des défauts, avantages en termes notamment fiscaux, mais défauts par ailleurs si l’on ne parvient pas à y intéresser les réseaux bancaires qui peuvent seuls assurer la collecte d’épargne auprès des particuliers car il s’agit d’un véritable métier, supposant de faire appel à des gestionnaires professionnels.

Il a par ailleurs souhaité que ce régime se rapproche le plus possible de celui créé par M. François d’Aubert, le FCPI, car cela permettra aux banquiers d’avoir un référentiel pour expliquer les avantages, notamment fiscaux, du produit.

Il s’est montré en revanche plus sceptique sur l’aspect sociétal et solidariste de ces fonds.

Il a ensuite fait quelques autres remarques sur ce dispositif :

– concernant le quota d’investissement imposé en contrepartie des avantages fiscaux, il convient d’accepter à la fois l’investissement direct et indirect. L’investissement indirect pourrait être réalisé dans un FCPI existant, fonctionnant déjà bien et ayant une politique de placement analogue, ce qui permettrait d’éviter d’opposer les produits entre eux. Un plafond d’un tiers d’investissement dans des parts de fonds communs de placement à risques serait préférable aux 10 % prévus par le projet ;

– concernant la dimension géographique, il convient de ne pas fixer un champ territorial trop réduit aux FIP. La dimension régionale est un minimum, l’interrégionale est souhaitable ;

– concernant la participation des personnes morales à ces fonds, il est nécessaire de la limiter, afin d’éviter une certaine confusion des genres et des contentieux ;

– concernant le rôle des collectivités locales, il a indiqué qu’il convenait d’être très prudent et de très clairement le préciser, ainsi que leurs droits et obligations. Les élus ne doivent pas avoir la responsabilité de l’autorisation ou de l’habilitation à gérer les FIP ;

– il a précisé qu’il ne serait pas raisonnable d’autoriser les FIP à faire des prêts, les banques étant seules compétentes en ce domaine. Le FIP ne saurait donc être un outil pour les très petites entreprises car il devra investir dans des entreprises d’une certaine taille, afin d’obtenir une certaine rentabilité. Dans le cas contraire, aucun gestionnaire ne s’y intéressera.

Le président Hervé Novelli, après avoir salué la clarté des prises de position de l’orateur, a indiqué que la Commission spéciale envisageait d’étudier plus précisément la situation dans deux ou trois régions. Puis, évoquant la possibilité d’affecter une partie des sommes collectées par les fonds d’investissement de proximité (FIP) à des sociétés de caution mutuelle, il a souhaité savoir si un tel système était pertinent aux yeux de M. Albert Ollivier.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure, après avoir estimé que l’appréciation portée par ce dernier sur l’article 17 relatif au taux d’usure méritait réflexion, a demandé s’il pourrait être envisagé de réorienter les plans d’épargne en actions (PEA) et les comptes pour le développement industriel (CODEVI) vers les entreprises.

M. Gilles Carrez, rapporteur, s’est associé à cette question ainsi qu’à celle du Président Hervé Novelli concernant les organismes de caution solidaire. Il a par ailleurs souhaité savoir comment les ressources tirées des CODEVI pourraient être mieux orientées vers les très petites entreprises, ce point lui paraissant important puisque les FIP n’auront vocation qu’à intervenir en fonds propres et ne mèneront pas une activité de crédit. Il s’est enfin enquis de l’appréciation portée par M. Albert Ollivier sur les interventions de la banque du développement des petites et moyennes entreprises (BDPME) et de la société française de garantie des financements des petites et moyennes entreprises (SOFARIS) dans le domaine du financement des très petites entreprises.

En réponse aux intervenants, M. Albert Ollivier a précisé les points suivants :

– dans la plupart des pays, les activités de caution et de garantie peuvent donner lieu à des interventions massives de la part des pouvoirs publics ; ainsi, aux Etats-Unis, certains taux de garantie peuvent atteindre 95 %. Ceci semble justifié lorsqu’il s’agit d’accompagner des projets risqués, une telle activité étant nécessairement coûteuse. Elle doit alors être assurée par des fonds publics ; l’appel à l’épargne privée ne semble pas forcément le plus approprié et pourrait se révéler, lui aussi, très coûteux. L’appel à des fonds publics (qu’ils proviennent de l’Etat ou des collectivités locales, comme c’est le cas avec SOFARIS-Régions) est donc préférable. Il n’en demeure pas moins qu’un travail reste à mener afin d’améliorer l’articulation des interventions de la SOFARIS avec celles des sociétés de caution solidaire. Il est également nécessaire de promouvoir la procédure de l’appel d’offres en France, celle-ci étant pour l’instant peu utilisée, sauf dans le cas du prêt à la création d’entreprise (PCE). Le principal problème, s’agissant de l’appel à l’épargne privée, réside dans la nécessaire rentabilité du projet qui est alors attendue des investisseurs ;

– concernant le PEA, il pourrait être utilisé comme " cadre " des divers instruments qui existent aujourd’hui, tels les FIP. Il convient par ailleurs de noter que le capital sert de plus en plus à payer les salaires et les charges sociales, et de moins en moins les investissements en équipements ; le bilan d’un accompagnement pour l’Etat, qui perçoit les charges sociales, doit donc être nuancé ;

– le CODEVI constitue un instrument plus coûteux que le PEA. Il ne permet pas de proposer des prêts à taux zéro, les taux pratiqués étant en réalité proches de ceux du marché financier. Il présente néanmoins un avantage sur le long terme ;

– il est vrai que peu de dispositifs ont été prévus en faveur des très petites entreprises. Mais la croissance du nombre de telles entre prises ne doit pas constituer un objectif en soi ; c’est plutôt l’augmentation du nombre d’entreprises viables qui doit être recherché. Par ailleurs, la plupart des très petites entreprises (TPE) sont fortement dépendantes des conditions économiques locales, comme macro-économiques. Le financement des TPE relève principalement des pouvoirs publics car, pour que les banques interviennent, il faut qu’elles y aient avantage ; or les taux ne le permettent pas, pas plus qu’ils ne couvrent le risque. On compte aujourd’hui entre 30 000 à 40 000 très petites entreprises. Il n’est cependant pas souhaitable de créer artificiellement 40 000 très petites entreprises supplémentaires ; certains chefs de ces entreprises sont en réalité " dos au mur " et perçoivent, un an après la création de l’entreprise, un revenu inférieur au SMIC. On doit également éviter de créer des entreprises qui, si elles ne sont pas un échec, ne sont pas pour autant une réussite et ne se développent pas : le coût de leur accompagnement est alors élevé. En tout état de cause, il ne semble pas pertinent d’intervenir massivement dans ce domaine ; une meilleure utilisation des dispositifs existants devrait permettre de répondre aux attentes des créateurs.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure, a alors souhaité connaître la position de M. Albert Ollivier sur la question des externalisations.

