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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2002-2003 - 4ème jour de séance, 11ème séance

2ème SÉANCE DU VENDREDI 4 JUILLET 2003

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE (suite) 2

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 16

ARTICLE PREMIER 23

APRÈS L'ARTICLE PREMIER 24

ARTICLE PREMIER BIS 25

ARTICLE PREMIER TER 26

ART. 2 27

ART. 3 32

ART. 4 38

ART. 4 BIS 38

ART. 5 39

ART. 6 39

ART. 6 BIS 45

ART. 7 45

ART. 8 46

APRÈS L'ART. 8 47

ART. 9 47

ART. 11 47

APRÈS L'ART. 11 47

ART. 12 48

SECONDE DÉLIBÉRATION 49

ART. 6 49

EXPLICATIONS DE VOTE 49

ORDRE DU JOUR DU LUNDI 7 JUILLET 51

La séance est ouverte à quinze heures.

ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, modifiant la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive.

Mme Martine Carrillon-Couvreur - Malgré l'application récente de la loi du 17 janvier 2001, qui reconnaissait à l'archéologie préventive une mission de service public, vous nous proposez aujourd'hui, non pas de l'améliorer au regard d'un bilan objectif que vous vous êtes refusé à dresser, mais de la modifier profondément afin de livrer ce secteur au marché et à la concurrence. Quelle déception ! Vous êtes, il est vrai, cohérent. Nous vous voyons appliquer ici, loi après loi, par pure idéologie, les règles du libéralisme. Après avoir remis en cause les conditions de travail de millions de salariés, condamné l'avenir des jeunes en supprimant les emplois-jeunes, délaissé l'éducation nationale, abandonné le secteur de la recherche, privatisé un grand nombre de services publics, en particulier dans le secteur social, vous vous attaquez aujourd'hui au domaine de la culture. Je m'étonne, du reste, que vous ne l'ayez pas fait plus tôt, car vous savez qu'un peuple sans culture est un peuple docile - et vous avez besoin de cette docilité - mais, voici la machine lancée, et rien ne semble pouvoir l'arrêter.

Vous vous êtes engagé dans une baisse des crédits consacrés à la culture, vous refusez de défendre le régime des intermittents du spectacle, vous supprimez les classes à projet culturel, vous ne proposez rien pour l'audiovisuel public, sans doute pour mieux l'asphyxier et le privatiser dans les mois à venir. Et voilà que vous vous attaquez maintenant à ce qui contribue à la recherche de la vérité historique et constitue les bases de notre culture : l'archéologie.

Vous nous proposez la privatisation de ce secteur, alors que vous en connaissez les conséquences. Il y a une dizaine d'années, le gouvernement britannique s'était, lui aussi, engagé sur cette voie, mais le bilan a été si catastrophique que les instances gouvernementales britanniques envisagent aujourd'hui de replacer l'activité archéologique dans le domaine de la recherche. En juillet 2001, la Grande-Bretagne a créé un groupe composé de 137 parlementaires des deux chambres et de tous les partis politiques, dont le rapport, en date de janvier 2003, analyse les effets du système archéologique concurrentiel mis en place depuis les années 1990, dans la lignée des années Thatcher.

Il en résulte qu'un fossé s'est creusé entre la recherche fondamentale et l'archéologie de sauvetage, et que les conditions de travail des archéologues se sont détériorées, qu'il s'agisse de la rémunération ou de la formation continue. Le mécanisme même de l'appel d'offres conduit à une rétention d'informations, contradictoire avec la nécessité propre à la discipline de publier, transmettre et échanger. Enfin, la compétition financière nuit à la qualité du travail et pousse à économiser sur l'investissement à long terme et la formation. Aussi les parlementaires britanniques proposent-ils de remplacer les entreprises privées par des institutions plus stables, de supprimer le système d'appel d'offres, d'instaurer une taxe permettant de sortir du système de prestations de services et de demander l'engagement financier de l'Etat.

En Grande-Bretagne, l'expérience a montré l'opposition entre les enjeux d'une archéologie au service de la collectivité et les lois du marché, et il en a été de même en Italie.

Votre projet de loi ne peut conduire qu'à la destruction totale de l'activité de recherche. L'archéologie est un bien commun, fragile et non renouvelable. Les vestiges archéologiques sont les archives du sol, sources de l'histoire de nos cultures.

Les archéologues, inquiets de ce projet, nous interpellent depuis des semaines. Ils se sentent menacés, maltraités, abandonnés, alors qu'ils contribuent à réveiller nos mémoires collectives, alimentent notre réflexion, écrivent les nouvelles pages de notre histoire, faisant ainsi grandir l'humanité.

Si la loi du 17 janvier 2001 était loin d'être parfaite, notamment quant à son mode de financement, je vous demande, Monsieur le ministre, de procéder aux ajustements nécessaires sans la remettre en cause (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre-Christophe Baguet - Quelles ne sont pas les affres des aménageurs du centre de Rome ou des constructeurs du métro d'Athènes, quand chaque coup de pelle peut mettre au jour un trésor ! Faut-il arrêter le développement d'une ville ou sacrifier le témoignage des hommes qui ont bâti la France d'aujourd'hui ? C'est choisir entre Charybde et Scylla. Telles sont les difficultés auxquelles se heurtent nos civilisations au riche passé au moment où elles tentent de se moderniser et d'aménager l'avenir.

Tous les citoyens que nous sommes, simples amateurs de vestiges historiques ou amoureux des vielles pierres, restons attachés à la préservation des traces du passé.

Les fouilles archéologiques préventives fournissent aux historiens un apport irremplaçable ; elles apportent aujourd'hui 80 % des données archéologiques mise au jour en France dans des chantiers de tous types, ruraux ou urbains, prestigieux ou plus modestes. Tous sont instructifs et recèlent des informations rares et précieuses pour la communauté des chercheurs - archéologues, historiens, universitaires, équipes du CNRS - et ils autorisent la poursuite de programmes novateurs.

L'archéologie préventive n'a pas pour objectif de libérer des terrains, mais de produire de la connaissance. Parce qu'elle sert l'intérêt général et non les intérêts particuliers, elle ne peut se réduire à une prestation facturée. Actuellement, seuls 10 à 30 % des sites archéologiques menacés par des travaux de construction sont fouillés ; le autres sont purement et simplement détruits. C'est un peu comme si, découvrant par hasard une bibliothèque antique, on décidait de brûler 80 % des manuscrits avant de savoir ce qu'ils contiennent.

Le public s'intéresse aux fouilles archéologiques. L'ouverture d'un chantier attire des visiteurs curieux, et les Français sont de plus en plus sensibles à notre patrimoine.

Il était indispensable de réviser la loi du 17 janvier 2001. Les mécontentements étaient nombreux : les aménageurs contestaient le principe du « casseur payeur », qu'on leur appliquait sans cadre légal défini et les archéologues dénonçaient la précarité de leur profession et l'impossibilité, faute de moyens, d'exploiter dans des publications scientifiques les données recueillies sur le terrain.

Le premier grief portait sur la redevance fouilles : son mode de calcul était trop compliqué, elle était trop élevée pour les fouilles rurales, trop faible pour les fouilles urbaines ou complexes. Elle pénalisait les petites communes rurales et était quasiment indolore pour les gros aménageurs. Il est vraisemblable que le montant de la redevance et l'augmentation mathématique des prescriptions de fouilles due à l'application de la loi ont été sous-évalués, ce qui explique en partie le déficit de l'INRAP, qui s'est trouvé dans l'incapacité de remplir ses missions. A cause d'un personnel insuffisant, les délais de diagnostic et de fouilles se sont allongés. Actuellement, nombre de grands chantiers, autoroutiers notamment, sont bloqués faute de moyens et, surtout, de personnel.

Le blocage est également dû à des raisons sociologiques. On a souligné que ceux qui avaient voulu saborder la loi du 17 janvier 2001 étaient majoritairement issus de régions où l'archéologie préventive n'existait pas, faute d'équipes locales. Les aménageurs publics n'avaient donc pas l'habitude de payer pour les fouilles. De l'autre côté, ceux qui ont développé l'archéologie française depuis vingt ans n'ont pas appris à rendre leurs résultats accessibles, à expliquer aux élus et à la population ce à quoi ils servent. Ces explications sont pourtant indispensables quand les fouilles retardent de plusieurs mois le chantier d'une rocade nécessaire ou d'un lotissement !

La nécessité d'une révision de la loi est donc évidente. Or, le projet qui nous est proposé ici suscite de nombreuses contestations. Des chantiers arrêtés, des pelleteuses bloquées, des banderoles furieuses. Les archéologues sont depuis plusieurs mois en colère et ils ont reçu l'appui de personnalités éminentes du monde de la recherche et de l'université. Des professeurs au Collège de France, paléoanthropologues préhistoriens, historiens, des membres du Conseil national de la recherche archéologique et de nombreux autres scientifiques ont signé articles et pétitions.

Leurs inquiétudes portent essentiellement sur une « privatisation rampante de l'archéologie française ». Ils désapprouvent que les sociétés privées d'archéologie, pour l'instant presque inexistantes en France, puissent être mises en concurrence avec les équipes du service public de l'INRAP. Ils y voient un problème éthique grave et craignent que les aménageurs ne développent leurs propres filiales d'archéologie ou que les chantiers prestigieux rentables en terme d'image aillent aux opérateurs privés, les autres, plus ingrats restant à l'INRAP. Et même en admettant que l'Etat n'agrée que des sociétés de professionnels reconnus qui ne cherchent qu'à vivre de leur travail et non à faire du profit, ces derniers, pour être compétitifs, devront proposer les coûts les plus bas et obtenir le plus de chantiers possible. Il se peut donc que, très vite, comme cela s'est passé en Italie et en Grande-Bretagne, ils expédient les fouilles et bâclent l'interprétation des données.

Ce serait cependant faire preuve de mauvaise foi que de considérer que les parlementaires donneraient raison aux aménageurs contre les archéologues. Les amendements qui ont été adoptés au Sénat - notamment ceux présentés par le groupe de l'Union centriste - puis proposés ici par la commission des affaires culturelles ont permis d'améliorer le texte du Gouvernement.

Cependant, plusieurs de ses aspects continuent de susciter nos inquiétudes. D'abord, le projet introduit une concurrence économique entre le public et le privé alors que le principe de la recherche est le développement de partenariats. Par ailleurs, il existe un risque de dispersion de l'information puisque les diagnostics relèveraient de l'INRAP et des collectivités locales, les fouilles du public ou du privé et la recherche de l'INRAP et du CNRS. D'autre part, sur le plan juridique, comment concilier le fait que les fouilles soient réalisées par des entreprises privées et que la propriété intellectuelle des découvertes revienne à l'Etat ? Les exemples de l'Italie et de la Grande-Bretagne montrent que l'ouverture de l'archéologie préventive aux entreprises privées a donné lieu à des dérives. Enfin, les exonérations prévues pour les particuliers et les lotisseurs qui signifient la gratuité totale du coût des fouilles, ne sont pas financées.

Les députés du groupe UDF sont attachés au principe de décentralisation. Or, si le projet est censé permettre aux collectivités locales de réaliser des fouilles, dans la pratique elles en seraient exclues ; faute d'être compétitives par rapport à des entreprises privées ou à l'INRAP.

Nous considérons qu'il est nécessaire de remettre l'Etat au centre du dispositif d'archéologie préventive. Il doit sélectionner et agréer les opérateurs potentiels, et rester responsable du contrôle des opérateurs de l'exploitation scientifique des découvertes et de l'encadrement de la réalisation de la carte archéologique. En revanche, l'organisation de la maîtrise d'ouvrage ne doit pas nécessairement être donnée à un service de l'Etat ; elle peut valablement être confiée aux départements et aux régions qui peuvent remplir efficacement cette nouvelle mission.

Au c_ur de ce débat, on trouve la question du coût des fouilles. Nous soulignons la nécessité de concilier deux impératifs contraires : d'une part, une certaine mutualisation des coûts, notamment pour les fouilles ; d'autre part, le besoin de maintenir un caractère dissuasif pour les opérateurs tout en gardant à l'esprit que l'aménagement de zones archéologiquement riches est parfois inévitable. Il fallait ne pas créer une nouvelle taxe, mais réformer le mode de calcul de la redevance fouilles. Et puisqu'avant la loi de 2001 les aménageurs finançaient la quasi-totalité du coût des fouilles, ce qui les poussait à éviter des zones archéologiques, il n'y a rien de scandaleux à prévoir qu'ils les financent à nouveau !

Nous sommes sensibles à la nécessité d'opérer une péréquation, au profit des zones les plus riches en vestiges archéologiques. L'intérêt scientifique de certaines fouilles peut justifier une subvention de l'Etat. C'est aussi une bonne chose d'envisager d'aider les communes démunies.

La discussion de ce projet permet une réflexion sur les missions de l'archéologie préventive et le rôle de la recherche historique. Il ne faudrait pas que nous en restions là. En particulier, il serait utile de fixer des priorités scientifiques en matière d'archéologie préventive, comme cela se pratique déjà en Lorraine ou en Bourgogne : les fouilles y sont décidées en fonction du patrimoine archéologique local, et guidées par des motifs éducatifs ou culturels. C'est dire toute l'importance d'une appréciation décentralisée des fouilles à effectuer, en plus d'un débat national.

Nous sommes sensibles aux inquiétudes exprimées par les archéologues et par tous les Français soucieux de la conservation de notre patrimoine. Nous veillerons à ce que l'archéologie préventive soit dotée des moyens nécessaires à sa mission et reste à l'abri d'une privatisation qui serait mortelle pour la sauvegarde des richesses de notre passé.

Nous sommes attachés au principe de l'insertion de l'archéologie préventive, dans le service public de la recherche, mais nous sommes aussi convaincus que l'on peut concilier la conservation du patrimoine et l'aménagement du territoire, en trouvant un modus vivendi entre archéologues, élus et aménageurs.

Conserver la mémoire de notre pays, préserver notre patrimoine, cela relève des missions régaliennes de l'Etat, qui doit donc intervenir de manière déterminée.

Mais, alors que l'archéologie exige une politique nationale, on ne nous propose qu'une politique a minima, un projet qui manque de souffle et d'ambition. Nous regrettons que le Gouvernement ne manifeste pas une volonté plus ferme de donner à l'archéologie les moyens de son fonctionnement et de sa mission.

Il y a quelques mois, Jacques Chirac en appelait à la communauté internationale pour sauver des saccages les monuments et musées irakiens, considérant la destruction de vestiges inestimables comme un crime contre l'humanité. C'est au nom du même principe que l'UDF se déterminera, en fonction du sort qui aura été réservé à ses amendements.

M. Jean-Pierre Blazy - Bien !

M. Frédéric Dutoit - Le Gouvernement propose, dans la précipitation et l'impréparation, de réformer la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive, loi qui a pourtant le mérite unanimement reconnu de donner un statut juridique à la recherche archéologique, mais que l'on veut, coûte que coûte, dans l'urgence, vider de son contenu.

Certes, la loi devait être toilettée, chacun en convient, mais l'INRAP n'avait-il pas, au nombre de ses missions, celle de dresser un premier bilan de l'application du texte à la fin de 2003, c'est-à-dire dans six mois tout au plus ?

Il en a été empêché : ses crédits on été amputés de 40 %, ce qui l'a notamment obligé à se séparer de quelque six cents collaborateurs.

Aujourd'hui, il nous est suggéré d'enfoncer le clou et de modifier la loi de fond en comble, une nouvelle fois sans réelle concertation, si l'on en croit les organisations syndicales représentatives des archéologues.

En l'état, les députés communistes et républicains se prononceront contre le projet et déposeront des amendements alternatifs, visant à défendre une profession et les missions de service public qui lui ont été confiées. Car il est manifeste que le projet ne se limite pas à gommer quelques imperfections, comme le déséquilibre entre les contributions réclamées aux aménageurs ruraux et aux aménageurs urbains.

Le taux de redevance, qui demeure fixé à 0,32 € par mètre carré, portera presque exclusivement sur des projets d'aménagement de grandes superficies, le plus souvent en milieu rural. Autrement dit, et quelle que soit la propagande à ce sujet, la campagne continuera à payer pour la ville.

De plus, le projet ébranle les fondements mêmes de la loi du 17 janvier 2001, ce qui est très grave. D'ailleurs, les archéologues, qui n'ont pas l'habitude d'exprimer publiquement leur colère, se sont très activement mobilisés, y compris par le recours à la grève, contre un projet qu'ils jugent catastrophique pour la préservation du patrimoine archéologique national.

Il y a de quoi, puisque ce que le Gouvernement propose c'est, ni plus ni moins, de considérer les fouilles archéologiques comme une activité marchande, commerciale et concurrentielle, de supprimer la maîtrise d'ouvrage publique et le financement public par redevance des fouilles archéologiques préventives et d'ouvrir à la concurrence ce que d'aucuns appellent déjà le « marché de l'archéologie préventive ». Les aménageurs urbains seront les grands bénéficiaires de ce chamboulement.

Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas été attentif aux messages des plus hautes instances scientifiques, qui, toutes, ont fait valoir le caractère insécable de la chaîne de l'archéologie, depuis l'inventaire archéologique, les opérations de terrain, la fouille de sauvetage, les études, jusqu'à la publication, la conservation des données, des objets et des sites et leur mise en valeur.

Ainsi, le Conseil national de la recherche archéologique s'est prononcé contre l'ouverture à la concurrence, dont il a estimé qu'« elle est susceptible d'avoir les plus graves conséquences sur la qualité de la recherche archéologique future et de rendre vaine, à terme, la notion même d'archéologie préventive ».

Nous savons tous qu'une très faible partie des sites archéologiques menacés par des travaux immobiliers, industriels ou d'infrastructures sont fouillés avant leur destruction et je crains que le projet ait pour conséquence de réduire encore cette proportion, parce que les aménageurs, qui ne sont ni des philanthropes ni des mécènes, choisiront les projets les moins coûteux.

Il n'est pas douteux que les investissements des promoteurs privés seront sans commune mesure avec ceux consacrés jusqu'à présent par la puissance publique. Résultat, au lieu de privilégier une logique scientifique, on abandonne la recherche à la loi de l'argent. A terme, parlera-t-on encore de recherche scientifique à propos de l'archéologie préventive? 

Votre projet - qui s'en étonnera ? - est d'inspiration libérale. Sourd aux appels des altermondialistes et aux aspirations des Français, le Gouvernement développe une vision du monde conforme à celle de l'OMC, instigatrice de l'accord général sur le commerce des services. Son but est bien de soumettre l'ensemble des services aux lois du marché.

Nous vous avons demandé de retirer votre projet. Notre objectif - vous le savez - n'est pas de maintenir en l'état la loi du 17 janvier 2001 mais de vous convaincre de prendre le temps de l'améliorer. En 1825, Victor Hugo réclamait déjà « une loi pour l'_uvre collective de nos pères, une loi pour l'histoire, une loi pour l'irréparable que l'on détruit, une loi pour ce qu'une nation a de plus sacré après l'avenir, une loi pour le passé ». Près de deux siècles après, gardons à l'esprit les mots humbles du grand serviteur de l'homme.

L'archéologie française est l'une des plus performantes d'Europe. Pourquoi prendre le risque de réduire son apport à l'aménagement du territoire et à la connaissance scientifique ?

Vous nous incitez aujourd'hui à aller à contresens. A ma connaissance, aucun de nos partenaires européens - même parmi les plus libéraux - n'a osé confier aux aménageurs le soin de décider des opérations de sauvetage archéologique. Du reste, peut-on raisonnablement confier aux aménageurs le soin de sauvegarder le patrimoine archéologique. Ce n'est à l'évidence pas leur vocation !

Les archéologues fouillent la mémoire, la libèrent et la restituent. Ils sont garants de la préservation d'un patrimoine dont la gestion doit rester confiée à la puissance publique. La tentative de marchandisation du patrimoine archéologique est contraire à tous nos efforts pour faire valoir l'exception culturelle française. Il est impératif de défendre autrement qu'en paroles cette originalité nationale. Il appartient aux responsables politiques - et singulièrement au Gouvernement - de veiller au maintien des prérogatives de l'Etat et au renforcement de ses engagements financiers.

A nos yeux, il est parfaitement légitime que les pouvoirs publics renforcent leurs investissements, alors même que les aménageurs continueraient à participer à l'effort financier. L'enjeu n'est pas mince : il s'agit de les dissuader de dilapider le potentiel archéologique national.

C'est sur le postulat que l'implication politique et financière de l'Etat doit rester forte qu'il sera possible de promouvoir de nouvelles coopérations ente partenaires publics et privés.

L'archéologie préventive n'a pas pour finalité de libérer des terrains mais de produire de la connaissance. Elle sert l'intérêt général et non des intérêts particuliers. A ce titre, elle ne peut se réduire à une simple prestation de service facturée ou à un dispositif d'accompagnement de la politique d'aménagement du territoire.

Dans son avis du 27 novembre 2002, le Centre national de la recherche préventive soulignait que « le patrimoine archéologique n'est ni un risque, ni une hypothèque, ni une nuisance, ni une souillure mais un atout exceptionnel si l'Etat et les collectivités territoriales savent le valoriser et non le détruire ». Je partage cette approche empreinte de sagesse. C'est assurément à cette condition qu'une révision de la loi du 17 janvier 2001 sera bénéfique à la reconstitution de l'histoire des civilisations et les députés communistes et républicains sont tout à fait disponibles pour participer à cette discussion-là !

Aujourd'hui, l'urgence commande, plutôt que de changer la donne en matière d'archéologie préventive, de doter l'Institut national de recherches archéologiques de nouvelles ressources, conformément aux engagements pris. Au reste, il serait sage d'entendre l'avis de l'Institut avant de légiférer une nouvelle fois en moins de trois ans !

Vous comprendrez, Monsieur le Ministre, que je ne peux quitter cette tribune sans apporter tout mon soutien aux intermittents du spectacle...

