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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2002-2003 - 3ème jour de séance, 7ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 3 JUILLET 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

Sommaire

      RAPPELS AU RÈGLEMENT 2

      RÉFORME DES RETRAITES (suite) 2

      DÉCLARATION D'URGENCE 15

La séance est ouverte à dix heures.

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Robert Pandraud - Mon rappel au Règlement concerne le feuilleton. En effet, celui-ci annonce les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi portant réforme des retraites à 10 heures en page 3 et à 10 heures 30 en page 4.

C'est la première fois que je vois une telle erreur sur le feuilleton.

Commençons-nous à 10 heures ou à 10 heures 30 ?

Un député UMP - 10 heures !

M. Robert Pandraud - Alors pourquoi la page 4 annonce-t-elle 10 heures 30 ?

M. le Président - C'est une erreur d'impression.

Vous donnez au feuilleton plus d'importance qu'il n'en a en réalité. Les groupes n'étaient pas d'accord sur l'heure d'ouverture de la séance, et j'ai cherché hier, en négociant avec les uns et les autres, à satisfaire chacun.

J'ai finalement tranché pour 10 heures (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), mais j'ai oublié de le signaler pour le feuilleton. Je vous prie de m'en excuser.

M. Alain Bocquet - Il semble que Strasbourg soit marqué par un climat politique particulier : cette ville souffre apparemment d'un verglas politique propice à des dérapages. Le Président de l'Union européenne, M. Berlusconi, vient de faire une déclaration inquiétante. Il parle d'humour noir : je parlerais plutôt d'humour brun. Il s'en est pris au député social-démocrate allemand Martin Schulz en lui lançant : « Un producteur est en train de réaliser un film sur les camps de concentration nazis. Je vous proposerai pour un rôle de kapo ». Quand on est responsable pour six mois de l'Union européenne, on ne peut tenir de tels propos ! Il importe que l'Assemblée nationale proteste : je demande, en guise de protestation, une suspension de séance de cinq minutes.

M. le Président - Le Journal officiel transcrira vos propos. Cela montrera l'émotion de notre assemblée. Quant à la suspension de séance que vous demandez, elle me semble inutile mais elle est de droit. Je vous accorde donc une minute.

La séance, suspendue à 10 heures 2, est reprise à 10 heures 3.

RÉFORME DES RETRAITES (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi portant réforme des retraites.

M. le Président - Conformément au souhait d'un grand nombre d'entre vous, j'en appelle à votre sens des responsabilités collectives pour que cette séance soit dense mais brève.

M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Nous voici arrivés, au terme d'un long et intense débat, dont M. le Président de la commission rappellera le détail, au moment du vote solennel qui va confirmer, par la voix de la représentation nationale, une des plus importantes réformes de notre système de protection sociale depuis sa création en octobre 1945 par le général de Gaulle. Les travaux de la commission ont succédé à la préparation minutieuse du projet par le Gouvernement, qui a négocié durant de longs mois avec les partenaires sociaux. Ils ont préfiguré le débat dans l'hémicycle et permis d'apporter la précieuse contribution des députés de la majorité et bien souvent, de l'opposition, qui ont su relayer les attentes des Français.

Le Gouvernement a tenu compte dans le texte des attentes des partenaires sociaux, que je tiens à saluer. Quelle qu'ait pu être leur attitude au moment de la négociation, ils ont tous participé à l'enrichissement du texte. Je remercie tous les commissaires de la commission des affaires sociales pour leur travail assidu (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) ainsi que le président de la commission, ses services, et tous ceux qui ont siégé longuement dans l'hémicycle.

Ayant constaté qu'il n'y avait pas de véritable solution alternative...

M. Maxime Gremetz - Si !

M. le Rapporteur - ...même si chacun espérait la solution miracle, le financement nouveau qui aurait permis à notre pays d'échapper à une réforme inéluctable, la commission s'est attachée à améliorer le texte, s'agissant en particulier des très longues carrières, des petites retraites, de ceux qui peinent à se faire entendre - je pense aux conjoints survivants - bref de tous ceux qui attendent que les députés que nous sommes relayent leurs préoccupations.

Contrairement aux rumeurs qui ont été complaisamment répandues, la commission et notre assemblée ont vraiment enrichi le texte, et nous pouvons en être fiers. Nos concitoyens ont besoin que la démocratie fonctionne comme elle a fonctionné ici - et j'en remercie M. le Président - ces dernières semaines.

Cette loi répondra à leurs attentes. La commission et notre assemblée ont amélioré le texte initial en faveur des conjoints survivants.

Au-delà de la suppression des conditions d'âge et de non-remariage, la prise en compte des seuils est désormais plus favorable. Cette importante avancée a certes un coût, mais nous sommes fiers d'y avoir contribué, et je remercie tout particulièrement les députés de l'opposition qui l'ont fait.

Plusieurs amendements ont introduit dans le texte des dispositions qui sont autant d'avancées pour les femmes. Notre système de protection sociale est original parce qu'il est fondé sur la solidarité entre les générations...

M. Jean-Pierre Brard - Ce n'est pas de l'obstruction, ça ?

M. le Rapporteur - C'est le travail des actifs qui finance les retraites. La valeur du travail peut ainsi être partagée : c'est l'objet de cette réforme.

Nous avons voulu consolider les avantages familiaux.

Sans une natalité suffisante, sans la vitalité des familles, sans attention portée à celles qui font le choix d'avoir des enfants et de les élever, notre système de protection sociale, fondé sur la solidarité entre générations, ne pourrait être (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, sur plusieurs bancs du groupe UDF et du groupe socialiste).

Je remercie le Gouvernement d'avoir répondu à une demande unanime de la commission en octroyant aux femmes fonctionnaires qui ont un enfant et ne s'arrêtent pas de travailler, ou réduisent leur temps de travail pour l'élever, six mois de durée d'assurance. Ce dispositif est particulièrement heureux : trop de femmes rencontrent des difficultés dans leur carrière et dans leur vie personnelle alors qu'elles contribuent au renouvellement des générations.

