COMMISSION SPÉCIALE,

CHARGÉE d'EXAMINER le PROJET DE LOI ORGANIQUE (n°1833)

MODIFIANT la LOI ORGANIQUE n° 2001-692 du 1er AOÛT 2001

RELATIVE aux LOIS de FINANCES

COMPTE RENDU N° 2

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 17 novembre 2004
(Séance de 16 heures 15)

SOMMAIRE

 

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- Examen du projet de loi organique (n° 1833) modifiant la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (M. Gilles Carrez, Rapporteur)


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La Commission spéciale a examiné, sur le rapport de M. Gilles Carrez, Rapporteur, le projet de loi organique modifiant la loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (n° 1833).

Le Président Michel Bouvard a indiqué que les amendements présentés tendent, soit à modifier le texte déposé par le Gouvernement, soit à le compléter en vue de modifier diverses autres dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

La Commission spéciale a examiné en discussion commune deux amendements présentés par Didier Migaud et un amendement présenté par le Président Michel Bouvard, tendant à préciser les modalités d'exercice des pouvoirs de contrôle et d'investigation dévolus aux commissions des finances.

M. Didier Migaud a rappelé qu'il avait défendu le principe de cet amendement à plusieurs reprises, et que l'ensemble des parlementaires, du moins peut-on l'espérer, devrait être favorables à ce que les capacités de contrôle et d'investigation ne soient pas réservées à une fraction d'entre eux. De nombreux progrès ont été réalisés ces dernières années en matière de transparence et de contrôle, certains textes ayant même été adoptés à l'unanimité. Cependant, il n'avait pas été relevé que la LOLF n'empêchait pas que la gauche parlementaire soit privée de tout pouvoir lorsqu'elle est minoritaire à l'Assemblée nationale. Ceci ne peut pas arriver à la droite parlementaire, car le Sénat reste dominé par une majorité de droite, sans perspectives crédibles d'évolution pour de longues années encore.

Par principe, une opposition, qu'elle soit de droite ou de gauche, au Sénat ou à l'Assemblée nationale, ne doit pas dépendre de la bonne volonté de la majorité de la Commission des finances, de celle de son Président ou de son Rapporteur général, aussi ouverts soient-ils, ni du Gouvernement. Cela n'est pas du tout satisfaisant pour le bon fonctionnement de la démocratie parlementaire.

L'intention de cet amendement n'est pas de créer une fonction parallèle à la présidence de la Commission des finances ou à celle de Rapporteur général, avec les mêmes pouvoirs d'évocation de l'ensemble des questions relatives aux finances publiques. De ce fait, l'amendement pourrait être reformulé afin de mieux cibler l'exercice des fonctions de contrôle et d'investigation. Il s'agit d'un amendement de bon sens qui peut bénéficier d'un large consensus.

M. Philippe Auberger a formulé deux observations. D'une part, des demandes de ce type sont toujours émises par l'opposition, mais elles sont souvent oubliées lorsqu'elle devient majoritaire. L'ancienne majorité, devenue l'opposition, est alors confrontée à des difficultés similaires. D'autre part, lorsqu'une commission d'enquête est créée à la demande de l'opposition, sa présidence ou la fonction de rapporteur peut être attribuée à l'opposition. Mais, cet usage s'inscrit dans le cadre d'un pouvoir de contrôle à caractère collectif. L'amendement présenté ici porte sur un pouvoir de contrôle à caractère individuel. Or, par le passé, certains rapporteurs spéciaux de l'opposition se sont lancés dans des activités de contrôle sans en informer le Rapporteur général de la Commission des finances. Cet amendement est dangereux et il convient de ne pas le voter.

M. Charles de Courson a souligné que la source du problème réside dans l'absence de statut de l'opposition en droit parlementaire français, ce que cet amendement ne peut à lui seul contourner, alors même que la majorité a souvent un comportement hégémonique. Cet amendement cherche à répondre à véritable problème, mais celui-ci ne pourra être résolu qu'en reconnaissant juridiquement l'existence d'une opposition et en lui conférant de véritables pouvoirs. Un système où l'opposition n'est pas mise à même d'exercer des pouvoirs de contrôle reflète une conception bien étrange de la démocratie parlementaire.

Cependant, cet amendement tend à ériger en norme le duopole groupe UMP - groupe socialiste. Or, la crise que vit aujourd'hui le pays vient en partie de la volonté des deux principales formations de la majorité et de l'opposition d'accaparer l'essentiel du débat politique national, au détriment des autres voix qui ont pourtant la même légitimité. Des formations dites « majoritaires » qui recueillent, au mieux 25% des voix ou au pire, 18% ne peuvent prétendre parler au nom de la droite ou de la gauche toute entière. Plutôt que de consacrer le système du duopole avec cet amendement, il serait préférable de prévoir un engagement réciproque des groupes politiques à ne pas abuser de leur position majoritaire et de remettre à une réforme plus globale des mécanismes de la démocratie le soin de définir juridiquement un équilibre plus juste. La régularité des alternances montre que l'exercice irréfléchi ou excessif du pouvoir conduit souvent à l'échec. Elle doit inciter à rechercher des modalités plus équilibrées d'exercice de ce pouvoir.

M. Jean-Pierre Gorges a déclaré qu'il comprenait les motivations de cet amendement. La volonté de renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement est louable. Cependant, la formulation de l'exposé des motifs est inacceptable.

M. Hervé Mariton a souhaité savoir si cet amendement a bien pour effet d'ouvrir à l'opposition les pouvoirs de contrôle de la Commission des finances dans tous les cas de figure. La rédaction proposée évoque un parlementaire membre de la Commission des finances qui peut être issu du « second groupe le plus nombreux de l'Assemblée à laquelle il appartient ». Il convient de souligner que ce groupe, dans la configuration politique de l'année 1993, était l'UDF qui appartenait à la majorité. En tout état de cause, la configuration partisane de l'Assemblée nationale s'avère difficile à prédéterminer juridiquement.