M. Jean-Pierre Gorges - Hors sujet !

M. Frédéric Dutoit - ...menacés par l'accord conclu avec le Medef. En refusant d'entendre leurs légitimes revendications, vous prenez le risque de paralyser les activités culturelles estivales sur l'ensemble du territoire. Votre intransigeance ne fait que jeter de l'huile sur le feu. Plusieurs festivals sont menacés ; certains ont d'ores et déjà été supprimés. Nos compatriotes et les milliers de touristes étrangers que ces manifestations attirent seront privés du talent des artistes, lesquels ne peuvent se produire sans le savoir-faire unanimement reconnu de nos techniciens du spectacle. L'accord inique du Medef prend prétexte de quelques abus, imputables le plus souvent à certains gros employeurs peu scrupuleux. Il est inacceptable par une écrasante majorité d'intermittents. A terme, 70 % de professionnels du spectacle seraient contraints à disparaître ! Est-ce admissible dans le pays de l'exception culturelle ? On ne peut contraindre les professionnels de la culture à se vendre au plus offrant. C'est solennellement que j'apporte du haut de cette tribune mon soutien aux intermittents en lutte pour leurs droits (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Gorges - Démagogie !

M. Jean-Pierre Door - Permettez-moi, Monsieur le Ministre, de vous féliciter pour le dépôt de ce texte...

M. Patrick Bloche - Tiens ! C'est le premier depuis ce matin !

M. Jean-Pierre Door - Vous tenez des engagements que vous avez pris au cours de l'examen de la loi de finances pour 2003 et en réponse à la question que je vous avais posée en octobre dernier. Quelles sont les incohérences du système actuel ? Elaborée dans un contexte de crise ouverte entre archéologues et aménageurs, la loi du 17 janvier 2001 dont l'inspiration était louable et la promulgation indispensable pour fixer le cadre juridique des opérations d'archéologie préventive (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), a montré d'emblée de graves faiblesses.

A la complexité des procédures de prescription se sont ajoutés les effets pervers d'un mécanisme de financement d'une grande iniquité. Génératrices d'un déséquilibre entre les zones rurales et urbaines, les redevances se sont révélées insuffisantes pour assurer le financement de l'INRAP, ce qui a conduit ce dernier à une situation budgétaire préoccupante et le met aujourd'hui dans l'impossibilité de réaliser les opérations que la loi ne permet à aucun autre opérateur de réaliser.

Cette situation a entraîné une nouvelle crise. Dans son avis du 19 mai 1998, le Conseil de la concurrence a estimé que « l'exécution des fouilles archéologiques préventives constitue une activité de nature économique, qui est aujourd'hui exercée par divers opérateurs, l'initiative privée n'étant pas défaillante dans ce secteur. Dès lors, conférer des droits exclusifs - voire un monopole - pour l'ensemble des opérations d'exécution de fouilles n'apparaît ni indispensable ni nécessaire pour l'exécution de cette mission particulière ou d'une partie des opérations en cause ». Las, la loi ignora cet avis.

De plus, la redevance a été créée sans étude d'impact préalable et en raison de la complexité de son mode de calcul, il est impossible de connaître à l'avance les montants dus. La réforme du mode de calcul a conduit à un quadruplement des coûts ! N'oublions pas que la définition et le calibrage de cette taxe visaient d'abord à financer la transformation d'une association en établissement public et à payer les frais de fonctionnement et de personnel de la structure créée.

Or, le nombre total d'opérations prescrites est passée de 1 752 en 2000 à 4 270 en 2002. Cette inflation a naturellement conduit à une forte progression des diagnostics de terrain. Les procédures de détection et de protection du patrimoine archéologique tendent à devenir systématiques. Faut-il en déduire que désormais, le fouilleur a la primauté sur le scientifique ?

La redevance assise sur un mode de calcul compliqué, dont le fait générateur est l'arrêté de prescription de diagnostic ou de fouilles édicté par le préfet. Seul l'arrêté de prescription contient les éléments permettant à l'INRAP d'appliquer les formules de calcul définies par la loi, et encore s'agit-il de formules mathématiques particulièrement indigestes !

Tous les inconvénients que nous découvrons aujourd'hui avaient été pressentis dans le débat antérieur à l'adoption de la loi du 17 janvier 2001. D'ailleurs, pleinement conscient des problèmes qui se posent, l'INRAP favorise parfois une logique de négociation avec les collectivités locales, afin de savoir combien elles peuvent payer ou si elles sont susceptibles d'accepter le gel de certaines surfaces. Une telle situation est inacceptable.

Mais plus encore que sur l'évolution des enjeux financiers, la loi de 2001 a influé sur les délais. Il est ainsi devenu impossible, en certains points du territoire, de mener à bien dans un délai raisonnable certains projets d'aménagement. Partout en France, les élus locaux ont réagi et les exemples se multiplient : construction de collèges, aménagement de zones d'activité économique, installation de stations d'épuration... A la demande des élus confrontés aux conséquences catastrophiques de ce blocage, des parlementaires sont intervenus auprès du Gouvernement. Ainsi, j'ai moi-même déposé en décembre 2002 une proposition de loi à ce sujet, en relation avec le sénateur Henri de Raincourt.

L'amendement Garrigue - qui réduisait de 25 % les redevances dues à l'INRAP et qui a été défendu lors de la discussion du projet de loi de finances 2003 - avait pour objectif d'adresser un signe fort au Gouvernement. Du reste, le fait de remettre cette réforme sur le métier moins d'un an après son entrée en vigueur traduit bien un échec ! En augmentant de manière exponentielle les coûts des aménagements, la loi de 2001 décourage les opérateurs de faire des diagnostics et empêche par conséquent la réalisation des fouilles. Faute de moyens, certains aménageurs renoncent à leurs projets. Il est heureux que le Gouvernement ait pris l'engagement de réformer un système manifestement inadapté.

Ce projet de loi, fruit de négociations, concertations, discussions conduites en amont avec toutes les parties liées à l'archéologie, a permis d'aboutir à une unanimité sur les principes devant régir les fouilles. Ni l'université, ni l'Institut d'art et d'archéologie ne partagent totalement l'émotion et la colère exprimées par certains archéologues, tous liés à l'INRAP, et relayées avec un certain acharnement syndicalo-médiatique ces dernières semaines (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

Ce projet de loi réaffirme l'importance de l'archéologie préventive. Il insiste sur la nécessité de respecter la convention européenne signée à Malte le 16 janvier 1992 et celle, pour les collectivités territoriales, de se réapproprier ce domaine. Il reconnaît à l'Etat son rôle de prescription, tant du diagnostic que des fouilles, mais aussi d'agrément et de contrôle des opérateurs. Il lui donne également la possibilité de prendre, de manière exceptionnelle, des mesures d'urgence en cas de découverte majeure. En contrepartie de l'ouverture des fouilles à la concurrence, il réaffirme l'importance de la solidarité nationale. D'une redevance administrée, on passe à un prix négocié à la suite d'un appel d'offres. La recherche et ses moyens restent du ressort de l'Etat, seuls les services techniques de fouilles sont ouverts à la concurrence privée, dont sont, du fait de certains us, si souvent privés les services annexes de la culture, notamment pour la restauration de monuments ou l'animation d'expositions. Enfin, l'exploitation scientifique des travaux de fouilles et la constitution des savoirs en résultant restent dédiés à l'université. Dans ces conditions, parler de privatisation de l'archéologie préventive relève du procès d'intention.

S'agissant des diagnostics, ne pourront intervenir que l'INRAP et les services archéologiques agréés des collectivités qui, le cas échéant, pourront s'attacher les services d'opérateurs privés. Demeure donc bien un monopole public. Pour ce qui est des fouilles, elles seront désormais financées par les aménageurs à partir d'un certain montant. Opérateurs agréés et INRAP seront, là, en totale concurrence.

L'assiette de la redevance sera élargie et son mode de calcul simplifié, avec un prix de 0,32 € au mètre carré et une surface minimale, de façon à équilibrer les constructions en milieu rural et en milieu urbain. Alors que le Sénat avait ramené de 5 000 mètres carrés à 1 000 mètres carrés cette surface minimale, notre commission souhaite revenir au seuil de 5 000 mètres carrés.

Un fonds de péréquation a par ailleurs, fort à propos, été mis en place, qui permettra de mutualiser les moyens financiers.

Au total, ce projet de loi n'a d'autre objectif que d'ouvrir l'archéologie préventive à un plus grand nombre d'opérateurs tout en la finançant de manière plus équitable et efficace. Il apporte la souplesse nécessaire pour maîtriser tant les délais que le coût des opérations. En assurant la transparence du financement et la péréquation des coûts, il remédie aux principaux inconvénients du dispositif actuel, lequel n'était carrément plus applicable.

Pour autant, il ne remet en rien en question le rôle de l'Etat dans la protection de notre patrimoine archéologique, non plus que le principe aménageur-payeur. De grâce, ne faisons pas d'amalgames : les aménageurs ne sont pas des destructeurs. Les collèges, les zones d'activité, les infrastructures de transport et autres sont indispensables au développement des territoires !

M. Michel Herbillon, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Tout à fait !

M. Jean-Pierre Door - L'orateur qui défendait la question préalable au Sénat a cité Victor Hugo, lequel réclamait « une loi pour ce qu'une nation a de plus sacré après l'avenir, c'est-à-dire pour le passé. » De grâce, n'opposons pas le passé et l'avenir, ne faisons pas de celui-là le censeur de celui-ci ! Il est parfaitement possible de concilier l'aménagement du territoire et la conservation du patrimoine. C'est même l'objectif de ce projet de loi, alors que le dispositif actuel, reposant sur le monopole d'un établissement, ne le permettait pas.

De cette modification de la loi de janvier 2001, tant attendue, les archéologues seront les premiers bénéficiaires. En effet, leurs tâches seront recentrées sur l'essentiel, la construction du savoir, alors qu'aujourd'hui, elles l'étaient plutôt sur la gestion de l'avoir. La fouille ne l'emportera plus sur la science.

M. le Rapporteur - Très bien !

M. Jean-Pierre Door - Enfin, la modification de la redevance permettra de réaliser des diagnostics et des fouilles aussi bien en milieu urbain qu'en milieu rural.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Blazy - Je souhaite tout d'abord excuser notre collègue Serge Blisko, qui devait initialement intervenir sur ce texte. Mais la lourdeur du calendrier de cette session extraordinaire et son bouleversement incessant nous contraignent à modifier sans cesse nos emplois du temps.

Le président Dubernard a regretté ce matin que certains orateurs aient tenu des propos qu'il a qualifiés de « grincheux ».

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Mais non, c'est M. Queyranne qui a employé ce qualificatif !

M. Jean-Pierre Blazy - Les propos de M. Door me semblent, eux, inspirés par une franche hostilité à l'égard de l'archéologie préventive.

Pour avoir suivi trois fouilles sur le territoire de ma commune, je puis témoigner de la qualité du travail accompli par les archéologues, dans des conditions souvent difficiles.

Quatre professeurs du Collège de France, M. Yves Coppens, M. Christian Goudineau, M. Jean Guilaine et M. John Scheid, se sont émus de l'avenir que ce gouvernement réserve à l'archéologie préventive et ont appelé dans une tribune du Monde du 3 avril à la défense de cette discipline et, donc, de la loi du 17 janvier 2001.

« C'est seulement il y a deux ans que la France a officiellement donné droit de cité à l'archéologie préventive, en se dotant d'une loi. Nous fûmes beaucoup à nous réjouir, écrivaient-ils, de voir se terminer la longue galère des archéologues tentant de s'opposer aux destructions gigantesques qui s'opéraient depuis la Seconde Guerre mondiale, se heurtant ainsi à ceux qui construisent. Améliorons la loi de janvier 2001 ; ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain » (...) « Mieux faire connaître, mieux diffuser les résultats - parfois extraordinaires - de l'archéologie préventive, voilà probablement le meilleur moyen de la promouvoir », concluaient-ils.

La loi du 17 janvier 2001 a mis un terme à l'ancien système contractuel de financement des fouilles et concédé à l'archéologie préventive, laquelle représente plus de 90 % de la recherche archéologique française, une mission de service public. Ainsi était reconnue sa place dans la construction de l'identité nationale.

Cette loi conciliait les intérêts économiques et les enjeux scientifiques, les souhaits légitimes des aménageurs de voir leur terrain libéré dans des délais raisonnables et l'impératif d'étudier notre mémoire collective enfouie dans le sol.

Il avait été prévu de modifier le calcul des redevances, à l'issue d'un bilan d'exécution de la loi, lequel devait être présenté en fin d'année. Il s'agissait d'ajuster le dispositif, non de tailler en pièces un texte instituant un service public de l'archéologie préventive enfin financé, ce qu'attendaient depuis plus de vingt ans tous les acteurs de l'archéologie.

Vous avez, pour votre part, agi sournoisement. Vous avez commencé à démanteler l'INRAP, en supprimant les 4,5 millions d'euros consacrés en 2001 à l'archéologie préventive par le ministère de la culture, en accordant dès novembre 2002 des exonérations à la quasi-totalité des lotisseurs, ce qui s'est traduit par un manque à gagner de 15 millions d'euros, enfin en réduisant de 25 % la redevance arbitrairement et sans concertation. Quel organisme survivrait à un tel sabotage, qui a déjà mis au chômage plus de 500 archéologues ? Non seulement un grand nombre de chantiers ont été stoppés, mais d'autres ne pourront pas démarrer. L'INRAP ne pourra pas, comme il était prévu, établir au plus vite la carte archéologique de la France, qui aurait permis d'alerter les aménageurs sur la présence de zones archéologiques à risque et de choisir, au mieux, les zones à préserver.

L'archéologie préventive n'est pourtant qu'une goutte d'eau dans l'océan des budgets culturels et ne représente qu'un millième de la masse d'argent brassée par le BTP. Ce n'est donc pas qu'un problème de coût.

En ouvrant l'archéologie préventive à la concurrence, le projet de loi bouleverse la loi de 2001, méconnaissant les recommandations antérieures du CNRA comme la réalité scientifique de cette discipline. Il sectionne la chaîne scientifique du travail, qui va du diagnostic à la publication en passant par la fouille. Il aura les plus graves conséquences sur la qualité de la recherche archéologique future et risque de rendre vaine, à terme, la notion même d'archéologie préventive.

La fouille archéologique n'est pas une activité technique, même si son déroulement exige des outils techniques. Elle n'a pas uniquement pour objet de « dégager » des structures, ni de « mettre au jour » des éléments du patrimoine enfoui. Elle a pour but la compréhension détaillée des phénomènes d'enfouissement, des stratifications et de leur évolution, tous éléments essentiels pour reconstituer, d'après les vestiges matériels retrouvés, le fonctionnement d'une société disparue. Chaque geste technique y est le résultat d'un choix scientifique. Il serait illusoire de prétendre séparer une phase scientifique et une phase technique. C'est d'ailleurs ce que les étudiants en archéologie apprennent lors des stages de terrain.

La fouille archéologique ne saurait donc être comparée à la restauration des monuments historiques, opération qui peut fort bien être confiée à une entreprise privée agréée avec un cahier des charges précis. En effet, les opérations de restauration sont en principe réversibles.

Première question : le marché archéologique est-il suffisamment porteur pour permettre l'apparition non seulement de petites coopératives mais aussi de véritables sociétés privées capables des investissements nécessaires pour que leurs agents restent compétitifs et performants sur le plan scientifique ? En d'autre termes, des archéologues de qualité peuvent-ils dans un cadre privé se maintenir à un bon niveau ou acquérir un tel niveau ? Les exemples de l'Angleterre, de l'Espagne, de l'Italie et des Pays-Bas sont plutôt de nature à conforter notre inquiétude. On peut craindre une paupérisation de l'archéologie et le retour à des pratiques artisanales obsolètes.

Pour être efficaces, les chercheurs doivent pouvoir actualiser leurs connaissances et passer en souplesse de la collecte des données à leur interprétation, qui exige du temps, l'accès à des ressources documentaires et la possibilité d'échanges scientifiques. L'expérience montre aussi que des sociétés privées n'ont des chances de s'affirmer sur ce terrain que si elles se spécialisent dans des créneaux thématiques ou chronologiques précis, afin d'affronter toujours le même type de situations. Il n'y a donc là rien qui justifie une révision de la loi.

Enfin, dans les pays où elles sont nombreuses, ces sociétés se caractérisent par un recours important à la mobilité et au travail précaire, ce qui leur interdit de devenir des partenaires scientifiques crédibles et de contribuer à la publication des données.

Il est bon de confier le diagnostic à un établissement public : cela prémunit contre les pressions. Mais il est absurde de déconnecter le diagnostic de la fouille et illusoire de penser que l'INRAP pourra mener une politique crédible si une partie importante des fouilles préventives lui échappe : ce sont en effet les fouilles, et non les diagnostics, qui importent de ce point de vue.

Il faut en réalité de véritables partenariats, dans le cadre de réseaux et autour de pôles inter-institutionnels : l'accord-cadre signé entre l'INRAP et le CNRS allait dans ce sens.

L'archéologie préventive n'a pas pour objectif de libérer des terrains, mais de produire de la connaissance. Servant l'intérêt général, elle ne peut se réduire à une prestation facturée. L'Etat doit donc assumer ses responsabilités à l'égard de notre patrimoine. L'ouverture à la concurrence, la segmentation de la chaîne scientifique opératoire et la lourdeur des procédures risquent au contraire de provoquer une importante perte d'informations et de désorganiser le milieu scientifique.

Vous invoquez une disparité de traitement entre fouilles rurales et fouilles urbaines, disparité réelle, mais je ne vois pas que vous la corrigiez vraiment. Connaissez-vous beaucoup de communes qui peuvent s'offrir un service archéologique ? Favoriser l'accès des archéologues des collectivités aux opérations d'archéologie préventive est en revanche souhaitable, car ce sont des scientifiques et des chercheurs de qualité : je pense en particulier à ceux du Val-d'Oise, de Saint-Denis, de Paris, de Douai ou d'Aix-en-Provence.

Votre projet est en contradiction totale avec la tradition française, car vous livrez sans vergogne l'archéologie préventive à la concurrence, contre l'avis de toute la profession. On ne peut la considérer comme une simple activité commerciale, un risque, une hypothèque, voire une nuisance ou une souillure. Les archéologues nourrissent notre mémoire et notre histoire !

Ce projet s'inscrit dans la droite ligne des thèses ultra-libérales... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - Quelle caricature !

M. Jean-Pierre Blazy - La direction prise depuis un an par notre politique culturelle est claire, en effet, qu'il s'agisse de la loi relative au mécénat qui tente de masquer le désengagement de l'Etat en faisant appel à la générosité publique et en faisant des cadeaux aux entreprises, de la réforme des musées qui supprime la mutualisation des ressources au grand dam des petits musées, de l'offensive du Medef contre les intermittents du spectacle,...

M. Edouard Landrain - Hors sujet !

M. Jean-Pierre Blazy - ... du relèvement du seuil des appels d'offres, du projet de loi sur l'économie numérique ou encore de la loi sur les activités physiques et sportives qui sert les intérêts des clubs professionnels.

Je vous en conjure, Monsieur le ministre, ne devenez pas le fossoyeur de l'exception culturelle française. André Malraux doit aujourd'hui se retourner dans sa tombe en vous voyant créer les intermittents de l'archéologie, soumis à la logique marchande ! Pour notre part, nous ne saurions soutenir un projet qui brade ainsi notre histoire au profit d'intérêts privés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Daniel Garrigue - Nous sommes quelques-uns à nous être opposés à la loi du 17 janvier 2001 et à avoir voté ensuite l'article 59 quater, devenu l'article 105 de la loi de finances pour 2003, pour revenir sur ces dispositions. Nous nous intéressons à l'archéologie - c'est même pour certains une passion - et, souvent, nous déplorons l'insuffisance des moyens consacrés à l'exploration de sites importants, telles les vallées affluentes de la Dordogne. Nous approuvons également les principes de l'archéologie préventive. Mais nous sommes les élus de régions qui, si elles ont un fort potentiel archéologique, sont aussi, souvent, à l'écart des grands axes et que nous avons donc le devoir de développer. Il nous faut créer des routes, des zones d'activité et, d'une certaine façon, notre situation n'est pas différente de la situation de ceux qui, il y a des dizaines de milliers d'années, sur les coteaux de Pécharmant et du Grand-Pressigny, taillaient des silex pour assurer leur survie, ou de ceux qui, il y a deux mille ans, fondaient des villes ou créaient des villas à Nîmes, à Vésone ou à Montcaret, ou encore des chevaliers-paysans d'il y a mille ans, qui cherchaient à s'organiser à Pineuilh dans une époque troublée. Homme de Neandertal, homo sapiens sapiens, Gallo-romains, chevaliers-paysans de l'An mil ou élus d'aujourd'hui, la priorité est en effet la même : résoudre les problèmes du présent. Et André Malraux qu'on cite surabondamment ne peut guère nous être opposé : il n'avait pas l'âme d'un conservateur - comme vous le prouverait la lecture de La Voie royale, Monsieur Blazy !

Nous avions trois griefs contre la loi du 17 janvier 2001. Tout d'abord, la formule servant au calcul de la redevance, qui tenait du hiéroglyphe, avait pour effet de pénaliser les zones à fort potentiel archéologique et les zones rurales, comme vous l'avez d'ailleurs reconnu.

M. Jean-Pierre Blazy - Mais cela va empirer !

M. Daniel Garrigue - Non !

En second lieu, s'agissant de l'INRAP, la confusion des responsabilités était totale : l'Etat n'avait plus qu'un rôle de prescription et l'institut était à la fois juge et partie.

Enfin, ce n'était qu'une fois les projets établis et les financements réunis - à grand-peine, car il s'agissait en général de financements croisés, voire de financements croisés « conditionnés » - que les dossiers étaient remis en question.