M. Albert Ollivier, observant la tendance actuelle à une concentration des grands groupes a estimé que l’externalisation était, dans certains cas, justifiée, en raison des compétences des entreprises sous-traitantes. Pour autant, a-t-il jugé, il existe une " externalisation négative " qu’il convient de refuser, consistant à pousser certains salariés à créer leur propre entreprise afin de traiter ultérieurement avec eux, dans le seul but d’éviter un certain nombre de contraintes. Il est donc préférable que l’externalisation soit le fait de grands groupes, dotés d’une direction des ressources humaines et de l’organisation nécessaire pour la gérer.

Mme Chantal Brunel a tout d’abord expliqué qu’elle partageait la position de M. Albert Ollivier qui s’est montré défavorable à la participation des collectivités territoriales au capital des fonds d’investissement de proximité (FIP) mais elle s’est interrogée sur les partenaires financiers qui contribueront au lancement des FIP. Elle a indiqué qu’à ce stade, une intervention des collectivités publiques lui paraissait indispensable même si les modalités de rémunération des apporteurs de capitaux n’étaient pas encore clairement définies.

En réponse, M. Albert Ollivier a précisé que l’intervention des collectivités publiques lui paraissait indispensable pour préparer la création des fonds d’investissement de proximité (étude de faisabilité, recherche de partenaires financiers, soutien logistique) mais qu’en revanche il ne lui paraissait pas souhaitable que les collectivités publiques, notamment les collectivités territoriales, participent directement au capital de ces fonds. Il a ajouté qu’il conviendrait d’étudier avec attention le seuil critique à partir duquel un fonds d’investissement de proximité peut prendre des participations dans des sociétés en cours de création, ce seuil critique étant de 10 à 15 millions d’euros, en deçà le fonds d’investissement de proximité ayant plutôt intérêt à s’adresser à des structures spécialisées de gestion de capital-risque, ce qui le conduira à soutenir indirectement des sociétés innovantes.

Le président Hervé Novelli, tout en prenant acte des observations de M. Albert Ollivier, selon lesquelles les fonds d’investissement de proximité sont destinés à financer des PME de taille médiane dont le chiffre d’affaires devrait être compris entre 10 et 50 millions d’euros et non pas des très petites entreprises, a souligné que ce projet de loi avait une vocation pédagogique ; il manifeste la volonté d’inciter un grand nombre de Français à créer leur propre entreprise et il convient donc de trouver des moyens pratiques pour faciliter le financement des micro-entreprises car elles contribuent à propager le désir d’entreprendre.

M. Nicolas Forissier, rejoignant M. Hervé Novelli, a fait part de son désaccord avec l’analyse de M. Albert Ollivier et a fait remarquer que six millions de Français avaient un projet précis de création d’entreprise, ce qui démontre bien que la création d’entreprise ne concerne pas seulement les chômeurs incapables de retrouver une activité salariée.

Il a estimé que deux niveaux d’intervention devaient être créés pour aider au financement de la création d’entreprise : le niveau régional ou interrégional pour financer des PME de taille médiane et le niveau local organisé autour des bassins d’emploi pour aider à la création de micro-entreprises en s’appuyant sur les réseaux existants comme par exemple les plateformes d’initiative locale. Il a également souligné que la reprise et la transmission d’un commerce pouvait être rendue possible grâce à la mobilisation d’une véritable épargne de proximité.

Mme Chantal Brunel, tout en rejoignant l’analyse de M. Nicolas Forissier sur la nécessité de créer deux types de structure d’aide à la création d’entreprise, une pour les PME et l’autre pour les micro-entreprises, a fait remarquer que M. Albert Ollivier avait une vision réaliste de la difficulté à mener à bien un projet de création d’entreprise et qu’il convenait donc de ne pas inciter exagérément les porteurs de projet à créer leur propre entreprise si leurs qualités entreprenariales semblent incertaines.

M. Albert Ollivier a indiqué que beaucoup de créateurs d’entreprise dans le domaine des nouvelles technologies avaient échoué car ils ne possédaient pas assez d’expérience professionnelle pour être capables d’être à la fois innovants et gestionnaires, observant que des cadres plus âgés auraient eu beaucoup plus de chances de mener à bien le développement d’entreprises dans ce secteur. C’est pourquoi il a estimé important de ne pas être trop volontariste en matière de création d’entreprise, l’essentiel étant d’encourager des projets qui auront une certaine pérennité.

Abordant la question de la transmission des commerces et des activités artisanales, qu’il a jugée essentielle, il a indiqué que la difficulté principale était que les commerçants et artisans souhaitaient une valorisation de leur fonds de commerce beaucoup trop forte par rapport aux moyens dont disposent les jeunes repreneurs pour racheter ces activités. Pour le commerce et l’artisanat, le système du prêt participatif paraît beaucoup plus adapté que celui du FIP.

M. Albert Ollivier a conclu en indiquant que les fonds d’investissement de proximité ne pouvaient pas financer les très petites entreprises car les très petites entreprises ont un capital social très modeste, ce qui rend la prise de participation dans de telles entreprises sans aucune signification économique. D’autres structures, telles que les plates-formes d’initiative locale existent pour les TPE.

Il a enfin attiré l’attention des parlementaires sur le fait que la mobilisation d’une épargne de proximité avait un coût de gestion très élevé et qu’il convenait donc soit de créer des fonds d’investissement de proximité ayant une large assise géographique pour amortir les frais de prospection commerciale, soit de déléguer au réseau bancaire le soin de collecter cette épargne de proximité.

àà à

La Commission spéciale a ensuite auditionné M. Robert Buguet, président de l’Union des professions artisanales (UPA) et M. Jean-François Roubaud, Président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME).

M. Robert Buguet, président de l’Union des professions artisanales (UPA), a observé que le projet de loi pour l’initiative économique était attendu depuis longtemps mais qu’il était le fruit d’un cheminement lent, le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, ayant annoncé par ailleurs des ordonnances de simplification et un second projet de loi relatif au statut de l’entreprise.

D’une manière générale, l’UPA est satisfaite du projet de loi et propose à la Commission spéciale d’examiner directement les suggestions d’amendements qui lui ont été transmises. L’UPA se félicite de l’institution de la SARL à un euro, elle émet des réserves sur le projet de fonds d’investissement de proximité (FIP) en considérant qu’il serait peut-être souhaitable d’améliorer les dispositifs de financement déjà existants.

Il apparaît que les suggestions d’amendements se heurtent, de la part de l’administration des finances, à l’argument de la perte de recettes fiscales dès que les propositions sont coûteuses.