Nous avons également, avec le groupe UMP et Jacques Barrot, choisi de prendre en compte le temps passé sous les drapeaux pour nos concitoyens effectuant une carrière très longue, qui bénéficient aussi d'une grande avancée : la possibilité de partir à la retraite avant soixante ans s'ils totalisent quarante années de cotisations. Nous saluons aussi une avancée importante en faveur des conjoints d'agriculteurs exploitants, dont la situation est particulièrement difficile (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Malgré l'impatience de nombre d'entre vous, que j'aurais aimé pour certains voir plus souvent sur ces bancs, je tiens à souligner la contribution que nos débats, même si leur longueur a été excessive, auront apportée au texte. L'Assemblée, en allant au fond du débat, en proposant des avancées adoptées par amendement ou reprises par le Gouvernement, peut être fière de son travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Je remercie tous ceux d'entre vous qui me font parvenir des petits mots, même si c'est pour me demander d'intervenir auprès des orateurs pour qu'ils soient plus brefs...

M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances - Il y a quelques semaines, nous voulions tirer les conséquences de l'allongement de la vie. J'ai le sentiment, au terme de ce débat, que c'est chose faite, avec un texte organisé autour de trois principes : sécurité, équité et souplesse.

La commission des finances, sous l'autorité de son président Pierre Méhaignerie, a souhaité apporter sa contribution. Elle a voulu enrichir le volet financier du texte, certes, mais aussi démontrer que l'aspect humain en était le c_ur. Grâce à la parfaite collaboration de la commission des affaires sociales, dont je salue le président Jean-Michel Dubernard et le rapporteur Bernard Accoyer, elle a été entendue puisqu'un grand nombre d'amendements ont été adoptés à l'unanimité.

Un exemple en est le relèvement du taux d'activité des seniors, qui est au c_ur du pacte entre les générations.

M. Jean-Pierre Brard - Ça ne coûte pas cher !

M. le Rapporteur pour avis - Il fait son entrée dans le code du travail et sera l'affaire de la mobilisation de tous, des politiques aux acteurs sociaux. Il en va de même pour la pénibilité, que beaucoup de pays avaient déjà évoquée, mais qui est pour la première fois définie et qui trouve sa place dans le code du travail. L'épargne retraite a également été abordée sous le signe de l'équité et nous avons évité le piège de la caricature. Chacun aura accès à l'épargne-retraite, et il reste de nombreuses pistes à explorer. Une des principales avancées de cette réforme est le droit à l'information, clef de la responsabilisation de chacun. La retraite intéresse chacun d'entre nous, mais il manquait le moyen de déterminer son comportement en toute connaissance de cause. Un premier pas est franchi avec le droit à l'information automatique. Nous souhaitons qu'elle devienne un véritable service public.

Je remercie chacun des ministres pour les échanges que nous avons eus durant le débat, qui nous ont permis, nous en avons eu hier encore la preuve avec la mensualisation des retraites agricoles, de bâtir des avancées sociales. Mais il reste beaucoup à faire. Cette réforme est progressive. Elle n'a pas réglé le problème des retraites pour soixante ans. Toutefois, l'horizon est dégagé jusqu'en 2020. Des rendez-vous sont prévus, des décrets doivent être pris, et notre responsabilité est de suivre désormais l'évolution de cette loi.

Elu député pour la première fois l'an dernier, j'ai véritablement le sentiment d'avoir été au c_ur d'une entreprise de réhabilitation de la politique. Chacun, avec ses convictions et son tempérament, a apporté sa contribution. Chacun, à sa place, a fait _uvre utile : le courage de réformer et la volonté de s'opposer existent, ils ne sont pas si contradictoires que cela, si l'on n'oublie pas que l'intérêt général n'est pas la somme des intérêts particuliers ! Le conseil d'orientation des retraites avait averti que si aucune réforme n'était entreprise, nous n'aurions le choix en 2040 qu'entre le recul de l'âge de la retraite de neuf ans, une augmentation des cotisations de 60 % ou une diminution du taux de remplacement de 45 %. Grâce à notre réforme, aucun de ces scénarios ne verra le jour. C'était notre devoir, c'est aussi notre légitime fierté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Nous arrivons au terme d'un long débat, qui sera peut-être historique et qui en tout cas marquera la législature. Je remercie le Président pour la manière ferme, élégante et démocratique...

M. Jean-Pierre Brard - Courtoise ! Conviviale !

M. le Président de la commission - ...et intelligente ! avec laquelle il a mené les débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Elle a traduit une impressionnante hauteur de vue.

M. le Président - J'ai bien fait de vous donner la parole !

M. le Président de la commission - Je remercie également, au nom de la commission, MM. Fillon et Delevoye (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) qui ont su s'adapter au rythme et à l'atmosphère parfois houleuse de nos débats. Votre sérénité et la qualité de vos réponses ont beaucoup apporté à nos échanges. Je remercie enfin les députés de leur présence assidue, et notamment les membres de la commission des affaires sociales pour lesquels le débat a duré une semaine de plus, début juin, semaine où la commission a tenu 15 réunions et 22 heures 30 de débat. Enfin, je salue le président Bocquet et le président Ayrault, dont les propos d'hier soir traduisent un esprit républicain qui donne tout son sens à la démocratie parlementaire.

Xavier Bertrand et Bernard Accoyer, dont je salue le travail exceptionnel, sont revenus sur le fond. Je me contenterai de rappeler les objectifs de cette réforme : permettre au système de retraite par répartition de résister aux évolutions démographiques - à partir de 2006, nous passerons de 500 000 à 800 000 départs à la retraite par an ! - élaborer des leviers de commande pour piloter un système dont on ne peut préjuger vingt ans à l'avance de la conjoncture dans laquelle il devra équilibrer ses comptes, rendre le système plus simple et plus équitable et enfin éviter que la pression excessive des prélèvements sur les actifs ne déclenche une sorte de guerre des générations.

Le texte qui part au Sénat répond bien à ces objectifs. Il reprend les principes issus de notre histoire, autour desquels s'organiseront obligatoirement les adaptations nécessaires à l'avenir. Il prend en compte les travaux du COR et s'inspire, sans les copier, des expériences des pays qui ont déjà procédé à la refonte de leur système de retraite. J'ai eu la chance d'accompagner le ministre du travail en Suède, en Finlande, en Espagne et en Allemagne. Cette expérience nous a permis d'éclaircir notre réflexion. Je regrette que le consensus qui a été obtenu dans ces pays, pourtant si différents, n'ait pu être trouvé en France, mais j'ai bon espoir qu'il apparaisse dans le années à venir.