Vous avez entrepris de réformer cette loi sur la base d'une large concertation et le présent projet remédie largement aux imperfections que je relevais. Il le fait en premier lieu en mutualisant les ressources : la redevance sera la même sur tout le territoire, ce qui évitera de pénaliser les zones à fort potentiel archéologique tout en assurant à l'INRAP des crédits plus importants qu'aujourd'hui. En second lieu, le projet clarifie les responsabilités : bien loin de s'effacer en vertu de je ne sais quelle doctrine ultra-libérale, l'Etat recouvre peu à peu ses prérogatives ; les finalités scientifiques de l'archéologie préventive sont mieux affirmées qu'elles ne l'étaient en 2001 et l'on fait appel à de nouveaux acteurs dont la qualité méritait d'être reconnus : les services territoriaux d'archéologie. Enfin reconnus, ces services vont pouvoir se développer et constituer le réseau d'archéologie au plus près du terrain dont notre pays a besoin, notamment pour établir la carte archéologique.

Plusieurs amendements visent à favoriser l'anticipation. Si une commune souhaite, par exemple à l'occasion de l'établissement d'un document d'urbanisme, examiner quelles zones d'aménagement seraient réalisables sans porter atteinte au potentiel archéologique, il faut l'y encourager.

Ce projet réconcilie l'archéologie préventive et l'aménagement du territoire. Nous vous suivrons dans cette voie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Noël Mamère - Au moment même où le Medef, soutenu par le ministère de la culture, menace les festivals de l'été en imposant, sans dialogue social, un nouveau régime d'assurance chômage aux intermittents du spectacle, votre projet ouvre un nouveau front avec la fin programmée de l'archéologie préventive. Voilà un projet de plus qui repose sur le démantèlement du service public, la privatisation des biens communs, la marchandisation de la culture.

La loi de janvier 2001, votée par les députés Verts, avait apporté des avancées significatives : reconnaissance juridique de l'archéologie préventive, application du principe aménageur payeur, définition du caractère scientifique de l'archéologie. Si elle avait ses défauts - notamment quant au financement -, votre gouvernement propose de livrer l'archéologie au bon vouloir des lobbies du BTP et de leurs soutiens locaux. Le gel de 25 % des redevances d'archéologie préventive, voté à 5 heures du matin, en décembre 2002, sous la pression de quatre parlementaires apparemment liés à ces lobbies (Protestations sur les bancs du groupe UMP), a entraîné une crise du secteur...

M. Daniel Garrigue - C'est inacceptable ! C'est de la calomnie !

M. Noël Mamère - ...et explique la désorganisation actuelle et le licenciement de centaines d'archéologues.

M. le Président - Pour éviter un rappel au Règlement ou un fait personnel, je vous invite à préciser vos propos, d'autant que vos collègues sont présents en séance.

M. Noël Mamère - Je demande à la présidence de rester neutre : je n'ai cité aucun nom.

M. le Président - Vous venez de prendre à partie un collègue qui est présent en séance.

M. Daniel Garrigue - Vous propos sont une insulte !

M. Noël Mamère - Si un de mes collègues réagit, c'est qu'il s'est senti visé sans même que j'aie cité son nom. Je maintiens mes propos.

M. Daniel Garrigue - C'est inacceptable !

M. le Président - Ces propos sont regrettables.

M. Noël Mamère - M. Garrigue a tenu à l'égard de certains de nos collègues, dont M. Blazy, des propos qui pouvaient être blessants.

M. le Président - Je propose à M. Garrigue de demander la parole, à l'issue de la discussion générale, pour un fait personnel.

M. Noël Mamère - Le nom de M. Garrigue n'a pas été cité !

M. le Président - J'ai présidé la séance dont vous parlez. Il y avait quatre collègues, dont M. Garrigue, et vous venez de dire qu'ils étaient liés à des intérêts particuliers.

M. Noël Mamère - Apparemment liés.

M. le Président - Essayons d'éviter de telles prises à partie.

M. Noël Mamère - Si vous n'êtes pas habitués au langage de vérité sur des sujets aussi importants que celui-là, ce n'est pas de ma faute. Je continuerai à défendre les idées de mon parti et à remplir ma mission de détenteur d'une part de la souveraineté nationale. Je vous demande, Monsieur le Président, de faire preuve non de tolérance mais de neutralité et de bien vouloir considérer que mon temps de parole n'est pas entamé.

M. le Président - Il y aura décompte.

M. Noël Mamère - Faute d'en être sûr, je poursuivrai mon intervention jusqu'au bout.

M. le Rapporteur - Voilà maintenant qu'il met en cause le Président !

M. le Président - Chers collègues, M. Mamère a un but : créer l'événement. Nous n'allons pas le laisser faire.

M. Noël Mamère - L'événement, c'est la remise en cause de la loi de 2001.

Drôle de politique de gribouille qui consiste à donner le coup de grâce à une loi après avoir cassé délibérément ses moyens ! Quelle urgence y a-t-il à présenter ce projet alors qu'avec les articles 10 et 14 de la loi de 2001, nous pouvions réunir la commission pour les litiges sur la redevance et réexaminer sereinement la loi sur la base d'un rapport présenté avant le 31 décembre 2003 ?

Nous voyons pourtant les effets dévastateurs d'un tel projet en Angleterre. La mise en concurrence des opérations de fouilles réduit la pratique archéologique à une simple opération de terrain, conçue comme une prestation de service à la charge de l'aménageur, réalisable selon un cahier des charges précis apparemment facile à contrôler. Mais l'archéologie est une recherche à long terme, dont les besoins financiers ne peuvent être sérieusement assurés au coup par coup. Il est extrêmement dangereux d'asseoir la prévision de fouilles et le traitement des données sur le diagnostic, première estimation schématique des besoins. C'est pourtant ce que fait votre projet qui présente le diagnostic comme un élément objectif, à partir duquel est calculé un prix.

Au lieu d'insérer les pratiques archéologiques dans une vision renouvelée de l'aménagement du territoire et du développement durable, le texte segmente le travail archéologique et porte atteinte à la qualité des enseignements qu'on doit attendre de l'archéologie.

Demain, par exemple, nous aurons une carte archéologique établie par le service régional, puis une prospection faite par l'INRAP ou une collectivité territoriale, suivie d'une fouille exécutée par une entreprise privée, puis d'une interprétation des résultats par on ne sait trop qui. Avec le retour du financement des fouilles au cas par cas, l'inéquité du financement de l'archéologie préventive perdurera. Le réveil risque d'être douloureux pour un certain nombre d'aménageurs, notamment les communes riches en vestiges. Appliquer une redevance unique en milieu rural et en milieu urbain reviendra à faire payer les fouilles urbaines par les communes rurales. Le fonds de péréquation leur permettra-t-il de se faire subventionner dans tous les cas ? J'en doute. Quant à la « responsabilisation » de l'aménageur, on en connaît les limites : les communes qui sont riches en vestiges cachés l'ont-elles choisi ?

Votre loi crée une archéologie à plusieurs vitesses. L'établissement public est conçu comme voiture-balai des opérations qui n'auront pas été retenues par les autres opérateurs, l'INRAP intervenant sur le laissé-pour-compte.

Le moins-disant a toujours été le moins performant en termes de résultat scientifique. Confier à deux opérateurs séparés le diagnostic et la fouille sur la base de critères de prix peut être contre-productif. Au reste, l'INRAP et les collectivités risquent de multiplier les diagnostics à moindre coût, de façon à se présenter à l'offre de l'opération de fouilles avec un prix compétitif.

La mutualisation d'une redevance à assiette élargie, permettant de financer l'ensemble de la chaîne archéologique, est la seule solution qui permette une véritable intégration de l'archéologie préventive dans l'aménagement du territoire. Cette redevance pourrait s'appliquer à tous les dossiers d'aménagement, d'exploitation ou de construction autorisés, sans seuil de surface, seuls les logements sociaux et les particuliers construisant pour eux-mêmes en étant exonérés. L'élargissement de l'assiette autoriserait un taux relativement bas. Les recettes financeraient l'ensemble de la chaîne opératoire archéologique sur la longue durée.

L'archéologie doit devenir une des disciplines concourant à une administration des milieux, associant gestion du patrimoine, aménagement concerté, prévention des risques, gestion de l'espace rural et de l'environnement.

Votre texte est bâclé et source d'inégalité. Il sert les intérêts des maîtres d'ouvrage qui choisiront l'opérateur le moins coûteux et le plus rapide pour les débarrasser des vestiges archéologiques encombrants. Nous demandons le retrait de ce texte. En finir comme vous le faites avec l'archéologie pour le profit de quelques aménageurs serait commettre l'irréparable. Détruire le passé, le patrimoine de la France, c'est se priver de comprendre l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Gorges - Monsieur Mamère, j'étais là ce fameux soir. Vous n'y étiez pas. Nous avons voté cet amendement à quatre. Vous avez dit que nous étions associés à des lobbies du BTP. C'est insultant de la part d'un député qui ne se prive pas de faire la morale, et je n'exclus pas avec mes collègues, de faire un recours sur votre intervention.

Maire et président d'agglomération, je suis responsable d'un territoire où le fait archéologique se vit au quotidien. C'est d'ailleurs un plaisir. La célébrité de notre ville a d'abord un fondement patrimonial : donnez un coup de pioche à Chartres, vous êtes sûr de tomber au moins sur un gisement de silex taillés. C'est dire si je ressens la nécessité de faire évoluer la loi pour aider tous les partenaires de l'archéologie et du patrimoine à travailler ensemble. Les administrations s'ignorent quand elle ne se combattent pas. Pour éviter leur opposition permanente, la loi avait juxtaposé en délais successifs leur latitude d'action. Chacune organise donc son temps comme si elle en était propriétaire. Mais les entreprises travaillent dans un contexte de concurrence internationale. La réactivité est l'un des constituants décisifs de l'attractivité de nos territoires. L'archéologie et le patrimoine sont donc perçus comme une entrave à leur développement. Ce que demandent avant tous les élus locaux, c'est d'avoir voix au chapitre. Il faut donc mieux associer les partenaires du patrimoine archéologique. La réforme de la loi du 17 janvier 2001, source de conflit entre les aménageurs et l'INRAP, est indispensable.

Il n'est pas question de remettre en cause le contrôle systématique des aménagements, mais il ne faut pas pour autant entraver le développement et l'aménagement du territoire par une réglementation inadaptée. L'absence de régulation, le manque de concertation entre l'INRAP et les aménageurs, ont conduit à des délais inacceptables qui mettent en danger des projets importants. Un mécanisme de financement inappropriée a conduit l'organisme public à une situation de déficit intolérable, tout en soumettant les aménageurs à des coûts exorbitants. Ce projet donne enfin un cadre juridique et financier durable à l'archéologie préventive nationale, en prenant en compte les impératifs d'aménagement du territoire.

Cependant, l'archéologie est un bien commun à tous les Français, et j'aurais souhaité une mutualisation des coûts de l'archéologie, au moins s'agissant du volet prévention, afin de ne plus en faire supporter les coûts uniquement par les aménageurs et les collectivités.

Ce projet ouvre opportunément le champ à d'autres acteurs, car l'INRAP avait des difficultés à assumer seul ses missions. La réalisation des diagnostics, toujours sous monopole public, sera partagée entre les services archéologiques des collectivités territoriales et l'INRAP. En revanche, les coopérations de fouilles seront ouvertes à la concurrence, dans des conditions déterminées par la loi. L'aménageur pourra faire appel à l'ensemble des opérateurs d'archéologie préventive, l'INRAP, les services d'archéologie des collectivités territoriales, ou toute autre personne morale de droit public ou privé, agréée par l'Etat.

Nous ne saurions trop insister sur l'importance du dialogue entre les différentes parties prenantes. A cet effet, il convient de distinguer entre les prescriptions portant sur les diagnostics et les prescriptions portant sur les fouilles. L'obligation de motivation prévue à l'article premier de la loi est suffisante s'agissant des premières. En revanche, il est nécessaire qu'il y ait dialogue entre l'aménageur et le prescripteur de fouilles.

Une meilleure régulation, un financement amélioré, la restauration du dialogue, la prise en compte des impératifs liés à l'aménagement du territoire, voilà les apports du projet de loi. Cela étant, le patrimoine archéologique est une richesse nationale, ce qui justifierait une mutualisation de son financement.

Par ailleurs, il aurait fallu davantage insister sur les délais pour ne pas entraver les projets des différentes collectivités.

Un développement durable et équilibré doit respecter les vestiges enfouis de notre histoire commune, sans mettre en danger la prospérité des vivants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Nous en venons à la motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Daniel Garrigue - En vertu de l'article 58, alinéa 4, du Règlement, je demande la parole pour un fait personnel. M. Mamère m'a pris à partie ainsi que plusieurs de mes collègues en laissant entendre que les positions que nous prenions résultaient de liens que nous aurions avec le secteur du bâtiment et des travaux publics. Qu'il est triste, Monsieur Mamère, de croire que toute prise de position est dictée par un lobby !

M. Jean-Pierre Blazy - C'est souvent le cas !

M. Daniel Garrigue - Si je voulais être aussi ridicule que vous, Monsieur Mamère, je dirais que vos prises de positions résultent de liens que vous entretenez avec les constructeurs allemands et néerlandais d'éoliennes.

M. Jean-Pierre Blazy - Pourquoi y a-t-il un fait personnel ? M. Mamère n'avait pas cité le nom de M. Garrigue.

M. le Président - M. Garrigue s'est estimé pris à partie et blessé par un propos malencontreux.

M. Noël Mamère - Je n'ai voulu blesser personne. On voudrait que je m'excuse, mais M. le Premier ministre s'est-il excusé après avoir traité le parti socialiste de dernière étape avant l'Enfer, alors que les partis politiques sont essentiels au débat public dans une démocratie ?

Je ne présenterai pas d'excuses à M. Garrigue, puisque je ne l'ai pas nommé. S'il s'est senti concerné et blessé, c'est son problème. Je suis en droit de noter qu'on entend ici tenir des discours qui sont identiques à ceux que tiennent des aménageurs et des promoteurs.

M. Patrick Bloche - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58, alinéa premier.

Depuis ce matin, nous nous interrogeons sur les fondements de ce projet de loi. A la suite de l'exception d'irrecevabilité que j'ai défendue, M. le ministre s'est contenté d'un commentaire lapidaire sur la forme et la durée de mon intervention, à défaut d'évoquer le fond. Il en fut de même après la question préalable de M. Queyranne. Et après deux heures de discussion générale, Monsieur le Président, M. le ministre ne vous demande pas plus la parole !

Par ailleurs, nous avons été plusieurs à nous inquiéter des conséquences de l'accord du 27 juin sur le régime particulier d'assurance chômage des intermittents du spectacle, et je m'étonne que le ministre de la culture n'ait pas pris le temps d'informer la représentation nationale, alors qu'étant en session extraordinaire, nous sommes privés des questions au Gouvernement. Je demande dix minutes de suspension de séance pour réunir mon groupe.

M. le Président - Le ministre peut répondre, soit à la fin de la discussion générale, soit après la motion de renvoi en commission, ce qu'il fera.

La séance, suspendue à 16 heures 40, est reprise à 16 heures 50.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Frédéric Dutoit - Il nous est proposé aujourd'hui de légiférer sur l'archéologie préventive deux ans seulement après la promulgation de la loi voulue par Michel Duffour, alors secrétaire d'Etat au patrimoine.

La procédure d'urgence utilisée témoigne de la ferme volonté gouvernementale de chambouler la donne. Pourquoi cette précipitation ? Et comment oublier que c'est par une indiscrétion d'un de nos collègues que toute une profession aura été informée de ce qui la guette ! Elle n'a pas apprécié - c'est un euphémisme - cette conception du dialogue et de la concertation, de nombreuses manifestations l'ont montré. Une fois de plus, ni les professionnels ni les organisations syndicales représentatives n'ont été correctement consultés. Mais c'est la pratique habituelle du Gouvernement, le débat sur les retraites l'a montré et la révolte des intermittents du spectacle le montre à nouveau.

Les personnels de l'archéologie préventive me l'ont dit à Marseille et à Paris : ils ont rarement été écoutés et à de rares exceptions près, ils n'ont jamais été entendus. Il est pourtant extrêmement regrettable de dénaturer la loi du 17 janvier 2001, dont l'utilité a été reconnue par-delà les traditionnels clivages politiques, une loi qui a comblé un grand vide juridique après près de trente années d'atermoiements. Une loi, enfin, qui a mis la France en conformité avec les engagements pris lors de la ratification de la convention de Malte.

Au lieu de se limiter à un toilettage en effet nécessaire, le Gouvernement prétend détruire en quelques semaines ce qui a été patiemment réfléchi et construit. Aujourd'hui, il invite les députés à porter le coup de grâce à l'archéologie préventive. Pourquoi cet acharnement, pourquoi cette malice, qui consiste à noircir délibérément le tableau ?

Non seulement le budget accordé à l'archéologie préventive a été amputé de 25 % fin 2002, mais le ministère de la culture a étendu le bénéfice des exonérations fiscales à la quasi-totalité des lotissements qui, selon l'Institut français d'environnement, représentent 25 % des 50 000 hectares terrassés chaque année en France.

Il en résulte au bas mot une perte de ressources de l'ordre de 15 millions pour l'INRAP. Sans esprit polémique particulier, on aimerait connaître les raisons de cette précipitation inexplicable.

Certes, l'abattement prévu devait être compensé à due concurrence par une taxe additionnelle à la taxe sur les conventions d'assurances. Mais même Saint-Thomas attend toujours de la voir... (Sourires)

M. Patrick Bloche - Où est passé l'argent ?

M. Frédéric Dutoit - L'Institut a enregistré une baisse de 40 % de ses crédits. Et voilà que l'on apprend la soudaine disparition de la contribution financière du ministère de la culture à l'archéologie préventive.

Pour mémoire, je rappelle que 5 millions de crédits ministériels finançaient cette mission en 2001. Des restrictions budgétaires aussi spectaculaires ont contrait l'INRAP à se séparer de six cents collaborateurs, ingénieurs et techniciens. Ce faisant, vous avez donc empêché l'Institut de remplir convenablement les missions de service public que lui confie la loi ! En outre, le recours à une procédure parlementaire d'urgence lui interdira de dresser un premier bilan critique de l'application de la loi de 2001. Pourquoi ne pas attendre la fin de l'année, comme cela était prévu, les résultats d'une telle enquête ? Pourquoi être sourd à l'appel de toute une profession qui n'avait pas pour habitude de battre le pavé ?

A dire le vrai, vos motivations me sont rapidement apparues : outre les économies à réaliser coûte que coûte au nom de la solidarité gouvernementale, c'est le libéralisme le plus radical qui inspire toute votre action. Nous ne pouvons que dénoncer un tel jusqu'au-boutisme idéologique et je ne fais pas ici de procès d'intention !

Il suffit de lire le présent projet pour comprendre que ce n'est pas l'application de la loi du 17 janvier 2001 qui gêne. C'est le principe même de l'existence d'une loi qui inquiète les aménageurs privés, lesquels n'entendent investir ni temps ni argent dans les fouilles archéologiques. Et telle n'est d'ailleurs pas leur vocation puisque seul le profit les motive ! Dès lors, à la campagne comme en ville, mieux vaut cumuler les fonctions de maître d'ouvrage et de maître d'_uvre, au moins pour les grands chantiers !

Monsieur le ministre, votre projet a au moins le mérite d'être clair. Le danger qu'il fait courir à l'exception culturelle française n'en est que plus apparent. Même si elle prend bien soin de rappeler le principe de l'intégration de l'archéologie préventive dans le service public de la recherche, la réforme vise à « ouvrir davantage l'archéologie préventive aux autres opérateurs qui souhaitent investir ». On ne saurait être plus clair, d'autant que l'article 3 traite expressément de l'ouverture des opérations de fouilles à la concurrence ! Pour tenter de le justifier, le Gouvernement affirme que la prescription a priori et le contrôle de l'Etat suffisent à prévenir toute dérive. Optimisme bien déplacé ! Connaît-on tant d'exemples où le marché s'autorégule naturellement ?

Votre caution, c'est l'existence d'entreprises privées spécialisées dans la restauration des monuments historiques et des _uvres d'art. Du point de vue scientifique, cela ne tient pas. Même un non-spécialiste peut comprendre que la restauration d'_uvres patrimoniales repose sur un ensemble de gestes techniques dont les résultats peuvent être aisément contrôlés a posteriori. Tel n'est pas le cas dans le domaine de l'archéologie. Une fois la fouille terminée, comment vérifier l'existence - ou l'absence - de vestiges ? Par ailleurs, et contrairement aux travaux réalisés sur des monuments historiques, aucune prescription détaillée a priori n'est possible en archéologie ; on ne peut savoir précisément ce que l'on trouvera et pas davantage prévoir l'intérêt de la découverte ! A Marseille - comme à Chartres - creuser un trou, c'est potentiellement mettre à jour un trésor archéologique !

A posteriori, les travaux ne sont pas réversibles - dans l'hypothèse d'une faute de l'opérateur - puisque la fouille détruit l'objet de son étude.

J'estime également que la notion de marché régulateur, invoquée dans l'exposé des motifs, repose sur un contresens. Le marché est le lieu où le consommateurs entendent se procurer au meilleur prix les biens ou les services dont ils ont besoin. En l'espèce, l'aménageur devenu maître d'ouvrage de la fouille n'est nullement demandeur de résultats scientifiques ! Son souhait, c'est de voir son terrain libéré dans les meilleurs délais en ayant dépensé le moins possible !

La recherche scientifique ne répond à aucune demande de l'aménageur. A preuve, tous les pays ayant privatisé les fouilles y ont perdu au plan scientifique, la qualité de leurs découvertes archéologiques déclinant. Au reste, les dispositions de l'article 3 contreviennent de manière flagrante aux stipulations de la convention de Malte.

