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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2002-2003 - 6ème jour de séance, 15ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 8 JUILLET 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION
      ET SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE (suite) 2

      ART. 2 (suite) 2

      ART. 3 18

      APRÈS L'ART. 3 20

      ART. 4 20

      ART. 5 23

      APRÈS L'ART. 5 25

      ART. 6 25

      APRÈS L'ART. 6 26

La séance est ouverte à quinze heures.

MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION ET SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France.

ART. 2 (suite)

M. le Président - Nous poursuivons la discussion sur les amendements 248 de M. Caresche et 302 de M. Braouezec, qui tendent à supprimer l'article 2.

M. Pierre Cardo - Quand nos collègues nous demandent de supprimer l'article 2, je me demande s'ils sont mus par l'angélisme - qui correspondrait mal aux positions de M. Braouezec - ou par d'autres sentiments. Comment peut-on trouver anormal que l'on tente de clarifier les conditions de délivrance des attestations d'accueil ?

Le dispositif antérieur, en partie mis en place par la gauche, donnait aux maires la possibilité de refuser de délivrer des certificats d'hébergement dans certaines conditions - que nous précisons simplement - lorsque l'hébergeant ne peut pas présenter les pièces justificatives requises, lorsqu'il ressort de la teneur de l'attestation et des justificatifs présentés que l'étranger ne peut être accueilli dans des conditions normales, ou en cas d'abus.

Dans ma cité, les demandes d'attestation d'accueil ont été multipliées par six, et beaucoup de mes concitoyens ne comprennent pas pourquoi autant de personnes résident en France sans papiers.

Il serait anormal que le maire, surtout au moment où l'on invoque tant la décentralisation et la territorialisation des politiques, soit le dernier concerné par cette délivrance, alors qu'il devra assumer les conséquence du maintien de cette population en situation irrégulière sur son territoire. Je pourrais citer l'exemple d'un foyer Sonacotra dans le Val-d'Oise qui a accueilli dans de simples chambres beaucoup de familles. Que faire, alors que tant de familles entrées régulièrement sur notre territoire y restent irrégulièrement ?

Je ne nie pas qu'il y ait des cas à étudier, mais cessons de nous autoflageller ! Les élus locaux que nous sommes sont capables d'exercer correctement un contrôle qui ne saurait être assimilé à du flicage, d'autant qu'un recours est possible devant le préfet, ce qui est une garantie contre le refus systématique de certains maires d'accorder des attestations.

M. Christophe Caresche - Il se trouve certainement des députés UMP qui, malgré leurs prises de position dans cet hémicycle, sont déjà intervenus auprès de préfets pour obtenir des papiers pour des personnes en situation irrégulière, mais les problèmes posés par tel maire socialiste quant à la délivrance de certificats d'accueil montrent que chacun doit balayer devant sa porte.

M. Mariani estime qu'il n'est pas très grave qu'une vingtaine de maires se distinguent en matière de délivrance de certificats d'hébergement. Cette situation est en fait fort inquiétante !

Permettez-moi de citer les propos d'un parlementaire, lors de l'examen de la loi Debré en 1997. « Si j'étais éditeur, je procéderais à l'impression d'un nouveau bottin des communes en fonction de la politique d'hébergement suivie par les maires. » « Cet ouvrage », poursuivait-il, « aurait un gros tirage dans tous les pays d'émigration. Aussi vous proposons-nous de rendre les préfets responsables de la délivrance des certificats ». « La politique de contrôle des flux migratoires », ajoutait-il, « est une responsabilité éminente de l'Etat. Le ministre de l'intérieur est le seul responsable car il est ministre et nous parlementaires. C'est pourquoi nous voulons donner compétence au préfet, représentant de l'Etat, seul à avoir accès à tous les services, et à pouvoir saisir le maire. Je ne connais pas de politique d'immigration à Vitrolles, à Saint-Denis, ou à Nantes. Il doit y avoir une politique nationale de l'immigration ». Et M. Griotteray d'ajouter : « C'est évident ».

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales - M. Griotteray, quelle référence !

M. Christophe Caresche - La prise de position qu'il approuvait était celle de M. Mazeaud et de M. Pandraud !

Vos propositions ne rendront pas service aux maires. Ainsi, à Paris, un maire d'arrondissement pourra être accusé de laxisme tandis qu'on reprochera à un autre de mener une politique limitative.

L'Etat est garant de l'égalité en ce domaine. Aussi avons-nous déposé un amendement pour qu'il revienne au préfet de délivrer le certificat d'hébergement.

M. le Ministre - M. Caresche est hors sujet, car il n'est nullement question de confier aux maires la politique de l'immigration. Voilà un raisonnement typiquement socialiste. Hier, vous pratiquiez l'égalité par le bas avec une politique laxiste qui laissait les maires signer les attestations d'accueil sans les vérifier. Aujourd'hui, nous accordons aux maires, élus au suffrage universel, le droit de demander une vérification par des organismes qualifiés. En quoi est-ce choquant ?

M. Pierre Cardo - Le contrôle est liberticide !

M. le Ministre - Cessez de fantasmer sur une localisation de la politique d'immigration ! Les maires, quand ils signeront un document, auront simplement le droit - j'allais dire le devoir - de vérifier qu'il correspond à la réalité. C'est la justice républicaine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Braouezec - Permettez-moi deux précisions. Il n'est pas question pour nous, Monsieur le ministre, de jeter la suspicion sur des élus de la République, mais il est vrai que lorsque la loi se prête à l'interprétation et permet l'arbitraire de la part des maires, on peut s'interroger sur l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire.

Nous ne voulons donner de leçons à personne, mais avec ce texte, l'arbitraire existera.

Enfin, il s'agit d'un débat quelque peu hypocrite, car peu importe que soient signées 200, 300 ou 700 000 attestations d'accueil : ce qui compte, c'est la délivrance des visas.

M. Noël Mamère - Nous défendons le principe d'égalité de tous devant la loi ; cet article 2 ouvre la voie à l'arbitraire des maires et à l'exercice des traitements discriminatoires selon que l'on se trouve à Vitrolles ou ailleurs. C'est pourquoi nous nous opposons aux propositions du rapporteur et du Gouvernement. Faire passer les parlementaires de l'opposition pour des gens qui soupçonnent les élus, c'est leur intenter un mauvais procès.

M. le ministre nous disait ce matin que la légitimité des associations ne peut se substituer à celle des urnes. Mais vous laissez entendre que l'opposition serait sous la coupe des associations. Nous voulons simplement encourager la vitalité démocratique, qui suppose que les contre-pouvoirs puissent s'exprimer pour nous aider à rester fidèles à l'intérêt général.

Je suis d'accord avec notre collègue Caresche : cette compétence relève des fonctions régaliennes de l'Etat.