Nous venons de vivre le deuxième débat le plus long de toute la Ve République. Au début du dix-neuvième jour, nous comptons 155 heures de discussion, dont 47 heures 55 pour le seul premier article incluant 4 heures 15 de rappels au Règlement et de suspensions de séance ! 11 153 amendements ont été déposés, 8 679 discutés et 453 adoptés. C'est la preuve que nos travaux ont été de qualité et je suis fier d'avoir pu y participer (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Maxime Gremetz - Vous nous promettiez une réforme discutée en neuf jours et adoptée avant la fin de la session ordinaire. Nous y avons consacré près de quatre semaines et 155 heures de débats, et cela bien que la commission-couperet ait supprimé plusieurs centaines de nos amendements.

Les débats ont mis en lumière la régression sociale qu'organise votre projet. Après avoir refusé de véritables négociations avec les partenaires sociaux, multiplié les velléités de communication, méprisé le rejet de la réforme par nos concitoyens, vous faites passer en force ce texte grâce à une majorité à votre botte (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui a très peu pris part au débat, fuyant toute discussion de fond.

Hommage spécial donc, médaille du mérite du silence à tous ces députés de la majorité qui ont eu l'extraordinaire courage de ne pas dire un mot dans ce débat de société ! Il fallait le faire ! J'avoue que moi, je n'aurais jamais tenu le coup (Rires et exclamations sur divers bancs).

Cette majorité est à l'image du Gouvernement, qui fuit le dialogue, alors que nos concitoyens ont affiché leur volonté de s'emparer de ce dossier qui les concerne tous. S'agissant d'un choix de société aussi important, nous aurions pu espérer un véritable débat national, l'ouverture d'un « Matignon des retraites », comme le président de notre groupe vous l'avait suggéré.

Car rien n'est joué. Vous pensiez avoir réglé le dossier. Mais vous auriez tort de sous-estimer le mouvement social, qui va revenir plus fort à la rentrée.

Cette réforme, en effet, annule plusieurs décennies de conquêtes sociales. Vous signez la mort de la retraite à 60 ans, la fin de la répartition (Protestations sur les bancs du groupe UMP), vous dites : « Vive la retraite à 65 ans, 67 ans, 69 ans, vive la capitalisation ! ». Seul le Medef (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) affiche sa satisfaction et le baron Seillière vous encourage : « Des réformes comme cela, j'en veux tous les jours ! » (Rires).

Mais ne vous y trompez pas, Messieurs les ministres. Votre majorité va voter ce texte, mais les salariés du privé comme du public, les retraités, les demandeurs d'emploi ne vous laisseront pas faire.

Rappelez-vous l'étude d'opinion du journal La Croix : 61 % des salariés et 76 % des fonctionnaires rejettent cette réforme, qui porte la durée de cotisation à 42 ans alors que les jeunes peinent à trouver un emploi, alors que la liste noire des licenciements boursiers s'allonge et que les plus de 50 ans en sont les cibles privilégiées.

Nous traduisons leur hostilité à votre texte, qui rogne le niveau des pensions, et exige toujours plus de sacrifices de la part des actifs et des retraités. Et ce sont surtout les femmes qui les supporteront !

Avec nous, ils rejettent une réforme qui ne prend pas en compte la pénibilité du travail, qui rend illusoire le droit à la retraite à 60 ans, qui n'offre qu'une épargne retraite individuelle à ceux qui sont attachés à la répartition et à la solidarité.

Enfin, nous rejetons avec eux une réforme financée à 91 % par les salariés, qui remet en cause les avantages familiaux et le principe de compensation, alors que vous vous disiez soucieux d'équité et de partage des efforts !

A l'occasion de ce débat, nous avons présenté un véritable projet alternatif, dont vous avez d'ailleurs souligné la cohérence, Messieurs les ministres, reconnaissant ainsi qu'une autre réforme était possible.

Cette autre réforme a pour objectif la modernité et le progrès social.

Elle a été élaborée avec des salariés, avec des associations de retraités, avec tous ceux que nous avons rencontrés dans nos circonscriptions.

C'est pourquoi nous nous sommes fait un devoir moral à leur égard de défendre tous nos amendements. Ils visent à supprimer toutes les dispositions perverses de votre texte et à garantir notre système par répartition, en assurant un niveau élevé de pension dès 60 ans, afin que chacun puisse vivre dans la dignité la troisième partie de son existence.

Cela suppose la suppression des mesures iniques prises en 1993 par M. Balladur (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), notamment l'indexation des retraites sur les prix.

Nous, nous avons proposé l'indexation des retraites sur les salaires bruts et la garantie d'une retraite égale à 75 % du salaire brut moyen des dix meilleures années dans le secteur privé ou du traitement indiciaire brut des six derniers mois pour le secteur public.

La prise en compte de la totalité des rémunérations, primes et heures supplémentaires comprises, aurait aussi été souhaitable.

Nous avons également proposé d'augmenter les basses retraites, notamment le minimum contributif qui, à sa création, en 1983, représentait 63 % du SMIC brut, contre 45 % seulement aujourd'hui, et de porter le taux de la pension de réversion à 60 %. Toujours pour corriger les mauvais effets des mesures que j'appelle Balladur - excusez-moi, Monsieur le ministre, mais au moins vous aurez laissé votre nom dans l'histoire ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) -, nous avons proposé d'assurer la possibilité de toucher une retraite à taux plein à 60 ans, avec 37,5 annuités ; en validant gratuitement les périodes d'études, de contrats d'insertion, de chômage et en supprimant toute décote.

Nous allons continuer notre combat pour prendre en compte les situations particulières. On a beaucoup parlé des femmes et des hommes ayant exercé des travaux pénibles, mais il ne peuvent se contenter de paroles ! Ils doivent pouvoir prendre leur retraite à taux plein dès 55 ans.

Tout salarié totalisant quarante ans de cotisation doit pouvoir, comme l'ont proposé les groupes communistes à l'Assemblée nationale et au Sénat, obtenir sa retraite à taux plein même avant 60 ans.

Les personnes ayant eu à charge un enfant ou un adulte handicapé dépendant ne doivent pas être pénalisées.

Concernant le régime des fonctionnaires, je veux revenir sur la controverse relative à leurs prétendus privilèges.

Si des différences existent, tâchons de placer tout le monde au meilleur niveau ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Il est inacceptable de présenter leur régime comme un privilège. Si le montant des retraites est plus élevé dans le public, c'est que le nombre de cadres y est plus important.

Le départ à 60 ans n'y est plus automatique, en raison de l'entrée de plus en plus tardive dans l'activité professionnelle. Enfin, le taux de remplacement est actuellement le même que dans le privé, de l'ordre de 75 %.