L'application du nouveau dispositif concocté par le Gouvernement aurait au moins deux conséquences fâcheuses : il conduirait au partage des objets et de la documentation de fouilles entre différents propriétaires, publics et privés ; il favoriserait la mise en concurrence commerciale d'équipes publiques et privées. Il aboutirait par conséquent à une forme particulièrement perverse de privatisation de l'information scientifique. Certes, tel qu'amendé par le Sénat, le texte prévoit que le rapport de fouilles est un document administratif. Toutefois, la rédaction de l'article 4 en restreint sensiblement l'utilisation. Il est prévu par ailleurs que la documentation afférente à l'opération doit être remise à l'Etat, afin de limiter les conséquences les plus flagrantes du transfert de maîtrise d'ouvrage. En pratique, cette disposition sera de portée limitée, car le champ de la documentation n'est pas juridiquement défini. Les minutes de fouilles et les observations de terrain sont les seuls éléments concrets permettant de valider a posteriori les conclusions présentées dans le rapport de fouille.

Regardons la réalité en face : pour devenir compétitif sur le « marché des fouilles », un opérateur privé aura naturellement tendance à divulguer le moins d'éléments possible sur son « savoir-faire ».

Pour couronner le tout, le Gouvernement a prévu que le service public devrait suppléer au pied levé l'absence d'un opérateur privé, pour des fouilles estimées trop coûteuses au regard des contraintes techniques et scientifiques. C'est un comble ! Nous touchons le fond, même si, sous la pression des archéologues et de parlementaires de tous horizons, le texte précise que « les opérateurs doivent être agréés par l'Etat afin que leur compétence soit vérifiée ». Encore heureux !

Faisant fi des clivages traditionnels, plusieurs parlementaires ont avancé des propositions tendant à remédier aux quelques dysfonctionnements de la loi de 2001, essentiellement liés au calcul de la redevance, parfois pénalisant pour les communes rurales. Les archéologues - et leurs syndicats - le reconnaissaient d'ailleurs bien volontiers.

L'intérêt général bien compris commanderait que nous travaillions sur les bases. Nous proposons la tenue d'une vraie table ronde, débarrassée de tout a priori idéologique ou budgétaire.

J'en viens brièvement aux mesures relatives à la redevance. Même sans avoir eu le plaisir de lire une étude de rendement de ladite redevance, je suis extrêmement dubitatif quant à sa capacité à compenser intégralement les désengagements de l'Etat ! Elle doit en principe financer les diagnostics et toute la recherche réalisée postérieurement aux rapports et, alimenter, de surcroît, à hauteur de 30 % de son rendement un fonds destiné à financer les fouilles qui seraient réalisées à titre gracieux par l'INRAP. Enfin, elle doit permettre de subventionner les aménageurs qui en feraient la demande. Tout ceci n'est pas très sérieux !

La redevance, qui finançait les diagnostics en vertu de la loi du 17 janvier 2001, a vu son taux fixé à 0,32 € par mètre carré. Et le présent texte ne le modifie pas !

Or, en 2002, le produit de la redevance n'a pas permis de couvrir les seuls besoins de l'INRAP, alors même que ce ne sont pratiquement que des diagnostics qui ont été réalisés cette année-là !

Comment pourra-t-on réaliser les mêmes études d'impact archéologique si 30 % du produit de la redevance va à un fonds de péréquation et si des charges, qui relevaient auparavant de la redevance fouilles, sont dorénavant imputées sur la redevance recherches ? Le rendement attendu de la nouvelle redevance risque, hélas, de n'être guère différent de celui de la redevance diagnostic aujourd'hui. Dans ces conditions, on peut douter que l'INRAP parvienne à équilibrer ses comptes. Mais est-ce l'objectif recherché ? La proposition du Sénat d'abaisser le seuil de perception de la redevance aux terrains de 1 000 mètres carrés n'est d'ailleurs qu'un leurre, puisque aucune majoration de taux n'est prévue en milieu urbain, là où précisément elle aurait été indolore. De même, l'amendement sénatorial étendant le bénéfice de l'exonération à tous les affouillements agricoles et forestiers, lesquels représentent des centaines d'hectares chaque année, amoindrira bien davantage le produit de la redevance que la modification de son assiette ne l'augmentera.

Le texte réaffirme le principe de la gratuité des fouilles lors de la construction de logements, collectifs ou individuels, ce dont on ne peut que se féliciter. Le problème est qu'il n'est nulle part précisé que ce sont les lotisseurs qui supportent le coût des fouilles. Si celui-ci est trop élevé, l'INRAP sera invité à se substituer aux opérateurs privés, voire contraint de le faire. La gratuité des fouilles pour les surfaces commercialisées à des particuliers conduira à des fouilles fractionnées, au gré de la commercialisation des terrains, ce qui alourdira les charges de l'INRAP et nivellera par le bas les conditions scientifiques de réalisation des fouilles.

Face à l'ampleur des exonérations accordées et au volume de fouilles à réaliser gratuitement, on peut douter qu'il reste quoi que ce soit pour alimenter le fonds de péréquation. Sur ce point, je suis des plus inquiets.

Le projet, aux antipodes des besoins qui s'expriment aujourd'hui, considère l'archéologie préventive comme une activité marchande, commerciale, pouvant être soumise à la concurrence. Comme on pouvait le lire dans Le Figaro du 7 mai dernier, « le plus grave est que les dysfonctionnements du dispositif actuel ne devraient pas être réglés par la réforme. En effet, le projet de loi simplifie le mode de calcul de la redevance en la fixant à 0,32 € du mètre carré, mais il fixe à un hectare le seuil en dessous duquel elle n'est pas due. Or, en dessous d'un hectare, on est en général en ville. Les inégalités ne seront donc en rien corrigées », poursuivait le journaliste. Celui-ci faisait en outre part de ses inquiétudes quant au fait que la déclaration de l'aménageur sera désormais « le fait générateur » de la prescription de diagnostic, laquelle relevait auparavant du préfet de région. Or, en dépit des dispositions actuelles, seuls 30 % des aménageurs jouaient le jeu. Cela augure mal de l'avenir !

Le patrimoine archéologique est pourtant la principale source d'information sur les sociétés qui ont précédé la nôtre. Appartient-il à la collectivité ou constitue-t-il une entrave à l'aménagement, dont il faudrait se débarrasser le plus vite possible et au moindre coût ?

Je partage tout à fait l'avis du Conseil national de la recherche archéologique, organisme indépendant placé auprès du ministre de la culture, selon lequel l'ouverture à la concurrence sectionnera la chaîne scientifique du travail qui va du diagnostic à la publication, en passant par la fouille, risquant de nuire à la qualité de la recherche archéologique future et de rendre vaine, à terme, la notion même d'archéologie préventive. Il est illusoire, souligne le CNRA, de prétendre séparer phase scientifique et phase technique. Par ailleurs, même si des règlements permettent de retenir le mieux-disant, et non le moins-disant, il est probable que les aménageurs choisiront systématiquement les projets les moins coûteux. Or, comment économiser sur un devis de fouilles préventives, conclut le CNRA, sinon en rognant sur la durée de l'opération, la qualité du personnel et du matériel ?

Elaboré presque en catimini, ce projet de loi ne s'est pas attiré la sympathie - c'est un euphémisme - des professionnels et experts de l'archéologie, lesquels vous ont, à maintes reprises, alerté, sur ses dangers. Comme le souligne le célèbre paléontologue Yves Coppens, l'archéologie, loin de se résumer au ramassage de cailloux ou bouts de poterie, comme le public le croit parfois, nous apporte la connaissance des « gens d'avant », aussi importante que celle des « gens d'ailleurs », source de tolérance. « L'archéologie n'est pas un luxe car ce qui disparaît ne réapparaît jamais plus », écrit-il, formant le souhait, afin de mieux préserver notre patrimoine archéologique, que cette dimension soit intégrée à notre Constitution.

Avec ses collègues du Collège de France, Christian Goudineau, Jean Guilaine et John Scheid, ils signaient une tribune dans Le Monde du 2 avril dernier, invitant à une nouvelle réflexion sur le sujet. Ils y rappelaient qu'alors même que des découvertes étonnantes ont enrichi, voire transformé, ces vingt dernières années, l'idée que nous nous faisions de la préhistoire et des périodes qui lui ont succédé, la France n'a officiellement donné droit de cité à l'archéologie préventive qu'en 2001. Ils y regrettaient que l'on ait du mal à admettre le principe, ici non pas pollueur-payeur, mais « casseur-payeur ». L'article premier de la loi de janvier 2001 disposait pourtant que l'archéologie préventive fait partie intégrante de l'archéologie, rappelant qu'elle a pour but d'assurer, sur terre et sous les eaux, la détection, la conservation ou la sauvegarde par l'étude scientifique des éléments du patrimoine affectés ou susceptibles de l'être par des travaux, publics ou privés, d'aménagement, mais aussi l'interprétation et la diffusion des résultats obtenus.

Dans cette même tribune, les quatre professeurs rappelaient que tous les systèmes concurrentiels mis en place à l'étranger avaient échoué, parce qu'au final, le moins-disant avait toujours été le moins performant sur le plan scientifique. Ce qui ne signifie pas, ajoutaient-ils, que l'INRAP soit « le top » en la matière ; simplement, il offre les meilleures garanties.

L'archéologie préventive qui, d'après les spécialistes, fournit près de 80 % des informations sur notre patrimoine archéologique, a un bel avenir, à condition que l'Etat demeure le garant de la protection de ce patrimoine, de l'intérêt général au détriment des intérêts particuliers d'un promoteur ou d'un entrepreneur. N'oublions jamais que depuis 1950, on a davantage détruit que de l'Antiquité jusqu'alors !

Il faut donner la priorité à la logique scientifique. L'Etat doit, pour sa part, favoriser la conclusion de partenariats entre tous les établissements publics de recherche, mais aussi avec les collectivités - lesquelles pourraient, après les modifications apportées au texte par le Sénat, être chargées de la carte archéologique -, et entre l'INRAP et les aménageurs, publics ou privés.

Si un autre choix que celui de la concurrence était fait, je me féliciterais, avec le Centre national de l'archéologie préventive, que les collectivités jouent tout leur rôle en ce domaine, notamment en créant des services archéologiques. Dans l'hypothèse d'une ouverture à la concurrence, elles hésiteront au contraire à faire ce choix, n'ayant aucune assurance sur leur implication réelle à l'avenir.

L'archéologie préventive étant d'abord une activité de nature scientifique, il est dangereux de s'acharner à créer là, artificiellement, un marché. D'autre part, en l'état actuel d'impréparation dont témoignent le projet du Gouvernement et la « petite loi » du Sénat, j'estime que l'Assemblée n'est pas en mesure de traiter convenablement ce dossier. La sagesse commande donc de renvoyer ce texte en commission.

Dans le même temps, il appartiendra au Gouvernement, plus spécialement au ministère de la culture et à celui de l'éducation et de la recherche, de faire diligence pour rééquilibrer jusqu'en décembre le budget de l'INRAP. Ce n'est qu'ensuite qu'il conviendra, après une concertation sans exclusive, de prendre connaissance du rapport prévu à l'article 14 de la loi du 17 janvier 2001. Il sera alors temps d'examiner l'ensemble des propositions, y compris bien entendu celles du Gouvernement...

MM. Noël Mamère, Jean-Pierre Blazy et M. Patrick Bloche - Très bien !

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication - Votre propos même démontrait que le débat a eu lieu et que les deux commissions ont réalisé un travail remarquable. Je ne vois donc pas ce qui pourrait justifier ce renvoi en commission, d'autant que le projet ne tend pas à se substituer à la loi de 2001, mais seulement à la corriger pour en rendre l'usage plus satisfaisant.

L'urgence est patente : depuis son entrée en application, au début de l'an passé, la loi de 2001 a entraîné des dysfonctionnements et des difficultés de toutes sortes. Elle est en particulier responsable de forts médiocres relations entre les services de l'Etat et les aménageurs, d'une part, et l'opérateur exclusif qu'est l'INRAP, d'autre part. De toutes nos régions monte une longue clameur, de toutes parts on exige la réforme de la loi défendue au débotté par M. Duffour, juste après sa nomination au Gouvernement.

Je récuse formellement l'accusation de privatisation : l'Etat conserve un rôle prépondérant dans le dispositif et, même, ses prérogatives sont confortées. Il n'est pas sain qu'il délègue à un établissement public une part importante de ses responsabilités et je compte bien que mes services, en particulier la direction de l'architecture et du patrimoine et les directeurs régionaux des affaires culturelles, ainsi que les préfets, retrouveront toute leur place dans le processus de décision.

Par ailleurs, ce projet organise de façon beaucoup plus convenable les relations entre l'Etat et son établissement public d'une part, et les collectivités locales d'autre part. Qui pourrait soutenir que ces dernières ne concourent pas au service public, dans le domaine de la culture ? Chacun de vous sait bien qu'elles ont multiplié les initiatives, s'emparant de responsabilités nouvelles qui en font à bien des égards les égales de l'Etat.

Le projet ouvre la pratique de l'archéologie préventive à un plus grand nombre d'opérateurs, et c'est une bonne chose. Cette ouverture ne se fera pas au seul profit des intervenants privés, auxquels beaucoup pensent d'abord, en s'effrayant. Elle bénéficiera aussi aux organismes que pourront créer demain les universités, par exemple.

Ce débat vous a fourni l'occasion d'évoquer quelques dossiers d'actualité : ainsi celui des annexes VIII et X de l'UNEDIC. Sur ce point, je n'ai rien à ajouter aux réponses que j'ai faites lors des séances de questions, sauf ceci : le Gouvernement est attaché à la pérennité de ces annexes et la pire des choses serait de remettre en cause les accords signés par les partenaires sociaux, notamment celui du 26 juin, car cela réduirait à néant ces dispositions, adaptées aux conditions d'activité particulières des professionnels du spectacle et de l'audiovisuel.

Certains ont repris la litanie du désengagement de l'Etat, quitte à persévérer dans des affirmations dont chacun sait qu'elles sont inexactes. Le budget de la culture n'a pas décru cette année : au contraire, les crédits des titres III et IV ont augmenté dans des proportions inconnues depuis des années et les capacités d'intervention en faveur des compagnies musicales, théâtrales et chorégraphiques ont été nettement renforcées. Par la volonté du Président de la République et du Premier ministre, ce budget a de plus été épargné par les annulations de crédits et par les mises en réserve et, de ce point de vue, il partage le privilège accordé aux budgets de la justice, de la défense et de l'intérieur. Nous n'avons donc pas imité la Ville de Paris qui, sans doute inspirée par la politique budgétaire générale de l'Etat, aurait mis en réserve 10 % des subventions destinées aux compagnies artistiques et aux théâtres !

Mon directeur du livre a en outre été amené à signaler à la directrice des affaires culturelles de la ville que l'Etat devrait sans doute réduire son concours au budget d'acquisition des bibliothèques parisiennes, celui-ci ayant stagné pendant deux ans. Dans ces conditions, plutôt que de nous donner des leçons, certains feraient mieux de balayer devant leur porte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

M. Patrick Bloche - De même que les deux nôtres, la motion de renvoi de M. Dutoit apparaît pleinement justifiée, tant les conditions de cette discussion s'éloignent de ce qu'exigerait un débat parlementaire convenable. Le projet a été adopté par le Conseil des ministres à la fin de mai ; quinze jours après, le Sénat l'adoptait en première lecture et nous en aurions été saisis dès lundi dernier si la prolongation du débat sur la réforme des retraites n'avait obligé à un report. Nous en discutons donc un vendredi, alors que nombre de nos collègues sont partis se reposer de la discussion précédente. Or il existe un décalage important entre le projet initial, celui qu'a adopté le Sénat et les avis des deux commissions. Nous aurions donc à nous prononcer sur un dispositif mal assuré.

Nous aurions donc pu utilement poursuivre le travail. J'avais interpellé le Gouvernement lors de l'examen de la loi sur l'urbanisme et l'habitat. M. de Robien avait évoqué un travail qui a laissé de côté l'opposition et, plus grave, tous ceux qui sont directement concernés par ce projet. Je m'étonne du reste que vous n'ayez pas fait référence, ne serait-ce que pour leur rendre hommage, à ces professionnels.

Vous vous êtes contenté, sur le régime d'indemnisation chômage des intermittents du spectacle, de reprendre un argumentaire qui obéit aux mêmes ressorts que ce projet. Vous ne nous avez pas convaincus. Vous avez fait référence à une question que je vous ai posée il y a déjà quelque temps. Vous avez rencontré les syndicats hier, les directeurs de festivals aujourd'hui. Nous aurions aimé être informés de l'état du dossier et connaître vos propositions, même si nous n'espérons plus que l'accord ne sera pas agréé.

En ce qui concerne la ville de Paris, vous faites référence à un chiffre de 10 %, qui traduit une volonté de maîtriser les dépenses de fonctionnement mais qui n'a rien à voir avec les subventions attribuées dans le domaine culturel. Alors que Paris consacrait peu de ses recettes aux investissements, la nouvelle municipalité les doublera sur la mandature, comme elle doublera les crédits consacrés à la culture.

Je rencontre régulièrement des compagnies théâtrales et autres associations musicales, qui déplorent avant tout le désengagement financier de l'Etat. Vous défendez votre budget. Mais comment expliquez-vous cet arrêté du 12 juin 2003 portant transfert de 9,2 millions d'euros de crédits, après bien d'autres ?

Les députés socialistes voteront bien entendu la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre-Christophe Baguet - Je vous informe que le président du groupe UDF a demandé la constitution d'une mission d'information parlementaire sur la situation des intermittents du spectacle (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

S'agissant de l'archéologie préventive, le renvoi en commission ne me paraît pas plus opportun que les motions de procédure défendues ce matin. Certes, le choix de la date n'est pas des plus heureux et nous aurions souhaité que les réunions de la commission, au titre des articles 88 et 91 soient plus approfondies, mais le groupe UDF, fidèle à sa position, s'abstiendra sur cette motion de renvoi en commission.

M. Jean-Pierre Door - Le ministre vient de rappeler que la loi du 17 janvier 2001 a donné lieu à de graves dysfonctionnements, qui justifient cette réforme urgente attendue par de nombreux élus et collectivités territoriales. Il s'agit simplement de la modifier, dans le respect des principes fondateurs de l'archéologie préventive, fixés par la convention de Malte. L'Etat joue un rôle essentiel dans la protection du patrimoine.

Cette réforme vise à améliorer le dialogue entre l'Etat, l'INRAP et les collectivités locales. Une péréquation nationale des moyens permettra d'aider les aménageurs les plus impécunieux. Cette modification de la loi est juste, nécessaire, équilibrée et urgente. L'UMP ne votera donc pas la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

ARTICLE PREMIER

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances - « Le temps et rien d'autre »... L'amendement 14 corrigé vise à enserrer les prescriptions de diagnostic et de fouilles dans des délais précis : un mois pour les prescriptions de diagnostic sur les opérations soumises à permis - deux mois si l'opération est soumise à étude d'impact - et trois mois pour la prescription de fouilles.

M. Michel Herbillon, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Favorable.

M. le Ministre - Même avis. Ces délais sont ceux qu'avait retenus le décret d'application de la loi du 17 janvier 2001. Le Gouvernement n'avait pas l'intention de les modifier.

L'amendement 14 corrigé, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Gorges - L'amendement 81 vise notamment à préciser la distinction entre le diagnostic et les fouilles. A l'image du médecin qui consulte le patient avant d'effectuer sa prescription, il faut susciter le dialogue entre les hommes de l'art et les responsables des fouilles.

M. le Rapporteur - Je partage le souci de notre collègue. Mais le texte prévoit déjà que les prescriptions seront motivées, ce qui assure la transparence du dispositif. La commission a donc rejeté cet amendement.

M. le Ministre - Même avis. Evitons de multiplier les délais et les risques de contentieux. Une circulaire précisera ces dispositions. Il ne serait pas opportun de le faire dans la loi. Nous nous sommes fixé l'objectif de rendre les délais aussi brefs que possible.

M. Noël Mamère - Je suis opposé à cet amendement qui s'inscrit pleinement dans l'économie de ce projet : transformer l'archéologie en une opération au coup par coup, les prévisions de fouilles étant fondées sur un diagnostic aléatoire. La logique de ce texte est bien celle d'un démantèlement de l'archéologie préventive.

M. Jean-Pierre Gorges - Compte tenu des explications du rapporteur et du ministre, je retire mon amendement.

M. Patrick Bloche - L'amendement 91 vise à supprimer le dernier alinéa de cet article, qui concerne les prescriptions.

En effet, l'article 4 de la loi du 27 septembre 1941 donne déjà à l'Etat la possibilité d'engager une procédure d'instance de classement.

Surtout, la référence à la loi du 13 décembre 1913 sur les monuments historiques est inadaptée : elle renvoie au domaine de la restauration, où un contrôle de qualité est toujours possible - ce qui n'est pas le cas en matière d'archéologie - une fois la fouille terminée, l'existence ou l'absence de vestiges ne peut plus être vérifiée. Contrairement aux travaux sur les monuments historiques, aucune prescription détaillée a priori n'est possible en archéologie : on ne sait pas ce que l'on va trouver.

Les références à la loi du 13 décembre 1913 entraînent finalement des procédures lourdes alors même qu'on recherche rapidité et efficacité.

M. le Rapporteur - L'article 4 de la loi de 1941 ne concerne que le classement de vestiges découverts lors d'opérations de fouilles, et non la conservation d'un terrain en amont de toute fouille.

Dans le cas où le classement s'impose, le problème n'est plus celui de la rapidité : en tout état de cause, les travaux ne pourront être réalisés. Avis défavorable.

L'amendement 91, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 2 est rédactionnel. Il s'agit de rapprocher la rédaction de l'article des termes utilisés dans la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques à laquelle il renvoie.

L'amendement 2, accepté par le Gouvernement, mis au voix, est adopté.

L'article premier ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. le Rapporteur pour avis - L'amendement 15 rectifié est retiré au profit de l'amendement 120 qui a le même objet.

M. le Rapporteur - L'amendement 120 tend à permettre à tout aménageur, dès lors qu'il présente un projet suffisamment précis pour qu'il soit possible d'évaluer son impact sur le sous-sol, d'obtenir des services de l'Etat une information sur l'éventualité d'une prescription archéologique, hors des zones archéologiques délimitées par le préfet.