M. Claude Goasguen - Le préfet intervient !

M. Noël Mamère - Seul l'Etat peut assurer l'égalité de tous devant la loi. Vous dites qu'il faut moins d'Etat, nous préférons mieux d'Etat.

Ainsi, dans ma commune de Bègles, il n'y aura jamais de police municipale tant que je serai maire : il appartient à l'Etat, et non aux petits shérifs locaux que peuvent devenir les maires, d'assurer l'ordre public.

M. Jean-Christophe Lagarde - Pardonnez, Monsieur Mamère, à un petit shérif local qui a créé sa police municipale de ne pas avoir l'impression de bafouer l'égalité républicaine... Si vous êtes réélu à Bègles sans que vos électeurs éprouvent le besoin d'avoir une police municipale, tant mieux pour vous : j'aimerais avoir la même chance.

M. Caresche tient un raisonnement logique : il ne souhaite pas que les certificats d'hébergement, désormais appelés attestations d'accueil, donnent lieu à une vérification. Que l'on accueille trois personnes dans une chambre de foyer Sonacotra qui en héberge déjà huit, ne le dérange pas. Il souhaite renvoyer la responsabilité au préfet. Mais le préfet de la Seine-Saint-Denis, par exemple, ne peut connaître la taille de tel ou tel logement de son département ! Vous refusez le contrôle, nous en voulons un.

A vous entendre, la plupart des maires seraient soit des irresponsables, soit des fachos.

Mais c'est sur les 36 500 maires, jugés tous les jours par leurs concitoyens, que repose la démocratie française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

Quand nous marions quelqu'un ou refusons de le marier - parce que la loi nous fait obligation de vérifier la réalité de l'intention matrimoniale - n'est-ce pas de l'arbitraire ? Un enfant mort-né ne peut en principe être inhumé. Pourtant certains maires l'acceptent. Il y a donc inégalité ! Et que dire des permis de construire ? Nous savons tous qu'un POS est sujet à interprétation.

Au nom de la recherche de l'égalité, on risque de créer des situations inextricables.

Depuis mars 2001, nous sommes passés de 120 000 à 700 000 attestations d'accueil. En demandant simplement aux employés de ma mairie d'interroger les demandeurs, j'ai obtenu que le nombre de demandes passe de plus de 6 000 à 3 600. Parce qu'une vingtaine de maires risquent de mal appliquer la loi, il faudrait, selon M. Caresche, retirer tout pouvoir de contrôle aux maires. Mais que nous soyons aujourd'hui des milliers à attester sans vérifier et à voir la loi foulée aux pieds ne le gêne pas ! Je préfère vingt exceptions que des milliers de maires qui font n'importe quoi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois - Je ne comprends pas votre suspicion à l'égard des maires. On ne peut pas à la fois plaider pour la démocratie locale et refuser de faire confiance à des gens qui se demandent tous les six ans s'ils seront réélus, préférant se fier à des responsables d'associations ou des fonctionnaires. Monsieur Caresche, les maires, lorsqu'ils signent ces certificats, agissent au nom de l'Etat. Du reste, un recours est possible auprès du préfet. Maurice Giro, maire de Cavaillon, Maryse Joissains-Masini, maire d'Aix ou moi-même, maire de Valréas, sommes volontaires pour signer des attestations : nous nous sentons responsables de ce qui se passe dans nos communes. Aussi vérifions-nous au moins que les conditions d'accueil sont remplies.

Monsieur Braouezec, le nombre d'attestations d'accueil qui circulent a son importance. Je déteste faire des choses qui ne servent à rien, et refuse que toutes ces attestations viennent encombrer inutilement nos consulats.

Enfin, Monsieur Mamère, la vitalité démocratique s'exprime autant du fait des maires que grâce aux responsables d'associations. Pour les quelques maires qui pourraient abuser de leur pouvoir, un recours est prévu auprès du préfet. Je proposerai par un amendement de réduire à un mois le délai de réponse du préfet. Toutes les garanties sont donc prises (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Etienne Pinte - Monsieur Caresche, vous avancez, dans l'exposé des motifs de votre amendement, que « les certificats d'hébergement n'ont jamais montré leur efficacité en matière de lutte contre l'immigration clandestine ». Mais c'est l'ancienne majorité qui a confié le contrôle des certificats d'hébergement aux maires. On peut certes se demander s'il ne serait pas préférable qu'il soit assuré par l'Etat. Mais alors pourquoi ne l'avez-vous jamais proposé ?

La grande majorité des maires souhaitent aujourd'hui contrôler, aux côtés des préfets, les certificats d'hébergement, comme ils assument, sauf peut-être à Bègles, des responsabilités en matière de sécurité avec la police municipale, ou encore l'instruction des demandes de cartes d'identité ou de passeports. C'est un choix qui a été fait démocratiquement. Quoi qu'il en soit, nous devons respecter la loi et la faire respecter. Si je ne m'étais pas intéressé aux attestations d'accueil, je n'aurais pas démantelé dans ma commune une filière kazakhe d'immigration clandestine.

Tous nos collègues ont connu de telles situations. Pour respecter la loi, il faut contrôler son application.

M. Serge Blisko - Je suis surpris. Comparer les attestations d'accueil, qui touchent à la vie des habitants de la commune, fussent-ils étrangers, et la paperasserie des documents d'urbanisme est malvenu.

Vous nous dites, Monsieur Cardo, que les attestations d'accueil ont été multipliées par six dans votre commune. Qu'allez-vous donc faire ?

M. Pierre Cardo - Ce que je faisais avant.

M. Serge Blisko - Vous fixerez-vous une limite ? Vous direz-vous « A 1 000, à 1 500, j'arrête » ?

M. Pierre Cardo - Je pose des questions.

M. Serge Blisko - A un moment ou à un autre, vous devrez passer par des organismes de contrôle que vous ne maîtrisez pas : votre cabinet, le CCAS... Vous allez leur confier des tâches trop complexes. Un contrôle qui n'est pas assorti de moyens ne peut être effectif.

Puisque l'attestation d'accueil ne vaut pas visa d'entrée, reconnaissons qu'elle est inutile.

M. le Rapporteur - C'est vous qui l'avez instaurée !

Les amendements 248 et 302, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Christophe Caresche - En 1997, lorsque M. Debré a proposé que ce soient les maires qui délivrent les certificats d'hébergement, MM. Mazeaud et Pandraud, qui avaient peut-être davantage le respect de la République que la majorité actuelle, ont refusé en expliquant que cette décision relevait du préfet. Ne nous intentez donc pas un procès injustifié !