Je vois que les ministres ont besoin d'une petite pause pour se détendre. Alors je les laisse respirer... (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Continuez, Monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz - C'est pourquoi, avec les salariés du public comme du privé, nous refusons votre politique d'alignement vers le bas. Comme l'a dit Mme Fraysse, c'est la première fois qu'on veut faire tourner la roue de l'histoire à l'envers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Aujourd'hui, plus que le nombre d'annuités, c'est le mode de calcul imposé par la réforme Balladur de 1993, qui a conduit à la dégradation des retraites du secteur privé. Ces mesures doivent être annulées.

Vous avez présenté le débat de façon démagogique, niant l'ancrage historique de ces régimes. Il est honteux de cultiver l'opposition entre secteur public et privé. Nous, nous prenons en compte les spécificités de chacun.

Telles ont été les principales mesures de justice sociale et d'efficacité économique que nous avons défendues devant vous.

Mais vous avez été sourds, autistes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). D'autres l'ont été avant vous, ils l'ont payé !

C'est que, comme vos prédécesseurs, vous refusez le financement nécessaire à toute avancée sociale. Nous avons proposé de l'asseoir sur la richesse produite. Il fallait donc élargir l'assiette des cotisations patronales, mettre à contribution les revenus financiers, organiser une modulation selon que les entreprises sont ou non créatrices d'emploi. Tout cela, vous ne le voulez pas !

Au contraire, les députés communistes et républicains ont proposé des mesures d'équité et de justice sociale, et ce faisant, ils ont témoigné de leur ouverture et de leur volonté constructive.

Votre projet ne répond en rien aux aspirations des Français, il ne garantit pas le droit à la sécurité et au bonheur à tous les âges de la vie. Il ne tient pas compte de la capacité de notre économie à satisfaire ces aspirations.

Nous refusons, avec beaucoup d'autres, de céder au chantage à la mort de notre système par répartition. L'alternative n'est pas entre votre réforme et la retraite par capitalisation. Mais si vous êtes si sûrs du bien-fondé de votre réforme, soumettez-la au peuple !

M. Jacques Desallangre - Ils ont peur.

M. Maxime Gremetz - Oui, ils ont peur. Le Premier ministre a écrit à tous les Français. Qu'il leur donne le droit de répondre par le referendum.

Avant de terminer... (Vives manifestations d'assentiment sur les bancs du groupe UMP) ...comme tout au long de ce débat, on essaye encore de me bâillonner !

Avant de terminer donc, je souhaite, au nom des députés communistes et républicains, remercier le Président de notre assemblée (Exclamations et quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP) pour l'impartialité incontestable dont il a fait preuve dans la présidence des travaux. Je remercie également l'ensemble du personnel de l'Assemblée (Applaudissements sur tous les bancs) qui nous a permis de travailler dans les meilleures conditions durant ces longues séances (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Pierre Lellouche - Heureusement qu'ils ne sont pas aux 35 heures !

M. le Président - Monsieur Gremetz, vous ne nous avez pas dit si votre groupe votait ou non ce projet (Rires sur de nombreux bancs). J'imagine que ce n'était pas nécessaire...

M. Denis Jacquat - Je félicite d'abord M. Gremetz, qui est devenu grand-père (Applaudissements sur divers bancs). M. Fillon lui a dit hier que, grâce à nous, sa petite-fille aurait une retraite. Le cadeau que nous lui faisons ce matin, c'est d'accepter qu'il dépasse son temps de parole.

Il y a quatre semaines, je soulignais comme porte-parole de l'UMP l'importance du débat qui s'engageait. Il y a un mois que François Fillon et Jean-Paul Delevoye sont venus présenter leur projet en commission.

M. Jean-Pierre Brard - Ils ne pensaient pas y être encore un mois après !

M. Denis Jacquat - Au terme d'un débat dont la durée sera inscrite dans les annales, nous en sommes encore plus convaincus. En réaffirmant avec force leur attachement au régime par répartition, le Gouvernement et la majorité ont défendu la solidarité entre générations et entre les actifs eux-mêmes. C'est l'immobilisme ou les fausses solutions qui seraient désastreux pour notre pacte social et conduiraient inexorablement à la diminution drastique des pensions. Les grands perdants en seraient les salariés les plus modestes, qui n'ont pas accès à l'épargne et à l'assurance-vie.

On peut regretter que les interventions de l'opposition n'aient pas toujours été à la hauteur de l'enjeu. Pendant quatre semaines, nous avons eu droit à des tentatives permanentes d'obstruction de la part de ceux qui avaient pourtant annoncé des solutions alternatives. Nous avons ainsi eu des amendements identiques déposés 149 fois ; des demandes de scrutin public sur des amendements rédactionnels,...

M. Jean-Claude Lefort - On n'a pas le droit ?

M. Denis Jacquat - ...des interruptions de séance régulières, sans parler des demandes de quorum tardives.

M. Jean-Claude Lefort - Ce n'est pas dans le Règlement ?

M. Denis Jacquat - Pour ce qui est de la cohérence, le groupe communiste a voté un amendement supprimant l'article qui permet aux salariés ayant eu une longue carrière de partir en retraite avant 60 ans alors qu'il avait défendu une proposition de loi dans ce sens !

M. Jean-Claude Lefort - Menteur !

M. Denis Jacquat - Vérifiez donc le scrutin 229 du 24 juin 2003 sur l'amendement 11230 à l'article 16 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Le même groupe communiste a voté contre l'article retardant la mise à la retraite d'office à l'initiative de l'employeur. Les Français comprennent certainement aussi peu que nous.

M. Jacques Desallangre - On verra ça !

M. Denis Jacquat - Face à cette attitude, le groupe UMP est resté serein (rires sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), refusant de répondre aux provocations et d'allonger encore les débats. Convaincus de la nécessité de la réforme, nous sommes restés fidèles à nos engagements. Notre travail sur le terrain nous a permis de faire des propositions pour améliorer la réforme sur plusieurs points.

S'agissant de la pension de réversion, j'avais demandé qu'un geste soit fait envers les conjoints survivants dont la situation est parfois très précaire. Je remercie le Gouvernement qui y a été sensible. Un amendement a exclu du calcul du plafond de ressources les 10 % de majoration de pension pour les assurés ayant eu trois enfants.