Cette information garantit à l'aménageur une sécurité juridique pendant un délai de cinq ans, à la double condition que son projet ne soit pas modifié et qu'aucun indice nouveau ne remette en cause l'analyse faite par l'Etat. En effet, cette information étant donnée en l'absence de toute expertise matérielle du terrain, mais au seul vu des connaissances existantes, peut changer en fonction des découvertes postérieures. Dans ce cas, le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 9 du présent projet précisera les modalités selon lesquelles l'Etat en informera l'aménageur.

M. le Ministre - Je comprends les motivations de cet amendement, mais les opérateurs risquent de devoir répondre à un nombre très élevé de demandes d'expertises, dans des délais brefs, sans disposer des ressources suffisantes pour y faire face. Cela dit, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. Noël Mamère - M. le ministre laisse poindre une lueur d'espérance, car cet amendement, dans la lignée des propositions de la droite, privilégie les aménageurs et les promoteurs par rapport à la protection du patrimoine et l'intérêt public, aussi ne pouvons-nous que nous y opposer et suivre l'argumentation du ministre.

Nombre de grands archéologues ont déjà exprimé leur inquiétude face au démantèlement de l'archéologie préventive opéré par ce projet. N'en rajoutons pas ! On a détruit davantage entre 1950 et aujourd'hui qu'entre l'Antiquité et 1950 ! Et on a fait de même pour la biodiversité !

M. Patrick Bloche - Nous regrettons que le ministre n'ait pas conclu son excellente argumentation par une demande de rejet d'un amendement qui, une nouvelle fois, fait prévaloir la logique de l'aménageur. Certes, les zones concernées ne sont pas supposées archéologiques, mais il est regrettable que l'intervention de la puissance publique recule à ce point, puisque, à défaut de répondre dans un délai de deux mois, l'Etat est réputé renoncer, pendant cinq ans, à prescrire un diagnostic. Aussi voterons-nous contre cet amendement.

M. Pierre-Christophe Baguet - Je salue la sagesse du ministre sur cet amendement, qui est un véritable chèque en blanc donné aux aménageurs, sans compter les risques d'embouteillage au sein de l'INRAP et des services archéologiques des collectivités territoriales, face à l'afflux des dossiers. Enfin, l'amendement renvoie à un décret dont nous ignorons le contenu. Aussi cet amendement ne me paraît-il pas raisonnable.

M. Daniel Garrigue - J'évoquerai par anticipation un amendement que j'ai déposé à l'article 6, mais qui se rapporte aux questions soulevées par l'amendement 120. Je souhaiterais étendre le dispositif de l'amendement 120 aux cas d'élaboration, de modification ou de révision de documents d'urbanisme. Cela permettrait aux collectivités de faire procéder par avance à des diagnostics, qui leur éviteraient d'envisager la réalisation de travaux importants dans des zones à fort potentiel archéologique.

L'amendement 120, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER BIS

M. Jean-Pierre Blazy - L'amendement 92 tend à supprimer, au début du deuxième alinéa de cet article, les termes : « dans le cadre de l'établissement de la carte archéologique ». Il serait source de confusion que d'assimiler la réalisation d'un document de gestion à la collecte de données d'inventaire. En effet, de nombreux sites ne sont détectables que grâce à des prospections mécaniques et non par les techniques documentaires ou non destructives utilisées pour la réalisation de l'inventaire archéologique.

La confusion des deux notions - recensement et gestion - reviendrait avec l'application de l'article premier ter, à transférer aux collectivités territoriales la charge d'établir des zonages de prescriptions, en lieu et place de l'Etat et pour le compte de ce dernier. Cette confusion n'est pas conforme aux principes de la convention de Malte qui distingue clairement les inventaires et cartographies de sites des mesures de conservation intégrée du patrimoine, prévoyant la participation des archéologues à l'élaboration des politiques de planification et à la programmation des aménagements.

M. le Rapporteur - L'article premier bis tend à permettre un enrichissement de la carte archéologique par la définition de zones sensibles où la présomption de prescription archéologique sera plus élevée qu'ailleurs. Il ne s'agit en aucun cas d'établir un document de gestion à des fins d'urbanisme et d'aménagement. Avis défavorable.

M. le Ministre - C'est vrai, la rédaction de l'article premier signifie que la définition des zones archéologiques sensibles s'appuie sur les données de la carte archéologique lorsque celle-ci existe, mais l'Etat conserve la faculté de définir les zones archéologiques sensibles, même en l'absence de carte. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée pour déterminer s'il faut lever le doute par une mention expresse dans la loi.

M. Patrick Bloche - Notre amendement tendait à mettre fin à une confusion. Mais ne s'agit-il pas en réalité d'un acte délibéré ? L'amendement se justifie d'autant plus, puisqu'il tend à laisser à l'Etat la nécessaire possibilité de définir des zones sans contraintes.

M. Noël Mamère - Le seul argument qui vaille est que l'établissement de la carte archéologique relève des fonctions régaliennes de l'Etat. Je remercie donc le ministre de s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 92, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Caillaud - L'amendement 65 est retiré, compte tenu de l'adoption du 120.

M. Noël Mamère - C'est heureux, car son exposé sommaire est très éloquent. On y lit ce que l'on soupçonnait très fort, à savoir que l'objet de ce texte devrait être d'éviter « pertes de temps en matière de prescription archéologique » et « surcoûts d'aménagement en milieu rural ». Il suffit d'ouvrir le pot de confiture pour voir ce qu'il contient !

M. Frédéric Dutoit - J'espère qu'à défaut d'avoir accepté l'amendement 92, l'Assemblée, dans sa sagesse, adoptera l'amendement 46, qui tend à ce que les prescriptions de l'Etat puissent s'appliquer à des opérations situées hors des zones de référence. C'est indispensable, puisque la majeure partie des sites archéologiques, n'ayant pas encore fait l'objet de repérage, n'est pas répertoriée.

M. Jean-Pierre Blazy - L'amendement 93 est identique. Il est dommage que le ministre ne puisse voter... L'aurait-il fait que l'amendement 92 aurait été adopté ! (Sourires)

M. le Rapporteur - Avis défavorable sur les deux amendements.

M. le Ministre - Même avis.

M. Patrick Bloche - A défaut d'avoir adopté l'amendement 92, l'Assemblée se devrait d'adopter les amendements identiques, qui se limitent à préciser le texte sans en bouleverser l'ordonnance et qui n'engagent à rien...

M. Jean-Pierre Door - Donc, ils ne servent à rien !

M. Patrick Bloche - ...mais qui relèvent du principe de précaution, si cher à tant d'entre nous.

Les amendements identiques 46 et 93, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Dominique Caillaud - L'amendement 66 tend à ce que la carte archéologique soit établie en conformité avec le référentiel grande échelle. Les données seront ainsi facilement accessibles.

M. le Rapporteur - La commission a exprimé un avis défavorable, à la fois parce que la carte archéologique n'est pas une carte géographique mais un inventaire de données scientifiques et historiques et parce que la préservation du patrimoine impose que la carte reste d'un accès réservé.

M. le Ministre - Même avis. Je demande le retrait de l'amendement.

M. Dominique Caillaud - Je le retire, mais j'insiste sur la nécessité de cartes géographiques numérisées, harmonisées dans tous les ministères conformément au référentiel grande échelle.

L'article premier bis, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER TER

M. le Rapporteur - L'amendement 3, parce qu'il rétablit l'agrément par l'Etat des services archéologiques des collectivités territoriales chargés de réaliser des opérations d'archéologie préventive, apaisera les inquiétudes de nombreux collègues.

M. Daniel Garrigue - Par le sous-amendement 79, je reprends une idée du sénateur Legendre.

Puisque les services territoriaux d'archéologie sont sous la responsabilité de fonctionnaires du patrimoine de catégorie A, il n'y a pas de raison de prévoir un agrément de l'Etat. S'en tenir à cette définition évite par ailleurs les complications d'un décret en Conseil d'Etat.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, l'agrément de l'Etat doit être maintenu.

M. le Ministre - Avis très favorable à l'amendement 3, qui réaffirme le rôle de l'Etat. Quant aux précisions apportées par le sous-amendement 79, elles sont d'ordre réglementaire. J'en demande donc le retrait.

M. Patrick Bloche - L'amendement 94 est identique à celui qu'a présenté le rapporteur, dont j'approuve l'argumentation. Il faut, en effet, réaffirmer le rôle de l'Etat en cette matière.

M. Daniel Garrigue - Chaque commune qui a un musée ou une bibliothèque d'une certaine importance est tenue de nommer un conservateur ou un bibliothécaire et il ne fait pas de doute qu'il en ira de même pour les services archéologiques. Puisque les conservateurs du patrimoine seront des fonctionnaires de catégorie A, nommés par concours et recrutés en fonction de critères définis par l'Etat, la cohérence commande que l'on s'en tienne là ! L'agrément de l'Etat me semble superflu et je maintiens le sous-amendement.

M. le Ministre - Monsieur Garrigue, votre proposition va à l'encontre d'une autre disposition du texte à laquelle je suis très attaché car elle prévoit la possibilité de recruter à titre dérogatoire des agents contractuels, dont ceux de l'INRAP. Il serait dommage de se priver de leur expérience.

En outre, je rappelle que s'agissant des musées, c'est à l'Etat qu'il appartient de délivrer le label « musée de France ». Nous ne proposons pas autre chose pour l'archéologie.

M. Daniel Garrigue - Au bénéfice de ces explications, je retire mon sous-amendement. J'observe cependant qu'il y a une différence entre agréer un service et reconnaître la compétence de ses dirigeants. Les deux procédures sont indépendantes. En outre, l'agrément ne fait pas obstacle au recrutement de contractuels.

Le sous-amendement 79 est retiré.

Les amendements 3 et 94, mis aux voix, sont adoptés.

L'amendement 78 tombe.

M. le Ministre - Par l'amendement 1 rectifié, le Gouvernement propose de substituer à la rédaction adoptée par le Sénat une autre plus souple, affirmant la vocation des services archéologiques territoriaux à participer à l'élaboration de la carte archéologique sur le territoire, sans encadrer cette association dans un schéma de décentralisation inadapté à une telle mission.

L'amendement 1 rectifié, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 95 tombe.

L'article premier bis modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Noël Mamère - Notre amendement 24 supprime cet article qui est l'un des plus dangereux du projet puisqu'il taille en pièces l'article 4 de la loi du 17 janvier 2001. Je rappelle que ce dernier texte était très attendu par les archéologues. Dès 1974, suite à divers scandales dont celui du parvis de Notre-Dame, M. Chirac, alors Premier ministre, avait demandé à M. Soustelle de rédiger un rapport sur les enjeux de l'archéologie préventive. Il aura fallu attendre le gouvernement de M. Jospin pour que soit enfin adoptée une loi protectrice !

L'article 2 du présent texte modifie donc les dispositions de l'article 4 de la loi du 17 janvier 2001, lequel prévoyait de donner compétence exclusive à l'INRAP pour les opérations de diagnostic et de fouilles d'archéologie préventive, l'Institut pouvant néanmoins s'adjoindre les prestations des services archéologiques des collectivités territoriales ou d'autres personnes morales après signature d'une convention.

Le nouveau dispositif constitue un réel danger pour l'archéologie préventive, puisqu'il ne confie plus à l'INRAP qu'un pouvoir partagé sur les opérations de diagnostic, les opérations de fouilles étant désormais soumises à un système contractuel dont la maîtrise d'oeuvre sera confiée à l'aménageur et dont l'opérateur pourra être une personne morale de droit privé.

Cet article comporte en outre des dispositions mettant en péril l'avenir même de l'établissement public. Son adoption marquerait votre volonté de casser - et non d'aménager - la précédente loi et d'instaurer dans notre pays un système comparable à celui créé au Royaume-Uni par Mme Thatcher. Demandez aux archéologues britanniques ce qu'ils en pensent !

M. le Rapporteur - Rejet. Cet article ne concerne que les diagnostics et je ne partage pas la défiance de notre collègue à l'égard des collectivités locales ! Notre objectif n'est pas de « casser » la loi de 2001 mais de surmonter les obstacles qu'elle a créés.

M. le Ministre - M. le député de la Gironde serait sans doute très étonné que je sois favorable à son amendement. Comme je ne veux pas le décevoir... j'y suis opposé !

M. Jean-Pierre Blazy - Je redoute que le 96 tombe sans que j'aie pu le défendre...

M. le Président - Rassurez-vous. Vous aurez tout loisir de le défendre car il n'est pas strictement identique à celui de M. Mamère.

L'amendement 24, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Blazy - Notre amendement 96 tend à supprimer l'article 2, lequel modifie sensiblement l'article 4 de la loi du 17 janvier 2001 donnant à l'INRAP une compétence exclusive pour les opérations de diagnostic et de fouilles d'archéologie préventive.

Le nouveau dispositif constitue un danger pour l'archéologie préventive, les fouilles étant désormais soumises à un système contractuel, jusque pour leur prix ! Leur maîtrise d'_uvre sera confiée à l'aménageur, l'opérateur pouvant être une personne morale de droit privé.

L'article 2 comporte en outre des dispositions mettant en péril l'avenir même de l'INRAP.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Patrick Bloche - Nous souhaiterions que l'on en reste à la rédaction actuelle de l'article 4 de la loi de 2001. Les missions de l'INRAP ne doivent pas être restreintes au seul champ du diagnostic.

L'amendement 96, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Frédéric Dutoit - Nos amendements 47, 48, 49 et 50, que je défendrai en même temps, sont de repli, les amendements de suppression n'ayant pas été adoptés.

Ils visent à confier la réalisation des diagnostics et des fouilles, de façon complémentaire, aux services archéologiques des collectivités et de l'Etat. Ils réaffirment que l'archéologie préventive n'a pas pour objet de purger un terrain au bénéfice d'un aménageur mais de sauvegarder des informations scientifiques au profit de la collectivité tout entière. Ce ne peut donc être l'aménageur qui, sur des critères de coût ou de délais, choisit l'opérateur. Cela reviendrait à exclure les services archéologiques des collectivités qui, dans la plupart des cas, ne pourraient pas soutenir la concurrence.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre - Défavorable.

M. Noël Mamère - On ne peut pas, comme le voudrait le rapporteur, distinguer entre le diagnostic et les fouilles. En outre, cet article 2 inverse en quelque sorte la charge de la preuve. En permettant à l'aménageur de choisir l'opérateur, on exclut de fait les services archéologiques des collectivités. Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons cet amendement.

L'amendement 47, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 4 est rédactionnel.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 48 tombe.

M. Frédéric Dutoit - L'amendement 51 supprime le 1° de l'article, tandis que le 63 corrigé, de repli, le complète.

Le 2° de l'article prévoit la possibilité pour une collectivité de faire réaliser par ses services l'ensemble des opérations d'archéologie préventive concernant les aménagements prévus sur son territoire, pendant une durée minimale de trois ans. Mais cette disposition ne sera jamais appliquée si, comme le prévoit le 1°, les pouvoirs publics locaux peuvent réaliser au coup par coup certaines opérations en en délaissant d'autres. En outre, du fait du caractère imprévisible des décisions des collectivités, elle interdirait toute possibilité de programmation pour l'INRAP et perturberait donc gravement son fonctionnement. Enfin, cette disposition exigerait une consultation systématique préalablement aux prescriptions de diagnostic faites par l'Etat.

M. le Rapporteur - Défavorable. Je ne comprends absolument pas cette défiance à l'égard des services archéologiques des collectivités. Pourquoi vouloir limiter le champ de leurs investigations ?

M. le Ministre - Défavorable.

M. Noël Mamère - Cet amendement a le mérite de pointer l'un des dangers qu'il y aurait à adopter le texte du Gouvernement. L'archéologie est une recherche à long terme, qui ne peut se conduire au coup par coup ni être laissée au bon vouloir des collectivités, lesquelles n'ont pas toujours, notamment en milieu rural, le souci de la sauvegarde de notre patrimoine.

M. Edouard Landrain - Scandaleux !

M. Noël Mamère - Avant de siéger ici, j'étais journaliste et les nombreux reportages que j'ai eu la chance de réaliser, notamment dans des secteurs chers à M. Garrigue, comme le Bergeracois et Pécharmant, m'ont appris que notre patrimoine archéologique a trop souvent été saccagé... pour réaliser des parkings, des zones d'activités ou des routes (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. Edouard Landrain - Pour vous, les ruraux sont des imbéciles !

M. Patrick Bloche - Je le redis, nous aurions souhaité que l'on en reste à la rédaction actuelle de l'article 4 de la loi de 2001. Pour autant, je ne peux laisser accréditer l'idée que nous nous défierions des services archéologiques des collectivités. Nous ne les mettons nullement en question.

M. Edouard Landrain - A peine !

M. Patrick Bloche - Le problème est qu'ils ne peuvent intervenir qu'avec le feu vert des assemblées délibérantes des collectivités. Il ne faut pas jouer les archéologues contre les aménageurs.

M. Jean-Pierre Gorges - C'est vous qui le faites. Le projet de loi vise le contraire.

M. Patrick Bloche - Nous cherchons, pour notre part, seulement à éviter tout abus de pouvoir.

L'amendement 51, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que le 63 corrigé.

M. le Président - L'amendement 49 tombe.

M. le Rapporteur - L'amendement 5 est rédactionnel.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Noël Mamère - L'amendement 25 supprime le V de l'article qui permet aux collectivités de recruter les anciens agents de l'INRAP en qualité d'agents non titulaires de leurs services archéologiques. En effet, si le législateur prévoit des solutions de réembauche pour les agents de cet établissement public, c'est bien qu'il envisage, à plus ou moins brève échéance, de le supprimer.

M. le Rapporteur - Ce raisonnement est, pardonnez-moi, un peu simpliste. Le texte cherche seulement à organiser la mobilité des agents de l'INRAP dans les meilleures conditions statutaires. Il faut sortir l'INRAP de la situation catastrophique, notamment financière, dans laquelle il se trouve. La fuite en avant des recrutements ne peut pas continuer. C'est précisément pour sauver l'établissement public que nous prenons ces dispositions.

M. le Président - Vous souhaitant un bon anniversaire, Monsieur Bloche, je vous prie de défendre l'amendement 97, quasi identique au 25.

M. Patrick Bloche - Merci, Monsieur le président. Cet amendement 97 tend à supprimer l'article 4-4 de la loi de 2001, non le paragraphe V, mais le résultat auquel nous tendons est le même que celui que recherche M. Mamère. En autorisant les collectivités à recruter les anciens agents de l'INRAP - et ils risquent d'être nombreux car, déjà, 500 à 600 CDD n'ont pas été renouvelés ! - en qualité d'agents non titulaires de leurs services archéologiques, ne prépare-t-on pas une suppression à terme de cet Institut ? Nous n'avons pas l'esprit mal placé, mais avouez qu'un doute est possible sur l'avenir que le Gouvernement réserve à l'INRAP !

Le détachement étant impossible dans le cadre du statut des personnels de l'INRAP, reste la solution de la mise à disposition, qui est, elle, explicitement prévue par l'article 25 du décret du 2 avril 2002.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis. Le Gouvernement ne s'est livré à aucun calcul pervers : il ne fait qu'ouvrir une faculté aux collectivités et aux salariés de l'INRAP.

Je vous souhaite moi aussi un bon anniversaire, Monsieur Bloche, et je regrette de vous avoir répondu avec quelque vivacité tout à l'heure.

M. Noël Mamère - C'est avec plaisir que je me joins aux v_ux adressés à M. Bloche.

Le Gouvernement prétend souhaiter le maintien de l'INRAP mais, dans la logique de l'archéologie à deux vitesses qui est celle du projet, cet établissement risque fort de devenir une sorte de voiture-balai, chargée des opérations qui n'auront pas été retenues par les autres opérateurs. Dans son économie même, votre texte programme donc bien un affaiblissement de l'institut et, à terme, sa disparition. La faculté de réembauche que vous offrez n'a dès lors rien pour étonner...

Les amendements 25 et 97, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Frédéric Dutoit - A mon tour, je souhaite un bon anniversaire à M. Bloche.

Nous n'avons aucun préjugé défavorable aux collectivités locales et l'amendement 52, qui est un amendement de repli, le prouve : « Lorsqu'une collectivité décide d'exercer les prérogatives prévues à l'article 4-2, les services ou parties de service de l'Institut national de recherches archéologiques préventives qui participent à l'exercice des compétences transférées sont, contre remboursement, pour la durée du transfert, mis à disposition de la collectivité. Les agents de l'Institut qui exercent leurs fonctions dans ces services ou parties de service sont mis de plein droit à disposition, à titre individuel et après leur accord, auprès du président de l'organe délibérant de ladite collectivité ou du groupement. »

Vous voyez bien que nous faisons confiance aux collectivités !

M. le Rapporteur - Rejet.

En mon nom, au nom du groupe de l'UMP et de l'ensemble de la commission des affaires culturelles...

M. le Rapporteur pour avis - Et au nom de la commission des finances !

M. le Rapporteur - ...je vous présente des v_ux chaleureux pour votre anniversaire, Monsieur Bloche. Je ne sais si, compte tenu du déroulement de ce débat, vous fêterez l'événement par un dîner, un souper ou un petit déjeuner, mais soyez assuré que nous nous associerons à vous par la pensée !

M. le Président - Nous aurions dû tenir le même propos à M. Gremetz ! (Sourires)

M. le Ministre - Avis défavorable.

M. Patrick Bloche - Je remercie tous mes collègues et le ministre pour leurs souhaits et... je n'empiéterai pas plus qu'il ne faut sur notre soirée à tous !

L'amendement 52, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Frédéric Dutoit - L'amendement 50 est défendu.

L'amendement 50, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Daniel Garrigue - Monsieur Mamère, venez à Bergerac et vous verrez que le patrimoine y a été préservé et même enrichi.

L'amendement 77 est de clarification. A la fin du premier alinéa de l'article 4-5, il est dit que « la convention détermine les conséquences pour les parties du dépassement des délais » mais, deux alinéas plus loin, on prévoit la caducité de la prescription à l'expiration d'un certain délai. En cas de conflit, rien n'assure que le juge considérera que les dispositions de ce troisième alinéa l'emportent sur la volonté des parties. Il convient donc de préciser que la possibilité de définition contractuelle s'exerce « sous réserve des dispositions » de ce troisième alinéa.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. le Ministre - Sagesse.