Les projets d’ordonnances de simplification pourraient comporter des mesures relatives à la question du collecteur unique des cotisations sociales. Il faut considérer que le rôle du collecteur unique doit être précisé dans le sens des dispositions adoptées lors de la précédente législature, en évitant le maintien de pesanteurs administratives. Les textes sont trop complexes et il est indispensable de simplifier la collecte des cotisations sociales. L’UPA avait proposé des mesures concrètes dont seulement un tiers, environ, ont été mises en œuvre. Il faut donc préalablement réaliser les simplifications au lieu de faire de l’institution du collecteur unique une sorte de panacée. Sachant qu’environ 80 % des entreprises ont opté pour le prélèvement automatique des cotisations sociales, l’institution d’un collecteur unique présente moins d’intérêt qu’on ne lui en prête. En revanche, il conviendrait de modifier le régime de liquidation des cotisations sociales qui sont calculées sur la base de l’année n–1 et régularisées en n+1. L’UPA a suggéré d’appliquer à ces cotisations le régime de liquidation de l’impôt sur le revenu afin de simplifier une gestion difficile pour les entreprises de leurs cotisations sociales, une telle complexité ne semblant avoir pour unique objet que de justifier des emplois de gestionnaires au sein des organismes collecteurs.

Un autre exemple de simplification concerne les indemnités journalières qui, lorsqu’elles relèvent de l’assurance maladie sont gérées par la CNAM, mais, lorsqu’elles constituent des prestations d’invalidité, relèvent de la CNAV. Chaque caisse entretient un corps distinct de médecins de contrôle, ce qui oblige à au moins deux visites médicales avec des résultats parfois différents. L’UPA demande depuis quatre ans l’institution d’un corps unique de médecins, ce qui permettrait de simplifier la gestion aussi bien pour les caisses que pour les ayants droit.

M. Jean-François Roubaud, Président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, a expliqué que la CGPME transmettrait à la commission spéciale un dossier complet comprenant l’analyse de la confédération sur le projet de loi et les améliorations qu’il serait souhaitable d’y apporter. La CGPME exprime son accord avec le Gouvernement sur le projet de loi pour l’initiative économique, particulièrement à propos des dispositions concernant la SARL à un euro, le récépissé de création d’entreprise et la protection juridique de la résidence principale de l’entrepreneur (article 6), même s’il convient, sur ces différents points, d’éviter une trop grande complexité ou un excès de formalisme juridique.

Sur l’article 7, on peut estimer que l’interdiction d’opposer une clause d’exclusivité au salarié créateur est trop rigide et l’on peut envisager d’assouplir le texte.

Il conviendrait également d’améliorer la rédaction de l’article 9 qui facilite le travail à temps partiel du salarié créateur d’entreprise.

Le dispositif des fonds d’investissement de proximité, prévu par l’article 13, doit être amélioré afin que les PME ne soient pas exclues de fait de son champ. Il serait souhaitable de fixer un plafond de chiffre d’affaires de 7 millions d’euros pour définir les entreprises éligibles aux fonds. Il conviendrait de s’inspirer de l’exemple canadien des sociétés locales d’investissement. Enfin, une inquiétude apparaît quant aux conditions de sortie du capital de l’entreprise dans laquelle la participation a été réalisée par l’intermédiaire du FIP, lorsqu’il s’agit d’une entreprise de type patrimonial.

Le relèvement du plafond des taux de l’usure, prévu à l’article 17, supposé permettre un accès plus facile des PME au crédit suscite des réserves. En réalité, les conditions du prêt dépendent principalement de la garantie que peut apporter l’entreprise. On observe également que les petits dossiers sont d’un coût de gestion élevé qui suscite les réticences des banques. La solution consisterait à extraire du calcul du taux effectif global du prêt la fraction correspondant au financement du montage du dossier.

L’article 22 relève les seuils permettant l’exonération des plus-values pour les petites entreprises. La CGPME rappelle sa demande ancienne qui consiste à aligner le régime des plus-values professionnelles sur celui des plus-values immobilières des particuliers, afin de réaliser une exonération complète après un délai de vingt-deux ans. S’agissant de la mesure d’étalement sur trois ans du paiement des plus-values annoncée par le Gouvernement, il conviendrait de porter le délai à cinq ans.

L’article 24 propose d’encourager la transmission anticipée de l’entreprise. Il convient d’observer que le dispositif d’exonération des droits de succession à hauteur de 50 % de la valeur de l’entreprise, en contrepartie de l’engagement de conserver les titres pour une durée de six ans au moins, n’a eu presque aucun effet, en raison de sa complexité. L’extension de ce dispositif aux donations, telle qu’elle est proposée, ne sera viable que si la condition de délai est moins restrictive et s’insère mieux dans un cycle économique plus court.

Enfin, l’article 26 améliore le régime des droits d’enregistrement en matière de cession de parts sociales et de biens immobiliers à usage industriel et commercial. Il conviendrait de doubler l’exonération proposée en la portant à 46 000 euros, compte tenu du montant moyen des transactions.

Par ailleurs, la CGPME suggère l’adoption de trois articles additionnels : il conviendrait d’étendre le dispositif de réduction d’impôt pour investissement dans le capital d’une société non cotée au cas des avances ou des prêts sans intérêt ou à faible taux consentis directement aux entrepreneurs individuels. Il serait souhaitable d’améliorer la situation sociale du conjoint collaborateur. Enfin, il serait nécessaire de proroger après le 31 décembre 2003 la période transitoire pendant laquelle le taux de majoration des heures supplémentaires, en cas de dépassement du temps de travail au-delà de la trente-sixième heure hebdomadaire, est de 10 %.

En ce qui concerne le volet simplification, le président Hervé Novelli a indiqué que la Commission spéciale pourrait compléter le projet de loi. La Commission s’interroge par ailleurs sur la possibilité pour les FIP de faire accéder les entreprises individuelles ou les très petites entreprises au crédit, la prise de participations étant impossible dans une entreprise individuelle et difficile dans les TPE. Ayant bien noté les réserves exprimées par MM. Robert Buguet et Jean-François Roubaud sur le déplafonnement du taux de l’usure, le Président Hervé Novelli a indiqué que d’autres interlocuteurs avaient été d’avis contraire.

M. Robert Buguet a répondu que, s’il existe des PME n’ayant pas la capacité d’offrir de garantie, mais étant prêtes à payer 16 ou 18 % d’intérêts et des banquiers disposés à prendre le risque de prêter sans garantie, il convient pourtant de s’interroger sur les conséquences de l’augmentation du taux de l’usure, alors que l’ancien taux permettait de garantir un niveau d’intérêts raisonnable.

En ce qui concerne l’apport de fonds propres au capital de PME, l’action de la BDPME et de la SOFARIS n’a pas permis de mettre en place des prêts pour les artisans. Il faudrait pourtant offrir une réponse aux petites entreprises qui ont besoin de sommes peu élevées et créent l’essentiel de l’emploi et de la richesse.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure, a souligné que les avis étaient partagés sur le déplafonnement du taux de l’usure et qu’une étude d’impact serait nécessaire. Peut-être une alternative pourrait-elle être trouvée avec les prêts à la création d’entreprise. Il conviendrait alors de s’interroger sur leur amélioration.