Le Président Michel Bouvard a estimé que le problème principal soulevé par cet amendement tient de toute évidence à l'absence de statut institutionnel de l'opposition en France. Lui attribuer formellement certains pouvoirs s'avère donc très compliqué et aboutit à des rédactions extrêmement complexes. L'élargissement des pouvoirs de contrôle du Parlement au sein d'un régime devenu présidentiel est néanmoins indispensable si l'on souhaite assurer un certain équilibre des institutions. Cet élargissement passe notamment par un accroissement des pouvoirs de contrôle de l'opposition. Or, cet amendement va beaucoup plus loin : il permet non seulement d'associer plus étroitement l'opposition au contrôle de l'exécution des lois de finances, mais il lui octroie aussi le pouvoir d'évaluer « toute question relative aux finances publiques ». Une telle extension est manifestement excessive, de par son caractère général. De plus, à l'Assemblée nationale et au Sénat, elle ouvre un droit au groupe politique remplissant les conditions énoncées, alors que le Sénat, avec qui une concertation est nécessaire, pourrait préférer une solution plus souple. C'est pourquoi, en l'absence de statut institutionnel de l'opposition, et compte tenu de la nécessité de formaliser à son profit des pouvoirs de contrôle, il serait préférable d'adopter l'amendement présenté par le Président Michel Bouvard, tendant à préciser que les compétences des commissions des finances en matière d'évaluation et de contrôle peuvent être confiées pour un objet et une durée déterminés, à tout membre d'une de ces commissions désigné par elle à cet effet.

M. Gilles Carrez, Rapporteur, a indiqué que ces deux amendements partaient d'une même préoccupation visant à renforcer la dimension d'évaluation et de contrôle du Parlement. Se pose la question essentielle de la place des membres de l'opposition en ce domaine. Il s'avère que le statut de l'opposition n'est défini dans aucun texte législatif ou réglementaire. Il n'est donc pas étonnant que la rédaction de l'amendement présenté par M. Didier Migaud soit particulièrement alambiquée. Il n'existe probablement pas de solution idéale en la matière. On se souvient qu'à l'occasion de la loi de finances initiale pour 2002, un débat avait eu lieu pour savoir dans quelles conditions les membres de l'opposition pourraient faire partie de la Commission de vérification des fonds spéciaux dont plusieurs amendements proposaient la création. M. Didier Migaud, alors Rapporteur général, avait clairement exposé en séance publique les obstacles s'opposant à une mention expresse des « membres de l'opposition » dans la loi. Il avait également affirmé que, grâce au débat parlementaire éclairant la volonté du législateur, il serait possible de pallier le silence du texte et d'instaurer, par l'usage, l'équilibre recherché entre les membres de la majorité et ceux de l'opposition. Cette charte de bonne conduite n'avait, en l'espèce, nul besoin d'être inscrite dans la loi.

Justement, le second amendement, co-signé par MM. Michel Bouvard, Président, Gilles Carrez, Rapporteur, et Pierre Méhaignerie, répond dans ce même esprit à la question posée. Il prévoit de compléter l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances afin de confier des pouvoirs de contrôle à tout membre de la Commission des finances désigné à cet effet. Il précise, à juste titre, que l'attribution de ces pouvoirs de contrôle doit se faire pour un objet et une durée déterminés. L'objet de l'amendement présenté par M. Didier Migaud n'étant pas, aux dires de son auteur lui-même, de mettre en place un « rapport général bis » ou de dupliquer les fonctions de Président de la Commission des finances, le dispositif proposé par l'amendement du Président Michel Bouvard devrait pouvoir recueillir l'assentiment général. Il autorise aussi plus de souplesse dans la mise en œuvre des pouvoirs de contrôle du Parlement, en donnant concrètement à un ou plusieurs membres de l'opposition la possibilité de contrôler l'exécution de la loi de finances. Cet amendement ouvre de réelles opportunités, mais nécessite de mettre en place une charte de bonne conduite qui suppléera avantageusement des obligations législatives trop rigides et mal fondées.

Le Président Michel Bouvard, a rappelé qu'à l'heure actuelle, un quart des rapports spéciaux revient à des membres de l'opposition. Cette pratique peut d'ailleurs être amenée à évoluer dans un sens plus favorable à ces derniers, notamment en raison de l'architecture nouvelle de la nomenclature budgétaire, qui ne devrait plus appeler à des rapports spéciaux « mineurs ». L'amendement proposé par M. Didier Migaud pourrait rencontrer un obstacle lorsque le Conseil constitutionnel exercera son contrôle de constitutionnalité, obligatoire en matière organique. Afin d'éviter tout risque d'annulation et de sécuriser l'extension des droits de l'opposition, il serait préférable d'adopter l'autre amendement, qui permettra de faire avancer substantiellement ces droits. Il convient, de façon générale, de sortir de la logique de confrontation majorité/opposition ; dans un contexte de présidentialisation accrue du régime, il apparaît plus que jamais nécessaire de renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement et d'élargir l'accès à ces pouvoirs, dans des conditions bien encadrées.

M. Hervé Mariton s'est interrogé sur les risques de confusion pouvant exister entre les pouvoirs de contrôle qui seraient ainsi conférés à un membre de l'opposition et ceux qui resteront dévolus selon les conditions habituelles aux rapporteurs spéciaux. Il ne faut pas oublier que le Gouvernement a tout intérêt à ce que les compétences des uns et des autres soient le plus « croisées » possible. Plus le système d'exercice des pouvoirs de contrôle se compliquera, plus le risque sera grand que les investigations concernées perdent de leur crédibilité, notamment dans les cas de contrôles portant sur des objets similaires ou proches.