En cette année européenne des handicapés, nous avons marqué notre engagement en leur faveur. Désormais le père et la mère d'un enfant handicapé pourront majorer leur durée d'assurance d'un trimestre par période d'éducation de 30 mois, dans la limite de deux ans. De même le bénéfice de l'assurance vieillesse du parent au foyer a été étendu aux conjoints, aux descendants ou aux proches d'un adulte handicapé.

Les avantages familiaux ont donné lieu à un débat de qualité. Nous sommes soumis aux exigences de la législation européenne, mais aussi convaincus de la nécessité d'une politique familiale dynamique pour financer les retraites de demain. Grâce au remarquable travail de Bernard Accoyer, a été adopté un amendement qui attribue aux femmes fonctionnaires une majoration de la durée d'assurance de six mois.

En outre, nous avons fait prendre en compte la période de service national pour le bénéfice de la retraite anticipée pour les assurés ayant commencé à travailler très jeunes.

Notre débat aura permis d'éclairer les Français.

Cette réforme est juste. Elle ne dresse pas une catégorie contre une autre, mais vise à sauver la retraite de tous et sauvegarde le niveau de pension sans faire peser une charge excessive sur les actifs.

Cette réforme est généreuse. Elle comporte des avancées très attendues comme la retraite minimum pour les salariés ayant toujours travaillé au SMIC, la retraite anticipée pour les longues carrières, l'amélioration de la situation des polypensionnés, la prise en compte des primes pour les fonctionnaires, la diminution de la décote dans le régime général. Sont également prévues des négociations sur la prise en compte de la pénibilité et sur l'emploi des plus âgés.

Ce que l'UMP promet, elle le réalise (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Cette réforme garantit l'avenir de notre système de retraite. Sans recourir aux fausses solutions comme l'alourdissement des charges ou des impôts, ce projet va permettre à notre système par répartition de passer l'échéance de 2020.

Permettez-moi en conclusion de saluer ici la qualité d'écoute dont nous avons pu bénéficier de la part de François Fillon et de Jean-Paul Delevoye, dont je salue le calme inoxydable devant les question répétitives de l'opposition. On nous a expliqué que la pédagogie reposait sur la répétition (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Mais certains ont vraiment du mal à comprendre.

L'écoute des deux ministres a permis de faire avancer de façon très positive le débat. Je n'oublie pas non plus les rapporteurs des différentes commissions, Xavier Bertrand pour les finances, François Calvet pour la défense, Claude Greff pour la délégation aux droits des femmes et bien entendu Bernard Accoyer pour les affaires sociales.

C'est avec la conviction que nous avons _uvré pour l'ensemble des Français que le groupe UMP votera ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Le scrutin public demandé sur l'ensemble du projet est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Ce débat a duré 155 heures et 9 minutes, dont 21 heures et 13 minutes pour la discussion générale et 133 heures 56 minutes pour l'examen des articles. Les suspensions de séance et les rappels au Règlement ont représenté 20 heures et 16 minutes.

Sur 11153 amendements déposés, 2222 ont été déclarés irrecevables et 252 retirés avant la discussion. Nous avons donc examiné 8679 amendements, au rythme de 64,8 amendements à l'heure (Sourires).

Sur les 453 amendements qui ont été adoptés, 119 proviennent de la commission des affaires culturelles, 17 de la commission des finances, 33 du Gouvernement, 28 du groupe UMP, 150 du groupe socialiste, 105 du groupe communiste et 1 du groupe UDF.

M. Jean-Marc Ayrault - Après le temps des remerciements, hier soir, vient le temps des explications de vote. C'est un moment important de notre vie nationale.

Ce projet qui nous est soumis fait bien plus qu'ajuster notre système de retraite aux évolutions démographiques. Il engage l'avenir de notre modèle social pour les prochaines décennies.

Un tel choix justifiait qu'on prenne le temps de débattre. C'est pourquoi le groupe socialiste a refusé la facilité du blocage. A l'obstruction, nous avons préféré la pédagogie. A l'invective, nous avons opposé nos propositions (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Nous avons multiplié les amendements pour améliorer ce qui pouvait l'être. Les députés socialistes se sont mobilisés, je pense tout particulièrement à mon collègue Pascal Terrasse. Ils ont fait leur travail et je tiens à les en remercier (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

A aucun moment, Monsieur le ministre, vous n'avez saisi l'opportunité d'accepter nos amendements. Certes, nous avons eu de longs échanges, mais le Gouvernement n'a cessé d'afficher son dédain pour nos propositions.

La majorité a été remarquable par son silence, réinventant, bien malgré elle, le concept de « majorité silencieuse » (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vos appels au dialogue, à la concertation, au consensus même, ne relevaient que de l'apparence. Pourtant, la voie du consensus était ouverte, sur la base du diagnostic partagé établi par le COR, créé par Lionel Jospin. Il ne tenait qu'à vous de prendre le temps de la négociation.

Je veux reconnaître la ténacité de M. Fillon et son souci de répondre à l'opposition. Mais l'ouverture s'est arrêtée là !

Le débat était nécessaire.

Il a permis de mettre en évidence les fragilités de votre système : la baisse du niveau des pensions, l'oubli des inégalités devant l'espérance de vie, la faiblesse de votre politique de l'emploi et l'absence de financement pérenne. Pour une réforme que vous qualifiez de « centrale », cela fait beaucoup de malfaçons. Le Premier ministre nous avait assurés que ce projet constituait « une réforme de sécurité nationale ». Je crains plutôt qu'il s'agisse d'une loi de précarité générale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP).

Ce texte frappera d'abord les retraités eux-mêmes. Pour la première fois depuis trente ans, le niveau des pensions n'est plus garanti. De l'aveu même du Gouvernement, la combinaison de ce projet à la réforme Balladur va faire passer les retraites des trois quarts aux deux tiers du salaire de référence. Tout le monde sera pénalisé. Vous parlez d'équité, mais les salariés du privé se retrouveront tout de même dans une situation défavorable.

La baisse du niveau des pensions se traduit déjà par la hausse du taux d'épargne. Vous encouragez sans précaution le recours à la capitalisation. L'allongement uniforme de la durée de cotisation fait de la retraite à 60 ans une fiction.

Avec l'allongement de la durée des études et la précarisation du travail, les salariés ne sauront plus à quel âge ils pourront partir. Un jeune diplômé au chômage calculait devant moi que, compte tenu des deux ou trois années de rupture qu'il comptait entre ses CDD, il ne prendrait pas sa retraite avant 70 ans. Certes, vous tentez de compenser en ouvrant le droit de racheter trois années d'études, mais cette amélioration ne concerne qu'une petite minorité de salariés.

