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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2002-2003 - 3ème jour de séance, 9ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 3 JUILLET 2003

PRÉSIDENCE de M. Marc-Philippe DAUBRESSE

vice-président

Sommaire

      RAPPELS AU RÈGLEMENT 2

      MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION ET SÉJOUR
      DES ÉTRANGERS EN FRANCE (suite) 4

      ORDRE DU JOUR DU VENDREDI 4 JUILLET 2003 27

La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. François Loncle - Au nom de M. Jean-Marc Ayrault et de l'ensemble du groupe socialiste, je souhaite faire un rappel au Règlement sur les conditions de déroulement de la session extraordinaire. Un paradoxe un peu surréaliste veut qu'il soit impossible d'interpeller le Gouvernement pendant la session extraordinaire ; au reste, en aurions nous le temps compte tenu de l'ordre du jour extrêmement chargé de nos travaux ?

Monsieur le ministre de l'intérieur, je me permets par conséquent de vous solliciter, après que le Président Ayrault a écrit au Président Debré...

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - Est-ce bien un rappel au Règlement ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. François Loncle - Je le fais en vertu de l'article 58 de notre Règlement relatif à l'organisation de nos débats. Laissez-moi aller au bout de mon propos : il sera bref et je ne doute pas que le Président Debré l'aurait accepté.

Mme Maryam Radjavi, chef de l'organisation des Moudjahidines du peuple iranien, ainsi que huit autres militants détenus en prison depuis le 22 juin dernier, ont été libérés, conformément à une décision de la Cour d'appel de Paris. Au cours d'une opération spectaculaire qui avait mobilisé 1 200 policiers, le 17 juin à Auvers-sur-Oise, 164 personnes avaient été interpellées, 17 mises en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste,...

Mme Chantal Brunel - Attendez octobre pour les questions d'actualité !

M. François Loncle - ...11 avaient été écrouées, toutes relâchées depuis hier et cette étrange opération - car, enfin, les militants vivaient à Auvers-sur-Oise depuis des années et la police française les protégeait ! - et ses suites non moins étranges auraient justifié et justifient encore des explications du Gouvernement. Celui-ci s'y est refusé et, aujourd'hui, c'est la justice française qui refuse de s'incliner...

M. Gérard Léonard - Ce n'est pas un rappel au Règlement !

M. François Loncle - ...devant des considérations diplomatiques inavouées parce que peut-être inavouables.

M. Jean-Christophe Lagarde - C'est une véritable déclaration !

M. François Loncle - Aujourd'hui, c'est le désaveu pour le juge anti-terroriste Jean-Louis Bruguière, dont on perçoit mal les motivations, sauf à considérer qu'elles sont de nature politique (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Aujourd'hui, c'est le désaveu pour les policiers de la direction de la surveillance du territoire et pour son chef, M. de Bousquet de Florian, qui avait tenu sur ordre une conférence de presse pour tenter de justifier l'opération policière, accusant les militants de l'OMPI d'appartenir à « un mouvement fanatique, terroriste et sectaire, préparant des attentats contre les intérêts iraniens en Europe ». Ce sont ces militants qui viennent d'être remis en liberté, et vous ne dites rien...

M. le Président - Monsieur Loncle, je vais vous interrompre car ce n'est pas un rappel au Règlement. Vous détournez la procédure. Il n'y a pas de questions d'actualité en session extraordinaire. Votre rappel au Règlement n'ayant pas trait à la présente séance, je vous retire la parole (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - Monsieur le président Loncle, j'ai bien compris votre question. Dites de ma part au président Ayrault que j'adore débattre avec lui et qu'en général je réponds présent à tous ses rendez-vous.

Je vous trouve bien léger de traiter de la sorte le président Jean-Louis Bruguière, magistrat admiré dans le monde entier pour sa lutte sans relâche contre le terrorisme. Il est particulièrement inélégant de l'attaquer alors qu'il n'est pas présent - et pour cause ! - de se défendre.

M. François Loncle - Il est désavoué !

M. le Ministre - La France doit beaucoup à l'action du pôle anti-terroriste en général et à celle de M. Bruguière en particulier.

M. Noël Mamère - Répondez plutôt à nos questions !

M. le Ministre - Monsieur Mamère, si vous voulez être servi vous aussi, cela ne me gêne pas du tout !

Monsieur le Président Loncle, le ministre de l'intérieur que je suis n'accepte pas que l'on attaque les policiers de la DST, qui font un travail absolument remarquable (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP), et qui ont évité à notre pays des attentats qui auraient pu être dramatiques. Vous n'avez aucune compétence en la matière et vous vous permettez de porter un jugement sur l'action d'un service de contre-espionnage qui fait l'honneur de la France dans le monde entier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Permettez-moi de vous dire que s'agissant de la sécurité des Français, j'ai tendance à considérer qu'il faut faire plus confiance à la DST qu'à vous !

M. François Loncle - Mais son chef est désavoué !

M. le Ministre - Enfin, vous ajoutez à l'incompétence policière l'incompétence juridique. Que dit l'arrêt de la Cour d'appel ? Au passage, qu'aurait-on dit si j'avais commenté une décision de justice ? J'entends déjà les belles âmes du groupe socialiste se draper dans cette vertu qu'ils aiment tellement décrire et si peu pratiquer !

Cet arrêt, l'avez-vous seulement lu ? Les personnes remises en liberté l'ont été sous contrôle judiciaire et non parce que la Cour d'appel conteste la réalité des charges qui pèsent contre elles, mais parce qu'elle estime qu'en l'état actuel des choses, les garanties de représentation - notamment parce que la DST a saisi 8 millions de dollars - sont réunies. Voilà ce qu'a décidé la Cour d'appel. Il faut vraiment être d'une mauvaise foi abyssale ou ne rien comprendre aux décisions de justice pour m'interroger en ces termes !

Dernière remarque - mais elle n'est pas la moindre -, j'ai vu avec beaucoup d'intérêt que Mme Danielle Mitterrand, laquelle, en d'autres temps, s'était posée en grande défenseure des Kurdes, est venue - la pauvre - apporter son soutien aux Moudjahidines du Peuple, bras armé du dictateur Saddam Hussein pour exterminer les Kurdes ! Cohérence ou incohérence ? Je préfère être de mon côté !

Quels sont les faits nouveaux ? Depuis que les Américains sont en Irak, les camps de base des Moudjahidines du Peuple se sont retranchés en France. C'est d'ailleurs ce qui explique qu'on ait trouvé plus de 8 millions de dollars !

Je vous demande, Monsieur Loncle, vous qui avez présidé la commission des affaires étrangères de cette assemblée : les Moudjahidines du Peuple sont-il ou non une organisation terroriste ? A l'unanimité, l'Union européenne a inscrit l'OMPI sur la liste des organisations terroristes. Croyez-vous que nos quatorze partenaires l'ont fait pour nous faire plaisir ?

M. François Loncle - Ils sont en France depuis vingt-cinq ans !

M. le Ministre - Pour être inscrit sur la liste des organisations terroristes européennes, il faut une décision à l'unanimité. Cette décision est intervenue : l'OMPI est une organisation terroriste, répertoriée comme telle.

Si nous avions encore des doutes sur le caractère terroriste et sectaire de cette organisation, nous voilà éclairés après que trois personnes se sont immolées dans les conditions que l'on sait et que deux autres ont encore aujourd'hui même été interpellées en possession de bouteilles d'essence. Pouvons-nous tolérer que des hommes et des femmes s'immolent ainsi dans notre pays ? Ce faisant, agissent-ils en personnes équilibrées ou en membres de secte ?

Monsieur Loncle, vous m'avez demandé des précisions. Je vous les ai données. Mais je vous ai connu demandant des éclaircissements concernant des personnes méritant davantage de considération (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Braouezec - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58, alinéa 1. Monsieur le ministre, bien loin du comportement que vous appelez de vos v_ux dans un quotidien du soir aujourd'hui même, selon lequel il ne faut jamais humilier la minorité, vous avez cet après-midi accusé mon collègue et ami André Gerin d'avoir énoncé des mensonges. Or, M. Gerin n'avait fait que reprendre les conclusions de l'un des rapports annuels sur la situation des centres de rétention de Roissy. Chacun avait compris qu'il s'agissait de faits constatés l'an passé.

M. Nicolas Perruchot - Il aurait mieux fait d'y aller !

M. Patrick Braouezec - Dans le débat à venir, nous nous garderons pour notre part, des invectives. Nous ne prétendrons pas que votre projet de loi est motivé par des affirmations mensongères, même si nous estimons que les contrevérités y sont légion. Nous nous bornerons à dénoncer l'hypocrisie de la dérive répressive de la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers en France. Nous le ferons en tant qu'élus et représentants de villes et quartiers populaires qui accueillent de longue date des étrangers. Tous les ministres de l'intérieur successifs depuis quinze ans ont prétendu lutter contre l'immigration clandestine ; mais leur politique de restriction du droit d'asile et de limitation du droit de vivre en famille a eu pour seul effet de multiplier le nombre de sans-papiers, fabriqués bien souvent par la loi. S'acharner contre les sans-papiers, nous répète-t-on depuis quinze ans, permettrait de mieux accueillir et intégrer les étrangers en situation régulière. Or, dans nos villes, beaucoup de familles comptent à la fois des sans-papiers et des personnes en situation régulière, et la répression des uns déstabilise les autres.

Monsieur le ministre, je vous demanderais de ne pas traiter de menteur un élu du peuple, dont le seul tort est de n'être pas d'accord d'avec vous et de défendre ses positions.

M. le Ministre - Je n'ai pas dit que M. Gerin était un menteur, mais qu'il avait colporté des mensonges. Je n'ai pas voulu le gêner davantage au sujet de ZAPI II et ZAPI III, mais, à l'évidence, il ne savait pas bien ce dont il s'agissait. Je vous ai simplement dit que vous étiez les bienvenus pour visiter ces locaux, car je ne peux laisser dire qu'ils feraient honte à la France. Disant cela, je n'ai nullement manqué de respect à M. Gerin, que j'apprécie par ailleurs pour ses qualités humaines.

M. Gerin a ensuite évoqué le centre de rétention de Calais, ignorant visiblement que nous avons inauguré il y a six mois le centre de Coquelles, lequel, moderne et confortable, fait honneur à notre pays. Je n'ai pas l'intention, pour la seule raison de faire plaisir au parti communiste, de laisser proférer des contrevérités, alors que nous nous donnons tant de mal pour traiter dignement les étrangers en transit dans les centres de rétention.

A Roissy, la situation devient intolérable lorsque plus de 340 personnes sont retenues. Dans ce cas-là, mais dans ce cas seulement, les conditions de rétention deviennent infamantes pour notre pays - il est arrivé par le passé que jusqu'à 500 personnes soient retenues. C'est d'ailleurs pour éviter qu'une telle situation se reproduise que j'ai commencé d'organiser les vols européens groupés. Ce soir, on dénombre 192 étrangers dans la zone de rétention de Roissy, hier ils étaient 193. Il n'est plus besoin de les retenir dans des lieux honteux car nous, nous avons bloqué les filières. Voilà la vérité.

Je peux, comme chacun, faire des erreurs, mais dans tous les cas, je m'efforce d'être honnête. J'accepte que l'on soit en désaccord avec moi, mais je ne tolère pas la mauvaise foi. Répondant à M. Gerin, comme tout à l'heure à M. Loncle, j'ai sans doute été vif, mais c'est mon tempérament. Et, comme toutes les personnes vives, je ne garde jamais rancune. Je ne supporte pas que l'on insulte des fonctionnaires ni que l'on porte atteinte à l'image de notre pays. Je les défendrai chaque fois qu'il sera nécessaire, et avec un plaisir particulier devant des élus communistes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION ET SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France.

M. Etienne Pinte - Ce projet de loi responsable, équilibré et courageux, permettra de mieux maîtriser les flux migratoires et de protéger nos concitoyens de nationalité étrangère qui ont choisi la France pour patrie. Il découragera ceux qui enfreignent la loi sur l'entrée et le séjour des étrangers, tout en offrant plus de souplesse et d'humanité dans l'appréciation de la situation personnelle des étrangers.