Le Président Michel Bouvard a rappelé qu'actuellement, les rapporteurs spéciaux appartiennent à la majorité comme à l'opposition. De plus, s'il apparaît que l'opposition a des doutes sur les conditions de l'exécution budgétaire sur un secteur couvert par un rapporteur spécial appartenant à la majorité, elle a toujours la possibilité de demander des vérifications supplémentaires. Enfin, il est légitime que tous les députés, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition, puissent vérifier le bon déroulement de l'exécution budgétaire. Le sujet avait été évoqué lors des débats sur la proposition de loi organique, en 2001, mais il n'y avait pas été donné suite, à l'époque. Il est vrai que le contexte politique de la cohabitation et l'instauration d'un quinquennat dont toutes les conséquences n'avaient peut-être pas été mesurées, ne portaient guère à ce genre d'innovation.

Approuvant M. Hervé Mariton, M. Louis Giscard d'Estaing a remarqué que la rédaction actuelle de l'amendement présenté par M. Didier Migaud ouvrirait la porte à la création de « rapporteurs spéciaux bis », décision d'autant plus critiquable que la mission des rapporteurs spéciaux a justement été élargie par la LOLF. Si tel était le cas, la concurrence potentielle entre le rapporteur spécial et le « rapporteur spécial bis » serait une source constante de difficultés. Si une définition étendue des commissaires susceptibles d'exercer les pouvoirs de contrôle devait avoir des répercussions sur les rapporteurs spéciaux, il conviendrait de l'indiquer clairement dans le dispositif de l'amendement.

M. Didier Migaud a estimé que ce débat était la preuve de la rigidité de la majorité actuelle dès lors que sont abordées des questions relatives à l'exercice du contrôle. Sous la précédente législature, la Commission des finances avait un esprit plus ouvert puisqu'elle n'a pas hésité à donner plus de pouvoir à l'opposition, sans qu'elle ait à regretter son audace. De plus, l'extension des pouvoirs de contrôle du Parlement qu'elle a impulsée aurait pu être le fait d'une loi ordinaire, mais le Sénat, qui devait impérativement trouver un accord avec l'Assemblée sur la réforme, a souhaité que cette question soit traitée au niveau organique.

La France est le seul pays démocratique qui ne reconnaît pas à l'opposition une capacité autonome de contrôle et d'investigation. Or, l'efficacité avec laquelle un Parlement assume sa mission de contrôle se mesure aussi à la place qui est faite à l'opposition. Certes, on peut objecter qu'il n'existe pas en France de statut de l'opposition, à la différence d'autres pays comme la Grande-Bretagne, mais en tirer argument pour rejeter cet amendement n'est pas très pertinent.

La rédaction de l'amendement n'est peut-être pas parfaite, mais elle n'est certainement pas inconstitutionnelle. D'ailleurs, les lois organiques doivent nécessairement être examinées par le Conseil constitutionnel : celui-ci sera donc amené à prendre position en temps utile.

Il n'est pas question, avec cet amendement, de réclamer le partage des pouvoirs généraux d'évaluation des finances publiques dévolus au Président et au Rapporteur général de la Commission des finances. Il s'agit d'ouvrir à des membres de l'opposition la possibilité, par la mise en œuvre de contrôles, au besoin sur pièces et sur place, de faire toute la lumière sur un sujet donné, en dépenses comme en recettes.

La proposition de M. Charles de Courson tendant à ouvrir la possibilité à tout groupe constitué au sein de la Commission des finances, à l'exclusion de celui ou ceux auxquels appartiennent le Président et le Rapporteur général, de désigner un de ses membres pour bénéficier de pouvoirs d'investigation et de contrôle est très pertinente. La rédaction de l'amendement pourrait être ajustée pour tenir compte des positions exprimées par M. Charles de Courson, par le Président Michel Bouvard et par le Rapporteur, sans perdre de vue son objectif principal qui consiste à empêcher que le pouvoir d'investigation et de contrôle des membres de l'opposition ne dépende du bon vouloir du Président et du Rapporteur général de la Commission des finances. Cette dernière solution refléterait une conception malsaine de la démocratie puisqu'elle distinguerait entre deux catégories de députés : ceux qui auraient tout pouvoir de contrôle et d'investigation et ceux dont le pouvoir relèverait d'une décision discrétionnaire du Président ou du Rapporteur général.

Le Président Michel Bouvard a estimé, au contraire, que l'amendement qu'il a cosigné avec le Rapporteur et le Président de la Commission des finances constituait une réelle avancée et qu'il a vocation à instaurer une pratique favorable aux droits de l'opposition, comme celle qui consiste déjà à confier des rapports spéciaux à des membres de l'opposition. Ceux-ci disposeraient, sur leur demande et dans les limites fixées par le Président et le Rapporteur général, d'un pouvoir d'investigation sur un sujet particulier qui ne coïnciderait pas nécessairement avec le champ des rapports spéciaux. Même en l'absence d'un statut de l'opposition, il s'agit là d'une ouverture réelle et considérable.

M. Charles de Courson a expliqué qu'il fallait user de tous les moyens pour rééquilibrer la démocratie française. L'amendement présenté par le Président Michel Bouvard pourrait y contribuer, dès lors qu'il serait assorti d'une « charte » signée des quatre groupes parlementaires, définissant les règles d'usage qui gouverneraient sa mise en œuvre. La question des droits de l'opposition en matière de contrôle est d'abord politique et doit être traitée de façon interne à la Commission. Cela nécessite un fort engagement du président, car rien ne pourra avancer dès lors que l'opposition sera toujours présentée de façon caricaturale.

M. Didier Migaud a rappelé que le groupe socialiste avait pris des engagements publics, s'y tiendrait et les réitérerait en public. La question des droits de l'opposition ne recevra de règlement global que par une profonde réforme institutionnelle. Lors des travaux préparatoires à la LOLF, les contacts établis avec les parlements du Royaume-Uni ou des pays nordiques ont montré que, chez eux, le contrôle est une pratique normale. Un parlementaire nordique avait même indiqué qu'il avait un bureau ouvert au Ministère des finances et qu'on ne lui refusait rien. Leur étonnement a été grand, en revanche, de découvrir les faiblesses françaises dans ce domaine.