Présentée comme « moderne », cette réforme est en fait archaïque et sexiste. Archaïque, car elle repose sur le mythe de la carrière ininterrompue ; sexiste, car elle impose une double peine aux femmes (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). En effet, leurs pensions seront inférieures à celles des hommes et vous réduisez les avantages familiaux.

Le financement de la réforme est encore incertain. Vous dites avoir trouvé 18 milliards sur les 43 nécessaires. Pour faire la jointure, vous prévoyez la division du chômage par deux et le transfert des cotisations de l'UNEDIC sur l'assurance vieillesse. C'est un pari risqué, vu la pauvreté de votre politique de l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Vous ne faites, dans ce domaine, que supprimer le dispositif des préretraites progressives. Il faut une politique plus conséquente pour maintenir l'emploi des plus de 50 ans. Vous allez transformer les préretraités en nouveaux chômeurs. Vous avez ignoré nos propositions visant à relancer la politique de l'emploi. C'est pourquoi le mot « solidarité » qui émaille vos déclarations ne peut sonner juste.

Vous n'abondez pas le fonds de réserve des retraites. Vous refusez, par dogmatisme, d'augmenter les prélèvements. Votre réforme sera intégralement supportée par les salariés, les retraités, les fonctionnaires. Elle épargne, si j'ose dire, les rentiers et les détenteurs de patrimoine. Certains de vos amis, au sein de l'UMP, s'en sont émus, reprenant l'idée de taxer les bénéfices des sociétés. Vous vous êtes empressés de les faire taire. Dommage, car il y avait place pour un vrai débat.

J'en viens aux inégalités devant l'espérance de vie. Personne ne peut accepter qu'un ouvrier vive sept ans de moins qu'un cadre ou qu'un professeur. C'est pourquoi il fallait prendre en compte la pénibilité du travail (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Vous avez préféré la fausse équité de l'alignement uniforme du public et du privé.

Contrairement à ce qui a été dit, il n'y avait pour nous aucun tabou, dès lors que la négociation avait lieu. Il aurait fallu une impulsion que vous n'avez pas donnée.

Vous affirmez avec hauteur qu'il n'y avait pas d'autre choix. C'est que nous n'avez rien entendu. Pas plus qu'il n'y a de pensée unique il n'y a de solution unique. Je vous renvoie à Churchill : « Si deux hommes ont toujours la même opinion, l'un des deux est de trop. »

Eh bien, nous n'avons pas la même opinion et la gauche n'est pas de trop. Vous pouvez multiplier les citations, cela n'y change rien : nous n'aurions pas fait la même réforme.

Plusieurs députés UMP - Vous n'avez rien fait !

M. Jean-Marc Ayrault - « Nous aurions donné priorité à la négociation. Nous aurions tenu compte de la diversité des situations ». Ces phrases sont de Lionel Jospin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Nous aurions fait la politique de l'emploi (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Ces résultats plaident en notre faveur : nous avons créé deux millions d'emplois en cinq ans ! Chiche ! Faites-en autant ! Nous en sommes bien loin.

L'allongement de la durée d'activité doit primer sur celui de la durée de cotisation. Cela suppose un pacte national pour l'emploi, qui maintienne en activité les plus de 50 ans. Les autres pays, que vous prenez en exemple, ont réformé à l'issue d'une longue négociation qui contraste avec votre volonté de passer en force (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Il n'y avait pour nous, je le répète, aucun tabou : ni la durée de cotisation ni le montant des prélèvements. Encore fallait-il vouloir cette négociation !

Nous, nous avions mis en place un financement durable, partagé équitablement entre tous les revenus, sur la base d'un pacte de confiance avec les Français.

M. Hervé Novelli - Pourquoi n'avez-vous rien fait ?

M. Jean-Marc Ayrault - Ces derniers doivent le savoir, ce rendez-vous viendra après les élections de 2007, vous l'avez vous-même fixé en 2008, nous y serons !

Au cours de ces dernières décennies, la retraite est devenue un âge d'or pour beaucoup de Français, même si, pour certains d'entre eux, le niveau des pensions reste trop faible. Ce progrès, ils le doivent à l'allongement de l'espérance de vie et à une meilleure prise en charge de la dépendance, grâce à la grande réforme de l'APA, que nous avons votée et que vous avez partiellement remise en cause (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Plusieurs députés UMP - Elle n'était pas financée !

M. Jean-Marc Ayrault - Ainsi, ce qu'un sociologue appelait « l'antichambre de la mort » s'est transformée en troisième vie. Les retraités sont devenus des citoyens à part entière, qui voyagent, qui consomment, qui aident leurs enfants et leurs petits-enfants, qui participent à la vie de la cité. Notre système par répartition y a largement contribué. Je crains que votre réforme ne marque la fin de cette période. Vous avez manqué une occasion probablement unique de réussir une réforme sociale difficile en suscitant l'adhésion au lieu de provoquer la confrontation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP).

Nous avons devant nous bien d'autres chantiers sociaux, en particulier celui de l'avenir de la sécurité sociale. Le rendez-vous de l'assurance-maladie est pour l'automne, nous vous y attendons, les Français aussi.

Mme Maryse Joissains Masini - Quel culot !

M. Jean-Marc Ayrault - Si vous prenez le même chemin, les choses seront encore plus difficiles.

Pour l'heure, si vous vouliez tenir compte de nos messages, vous ne vous obstineriez pas Monsieur le ministre des affaires sociales, votre responsabilité est engagée, sur le dossier des intermittents du spectacle. Vous pouvez refuser l'agrément pour permettre, là aussi, la négociation. La négociation, voilà le chemin pour tous les grands dossiers sociaux. C'est bien pourquoi nous ne voterons pas ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et plusieurs députés communistes et républicains ; huées sur les bancs du groupe UMP).

M. Hervé Morin - Le groupe UDF votera de bon c_ur cette réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Ces quatre semaines de débat nous appellent à un véritable discours de la méthode. On voit en effet qu'aucune réforme n'est possible sans la culture du dialogue, de la transparence, de la négociation. A partir du constat dressé par le COR, la réforme et ses objectifs ont été annoncés clairement. La discussion s'est ensuite engagée avec l'ensemble des partenaires sociaux et même avec tous les Français. On ne peut plus négocier en catimini, entre initiés, en réunion interministérielle.