Il est vrai qu'en 1998, la loi RESEDA a donné aux maires un pouvoir d'appréciation limité, mais nous ne prétendons pas que cette disposition soit très satisfaisante et c'est pourquoi, par l'amendement 249, nous proposons, dans l'esprit du rapport Weil, que ces certificats ne soient délivrés par eux que si l'OMI rend un avis positif après vérification ; dans le cas contraire ou en cas de refus du maire, il appartiendra au préfet de trancher. Nous offrons ainsi aux demandeurs des garanties supérieures à celles que donne le projet, qui ne prévoit qu'un recours devant le préfet, recours qui risque d'être peu utilisé faute d'information.

L'amendement maintient donc le rôle des maires, mais permet aussi un contrôle effectif de l'Etat, ce qui évitera des dérives. Et si M. Bompard, à Orange, interprète cette disposition de façon restrictive, les étrangers auront au moins l'assurance que leur demande sera examinée une deuxième fois (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Une fois de plus, vous déniez aux maires, pourtant les mieux placés pour cela, la capacité de juger de la validité de ces demandes ! Quant au recours au préfet, les amendements de la commission le permettent, et cela dans un délai d'un mois, soit moins qu'il n'est usuel d'accorder.

D'autres amendements de la commission reconnaissent la compétence des agents des services sociaux communaux, ce qui assurera aux maires des moyens concrets de vérification, en sus des contrôles effectués par l'OMI.

Mais je me réjouis que vous demandiez un paiement pour la délivrance de ces certificats et attestations : vous verrez que j'ai déposé un amendement visant la même fin et fixant d'ailleurs les mêmes tarifs !

M. le Ministre - Même avis.

M. Claude Goasguen - Monsieur Caresche, les articles de la loi Chevènement relatifs au certificat d'hébergement et au contrôle du préfet obéissaient à une intention politique nette : il s'agissait, sous couvert de maîtrise de l'immigration, de ne plus contrôler du tout ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Les préfets ne devaient vérifier que les cas les plus évidemment douteux. Le résultat ne s'est pas fait attendre : pendant cinq ans, nous avons assisté à une inflation d'attestations et de certificats. Cessez donc d'invoquer cette loi marquée du sceau de l'échec ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Christophe Lagarde - S'il vous paraît si scandaleux que M. Bompard puisse refuser de signer des attestations d'accueil, Monsieur Caresche, que n'excluez-vous tel maire socialiste d'Essonne qui est obligé de faire de même parce que la loi actuelle est tout simplement absurde ? Il est consternant que nous ne puissions tous reconnaître que les maires sont contraints à faire des choses qu'ils ne peuvent expliquer tant elles sont idiotes !

Peut-être le préfet de l'Aveyron, pour prendre celui-là au hasard, a-t-il les moyens d'effectuer certaines vérifications, mais il serait bien impossible à ceux de la Seine-Saint-Denis ou de Paris de faire face à la masse de ces demandes. Mais, si l'on vous suit, ce sera n'importe quel employé de la préfecture qui apposera un tampon sans rien connaître à la situation, et ce sera encore bien pire que si c'était un employé des collectivités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Quant à juger des conditions d'hébergement, croyez-vous que les préfets sont mieux outillés pour cela que les maires ? Pourtant, vous leur en faites obligation...

L'amendement 249, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 49 précise que, pour la délivrance d'un visa, le justificatif d'hébergement ne sera exigé que « dans le cadre d'une visite familiale ou privée ». Les visites de tourisme et d'affaires ne sont donc pas concernées, non plus que les séjours pour études.

M. Christophe Caresche - On voit que vous faites confiance aux maires !

L'amendement 49, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 50 est rédactionnel.

L'amendement 50, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Kossowski - L'amendement 181 tend à obliger l'hébergeant à verser une caution financière. Comme maire, je suis sollicité par des personnes de bonne foi qui souhaitent que je les aide à obtenir un visa de court séjour pour un étranger qu'elles souhaitent accueillir chez elles. Très souvent, ce visa est refusé et lorsque ces personnes s'en étonnent, j'explique que cette politique restrictive est le résultat de fraudes multiples, de nombreux étrangers se maintenant sur notre territoire au-delà de la période de validité de leur visa. Mes interlocuteurs me demandent alors pourquoi on n'exige pas d'eux le dépôt d'une caution, garantissant le retour de leurs invités dans leur pays d'origine.

De fait, ce dispositif éviterait les détournements de l'attestation d'accueil et dissuaderait certains de solliciter quinze autorisations en quinze jours. L'immigration clandestine se trouverait ainsi limitée, ce qui permettrait en contrepartie de délivrer plus facilement des visas de court séjour et de rester fidèles à notre tradition d'accueil.

M. le Rapporteur - L'objectif est louable, mais l'amendement est contraire aux dispositions de la convention de Schengen. Je vous suggère donc de le retirer au profit d'un amendement à venir de la commission, qui vise le même but sans présenter le même inconvénient.

L'amendement 181 est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 51 est rédactionnel.

L'amendement 51, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Etienne Mourrut - En responsabilisant financièrement l'hébergeant, on devrait parvenir à faire mieux respecter les dates limites de départ et donc à réduire l'immigration clandestine. L'amendement 418 vise donc à mettre à sa charge les frais de séjour et, éventuellement, de rapatriement, cela non dans un esprit répressif mais afin d'assurer l'efficacité du dispositif en sanctionnant l'inexécution des règles légales (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Avis favorable : cet amendement répond au v_u de M. Kossowski et, de plus, complète les dispositions adoptées avant l'article premier, qui ont modifié l'article 5 de l'ordonnance de 1945 pour exiger une attestation de couverture médicale.

M. Christophe Caresche - Cet amendement fait partie d'une série qui montre bien les intentions de la majorité, à savoir empêcher un étranger vivant en France de recevoir sa famille ou ses amis (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). C'est une remise en cause d'un droit reconnu tant par la convention européenne des droits de l'homme que par la Constitution française : le droit à une vie privée et familiale. Je ne comprends pas que la commission accepte cet amendement. Pour notre part, nous nous y opposons très fermement.

M. Noël Mamère - Vous allez peut-être me trouver excessif...

Plusieurs députés UMP - On a l'habitude !

M. Noël Mamère - ...mais je trouve cette série d'amendements vraiment caricaturale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Comment pouvez-vous prétendre que vous réformez l'ordonnance de 1945 - pour la trente-huitième fois ! - dans un sens d'ouverture, d'humanité et de tolérance, alors que ce qui est proposé ici revient pratiquement à hypothéquer les biens de ceux qui osent héberger des étrangers ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Je soutiens quant à moi l'initiative des artistes et intellectuels qui déclarent héberger des étrangers et je me réjouis qu'il y ait des associations pour nous pousser à faire passer l'intérêt général avant l'égoïsme. Vos propositions sont indignes de la tradition française ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Claude Goasguen - Si nous modifions souvent l'ordonnance de 1945, Monsieur Mamère, c'est tout simplement parce que le monde lui aussi évolue et que l'immigration est un phénomène complexe qui évolue avec lui.