M. Charles de Courson a souhaité que les groupes s'accordent sur le contenu d'une charte qui guiderait la mise en œuvre de la solution avancée par le Président Michel Bouvard, aucun groupe ne devant s'imposer aux autres.

M. Gilles Carrez, Rapporteur, a indiqué que tout ce débat ne vise pas uniquement à traiter des rapports entre la majorité et l'opposition, mais avant tout, à mieux organiser l'exercice du contrôle du Parlement sur le Gouvernement. L'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances n'incluait aucune disposition relative aux pouvoirs de contrôle des membres du Parlement. Ces pouvoirs ont été définis dans l'article 164 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959, mais de façon assez restrictive. En particulier, seuls les rapporteurs spéciaux étaient explicitement mentionnés. Cette situation a été rectifiée dans le collectif du printemps 2000, après que le Gouvernement eut exprimé quelque réticence face à l'initiative prise par le Rapporteur général de l'époque de déclencher un contrôle sur pièces et sur place à propos de l'exécution du budget de 1999.

M. Louis Giscard d'Estaing ne doit pas s'inquiéter outre mesure : les pouvoirs de contrôle qui pourront être confiés à tel ou tel, n'interféreront pas avec les pouvoirs des rapporteurs spéciaux puisque la Commission des finances restera totalement maîtresse de l'organisation de ses travaux.

La Commission a rejeté le premier amendement présenté par M. Didier Migaud.

Elle a adopté l'amendement présenté par le Président Michel Bouvard.

L'amendement de conséquence présenté par M. Didier Migaud, est devenu sans objet.

Article unique : Détermination des modalités d'utilisation des surplus non anticipés de recettes fiscales :

M. Jean-Claude Sandrier a déclaré qu'il proposerait un amendement de suppression de l'article unique. Celui-ci apparaît à première vue anodin, voire sans effet. Or, pour parvenir à l'objectif annoncé d'affecter automatiquement les surplus de recettes fiscales à la résorption du déficit, on emprunte des voies détournées. Cet article est donc inacceptable. Il n'apparaît pas opportun de prévoir, dès la loi de finances initiale, l'affectation des surplus de recettes fiscales à la résorption du déficit. C'est d'abord le déficit lui-même et ses modalités d'évaluation qui méritent de faire l'objet d'un débat. De plus, la majorité actuelle qui ne cesse de réclamer plus de souplesse et de pragmatisme se contredit en proposant un mécanisme aussi rigide. La représentation nationale doit rester libre à tout moment de discuter de l'utilisation des surplus de recettes fiscales. L'Etat peut être confronté en cours d'année à la nécessité de réaliser des dépenses imprévues. Il peut vouloir affecter les surplus de recettes au financement de divers programmes sociaux. Ces jours derniers, on a appris que 200 millions d'euros supplémentaires venaient d'être alloués au budget de la défense. Ces 200 millions d'euros sont peut-être prélevés sur les dotations des autres ministères, mais ils sont peut-être aussi prélevés en partie sur les 8 milliards d'euros de surplus de recettes fiscales. Une telle opération sera-t-elle possible si cet article est adopté ? Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a souhaité constituer une commission à laquelle participeront des parlementaires, afin de déterminer les éventuels surplus de recettes liés à la hausse des prix du pétrole et de réfléchir à leur utilisation. De telles questions pourront-elles encore faire l'objet d'un débat sous le régime de cette disposition organique ?

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Charles de Courson, tendant à ce que le Gouvernement soit tenu de déposer un projet de loi de finances rectificative dès lors que le cumul glissant sur quatre mois des recettes fiscales serait inférieur ou supérieur de 3% au montant attendu à partir des prévisions de la loi de finances initiale.

M. Charles de Courson s'est étonné de ce que le texte du Gouvernement ne s'intéresse qu'à la seule éventualité de plus-values fiscales alors que le déroulement de l'exécution budgétaire peut faire apparaître des moins-values considérables. Ce fut, en 2003, le cas avec dix milliards de moins-values, sans qu'une loi de finances rectificative ne soit déposée avant le collectif de fin d'année. Le texte du Gouvernement n'a pas de portée car la règle de comportement votée en loi de finances pourra toujours être modifiée en loi de finances rectificative. Au contraire, cet amendement propose de fixer un écart maximal entre l'exécution et les prévisions de la loi de finances initiale au-delà duquel une loi de finances rectificative devrait obligatoirement être déposée. Un débat pourrait alors s'engager sur les plus-values ou sur les moins-values de recettes et le Gouvernement devrait expliquer comment il compte utiliser le surplus ou redresser la situation. La mesure de l'écart entre prévision et réalisation se faisant sur un cumul de quatre mois glissants, le dispositif pourrait fonctionner dès la fin du premier semestre. Un écart de 3% correspond déjà à un décalage significatif en valeur absolue : près de 9 milliards d'euros.

M. Philippe Auberger a estimé impossible d'exiger du Gouvernement l'établissement de prévisions fiables en matière de recettes fiscales sur une base infra-annuelle. Le rôle du Parlement doit se limiter au contrôle de l'évolution des grandes masses budgétaires sur une base annuelle. Il n'a pas vocation à s'intéresser aux fluctuations mensuelles qui n'ont que peu de significations immédiates. La grande difficulté de mesurer avec précision, même à ce stade de l'année, l'effet de la hausse du prix du pétrole sur les recouvrements de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers et de la TVA sur les produits pétroliers montre les limites des évaluations opérées en cours d'année à partir de l'observation des profils mensuels des recouvrements. Dans ces conditions, seul le dispositif proposé par le Gouvernement se justifie. Il convient en effet de contrôler l'utilisation des surplus éventuels de recettes afin d'en éviter le gaspillage. Ce dispositif, qui répond aux impératifs de simplicité et de transparence, ne doit pas être transformé en un dispositif de contrôle infra-annuel car l'évolution mensuelle des recettes fiscales n'apparaît pas suffisamment lisible. Dans ce domaine, il apparaît clairement que le mieux est l'ennemi du bien.