Il faudra procéder de même pour d'autres réformes concernant des sujets essentiels, qui intéressent tous nos concitoyens.

Ma seconde réflexion porte sur les relations entre exécutif et législatif. Tous les gouvernements sont tentés de raccourcir les débats parlementaires. Je rends hommage au Président de notre Assemblée qui n'a eu de cesse de faire respecter les droits de l'opposition, de promouvoir le dialogue, de favoriser dans cet hémicycle le débat, la confrontation et l'échange (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Nous n'avons pas eu satisfaction sur beaucoup d'amendements mais les discussions qui s'étaient ouvertes avant même l'examen du texte ont permis de le faire évoluer dans le sens souhaité par les parlementaires, en particulier pour le droit à la retraite de ceux qui ont commencé à cotiser très tôt.

Enfin, Messieurs Ayrault et Bocquet, en dépit de vos critiques, en dépit de l'obstruction pratiquée par le groupe communiste (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) je suis persuadé que vous ne remettrez pas plus en cause cette réforme que vous n'avez remis en cause celle de 1993 (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Il a raison !

M. Hervé Morin - Une partie du chemin reste à faire, en particulier pour ce qui concerne la réduction du taux de chômage car je ne crois guère à l'hypothèse malthusienne selon laquelle plus la population active diminue, plus le chômage baisse. Mais quelle que soit la situation économique en 2008, vous ne réviserez pas ce texte en profondeur.

Il est regrettable que nous n'ayons pas abouti à un consensus. La CFDT avait tracé la voie du dialogue, vous auriez dû vous inspirer de son attitude. Le dialogue et la construction d'un projet commun sur les sujets majeurs sont pourtant possibles, le SPD et la CDU nous l'ont montré en Allemagne à propos de la réforme fiscale.

S'agissant des retraites, nous aurions, pour notre part, aimé introduire plus d'égalité. L'action de la majorité s'inscrit dans la culture de l'efficacité, de la performance, mais elle ne doit pas négliger le principe d'égalité - car l'équité ne suffit pas, elle n'est qu'un sous-produit. Ce principe devrait trouver son application à propos des régimes spéciaux, du statut des enseignants du privé et du public, du taux de cotisation (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe UMP). L'égalité n'est ni de droite, ni de gauche, elle fonde la République.

Messieurs les ministres, j'espère que ces quatre semaines, qui vous ont paru bien longues, vous ne les regretterez pas en arrivant au Palais du Luxembourg. Je vous souhaite bon courage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

A la majorité de 389 voix contre 132 sur 521 votants et suffrages exprimés, l'ensemble du projet est adopté (Les députés des groupes UMP et UDF se lèvent et applaudissent longuement).

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire - Je me réjouis de votre fidélité et de votre soutien à une réforme souhaitée par tous, repoussée souvent, qui montre toute la puissance de la volonté politique exprimée par le Président de la République, par le Premier ministre et par vous-même. Nous avons su, avec courage et détermination, assumer notre responsabilité devant l'avenir du pays.

M. Jean-Pierre Brard - Quelle abnégation !

M. le Ministre de la fonction publique - Beaucoup agitaient le spectre de 1995, pour mieux nous inviter à ne rien faire. Vous pouvez en être fiers : lorsque l'intérêt général le commande, nous assumons, et vous assumez vos responsabilités (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Je salue la volonté du Premier ministre, qui ne souhaitait pas une réforme de techniciens. Nous avons refusé la facilité de l'état de grâce, du débat en catimini et d'une réforme bâclée, pour associer nos concitoyens à ce projet, avec un débat en province, dans nos partis, au Parlement, devant l'opinion. Le dialogue vivifie la démocratie, mais trop de dialogue peut la fragiliser en neutralisant l'action. Ne confondons pas le temps de la discussion et le temps de la décision.

Ni vainqueurs, ni vaincus : le Président de la République l'a dit, l'avenir de notre système de retraites exigeait une volonté politique, une responsabilité politique. La solidarité entre les générations est en effet au c_ur de notre pacte républicain, qui sort renforcé de votre vote. En sécurisant le niveau des pensions, en allongeant la durée d'assurance, vous garantissez l'avenir de nos retraités et vous allégez le fardeau des jeunes générations.

Vous avez répondu aux exigences de nos concitoyens : plus de justice, plus de considération envers les plus faibles, une meilleure prise en compte de la condition féminine.

Pour ce qui est de la fonction publique, certains voulaient en faire des privilégiés, d'autres des victimes...

M. Jean-Pierre Brard - C'est votre cas !

M. le Ministre de la fonction publique - ...négligeant la volonté des fonctionnaires de prendre leur part dans la réussite de notre pays. La France ne se nourrira pas que de peurs, elle doit revendiquer ses atouts. Voulons-nous maîtriser notre avenir ou acceptons-nous qu'il soit écrit par d'autres ?

Maîtriser notre avenir, c'est d'abord avoir confiance en nous. Je salue tous ceux qui partagent cette conviction et qui se sont engagés à nos côtés pour conforter cette réforme des retraites. Ceux qui ont contesté nos choix sont respectables, mais nous devons tirer les leçons de ce débat. La légitimité de la rue ne peut contester celle de l'élection (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Nous serons jugés par nos concitoyens, mais nous le serons sur nos actes.

Ce débat a restauré le politique dans sa capacité de porter les enjeux et de susciter le débat, mais plus encore dans sa capacité de décider et assumer ses choix. Il a permis de responsabiliser nos concitoyens, qui adhéraient à la nécessité de la réforme mais connaissaient peu notre système de retraites. Notre débat a mis en lumière les injustices et les failles de notre système de retraites et les avantages de notre réforme.

Mais nous avons surtout mesuré le chemin qui reste à parcourir pour bâtir une culture de la réforme et du changement dans notre pays. Nous sommes souvent divisés entre ceux qui se nourrissent de la résistance au changement, et ceux qui en acceptent la nécessité. Sachons donc reconstruire les outils de régulation sociale que requiert le changement. Veillons surtout à ne pas saper notre démocratie en fragilisant nos institutions. L'audace et le courage sont toujours récompensés, à condition d'agir sur les bons leviers : la justice et la solidarité. Faisons confiance à la clairvoyance de nos concitoyens : cette réforme, ils la savaient nécessaire, mais ils la voulaient juste et crédible. Grâce à vous, 50 % du financement sont assurés dans le secteur public et la justice est garantie entre le secteur public et le secteur privé comme pour les petites retraites, les conjoints survivants, les aides-soignantes et les infirmières, les fonctionnaires et les femmes - qui peuvent désormais choisir entre vie professionnelle et vie familiale. Nous assumons notre choix, et je salue l'apport de l'Assemblée nationale, des commissions, du président Dubernard, des rapporteurs Bernard Accoyer, Xavier Bertrand, Claude Greff, François Calvet, et aussi de Denis Jacquat.