En ce qui concerne l’article 6, portant sur la distinction entre patrimoine professionnel et patrimoine privé, la question de la complexité des démarches et de leur coût doit être étudiée. Un système déclaratif simple semblerait être une meilleure solution.

L’article 7, relatif à l’opposabilité de la clause d’exclusivité au salarié créateur d’une entreprise, devrait être complété par la réaffirmation de l’obligation de loyauté et de réserve du salarié qui figure dans le code du travail. Il faut non seulement accompagner le salarié dans sa démarche mais également veiller à pérenniser les activités existantes.

En outre, le statut du salarié futur créateur d’entreprise nécessiterait un accord entre le salarié et son employeur et leur travail en commun doit être considéré comme un gage de succès.

La mise en place de mesures de simplification peut, par ailleurs, être engagée dans le cadre du projet de loi sans attendre les ordonnances de simplification, notamment en ce qui concerne le " chèque premier emploi " qui pourrait aller jusqu’à concerner trois contrats à durée indéterminée. Beaucoup d’artisans travaillent seuls et s’ils embauchaient des salariés, ils constitueraient un levier d’emploi intéressant. Dans le même esprit, le " chèque premier emploi " pourrait être adapté aux besoins de main-d’œuvre ponctuels.

Enfin, la transmission des entreprises est freinée parce que les entrepreneurs, au moment de la retraite, préfèrent cesser leur activité plutôt que d’engager les investissements liés aux obligations de mise aux nouvelles normes.

M. Gilles Carrez, rapporteur, a indiqué qu’une partie des propositions d’amendements présentées par MM. Robert Buguet et Jean-François Roubaud était liée au problème de l’accès au prêt. Les FIP pourraient se voir confier une activité de prêt. Cependant, il faut bien considérer que deux métiers différents seraient en cause : la prise d’investissement sous la forme de l’apport de fonds propres, d’une part, et le prêt, d’autre part. Il serait peut-être envisageable de suivre une voie médiane et d’ouvrir aux FIP la possibilité de doter des fonds de garantie. Le Rapporteur a, à cet égard, souhaité avoir l’éclairage des personnes auditionnées sur le fonctionnement des sociétés de caution mutuelle. Le constat selon lequel la SOFARIS n’aurait atteint aucun artisan pose problème car l’épargne de proximité doit aller vers les entreprises individuelles.

En ce qui concerne la proposition visant à instaurer un mécanisme de lissage de l’exonération des plus-values professionnelles, il faut souligner que le relèvement du plafond d’exonération proposé par le projet de loi représente les deux tiers de la dépense fiscale. L’effort fait est considérable, plus de 80 % des cessions de commerces seraient exonérées.

M. Robert Buguet a rappelé la proposition déjà faite d’un crédit d’impôt pour les investissements de mise aux normes qui aurait facilité la transmission des entreprises. Cette suggestion n’a jamais été mise en œuvre.

Si les artisans travaillent le plus souvent seuls, il faut savoir qu’il s’agit d’un choix délibéré de leur part. Cependant, depuis trente ans, le nombre des entreprises artisanales est resté stable (800 000) mais la proportion d’artisans travaillant seuls est passée de 60 % à 40 % et la taille moyenne des entreprises de 1,5 salarié à 4 salariés. Un million d’emplois pourrait être créé dans un délai de dix ans.

M. Robert Buguet a ensuite rappelé son engagement pour simplifier la fiche de paie et souligné que celle-ci comporte sept lignes en Allemagne et six en Grande-Bretagne, contre trente en France. La solution ne consiste pourtant pas à faire la fiche de paie à la place des entrepreneurs qui veulent rester des chefs d’entreprise et assumer les obligations et responsabilités qui leur incombent, mais bien à s’interroger sur la nécessité de conserver, pour les versements effectués auprès de l’URSSAF, des formalités administratives devenues trop complexes.

M. Jean-François Roubaud a plaidé, s’agissant du régime d’exonération des plus-values professionnelles, en faveur d’un alignement sur la fiscalité immobilière, faisant valoir qu’un chef d’entreprise qui, au bout de vingt-deux ans d’activité, cède son fonds de commerce, a le sentiment de subir une double taxation. Par ailleurs, le régime d’imposition des plus-values professionnelles nuit à la transmission des entreprises et entraîne ainsi la perte de 200 000 emplois par an. Un alignement du régime d’exonération des plus-values professionnelles mobilières sur le régime des plus-values immobilières constituerait une mesure simple et équitable.

à

à à

La Commission spéciale a auditionné M. Philippe Dupont, vice-président de la Fédération bancaire française.

M. Philippe Dupont, vice-président de la Fédération bancaire française, a considéré que le projet de loi était globalement satisfaisant, tant en ce qui concerne les simplifications administratives qu’en ce qui concerne les allègements de charges sociales et fiscales, ou encore les mesures destinées à faciliter le passage du statut du salarié à celui d’entrepreneur. Il a estimé que le texte présenté répondait aux intérêts et aux attentes des entrepreneurs et devrait, par conséquent, favoriser l’initiative économique.

Il a ensuite souhaité évoquer les dispositions relatives au fonds d’investissement de proximité (FIP) et au déplafonnement du taux d’usure, ainsi que la question de l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises.

Après avoir souligné que sa propre expérience d’entrepreneur, ajoutée à ses activités bancaires actuelles, lui permettait d’envisager ces questions sans partialité, il s’est élevé contre certains préjugés sur l’économie française, considérée comme excessivement réglementée et par conséquent moins attractive que celle d’autres pays, et contre l’idée selon laquelle seules les banques pouvaient apporter des réponses à la démarche entrepreneuriale et étaient les principales responsables du retard français en matière de créations d’entreprise.

Il a rappelé que le groupe Banques Populaires avait soutenu la création de 60 000 entreprises l’année dernière, par le biais de son réseau régional. Il a estimé, que dès lors que le projet du futur entrepreneur s’appuyait sur les relais et les filtres existants, une grande partie des problèmes liés à la création d’entreprise se trouvait résolue. Il a indiqué que les acteurs du secteur bancaire tendaient de plus en plus fréquemment à passer des accords avec ces réseaux pour effectuer la sélection des projets. Il a également rappelé que les professions comptables et juridiques contribuaient aussi au processus de filtrage.

Il a estimé que, lorsque la phase préalable de sélection des projets avait été correctement menée, les banquiers étaient en mesure d’évaluer l’importance du risque caractérisant le projet présenté. Il a ajouté que cette évaluation était d’autant plus indispensable que deux entreprises sur trois connaissaient une faillite au cours des trois années suivant leur création.

Il s’est ensuite interrogé sur les moyens à mettre en œuvre pour faire preuve d’une plus grande audace dans le financement des projets. Il a rappelé que dans le passé des prêts, dont la rémunération était indexée sur des indicateurs de performance, avaient été mis en place avec le CEPME et a estimé que les dispositions du projet sur le taux d’usure, en permettant une indexation de la rémunération sur le risque pris, allaient dans le même sens. Il s’est élevé contre les stéréotypes entourant la notion d’usure et a estimé que les acteurs du secteur bancaire, s’ils n’étaient pas désintéressés, étaient de véritables entrepreneurs.