Cet amendement organise une responsabilité individuelle vis-à-vis de l'immigration. Nous en avions proposé un semblable lors de la discussion de la loi Chevènement. Nous avions en effet constaté que certains bons esprits se déclaraient très favorables à l'immigration, à condition bien sûr de n'être aucunement responsable de ses conséquences. On avait vu ainsi des cinéastes, des écrivains, des acteurs proposer leurs services par voie de presse, mais lorsque j'avais proposé la formule concrète du tutorat, il n'était pas resté grand-chose de l'élan de toutes ces personnes au grand c_ur.

A cet amendement, je mettrai toutefois un bémol, dans la mesure où ses conséquences juridiques ne sont pas assez claires. Il faudra que les juristes du ministère disent jusqu'où va la responsabilité de l'hébergeant. Quoi qu'il en soit, l'idée de responsabiliser ceux qui se contentent de belles paroles constitue un progrès démocratique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 418, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 52 est rédactionnel.

L'amendement 52, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Cardo - Compte tenu du vote de l'amendement 418, je retire l'amendement 360.

M. Noël Mamère - Je voudrais dire à M. Goasguen, qui vilipende les artistes irresponsables, que si le ministre de l'intérieur a aménagé la double peine, c'est bien parce qu'un certain nombre d'artistes, comme M. Tavernier ou M. Bedos, ont su le convaincre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Quant au parrainage, nous sommes un certain nombre d'élus à le pratiquer pour des sans-papiers et à assumer nos responsabilités...

M. Claude Goasguen - Ça ne vous coûte pas cher !

M. Pierre Cardo - Combien de contrats de parrainage signés ?

M. Noël Mamère - Notre amendement 218 tend à supprimer l'alinéa qui dit que l'hébergeant devra justifier de « conditions normales » de logement, celles-ci pouvant être vérifiées par les services de l'OMI. Il s'agit en effet d'un retour pur et simple aux dispositions de la loi Pasqua.

M. le Rapporteur - La commission est évidemment défavorable à la suppression de la possibilité de vérifier si les conditions de logement sont normales.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 218, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 53 est rédactionnel, de même que le 54 et le 55.

Les amendements 53, 54 et 55, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Noël Mamère - Le projet de loi donne au maire la possibilité de demander aux services de police ou de gendarmerie d'enquêter sur d'éventuels détournements de procédure au vu des attestations antérieures signées par l'hébergeant. La mise en _uvre de cette disposition semble forcément impliquer la création d'un fichier d'hébergeants. Sinon, comment garder la mémoire des « attestations antérieures signées par l'hébergeant » et établir le détournement de procédure ?

Dans la pratique, l'introduction d'une telle disposition va amener une rupture du principe d'égalité devant la loi. Elle pourrait conduire certains maires à refuser systématiquement et en toute légalité la délivrance d'attestation d'accueil. C'est pourquoi notre amendement 219 tend à la supprimer.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, car la jurisprudence admet déjà le détournement de procédure comme un motif valable de refuser de certifier une attestation d'accueil. Vous verrez par ailleurs que l'amendement de la commission encadre de façon stricte le fichier et répond donc à vos craintes.

M. le Ministre - Même avis.

M. Serge Blisko - Nous entrons là dans une logique policière un peu folle. Voici en effet que l'on va créer un fichier des hébergeants !

Imaginons que vous hébergiez votre cousine pour un mois, après avoir fait pour elle un dépôt de garantie - où ?, sans doute à la Caisse des dépôts. Faudra-t-il ensuite que vous l'accompagniez à l'aéroport et que vous vérifiez qu'elle a bien franchi le portillon ? Tout cela est inapplicable et contraire à la Constitution.

M. Patrick Braouezec - L'article 2, à lui seul, créait déjà une rupture d'égalité devant la loi. Mais les amendements adoptés aggravent encore la situation : toute une population pauvre se voit dénié de fait le droit d'accueillir de la famille ou des amis. C'est pourquoi je soutiens l'amendement de M. Mamère.

Un mot enfin à M. Goasguen qui a reproché aux artistes, aux intellectuels  - il faisait sans doute allusion à ce qu'il appellerait les « bobos » - qui ont soutenu les sans-papiers de ne pas s'être investis personnellement auprès de ces personnes et en définitive, de n'avoir pris tout cela qu'à la légère. Eh bien, qu'il sache que beaucoup de parrains et de marraines, notamment dans ma commune, ont vraiment payé de leur personne et accompagné les sans-papiers dans leurs démarches auprès d'une administration tatillonne (Protestations de M. Goasguen).

M. Jean-Christophe Lagarde - Certains s'indignent de la constitution d'un fichier des hébergeants. Mais ont-ils compris que si c'est le préfet qui contrôle les attestations d'accueil, rien n'est possible sans fichier, alors que si ce sont les maires, point n'est besoin de fichier ? Nous sommes de nombreux maires ici, et ce n'est pas notre collègue Cardo qui me démentira, à savoir parfaitement où se concentrent dans nos communes les principaux demandeurs d'attestations d'accueil...

Enfin, Monsieur Blisko, à quoi servent ces attestations si ce n'est, précisément, à savoir où la personne qui en a bénéficié se trouve à un moment donné, alors que l'entrée et la sortie du territoire national relèvent, elles, des visas ? Je ne connais pas de pays au monde où il ne soit pas demandé à l'entrée sur le territoire à quelle adresse on résidera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Serge Blisko - Mais l'hôtelier qui vous héberge ne risque pas d'être condamné si vous partez sans dire où vous allez !

M. le Ministre - S'agissant des fichiers d'hébergeants, la question a été tranchée une fois pour toutes après que le Conseil constitutionnel en a autorisé la constitution dans une décision de 1997. La CNIL elle-même a admis ces fichiers.

Certains dénoncent une prétendue rupture d'égalité devant la loi. Cela n'a aucun sens car toute décision de refus sera soumise au préfet, lequel pourra parfaitement la déclarer infondée, si tel est le cas. Et quoi qu'il en soit, sa décision pourra elle-même faire l'objet d'une contestation devant le tribunal administratif.