Nous avons beaucoup appris, notamment sur la subtilité du Règlement de votre assemblée. Je salue l'action du président Jean-Louis Debré (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) et des présidents de groupe, ainsi que le travail, l'intelligence et la finesse de mon collègue François Fillon (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et enfin Jean-François Copé, qui a su habilement concilier nos horaires et ceux du Parlement. De ce moment politique fort, vous devez retenir que vous avez participé à la restauration de la crédibilité de la France, de la crédibilité du Parlement, de la crédibilité des syndicats - qui ont su peser sur le débat - de la crédibilité du Gouvernement qui a su agir et décider, et de la crédibilité de l'opinion publique, qui a compris les enjeux de cette réforme. Nous avons bâti ensemble un nouveau contrat social plus juste, rapproché le secteur public et le secteur privé et consolidé le pacte. Il n'y a ni vainqueurs ni vaincus, mais grâce à vous, la République française et le pacte républicain sont renforcés (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Au terme de ce débat, j'adresse à la majorité mes chaleureux remerciements. Elle a patiemment et courageusement porté cette réforme, sans jamais perdre le fil de son engagement envers les Français. Je remercie ceux qui se sont investis dans la préparation de ce texte. L'UMP, avec Jacques Barrot, Xavier Bertrand, Denis Jacquat, Claude Greff, François Calvet et bien d'autres, y a pris une large part. Elle peut-être fière d'avoir défendu et rénové l'un des socles de notre solidarité, d'avoir résisté aux conservatismes au nom de l'équité, de l'effort partagé, en somme de l'intérêt général (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Elle peut être fière d'avoir redonné à la politique du sens et de l'autorité. Elle a mis son volontarisme et sa fermeté au service de la meilleure des causes, celle de la solidarité et de la justice sociale.

M. Pascal Terrasse - C'est une réunion de groupe !

M. le Ministre des affaires sociales - L'UDF avec ses différences...

M. Jean-Pierre Brard - Et son amendement !

M. le Ministre des affaires sociales - ...s'est également trouvée au rendez-vous de l'unité de la majorité. Je l'en remercie (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et plusieurs bancs du groupe UMP). L'engagement du président Dubernard a été précieux. Quant au rapporteur, Bernard Accoyer, il aura été, grâce à sa force de persuasion et son sens de l'intérêt général, l'un des acteurs écoutés de cette réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Ce débat aura été utile. Il a démontré la fragilité des projets alternatifs, fondés sur une forte hausse de la fiscalité plutôt que sur l'effort collectif. Il a éclairé nos différences intellectuelles et politiques.

M. Patrick Braouezec - Grâce à nous !

M. le Ministre des affaires sociales - Pour nous, secteur public et secteur privé doivent être régis par des règles équitables. Pour la gauche, les quarante ans pour tous sont un sujet tabou. L'adaptation de l'Etat aux enjeux de notre temps ne revêt pas pour elle la même acuité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Pour nous, contrat social et essor économique ont partie liée ; pour l'opposition, ils demeurent en conflit ; l'économie et le capital doivent assumer sans limite le prix du statu quo social. Ce débat permet de distinguer ici deux visions de la France face aux défis du XXIe siècle. Mais nous avons aussi des points de convergence : la défense de la solidarité et de la répartition, l'importance des négociations à venir sur la pénibilité, la conviction que le taux d'activité de notre pays est trop faible et qu'il faut faire évoluer les comportements et les relations sociales dans l'entreprise (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Muguette Jacquaint - Et le Medef ?

M. le Ministre des affaires sociales - Voilà ce que notre débat aura révélé. Chacun a pris ses responsabilités. Nous avons fait notre devoir : sécuriser l'avenir des retraites, conformément à l'engagement du Président de la République et en dépit des craintes et des conservatismes qui entouraient ce dossier. Le Gouvernement a fait preuve d'esprit de dialogue, puis de fermeté : l'intérêt national l'exige parfois. Cette réforme, nous l'avons faite ensemble, mais aussi avec le concours de personnalités syndicales, politiques et civiles. C'est un des mérites de ce projet que de transcender les clivages traditionnels (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Avec le temps, la réforme apparaîtra pour ce qu'elle est : ni partisane, ni dogmatique, mais inspirée par l'intérêt général. Progressive et évolutive, elle engage un processus de sécurisation qu'il va falloir enrichir, et sans doute ajuster au fur et à mesure des évolutions. Le cap que nous franchissons aujourd'hui doit contribuer à assurer la permanence de notre modèle social. Un sursaut collectif est nécessaire : on ne peut avoir le meilleur système de retraite d'Europe, la meilleure santé du monde, l'école et l'université gratuites pour tous sans que chacun donne le meilleur de lui-même ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Jean-Paul Delevoye a parlé de ma « finesse », je saluerai moi sa solidité. Lui et moi avons insisté sur la nécessité de travailler plus longtemps et mieux. Nous sommes convaincus que la prospérité française n'est pas intangible. Dans un monde ouvert et compétitif, c'est un combat dont l'issue relève du courage, de la formation et de l'imagination de chacun. Si nous continuons à vivre dans l'illusion du statu quo, dans le songe d'une providence sociale sans limite, dans le mythe des trésors cachés, notre modèle social se lézardera. Si nous nous battons, nous réorganisons, nous réformons, la France demeurera un exemple de solidarité.

Responsabilité individuelle, effort partagé au service de la justice, réformisme avec des organisations syndicales fortes et constructives : c'est ce qui nous permettra de rénover notre contrat social. Cette réforme était à la fois attendue et redoutée depuis des années. Avec le Premier ministre, avec Jean-Paul Delevoye et grâce à votre appui, je puis dire aujourd'hui aux Français qu'elle est en marche. Avec son adoption définitive dans les tous prochains jours, l'objectif sera atteint (Les députés UMP et UDF se lèvent et applaudissent).

DÉCLARATION D'URGENCE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 11 heures 50.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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