Il a assuré qu’il était indispensable, pour libérer les énergies, d’indexer la rémunération des prêts sur la performance des entreprises, ce procédé étant le seul moyen de soutenir de bons projets lorsque ceux-ci étaient portés par des personnes morales ne disposant ni des fonds propres ni des garanties nécessaires. Il a jugé que le taux d’usure actuel de 8 % était notoirement insuffisant pour permettre aux banques de s’engager sur certains projets et il estimé que l’article 17 du projet de loi leur permettrait de soutenir davantage de créations, ou de reprises, et donneraient aux entreprises les moyens de faire face à certaine crises conjoncturelles ou de croissance et d’éviter qu’elles ne se transforment en problèmes structurels.

Il a jugé utile le dispositif de fonds d’investissement de proximité tout en s’interrogeant sur la mise en jeu de la responsabilité des banques en tant que conseil, en cas d’échec des produits soutenus par les FIP. Il a enfin indiqué que les modalités selon lesquelles les particuliers pouvaient sortir des fonds d’investissement de proximité ne l’avaient pas entièrement convaincu.

Le président Hervé Novelli après avoir remercié M. Philippe Dupont d’avoir centré son propos sur les deux sujets les plus débattus au sein de la commission, a observé que les dispositions de l’article 17 faisaient l’objet d’une appréciation divergente des banques, d’une part, et des entreprises de l’autre, celles-ci craignant une poussée inflationniste des taux. Il a indiqué que le dispositif des fonds d’investissement de proximité conduisait à s’interroger sur la possibilité d’élargir l’accès au crédit en permettant aux fonds d’investissement d’octroyer des prêts et non plus seulement de procéder à des apports en capital.

M. Gilles Carrez, rapporteur, a tout d’abord évoqué le problème du financement des PME par les banques qui semblent adopter, depuis le début des années 1990, des pratiques plus restrictives dans ce domaine. Il a indiqué que de nombreux entrepreneurs faisaient part de leurs difficultés à obtenir les crédits qui leur sont nécessaires et que cette situation expliquait le souhait de nombreux professionnels de voir les fonds d’investissement de proximité distribuer des prêts. Compte tenu des spécificités du métier de banquier, il a craint qu’une telle mesure ne mette en péril l’épargne investie par les particuliers dans ces fonds. Il a estimé qu’une solution envisageable pourrait être l’orientation des ressources de ces fonds vers des sociétés de caution mutuelle qui, à leur tour, pourraient garantir des crédits.

M. Philippe Dupont a estimé qu’une contraction du crédit n’était pas constatée dans le secteur des PME. Il a rappelé l’expérience des 43 sociétés de caution mutuelle artisanale (SOCAMA) du groupe des Banques Populaires qui couvre 70 % du marché des cautionnements et dans les instances desquelles un problème d’accès des PME au crédit n’est pas évoqué. Il a, en outre, rappelé que la très vive intensité de la concurrence dans le secteur bancaire favorisait l’accès au crédit dont le développement est attesté par la progression des encours des prêts en 2002.

M. Philippe Dupont a également souligné le niveau extrêmement faible, en raison de l’intensité de la concurrence, de la marge d’intermédiation du secteur bancaire français qui s’établit en 2002 à 1,14 %, niveau très faible par rapport aux autres pays et auquel il a estimé difficile qu’un secteur bancaire puisse longtemps vivre. Il a donc estimé que le problème de l’accès au crédit ne se posait pas pour des projets crédibles et qu’il était de la responsabilité du banquier de refuser de financer ceux qui ne le sont pas, dans l’intérêt des entrepreneurs eux-mêmes.

Evoquant ensuite la modification du taux de l’usure, M. Philippe Dupont a jugé infondées les craintes d’une explosion des taux d’intérêt et des marges des banques, compte tenu de la concurrence. Il a donc estimé opportune cette mesure qui permettra le financement de projets porteurs d’un risque plus grand justifiant une rémunération supplémentaire.

M. Hervé Novelli a estimé qu’un bilan de cette mesure devrait être réalisé 18 à 24 mois après sa mise en œuvre.

Mme Chantal Brunel a déclaré partager les analyses de M. Gilles Carrez et a jugé indéniable que les exigences des banques vis-à-vis des PME s’étaient considérablement accrues depuis 10 ans. Puis, elle a souligné l’importance de la question des délais de paiement qui fragilisent de nombreuses PME. Enfin, notant que le secteur bancaire semblait réservé vis-à-vis des fonds d’investissement de proximité, elle a souhaité savoir à quelles conditions celui-ci pourrait s’y intéresser, ce qui conditionne leur succès.

M. Philippe Dupont a rappelé que les banques mettaient à la disposition de leurs clients des outils comme l’affacturage leur permettant de s’adapter aux délais de paiement.

Il a ensuite jugé essentiel que les fonds d’investissement de proximité se dotent de l’expertise nécessaire à l’étude des dossiers qui leur seront soumis et estimé que les professionnels dont cette activité est le métier étaient les mieux placés pour conseiller les décideurs sur la pertinence d’engager de l’épargne publique dans telle ou telle entreprise. Il a toutefois rappelé que les statistiques disponibles relatives à la survie des très petites entreprises (TPE) conduisaient à s’interroger sur la liquidité et la rentabilité potentielle de l’investissement des fonds d’investissement de proximité dans ces entreprises.

M. Nicolas Forissier a souhaité connaître le sentiment de M. Philippe Dupont sur l’aire géographique couverte par les fonds d’investissement de proximité que le projet de loi prévoit d’étendre au maximum à une ou deux régions, ce qui leur permettrait de bénéficier d’un effet de taille, mais qui pourrait également être beaucoup plus restreinte, ce qui pourrait favoriser la collecte d’une épargne désireuse de s’investir dans les projets de proximité.

Puis, il a déclaré partager pleinement les analyses de M. Gilles Carrez et de Mme Chantal Brunel en estimant qu’il existait un réel problème de financement des TPE et des PME par le secteur bancaire. Il a rappelé à cet égard l’effet négatif de la centralisation de certains réseaux bancaires dont les règles conduisent à dessaisir les directeurs d’agences locales, particulièrement aptes à évaluer la pertinence d’un projet, au profit du niveau régional ou national pour des montants d’engagement faibles.

M. Philippe Dupont a estimé que plus l’aire couverte par les fonds d’investissement de proximité sera grande, plus ils seront à même de procéder à la nécessaire division de leurs risques. Il a ensuite renouvelé ses interrogations quant aux possibilités de garantir la liquidité des sommes investies dans ces fonds.