Autant je ne vous accuse pas de vouloir protéger les filières d'immigration clandestine, autant je vous demande de ne pas nous faire de procès d'intention. Vous savez pertinemment que des maires issus de vos rangs, je pense en particulier à celui de Massy, refusent de signer des attestations d'accueil. Nous souhaitons seulement que ces attestations servent à ce pour quoi elles sont prévues et que les filières ne puissent s'en prévaloir. En quoi cela porterait-il atteinte aux droits de l'homme ? Ce qui est beaucoup plus contraire à ces droits, me semble-t-il, est bien que des filières d'immigration clandestine puissent faire entrer sur le territoire national des personnes qui ne pourront y être hébergées dans des conditions décentes. Rassemblons-nous sur ce point qui paraît de bon sens. Si nous ne parvenons pas à nous mettre d'accord là-dessus, c'est à désespérer d'un accord sur quelque point que ce soit en matière d'immigration (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Claude Goasguen - Je souhaite répondre à M. Braouezec qui m'a mis en cause personnellement. Je me défends de tout amalgame. Il est vrai que des intellectuels, des artistes...

M. Patrick Braouezec - Et beaucoup d'autres gens du peuple !

M. Claude Goasguen - ...se sont efficacement mobilisés, notamment contre la double peine et que la majorité, après le ministre de l'intérieur, a entendu leurs arguments. Cela n'a rien à voir avec les parrainages républicains de 1997, évoqués par M. Mamère, lesquels n'étaient, excusez le terme, que franche rigolade ! Pour ma part, lorsque je parle de parrainage, je l'entends au sens où cela se pratique aux Etats-Unis, où les parrains s'investissent réellement, acceptant même une responsabilité civile et pénale pour le compte d'un immigrant. Je ne parle pas de ces personnes qui se rendent épisodiquement auprès de sans-papiers en Seine-Saint-Denis avant de retourner dans leurs hôtels particuliers du VIIe ou du XVIe arrondissement et d'en fermer soigneusement les portes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christophe Caresche - Le projet de loi initial rétablissait le contrôle des attestations d'accueil par les maires, étant entendu que l'OMI pouvait visiter le domicile de l'hébergeant et qu'il existait un recours administratif en cas de refus de validation de l'attestation. Or, l'adoption des derniers amendements dénature profondément le texte. Ainsi sera bien créé dans chaque commune un fichier des hébergants, lequel, pour n'être pas contraire aux principes constitutionnels, n'en doit pas moins être constitué dans des conditions très précises. Ce qui nous gêne, nous, est que la maîtrise de ces fichiers soit confiée aux maires.

Un autre amendement, déposé par M. Kossowski, prévoit le dépôt d'une caution.

M. le Rapporteur - Mais non !

M. Christophe Caresche - Et, si un amendement ultérieur est adopté, les services municipaux, et non plus seulement l'OMI, pourront contrôler les conditions d'hébergement.

On le voit, le Gouvernement a cédé à sa majorité qui ne voit dans les certificats d'hébergement qu'un moyen de renforcer de manière dissimulée le contrôle de l'immigration (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur - M. Kossowski a retiré son amendement. Quant à l'amendement 418 de M. Ferrand, il ne prévoit pas de caution, mais seulement un engagement moral de l'hébergeant. Je rappelle d'ailleurs que les accords de Schengen interdisent d'exiger le dépôt d'une caution.

L'amendement 219, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 56 devrait faire l'unanimité. Il précise que l'enquête demandée aux services de police - afin que celle-ci ne soit pas diligentée systématiquement mais bien réservée aux cas les plus douteux- n'est demandée que « le cas échéant » par le maire, au vu des attestations antérieurement délivrées à l'hébergeant.

L'amendement 56, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 57 est rédactionnel.

L'amendement 57, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Cardo - Le texte dispose que les maires peuvent refuser de valider une attestation d'accueil en cas de « détournement de la procédure », expression bien vague. Nous préférerions qu'il soit expressément indiqué que, lorsqu'une personne hébergée sur la base d'une précédente attestation d'accueil demandée par un hébergeant n'a pas quitté le territoire national dans les délais prévus, celui-ci, non plus qu'aucune membre de sa famille, ne peut obtenir de nouvelle attestation d'accueil pendant cinq ans. Tel est le sens de notre amendement 369.

M. Baroin remplace M. Le Garrec au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. François BAROIN

vice-président

M. le Rapporteur - Avis défavorable car l'hébergeant ne saurait être tenu pour responsable des agissements de l'hébergé, dont il n'a pas nécessairement connaissance.

M. le Ministre - Même avis. Notre projet doit être ferme et équilibré ; or cet amendement revient à punir quelqu'un pour une faute qui n'est pas la sienne.

M. Serge Blisko - Je me réjouis que le rapporteur et le ministre mettent un frein à la dérive très inquiétante à laquelle nous sommes en train d'assister. On a déjà beaucoup chargé la barque cet après-midi, avec l'assurance obligatoire pour les frais médicaux, avec l'engagement sur l'honneur de l'hébergeant, avec le fichier... Les familles régulièrement installées dans notre pays ne vont plus oser aller à la mairie quand une cousine doit venir pour un mois ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Claude Goasguen - Connaissez-vous le XIIIe arrondissement, Monsieur Blisko ?

M. Serge Blisko - Mais oui, chers collègues, c'est ainsi : des personnes en situation régulière vont être soumises à des tracasseries administratives et policières sous prétexte qu'elles veulent recevoir quelqu'un (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre - Je ne laisserai dériver le débat ni dans un sens, ni dans un autre. Monsieur Blisko, la mesure relative à l'assurance médicale est en vigueur en Allemagne, qui est dirigée par une alliance entre socialistes et verts. L'engagement sur l'honneur de l'hébergeant de faire face aux frais d'existence de l'hébergé au cas où celui-ci n'aurait plus les moyens d'y subvenir n'a rien à voir avec une caution, laquelle est une somme d'argent qu'on oblige quelqu'un à mettre de côté et qu'il perd si la condition n'est pas levée et c'est une mesure qui est en vigueur en Allemagne, en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas. Si vous réprouvez ces mesures, n'allez plus à l'Internationale socialiste européenne !

Je connais la technique qui consiste à prendre des postures pour exciter certains de ses adversaires. Que personne ne provoque personne, et le débat ira beaucoup mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Grand - L'immense majorité des maires, à gauche comme à droite, réclame un contrôle des certificats d'hébergement. Pour bien convaincre mes collègues de gauche, je peux leur montrer un article émanant d'une mairie de gauche, celle de Montpellier, qui dénonçait il y a quelques mois l'établissement de 520 faux certificats d'hébergement - lesquels ont permis à autant de personnes d'entrer illégalement et de rester sur notre territoire !

M. Christophe Caresche - Mais non ! Le certificat d'hébergement ne donne pas droit à un visa !

M. Pierre Cardo - Je n'ai pas l'habitude d'être excessif dans mes propos et je souhaite que le débat reste serein. Evitons les procès d'intention. Si j'ai déposé cet amendement, c'est parce que nous sommes ici un certain nombre à avoir observé des détournements de procédure. Pendant trop longtemps, il n'y a eu aucun contrôle ; j'espère que désormais la loi sera mieux appliquée.