Je centrerai mon propos sur la double peine, sujet sur lequel je me suis totalement investi, et qui est un volet hautement symbolique de vos propositions. Dans ce domaine, nous avons battu en brèche l'idée reçue selon laquelle la droite serait incapable d'avoir du c_ur pour les étrangers, la gauche en ayant le monopole. En effet, non seulement le précédent gouvernement et sa majorité n'avaient rien fait pour réformer la double peine mais, de surcroît, votre prédécesseur, M. Vaillant, est resté sourd à l'appel de plusieurs d'entre nous pour transformer en assignation à résidence l'interdiction de séjour sur le territoire français à laquelle avait été condamné Djamel Abidi, marié à une Française, père et grand-père d'enfants et de petits-enfants français. Je suis heureux de montrer à M. Ayrault qui craignait qu'en ce domaine, la majorité ne fasse rien, que nous tenons nos promesses.

Vous avez, Monsieur le ministre, accepté d'écouter et d'entendre ces cris d'hommes et de femmes qui revendiquaient l'égalité de tous devant la loi et s'insurgeaient contre cette injustice inhumaine que constitue la séparation des enfants de leur père et des femmes de leur mari ou de leur compagnon. Vous avez ouvert votre porte aux associations qui accompagnent depuis longtemps ces familles dans leur quête de justice et de reconnaissance. Vous avez enfin pris la peine de vous informer des émouvantes histoires de « vies brisées » recueillies par Bertrand Tavernier.

Convaincu que la maîtrise quantitative de l'immigration passe aussi par la qualité de l'intégration de nos concitoyens étrangers dont toutes les attaches familiales, sociales, culturelles sont en France, vous avez ouvert le dossier de la double peine. Et, comme toujours avec vous, les choses n'ont pas traîné : création d'un groupe de travail interministériel, auditions multiples, établissement d'un calendrier respecté pour la remise d'un rapport et enfin dépôt de projet de loi.

Qui aurait imaginé, il y a un an, quasiment jour pour jour, lorsque Ouarda Bouchelaleg, la s_ur de Chérif Bouchelaleg, est venue me voir à l'Assemblée nationale pour plaider la cause de son frère que nous débattrions ce soir de la double peine ? Qui aurait cru qu'un problème aussi délicat, que personne depuis trente ans n'avait voulu traiter, puisse aussi rapidement trouver une solution ? Combien de milliers de familles aujourd'hui encore, retiennent leur souffle de peur d'être déçues et n'osent rêver que demain « leur Jérusalem » serait la France ?

Grâce à vous, Monsieur le ministre, grâce aux associations, à la Cimade en particulier, grâce aux avocats, grâce aux cinéastes Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Thorn avec son beau film Nous ne sommes pas des marques de vélos, grâce aux médias, mais aussi grâce à toutes ces femmes qui ont défendu avec passion, intelligence, amour, leurs pères, leurs frères, leurs maris ou leurs compagnons, nous touchons enfin au but. Vous avez tenu vos engagements : c'est une manière de réhabiliter la politique et de servir nos convictions républicaines.

Votre réforme permettra de mieux protéger contre l'expulsion et l'interdiction du territoire les personnes dont toutes les attaches sont en France parce qu'elles y sont nées, qu'elles y ont grandi, que leurs familles y vivent ainsi que bien souvent leur conjoint et leurs enfants. Ces liens sont tels que si ces citoyens n'ont pas la nationalité française, ils n'ont pourtant plus d'autre patrie que la France. Beaucoup ont suivi toute leur scolarité dans notre pays, y ont travaillé et ne parlent que le français.

Je n'excuse pas celles qui ont commis des délits. Mais lorsqu'elles ont été condamnées et ont accompli leur peine, faut-il les bannir à vie de notre territoire ? Je pense à ce jeune Marocain arrivé en France à l'âge de dix ans, devenu toxicomane, condamné à six mois de prison et expulsé de France pour trois ans, lesquels se sont allongés de fait à cinq ans et pourraient se transformer en une interdiction définitive de séjour, puisqu'il n'arrive pas à obtenir de notre consulat un visa de retour. La peine n'est-elle pas disproportionnée ? Cette protection ne concernerait bien sûr pas ceux qui se sont rendus coupables d'actes terroristes ou d'atteintes à la sûreté de l'Etat.

J'aurais souhaité que vous alliez un peu plus loin et que l'interdiction judiciaire du territoire français disparaisse de notre arsenal juridique. Comme en Belgique ou en Grande-Bretagne, le ministre de l'intérieur a toujours le pouvoir de prendre des arrêtés d'expulsion en cas de besoin.

J'ai la faiblesse de croire que, compte tenu des possibilités de recours devant la juridiction administrative, il était possible de transférer au ministre de l'intérieur les pouvoirs actuellement détenus par le Garde des Sceaux.

Je suis, comme vous, profondément attaché au lien familial et au lien parental, droits fondamentaux inscrits non seulement dans notre Constitution, mais aussi dans la Convention européenne de sauvegarde des libertés et des droits de l'homme. Si la politique familiale d'un gouvernement ressort à titre principal du ministre de la famille, qui, sur ce sujet, s'est signalé par un silence assourdissant, elle se décline dans chaque ministère et doit aussi bien concerner les Français de souche que les étrangers et leurs familles. On ne peut pas d'un côté tenir des discours sur l'importance de la cellule familiale et d'un autre côté dénier à certains enfants ou à certaines familles la préservation du lien parental.

C'est la raison pour laquelle certaines dispositions me semblent trop contraignantes pour apprécier la réalité des attaches familiales et personnelles d'une personne. Elles risquent de conduire à séparer des enfants de leur père, des femmes de leur mari ou de leur compagnon, parfois à vie ! De même les célibataires n'ont-ils pas aussi des droits familiaux ? Etre éloigné toute sa vie de ses parents, de ses frères et s_urs me semble une peine bien lourde.

Exiger que la durée de résidence soit de plus de dix ans, même lorsqu'on est père d'un enfant, imposer dans le cas d'une interdiction du territoire que la naissance soit antérieure aux faits ayant entraîné la condamnation me paraît exorbitant. Est-ce à dire que ces enfants-là n'ont pas droit d'avoir un père ? Je n'aime pas entendre parler de paternité de complaisance. On est père ou on ne l'est pas (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste). Certes, certains pères ne s'occupent pas suffisamment de leurs enfants, mais rien ne dit qu'ils ne le feront pas un jour. D'autres pères n'ont pas toujours les moyens de s'occuper de leurs enfants, quand ils ont passé plusieurs années en détention, en situation irrégulière ou assignés à résidence.

L'enfant n'est jamais un enfant de complaisance. Il est une personne à part entière, avec des droits. Nous avons des responsabilités vis à vis de ces familles dont le conjoint et les enfants ont, la plupart du temps, la nationalité française.

Avons-nous le droit de créer des familles monoparentales, de condamner des familles entières au désespoir ? Je crois que tout homme peut s'amender et reconstruire une vie honorable, pour peu qu'on lui en donne les moyens.

Je souhaite que le droit au retour des étrangers relevant des catégories protégées, expulsés ou frappés d'interdiction du territoire mais dont les attaches sont en France, soit inscrit dans la loi. Beaucoup d'hommes, parce qu'ils ont choisi de ne pas rentrer illégalement sur le territoire français, se désespèrent loin des leurs, sans espoir de retour. Paradoxalement, il sera plus facile pour eux qui sont revenus sans y avoir droit de régulariser leur situation. En d'autres termes, nous punirions la vertu et serions cléments pour le vice.

Je tiens à remercier notre rapporteur Thierry Mariani d'avoir parcouru ce chemin de découverte, sur un sujet qu'il ne connaissait pas suffisamment bien lors de notre débat du 28 novembre dernier (Sourires). Il l'a fait avec intelligence et avec c_ur.

M. le Ministre - C'est vrai, il a du c_ur et il est intelligent !

M. Etienne Pinte - Il est évident que nous ne pouvons pas accepter tous ceux qui souhaitent entrer sur notre territoire. Nous devons réussir l'intégration de ceux qui y sont durablement installés ou sont appelés à devenir Français.

Soyons persuadés qu'un enfant né en France va nourrir un profond ressentiment à l'égard de la République s'il a la conviction que celle-ci l'a privé de son père. Il va grandir, marqué par l'absence de père. Priver une femme de son conjoint ne peut aussi que la conduire au désespoir.

Notre fermeté contre les abus ne sera crédible que si nous sommes aussi capables de justice et d'humanité. C'est aussi le gage d'une société ouverte, tolérante et harmonieuse. Monsieur le ministre, vous contribuez à sa construction et je vous en remercie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. François Loncle - Je vous remercie, Monsieur le ministre, d'avoir donné un début d'explication à des questions légitimes, même si j'aurais aimé que vous le fassiez avec moins de véhémence. Car nous n'avons en aucune façon cautionné l'organisation dont nous parlions.

Sur un sujet aussi sensible, nous devons toujours songer à l'image de notre pays. Dans un beau discours qu'il a prononcé au Conseil de sécurité de l'ONU le 14 février - discours malheureusement prolongé par une diplomatie maladroite et brutale - Dominique de Villepin s'est exprimé au nom d'un peuple « qui n'a cessé de se tenir debout face à l'histoire et devant les hommes », au nom d'un pays « fidèle à ses valeurs ». Il ajoutait, « dans ce temple des Nations unies, nous sommes les gardiens d'un idéal, nous sommes les gardiens d'une conscience. »

Ces valeurs sont hélas malmenées par une législation qui s'inspire de l'air du temps, une dérive sécuritaire qui érode nos idéaux et nos principes républicains. Ce fut le cas de la réforme du droit d'asile et vous recommencez avec ce projet, comme l'ont montré mes collègues Caresche et Valls. Je déplore que vous ayez fait si peu de cas de la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

M. le Ministre - C'est vrai !

M. François Loncle - S'agissant de la rétention, vous allongez considérablement les délais sans vous préoccuper des conditions de rétention, dénoncées dans un livre et dans un rapport par M. Mermaz. Vous avez évoqué la modernisation de deux sites, mais vous ne dites rien des autres.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois - Ceux que vous nous avez laissés !

M. François Loncle - Disposez-vous des moyens nécessaires pour appliquer le décret pris par Lionel Jospin à la fin de la précédente législature ?

M. le Rapporteur - Il était temps !

M. François Loncle - S'agissant de la double peine, je veux saluer le progrès que constitue ce texte. Vous faites prévaloir la volonté politique sur les pesanteurs de l'opinion publique. C'est en procédant ainsi que François Mitterrand et Robert Badinter ont aboli la peine de mort.

M. le Ministre - C'est exact.

M. François Loncle - Lorsque Bertrand Tavernier, il y a deux ans, a présenté un film Vies brisées à l'Assemblée nationale, je faisais partie des cinq députés issus de quatre groupes politiques qui le soutenaient : Jean le Garrec, Noël Mamère, André Gérin, Etienne Pinte et moi-même.

Mais certaines restrictions risquent de décevoir ceux qui espéraient un texte plus conforme aux attentes de ces étrangers de France promis au bannissement.

La durée exigée doit être réduite, car on peut établir des liens stables en moins de vingt ans. Comme l'a montré l'étude de la Cimade, 47 % des victimes de la double peine sont âgés de 20 à 40 ans. Votre texte risque donc de ne bénéficier qu'à un nombre restreint d'étrangers.

M. Pinte a insisté sur la parentalité.

Ne pas retenir les années de détention dans le calcul de la durée, comme le veut la jurisprudence, considérer celles-ci comme des années de non-droit, de non-reconnaissance, des années de négation totale de la vie privée et de la personne, c'est, de plus, entrer en contradiction avec les dispositions de l'article 38, qui autorisent dorénavant des aménagements de peine, ce qui signifie que la loi reconnaît que les années de détention peuvent être mises à profit pour la réinsertion sur le territoire français !

Il est donc fondamental de considérer les années de détention comme des années de résidence en France.

Manuel Valls l'a dit, il fallait traiter le problème de manière globale. Tout en déplorant cette occasion ratée, nous serons là pour éviter le pire et pour améliorer ce qui peut l'être (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Christophe Lagarde - Ce projet vise à mieux lutter contre l'immigration clandestine.

Cet objectif devrait être partagé par tous dans notre pays, mais je crois que ce n'est malheureusement pas le cas.

En effet, depuis vingt ans, le débat sur l'immigration se limite à deux positions aussi extrêmes qu'irréalistes.