L'amendement 77, mis aux voix, est adopté.

M. Frédéric Dutoit - L'amendement 53 vise à supprimer l'avant-dernier alinéa de l'article 4-5. En effet, l'article 322-2 du code pénal punit de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende quiconque aura détruit, dégradé ou détérioré « une découverte archéologique faite au cours de fouilles ». Or, en matière de protection du patrimoine, la France est tenue par les traités internationaux et les pouvoirs publics ont donc compétence liée. L'Etat ne peut se dessaisir de cette responsabilité du simple fait d'un dépassement de délai incombant à des opérateurs tiers.

La convention doit déterminer les conséquences pour les parties de ce dépassement des délais, ce qui garantira les intérêts des aménageurs et la préservation du patrimoine.

M. Pierre-Christophe Baguet - Le ministre et le rapporteur ont confirmé que l'Etat restait pleinement responsable et serait présent à chaque étape de la procédure. Le groupe UDF est très attaché à cette fonction régalienne qu'est la préservation du patrimoine et ne saurait donc admettre que l'Etat se dérobe à ses responsabilités : d'où l'amendement 82.

M. Jean-Pierre Blazy - L'amendement 98, identique aux précédents, est défendu.

Le groupe socialiste ne sera pas en reste et il présente donc lui aussi ses v_ux à M. Bloche. Mais le meilleur cadeau à faire à celui-ci serait une bonne loi sur l'archéologie préventive. Or je crains qu'on ne soit mal parti pour cela !

M. le Rapporteur - L'Etat ne se dessaisira évidemment pas de sa fonction régalienne et il n'y a donc pas à supprimer une partie importante du dispositif pour une simple question de délais. Mais ces amendements suppriment la disposition qui prévoit la caducité des prescriptions de diagnostic lorsque celui-ci n'est pas réalisé dans les délais, disposition qui préserve un équilibre entre les opérateurs et les aménageurs. Or, je le rappelle à mes collègues, il n'y a pas que des aménageurs privés. Nombreux sont les aménageurs publics.

L'adoption de ces amendements ferait entièrement dépendre l'aménageur de l'opérateur.

Enfin, le non-respect des délais est pour beaucoup dans l'échec de la loi de 2001. Prévoyons donc les garanties nécessaires. Cela ne met pas en cause l'affirmation de la fonction régalienne de l'Etat dans la conservation de notre patrimoine.

M. le Ministre - La question du délai est décisive. Les tensions entre l'INRAP et les collectivités locales sont souvent nées de problèmes de délais. C'est donc une bonne chose d'instaurer une règle de gestion du temps et d'affirmer le principe du respect du délai de réalisation des diagnostics. Les conventions passées entre les aménageurs et les opérateurs pourront prévoir un réexamen de la situation en cas de force majeure. Avis défavorable.

M. Noël Mamère - Monsieur Garrigue, je connais les environs de Bergerac. Des vestiges gallo-romains y ont été détruits non par des opérateurs privés, mais par les collectivités locales.

M. Daniel Garrigue - C'est en Gironde, Monsieur Mamère !

M. Noël Mamère - Les opérateurs publics peuvent aussi être de grands prédateurs.

La formulation de l'article 3 est dangereuse. Elle incite l'Etat à ne pas jouer son rôle. Or, nous devons respecter les conventions internationales que nous avons signées. Nous vous invitons donc à regarder plus attentivement ces amendements.

M. Pierre-Christophe Baguet - Certes, l'aménageur peut être public. C'est une raison de moins pour se dérober ! On ne peut d'ailleurs écarter une éventuelle complicité entre l'aménageur et l'opérateur, leur permettant de s'exonérer de toute responsabilité. On peut aussi faire face à des imprévus dans le cadre de la convention. On ouvre donc la porte à des dépassements de délai.

Les amendements 53, 82 et 98, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Noël Mamère - Dans le même esprit, l'amendement 26 tend à rédiger ainsi la première phrase du troisième alinéa de cet article : « Lorsque le diagnostic n'est pas achevé dans le délai fixé par la convention, l'Etat se prononce sur le caractère caduc ou non de la prescription ».

L'amendement 26, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Garrigue - Les délais de caducité sont généralement fixés entre 10 et 20 % de la durée prévisionnelle des travaux. Compte tenu de la gravité de la sanction, par l'amendement 76 rectifié, je propose de retenir la fourchette haute : 20 %.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre - Je comprends le souci de M. Garrigue. Mais la rédaction qu'il propose ne peut recueillir mon assentiment. Certaines interventions de diagnostic ne durent pas plus d'une journée, ce qui rend le délai proportionnel inapplicable. Le Gouvernement avait d'abord prévu un délai d'un mois. Le Conseil d'Etat a considéré que cette précision relevait du règlement. Le décret d'application fixera probablement le délai de caducité à un mois. Au bénéfice de ces explications, je vous invite à retirer cet amendement.

L'amendement 76 rectifié est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 6 est de précision.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. Noël Mamère - Après l'article 2, dont nous n'avons pas obtenu la suppression, cet article 3 est le deuxième pilier de votre projet de démantèlement de l'archéologie préventive. Il est dangereux de faire de l'aménageur le maître d'_uvre des opérations de fouilles archéologiques et d'ouvrir à la concurrence privée les travaux de fouilles, qui relèvent d'une mission de service public, tout en laissant à l'établissement public la charge d'effectuer les fouilles non rentables. Vous juriez vos grands dieux que vous vouliez protéger l'INRAP, cet article prouve le contraire ! Enfin, il ne faut pas laisser au contrat le soin de fixer le prix des fouilles fixé au cas par cas.

Mieux vaut maintenir le système conventionnel en vigueur concernant les seuls délais et fournitures de matériels et de moyens mais s'appliquant aux fouilles et diagnostic. Aussi l'amendement 27 vise-t-il à supprimer cet article.

M. Frédéric Dutoit - Notre amendement 54 tend également à supprimer cet article.

M. Patrick Bloche - L'amendement 99 vise aussi à la suppression. En effet, l'article 3 réécrit l'article 5 de la loi du 17 janvier 2001, qui prévoit un conventionnement entre l'aménageur et l'INRAP pour toutes les opérations de diagnostic et de fouilles. Le nouveau dispositif fixe les conditions de réalisation des seules opérations de fouilles.

En vertu de l'alinéa premier, c'est désormais l'aménageur qui est responsable de la réalisation des fouilles - ce que nous contestons. Celles-ci peuvent être confiées à l'INRAP, aux services archéologiques d'une collectivité territoriale ou à toute entreprise publique ou privée. Cette disposition est lourde de conséquences pour l'avenir de l'archéologie préventive : elle autorise n'importe quel opérateur privé à réaliser une mission de service public.

L'article premier de la loi du 17 janvier 2001, qui n'est pas remis en cause par votre projet, dispose néanmoins que l'archéologie préventive relève des missions du service public, ce que le Conseil constitutionnel a avalisé.

L'agrément de l'Etat ne saurait justifier que l'on confie ces missions à l'initiative privée.

M. le Rapporteur - Il ne s'agit pas de démanteler, mais au contraire de sauver l'archéologie préventive. Je rappelle que le déficit cumulé de l'INRAP atteint 45 millions d'euros.

Ces amendements visent à supprimer le nouveau dispositif de réalisation de fouilles. Il n'y a aucun risque de voir sacrifier la qualité des recherches aux intérêts des aménageurs, compte tenu des sécurités et des contrôles prévus.

Je parlais tout à l'heure de votre défiance envers les collectivités locales. On la retrouve ici. Le projet permet aux services des collectivités locales de réaliser ces fouilles, mais aussi à des laboratoires universitaires, au CNRS, à l'INRAP. Et il n'y a pas de marché privé de l'archéologie préventive.

M. Jean-Pierre Blazy - Vous voulez le créer !

M. le Rapporteur - De jeunes archéologues peuvent très bien constituer une société civile, et se porter candidats. Vous vous défiez de l'INRAP, comme vous refusez de regarder en face où nous a menée la loi de 2001.

M. le Rapporteur pour avis - Selon vous, faire entrer des opérateurs privés dans les fouilles, ce serait faire entrer le loup dans la bergerie. Or en l'occurrence c'est le législateur de 2001 qui a introduit le loup ! Dans les Landes, la SARL Hadès a été conventionnée par l'INRAP pour effectuer des fouilles sous l'égide de la loi de 2001. Nous vous proposons simplement une procédure transparente et soumise à agrément (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Blazy - Pourquoi alors changer la loi !

M. le Rapporteur pour avis - C'est à l'Etat de décider, et non à l'INRAP.

M. le Ministre - Défavorable.

L'amendement 27, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 54 et 99.

M. le Président - Les amendements 69 et 83 sont identiques.

M. Frédéric Dutoit - Je défendrai avec l'amendement 69, les amendements 70, 72, 73 et 75.

L'amendement 69 vise à associer dans un cadre conventionnel l'Etat et la personne projetant d'exécuter les travaux dans le choix de l'opérateur. Ce ne peut être l'aménageur qui, seul, sur des critères de coût et de délais, peut choisir un prestataire de services. L'amendement conserve le principe d'une négociation au coup à coup des prix et des délais pour les fouilles archéologiques. Il apporte la garantie que les opérations d'archéologie préventive ne seront pas réalisées à la seule fin de purger un terrain au bénéfice de l'aménageur. Il rétablit donc un équilibre entre le nécessaire développement de l'aménagement du territoire tout en permettant une réelle sauvegarde des informations scientifiques au bénéfice de la collectivité toute entière. Enfin la proposition corrige un effet extrêmement pervers du projet adopté par le Sénat qui en confiant la responsabilité du choix de l'opérateur aux aménageurs, entraînerait la mise à l'écart des services archéologiques de collectivité existants. Dans la plupart des cas, ces services, pour la réalisation des fouilles préventives, ne pourraient être économiquement concurrentiels.

M. Pierre-Christophe Baguet - Monsieur le rapporteur, vous êtes excessif quand vous parlez de défiance envers les élus territoriaux, les archéologues, la décentralisation. Vous vous rapprochez de ceux qui prônent le retour du centralisme démocratique, lorsque vous évoquez ceux qui veulent préserver le « tout-Etat ». Il y a peut-être un juste milieu à trouver, aussi ai-je déposé une proposition ventilée en plusieurs amendements, les 83, 84, 85, 86 et 87, pour garantir l'intervention de l'Etat, dans le cadre d'une convention tripartite, quant au choix de l'opérateur.

M. le Rapporteur - Monsieur Baguet, permettez-moi de vous inviter à mieux assumer la signature d'amendements identiques à ceux des verts, du groupe socialiste et du groupe communiste. Rapporteur des affaires culturelles, avec mes collègues de l'UMP, je défends un projet qui protège les intérêts de l'archéologie préventive et du service public de la recherche archéologique.

Ces amendements qui retirent à l'aménageur la maîtrise d'ouvrage des opérations de fouilles pour lui laisser le seul financement ne sont pas de nature à résoudre les difficultés actuelles.

M. le Ministre - Monsieur Dutoit, je ne peux être favorable à votre amendement qui déséquilibrerait l'économie du texte. Je ne peux pas suivre non plus M. Baguet, tout en comprenant ses motivations. Et j'en profite pour présenter dès maintenant l'amendement 130 du Gouvernement. Il s'agit de préciser que l'Etat, avant l'autorisation de fouilles, approuve le contenu scientifique du contrat, ce qui lui permet d'en vérifier la conformité avec les objectifs de la prescription de fouilles. Dans ces conditions, M. Baguet pourrait peut-être retirer son propre amendement.

M. Frédéric Dutoit - Monsieur le rapporteur, il ne faut pas s'offusquer du dépôt d'amendements identiques par le groupe communiste et républicain et l'UDF !

M. Pierre-Christophe Baguet - Permettez-moi de faire observer que les sénateurs UMP, Monsieur le rapporteur, ont été moins sectaires que vous, puisqu'ils ont approuvé nombre d'amendements identiques déposés par le groupe des députés communistes et républicains et l'UDF. Je remercie le ministre de faire preuve d'ouverture, et j'accepte de retirer l'amendement 83 et les suivants.

Les amendements 83, 84, 85, 86 et 87 sont retirés.

M. Noël Mamère - Je regrette que M. Baguet retire son amendement, car la proposition du ministre n'est que du bricolage et, en fait, affaiblit considérablement les fonctions régaliennes de l'Etat.

L'amendement 69, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Bloche - Notre amendement 104 tend à rendre l'opérateur de fouilles maître d'_uvre et à établir que l'opérateur ne pourra être que l'INRAP ou les services archéologiques d'une collectivité territoriale.

Nous n'exprimons naturellement aucune défiance à l'égard des archéologues, que nous défendons, ni des personnels des services territoriaux d'archéologie, ni des aménageurs, ni des élus locaux, mais seulement à l'égard du Gouvernement, dont nous ne pouvons accepter le texte en l'état. L'amendement 106 est rédigé dans le même esprit.

L'amendement 104, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère - Par l'amendement 29, nous indiquons que, pour l'exécution de cette mission, l'établissement public ou le service archéologique territorial peuvent associer d'autres personnes morales de droit public ou, par convention, d'autres personnes morales dotées des services de recherche archéologique. Ce faisant, nous ne faisons pas preuve d'une quelconque suspicion : nous nous limitons à vouloir appliquer le même principe de précaution pour l'archéologie préventive que celui que le Président de la République dit vouloir introduire dans la Constitution pour l'environnement...

M. le Rapporteur - Contrairement à ce qu'affirme l'opposition, ni le Gouvernement ni la majorité ne veulent démanteler le service public de l'archéologie préventive. Ce dont il s'agit est de l'ouvrir à plusieurs opérateurs plutôt que d'en laisser le monopole à l'INRAP qui, nous le savons, a les faveurs de l'opposition.

M. le Ministre - Même avis.

M. Noël Mamère - Devons-nous comprendre que l'INRAP n'a pas vos faveurs ? Si nous soutenons l'Institut, c'est qu'il s'agit d'un établissement public, chargé par le législateur de préserver le patrimoine pour en finir avec le n'importe quoi et le bon plaisir des aménageurs publics et privés. Nous le défendons parce que nous croyons au service public. Quant à ce que vous qualifiez d'ouverture, on ne peut que s'en méfier quand on voit ce que vous avez fait dans d'autres secteurs, et notamment à l'éducation nationale !

Les amendements identiques 29 et 106, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Frédéric Dutoit - L'amendement 70 est défendu.

L'amendement 70, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère - Il s'agit, par l'amendement 31, de supprimer la référence au secteur privé (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP). Finissez-en avec cette arrogance ! Arrêtez de tourner toutes nos propositions en ridicule ! On peut porter un regard critique sur la société et débattre d'options différentes ! A force de vous complaire dans le simplisme, vous finirez par ressembler à votre propre caricature ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement est nécessaire parce qu'il propose une autre voie que celle choisie par le Gouvernement, lequel, soutenu par sa majorité, veut privatiser l'archéologie préventive et donc notre passé et notre mémoire (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il est dangereux d'autoriser des sociétés ou des personnes privées à effectuer des fouilles qui relèvent d'une mission de service public et des fonctions régaliennes de l'Etat, que nous voulons protéger et maintenir.

M. Frédéric Dutoit - J'approuve ce qu'a dit notre collègue Noël Mamère. Il ne s'agit pas de défendre le tout-Etat, mais la mise en concurrence commerciale voulue par le Gouvernement n'a ni nécessité juridique ni utilité. Plus efficace que la confrontation entre institutions sur des bases économiques serait la collaboration entre institutions publiques par conventionnement sur la base d'échange des informations scientifiques, que la concurrence commerciale rend impossible. Voilà ce qu'explique l'amendement 71.

M. Jean-Pierre Blazy - L'amendement 100 à le même objet. Quant le rapporteur et le Gouvernement parlent d'« ouverture », d'autres entendent « démantèlement », c'est un fait. On sait bien que la majorité est favorable à un service public minimum ; aujourd'hui, elle s'emploie à réduire le service public de l'archéologie au minimum et c'est ce à quoi nous nous opposons.

M. le Rapporteur - Avis défavorable aux trois amendements. L'interprétation que fait l'opposition de ce texte tient du fantasme - ou d'une lecture partielle, sinon partiale, de son contenu. Toutes les garanties sont prévues et l'Etat demeure au centre du dispositif de service public de la recherche archéologique, dans lequel est insérée l'archéologie préventive, puisqu'il est prescripteur, qu'il désigne les chefs d'ouvrage, contrôle les travaux, coordonne la carte archéologique nationale et met en _uvre le fonds de péréquation...

M. Jean-Pierre Blazy - ...pour aboutir à un service public minimum !

M. le Rapporteur - Votre partialité vous empêche d'entendre ! Nous sommes, autant que vous, attachés au service public de l'archéologie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Avis évidemment défavorable à des amendements qui contredisent l'esprit même de la réforme et qui dénotent une fracture dans nos conceptions respectives du service public : vous vous attachez à ses modalités, alors que nous raisonnons par objectifs. Un Etat tonique et moderne peut associer, par la mise en _uvre du service public, des collectivités territoriales et des opérateurs privés, en agréant ces dossiers et en encadrant leurs travaux. D'ailleurs, une telle configuration n'est pas inédite.

Les amendements identiques 31, 71 et 100, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Noël Mamère - L'amendement 32 tend à corriger une anomalie du texte qui peut conduire à toutes les dérives, en précisant qui peut et qui ne peut pas bénéficier de l'agrément et en établissant explicitement qu'il ne peut être accordé à des personnes ou des sociétés dont l'une des activités, principales ou secondaires, est l'aménagement ou la construction.

Je déplore d'ailleurs que la gauche ne soit pas allée au bout de son projet relatif à l'audiovisuel au cours de la précédente législature, car notre pays connaît, à cet égard, une situation parfaitement anormale.

M. Patrick Bloche - Notre amendement 102 est identique. Nous demandons simplement quelques garanties supplémentaires d'indépendance, en complément de celles déjà obtenues par nos collègues sénateurs. Il convient d'exclure expressément de l'agrément les personnes ou les sociétés dont l'une des activités - principale ou secondaire - est l'aménagement ou la construction.

M. le Rapporteur - Défavorable. La rédaction retenue par le Sénat offre des garanties d'indépendance suffisantes. Il n'y a pas lieu d'introduire davantage de suspicion.

M. le Ministre - Même avis que votre rapporteur ; j'ai soutenu avec conviction la rédaction adoptée par le Sénat mais ne soyons pas trop restrictif et faisons confiance aux collectivités !

Les amendements 32 et 102, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Frédéric Dutoit - L'amendement 72 est défendu.

L'amendement 72, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Frédéric Dutoit - Par l'amendement 67, nous proposons de compléter le premier alinéa de l'article 3 par la phrase suivante : « pour un lotissement ou une ZAC, la personne publique ou privée qui réalise le projet d'aménagement assure le financement des opérations de fouilles pour l'ensemble du projet d'aménagement. » L'objectif est d'éviter la réalisation de fouilles fractionnées. Il s'agit, chacun peut l'apprécier, d'une proposition tout à fait constructive !

M. Pierre-Christophe Baguet - Notre amendement 89 est légèrement différent : pour un lotissement ou une ZAC, l'aménageur assure les opérations de fouilles - et non simplement leur financement - pour l'ensemble du projet. Je ne doute pas que notre assemblée adopte à l'unanimité cette proposition de bon sens !

M. le Rapporteur - La commission a effectivement émis un avis favorable, la rédaction de l'amendement de M. Baguet nous semblant plus complète que celle de M. Dutoit.

M. le Ministre - Sans esprit partisan, le Gouvernement préfère retenir l'amendement de M. Baguet.

M. Frédéric Dutoit - Je suis favorable à l'amendement 89.

L'amendement 67, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 89, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Bloche - L'amendement 105 est défendu.

M. le Rapporteur - Je vous invite à le retirer car il est satisfait.

M. le Ministre - En effet.

L'amendement 105 est retiré.

M. le Président - Le Gouvernement a déjà défendu son amendement 130.

L'amendement 130, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 7 fait coïncider la rédaction de l'article avec l'ordre logique de déroulement des fouilles - l'autorisation devant précéder l'exécution...

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Bloche - Notre amendement 103 vise à maintenir le système conventionnel issu de la loi de 2001, lequel ne porte pas sur le prix des fouilles. A nos yeux, le prix doit relever d'un système de mutualisation, sensiblement plus égalitaire.

M. le Rapporteur - La commission l'a rejeté. S'inscrivant dans la logique de plusieurs amendements précédents, il est contraire à l'esprit de la réforme.

M. le Ministre - Même avis. Le système actuel est ruineux pour l'INRAP. Il est préférable de financer les fouilles sur la base de prix convenus par avance avec les aménageurs.

L'amendement 103, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Frédéric Dutoit - L'amendement 74 est défendu.

L'amendement 74, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère - Par l'amendement 34, je propose de supprimer le dernier alinéa de l'article. L'INRAP n'a pas vocation à exercer un service public au rabais ou à se transformer en voiture-balai de l'archéologie préventive. L'Institut ne doit pas être chargé d'exécuter les fouilles que personne d'autre ne veut accomplir.

M. le Rapporteur - Où est le problème ? Cet amendement n'est pas cohérent avec la volonté si souvent affichée par ses auteurs de défendre le service public d'archéologie préventive !

Qui réalisera les fouilles qui ne seront pas prises en charge par des opérateurs privés ou par les services archéologiques des collectivités, sinon l'INRAP ? Celui-ci sera d'ailleurs rémunéré pour ce faire dans les conditions de droit commun.

M. le Ministre - Même avis. L'INRAP ne fait pas ce que ne font pas les autres, mais fait tout sauf ce que font les autres.