Après avoir indiqué la diversité des pratiques en vigueur au sein des établissements de crédit membres de la Fédération bancaire française, il a rappelé que le groupe des Banques Populaires était constitué de 22 entités régionales autonomes en matière de crédit et qu’il présentait la spécificité d’être structurellement emprunteur net sur le marché puisqu’il distribue plus de crédit qu’il ne collecte d’épargne. Il a également indiqué que l’action des sociétés de caution mutuelle permettait de faciliter l’octroi de prêts rapides dans les agences du réseau et que des évolutions du régime juridique de ces sociétés, aujourd’hui pénalisées par leur assujettissement à l’impôt sur les sociétés, permettraient d’accroître encore leur efficacité.

M. Gilles Carrez, rapporteur, a tenu à interroger M. Philippe Dupont sur les conséquences de la modification du ratio Mac Donough sur le coût du crédit aux petites et moyennes entreprises.

M. Philippe Dupont a indiqué que l’ancien ratio Cooke reposait uniquement sur l’exigence quantitative d’affectation de 6 % de fonds propres en contrepartie de risques et d’emplois à servir. Ce taux a ensuite été augmenté à 8 % à la demande des agences de rating, ce qui prouve que les régulateurs ne sont pas les seuls à se préoccuper de la stabilité des marchés financiers. Le système actuellement en cours d’élaboration par le comité de Bâle repose sur une prise en compte des risques en fonction de la notation de l’entreprise à qui est délivré le crédit. Ce risque est ensuite pondéré de manière à déterminer le niveau de fonds propres souhaitable. Ce dispositif présente l’avantage de fournir un outil de prévention du risque systémique qui s’est produit dans certains systèmes bancaires, comme celui de l’Argentine. Le nouveau dispositif, qui entrera en vigueur en 2006, conduira les banques à affecter une quantité de fonds propres dans leur bilan variable en fonction de l’importance du risque pris vis-à-vis d’une entreprise. Les entreprises bénéficiant d’une bonne notation auront accès aux crédits à des taux inférieurs à celle dont la notation est moins bonne alors qu’aujourd’hui les banques ont des marges supérieures sur les grandes entreprises que sur les petites qui présentent pourtant des risques plus importants. Il ne devrait pas pénaliser les petites entreprises, si elles sont financièrement saines.

Il faut rappeler par ailleurs que les banques françaises ont des taux de marge très bas. A titre d’exemple, le " seuil critique Trichet ", censé prévenir l’octroi de prêts immobiliers en dessous d’un certain seuil, n’est pas respecté ; 80 % d’entre eux sont actuellement accordés en dessous de ce seuil dans le réseau des Banques Populaires. C’est pourquoi les risques liés au relèvement du taux de l’usure apparaissent dérisoires.

Mme Chantal Brunel a indiqué que le réseau bancaire traditionnel octroyait des crédits sous des conditions très strictes. Pour reprendre une entreprise, il faut par exemple avoir 50 % d’apport personnel. A cet égard, la soustraction de la résidence personnelle des garanties données par l’emprunteur procède d’une bonne intention, mais risque de diminuer encore la propension des banques à prêter.

M. Philippe Dupont a indiqué que les banques ne pouvaient pas être seules à soutenir des projets risqués, qui justifient l’intervention de garanties publiques.

Mme Chantal Brunel a estimé que ce point de vue posait un problème politique. Dans la mesure où l’Etat ne peut pas financer les entreprises privées, pourquoi reviendrait-il aux collectivités locales de se substituer aux banques pour financer la création d’entreprise ?

M. Philippe Dupont a réaffirmé que les taux d’intérêt étaient actuellement très bas et ne permettaient pas aux banques de financer des projets risqués. L’augmentation du taux de l’usure pour les entreprises prévue par l’article 17 est intéressante puisqu’elle permettrait une juste rémunération du risque pris par les établissements de crédit.

àà

La Commission spéciale a procédé à l’audition de MM. Michel Tudel, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, Jean-François Humbert, vice-président du Conseil supérieur du notariat, de Mme Eglantine Granvilliers, au titre du Conseil de l’Ordre des avocats et de MM. Jacques-Philippe Gunther, Pierre Lafon et Michel Pitron au titre du Conseil national des barreaux.

M. Michel Tudel, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, a relevé que la profession des commissaires aux comptes était globalement satisfaite par les dispositions du projet de loi. Il en était notamment ainsi de son article 6 relatif à l’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur, de ses articles relatifs au statut du travailleur indépendant, même s’il apparaît nécessaire de prêter attention au danger de requalification en relation salariale, de son article 13 relatif à l’épargne de proximité, même s’il apparaît nécessaire que celle-ci puisse avoir pour objet le prêt et non pas seulement la participation au capital, ainsi que de son article 18 relatif à la forfaitisation des cotisations sociales du travailleur non salarié.

M. Jean-François Humbert, vice-président du Conseil supérieur du notariat, a également exprimé la satisfaction de la profession notariale quant à l’appréciation d’ensemble sur le projet de loi. S’agissant de la possibilité de créer des sociétés anonymes à responsabilité limitée (SARL) dotées initialement de peu de capital, il a précisé que l’obligation qui est actuellement faite de reconstituer le capital initial en cas de diminution des capitaux propres au-dessous de la moitié du capital social n’aurait désormais que peu de sens puisque, précisément, ce capital initial serait fixé à un niveau faible. Il s’est ensuite réjoui de la possibilité de la délivrance d’un récépissé au moment de la déclaration initiale de la création de l’entreprise, dès lors que cette déclaration est accompagnée du dépôt de l’ensemble des pièces nécessaires à cette création. Ce dispositif devrait permettre d’éviter des difficultés inhérentes à la période intermédiaire actuellement existante, qui sépare le moment de la déclaration initiale de la création de l’entreprise et la délivrance du récépissé existant. S’agissant de la possibilité offerte à l’entrepreneur de déclarer l’insaisissabilité de son domicile principal au titre de ses activités professionnelles, l’obligation qui lui est faite de publier un extrait de la déclaration correspondante, initialement publiée au bureau des hypothèques, dans un journal d’annonces légales est sans doute superfétatoire, voire inutile. Dans cette matière, en effet, la seule publication effectivement utile est celle qui est réalisée auprès de la conservation des hypothèques.

S’agissant des mesures fiscales, elles sont globalement satisfaisantes. Cependant, la mesure tendant à réduire de moitié le montant des droits d’enregistrement pour transmission anticipée d’entreprise ne devrait sans doute pas concerner les seules donations en pleine propriété. En effet, si l’on prend l’exemple des donations concernant les entreprises familiales de taille moyenne, la pratique montre que ces donations sont en grande partie réalisées en nue-propriété, ce qui permet aux parents de bénéficier, même après que ces donations ont été effectuées, des revenus afférents à l’activité de ces entreprises et du pouvoir de décision attaché au droit de vote en assemblée générale. Enfin, s’agissant des incitations fiscales pour l’investissement dans les entreprises nouvelles, il pourrait être globalement plus efficient de substituer des mesures fiscales tendant à prévoir une exonération des plus-values à venir, à des mesures prévoyant des réductions d’impôt sur le revenu à l’entrée dans le capital.