M. Gilles Carrez, Rapporteur, a déclaré qu'à la première lecture du projet de loi organique, il s'était immédiatement étonné de son asymétrie, en ce qu'il ne prévoit aucun mécanisme dans l'hypothèse où les recettes fiscales seraient significativement inférieures à leurs prévisions en loi de finances initiale. A première vue, il peut paraître logique de prévoir également une règle de comportement applicable pour les « mauvaises surprises ». Cependant, cette règle impliquerait de toute évidence la compensation des moins-values en matière de recettes par une diminution des dépenses à due concurrence. Or, ce type de mesures récessives aurait un effet pro-cyclique très dangereux. A titre d'exemple, il convient de rappeler que l'année 2003 a été marquée à la fois par une stagnation des recettes fiscales, de 9 milliards d'euros inférieures aux prévisions, et des recettes non fiscales plus faibles de 2 milliards d'euros qu'anticipé. Dans un tel contexte, il faut à tout prix se garder d'ajouter de la récession à la récession en imposant une diminution des dépenses ou une augmentation des impôts. Une seule règle doit s'appliquer en cas de moins-value sur les recettes fiscale en phase basse du cycle : le Gouvernement doit respecter la norme de dépense fixée en loi de finances initiale et s'en limiter à cela afin de ne pas contrarier la reprise de la consommation et de l'investissement. Par ailleurs, il convient de préciser que d'un point de vue juridique la règle proposée ne contraint en aucune manière les mesures qui pourraient être adoptées dans les collectifs en cours d'année. Ainsi, en cas d'évènements majeurs nécessitant des dépenses imprévues, ou en cas d'alternance politique en cours d'année, des collectifs permettront de modifier en toute liberté l'équilibre financier prévu en loi de finances initiale, comme cela fut le cas dans la loi de finances rectificative pour 2002 (loi n° 2002-1050 du 6 août 2002) ou dans la loi n° 97-1026 du 10 novembre 1997 portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier.

M. Charles de Courson a jugé que le caractère très peu contraignant de la règle milite précisément pour qu'elle s'accompagne d'un contrôle plus rigoureux par le Parlement de l'évolution en cours d'année des recouvrements, que l'amendement a précisément pour objet d'introduire.

M. Jean-Pierre Gorges a considéré que le contrôle infra-annuel de l'évolution des ressources est absolument capital. L'observation des tendances financières constatées en cours d'année est d'ailleurs une préoccupation constante dans les entreprises du secteur privé. Il paraît dans ces conditions légitime que le Gouvernement présente une loi de finances rectificative s'il vient à constater que le cumul sur une période de quatre mois glissants des recouvrements fiscaux est inférieur ou supérieur de plus de 3% aux prévisions. Dans tous les cas de figure, si des plus-values ou des moins-values très importantes apparaissent, la presse et les médias s'emparent du sujet avant même que le Gouvernement ne communique sur ce thème, faisant échapper le débat de son lieu légitime : le Parlement. Ainsi, la mesure prévue par l'amendement paraît particulièrement opportune : il faut que le Gouvernement soit contraint de réagir vite et les Assemblées de se prononcer immédiatement grâce au dépôt d'un projet de loi de finances rectificative. On peut noter par ailleurs que l'opinion publique a d'ores et déjà connaissance de façon mensuelle de données statistiques très importantes, comme celles relatives à la consommation des ménages, la croissance ou l'évolution du coût de la vie. Il serait naturel qu'il en aille de même pour les ressources de l'Etat.

Le Président Michel Bouvard a noté qu'il appartient au Gouvernement et à lui seul de piloter le solde, en cours d'année budgétaire, en mettant en œuvre, lorsque c'est nécessaire, la régulation budgétaire mois après mois. Cela n'empêche pas, bien entendu, que des débats portant sur les résultats économiques et de l'exécution budgétaire de la loi de finances aient lieu régulièrement en cours d'année, devant la Commission des finances et dans l'hémicycle.

M. Jean-Claude Sandrier a estimé que, dans ces conditions, le texte proposé par le Gouvernement, sans réelle substance juridique, ne présente aucune utilité. Il eut été bien plus intéressant de prévoir l'organisation d'un débat devant le Parlement tous les trois ou quatre mois lorsqu'il apparaît que les moins-values ou les plus-values atteignent une certaine proportion. En revanche, le fait de figer dans une loi organique une règle, même de portée exclusivement morale ou politique, affectant l'essentiel des plus-values à la réduction du déficit budgétaire apparaît d'autant moins opportun que les Gouvernements ont, en l'état actuel de la législation, une totale liberté pour prendre toutes mesures qu'ils jugent utiles à cette fin.

M. Gille Carrez, Rapporteur, a précisé que l'objet de l'article unique du projet de loi organique ne consiste pas à figer des règles de conduite en matière de réduction de déficit mais bien à permettre l'organisation de débats devant le Parlement sur l'utilisation qui est faite des surplus de recettes non anticipés.

La Commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite rejeté un autre amendement présenté par M. Charles de Courson ayant un objet similaire.

La Commission a adopté l'article unique sans modification.

Après l'article unique :

La Commission a examiné un amendement présenté par le Président Michel Bouvard, visant à élargir le champ des plafonds ministériels d'autorisation d'emplois aux emplois rémunérés par des organismes bénéficiant d'une subvention pour charges de services publics.