M. Patrick Bloche - Sans oser aller jusqu'au bout de votre logique qui serait de supprimer l'INRAP, vous le réduisez à une coquille vide. Preuve en est que ses personnels vont être « reclassés » dans les collectivités et qu'il ne fera plus que les travaux délaissés par les autres. A cette heure tardive de l'après-midi, faites-moi plaisir, comme c'est mon anniversaire : dites-moi ce que vous entendez faire exactement de l'INRAP.

M. le Ministre - Le sujet est trop important pour que je ne réponde pas. Non, le ministère de la culture ne souhaite pas la disparition de l'INRAP. Lorsqu'il va falloir renflouer l'établissement, c'est bien moi qui en défendrai les intérêts ainsi que ceux de ses personnels (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Frédéric Dutoit - Vous devrez renflouer l'INRAP à hauteur de 28 millions d'euros... Comment allez-vous faire ? On entend déjà dire, çà et là, que trois à quatre millions pourraient être prélevés sur les crédits de la direction de la musique, du théâtre et de la danse. En ce cas, évidemment !

M. Edouard Landrain - A chaque jour suffit sa peine !

M. le Ministre - Ce n'est en effet pas le sujet du jour. Cela étant, je ne possède pas de planche à billets, et l'argent devra bien être pris sur les deniers publics. Nous renflouerons l'INRAP, nous verrons le moment venu comment.

L'amendement 34, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Frédéric Dutoit - L'amendement 75 est défendu.

M. Pierre-Christophe Baguet - Je retire l'amendement 87 rectifié, identique.

L'amendement 87 rectifié est retiré.

L'amendement 75, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. le Rapporteur - L'amendement 8 est de conséquence.

L'amendement 8, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Noël Mamère - L'amendement 35 corrigé est de conséquence avec ceux interdisant aux personnes morales de pouvoir réaliser les fouilles.

M. Patrick Bloche - L'amendement 107 rectifié a le même objet.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Avis de conséquence défavorable à ces amendements de conséquence !

L'amendement 35 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que le 107 rectifié.

M. Noël Mamère - Il est indispensable, sous peine de discrimination que, quel que soit l'opérateur des fouilles, les institutions chargées de la recherche soient toutes soumises aux mêmes obligations de rendu scientifique. Par ailleurs, l'ensemble de la documentation scientifique relative aux opérations d'archéologie préventive doit pouvoir être consulté par les citoyens. Tel est le sens de l'amendement 36.

M. Patrick Bloche - Notre amendement 108 corrigé est identique.

M. Pierre-Christophe Baguet - Ces amendements sont plus complets que le 88 que je m'apprêtais à défendre. Je le retire donc à leur profit.

M. Frédéric Dutoit - L'amendement 55 a le même objet que les 36 et 108 corrigé. Sous peine d'inégalités de traitement, toutes les institutions doivent être soumises aux mêmes obligations.

M. le Rapporteur - Les préoccupations exprimées sont légitimes. Mais ces amendements sont satisfaits, d'une part, par une modification introduite par le Sénat concernant l'accessibilité des documents, d'autre part, par l'amendement 8 de la commission que nous venons d'adopter et qui harmonise les conditions de rendu scientifique des opérations. Avis défavorable donc.

M. le Ministre - Même avis pour les mêmes raisons.

M. Pierre-Christophe Baguet - Mieux aurait valu inscrire cette obligation dans la loi plutôt que de renvoyer à un décret futur.

L'amendement 88 est retiré.

Les amendements 36 et 108 corrigé, mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement 55.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4 BIS

M. Frédéric Dutoit - Je retire l'amendement 56 qui visait à supprimer l'article.

L'amendement 56 est retiré.

M. Patrick Bloche - L'amendement 109 propose une nouvelle rédaction de l'article. Il vise à ne pas limiter le transfert de propriété des vestiges mobiliers aux seules communes, lesquelles ne disposent que rarement des équipements et des personnels pour garantir leur bonne conservation. Il faut donc étendre cette possibilité aux autres collectivités comme les groupements de communes, les départements,... Cela évite aussi le transfert aux communes des charges qui incombent au propriétaire des collections, comme les frais de restauration, tout en évitant le risque d'une dispersion des collections, rendant ensuite plus difficile leur accès pour les étudier.

L'amendement vise également à supprimer l'article 17 de la loi du 27 septembre 1941, lequel exclut du droit de revendication de l'Etat « les trouvailles consistant en pièces de monnaie ou objets en métaux précieux sans caractère artistique. » Cela permettra à l'Etat de maintenir, en cas de besoin, la cohérence scientifique d'une collection issue d'une fouille préventive.

Une telle disposition est par ailleurs conforme à la convention de Malte puisqu'il sera possible de conserver dans le domaine public l'ensemble des mobiliers archéologiques découverts, qu'il s'agisse de fouilles autorisées en application de la loi de 1941 ou de la présente. Par ailleurs, le régime des découvertes fortuites ne sera maintenu que pour les seules découvertes présentant un caractère réellement fortuit.

Au total, cet amendement met en conformité le statut juridique des collections archéologiques, qui participent de la mémoire nationale, avec la pratique quotidienne. En effet, nombre de collections conservées dans des dépôts archéologiques sont aujourd'hui sans statut juridique clair, leurs propriétaires ne souhaitant pas, dans la très grande majorité des cas, les récupérer. Notre solution est juste, les fouilles bénéficiant le plus souvent de financements publics.

M. le Rapporteur - Il y a là des éléments intéressants mais il paraît difficile de supprimer ainsi, au détour d'un amendement, sans examen plus approfondi, l'article 17 de la loi de 1941. Il importe de garantir le droit constitutionnel de propriété et, au Sénat, un amendement voisin avait d'ailleurs été repoussé pour cette raison. La sagesse commande donc de s'en tenir à l'article 4 bis tel que l'a adopté la Haute Assemblée.

M. le Ministre - Le travail effectué au Sénat sous la conduite de M. Legendre a en effet été de grande qualité et, si l'amendement soulève des points importants, son dépôt tardif ne nous a pas permis de l'étudier aussi attentivement qu'il faudrait, notamment pour éviter l'inconstitutionnalité. Mais je me propose de faire effectuer cette étude sans tarder et d'en tirer éventuellement les conséquences dans le cadre du futur projet de loi sur le patrimoine. En attendant, rejet.

M. Patrick Bloche - Ce point n'est pas secondaire et je regrette donc que nos conditions de travail nous aient interdit d'examiner à fond les dispositions de cet article 4 bis. La compétence de M. Legendre n'est pas en cause, mais la rédaction du Sénat nous semble ajouter à la confusion dont souffrait déjà le régime de la propriété des objets archéologiques. J'invite donc vivement le Gouvernement à se pencher sur cette question.

L'amendement 109, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 9 est rédactionnel.

L'amendement 9, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 4 bis ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. Noël Mamère - L'amendement 37 est défendu.

M. Frédéric Dutoit - L'amendement 57, identique, est de cohérence.

M. Jean-Pierre Blazy - Comme les deux précédents, l'amendement 110 vise à supprimer cet article, dans la logique de notre opposition à une contractualisation des prix des prestations de fouilles.

M. le Rapporteur - Par cohérence aussi, rejet !

Les amendements 37, 57 et 110, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 5, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

M. Frédéric Dutoit - Conformément à notre position constante, l'amendement 58 vise à supprimer l'article. Nous refusons que soit rompue la chaîne opératoire qui va de la détection à la diffusion auprès du public en passant par la fouille, l'étude et la conservation.

M. Jean-Pierre Blazy - L'amendement 111 est identique.

La loi du 17 janvier 2001 a institué deux redevances pour financer les opérations d'archéologie préventive. L'assiette de la première redevance, dite de « diagnostic », est assise sur les projets d'aménagements susceptibles de porter atteinte au patrimoine archéologique. Son taux est fixé à 0,32 € par mètre carré terrassé et le fait générateur est la prescription émise par l'Etat rendant nécessaire la réalisation d'un diagnostic archéologique.

La seconde redevance, dite « de fouilles », est due pour les seuls projets d'aménagement dont l'étude d'impact a prouvé qu'ils entraîneraient la destruction de vestiges. L'assiette est assise sur les surfaces archéologiques effectivement concernées tandis que la taxe par mètre carré est affectée d'un coefficient de complexité correspondant à l'importance des travaux archéologiques à réaliser.

Des dysfonctionnements dans l'application de la loi ont conduit à faire payer les fouilles des villes par les aménageurs de la campagne. Une révision du mode de calcul et de son assiette s'imposait donc mais, plutôt que de rééquilibrer la part « ville » par rapport à la part « rurale » de la redevance et de rétablir les lignes budgétaires permettant de subventionner les projets sur lesquels la redevance « de fouilles » pèse trop lourdement, le Gouvernement a choisi, en novembre, d'élargir le bénéfice des exonérations à la quasi-totalité des lotisseurs, générant ainsi une perte de recettes de 15 millions d'euros, tandis que le Parlement amputait le montant des redevances archéologiques de 25 % dans la loi de fiances pour 2003, ce qui a entraîné pour l'INRAP les difficultés que nous savons.

Cette situation extrêmement préoccupante nous a servi de prétexte pour faire examiner dans la précipitation le présent projet alors que la loi du 17 janvier 2001 avait prévu un bilan d'application qui pouvait servir de base à une révision réfléchie.

Les remèdes proposés dans ce projet sont pires que les maux, puisque vous organisez un simple service minimum de l'archéologie préventive.

Les mécanismes financiers que vous préconisez n'apporteront pas de recettes supplémentaires car le rendement attendu de la redevance est fortement grevé par les exonérations, qui représentent plus de 70 % des surfaces terrassées chaque année. De plus, 30 % de cet impôt seront versés à un fonds destiné à financer en totalité les fouilles réalisées sur des projets de logements sociaux et... de lotissements.

La négociation au coup par coup des fouilles supprimera toute possibilité de mutualisation et de péréquation. Les coûts de fouilles, qui ne seront plus encadrés par des barèmes nationaux, risquent dans certains cas d'être augmentés de façon considérable et les aménageurs auront certainement à supporter des délais considérablement rallongés du fait du transfert des charges de maîtrise d'ouvrage.

M. le Rapporteur - Nous devons impérativement mettre au point un financement efficace et réaliste si nous voulons triompher des dysfonctionnements actuels. Le projet du Gouvernement permet des progrès substantiels : les deux redevances de diagnostic et de fouilles sont remplacées par une redevance unique, d'archéologie préventive, à l'assiette élargie et qui s'applique à tous les travaux susceptibles d'affecter le sous-sol. Cette nouvelle assiette garantit une meilleure mutualisation des charges. Quant au mode de calcul, il ne sera plus nécessaire d'avoir fait des études de niveau bac plus 15 pour le maîtriser : la formule est des plus simples, partant d'une base de 0,32 € par mètres carrés.

En outre, un fonds de péréquation prendra en charge les fouilles qui ne peuvent être payées par l'aménageur ou qui concernent les constructions exonérées de redevance, grâce à un prélèvement de 30 % - voire plus, si l'on suit la commission - sur la redevance.

Vous voulez supprimer ce nouveau dispositif sous prétexte qu'il serait inefficace et fondé sur des projections peu fiables. Je pense au contraire que ces projections, fondées sur les données à la disposition de l'INRAP et des ministères de l'équipement et de l'environnement, permettent une bonne évaluation du rapport de la taxe et du coût des exonérations. Rejet, par conséquent.

M. le Ministre - Avis défavorable également. L'adoption de ces amendements ébranlerait profondément le système de financement proposé.

M. Noël Mamère - Nous voulons au contraire protéger le financement de l'archéologie préventive, alors que vous le cassez ! On ne peut pas laisser le rapporteur et le ministre nous dire qu'ils font tout pour sauver l'INRAP. En novembre 2002, Monsieur le ministre, vous avez étendu le bénéfice des exonérations à la quasi-totalité des lotisseurs, d'où une perte de recettes de 15 millions d'euros pour l'INRAP. Sur proposition de notre collègue Garrigue, le montant des redevances archéologiques a été amputé de 25 % par la loi de finances pour 2003. Cela représente 25 millions d'euros ! Au total, c'est 40 % de ressources prévisionnelles en moins pour l'INRAP ! Elle n'a donc pas pu adopter de budget pour 2003. Plus de 800 archéologues sous contrat à durée déterminée ont été mis au chômage, et des dizaines de chantiers de fouilles compromis. Ce blocage vous a servi de prétexte pour justifier votre précipitation à modifier la loi du 17 janvier 2001, alors même qu'un bilan devait en être dressé fin 2003. Mais le vrai mauvais coup que vous portez à l'archéologie préventive, c'est votre système de redevance, politiquement inacceptable : une redevance payée pour les seuls aménagements implantés sur des parcelles de plus de 1 000 mètres carrés dont le taux est fixé à 0,32 € par mètre carré de terrain au-delà de 5 000 mètres carrés, et forfaitairement à 1 000 € entre 1 000 et 5 000 mètres carrés. Ce projet crée donc des inégalités devant l'impôt. Ainsi, pour un local autre qu'à usage agricole de 500 mètres carrés implanté sur une parcelle de dix hectares, le pétitionnaire devra payer 32 000 €. Mais un projet immobilier de 990 mètres carrés en centre urbain sera exonéré. Les campagnes devraient ainsi subventionner l'aménagement des villes ! Vous avez concédé des exonérations à plus de 70 % des surfaces terrassées chaque année en France. Qui ce projet sert-il ? Ni l'intérêt public, ni le service public. Il entend protéger les aménageurs et les promoteurs, plus exactement les promoteurs privés qui font des opérations en centre-ville.

Les amendements 58 et 111, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Noël Mamère - Par l'amendement 38, je propose cette rédaction :

« Le II de l'article 9 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 précitée est ainsi rédigé :

« II - Le fait générateur de la redevance d'archéologie préventive est constitué par l'obtention de l'autorisation ou la déclaration préalable de la personne projetant d'effectuer les travaux.

« La redevance est perçue pour les opérations de diagnostic et de fouilles par les services de l'Etat et est indexée sur le coût de la construction.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe l'assiette et le montant de la redevance. L'assiette et les modalités de calcul de la redevance peuvent être variables notamment compte tenu de la valeur du terrain sur lequel il est projeté d'exécuter des travaux et selon qu'il est situé en zone urbaine ou rurale.

« Pour la redevance pour les opérations de fouilles, le décret fixe les conditions dans lesquelles la structure archéologique du terrain est prise en compte ».

Bref, cet amendement vise à encadrer la redevance pour éviter les dérapages qui s'annoncent.

M. le Rapporteur - Cet amendement s'oppose, conformément à la logique de M. Mamère, au financement des fouilles par le privé. Défavorable.

L'amendement 38, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur pour avis - Nous héritons du Sénat un système de financement modifié : le seuil de la redevance a été abaissé à 1 000 mètres carrés. Nos collègues sénateurs ont voulu garantir le financement du dispositif d'archéologie préventive - 80 millions d'euros au lieu des 65 prévus par le Gouvernement - et le rééquilibrer en faveur des zones rurales.

L'abaissement du seuil ne semble pas couvrir plus de dossiers urbains que de dossiers ruraux. La redevance s'applique aux permis de construire, mais aussi aux opérations d'aménagement - ZAC ou lotissements. C'est en ville que les ZAC ou les grands lotissements sont réalisés, mais les petits lotissements sont très présents en milieu rural. L'abaissement du seuil nuit donc au secteur rural pour les opérations d'aménagement.

A ma demande, les services de l'équipement ont comparé les permis de construire délivrés en Haute-Garonne et dans le Cantal. 8 % des permis de construire concernant des logements sont délivrés sur un terrain supérieur à 5 000 mètres carrés en Haute-Garonne, 9 % dans le Cantal. 53 % des permis de construire hors logement sont délivrés sur un terrain de plus de 5 000 mètres carrés en Haute-Garonne, 57 % dans le Cantal. L'étude des permis n'apporte donc aucune certitude. L'abaissement du seuil ne garantissant pas de toucher l'urbain plus que le rural, la commission des finances a préféré modifier le fonds de péréquation pour le réaffecter en priorité vers les zones rurales.

La MEC a évalué, comme le Sénat, le besoin de financement public par la redevance à 80 millions d'euros. Mais le dispositif du Sénat manque son objectif : en abaissant le seuil, il multiplie le nombre de redevables - qui passe de 7 000 à 40 000. Selon l'INRAP et le ministère de l'équipement, 90 à 100 postes devraient donc être créés pour collecter la redevance. Le surcoût est de 5 millions d'euros. L'amendement 16 vise donc à revenir au seuil de 5 000 mètres carrés. Par l'amendement 17 rectifié, la commission des finances vous proposera ensuite de supprimer l'exonération sur les lotissements, à l'exception des logements sociaux.

M. Daniel Garrigue - Mon amendement 80 n'est pas un compromis entre les positions du Sénat et de l'Assemblée. Il part du constat d'une forte inégalité entre zones rurales et zones urbaines, les premières étant plus taxées. En zone urbaine, le potentiel archéologique est disposé par strates, en zone rurale il est plus étendu. Un filet à mailles trop lâches laisserait échapper nombre d'opérations en zone urbaine. A l'inverse, un filet à mailles très serrées engloberait, en zone rurale, des opérations pour lesquelles le diagnostic ne se justifie pas.

Il paraît donc préférable de fixer des seuils différenciés selon les zones : 1 000 mètres carrés en zone urbaine et 5 000 mètres carrés en dehors.

M. le Rapporteur - Avis favorable à l'amendement 16. Je comprends le dispositif de l'amendement 80, qui vise à davantage d'équité, mais qui introduirait trop de complexité.

M. le Ministre - Le problème essentiel qui se pose à l'INRAP est celui de son financement par le dispositif de la loi de 2001, aussi suis-je d'accord avec le rapporteur pour avis et favorable à l'amendement 16.

S'agissant des exonérations et de leur impact sur les finances de l'INRAP, la loi de 2001 avait exonéré les constructions sociales et individuelles, le Conseil d'Etat s'était prononcé, dans un avis, pour l'extension du dispositif aux lotissements de maisons construites par des personnes physiques pour elles-mêmes, d'où un manque à gagner conséquent pour l'INRAP. L'amendement 17 de la commission des finances propose du reste de revenir sur cette disposition, et je suis favorable à tout ce qui limitera le champ des exonérations.

Monsieur Garrigue, je vous suggère amicalement de retirer votre amendement, dont je comprends bien l'intention, mais qui entraînerait trop de complexité.

M. Patrick Bloche - D'une manière générale, nous sommes opposés à la notion de seuil, qu'il soit de 1 000 ou de 5 000 mètres carrés : quid des surfaces de 999 mètres carrés ?

Aussi ne voterons-nous pas cet amendement.

M. Frédéric Dutoit - Vous prétendez vouloir favoriser le développement des communes rurales. J'habite les quartiers nord de Marseille où de nombreux lotissements en construction et développement en deçà du seuil des 5 000 mètres carrés, pourraient bénéficier de l'exonération de la redevance.

Cela étant, je suis d'accord avec vous sur l'amendement 17 concernant l'exonération des constructions sociales, à condition de vérifier qu'elles ne s'établissent pas sur des terrains susceptibles d'être fouillés.

M. Pierre-Christophe Baguet - J'ai du mal à comprendre cet amendement, pour les raisons exposées par mon collègue Dutoit. Coûts de collecte mis à part, nous aurions bien 10 millions supplémentaires, ce qui correspond à 25 % du déficit de l'INRAP - ce n'est pas négligeable. Et comment prétexter une surcharge de dossiers pour porter le seuil de 1 000 à 5 000 mètres carrés ? C'est la taille d'un terrain de football ! La MEC s'emploie à trouver comment réduire les coûts de collecte, et des économies doivent être possibles. En attendant, des explications complémentaires de notre rapporteur pour avis seraient bienvenues.

M. le Rapporteur pour avis - Le projet initial prévoyait 65 millions dont devaient être défalquées les exonérations, supprimées depuis lors. Le Sénat a voulu parvenir à 80 millions et, pour cela, il a abaissé le seuil à 1 000 mètres carrés, mais aussi fait passer de 7 000 à 40 000 le nombre des redevables, ce qui a alourdi le coût de la collecte. Ce que propose la commission des finances est de rétablir le seuil proposé par le projet initial. Non seulement le coût de la collecte en serait réduit, mais on limiterait le nombre de redevables, et donc de mécontents...

M. Daniel Garrigue - Avec l'amendement de la commission des finances, les deux objectifs visés sont atteints : la mutualisation sur l'ensemble du territoire d'une part, l'obtention de ressources suffisantes pour financer l'archéologie préventive d'autre part. L'essentiel étant assuré, je retire l'amendement 80.

M. Jean-Pierre Blazy - Encore !

M. Noël Mamère - La mutualisation de la redevance est atteinte, c'est exact, mais le seuil de surface demeure, et c'est en quoi la proposition est dangereuse. Suivons notre collègue Garrigue, et supprimons les seuils !

L'amendement 16, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 121 est de coordination.

L'amendement 121, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur pour avis - Par l'amendement 17 rectifié, la commission des finances veut préciser que les lotissements ne bénéficient que de l'exonération de redevance en faveur des logements sociaux, et non de celle sur les logements construits par une personne physique pour elle-même, contrairement à l'interprétation qui a été faite de la loi de 2001 sur ce point.

M. Frédéric Dutoit - L'amendement 60 a le même objet.

M. le Rapporteur - Avis favorable aux deux amendements identiques. En les adoptant, l'Assemblée dira sa volonté d'exonérer les logements sociaux de la redevance.

Les amendements 17 rectifié et 60, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Daniel Garrigue - Mon amendement 123 tend à permettre à une commune ou à un EPCI d'anticiper les diagnostics d'archéologie préventive à l'occasion de l'élaboration d'un document d'urbanisme, et de répercuter le coût de ces diagnostics sur les opérateurs ultérieurs.

M. le Rapporteur - La préoccupation est satisfaite par l'amendement de la commission précédemment adopté, auquel vous vous êtes associé. J'invite au retrait de l'amendement.