D'un côté, ceux qui pensent sans oser le dire que la France peut accueillir tous les étrangers qui souhaitent s'y installer.

De l'autre, ceux qui affirment que la France doit refuser toute forme d'immigration, voire remettre en cause l'intégration des étrangers présents de longue date.

Monsieur le ministre, c'est tout à votre honneur que d'oser revenir sur ce sujet tabou sur lequel on risque plus que sur tout autre d'être caricaturé.

Votre projet est équilibré, comme l'était la loi sur la sécurité intérieure. Pour l'UDF, voir Nicolas Sarkozy rechercher l'équilibre, c'est une satisfaction nouvelle mais non dissimulée (Murmures sur divers bancs).

Ce projet comporte à la fois de nombreuses dispositions utiles pour lutter contre l'immigration clandestine et une mesure de justice limitant la double peine. Nous vous proposerons d'y ajouter d'autres volets qui nous paraissent essentiels.

Au-delà de ce texte, il nous apparaît que notre pays a besoin d'une démarche globale coordonnée et innovante pour la gestion de l'immigration légale et illégale.

Que trois ministères proposent trois textes différents sur le même sujet, cela fait perdre sa force et sa cohérence à la politique de la France et nous prive de la possibilité de lancer un message fort en direction de la communauté nationale comme des candidats à l'immigration.

Pour l'UDF, ce message devrait être le suivant : la France a décidé de maîtriser globalement son immigration et elle est décidée à ce que tout immigré durablement accepté devienne Français.

Pour cela, trois conditions devraient être réunies. La première, c'est de garantir l'efficacité de la lutte contre l'immigration irrégulière. C'est ce que vous tentez de faire par ce texte, et c'est essentiel pour légitimer une politique d'immigration légale aux yeux des Français.

Définir une telle politique est la deuxième condition. Elle devrait reposer sur des objectifs chiffrés, en fonction de nos besoins et des pays de provenance.

M. Christian Vanneste - Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde - Ces objectifs devraient être publiquement débattus devant la représentation nationale chaque année.

Enfin, la France devrait accepter une nouvelle organisation de l'admission au séjour. Une première carte de travail, valable cinq ans, serait délivrée à ceux qui arrivent et qui n'ont pas vocation à rester durablement en France. Elle n'ouvrirait pas accès à certains droits, comme le regroupement familial. A l'issue de cette période, si l'on a toujours besoin du travailleur étranger, on lui délivrerait une carte de résident identique à celle qui existe aujourd'hui. Enfin, après quinze années de présence en France, si l'étranger souhaite y demeurer, sa naturalisation doit devenir notre objectif car, depuis toujours, notre pays fait en sorte que ceux qui veulent y vivre aspirent à en être citoyens.

Voilà ce qui nous semble faire défaut à la politique du Gouvernement. Ce sont ces idées que nous chercherons à faire progresser au cours des années à venir.

Notre groupe nourrit par ailleurs quelque inquiétude quant à la portée du texte, puisqu'il ne s'appliquerait pas aux trois pays du Maghreb avec lesquels la France a conclu des conventions particulières. Or une large part des candidats à l'immigration en sont originaires. Il nous paraît donc indispensable que votre projet s'applique à eux, donc que ces conventions soient renégociées. Nous souhaitons des explications à ce propos.

Enfin, il me semble que notre pays a besoin d'une administration spécifique, d'un service de l'immigration, comme celui dont nombre de pays se sont dotés, qui s'occuperait à la fois du contrôle aux frontières et du suivi des dossiers. La France se donnerait ainsi les moyens d'appliquer humainement et efficacement sa politique (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

Mme Chantal Brunel - Alors que l'immigration était devenue, ces dernières années, un sujet tabou, ce texte nous propose une politique équilibrée. C'est la preuve que vous avez entendu et compris le message des Français, qui réclament à la fois humanité et fermeté.

Il s'agit de lutter contre l'immigration clandestine et de montrer que notre pays ne peut accueillir indéfiniment toute la misère du monde, selon l'expression de Michel Rocard, mais aussi d'éviter l'effet d'appel que nous vaut une législation plus favorable que celle de nos voisins.

Je suis députée d'une circonscription de la deuxième couronne de la région parisienne où l'immigration illégale se traduit en particulier par les stationnements massifs, répétés et illégaux des gens du voyage, qui désespèrent les élus de ma circonscription et révoltent les habitants. Une loi a été votée, qui a suscité beaucoup d'espoirs. Aujourd'hui, faute d'aires de stationnement et dans l'attente de moyens supplémentaires, son application se révèle délicate en Seine-et-Marne. Des améliorations vont être apportées, j'en suis sûre.

Autre conséquence de cette immigration illégale, le désespoir de nombreuses personnes qui viennent me demander d'aider leur régularisation. Certains sont là depuis longtemps, démunis, quasi clandestins, des enfants sont nés, les pères sont partis, les liens avec le pays natal se sont distendus. D'autres sont prêts à tout, aux mensonges, aux falsifications, pour obtenir leur naturalisation.

Ce projet de loi, je m'en félicite, définit clairement les règles et s'attaque aux détournements de procédure. Nous ne pouvons donc qu'approuver le contrôle plus sévère des attestations d'accueil ; la meilleure prévention des mariages blancs ; la limitation des abus de reconnaissances de paternité ; l'allongement de la durée de rétention administrative ; le meilleur encadrement du regroupement familial ; la lutte contre les filières criminelles de transport de clandestins ; la création d'un fichier d'empreintes digitales des demandeurs de visa.

Sur ce dernier point, ne conviendrait-il pas de rendre obligatoire le relevé et la mémorisation de ces empreintes, ce qui éviterait l'arbitraire et renforcerait l'efficacité de la mesure ? La commission a adopté un amendement de Nicolas Perruchot en ce sens. Il me paraîtrait même souhaitable d'étendre cette disposition à tous les individus en situation irrégulière ou faisant l'objet de mesures d'éloignement, ce qui faciliterait leur identification en cas de récidive.

Cette modernisation de notre système de contrôle de l'entrée et du séjour des étrangers est une véritable révolution. Dès maintenant, il convient de réfléchir aux moyens de rendre le système opérationnel le plus rapidement possible. Doit-on envisager une augmentation des effectifs de la police des frontières et du personnel de certains consulats ? Les agents concernés doivent-ils bénéficier d'une formation spécialisée ?

En ce qui concerne la double peine la réforme est généreuse, mais j'aurais souhaité qu'elle soit plus restrictive (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). La double peine devrait demeurer applicable aux étrangers, nés en France ou arrivés en France avant 13 ans, qui ont commis des rapts d'enfants ou des actes de pédophilie.

Je suis particulièrement sensible à ce sujet puisque la petite Estelle Mouzin, disparue, habite Guermantes, un village de ma circonscription.

M. Christophe Caresche - Quel est le rapport ?

Mme Chantal Brunel - Permettez-moi à cette occasion, de vous remercier, Monsieur le ministre, pour les moyens sans précédent que vous déployez pour sa recherche.

Votre projet est excellent car il permettra de mieux intégrer ceux qui viennent légalement vivre dans notre pays. Car, il faut le dire, l'immigration a été aussi une chance et un enrichissement. Nous sommes nombreux, y compris sur ces bancs, à avoir des racines étrangères. Mais deux conditions essentielles doivent être remplies : la limitation du nombre des entrées et la volonté d'intégration des entrants.

La France reste cette terre d'accueil à laquelle nous sommes attachés. Nous partageons tous une certaine conception de la République qui véhicule des idéaux universels de liberté, d'égalité et de fraternité. Mais, si l'on veut garder une nation unie, on doit faciliter l'intégration des nouveaux arrivants. En échange, nous attendons des immigrés qu'ils adhèrent à nos lois, à nos traditions, qu'ils respectent la monogamie, ce qui n'est pas toujours le cas, qu'ils pratiquent leur religion dans le cadre des lois et des traditions de notre République.

Nous pouvons comprendre leur attachement aux valeurs de leur pays d'origine mais nous ne pouvons accepter qu'ils remettent en cause certains de nos principes fondamentaux comme l'égalité entre les hommes et les femmes. Je suis profondément choquée par ces heures de piscines réservées exclusivement aux femmes. A quand les plages réservées aux femmes ? A quand les transports pour femmes, les spectacles publics où hommes et femmes seraient séparés ? Si une telle dérive est tolérée, le débat sur le voile devient terriblement secondaire.

Je voterai avec enthousiasme ce texte qui permettra de mieux contrôler nos flux migratoires afin de faciliter une véritable politique d'intégration, voulue par le Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Léonard - Une politique d'immigration digne de la France, respectueuse de ses valeurs, fidèle à son histoire obéit à quelques principes simples et indiscutables.

Pour que nous l'ayons sans cesse à l'esprit, M. Mariani a eu la bonne idée de rappeler dans son rapport le discours de référence que le Président de la République a prononcé à Troyes le 14 octobre 2002.

Le Président de la République rappelait qu'il n'y aura pas de politique d'intégration sans lutte contre l'immigration clandestine. « La France est et doit rester terre d'accueil » disait-il encore. Le Lorrain que je suis sait combien elle s'est enrichie des apports successifs, et vous avez raison de dénoncer le mythe stupide, suicidaire même, de l'immigration zéro. Comme si notre pays pouvait s'ériger en citadelle impénétrable ! Notre appartenance à l'Union européenne suffit à ruiner cette détestable théorie du repli hexagonal, qui se réfère à des temps qui n'ont jamais existé, et fait fi de la vocation universelle de la France. Comment défendre ses valeurs en donnant d'elle une image rabougrie, craintive ?

Mais, dit encore le Président de la République, notre vocation d'accueil des étrangers est étroitement liée à notre capacité à les intégrer. La République s'impose de faire partager aux nouveaux arrivants les valeurs qu'elle incarne et ne saurait souffrir le communautarisme identitaire. Or la machine à intégrer à la française paraît en panne. Les causes de ces difficultés sont complexes. Je cite simplement l'une d'entre elles, la place de l'islam en France et l'incompatibilité de certaines pratiques avec nos lois républicaines. Je salue le courage, la lucidité, l'humanité du ministre de l'intérieur qui a décidé de prendre ce problème à bras-le-corps. Le pire serait de ne rien faire et de jeter aux mains des intégristes les enfants que la République doit accueillir dans ses bras protecteurs.

M. Christophe Caresche - C'est beau comme du Chirac !

M. Gérard Léonard - Or l'immigration incontrôlée rend très difficile une intégration harmonieuse (Assentiment sur les bancs du groupe UMP). La situation s'est dégradée depuis les régularisations massives opérées de façon irresponsable et hypocrite par le gouvernement socialiste. La moitié des 150 000 demandeurs de 1998, qu'on avait fait rêver, ont été laissés de côté. Mais cette entreprise a beaucoup encouragé l'immigration irrégulière. De même la funeste loi réséda, au nom d'une fausse générosité, a fait des dizaines de milliers de malheureux.

Avec le texte sur le droit d'asile, votre projet aide à réparer les lourdes erreurs socialistes. En se donnant les moyens de lutter contre l'immigration illégale, en rendant l'intégration indissociable de l'immigration, ce projet lucide et courageux est conforme aux intérêts de la France.

J'insiste enfin sur la dimension européenne du problème. La plupart de nos voisins ont déjà fait les réformes qui s'imposaient. Mais je m'inquiète du retard pris par les institutions européennes dans la perspective de l'élargissement. Que deviendra l'espace Schengen ? Désormais la lutte contre l'immigration irrégulière ne saurait dépendre seulement des Etats nationaux. Pour autant, n'attendons pas des autres ce que nous ne ferions pas nous-mêmes. Je vous félicite donc pour votre action, dont ce projet est un des aspects. Nous le voterons car il répond à l'intérêt de la France et à notre idéal républicain (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Noël Mamère - Une fois de plus, une fois de trop, nous discutons de la maîtrise de l'immigration. Comme si ce sujet était devenu l'obsession des ministres de l'intérieur successifs, comme si en érigeant l'étranger en bouc émissaire, les gouvernements allaient résoudre tous les maux. La pauvreté ? C'est l'immigration. La délinquance ? L'immigration.