Au titre du Conseil de l’Ordre des avocats, Mme Eglantine Granvilliers a estimé que le projet de loi était un texte clair, très porteur d’améliorations. S’agissant plus précisément de la possibilité offerte à l’entrepreneur de déclarer l’insaisissabilité de son domicile principal au titre de ses activités professionnelles, l’obligation faite à cet entrepreneur d’enregistrer la déclaration d’insaisissabilité au bureau des hypothèques par l’intermédiaire, sous peine de nullité, d’un notaire, n’apparaît cependant pas adéquate et complexifierait inutilement la procédure d’enregistrement. Cet enregistrement ne constitue en aucun cas un acte de mutation et, en conséquence, il pourrait être réalisé par l’intermédiaire d’un avocat. En tout état de cause, les exigences juridiques et formelles qui sont celles, classiquement, des conservateurs des hypothèques constituent des garanties suffisantes quant à la qualité de la procédure d’enregistrement de l’insaisissabilité.

S’agissant de l’exception aux règles de domiciliation de l’entreprise prévue à l’article 4, il conviendrait de préciser que la possibilité offerte d’établir son entreprise au lieu de son domicile, ne peut être exclusive du respect des dispositions propres à l’exercice des professions réglementées. S’agissant du dispositif de l’article 23 relatif à la réduction d’impôt au titre des intérêts d’emprunts pour l’acquisition d’une fraction du capital de certaines sociétés, il serait opportun que la condition aux termes de laquelle cette acquisition confère à l’acquéreur la majorité des droits de vote attachés aux titres de la société reprise ne concerne pas les opérations réalisées par les personnes exerçant une profession libérale. En effet, l’acquisition par ces personnes de parts du capital de sociétés porte souvent sur une fraction minoritaire de ce capital.

Plus généralement, le projet de loi pour l’initiative économique aurait pu opportunément prévoir la création d’un plan d’épargne spécifiquement dédié à la création d’une entreprise.

Au titre du Conseil national des barreaux, M. Jacques-Philippe Gunther a relevé que si certaines dispositions du projet de loi pour l’initiative économique visaient expressément les professions libérales, d’autres dispositions semblaient, en l’état de leur rédaction, ne pas pouvoir les concerner. Il serait ainsi regrettable que les dispositions relatives au droit au congé ou à une période de travail à temps partiel pour création ou reprise d’entreprise ne puissent pas bénéficier aux personnes exerçant une profession libérale.

S’agissant de la simplification des formalités déclaratives et administratives, il serait opportun que les documents que doit joindre le nouvel entrepreneur en annexe à l’enregistrement de la création de son entreprise puissent aussi faire l’objet d’une transmission par voie électronique sécurisée par un dispositif de signature électronique. En outre, le dispositif relatif à la déclaration en ligne de la création d’une entreprise ne prévoit pas, dans ce cas, de dispositions spécifiques concernant les formalités de publicité légale. La publicité par l’intermédiaire d’un journal d’annonces légales semble, en l’espèce, archaïque. Il pourrait donc être opportun de prévoir la création d’un journal d’annonces légales en ligne.

En ce qui concerne le taux des droits d’enregistrement des cessions de parts sociales, il serait opportun d’étudier un régime unifié pour les cessions de sociétés par actions, qui font l’objet d’un droit de 1 % plafonné à 3 023 euros, et pour les sociétés dont le capital n’est pas divisé en actions, qui font l’objet d’un droit de 4,8 %.

Sur la forme juridique de l’entreprise, le développement des sociétés par actions simplifiées (SAS) gagnerait sans doute à être favorisé en raison de la souplesse que cette forme offre ; il pourrait ainsi être envisagé de supprimer l’obligation de recourir à un commissaire aux comptes et à un commissaire aux apports en dessous d’un certain seuil de chiffre d’affaires à déterminer.

S’agissant de la simplification des démarches auprès des organismes sociaux, les déclarations trimestrielles devraient être privilégiées par rapport aux déclarations mensuelles qui présentent pour l’entreprise un coût supérieur.

A propos de l’encouragement aux structures d’accompagnement qui constitue une excellente initiative, il convient de s’interroger sur le statut de l’accompagnateur. Selon l’article 21 du projet de loi, ce dernier doit être désintéressé mais il serait responsable vis-à-vis des tiers. On pourrait, par ailleurs, confier à la profession d’avocat le soin d’aider ou d’organiser un système de soutien aux réseaux d’accompagnement leur permettant de renforcer leur expertise juridique.

La philosophie générale du projet de loi vise à " désacraliser " la création de petites entreprises, ce dont on peut se féliciter. Toutefois, il ne faudrait pas que cette évolution s’accompagne d’un développement incontrôlé de certaines officines offrant leur aide conceptuelle à la création d’entreprise sans garantir une compétence juridique solide, exercée à titre principal et sans respecter les obligations de confidentialité et d’interdiction de conflits d’intérêt.

Enfin, s’agissant des déclarations d’insaisissabilité des droits détenus sur la résidence principale, il serait opportun de permettre aux avocats, qui interviennent dans la démarche de création d’entreprise, de procéder, comme les notaires, à l’enregistrement de cette déclaration.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure, a récapitulé plusieurs pistes d’amélioration du projet de loi :

– l’article 6 relatif à la sécurisation du patrimoine pourrait également faire l’objet d’une approche en termes de déclaration du patrimoine professionnel affecté. Il faut également réfléchir aux modalités de publicité les plus adaptées en termes de coût et de simplification ;

– l’article 18 sur le report des cotisations sociales du créateur d’entreprise fait l’objet d’une proposition alternative séduisante de forfaitisation de ces cotisations, car elle offre l’avantage de placer l’entrepreneur devant ses responsabilités le plus rapidement possible ;

– il serait opportun d’étudier la possibilité de retenir, dans le cadre du présent projet, la possibilité qui serait envisagée dans les futures ordonnances de simplification, de créer des chèques-premiers emplois, éventuellement pour les trois premiers contrats à durée indéterminée mais aussi pour des contrats à durée déterminée sous la forme de chèques libellés en heures pour des petites prestations ponctuelles ;

– l’article relatif à la clause d’exclusivité du salarié-entrepreneur pose le problème de la nécessité de préserver l’entreprise existante et de réaffirmer les obligations de loyauté et de réserve du salarié ; il faudra donc veiller à articuler l’ensemble de ces notions ;

– la notion de " contrat d’accompagnement à la création d’une activité économique " entre l’entreprise et son salarié est fondamentale ; en revanche, le principe de co-responsabilité posé à l’article 10 ne devrait pas être retenu, le créateur d’entreprise devant assumer ses responsabilités ;

– la création, à l’article 2, du récépissé de création d’entreprise (RCE) ne semble pas être totalement justifiée sauf dans l’hypothèse de l’inscription en ligne. L’idée d’y ajouter les documents annexes pourrait être étudiée mais par simple référence dans le texte, en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin d’en établir la liste, afin de ne pas alourdir le texte ;

– s’agissant de ce qu’on a appelé à tort la " société à un euro ", le Gouvernement a, légitimement, souhaité que soit mise en avant la volonté d’entreprendre, mais il serait préférable de le faire en soulignant davantage la liberté donnée aux actionnaires de déterminer le montant du capital social adéquat, sans occulter la prise de risque qui découle nécessairement de cet acte de création et l’effort de préparation qu’il requiert ;

– enfin, le développement de l’accompagnement des porteurs de projet pourrait être favorisé par l’extension du chèque-conseil par renvoi aux actes réglementaires d’application.