Le Président Michel Bouvard a expliqué que cet amendement vise à traiter un problème essentiel. La portée de l'autorisation parlementaire est grandement améliorée en matière de rémunération des effectifs grâce à la loi organique relative aux lois de finances puisque sera déterminé un plafond qui comprendra l'ensemble des emplois rémunérés par l'Etat, quel que soit leur statut (titulaires, contractuels, sur emplois ou sur crédits). L'amendement vise à ce que cette autorisation parlementaire porte également sur les personnels concourant à l'exercice d'une mission publique employés par une personne morale autre que l'État, comme un établissement public, une association ou un autre organisme bénéficiant d'une subvention de l'État. Si le plafond d'emplois ne concerne que le personnel directement rémunéré par l'État et se cantonne par conséquent aux dépenses de personnel du titre II, le risque est grand que l'emploi public qui se développe par l'intermédiaire d'opérateurs extérieurs échappe au champ de l'autorisation parlementaire. Cette perspective risque, pour certains ministères notamment, de priver les plafonds de l'emploi de leur portée.

Le Président Michel Bouvard a relevé qu'il avait eu des difficultés à rédiger cet amendement pour plusieurs raisons : il existe une pluralité de catégories d'opérateurs, qui sont au total plus de 800 ;  certains sont dotés de ressources propres, et donc doivent bénéficier d'une large autonomie de gestion et rester exclus des plafonds d'emplois de la loi de finances ; leurs vocations divergent profondément. Cependant, tel qu'il est rédigé, l'amendement permet d'avoir une meilleure appréciation des emplois publics, tout en maintenant au dispositif une certaine souplesse dans la mesure où la liste des organismes inclus dans les plafonds d'autorisation des emplois sera déterminée par une disposition de loi de finances. D'une manière générale, l'adoption de l'amendement permettra de remédier à une critique récurrente faite par la Cour des comptes dans ses rapports, et notamment celui sur l'exécution de la loi de finances pour 2003, sur le phénomène de glissement des emplois publics vers des structures extérieures. On peut notamment citer l'exemple du ministère de la culture qui subventionne un certain nombre d'organismes dans lesquels sont employés des personnels rémunérés par l'État ou par des organismes bénéficiant des subventions de l'État.

M. Gilles Carrez, Rapporteur, a jugé probable que la tendance sera forte de créer de nouvelles agences dans de nombreux domaines. L'institution de ces agences n'est pas mauvaise en soi, dès lors que chacune met en place des objectifs stratégiques et poursuit une politique d'amélioration des performances. En revanche, il convient d'apporter des réponses claires à deux questions essentielles. La première tient à ce que les catégories d'agences sont très diverses. Certaines ont à peu près 90% de recettes commerciales, alors que d'autres n'en disposent quasiment pas. Dans le cas des premières, il paraîtrait pour le moins inapproprié de leur imposer des contraintes supplémentaires en exigeant qu'elles respectent un plafond d'emplois. Pour les secondes, un contrôle parlementaire est sans doute indispensable.

Le deuxième point consiste dans la mise en œuvre effective de l'article 7 de la loi organique relative aux lois de finances. Le temps est aujourd'hui compté, puisque dès le 1er janvier 2006, le système de rémunération du personnel basculera dans la nouvelle nomenclature. Le fait d'intégrer systématiquement la multitude d'organismes extérieurs dans les plafonds d'emplois risquerait de complexifier les contraintes, notamment informatiques, pesant sur les différents ministères. Or, la mésaventure de la mise en œuvre du système Accor doit inciter à la prudence en ce domaine. Il faut cependant noter que l'amendement tient pleinement compte de ces obstacles en précisant que seuls les organismes cités dans la liste établie dans une loi de finances seront concernés par la mesure. Il faut s'attendre à ce qu'en 2006, un nombre faible d'organismes figure dans cette liste. Au fur et à mesure des progrès effectués en particulier s'agissant des outils informatiques, il sera probablement possible de compléter cette liste de façon à ce qu'elle englobe, à terme, tous les organismes pertinents.

M. Philippe Auberger a souligné que ce problème n'est pas nouveau et que lui-même s'en était saisi dans le passé. En effet, parce qu'ils constituent un démembrement de l'Etat, la multiplication des organismes publics ou parapublics gérant une mission de service public est en elle-même problématique, d'autant plus que ces organismes relèvent de statuts disparates. Or, dans les pays qui ont recours à cette formule, ces organismes ont généralement une durée de vie limitée, afin que le bien-fondé de leur existence et des moyens mis à leur disposition soit périodiquement réévalué. Cette règle, qui est sage, n'a malheureusement pas cours en France. Un établissement public, pour prendre cet exemple, est ainsi créé pour une durée indéterminée.

Ce premier défaut est aggravé par le fait que les effectifs de ces organismes sont souvent constitués de fonctionnaires détachés. Or, il arrive qu'un organisme, créé pour répondre à un besoin donné à une époque donnée, perde son utilité au fil du temps sans néanmoins que l'on puisse remettre en cause la situation des personnels qui lui sont affectés, dès lors qu'ils sont « protégés » par le statut de la fonction publique. En conséquence, seules deux possibilités existent pour réaffecter ces personnels : soit on les maintient dans l'organisme, soit ils sont réintégrés dans leur administration d'origine, avec les délicats problèmes que cela peut poser, comme le montre l'exemple de la filiale CDC Ixis de la Caisse des dépôts et consignations dont l'intégration complète au groupe Eulia, sous le contrôle des Caisses d'épargne, a rendu nécessaire de clarifier le statut de ses personnels en proposant aux fonctionnaires, soit de réintégrer la Caisse des dépôts et consignations, soit de changer de statut. En conséquence, l'organisme est pérennisé non pour son utilité sociale mais afin d'employer ces personnels qui seraient peut-être plus utiles ailleurs, ce qui ne relève pas d'une gestion efficace de la fonction publique.

C'est pourquoi, il apparaît opportun que l'autorisation d'emploi pour les organismes extérieurs ne vise pas tout type d'emploi mais spécifie clairement qu'elle ne concerne que des emplois contractuels à durée déterminée. S'il s'agit de fonctionnaires, ceux-ci devront être des agents détachés pour une durée limitée et disposer d'un droit de retour dans leur administration d'origine afin d'éviter que ces emplois, et partant, les organismes, ne se pérennisent au-delà de ce qui est utile et afin d'introduire plus de souplesse dans la gestion de la fonction publique. C'est pourquoi, il sous-amendera le présent amendement afin qu'il précise la nature contractuelle à durée limitée des emplois.