M. Jean-Christophe Lagarde - Mais personne ne dit cela !

M. Noël Mamère - Le chômage, c'est l'immigration (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Une tradition de droite, parfois de gauche, rend les étrangers responsables de la dérive néo-libérale de notre société. Au lieu de protéger les sans-papiers contre les mafias de négriers, vous légiférez à coup de textes brutaux sur la police, la justice, vous démantelez le droit d'asile pour proposer enfin ce projet qui, dans la lignée des lois Pasqua, Debré, Chevènement, aggravera la situation déjà catastrophique des étrangers.

M. Pierre Cardo - Quelle généralisation !

M. Noël Mamère - D'abord vous présentez l'étranger comme un fraudeur sans apporter de preuves. Votre vision est idéologique. Les mariages mixtes seront donc soumis à la surveillance de autorités municipales. L'étranger marié n'aura sa carte de résident qu'au bout de deux ans, la reconnaissance de paternité et le regroupement familial seront plus difficiles. Bref, dans votre esprit, la fraude est la règle, l'honnêteté l'exception. Vous entretenez ainsi les préjugés et fantasmes d'une partie de l'opinion. A vouloir prendre Le Pen au mot sur son terrain, vous risquez de provoquer une lepénisation progressive des esprits (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

Vous avez une conception policière de la gestion du phénomène migratoire. L'intégration devrait-elle se borner à un quadrillage de la population étrangère sous prétexte de transposer les directives européennes ? Vous créez une machine à contrôler, à débouter, à refouler. La généralisation des empreintes digitales (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP), le retour à l'autorisation administrative (Mêmes mouvements), la surveillance accrue des frontières (Mêmes mouvements), l'allongement de la rétention donnent une prime au tout-sécuritaire. Vous transformez l'Europe en forteresse fermée, écornant les principes des droits de l'homme, plongeant un plus grand nombre d'hommes et de femmes dans la clandestinité et la peur quotidienne de l'expulsion.

M. Jean-Pierre Grand - Quelle caricature !

M. Noël Mamère - L'allongement de la détention administrative vous conduira, à terme, à créer des camps d'internement administratif (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous institutionnalisez la précarité des étrangers. Les visas d'entrée, difficiles à obtenir, seront encore plus contrôlés, la régularisation définitive devient un objectif irréalisable.

Enfin, vous marginalisez ceux qui soutiennent les étrangers en créant de fait un délit de solidarité, par amalgame entre les mafias qui exploitent les étrangers et les hommes et les femmes que la condition de ces étrangers révolte. Votre objectif est d'empêcher un mouvement de solidarité de masse entre Français et étrangers. Vous ne donnez aucune garantie que seuls seront poursuivis les groupements agissant dans un but lucratif. Votre récente lettre au GISTI a conforté l'opposition des associations à votre politique.

Sur quelques sujets, vous êtes prêts à faire des ouvertures, notamment sur la double peine. Nous ne pouvons que nous en réjouir. J'insiste cependant sur une contradiction dans votre propos comme dans celui d'Etienne Pinte, avec lequel nous nous sommes battus contre la double peine quand la gauche était au pouvoir. Comment peut-on mettre un terme à la double peine parce qu'on reconnaît la citoyenneté de résidence, et refuser le vote des étrangers non communautaires dans les élections locales ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Vanneste - La citoyenneté de résidence, cela n'existe pas !

M. Noël Mamère - Je regrette que la gauche n'ait pas eu le courage de mettre un terme à cette espèce de bannissement moderne. Vous l'avez fait, et vous avez compris qu'il était bien difficile de demander à quelqu'un victime de la double peine de rester loin de sa famille. Mais pourquoi cet argument convaincant ne s'applique-t-il pas aux sans-papiers qui ont aussi envie d'être près de leur famille ? En ne les régularisant pas...

M. Jean-Pierre Grand - Qu'ils aillent à Bègles !

M. Noël Mamère - ...vous en faites des clandestins. A Bègles, je vous y invite car nous y accueillons ces damnés de la terre...

M. Jean-Pierre Grand - A Bègles vous ne dites certainement pas cela, ou vous ne seriez pas élu !

M. Noël Mamère - ...car nous pensons, contrairement à ce qu'a dit M. Rocard, que notre pays peut accueillir la misère du monde. Mais ce n'est pas là que la misère se réfugie, pas dans cette France qui n'est que le onzième pays d'asile du monde, c'est dans les pays les plus pauvres de l'Afrique déshéritée.

Nous verrons, au cours de ce débat, si vous confirmez les ouvertures annoncées, et nous souhaitons que vous sachiez résister aux surenchères de votre majorité (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Car ce qui est en jeu, c'est notre vision de la France, d'un pays qui progressera s'il accepte de s'enrichir de ses couleurs arc-en-ciel, mais qui régressera s'il se referme sur lui-même.

Aujourd'hui, Marianne est métisse, Monsieur le ministre. Vous en êtes la preuve, avec MM. Balladur et Devedjian, et avec Mme Saïfi (Mouvements divers sur les bancs du groupe UMP). Ce n'est pas sombrer dans l'angélisme que de vouloir que soient respectés les droits de tous, dans la patrie de l'égalité ! C'est bien pourquoi nous combattons ce projet, ici, et avec ceux qui vont en subir les effets néfastes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Etienne Mourrut - L'immigration n'est pas un problème en soi, mais elle peut le devenir si elle échappe à tout contrôle raisonné, compte tenu de l'attrait qu'exerce l'Europe, et la France en particulier.

Vous avez su rétablir la principale mission régalienne de l'Etat, la sécurité. S'agissant de l'immigration, les attentes sont immenses ; est-il besoin de rappeler encore le résultat des élections de 2002 ? Il fallait donc mettre un terme au laxisme et à l'angélisme de vos prédécesseurs, dont on ressent les effets négatifs, avec une immigration incontrôlée, mal dosée et, surtout, très inégalement répartie.

Les élus locaux que nous sommes savent bien que l'immigration légale est, paradoxalement, la première source de clandestinité. C'est dire toute la pertinence des mesures qui tendent à parer les fraudes au court séjour par un contrôle plus vigilant de l'attestation d'accueil. Mais ne faudrait-il pas faire davantage, et responsabiliser l'hébergeant ?

Le principe constitutionnel du regroupement familial ne peut être remis en cause, mais cela ne doit pas empêcher l'esprit de responsabilité publique de s'exercer, notamment dans les quartiers sensibles, qui souffrent le plus souvent d'une concentration excessive de population étrangère. Malgré cela, c'est aussi dans ces quartiers, devenus de véritables ghettos, que les demandes de regroupement familial sont les plus nombreuses. Or, il suffit de quelques uns de ces regroupements, dans une cité ou dans une petite ville, pour mettre à mal la cohésion sociale. Parfois même, on assiste à un basculement culturel. Mais, sur ce point, les moyens juridiques font cruellement défaut aux maires pour assurer une meilleure mixité sociale. Nous ne pouvons donc que nous féliciter de votre intention de les associer aux procédures envisagées. Mais ne serait-il pas souhaitable, aussi, d'adapter le droit inaliénable au regroupement pour mieux répartir la population étrangère au sein de la population française, et dégripper ainsi la fonction intégratrice de la République ? Ne conviendrait-il pas, à cette fin, de prévoir un critère dit « d'environnement social » ? Ainsi permettrait-on à la fois l'intégration réussie des nouveaux arrivants, et le succès, enfin, du traitement social des quartiers.

S'agissant de la double peine, qui n'est en fait qu'une peine complémentaire, on peut être sensible à certains cas particuliers. Admettons, donc, que l'on puisse absoudre la première erreur, mais certainement pas la récidive.

L'orientation générale du projet est bonne, mais la vigilance devra rester de mise. Il faudra aussi l'obtenir de nos partenaires de l'espace Schengen, et notamment de l'Espagne et de l'Italie.

Il y a un an, les Français ont souhaité le retour d'un Gouvernement prêt à entreprendre une action simple et intelligible. C'est ce que vous leur offrez aujourd'hui. Je soutiendrai évidemment ce projet, tout en proposant certains ajustements (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Decocq - Je ressens profondément à quel point ce projet répond à tout ce que mon département, le Nord, a connu et subi à mesure que se succédaient des vagues d'immigration non maîtrisées, aux conséquence dramatiques : l'exclusion sociale des immigrés, et la montée du racisme et de la xénophobie.

Votre projet nous soulage car il restaure le droit de l'Etat à dire qui peut pénétrer sur le territoire et dans quelles conditions tout en conciliant fermeté et humanité.

Il apparaît naturel de revendiquer la maîtrise par l'Etat de l'immigration. Pourtant, ça n'a pas été le cas, dans le Nord en tout cas, qui a subi plusieurs flux migratoires. Qui ne se rappelle les 200 000 mineurs polonais ? Lorsque la crise a frappé, au cours des années 1930, ils ont été les premières cibles des licenciements, et renvoyés en Pologne sans délai, par trains entiers. Saint-Exupéry a évoqué leur sort dans Terre des hommes. A l'époque, c'étaient les sociétés de charbonnage qui décidaient, seules, qui venait, qui restait et qui devait partir. L'Etat, lui, subissait.

Quarante années plus tard, alors même que le Nord était frappé de plein fouet par la crise textile, le secteur privé ne craignait pas de faire venir des Marocains ; l'Etat subissait encore. Et, dans les années 1980, les immigrés ont été les premières victimes de la récession, et de la xénophobie qu'elle a engendrée. Autrement dit, depuis des décennies, l'Etat pâtit des failles de la législation et du laxisme des politiques. C'est en quoi votre projet a une portée historique : vous redonnez à l'Etat les moyens de remplir son rôle, avec fermeté, mais aussi avec le souci des personnes.

Ce texte, équilibré, permettra à la fois une lutte efficace contre l'immigration illégale et une meilleure intégration des immigrés en situation régulière. Comment ne pas se féliciter du contrat d'accueil ? Comment ne pas se féliciter que l'octroi de la carte de résident soit subordonnée à des critères d'intégration ?

Vous avez déclaré qu'il n'y a pas de fatalité. C'est pourquoi nous vous faisons confiance : nous savons qu'avec vous, on n'attend pas l'avenir comme on attend un train : on le fait (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Jego - (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Ceux qui émigrent ne sont pas des gens heureux. Puisse cette vérité éclairer en permanence nos débats. Pour des raisons de basse stratégie, les immigrés, qui fuient le plus souvent la misère ou le totalitarisme, ont trop longtemps été pris en otages, notre pays laissant en friche le problème. Ce qui a ouvert la voie aux extrémismes et à la caricature.

L'incapacité chronique de plusieurs gouvernements à se saisir sérieusement du sujet, la volonté de quelques-uns de l'instrumentaliser, le choix de beaucoup de refuser de traiter le problème ont eu pour conséquence d'installer dans toute une partie de la population un sentiment nauséabond que le phénomène de l'immigration était responsable, de près ou de loin, de toutes les difficultés de la nation.

Les conséquences de cette lâche inaction ont été terribles, tant pour le crédit de l'Etat que pour l'image de la classe politique, souvent considérée comme sourde aux angoisses de nos concitoyens. Le résultat, nous l'avons tous déploré le 21 avril 2002 ! Mais le refus d'agir a aussi eu des conséquences terribles pour les immigrés eux-mêmes, et je n'aurai pas la cruauté de rappeler les conséquences désastreuses de la majorité précédente pour ceux qui, entassés à Sangatte, étaient livrés aux réseaux mafieux, ou pour les milliers de jeunes filles sacrifiées chaque année dans ce que notre pudeur seule nous conduit à appeler des mariages blancs !

Terribles conséquences, enfin, pour tous les étrangers qui vivent légalement sur notre territoire, subissant parfois l'opprobre de ceux de nos concitoyens que séduisent les thèses de l'extrême-droite ou qu'effraient les dérives laxistes de l'extrême-gauche !

Monsieur le ministre dès votre arrivée, vous avez refusé la facilité et choisi d'apporter à la question de l'immigration des réponses courageuses et humaines.

Nous devons à la fois expliquer à nos compatriotes la réalité du phénomène migratoire, pour tordre le cou aux idées fausses, et réguler les flux internationaux en combattant les filières clandestines criminelles. Les nouveaux arrivants doivent en effet bénéficier de toutes les protections légales que peut leur accorder la France.