M. Gilles Carrez, rapporteur, a rappelé que l’article 22 relatif à la taxation des plus-values professionnelles mentionnait bien expressément les entreprises ayant une activité libérale.

S’agissant de la question des transmissions en réserve d’usufruit, il semble que deux cas de figure se posent : le premier, pour les entreprises sous forme sociétaire, pour lesquelles l’article 23, dans sa rédaction actuelle, permet de ne transmettre en pleine propriété qu’une partie de ses parts sociales et donc, pour le donateur, de conserver le pouvoir qu’il souhaite au sein de la société, à l’instar des parts de société civile immobilière que l’on peut transmettre progressivement à ses héritiers ; le second cas de figure est celui des entreprises individuelles pour lesquelles, en effet, la donation en usufruit pourrait être opportune.

M. Jean-François Humbert a considéré que le problème se pose quelle que soit la forme de la société avec cependant plus d’acuité pour les entreprises de faible importance, telles que les entreprises artisanales. Le souci de l’enfant donataire est d’avoir l’assurance à terme d’être totalement propriétaire de l’entreprise et la certitude que la valeur ajoutée qu’il aura apportée à l’entreprise depuis la donation lui sera acquise. Ainsi, si la donation était effectuée sur une partie seulement du patrimoine en pleine propriété, l’enfant donataire devra, au décès de ses parents, racheter à ses frères et sœurs les parts dont il n’aura pas hérité, lesquelles comprennent la plus-value qu’il aura apportée à la société, ce qui pose le problème de l’évaluation de cette plus-value.

Par ailleurs, la donation en usufruit donne aux parents donateurs la garantie d’un revenu régulier et du maintien de l’exercice d’un pouvoir de direction.

Le président Hervé Novelli a souligné que la Commission spéciale serait attentive à la question du risque de requalification des contrats évoqué par M. Michel Tudel. De même, la Commission a débattu tout au long de la journée de la possibilité de l’élargissement des fonds d’investissement de proximité à des formes de prêts sous différentes modalités.

M. Pierre Lafon, membre du Conseil national des barreaux, a souhaité attirer l’attention de la Commission spéciale sur l’article 23 dont l’objet est d’accorder une réduction d’impôt aux repreneurs qui s’endettent pour acquérir des actions ou des parts de société. Dans le cadre des professions libérales, la reprise de parts de société de personnes ne pose pas de problème. En revanche, en cas de reprise de parts d’une société de capital, il est à craindre que les actionnaires ne se livrent à des contentieux pour faire reconnaître les revenus qu’ils tirent en leur qualité de gérants.

En outre, le b de l’article 23, qui précise que l’acquisition confère à l’acquéreur la majorité des droits de vote attachés au titre de la société reprise, s’il permet une transmission progressive dans le cadre d’un petit cabinet de un ou deux professionnels, pose des problèmes d’interprétation dans le cas de cabinets constitués de plusieurs associés détenant chacun une part minoritaire du capital. Peut-être serait-il nécessaire d’exclure de cette condition le cas des sociétés d’exercice libéral et des SCP soumises à l’impôt sur les sociétés.

Mme Eglantine Granvilliers a ensuite abordé le problème général de la clause de non-concurrence dans le contrat de travail et de la concurrence déloyale. La jurisprudence de la Cour de cassation, renforcée par un arrêt récent de septembre 2002, ôte, de fait, toute effectivité à ces clauses qui ne sont valables que si le principe de leur rémunération est prévu dans le contrat de travail. Par conséquent, compte tenu des termes de l’article 7 qui visent la seule clause d’exclusivité, le projet de loi sur l’initiative économique semble, en l’état, aller dans le sens de la jurisprudence. Il est d’ailleurs difficile de définir des limites dans l’espace et dans le temps à l’obligation de non-concurrence, la pertinence de ces limites étant propre à chaque secteur d’activité. Les clauses de non-concurrence sont ainsi très difficiles à appliquer et l’on peut considérer aujourd’hui que les seuls garde-fous sont les obligations de loyauté et de réserve qui lient l’employé à son employeur.

Mme Chantal Brunel s’est à son tour inquiétée des dangers de concurrence déloyale que recèle l’article 7 du projet de loi. Les procédures juridiques intentées au titre de l’exercice de la clause de non-concurrence sont extrêmement longues, souvent supérieures à deux ans, et offrent des garanties très fragiles de succès à l’employeur qui les intente. Elle a souhaité connaître l’avis des intervenants sur un éventuel amendement qui préciserait qu’en l’absence d’agrément du chef d’entreprise, le salarié s’interdit de travailler pendant deux ans avec les clients de l’entreprise de son employeur. De manière plus générale, quelle mesure technique serait de nature à prévenir la multiplication de situations de concurrence déloyale ?

M. Jean-Philippe Gunther a rappelé que le problème de la concurrence déloyale revêt deux aspects. Le premier est spécifiquement contractuel : il est loisible aux contractants d’inclure dans le contrat de travail une clause de non-concurrence rémunérée. Le deuxième aspect relève du droit de la responsabilité. Celui-ci trouve à s’appliquer dans le cas où le salarié exercerait une captation de clientèle par " parasitisme ", ou en entamant la réputation de son employeur, en utilisant ses fichiers de clients, ou encore en créant une entreprise dont le nom est proche de celui de son ancien employeur. Ces aspects n’ont pas besoin d’être réglés dans le contrat de travail.

Mme Chantal Brunel a mis en doute l’efficacité de cette recherche de responsabilité, les procédures, souvent très longues, étant sans relation avec la durée de vie parfois très courte des entreprises affectées par cette concurrence déloyale.

M. Michel Pitron, au titre du Conseil national des barreaux, a souligné qu’en effet les chances de réussite de ces procédures sont faibles, et ce d’autant plus que le préjudice est souvent extrêmement difficile à évaluer. Il est cependant loisible au législateur de contrarier les développements jurisprudentiels relevés précédemment en assurant l’effectivité des clauses de non-concurrence. Mais cela suppose que soit tranché un débat de fond important qui oppose les principes, d’une part, de protection d’une concurrence loyale et, de l’autre, de libre entreprise. Que faut-il privilégier, l’entreprise existante ou l’entreprise future ?

________________________________________________________________________


© Assemblée nationale