Le Président Michel Bouvard a estimé que le présent projet de loi n'est pas le plus à même d'accueillir cette disposition, qui relève plus nettement du statut de la fonction publique.

Après avoir rappelé que la notion d'emploi est globale, incluant à la fois les titulaires et les contractuels, M. Gilles Carrez, Rapporteur, a jugé que le présent projet de loi n'est pas le support idéal pour distinguer au sein du plafond d'emplois la part des emplois de fonctionnaires de celle des emplois contractuels.

M. Philippe Auberger a estimé que cette situation devra être clarifiée d'ici à 2006. A cette date, s'il y a encore des fonctionnaires parmi le personnel des organismes parapublics, ceux-ci devront être remplacés par des contractuels.

M. Jean-Pierre Gorges a estimé important que ce texte ne nuise pas à la réforme de l'Etat. En effet, les agences dont il a été fait mention doivent disposer de la liberté de leurs moyens pour accomplir les missions de service public qui leur sont confiées. Dès lors, il ne faut pas leur imposer des contraintes trop fortes en matière de gestion de leur personnel. De fait, cet amendement risque de bloquer la réforme de l'Etat.

Le Président Michel Bouvard a précisé qu'il s'agit d'un plafond global qui ne tient pas compte de la nature des emplois. Cependant, il a reconnu que le problème mérite d'être traité.

M. Gilles Carrez, Rapporteur, a rappelé que dans les documents fournis au Parlement en application de l'article 51 de la loi organique figure la décomposition par catégorie d'emplois.

M. Philippe Auberger a répondu que l'annexe mentionnée par le Rapporteur général ne concerne que les emplois au sens des administrations d'Etat. Or, il s'agit ici des emplois dans des organismes extérieurs à l'Etat qui exercent une mission de service public. L'annexe devrait donc décrire également la composition précise de ces emplois qui, devraient être en bonne logique des emplois contractuels à durée déterminée.

M. Louis Giscard d'Estaing a évoqué le cas des mises à disposition de fonctionnaires et s'est demandé ce qui était prévu à ce sujet dans la loi organique.

Le Président Michel Bouvard a répondu que ces personnels restaient dans le plafond d'emploi du ministère qui les détachait. En conséquence, il est concevable qu'à l'avenir, les ministères soient enclins à rapatrier leur personnel mis à disposition, ce qui aurait le mérite de clarifier les choses.

La Commission a adopté cet amendement.

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. François Cornut-Gentille, tendant à ce que les projet de virements et de transferts de crédits entre programmes ne puissent être effectués qu'après un délai de sept jours suivant l'information des Commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat et des autres commissions concernées sur leur nature.

M. Gilles Carrez, Rapporteur, s'est déclaré défavorable à cet amendement qui modifie une disposition qui n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2006. Il faut attendre d'observer la pratique avant de revoir des dispositions qui ne sont mêmes pas encore applicables.

Tenant à ce que le problème soit clairement abordé, M. Louis Giscard d'Estaing a rappelé que l'amendement ne sera applicable qu'après cette date.

M. Gilles Carrez, Rapporteur, a répondu que la question avait déjà été réglée par la loi organique. En effet, parce que les virements et les transferts de crédits relèvent du pouvoir propre de l'exécutif qu'il convient de ne pas entraver, le Parlement est simplement informé des décrets les effectuant, sans qu'il puisse statuer d'une façon quelconque à leur sujet. En revanche, le Parlement dispose du droit d'exprimer un avis sur les décrets d'avance.

Cet amendement a été retiré.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Charles de Courson tendant à imposer, à compter de l'exercice 2008, que les lois de finances présentent un équilibre de fonctionnement, c'est-à-dire que le déficit de l'État ne puisse servir qu'à financer des dépenses d'investissement.

M. Yves Deniau a estimé peu opportun d'imposer une règle aussi rigoureuse à la prochaine législature, ce qui nierait de fait sa liberté de définir et conduire la politique budgétaire qu'elle jugera la plus adaptée. Il n'est d'ailleurs pas sûr qu'une norme aussi contraignante soit réaliste et, partant, efficace. L'expérience américaine de la loi Gramm-Rudman-Hollings de 1985, qui visait à équilibrer le budget fédéral des Etats-Unis à l'horizon de 1991, est à cet égard éclairante. Les circonstances économiques et les choix politiques de ce pays ont conduit non pas à atteindre l'équilibre durant la période visée par la loi mais, à l'inverse, à doubler le montant du déficit qui a alors atteint un sommet historique.

Le Président Michel Bouvard a rappelé la tentation de définir des mesures extrêmement contraignantes d'inspiration proche observée au Sénat lors des discussions relatives à l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances (n° 2001-692 du 1er août 2001). Pour autant, le législateur organique y a renoncé, pour des motifs évidents.

M. Gilles Carrez, Rapporteur, a ajouté que cette disposition a certes un objet vertueux et s'inspire du régime applicable aux collectivités locales. Néanmoins, d'une part, 90% du budget de l'État étant constitué des dépenses de fonctionnement, imposer un équilibre de fonctionnement d'ici 2008 signifie, de fait, mettre fin au déficit de l'État d'ici cette date, ce qui paraît pour le moins extrêmement ambitieux. D'autre part, il importe de rappeler que l'État n'est pas une collectivité territoriale : s'il serait intéressant de mieux identifier, dans la présentation des lois de finances, ce qui relève du fonctionnement courant de l'État et ce qui relève de ses investissements, il ne faut pas oublier qu'il est le « payeur en dernier ressort » de l'ensemble des administrations publiques, assumant l'essentiel de la dette publique et jouant de fait le rôle d' « assureur ultime » de l'ensemble des risques publics. Il n'est donc pas souhaitable d'adopter des textes de fait inapplicables. Le Royaume-Uni a adopté une règle d'or comparable selon laquelle on ne peut financer par emprunt que des dépenses d'investissement, qui d'ailleurs ne s'applique qu'à l'échelle d'un cycle économique complet, de façon à préserver le jeu des stabilisateurs automatiques. L'expérience britannique suggère dès à présent que cette règle d'or est inapplicable dans toute sa rigueur.