Compte tenu des propos du ministre, je retire mon amendement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous verrons ultérieurement s'il est nécessaire de modifier la loi.

M. Patrick Braouezec - Je me réjouis de ce retrait mais force est de constater que les deux amendements qui ont été votés font droit à l'arbitraire et pénalisent les populations les plus pauvres.

M. Pierre Cardo - Il n'y a pas que des pauvres qui demandent des certificats d'hébergement !

L'amendement 369 est retiré.

M. le Rapporteur - Pour faciliter les contrôles et améliorer l'efficacité du dispositif, l'amendement 58 tend à étendre aux agents des services sociaux des communes la possibilité de procéder aux vérifications des renseignements portés sur l'attestation d'accueil. Comment en effet les agents de l'OMI pourraient-ils vérifier sérieusement et rapidement 730 000 attestations d'accueil ?

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Christophe Caresche - Monsieur le ministre, nous ne provoquons personne mais nous sommes obligés de constater qu'un certain nombre d'amendements viennent durcir votre projet, en particulier celui-ci. Chaque certificat d'hébergement fera l'objet d'une taxe de 15 € au profit de l'OMI ; celui-ci aura donc les moyens d'effectuer les contrôles nécessaires.

Une fois de plus, Monsieur Mariani, vous cédez à la pression de certains maires qui veulent s'affranchir de la tutelle de l'Etat et procéder eux-mêmes aux contrôles ! C'est malsain et dangereux : des étrangers ne pourront pas faire venir leur famille ou leurs amis parce que le maire, pour des raisons purement idéologiques, refusera la délivrance du certificat d'hébergement ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - Vous êtes soupçonneux non seulement vis-à-vis des maires, mais encore vis-à-vis des services sociaux des mairies... Franchement, qui connaît le mieux la situation sociale des familles : les assistantes sociales de la mairie ou les services de l'OMI ?

La solution que nous proposons a, en outre, l'avantage de la rapidité : comment 730 000 demandes pourraient-elles être traitées par une centaine d'employés de l'OMI ?

M. Patrick Braouezec - Les agents des services sociaux sont, pour la plupart, sous la responsabilité du département, même si certaines compétences de celui-ci peuvent, comme à Saint-Denis, être assurés par la commune.

M. Nicolas Perruchot - Et les CCAS ?

M. Patrick Braouezec - Il n'y en a pas partout ! S'agissant par ailleurs des assistantes sociales, cinq des dix-sept secteurs que compte ma commune ne sont pas pourvus ! Elles risquent d'être confrontées, de surcroît, à un problème de déontologie et de secret professionnel. Rien ne permet d'affirmer qu'elles accepteront d'exercer une tâche de contrôle, et je ne vois pas comment on pourrait les y contraindre.

M. le Rapporteur - Chaque mairie a son service social, auquel je fais davantage confiance en la matière - quelle que soit la couleur politique du maire - qu'aux services de l'OMI, qui ont vocation à s'occuper de tout un département. En revanche, si les travailleurs sociaux refusent de se rendre dans tel ou tel secteur, l'OMI prendra le relais.

M. Noël Mamère - Il me semble également que les assistantes sociales, pour des raisons déontologiques, refuseront de remplir une mission qui ne correspond ni à leur formation, ni à leur rôle. Les personnels des services sociaux de nos communes ont trop à faire contre l'exclusion et la pauvreté pour se livrer, de surcroît, à un travail de flic ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre - Vos propos, je vous l'ai déjà dit, sont insultants pour les fonctionnaires de la police républicaine française, et je suis sûr que vous ne manquerez pas de leur présenter des excuses (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Noël Mamère - J'ai été l'un des seuls, en début d'après-midi, - mais peut-être aviez-vous mieux à faire que d'écouter (Protestations sur les bancs du groupe UMP) - à défendre les fonctions régaliennes de l'Etat, et à me prononcer contre la création de polices municipales. Si, pour être franc, j'ai quelques doutes sur la coïncidence entre l'arrestation d'Yvan Colonna et le référendum de dimanche (Protestations sur les bancs du groupe UMP), je tiens à réaffirmer notre refus d'une amnistie pour les auteurs de crimes de sang. Quant au terme de « prise d'otage » que j'ai employé, je le regrette et m'en excuse auprès de Mme Erignac.

M. François d'Aubert - L'amendement du rapporteur est d'autant plus légitime qu'il correspond aux missions des maires. M. Caresche l'ignore sans doute, mais des règlements municipaux d'hygiène et d'urbanisme donnent compétence aux maires pour contrôler l'état des logements. Or, le contrôle exercé sur la délivrance des certificats d'hébergement consiste, notamment en une vérification du nombre de pièces et de leur état sanitaire.

Vous soupçonnez a priori les maires, et remettez en cause la conscience professionnelle des services municipaux, notamment des services sociaux qui accomplissent un travail remarquable. C'est scandaleux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Christophe Lagarde - Pourquoi, lorsqu'un maire signe une attestation d'accueil, devrait-il s'en remettre aveuglément à l'OMI, dont les services sont, par ailleurs, débordés ? Ce matin encore, je lisais un avis favorable de l'OMI à la demande d'une personne qui, avec 78 € de revenus par mois, demandait à faire venir son enfant ! Ne me dites pas que le contrôle a été fait dans de bonnes conditions !

Il n'y a rien de choquant à ce que les maires exercent ce contrôle, sauf à présupposer qu'ils seront 36 500 maires à suivre l'exemple isolé de celui que vous ne cessez de citer !

Enfin, si M. Braouezec suppose que les assistantes sociales ne se prêteront pas au jeu, je crois pour ma part qu'elles se montreront plus libérales dans l'appréciation des conditions d'hébergement, que l'OMI, tributaire des directives gouvernementales.

M. Jacques-Alain Bénisti - Ce débat devrait avoir lieu, me semble-t-il, entre maires confrontés quotidiennement à ces problèmes. MM. Blisko et Caresche, élus de Paris, parlent de ce qu'ils ne connaissent pas (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et nous envoient à nous, maires de communes de la petite et la grande couronnes, des immigrés en situation difficile, dont nous devons assumer la charge (Mêmes mouvements).

Le maire de Saint-Denis, en revanche, a soulevé avec raison le problème du secret professionnel, et il nous faudra y réfléchir d'ici la seconde lecture.

M. Serge Blisko - Vous n'avez pas le monopole du traitement de la pauvreté, de la misère, et de l'immigration ! Les élus parisiens sont aussi confrontés à ces difficultés - sauf peut-être dans le XVIe arrondissement... (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Claude Goasguen - Occupez-vous plutôt de la communauté chinoise du XIIIème arrondissement !