Monsieur le ministre, le texte courageux que vous nous présentez répond à ces préoccupations. Il renforcera le contrôle des arrivées sur notre territoire, en redonnant aux maires les pouvoirs d'appréciation que la majorité précédente leur avait retirés. Il définit les conditions préalables à une résidence durable sur le territoire national, en associant enfin la notion de droits à celle de devoirs, si longtemps absente du discours public à l'égard des candidats à l'immigration.

M. Christian Estrosi - Très bien !

M. Yves Jego - Courageux, votre texte est aussi juste.

Il permettra de donner enfin un coup d'arrêt au phénomène insupportable des mariages factices, lequel entraîne chaque année des milliers de jeunes femmes - pour ne pas dire de très jeunes filles - dans un véritable esclavage dont l'objectif est la fraude aux conditions d'entrée sur notre territoire, et le résultat, trop souvent, un viol légalisé !

Le projet du Gouvernement répond aux attentes de l'opinion en corrigeant les aberrations de la double peine. Que dire de la lâcheté de notre République, qui, jusqu'à aujourd'hui, a préféré laisser inappliquées des décisions de justice plutôt que d'introduire dans ses lois un peu de bon sens et d'humanité !

Ceux qui émigrent ne sont pas des gens heureux. C'est au nom de cette souffrance que la France doit renouer avec ce qui a fait sa grandeur. Grâce à votre engagement personnel maintes fois réaffirmé, notre pays respectera sa tradition d'accueil et d'enrichissement par l'immigration, en sortant enfin ce débat du marécage fétide des extrémismes et des caricatures.

Au nom des immigrés qui ont fait le choix de la légalité, votre texte doit préparer l'opinion publique à une nouvelle prise de conscience de la réalité de l'immigration et jeter les bases d'une véritable politique d'intégration. Il est urgent d'agir.

Aussi, Monsieur le ministre, poursuivez votre travail courageux et juste, n'écoutez pas les donneurs de leçons qui n'ont pour tout bilan que le résultat du 21 avril 2002, et redonnez à la politique d'accueil des étrangers sa grandeur et sa dignité (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Christian Vanneste - L'immigration dans notre pays, ce sont souvent deux images contradictoires dans l'esprit des Français. La première, c'est celle d'un phénomène qu'un ancien Président de la République avait qualifié - sans doute de manière un peu excessive - d'invasion. Il est arrivé que des quartiers entiers changent de population et les identités s'expriment parfois d'une manière ressentie comme hostile. Il faut être aveugle pour nier la réalité du phénomène et parler, comme certains l'ont fait tout à l'heure, de stabilité ! Les acquisitions automatiques de la nationalité française, les régularisations massives, la difficulté réelle dans laquelle nous restons de mesurer l'immigration clandestine : tout ceci montre qu'il n'y a pas de maîtrise du phénomène.

Mais la seconde image, c'est celle que nous connaissons tous dans nos permanences, d'une détresse humaine, d'une injustice à réparer,... (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP)... d'un homme ou d'une femme en attente, entre l'espoir et le rejet, perdu dans le maquis d'une réglementation trop souvent modifiée et d'une administration certes solide mais dépassée.

C'est cette Espagnole mariée à un Français, résidant en France depuis vingt ans et brusquement devenue sans-papiers parce qu'elle ne s'était plus présentée après avoir perdu une journée de travail en files d'attente. C'est cette Française originaire d'Algérie, brusquement privée de sa nationalité pour une obscure erreur de date commise en 1962. C'est ce couple, originaire de Kabylie, intégré à tous les points de vue mais enfermé dans le processus fallacieux de l'asile territorial - 1 % d'admis !

Votre projet de loi, Monsieur le ministre, remet de la cohérence et de la clarté dans un domaine où notre pays n'a jamais osé définir une véritable politique.

M. Christian Estrosi - Absolument !

M. Christian Vanneste - Il faut prévoir une augmentation des moyens humains et matériels et améliorer l'organisation : convoquer à des heures précises plutôt que de contraindre à des files d'attente dès cinq heures du matin, alléger les procédures... Bravo, Monsieur le ministre, de mettre fin à l'obligation de titre de séjour pour les ressortissants communautaires. Je défendrai un amendement - adopté par la commission des lois - tendant à supprimer la délivrance de récépissés pour les demandes de renouvellement des titres de séjour (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Votre texte tend à atteindre un heureux équilibre entre réalisme et humanisme. Les solutions que vous apportez au problème de la double peine en portent témoignage. Il est à la fois peu réaliste et inhumain de renvoyer une personne qui n'a d'autre chez-soi que la France. Mais s'il convient de limiter la double peine, il faut aussi réaffirmer - et vous le faites - la notion de double volonté. Celle de l'immigré qui veut devenir Français, qui doit manifester sa volonté de s'intégrer. Celle de la France, qui doit pouvoir choisir - et non subir - son immigration. Pour appliquer avec justice la double peine, il faudrait davantage tenir compte des situations où les crimes et délits commis en France par un étranger résident sont intrinsèquement liés à sa situation d'étranger. Tel est le cas par exemple lorsqu'il se livre à des trafics avec son pays d'origine. Le fait d'être étranger n'est pas toujours sans lien avec la commission de certaines infractions, notamment en matière de terrorisme.

La France doit se situer entre deux extrêmes : l'immigration zéro - irréaliste et contraire à nos intérêts - et l'accueil de « toute la misère du monde » - suicidaire pour notre pays comme pour les pays d'émigration, alors privés de la part la plus dynamique de leur population. Il serait plus intelligent de pratiquer une politique de coopération décentralisée (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe UMP).

En créant de nouveaux outils de lutte contre l'immigration clandestine - telle l'utilisation des empreintes digitales - vous allez dans le bon sens. Ne pourrait-on pas aller plus loin ? Ne pourrait-on mettre en place des quotas d'immigration ? Je suis après MM. Lagarde et Le Roux, le troisième à en parler. Cela nous permettrait d'aller vers une immigration logique et maîtrisée, de faire de l'immigré bouc-émissaire un émigré partenaire.

Deux propositions pour conclure : il faut systématiquement aménager des salles d'audience à proximité des lieux de rétention afin de permettre aux juges de statuer publiquement ; d'autre part, si la lutte contre les mariages blancs est essentielle, il convient de la distinguer de celle contre les mariages forcés, où, de complice, le « conjoint » devient victime !

La solution passe sans doute par un renforcement de la coopération avec les pays d'origine.

En posant bien le problème, vous apportez des solutions efficaces et dépourvues des a priori idéologiques qui avaient conduit le gouvernement précédent à briser l'unité nationale.

Nos amis anglo-saxons aiment à dire : qu'il ait tort ou raison, c'est mon pays.

Grâce à ce texte, notre pays a raison (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Roatta - Ce texte se caractérise par son courage et par son réalisme.

Il est courageux de vouloir mieux maîtriser l'immigration et renforcer la lutte contre les filières clandestines de l'immigration.

Depuis trop longtemps, ce débat fait l'objet d'affrontements extrêmes entre les tenants d'une « immigration zéro » - principe aussi dangereux qu'irréaliste - et les partisans d'une politique visant à accueillir « toute la misère du monde », sans contrôle et sans contrepartie.

En ces matières, le constat est en effet accablant. Le refus de nos prédécesseurs de s'attaquer à la criminalisation des réseaux clandestins et au détournement des procédures prévues par l'ordonnance de 1945 nous conduit à devoir régler une situation inextricable où des réseaux très organisés exploitent les failles d'une législation trop souple et l'absence de moyens de contrôle vraiment efficaces.

Il est de la responsabilité du Gouvernement de lutter contre le nombre croissant de clandestins poussés vers nos frontières pour des raisons économiques. A ce titre, il convient de renforcer le contrôle aux frontières, afin qu'il ne soit plus possible d'entrer sans aucun contrôle sur le territoire français par le biais d'un visa de tourisme ou d'une attestation d'accueil et de s'y établir définitivement, en toute illégalité.

C'est avec courage, Monsieur le ministre, que vous présentez un texte visant à mieux maîtriser les flux migratoires qu'attire vers notre pays une législation trop floue, et à adapter notre arsenal juridique pour empêcher que les réseaux terroristes ne puissent en exploiter les failles, comme ils cherchent à le faire dans tous les Etats de droit. Ce texte a été enrichi par l'excellent travail effectué en commission, et j'espère que les nombreux amendements que celle-ci a proposés seront adoptés.

Ce projet de loi, né du constat que la législation actuelle était trop souvent contournée, vise, de manière réaliste et pragmatique, à en combler les lacunes. Un fichier des empreintes digitales de tous les demandeurs de visa va ainsi être créé. Un contrôle des attestations d'accueil, trop souvent utilisées pour prolonger illégalement un séjour sur notre territoire, sera de même institué. C'était devenu indispensable. Maire du centre ville de Marseille, où le nombre d'attestations, déjà de 2 500 en 1999 - pour un seul arrondissement -, est passé à plus de 5 000 l'année suivante, j'avais interpellé ici même le ministre de l'intérieur de l'époque, lequel m'avait répondu qu'en cas de soupçon, je pouvais intervenir auprès du préfet. Ce que j'ai fait, avec pour résultat, hélas, une augmentation de 76 % du nombre de ces attestations l'année suivante ! Notre ville a enregistré jusqu'à 52 200 demandes en une année, dont 27 786 ont été acceptées. C'est ainsi que nous devons accueillir au centre-ville 980 enfants de primo-arrivants. Ces enfants fréquentent, comme il est normal, nos écoles, mais n'ont pas de famille pour les soutenir. C'est la collectivité qui doit pallier ces carences, et les maires se trouvent en première ligne. Il était temps de mettre un terme à ces dérives.

Le projet de loi renforce les sanctions contre les passeurs qui exploitent sans vergogne la misère et le désarroi des candidats à l'immigration. Cela aussi était nécessaire : point n'est besoin de rappeler les faits divers dramatiques qui se sont produits ces dernières années.

Le projet de loi nous donne également les moyens de lutter contre les mariages blancs et les reconnaissances de paternité de complaisance. Les officiers d'état civil pourront notamment vérifier la régularité du séjour des futurs époux et saisir le procureur de la République en cas de doute sur leurs intentions réelles.

L'autre objet du projet de loi est de faciliter l'intégration des étrangers en situation régulière, en particulier en tenant mieux compte lors de l'attribution des cartes de séjour de critères d'intégration comme la connaissance de la langue française ou le suivi d'une formation professionnelle. Dans le cas d'un regroupement familial, le délai d'obtention d'une carte de résident est porté de trois à cinq ans.

Au total, ce projet de loi contribue à restaurer l'autorité de l'Etat de façon à maîtriser l'immigration et permettre un « vivre-ensemble » avec les étrangers séjournant régulièrement sur notre territoire. Nous n'avons pas à en rougir, mais bien au contraire à continuer dans cette voie courageuse, comme l'attendent de nous les Français.

Nous ne pouvons faire abstraction du fait que les moyens de transport modernes ont considérablement réduit les distances entre les continents. Les réseaux terroristes et mafieux sont par ailleurs de plus en plus avertis en matière juridique, et des organisations criminelles ont fait resurgir de la barbarie de juteux trafics d'être humains.

Avec ce projet de loi, Monsieur le ministre, vous réussissez le double pari de lutter contre l'immigration clandestine et de faciliter l'intégration des étrangers en situation régulière, dans le respect de l'autorité de l'Etat, mais aussi de la tradition de terre d'asile qu'a toujours eue la France, patrie des droits de l'homme, qui reconnaît également à chaque acteur de la communauté nationale des devoirs.

Au nom de l'UMP, je ne peux que vous féliciter et vous dire notre satisfaction devant un texte aussi réaliste, complet et mesuré (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Grand - Monsieur le ministre, j'avais appelé ici même votre attention sur l'urgente nécessité de réformer la procédure de délivrance des attestations d'accueil. C'était une demande récurrente de l'immense majorité des maires. Je vous remercie d'y avoir répondu dans ce projet de loi.

Celui-ci comporte des dispositions qui protègent définitivement un grand nombre de délinquants étrangers d'une interdiction du territoire. Il prévoit certes, heureusement, des exceptions, mais seulement pour des délits particulièrement graves, qui de toute façon auraient conduit leurs auteurs en prison pour très longtemps.