M. le Ministre - Une commune peut faire réaliser toutes les études qu'elle souhaite à l'occasion de l'élaboration d'un document d'urbanisme, mais elle ne peut en répercuter une partie ou l'ensemble du coût sur un contribuable particulier. Je souhaite donc le retrait.

M. Daniel Garrigue - Le problème est réel, et l'amendement précédemment adopté ne le résout pas entièrement. Je maintiens l'amendement.

M. Noël Mamère - Je suis contre l'amendement, car il ne revient pas à une commune ou à un EPCI, mais bien à l'Etat, de traiter de ces questions.

L'amendement 123, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Blazy - L'amendement 112 réécrit le II de l'article.

Son objectif est de préciser le fait générateur de la redevance diagnostic en introduisant des critères objectifs. La redevance est due pour tous les projets d'aménagement dont l'emprise au sol des travaux est supérieure à 1 hectare.

Pour les projets inférieurs à 1 hectare, la redevance n'est exigible que pour les aménagements situés dans des zones de risques particuliers définies par arrêté préfectoral. Le décret prévu au I de l'article 9 devra prévoir les modalités de classement, après enquête publique, du territoire ou d'une partie du territoire de certaines communes au titre des zones à risques particuliers. L'aménageur sera donc en mesure d'être informé par avance de l'existence de risques archéologiques particuliers.

Le présent amendement propose des taux majorés mais en les réservant à ces zones à risques particuliers prédéfinies, afin de garantir le principe de proportionnalité entre le paiement de la redevance et l'utilisation du service public.

En effet, dans ces zones qui correspondent à des sites majeurs ou à des zones à fortes potentialités archéologiques, le coût des diagnostics est supérieur à la moyenne. L'introduction d'un taux majoré pour les sites majeurs - essentiellement pour les projets urbains - permet de compenser les pertes de recettes engendrées par la baisse des taux de base, qui ne s'applique dans les faits qu'en milieu rural et qui passe de 0,30 € à 0,20 €. Le rendement attendu devrait permettre en outre une réelle alimentation du fonds de péréquation prévu à l'article 7 du présent projet de loi.

Le présent amendement vise aussi à diminuer par deux - par rapport aux dispositions de la loi du 17 janvier 2001 - le montant des redevances sur les sites archéologiques en milieu rural. Les pertes de recettes sont compensées, d'une part, par la suppression des exonérations de redevance diagnostic et, d'autre part, par le déplafonnement des redevances sur les sites stratifiés. En effet, le coût des redevances diagnostic n'a qu'une faible incidence sur les projets à caractère social, alors que le plafonnement ne bénéficiait qu'à des projets urbains à but lucratif dégageant de fortes plus-values.

M. Frédéric Dutoit - Comme prévu dans la loi du 17 janvier 2001, le choix du taux de la redevance dépend des prescriptions scientifiques des services de l'Etat. En effet, dans le respect du principe de proportionnalité, le montant de la redevance fouilles doit être en rapport avec l'importance des travaux archéologiques devant être engagés.

L'amendement 68 vise à diminuer le montant des redevances sur les sites archéologiques en milieu rural. Les pertes de recettes sont compensées, d'une part, par la suppression des exonérations de redevance diagnostic et, d'autre part, par le déplafonnement des redevances sur les sites stratifiés. En effet, le coût des redevances diagnostic ne représente qu'une faible incidence sur les projets à caractère social, alors que le plafonnement ne bénéficiait qu'à des projets urbains à but lucratif dégageant une forte plus-value.

M. le Rapporteur - L'amendement 112 réintroduit un système de double redevance pour financer les opérations de diagnostic et de fouilles, fondé sur une formule de calcul dans laquelle je ne retrouve pas la simplicité que nous recherchons. Outre le fait qu'il faut être de niveau « bac +15 » pour la comprendre, elle ne garantit pas la suffisance des financements. La commission a également repoussé l'amendement 68. La rédaction actuelle de l'article nous semble beaucoup plus raisonnable !

M. le Ministre - Le Gouvernement est défavorable aux amendements 112 et 68.

L'amendement 112, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 68, 59 et 10 tombent.

M. le Ministre - Sur l'amendement 112, le Gouvernement demande une nouvelle délibération.

Le Sénat a proposé de confier la liquidation de la redevance aux services départementaux de l'équipement et le recouvrement aux comptables du Trésor. Cette proposition est peu adaptée aux opérations d'aménagement relevant d'autres procédures d'autorisation que celles du code de l'urbanisme. C'est pourquoi l'amendement 127 rectifié, tout en reprenant le principe voté par le Sénat, confie la liquidation aux services régionaux des affaires culturelles pour les redevances dues au titre des opérations ne relevant pas des procédures d'urbanisme. Comme l'amendement 126 rectifié à venir, le présent amendement précise les modalités pratiques qui en découlent, notamment au regard des règles d'exigibilité et de recouvrement, ainsi que des garanties et sanctions relevant du domaine législatif.

L'amendement 127 rectifié, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 19, 11 et 12 tombent.

M. le Ministre - L'amendement 126 rectifié précise donc les règles applicables au reversement du produit de la redevance, aux dégrèvements et annulations. Ces précisions techniques sont du domaine législatif. Elles doivent être apportées en complément de la proposition du Sénat de confier le recouvrement aux comptables du Trésor.

L'amendement 126 rectifié, approuvé par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'article 6 modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Bloche - L'adoption par notre assemblée de notre amendement 112 nous a heureusement surpris. Le volet financier du texte s'en trouvant modifié, je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 21 heures 40, est reprise à 21 heures 55.

ART. 6 BIS

M. le Ministre - L'amendement 128 institue un prélèvement de 150 € sur le montant de la redevance d'archéologie, pour frais d'assiette et de recouvrement. Un montant fixe permettra que l'on se rende mieux compte du coût réel de recouvrement.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

L'amendement 128, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 6 bis.

ART. 7

M. Frédéric Dutoit - L'amendement 64 supprime le I de l'article. Je ne reviens pas sur l'argumentation que j'ai développée à l'article 6. Il ne faut pas rompre la chaîne du travail scientifique d'archéologie.

M. Jean-Pierre Blazy - L'amendement 113 est identique. Les seules exonérations doivent rester celles prévues dans la loi de 2001, à savoir les logements sociaux et les constructions des particuliers pour eux-mêmes.

Les amendements 64 et 113, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Frédéric Dutoit - En supprimant la fin de l'article après les mots « pour elle-même », l'amendement 61 clarifierait le texte et éviterait les fouilles fractionnées.

M. le Rapporteur - Cet amendement aboutirait à supprimer l'exonération votée par le Sénat pour les affouillements agricoles et forestiers, de nature précisément à rééquilibrer le dispositif en faveur des zones rurales. Le coût de cette exonération sera très largement compensé par la suppression de celle au profit des lotissements ne comportant pas de logements sociaux. Avis défavorable donc.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 61, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère - L'amendement 40 est défendu.

L'amendement 40, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur pour avis - L'amendement 20 précise que l'établissement public intervient seulement dans la comptabilité du fonds, aucunement dans sa gestion.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. le Ministre - Avis favorable.

L'amendement 20, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur pour avis - L'amendement 21 énumère les principaux objectifs assignés au fonds, au profit des territoires ruraux notamment.

M. le Rapporteur - La précision est utile.

L'amendement 21, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur pour avis - Aux termes de l'amendement 22 rectifié, la proportion de 30 % de la redevance affectée au fonds n'est qu'un plancher. Elle pourra donc être accrue.

L'amendement 22 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 13 est de précision. Les termes « conseil d'administration » ne sont pas adaptés à un organisme dépourvu de personnalité morale et il convient donc de faire référence ici à la commission de composition identique instituée par le Sénat pour remplir les mêmes fonctions. C'est d'ailleurs la terminologie utilisée dans le décret de 1997 instituant le fonds de soutien à l'expression radiophonique.

Avis favorable au sous-amendement 23 corrigé.

M. le Rapporteur pour avis - Il s'agit d'un sous-amendement de coordination.

M. le Ministre - Avis favorable à l'amendement et au sous-amendement.

Le sous-amendement 23 corrigé, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 13 sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

L'article 7 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 8

M. Patrick Bloche - Nous nous étonnons de la suppression de la commission administrative instituée par la loi de 2001 : elle offrait une possibilité de recours avant l'introduction d'un contentieux contre les décisions de l'Etat et de l'établissement public et permettait donc de s'expliquer avant d'aller devant le tribunal administratif. L'amendement de suppression 115 vise à rétablir une chance de rapprocher les positions.

M. le Rapporteur - Cette commission pré-contentieuse n'a jamais été installée, son mode de désignation étant trop complexe. D'autre part, comme dans tout contentieux fiscal, le calcul de la taxe pourra faire l'objet d'un recours administratif gracieux avant que le juge ne soit saisi. Avis défavorable par conséquent.

L'amendement 115, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - L'amendement 124 tire les conséquences de l'adoption par le Sénat d'un amendement confiant la liquidation et le recouvrement de la redevance aux services de l'Etat. Les modalités de présentation et d'instruction y sont précisées par référence aux procédures existantes du livre des procédures fiscales.

L'amendement 124, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Bloche - L'amendement n'est pas adopté !

M. le Président - J'ai voté, comme le permet le Règlement.

M. Noël Mamère - Vous ne l'aviez pas fait tout à l'heure lorsque nous nous sommes retrouvés à 6 contre 6 ! D'autre part, il n'est pas de tradition d'user de cette disposition du Règlement...

M. le Président - La tradition veut aussi que l'on ne revienne pas sur un vote passé. Quant à la disposition lui permettant de voter, le président de séance peut en user à sa convenance.

L'article 8 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 8

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 90 est très proche de l'amendement 109, défendu tout à l'heure par M. Bloche : il s'agit d'éviter la dispersion des objets trouvés au cours des fouilles. Actuellement, on distingue entre « trésors » et « objets » ; or il peut y avoir des objets de valeur qui, sans être des trésors, ont un grand intérêt pour la science et pour la recherche archéologique.

M. le Rapporteur - L'intention est louable, mais un amendement voisin a été rejeté au Sénat parce qu'il présentait un risque d'inconstitutionnalité dans la mesure où il allait contre le droit de propriété. Il me semble que l'article 4 bis a réglé plus sûrement la question de la propriété des vestiges : tenons-nous en là, ce sera plus sage.

M. le Ministre - « Nationaliser » les vestiges sans indemnité serait sans doute contraire à l'article 18 de la déclaration des droits de l'homme. L'article 4 bis du projet permet une réelle avancée et devrait répondre à votre souci, Monsieur Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet - Peut-être pourrait-on imaginer des formules d'indemnisation mais, puisque vous avez proposé de tenir éventuellement compte des remarques de M. Bloche dans la loi sur le patrimoine, je veux bien retirer mon amendement.

L'amendement 90 est retiré.

ART. 9

M. Noël Mamère - L'amendement 41 fixe la date limite du bilan d'évaluation de cette loi au 31 décembre 2004, au lieu du 31 décembre 2006. Cela laisse un an et demi, ce qui nous paraît plus que suffisant compte tenu des incertitudes que ce projet fait peser sur l'avenir de l'archéologie préventive.

M. Patrick Bloche - L'amendement 116 est identique. Avancer la date du bilan est d'autant plus souhaitable que cette loi risque selon nous d'avoir des effets très néfastes.

M. le Rapporteur - Avis favorable : c'est mon cadeau d'anniversaire ! (Sourires)

M. le Ministre - Joyeux anniversaire de ma part également : j'accepte l'amendement !

Les amendements 41 et 116, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 9 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 10, mis aux voix, est adopté.

ART. 11

M. le Président - Les amendements présentés à cet article tirant les conséquences d'amendements à l'article 3 que l'Assemblée a rejetés, ils n'ont plus d'objet.

L'article 11, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 11

M. Frédéric Dutoit - L'amendement 62 vise à insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 11 de la loi n° 41-4011 du 27 septembre 1941 relative à la réglementation des fouilles archéologiques est ainsi modifiée :

« 1° après le mot : « fouilles », la fin de la deuxième phrase est ainsi rédigée : « revient, à l'exception des objets visés par l'article 716 du code civil, à l'Etat. Après études, ces objets sont prioritairement déposés dans le musée de France le plus proche du lieu de la découverte. » ;

« 2° dans la dernière phrase, après le mot : « trouvés », sont insérés les mots : « qui relèvent des dispositions de l'article 716 du code civil ». »

Le projet du Gouvernement, en renvoyant la propriété des objets archéologiques aux dispositions de la loi du 27 septembre 1941 - partage entre le propriétaire du terrain et l'inventeur - entraînerait la dispersion des objets dans des collections privées. L'article 717 du code civil, relatif aux épaves maritimes et terrestres, a prévu que la propriété « des choses perdues dont le maître ne se présente pas » est réglée « par des lois particulières » tandis que l'article 716 a prévu que la propriété des « trésors » était partagée « pour moitié à celui qui l'a découvert et pour l'autre moitié au propriétaire du fonds ».

L'amendement 62, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis au voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère - L'amendement 44 vise à supprimer l'article 105 de la loi de finances pour 2003, qui réduit de 25 % le montant des deux redevances - diagnostic et fouilles - d'archéologie préventive. C'est cette disposition qui a entraîné un manque à gagner de 15 millions d'euros pour l'INRAP. Supprimons cet amendement Garrigue, voté une nuit de décembre 2002 a cinq heures du matin, qui a porté un coup fatal à l'INRAP ! Il est la preuve que le projet du Gouvernement est bien de démanteler l'archéologie préventive, et non de défendre le service public. La loi de janvier 2001 aurait pu être aménagée, vous avez préféré la casser.

M. Jean-Pierre Blazy - L'amendement 117 est identique. Cette réduction de 25 % du montant des deux redevances a mis en péril l'INRAP et a marqué le point de départ de l'offensive du Gouvernement et de sa majorité contre l'archéologie préventive. On risque d'aboutir à un service minimum dommageable pour le patrimoine et pour les archéologues.

M. le Rapporteur - Défavorable. L'adoption du projet de loi entraînera la suppression de cette double redevance. L'article 105 de la loi de finances devient donc sans objet.

Le projet renforce le service public de l'archéologie préventive, dont il assure le financement - ce qui n'était pas le cas de la loi de 2001.

Les amendements 44 et 117, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

ART. 12

M. le Ministre - L'amendement 125 vise à supprimer l'article 12, issu du vote du Sénat.

Cet article modifie l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme et introduit parmi les éléments que doivent contenir les documents d'urbanisme, les éléments d'information permettant d'assurer la sauvegarde du « patrimoine archéologique » de la commune.

Une telle obligation suppose que les communes aient une connaissance suffisante de leur patrimoine archéologique. Si un tel objectif est louable, à l'heure actuelle, la plupart des communes ne seront pas en mesure de satisfaire à cette obligation faute d'une connaissance suffisante d'un patrimoine archéologique.

Cet article fragiliserait les documents d'urbanisme et ferait courir à l'Etat et aux communes un vrai risque d'annulation contentieuse.

Les documents d'urbanisme comportent d'ailleurs déjà une obligation de protection du patrimoine bâti, qui englobe le patrimoine archéologique.

M. le Rapporteur - Favorable.

M. Noël Mamère - On a le sentiment qu'en proposant la suppression de l'article12 - suppression que nous approuvons - le ministre éprouve soudain un remords : il demande le retour de l'Etat après avoir défendu un projet qui ne cesse de l'affaiblir dans le domaine de l'archéologie préventive.

L'amendement 125, mis aux voix, est adopté et l'article 12 est ainsi supprimé.

SECONDE DÉLIBÉRATION

ART. 6

M. le Ministre - Par l'amendement 1, le Gouvernement propose de rédiger ainsi le II de cet article : « II. - Le montant de la redevance d'archéologie préventive est égal à 0,32 € par mètre carré. Ce montant est indexé sur l'indice du coût de la construction.

« La surface prise en compte est selon le cas :

« 1° les surfaces incluses dans les périmètres composant la zone pour les zones d'aménagement concerté ;

« 2° la surface du terrain d'assiette de l'opération faisant l'objet d'une autorisation ou d'une déclaration en application du code de l'urbanisme ».

M. le Rapporteur - Favorable.

M. Frédéric Dutoit - Le ministre nous avait dit qu'il ne voulait pas de projet de loi partisan. Mais pourquoi l'urgence, sinon par la volonté idéologique de remettre intégralement en cause la loi de janvier 2001 ?

M. le Président - Sur le vote de l'ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Jean-Pierre Blazy - Je regrette que le ministre fasse procéder à une seconde délibération. Vous-même, Monsieur le Président, avez, malgré toute l'estime que nous vous portons, voté pour empêcher la majorité d'être minoritaire. La majorité défend bien mal ce mauvais projet. L'opposition ne voulait pas remettre en cause ce qui reste une bonne loi, même si elle doit être aménagée. Il est navrant d'utiliser la procédure pour aboutir à un texte qui restera un mauvais texte et un mauvais coup porté à l'archéologie préventive.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

L'article 6 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Patrick Bloche - Nous arrivons au terme de cette discussion. Seul un de nos amendements, sur la date de l'évaluation de la loi, a été adopté, et je ne reviens pas sur la seconde délibération de l'article 6. Le dispositif de la loi du 17 janvier 2001 assurait la pérennité d'un grand service public de l'archéologie préventive, qui était une fierté pour notre pays et une référence incontestée pour les archéologues du monde entier.

Des propos peu amènes ont été tenus, notamment en commission des finances, à l'égard des archéologues de notre pays. Nous souhaitons leur rendre un hommage tout particulier. Ce sont des professionnels extraordinairement passionnés et compétents. Ils apportent beaucoup à ce bien collectif que représente pour notre nation la connaissance de nos origines et de notre histoire.

Déjà 500 à 600 CDD ont été supprimés compte tenu de la précarisation financière de l'INRAP, en grande partie induite par le vote de l'amendement à la loi de finances pour 2003. Au terme de cette discussion, contestant une nouvelle fois cette ouverture du marché des fouilles, cette privatisation rampante, nous voulons réexprimer nos regrets à une profession déjà troublée et inquiète de son avenir. Nous voterons contre ce mauvais projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre-Christophe Baguet - Ce matin, je déclarais que l'archéologie préventive n'a pas pour objectif de libérer des terrains, mais de produire de la connaissance.

En ce sens, elle sert l'intérêt général de notre communauté nationale, et non les intérêts particuliers.

Je voudrais, sur ce texte, exprimer des regrets, des satisfactions et formuler des espoirs.

Des regrets : après l'article premier a été adopté un amendement qui permet la réalisation anticipée des prescriptions de diagnostic et, faute de réponse dans un délai de deux mois, donne un chèque en blanc aux aménageurs.

Regrets encore s'agissant de la caducité des délais à l'article 2, puisque, à défaut de respect des délais par les opérateurs, un accord tacite permettra de faire cesser les diagnostics et les fouilles. Enfin, par mon vote sur l'article 6, j'ai voulu vous exprimer la réserve du groupe UDF.

Des satisfactions : à l'article 3, nous avons replacé l'Etat au c_ur du dispositif.

Satisfaction encore pour le vote à l'unanimité, à l'article 3, sur les travaux à engager dans les lotissements.

Satisfaction enfin, quant à l'obligation de rédaction conforme entre public et privé, et au traitement équitable réservé à tous les opérateurs, publics et privés, pour la rédaction des rapports.

Des espoirs : nous espérons que la CMP sera vigilante, que les nombreux renvois à décrets ne soient pas l'occasion d'un quelconque retour en arrière, et que notre pays se donnera les moyens d'une politique ambitieuse de l'archéologie préventive.

Pour toutes ces raisons, et par solidarité envers le ministre UDF de l'équipement, Gilles de Robien, nous nous abstiendrons.

M. Jean-Pierre Door - Je remercie les deux rapporteurs pour leur remarquable travail.

La loi de 2001 était difficilement applicable, sans parler de ses effets pervers qui ont abouti à une situation bloquée, dont se sont inquiétés souvent les élus locaux.

Ce texte permettra d'améliorer la gestion des délais et des coûts. Il simplifie la redevance, il renforce la qualité scientifique, il instaure la transparence, il vient en aide à l'INRAP. L'UMP le votera sans état d'âme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Frédéric Dutoit - Il y a entre nous des divergences de fond, parmi lesquelles l'ouverture au marché des fouilles, qui laisse la porte ouverte à une privatisation rampante.

La loi de 2001 est remise en cause sans justification, puisqu'un bilan devait en être dressé fin 2003. La déclaration d'urgence n'était pas de mise.

Au-delà, l'organisation même de l'archéologie préventive risque d'être démantelée. Les élus communistes et républicains seront toujours aux côtés des membres de cette profession. Le groupe des députés communistes et républicains votera contre ce projet.

A la majorité de 18 voix contre 11, sur 31 votants et 29 suffrages exprimés, le projet de loi est adopté.

M. le Ministre - Je remercie l'Assemblée nationale pour son remarquable travail, et plus particulièrement le groupe UMP qui a soutenu de manière constructive ce texte. Nous sommes aujourd'hui en mesure d'assurer un avenir serein à l'archéologie, et des conditions de travail plus équilibrées aux archéologues dont je salue les compétences et le dévouement.

La loi du 17 janvier 2001 a montré ses faiblesses et ses dysfonctionnements, et il appartiendra au Gouvernement, au terme du processus législatif, d'assurer à l'archéologie des conditions de fonctionnement convenables, en vue de servir la recherche et la connaissance du patrimoine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Je remercie toute l'Assemblée nationale pour cette séance très prolongée...

Prochaine séance lundi 7 juillet, à 10 heures.

La séance est levée à 22 heures 45.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU LUNDI 7 JUILLET 2003

A DIX HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Discussion :

- de la proposition de loi organique, adoptée par le Sénat (n° 936), portant réforme de la durée du mandat et de l'âge d'éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat ;

- de la proposition de loi, adoptée par le Sénat (n° 937), portant réforme de l'élection des sénateurs.

M. Jérôme BIGNON, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Rapport n° 1000)

(Discussion générale commune)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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