M. Serge Blisko - Nous sommes tous élus par une population diversifiée, épargnez-nous, de grâce, vos leçons !

L'amendement 58, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 59 est rédactionnel.

L'amendement 59, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Noël Mamère - L'amendement 220 tend à supprimer la disposition qui subordonne la contestation du refus de validation d'une attestation d'accueil devant le tribunal administratif à un recours hiérarchique préalable devant le préfet dans un délai de deux mois. Il s'agit, une fois de plus, d'un régime d'exception pour les étrangers (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Alors que le droit commun autorise l'administré à saisir d'emblée le juge, l'étranger se verra imposer de saisir préalablement le préfet, ce qui allongera les délais de procédure. Cette nouvelle disposition empêchera en outre les personnes qui se voient refuser un visa de saisir le juge en urgence dans le cadre d'un référé administratif. Nous ne demandons qu'un alignement sur le droit commun.

M. André Gerin - L'amendement 303 est un amendement de repli. Il vise à supprimer l'obligation de recours devant le préfet avant le recours contentieux pour refus d'attestation d'accueil. Il s'agit de permettre une contestation efficace et rapide des refus par la procédure du référé.

L'article 2 multiplie les obstacles à la délivrance de l'attestation d'accueil. Le fait que les maires puissent la refuser est facteur d'inégalités et de discriminations. Le nombre élevé des demandes s'explique par les refus répétés de visas, qui conduisent les familles à présenter jusqu'à cinq ou six demandes successives d'attestation.

Il faut le redire : moins de visas, c'est plus de sans-papiers. Voilà qui démontre la logique absurde de ce projet, qui, en restreignant la délivrance de visas, et en réduisant les possibilités de visites familiales, encourage le maintien des situations irrégulières et renforce les filières de passeurs (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Il ne s'agit pas de jugements de valeur mais de faits. Maire moi-même, je crois connaître la question.

M. le Rapporteur - Je ne vous comprends pas : nous proposons qu'il y ait d'abord un recours devant le préfet - un amendement devrait même réduire son délai de réponse à un mois -, puis devant le tribunal administratif. Vous souhaitez supprimer la première étape. Connaissez-vous les délais de la procédure devant le tribunal administratif ? Un an ou un an et demi. Ne pensez-vous pas qu'il est préférable d'avoir la réponse dans le mois ?

M. le Ministre - C'est évident !

M. le Rapporteur - Le recours au préfet est bien plus favorable au demandeur.

M. le Ministre - Même avis. C'est lumineux !

M. Pierre Cardo - Je ne comprends pas la logique de l'amendement. Tout à l'heure, vous refusiez de faire confiance au maire pour en appeler au préfet, et soudain vous n'avez plus confiance dans le préfet et vous en appelez aux tribunaux, lesquels sont saturés ! Soyez cohérents !

M. Noël Mamère - La solution des tribunaux n'est pas un argument : il suffirait de donner plus de moyens à la justice administrative (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Mais vous préférez mettre l'argent dans les prisons plutôt que dans les tribunaux...

M. le Rapporteur - C'est caricatural !

M. Noël Mamère - Le projet prévoit un recours obligatoire devant le préfet, dans un délai de deux mois, avant tout recours devant le tribunal administratif. Le raccourcissement de ce délai à un mois ne nous paraît pas la meilleure voie. Nous maintenons notre amendement, qui aligne le droit des étrangers sur le droit commun.

M. André Gerin - Je n'ai pas changé d'avis sur l'article. Ce que nous proposons, c'est un référé administratif, qui prend quelques jours seulement.

M. Claude Goasguen - Encore faut-il qu'il y ait assez de juges pour juger ! Sinon, vous allez faire exploser la machine judiciaire !

Les amendements 220 et 303, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - Je laisse à M. Perruchot le soin de défendre l'amendement 60, que la commission a adopté à son initiative.

M. Nicolas Perruchot - Il s'agit de prévoir que « le maire sera tenu informé par l'autorité consulaire des suites données à la demande de visa formulée sur la base de l'attestation d'accueil validée. »

Nous souhaitons en effet lutter contre les nombreuses demandes de justificatif d'hébergement qui n'aboutissent pas. Le maire doit donc être informé de l'arrivée effective de l'étranger, ainsi que de son départ. Le justificatif d'hébergement ne doit pas servir de document permettant d'entrer en France et d'y séjourner irrégulièrement à l'expiration du délai de l'attestation. De plus, certains personnes multiplient les demandes sans que les bénéficiaires des attestations n'arrivent en France. Cet amendement évitera qu'ils soient soupçonnés de man_uvres frauduleuses.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Christophe Caresche - Cet amendement est intéressant mais paradoxal. De fait, il lie la délivrance de l'attestation d'accueil à celle du visa. Jusqu'à présent, elle pouvait être un élément pris en compte par les consulats pour délivrer un visa, mais un élément parmi d'autres. Avec cet amendement, les consulats devront rendre compte de la délivrance des visas aux maires ! Je crains que vous n'aboutissez au résultat inverse de celui que vous recherchez. Les consulats se sentiront tenus de délivrer le visa dès lors qu'on leur présentera une attestation d'accueil. Les 700 000 attestations d'accueil donneront 700 000 visas ! Les consulats se sentiront sous la pression des maires (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Mais oui ! S'il a délivré un certificat d'hébergement, le maire mettra en cause le consulat qui aura refusé le visa. Je suis donc surpris que le Gouvernement approuve cet amendement.

Cette disposition créera, en outre un embouteillage dans les consulats, puisqu'ils devront écrire aux maires pour les informer que le visa a été délivré.

M. le Rapporteur - Personne ne croit sérieusement que les consulats puissent se sentir sous la pression des maires ! Vous savez bien que les visas n'ont pas de lien direct avec les attestations d'accueil, lesquelles ne seront pas demandées pour les voyages touristiques ou d'affaires. Je pense même qu'avec le contrôle que nous instituons, le nombre des attestations d'accueil devrait diminuer.

Et pour éviter l'« embouteillage » que vous redoutez, il suffit que l'attestation comporte un coupon-réponse que le consulat renverra au maire.

Les deux maîtres-mots de ce projet sont l'équilibre et la transparence. Il est donc normal qu'un élu local soit tenu au courant des suites données à l'avis qu'il a exprimé.

M. Christophe Caresche - C'est le maire qui va délivrer les visas !

M. Pierre Cardo - Le sous-amendement 361 prévoit que le maire est informé des dates d'entrée et de sortie du territoire du demandeur.

M. le Rapporteur - C'est inutile. L'amendement 60 prévoit déjà que les informations figurant sur l'attestation d'accueil seront nécessairement incluses dans celles transmises par les consulats.