M. Jean-Pierre Gorges a indiqué qu'il est pour sa part favorable à l'esprit de l'amendement. Certes l'État est le « dernier payeur public », et il assume de lourdes responsabilités financières à ce titre. Pour autant, est-il normal que son fonctionnement soit financé par l'emprunt ? 45% de ses dépenses de fonctionnement sont grevées par les frais de personnels. La réforme de l'État pourra certes induire des économies de fonctionnement à la marge, mais rien de significatif ne pourra être accompli si l'on ne s'attaque pas au foyer principal de la dépense. Une solution radicale serait d'imposer que l'État ne recoure désormais, pour ses nouveaux recrutements, qu'à des personnels contractuels, qui n'impliquent pas, comme les fonctionnaires, une dépense pérenne étalée sur toute leur carrière.

M. Jean-Pierre Gorges a conclu en indiquant qu'il proposera un texte énonçant que, tant que les finances de l'État ne seront pas équilibrées, tous les effectifs qu'il sera conduit à recruter devront l'être sous contrat privé.

La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a successivement adopté deux amendements présentés par le Président Michel Bouvard de cohérence avec l'amendement élargissant le champ des plafonds d'emplois aux organismes visés par une liste établie en loi de finances bénéficiant de subventions publiques.

La Commission a adopté un amendement présenté par le Président Michel Bouvard, tendant à simplifier la rédaction des dispositions de l'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances relatives aux délais de réponse aux questionnaires budgétaires adressés par les rapporteurs spéciaux au Gouvernement en la fixant au 10 octobre de l'année.

La Commission a examiné deux amendements présentés par M. François Cornut-Gentille, tendant à permettre aux commissions des Finances des deux Assemblées de publier au Journal officiel des demandes officielles de répondre dans les 10 jours respectivement aux questionnaires budgétaires qui n'auraient pas fait l'objet de réponses dans le délai imparti par l'article 49 précité et aux observations des missions de contrôle et d'évaluation mises en place par la Commission des finances de l'Assemblée nationale.

M. Louis Giscard d'Estaing a précisé que ces dispositions, plus contraignantes que le texte actuel de la loi organique, répondent au souci d'assurer un exercice efficace de leur mission de contrôle par les membres des Commissions des finances du Parlement.

Le Président Michel Bouvard a jugé inopportun d'alourdir un peu plus les procédures formalisées par la loi organique. Il a ajouté, approuvé en cela par le Rapporteur, que les délais voire l'absence de réponses aux questions posées par les Rapporteurs spéciaux sont plus utilement - et efficacement - dénoncés par une mention critique dans les rapports spéciaux ou par une remarque expresse adressée au ministre en séance publique. Il est inutile de préciser par des textes des obligations qu'une pratique vigilante suffira à imposer.

Ces amendements ont été retirés.

Un amendement présenté par M. Charles de Courson, tendant à prévoir que la présentation d'une prévision mensuelle de chaque recette budgétaire sera jointe au projet de loi de finances de l'année est devenu sans objet.

La Commission a examiné un amendement présenté par le Président M. Michel Bouvard, tendant à permettre l'organisation d'un débat au sein des Assemblées parlementaires à l'occasion de la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes ou de ses autres rapports publics.

Le Président Michel Bouvard a expliqué qu'il s'agit d'organiser un débat, non seulement sur le rapport annuel, mais également sur les rapports particuliers de la Cour des comptes, afin, d'une part, d'élargir le débat à la séance publique et donc de lever son confinement aux discussions moins médiatisées des commissions législatives, et, d'autre part, d'assurer un meilleur suivi des observations émises dans ces rapports en renforçant l'attention du Parlement sur les questions qu'elles soulèvent.

M. Gilles Carrez, Rapporteur, a souhaité que le rapport annuel de la Cour des comptes devienne un moment important de la vie politique française. Si l'on souhaite comme il est légitime intéresser les Français au contrôle des finances publiques par le Parlement, il importe que l'Assemblée nationale ou le Sénat soient autorisées à organiser un débat à l'occasion de la présentation de ce rapport. Actuellement, le rapport ne donne lieu qu'à un discours du Premier président de la Cour des comptes devant les assemblées. Il faudrait que le Parlement puisse inviter des ministres à participer au débat en présence du Premier Président.

En réponse à M. Louis Giscard d'Estaing qui souhaitait savoir quels membres de la Cour seraient autorisés à participer au débat, M. Gilles Carrez, Rapporteur, a indiqué que le Premier Président pourrait vraisemblablement être accompagné par des magistrats.

M. Louis Giscard d'Estaing a souhaité savoir si la possibilité d'interpeller des magistrats en séance publique est compatible avec les dispositions du règlement de l'Assemblée nationale.

M. Gilles Carrez, Rapporteur, a précisé que le règlement devra être modifié à cette fin.

Le Président Michel Bouvard a estimé qu'un tel débat pourrait constituer une évolution très importante. Les membres du National Audit Office (NAO), l'homologue britannique de la Cour des comptes, lorsqu'ils avaient été reçus par la Commission des finances, avaient estimé que 94 % des recommandations qu'ils formulent sont suivis d'effets. Faire du rapport annuel de la Cour des comptes un élément important dans la vie médiatique française en autorisant le Parlement à en débattre serait sans doute de nature à nous rapprocher d'un taux d'efficacité comparable.

La Commission a adopté l'amendement afin que M. Jean-Louis Idiart eut exprimé l'abstention du groupe socialiste sur cet amendement et sur l'ensemble du projet de loi.

La Commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi organique ainsi modifié.


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