La question est de savoir quelle confiance nous accordons à notre justice. Pour ma part, je considère qu'un Etat souverain ne peut s'interdire d'éloigner un étranger devenu dangereux pour la sécurité et la santé publiques, ce qui est le cas des trafiquants de drogues. L'éloignement du territoire est la seule mesure réellement dissuasive pour ce type de délinquant. C'est également la seule de nature à éviter la récidive, si elle est effectivement appliquée.

Les considérations humanistes qui inspirent les militants de l'abolition de ce que l'on appelle à tort la double peine, relèvent d'un angélisme coupable, car ceux-ci font passer les intérêts des délinquants avant ceux de leurs victimes. Laissons donc aux juges toute latitude pour évaluer au cas par cas l'opportunité de prononcer une peine complémentaire d'interdiction du territoire. Je souhaite, pour ma part, que tout étranger jugé coupable de trafic de drogue puisse être expulsé. Or, si nous votons en l'état le projet de loi, les juges n'auront quasiment plus aucun moyen d'expulser ces délinquants, fussent-ils récidivistes, multirécidivistes ou membres de bandes organisées.

La rupture avec le milieu familial est l'un des arguments le plus souvent avancés pour s'opposer à la double peine. Mais c'est aussi l'argument qu'utilise l'entourage familial de ces délinquants, qui, dans bien des cas, vit largement du produit de leurs trafics.

Jamais on ne s'interroge sur les raisons qui ont poussé ces étrangers à ne pas solliciter la nationalité française ou qui ont conduit à la leur refuser. Dans beaucoup de cas, leur double nationalité de fait permet à ces délinquants de bénéficier de facilités supplémentaires, notamment pour fuir à l'étranger en cas de menace de mandat d'arrêt, mais aussi d'investir plus facilement des capitaux à l'étranger et d'appartenir à des filières organisées selon des critères nationaux. Voilà pourquoi j'estime que toutes les mesures restrictives au prononcé d'une interdiction du territoire français à l'encontre d'un étranger condamné pour trafic de drogue sont contraires à la défense de l'ordre public.

Devons-nous adapter la loi pour protéger les familles des trafiquants de drogues ou les milliers et milliers de familles qui en sont victimes ? Il y a sur ce point d'autres pistes à explorer. Je vous en proposerai par voie d'amendements. Il faudra notamment aggraver les sanctions encourues par les trafiquants de drogue, notamment celles prévues aux articles L. 222-36 à 39 du code pénal, et appliquer dans toute sa sévérité l'article L. 222-34.

On pourrait aussi envisager, dans un prochain texte, d'assortir les autorisations d'entrée sur le territoire national d'un engagement solennel du bénéficiaire à respecter les lois de la République. Dès lors, il ne serait pas choquant que les peines encourues par les trafiquants de drogue soient systématiquement alourdies.

Le Gouvernement a eu le courage d'ouvrir le débat et de prendre ses responsabilités sur un sujet de société difficile. C'est son honneur. C'est votre honneur, Monsieur le ministre, et je vous en remercie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Geneviève Colot - Il étaient à peine quelques centaines en 2000. Depuis, leur nombre n'a cessé d'augmenter, jusqu'à atteindre quelque cinq mille en 2002. Et cette année, il suffit de regarder nos rues et nos trottoirs pour s'apercevoir que leur nombre a encore explosé. « Ils », ce sont des mineurs, des enfants étrangers, seuls. Notre pays est depuis longtemps une terre d'immigration mais le phénomène nouveau est que ce ne sont plus seulement des adultes responsables qui y entrent, mais aussi des enfants, des jeunes, qui fuient la guerre et la misère qui sévissent dans leur pays d'origine. Ils viennent assurément chercher quelque chose, mais que trouvent-ils, sinon des réseaux de prostitution, de pédophilie, de vol, de mendicité, qui les embrigadent ? Pouvons-nous tolérer ainsi dans les rues de nos villes des enfants ainsi abandonnés, ou, pis encore, victimes de formes nouvelles d'esclavage ?

Depuis un an, ce Gouvernement a pris diverses mesures visant à empêcher ce trafic de jeunes mineurs : loi relative à l'autorité parentale, loi relative à la traite des êtres humains, loi relative à la lutte sur la criminalité organisée, accords bipartites avec des pays comme la Roumanie. Chacune de ces initiatives a eu son importance, comme en auront les travaux que mène actuellement M. Fillon sur l'insertion des jeunes.

Votre texte, Monsieur le ministre, est lucide et courageux. Il faut que la loi condamne ces trafics indignes et ceux qui les organisent ; votre projet le prévoit expressément. Il faut condamner ceux qui tirent profit de la misère humaine, de la naïveté, de la détresse, de la faiblesse des plus jeunes.

A l'égard des migrants, nous avons des devoirs. Le premier est le devoir de vérité : notre pays n'est pas un Eldorado. A l'égard des enfants, nous avons d'autres devoirs encore, et des drames qu'ils vivent nous devons prendre la juste mesure. Combien sont-ils ? D'où viennent-ils ? Comment l'administration réagit-elle ? Que peut-on décider avec leur pays d'origine ?

Il convient d'apporter une réponse politique aux problèmes qu'ils rencontrent. Faut-il leur accorder l'asile, les intégrer en les naturalisant, les renvoyer dans leur pays ? Il n'y a pas de réponse toute faite.

Ce projet montre que le Gouvernement a pris conscience de l'importance des trafics. Le mineur étranger doit faire l'objet de toute notre attention. N'oublions pas ces femmes, ces hommes, ces enfants : nous devons leur répondre avec justice, avec franchise, en ayant du c_ur mais aussi en faisant preuve de la plus grande fermeté à l'encontre de ceux qui les exploitent, de ces négriers des temps modernes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Eric Raoult - Depuis 1981, à plus de dix reprises, nous avons légiféré sur l'immigration. Mais, pour la première fois, ce débat a lieu sans qu'il y ait de manifestants devant le Palais-Bourbon...

Certes, plusieurs de nos collègues socialistes ont été commis d'office, mais ils font le service minimum (Sourires). Ils disent au nom de leur parti ce qu'il ne disent pas dans leur mairie.

Ce projet est attendu. Le Gouvernement n'avait pas pour dessein de « se pencher sur le dossier », comme disent nos collègues socialistes, mais d'agir pour régler les problèmes. Il a commencé par une réforme en profondeur du droit d'asile, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur avec mon collègue Leonetti.

Nous continuons par ce projet sur la maîtrise de l'immigration et le séjour des étrangers en France. Le contrat d'intégration sera mis en place ultérieurement.

Ce projet est aussi pragmatique : il n'y a pas d'un côté les « sans-papiers » et de l'autre les « sans-pitié » ! Ce projet aborde enfin un dossier que le précédent gouvernement n'avait pas eu le courage d'ouvrir.

Aujourd'hui, nous constatons sur le terrain que notre pays ne peut garantir à tous une intégration réussie sans une maîtrise des flux migratoires. L'intégration avance quand l'immigration s'arrête. La France subit les flux migratoires car elle n'a plus de politique migratoire. La France subit une immigration qu'elle ne maîtrise plus car les gouvernements l'ont considérée comme une fatalité.

Comme vous le déclarez aujourd'hui même dans Le Monde : « Depuis vingt ans, la France ne s'est pas dotée d'une véritable politique d'immigration ». Vous avez raison. Je regrette que de nombreux collègues ne le reconnaissent pas.

Gaston Defferre défendait déjà, en 1981, une politique réaliste, face à l'ultra gauche socialiste, adepte de l'ouverture généralisée des frontières (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Même notre collègue Bruno Le Roux n'a pas compris qu'en vingt ans, beaucoup de choses avaient changé à Epinay (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Monsieur le ministre, votre volontarisme, couplé à votre pragmatisme, va nous permettre d'organiser l'immigration. Il ne s'agit pas de réguler les flux en rejetant le principe même d'immigration, car l'immigration a toujours existé et la France sait ce qu'elle doit aux étrangers. Leur diversité, leur richesse culturelle ont permis à la France de se renouveler.

Elu de banlieue, je constate combien cette diversité est une force.

M. Patrick Braouezec - Il y a banlieue et banlieue !

M. Eric Raoult - Monsieur Braouezec, ne défendez pas ici ce que vous refusez dans votre ville (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). On ne peut s'opposer à ce projet tout en réclamant l'expulsion des squatters de Saint-Denis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Patrick Braouezec - Je ne réclame rien !

M. Eric Raoult - Ce projet est juste. Les occupations d'églises qui se multiplient dans mon département montrent que le problème est réel et qu'il faut le traiter avec justice.

Les sans-papiers sont souvent victimes de marchands de misère qui les exploitent. On leur fait croire qu'une installation durable sur notre territoire est possible, alors que cela est faux.

Ce projet de loi nous permet de sortir du mensonge. Il prévoit des solutions équilibrées et appropriées : des sanctions renforcées contre les passeurs et les transporteurs de clandestins, l'instauration d'un fichier des empreintes digitales pour les demandeurs de visas, l'institution d'un contrôle des attestations d'accueil qui sera confié aux maires et des dispositions contre les mariages ou les paternités qu'on appelle pudiquement « de complaisance », tels que les a décrits avec acuité notre collègue François Scellier il y a quelques mois.

Ces dispositions ne rompent pas avec la tradition séculaire de notre pays. Depuis de nombreux siècles en effet, la France s'est construite et s'est fortifiée par l'accueil de multiples communautés d'origines étrangères.

Conforme à cet héritage, ce projet est ferme mais humain. La réforme des procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière concilie effectivement humanité et fermeté : humanité, par un renforcement des droits et des garanties reconnus aux étrangers maintenus en rétention, mais également fermeté, par une augmentation de la durée de rétention administrative.

Ces dispositifs se rapprochent de la législation de la plupart de nos partenaires européens, ce qui les rendra plus efficaces que les précédentes législations.

Ce projet apporte également des éléments de réponse appropriés au problème de ce qu'on appelle communément la « double peine ».

Il est de bon sens de reconnaître que des étrangers délinquants et arrivés illégalement sur notre territoire doivent être considérés comme expulsables. Mais le bon sens doit aussi nous amener à tempérer ce point de vue pour ceux qui ont tissé avec la France des liens sérieux, personnels ou familiaux.

Mes chers collègues, de qui est cette citation ? « C'est une atteinte aux droits de l'homme que de séparer de leur famille et d'expulser vers un pays dont bien souvent ils ne parlent même pas la langue, des jeunes gens nés en France ou qui y ont passé une partie de la jeunesse. Ces pratiques sont inacceptables. Si je suis élu Président de la République, je demanderai au Gouvernement d'y mettre immédiatement fin et de présenter les dispositions législatives nécessaires pour que nul désormais ne puisse y avoir recours ». Eh bien, c'est un engagement de François Mitterrand, pris le 17 avril 1981, quinze jours avant son élection. Vingt-deux ans plus tard, grâce à votre action Monsieur le ministre, une solution est trouvée : celle de la droite humaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Comme le reconnaissaient Bertrand Tavernier et notre collègue Etienne Pinte dans une tribune parue le 28 octobre dernier, « si la double peine ne respecte pas les principes du droit, elle s'oppose à des valeurs d'humanisme. Il faut un débat dépassionné, au-delà des clivages politiques ».

Dans la commune de Dugny, dont mon ami André Veyssière est le maire, un jeune tunisien, Bouda H'Mendi a été condamné pour des bêtises de jeunesse. A sa sortie de prison, après avoir purgé sa peine, il se trouvait menacé d'expulsion, alors que ses liens familiaux et personnels avec notre pays étaient une réalité. Il a écrit à Daniel Vaillant et n'a jamais reçu de réponse. A Dugny, le jeune Bouda est devenu un exemple pour de nombreux jeunes, à qui il explique à travers son engagement associatif que son expérience délinquante était une impasse.

Vous l'avez rappelé, Monsieur le ministre : comme vous l'avez fait pour Chalabi et Chérif Bouchelaleg, vous avez traité sa situation avec humanité, et je souhaite, au nom des habitants de Dugny, vous en remercier.

La création de quatre nouvelles catégories d'étrangers dont l'expulsion sera désormais interdite permettra de sortir de cette fâcheuse tendance qu'a notre droit actuel à fabriquer de nouveaux clandestins.

C'est encore en alliant humanité et fermeté que vous liez le statut de résident aux critères d'intégration. Ces critères seront notamment la maîtrise de la langue et l'apprentissage des valeurs fondant notre pacte républicain.

Député d'une banlieue où des communautés nombreuses et diverses sont amenées à vivre ensemble, je sais à quel point cet objectif d'intégration nécessite un équilibre des droits et des devoirs de chacun.

Sur ces dossiers de l'intégration et de l'immigration, les socialistes nous font penser aux émigrés de la Restauration qui n'ont rien oublié ni rien appris, mais qui ont quand même perdu la mémoire ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) La position de la gauche n'a pas changé. Ils se servent de ce dossier, sans servir la cause des intéressés.

Erigée en donneuse de leçons, la gauche nous fait dans l'opposition des discours de générosité qu'elle ne peut tenir lorsqu'elle exerce le pouvoir (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

En promettant, elle fait des amalgames. En faisant des amalgames, elle fabrique des mécontents. En fabriquant des mécontents, elle nourrit le vote extrémiste.

M. Serge Blisko - C'est l'enfer !

M. Eric Raoult - Monsieur le ministre, vous nous décomplexez et vous menez une politique de vérité à l'égard des pays de départ. Mieux, vous avez le courage de la mettre en _uvre. Le texte qui nous est soumis est le meilleur rempart contre les désespoirs qu'on constate dans les banlieues, et qui ont pour conséquences l'exclusion dégradante, le communautarisme rampant, le repli identitaire et religieux, l'intolérance, la montée des extrémismes.

Parce que votre projet est attendu et pragmatique, nécessaire et juste, ferme et humain, les députés UMP le voteront. Comme tous mes collègues, j'approuve l'excellent rapport de Thierry Mariani, et je partage la méthode Sarkozy, qui a traité l'insécurité et s'apprête à traiter l'immigration. Vous dites ce que vous faites, vous faites ce que vous dites, ça change ! Toute la Seine-Saint-Denis vous dit merci ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Patrick Braouezec - Non ! Pas toute la Seine-Saint-Denis !

La discussion générale est close.

M. Raoult remplace M. Daubresse au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

M. le Ministre - Eric Raoult a employé un mot très important : décomplexer. C'est une vraie question dans la vie politique, car souvent on s'abstient de dire ce qu'on pense parce qu'on croit qu'on est obligé de respecter une politique convenue, une pensée unique, qui détermine le bien et le mal sans même que les élus du peuple aient le temps d'exprimer leur volonté.

Ainsi, prononcer le mot « immigration » est vécu comme un acte raciste avant qu'on poursuive sa phrase... Mais ceux qui se laissent aller à subir ce terrorisme de la pensée montrent qu'ils ont eux-mêmes des arrière-pensées coupables. Comme nous n'en avons aucune, nous avons le droit et le devoir de parler d'immigration (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Pourquoi donc être complexés alors que nos idées n'ont rien à voir avec celles de Jean-Marie Le Pen ? Nous en avons assez que ce monsieur fasse la pluie et le beau temps dans le débat d'idées. Si cela a été le cas si longtemps, c'est parce que personne n'osait lui porter la contradiction, sur des sujets qui ne sont pourtant pas la propriété du Front national ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Vous avez raison, Monsieur Raoult, il faut être volontaire, c'est-à-dire aller systématiquement là où les problèmes sont les plus difficiles. C'est la noblesse de la politique. La Corse, l'intégration des Musulmans, l'insécurité, l'immigration...

M. Bruno Le Roux - Ce ne sont pas des réussites !

M. le Ministre - Ne soyez pas si cruel avec votre bilan... (Rires sur les bancs du groupe UMP) Il sera toujours temps de faire le mien, mais vous connaissez ce proverbe : « Quand je m'ausculte, je m'inquiète, quand je me compare, je me rassure »... Je n'hésiterai donc pas à vous prendre comme étalon de mesure.

Les sujets faciles ont été réglés au cours de la législation précédente. Les autres, vous nous les avez laissés. Qui pourrait aujourd'hui nous reprocher de nous en occuper ?

J'ai du mal à m'y retrouver entre les appels que me lancent les élus de gauche à venir dans leurs circonscriptions où on n'hésite pas à me dire « continuez, votre politique va dans le bon sens », et les discours enflammés tenus ici...

Plusieurs députés UMP - Des noms !

M. le Ministre - Nous, nous disons ce que nous allons faire et nous faisons ce que nous avons dit ! C'est une différence notable, qu'a bien pointée Eric Raoult.

Madame Colot, les mineurs isolés sont un vrai problème. Vous avez déposé un amendement qui renforce les sanctions contre le trafic de ces mineurs, le Gouvernement l'acceptera. Un groupe de travail proposera des mesures, pour rechercher les familles et faciliter le retour, comme nous le faisons avec la Roumanie et avec la Bulgarie. C'est une question angoissante et difficile car on ne peut ramener chez lui, comme un adulte, un mineur sans famille en France ni dans son pays d'origine. Il faut donc, ici et là-bas, préparer son retour avec les ONG qui le réinséreront socialement, sanitairement et qui lui donneront une éducation.

Monsieur Grand, vous aviez appelé l'attention du Gouvernement sur les attestations d'accueil, je vous en donne acte et je vous remercie pour votre soutien à l'essentiel de ce projet.

Nous avons un désaccord sur la double peine. Je respecte vos convictions mais ne vous trompez pas sur les miennes : je me battrai pour que ce dispositif soit accepté. Je le ferai parce qu'une conviction très profonde m'anime : la politique du Gouvernement peut être ferme si elle est juste, or la double peine est injuste. Et je ne pense pas avoir beaucoup de leçons à recevoir sur ma volonté de maintenir l'ordre public !

On ne renforce pas une majorité en craignant de réduire une injustice. Bien sûr, les trafiquants de drogue doivent être condamnés sévèrement, et un étranger qui trafique sera toujours expulsé après sa peine de prison. Mais la double peine, c'est autre chose.

Quand bien même vous ne partageriez pas ma conviction, je vous invite à vous demander pourquoi, depuis tant d'années, la droite n'arrive pas à faire entendre ses idées et pourquoi elle est si souvent caricaturée. Parce qu'elle n'a jamais poussé l'analyse politique jusqu'au bout. Ne vous étonnez pas d'être caricaturés quand votre position paraît caricaturale...

Oui, je fais de la politique. Quoi de plus moral pour un homme politique ? J'essaie de prendre en compte les aspirations contradictoires et généreuses de notre peuple qui en même temps refuse qu'on régularise tous les étrangers et qu'on évacue à coups de bâton les églises occupées. Si on ne comprend pas cela, mieux vaut se présenter aux élections dans un autre pays... C'est bien pourquoi je présente un projet divers, complexe, qui répond à l'aspiration des Français.

Oui, Monsieur Grand, je défends ce que je crois bon et qui correspond, selon moi, à ce qu'est la France de 2003. La droite a laissé pendant trop d'années les responsabilités à d'autres parce qu'elle n'a pas su s'adapter à la France d'aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Je ne crains pas d'être minoritaire, ici ou ailleurs, mais, je crains le déficit d'authenticité. Les Français comprennent tout, ils savent quels sont les débats factices et ceux qui sont sincères. Je respecte la position de M. Grand, et je ne saurais refuser le débat que j'ai moi-même proposé - et qui a trop manqué à la majorité par le passé. Ce débat sur la double peine nous honore, je le mènerai jusqu'au bout, je chercherai les accords possibles, mais je me battrai pour convaincre chacun de la justesse de cette politique.

Ma position n'est en rien tactique. M. Loncle a rappelé que François Mitterrand - dont je n'ai généralement pas été un grand admirateur - avait pris un risque en se prononçant contre la peine de mort peu avant l'élection présidentielle de 1981. Je pense que cette attitude est plus noble que celle qui consiste à dire : « l'opinion publique n'est pas prête, donc je ne le fais pas ». Quand les hommes politiques ont des convictions, leur noblesse est de se battre pour les faire partager. S'ils n'y parviennent pas, ils sont battus mais avec les honneurs. Mais, pour ma part, j'ai bien l'ambition que la majorité me suive convaincue et non contrainte.

Monsieur Roatta, votre exemple des attestations d'accueil à Marseille était le meilleur témoignage de l'utilité des élus de terrain dans la gestion des problèmes d'immigration. En quoi est-il choquant de demander à des étrangers qui veulent rester longtemps sur notre territoire de montrer leur volonté de s'intégrer ? Et il y a pour cela, parmi d'autres, un critère simple : il est aberrant de demander une carte de séjour de longue durée si l'on ne sait pas parler notre langue. Si quelqu'un n'a pas fait, en cinq ans, l'effort d'apprendre le français, on peut légitimement mettre en doute sa volonté d'intégration.

M. Vanneste a parlé de quotas. Pourquoi ce mot serait-il exclu de notre vocabulaire politique ? Des pays très démocratiques pratiquent les quotas sans qu'on le leur reproche. On ne pourra d'ailleurs bien les appliquer qu'en accord avec les pays d'immigration, dans une gestion commune d'un flux maîtrisé. Tel pays, par exemple, s'engagerait à contrôler son aéroport, et nous à prendre davantage de ses ressortissants. Une telle politique ne me fait pas peur.

Sur les salles d'audience - à Roissy et au nouveau centre de Coquelles - règne une hypocrisie extraordinaire. L'indépendance des magistrats serait-elle menacée du seul fait qu'ils siégeraient dans la salle de Roissy, flambant neuve et jamais utilisée ? La véritable indépendance des magistrats est dans leur tête.

Si j'en crois M. Le Roux, le gouvernement Jospin a investi dans cette salle de Roissy en sachant pertinemment qu'il ne s'en servirait pas !

M. le Rapporteur - Extraordinaire !

M. le Ministre - Je ne sais pas si M. Jospin apprécierait qu'on dise ainsi qu'il a mené une politique dispendieuse et manqué de courage. En vérité, qui est contre ? Quelques membres du barreau de Seine Saint Denis et quelques magistrats, mais pas les malheureux qu'on appelle par haut-parleurs à cinq heures moins le quart du matin pour les emmener attendre des heures durant, avec femmes et enfants, à Bobigny, alors qu'on pourrait les réveiller à une heure normale et les faire venir au moment voulu dans la salle d'audience voisine. Cette salle répond à tous les critères souhaitables, et si le législateur décidait qu'elle doit être utilisée, magistrats et avocats devraient appliquer la loi. Quand aux 65 policiers occupés à transporter ces malheureux, ne seraient-ils pas plus utiles dans vos circonscriptions ? (« Si ! » sur les bancs du groupe UMP) J'ai même proposé aux magistrats un chauffeur - sans uniforme - pour les amener de Bobigny à Roissy. Inutile donc d'invoquer les grands principes ! Cette salle d'audience, je n'ai pas décidé de la construire, mais elle existe. Elle permet de traiter plus humainement des malheureux. Ce qui a été organisé ainsi par nos prédécesseurs doit-il fonctionner ? Je réponds : oui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Et l'on verra bien ce que l'opinion en pense !

Enfin, Monsieur Vanneste, vous avez raison : plus on est honnête, plus on respecte les procédures, plus on a de mal à faire venir en visite quelqu'un de sa famille ; et moins on est honnête, plus on parvient à ses fins. C'est absurde et je souhaite mettre un terme à cette situation.

Monsieur Jego, j'ai reconnu votre humanité lorsque vous avez rappelé que le seul fait d'émigrer est un malheur, et que ce n'est pas par plaisir qu'on quitte sa famille et son pays. Noir ou jaune, on n'est pas une marchandise, mais un être humain, et si nous ne pouvons accueillir tout le monde, nous ne devons pas oublier que ce qui nous rapproche est bien plus important que ce qui nous divise.

Bien sûr, il faut faire confiance aux maires. Ils n'ont pas toutes les qualités, mais ils ont été élus, et parfois réélus, ce qui leur donne au moins autant de légitimité que celui qui est élu par l'assemblée générale de son association. En général, d'ailleurs, ceux qui critiquent les élus n'ont jamais eu le courage de se présenter devant le suffrage universel, ou ont été battus. Je préférerai toujours, quant à moi, la légitimité de celui qui s'est fait élire. Vous avez aussi parlé, Monsieur Jego, de l'esclavagisme des mariages fictifs ; je ne comprends même pas que des orateurs socialistes aient pu prétendre qu'il n'y avait pas de problème...

Mais après tout, ils sont les adeptes de cette fatalité qu'évoquait M. Decocq. Des problèmes de sécurité ? C'est l'évolution sociologique. Des problèmes d'immigration ? C'est la mondialisation. Circulez, il n'y a rien à voir ! Mais c'est ce raisonnement décourageant qui a conduit certains de nos compatriotes hors des chemins de la République ! Pour moi, il n'y a pas de fatalité. Nous ne ferons pas comme eux, car leur immobilisme a échoué. Je ne peux pas garantir que nous allons réussir, mais nous, nous aurons essayé d'agir. D'ailleurs, si les Etats ont de moins en moins de pouvoirs sur le plan économique, ils restent les seuls à assumer les grandes missions régaliennes, et les citoyens attendent qu'ils le fassent avec efficacité.

Sur le regroupement familial évoqué par M. Mourrut, je n'ai pas proposé de modification. Il y a des abus, mais à mes yeux, il est clair qu'on ne peut demander à un étranger de s'intégrer sans sa femme et ses enfants. Cependant je serai ouvert aux amendements sur le sujet.

M. Mamère n'est plus là, je ne lui réponds donc pas, mais je dis aux socialistes : des amis comme ceux-là, gardez-les pour vous ! (Rires sur les bancs du groupe UMP) Quand on pense qu'il n'y a pas si longtemps il soutenait votre gouvernement...

M. Christophe Caresche - De bons amis, vous en avez quelques-uns !

M. le Ministre - J'y viendrai.

Le témoignage de M. Léonard était émouvant. En bon Lorrain, il peut mieux qu'un autre dire comment la France s'est construite en assimilant des vagues successives d'immigrés. Mais je retiens surtout ses propos sur l'islam. La politique que j'ai lancée peut susciter des désaccords ; je la revendique. Les musulmans de France ne sont pas au-dessus des lois, mais ils ne sont pas non plus en dessous des lois. Or une identité humiliée se radicalise. Et nombre de musulmans de France se sentent musulmans dans le regard de l'autre, qui n'est pas apaisé. Celles qui portent le voile ne sont pas de pauvres filles sans culture ni formation, mais bien souvent des jeunes filles éduquées et intelligentes qui répondent au regard qui les caricature par une autre caricature (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). A nous de dire que tout musulman n'est pas un terroriste en puissance, que l'islam n'est pas l'intégrisme...

M. Guy Geoffroy - Exactement !

M. le Ministre - Le CFCM, malgré toutes ses imperfections, personne n'y touchera. C'est l'espoir pour tous les musulmans de France que l'islam soit invité à la table de la République. Quant à tous ces intellectuels qui, doctement, se demandent s'il est compatible avec les valeurs de la République, si la réponse était non, que proposeraient-ils pour les cinq millions de musulmans de France ? Qu'on les mette dehors, qu'ils se convertissent, qu'il renoncent à toute religion ? C'est proprement irresponsable (« Très bien ! » sur de nombreux bancs).

M. Christian Vanneste - Scandaleux !

M. le Ministre - Mais à partir du moment où on reconnaît l'islam, Madame Brunel, on peut exiger qu'il respecte strictement les règles de la République. Donc il n'y a pas d'heures de piscine pour les hommes et d'heures pour les femmes. Quand je pénètre dans une mosquée, j'ôte mes chaussures ; quand on vient en France, on en respecte les lois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Mais ce discours ne peut être entendu que si l'on a eu aussi la générosité de dire que pour prier, on ne doit pas être obligé de se cacher dans une cave ou dans un garage, et qu'on peut le faire au grand jour. C'est l'un des sujets les plus importants pour notre pays dans les années à venir. Et sans cette ouverture sur l'islam de France, je ne pourrais pas conduire une politique ferme de sécurité dans les banlieues.

Madame Brunel, sur les gens du voyage, je veillerai à ce qu'on applique la loi en Seine-et-Marne. J'observe simplement que l'an dernier à la même époque j'étais harcelé par les parlementaires qui me demandaient de faire évacuer des gens en situation illicite ; aujourd'hui, ce n'est plus le cas.

Quant à dire que la double peine doit s'appliquer en cas de rapt d'enfants, je ne le pense pas, bien que je comprenne l'émotion légitime qui s'exprimait. Je ne veux, quant à moi, retenir que les crimes qui témoignent d'une haine de la France. Ce serait brouiller le message que de dresser une liste d'autres crimes, fatalement appelée à s'étoffer au point de devenir un catalogue, et ce serait nuire à l'efficacité de la mesure.

Monsieur Lagarde, je m'engage à examiner dès demain le cas des bébés roumains et de leurs mères retenus à Bobigny, car l'humanité le commande.

M. Jean-Christophe Lagarde - Merci.

M. le Ministre - Le centre de Bobigny lui-même pose problème, c'est vrai, mais un nouveau bâtiment sera livré avant la fin de l'année. C'est indispensable à l'équilibre que je souhaite : une rétention plus longue, mais dans des conditions dignes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

J'ajoute qu'il ne sera pas besoin de renégocier les accords conclus avec les pays du Maghreb, les conditions d'obtention de la carte de résident mises à part, vous le voyez, Monsieur Lagarde, ce texte est équilibré.

M. Jean-Christophe Lagarde - J'allais dire « centriste » (Sourires).

M. le Ministre - A ceci près que je ne suis pas convaincu qu'une demi-idée de droite associée à une demi-idée de gauche fasse une bonne idée (Sourires). Pour autant, je ne boude pas le soutien du groupe UDF, non pour des considérations arithmétiques, mais parce que je suis convaincu qu'une majorité doit rassembler au plus large, sous peine de rétrécir. Sachez, enfin, que je suis prêt à rendre des comptes sur le résultat de cette politique, non pas tous les ans mais tous les mois.

Monsieur Loncle, les propos de M. Tubiana sont à ce point excessifs qu'ils m'incitent à faire le contraire de ce qu'il préconise. Je respecte l'homme, mais son expression est outrancière.

M. François Loncle - Ce n'est pas de lui que je parlais, mais de la Commission nationale consultative des droits de l'homme !

M. le Ministre - Il en fait partie ! Quant à vous, votre parfaite courtoisie ne fait pas moins de vous le spécialiste de la vacherie de fin de phrase ! Spectaculaire ! Vous ferez, nous dites-vous, rempart de vos convictions pour éviter le pire... Réservez-vous pour de meilleures causes ! En quoi le texte met-il en péril la démocratie ?

M. François Loncle - Nous verrons à l'usage.

M. le Ministre - Quant aux travaux nécessaires dans les centres de rétention, ils méritent quelques précisions. M. Jospin a pris un décret à ce sujet au bout de cinq ans, juste avant de partir. Qu'en est-il à présent ? Sur dix-huit centres, dix sont aux normes, trois le seront avant la fin de l'année et les cinq derniers avant la fin de 2005. J'espère tenir ce calendrier, indispensable pour l'image de la France.

Monsieur Pinte, j'ai beaucoup d'admiration pour le combat courageux que, le premier parmi nous, vous avez mené, sans autre souci que celui de la justice. Comme vous, je tiens à rendre hommage à la Cimade et à son action à propos de la double peine, ainsi qu'à Bertrand Tavernier, qui a eu l'honnêteté de dire qu'il approuve la réforme.

M. Serge Blisko - Nous avons dit la même chose !

M. le Ministre - Mais vous ne l'avez pas fait ! Il est vrai qu'avec M. Mamère dans votre majorité, ce n'était pas facile (Sourires sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Braouezec - Ce n'est pas de lui que venait l'opposition !

M. le Ministre - Monsieur Perruchot, vous avez posé nombre de questions difficiles ; vous avez entendu les réponses que le Gouvernement entend leur apporter. Je tiens une nouvelle fois à remercier le groupe UDF de son soutien, et vous en particulier, qui m'avez alerté à diverses reprises sur l'augmentation du nombre des mariages de complaisance. Ce sont de tels témoignages qui permettent d'agir.

A Monsieur Le Roux, j'ai déjà beaucoup dit, et je crois plus prudent de ne pas dire plus, au risque, sinon, que nous nous fâchions.

M. Bruno Le Roux - Même à propos du TGI ?

M. le Ministre - Mon sentiment est que le parti socialiste doit à présent choisir entre approuver un texte qui améliorera la vie quotidienne de nos concitoyens, et rechercher l'onction de l'extrême-gauche, ce qui, après tout, est son droit. En tout cas, le grand écart permanent, outre que c'est une position inconfortable, n'est pas tenable. D'ailleurs, lorsque vous tentez de participer aux manifestations, vous y êtes sifflé ! Je préfère, quant à moi, la position de MM. Caresche et Valls, qui n'ont pourtant pas toujours été laudatifs à mon endroit. Mais peut-être, après tout, est-il préférable que vous ne m'écoutiez pas, et continuiez comme ça ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Goasguen a parlé, avec beaucoup de force, de la coopération. Il a raison, mais un seul texte ne peut tout embrasser.

Les propos de M. Valls donnent à penser qu'il reconnaît qu'il faut faire quelque chose, qu'il regrette de ne pas l'avoir fait, mais que ce que nous faisons n'est « pas tout à fait ça »... (Sourires) Nous allons donc peut-être découvrir, au détour de l'examen des amendements, que le parti socialiste a une politique de l'immigration... Une chose, seulement : je ne vois vraiment pas en quoi le texte rendrait l'intégration plus difficile. Si l'on souhaite être cohérent, il faut alors proposer de supprimer tout délai pour l'obtention de la carte de résident. Mais en quoi un délai de cinq ans serait-il plus catastrophique qu'un délai de trois ans ?

Quant à la démonstration - brillante - de M. Le Roux sur l'anticonstitutionnalité, elle m'a rappelé un autre recours, fondé sur pas moins de 24 motifs, contre la loi sur la sécurité intérieure. On allait voir ce que l'on allait voir, nous avait-on dit ! Et qu'avons-nous vu ? Rien ! Sur les 115 articles du texte sur la sécurité intérieure, le Conseil constitutionnel n'a rien trouvé à redire. Zéro sur cent quinze : voilà la note obtenu par les auteurs du recours !

M. Bruno Le Roux - Si l'on excepte une multitude de commentaires peu amènes !

M. le Ministre - Pourquoi, à votre avis, ai-je choisi de porter le délai de rétention à 32 jours, sinon pour suivre l'avis du Conseil d'Etat ? Oui, c'est vrai, j'avais initialement proposé soixante jours, pour nous mettre dans la moyenne européenne, et on va bien voir si le Conseil constitutionnel tient compte de la décision unanime de l'assemblée plénière du Conseil d'Etat. Les recours, on est toujours ambitieux quand on les rédige, mais il faut surtout les juger à leurs résultats. Chacun devra prendre ses responsabilités, y compris ceux qui demandent l'annulation d'une mesure extrêmement attendue par le pays.

Si quelqu'un parmi vous trouve dans ce texte une seule mesure qu'il juge choquante, qu'il n'hésite pas à nous proposer une meilleure rédaction : nous en débattrons loyalement.

Avoir des papiers ou en être privé, ce n'est pas la même chose ! Aucun parmi vous ne peut dire que l'état de clandestin soit enviable ou profitable à notre pays, ni à personne. Si vous avez de meilleures formules, proposez-les ! Quant à vous, Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour tout le travail que vous avez accompli et de la façon dont vous avez conduit le débat en commission. Son président m'a remercié d'être venu plusieurs fois. J'étais tout disposé à venir encore, car je suis bien conscient que l'on n'épuise pas un sujet de cette nature en quelques heures !

Notre débat est utile à la nation. Il vous fait honneur et il nous fera tous progresser.

Nous essaierons de retenir des amendements de chacun...

M. Serge Blisko - Chiche !

M. le Ministre - ... pour bien montrer que ce texte est la loi de la République.

Votre assemblée se grandira en adoptant ce projet car il apporte enfin de solutions concrètes à des situations intolérables, tant pour ceux qui les subissent que pour nous tous (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

La suite de la discussion est renvoyée au mardi 8 juillet.

Prochaine séance ce matin, vendredi 4 juillet 2003, à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU VENDREDI 4 JUILLET 2003

A NEUF HEURES TRENTE : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence (n° 960), modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive.

M. Michel HERBILLON, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

(Rapport n° 986)

M. Laurent HÉNART, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

(Avis n° 987)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance

Éventuellement, A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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