M. Pierre Cardo - Je voulais entendre ces précisions, qui me permettent de retirer mon sous-amendement.

Le sous-amendement 361 est retiré

M. Jean-Christophe Lagarde - Je ne vous comprends pas, Monsieur Caresche. Après avoir soupçonné les maires de toutes les turpitudes, vous nous dites maintenant que les consulats et les ambassadeurs trembleront devant eux ! Pour en avoir fait l'expérience avec nos services diplomatiques à Kinshasa, je puis vous dire qu'ils se fichent éperdument de ce que nous pouvons leur dire, y compris à l'appui des demandes de certificats de naissance !

Vous dénoncez le système pernicieux que nous voudrions mettre en place. Mais le véritable système pernicieux, c'est bien celui qui consiste à demander au maire de vérifier les conditions de l'accueil sans le tenir ensuite informé des dates du séjour !

Une famille qui présente vingt demandes dans l'année peut très bien être de bonne foi, et ne revenir à la charge que parce que le visa a été refusé. Or, nous ne pouvons traiter de la même manière un hébergeant de bonne foi dont les demandes n'ont jamais été couronnées de succès et un autre dont dix demandes auraient été satisfaites sans qu'on puisse savoir où se trouvent les personnes accueillies. Et nous ne pouvons non plus nous boucher les yeux une fois l'attestation d'accueil délivrée, car ce serait rendre vain le contrôle exigé des maires !

M. le Rapporteur - Même avis.

Le sous-amendement 453 est retiré.

L'amendement 60, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde - Certains auront peut-être le sentiment qu'avec l'amendement 415, nous revenons sur un sujet déjà abordé par M. Cardo, mais il n'en est rien. L'objet de l'attestation d'accueil est de permettre de savoir où va se rendre une personne accueillie en France avec un visa touristique, mais des hébergeants de bonne foi peuvent avoir à faire avec des visiteurs qui plongent ensuite dans la clandestinité. Dans ce cas, il ne s'agit pas de pénaliser ces hébergeants, mais le moins serait qu'ils informent le maire du fait que l'attestation d'accueil n'est plus valable. Nous leur donnons sept jours pour ce faire, faute de quoi toute nouvelle attestation leur serait refusée.

Vous vous êtes dit, Monsieur le ministre, disposé à accepter tout amendement que vous comprendriez. Je pense que c'est le cas de celui-ci. D'autre part, on ne peut imposer aux hébergeants de déposer une caution et refuser cette simple obligation d'information, sans laquelle on mettra six mois avant de découvrir que quelqu'un a disparu dans la nature !

M. le Rapporteur - Rejet. Le dispositif proposé serait peu efficace : si l'hébergeant souhaite aider quelqu'un à s'installer en France, il n'ira pas signaler son départ à la mairie ! Surtout, la mesure risque fort d'être considérée comme un appel à la délation. Par l'amendement 418, nous avons institué une responsabilité personnelle de l'hébergeant et, par votre amendement 60, nous avons organisé l'information des maires sur les dates d'arrivée et de départ : restons-en là !

M. le Ministre - Ce n'est pas parce que nous saurons qu'un étranger a quitté le domicile de celui qui l'hébergeait que nous saurons s'il a quitté ou non le territoire français. Or c'est ce qui nous importe. D'autre part, je n'aime pas tout ce qui est fondé sur la délation. En l'occurrence, ce serait même une délation pour rien : l'hébergeant, à supposer qu'il ne se taise pas, peut venir annoncer un départ qui n'aura pas eu lieu.

En tout état de cause, donner le choix entre le silence complice et la dénonciation à l'administration ne peut entrer dans une politique que nous voulons fondée à la fois sur la fermeté et sur l'humanité.

M. Claude Goasguen - Très bien !

M. Christophe Caresche - Je partage bien sûr la position du rapporteur et du ministre, mais l'adoption de l'amendement précédent n'en témoigne pas moins de l'affrontement de deux logiques : l'une qui vise à favoriser la visite de membres de la famille ou d'amis, et une autre - celle de MM. Lagarde et Perruchot - qui privilégie le contrôle des étrangers et multiplie pour cela les procédures bureaucratiques, tels l'échange de courrier avec le consul, les obligations de preuve et même de dénonciation... Cette deuxième logique est pour nous totalement inacceptable.

M. André Gerin - Je prends acte de la position prise par le rapporteur et le ministre, tout en relevant que cette idée de délation trouve son origine dans la loi Debré. Cela dit, nous craignons fort que ce projet, que vous dites inspiré par un souci de fermeté et d'humanité, ne conduise en fait à des dérives en sens contraire.

M. Jean-Christophe Lagarde - Que de procès d'intention ! Nous n'entendons aucunement réduire les capacités d'accueil ou encourager la délation, mais seulement responsabiliser les hébergeants afin que l'administration puisse savoir si, oui ou non, la personne accueillie se trouve encore sur notre territoire et donc si l'attestation est encore valable. Lorsqu'on veut contrôler, cela semble la moindre des exigences.

L'amendement 415, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Aux termes de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 - c'est le droit commun en la matière -, l'absence de réponse de l'administration dans un délai de deux mois vaut rejet de la demande. Par l'amendement 61, la commission propose de réduire ce délai à un mois, s'agissant des demandes de validation de l'attestation d'accueil.

Compte tenu de l'adoption de l'amendement 418, il conviendrait par ailleurs de remplacer « neuvième alinéa » par « dixième alinéa », dans la dernière phrase.

M. le Président - Ce sera donc l'amendement 61 rectifié.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Christophe Caresche - Il faudrait écrire : « vaut décision d'acceptation », et non « vaut décision de rejet » ! A partir du moment où ni le maire ni le préfet ne répondent, il n'y a pas de raison de pénaliser ainsi les étrangers. D'ailleurs, sans être juriste, je pense que notre droit voudrait que leur silence vaille acquiescement...

M. le Ministre - Non : le droit commun, c'est le rejet, et le rapporteur ne pouvait que se situer dans ce cadre.

M. Serge Blisko - J'observe que, selon les circonstances, le silence de l'administration vaut acceptation - c'est le cas pour les demandes de permis de construire - ou refus. Ne pourrait-on un jour simplifier tout cela, afin de savoir si « qui ne dit mot consent » ou non ?

M. le Rapporteur - Je vous ferai observer que nous ramenons le délai de réponse à un mois, alors qu'il s'agissait de dix-huit mois tout à l'heure, avec le passage devant le tribunal administratif...

M. André Gerin - Non ! Un référé est l'affaire de quelques jours.

L'amendement 61 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Le Conseil constitutionnel a admis que la possibilité donnée aux maires de refuser de délivrer un certificat d'hébergement pouvait donner lieu à la création d'un fichier, à la condition que celle-ci se fasse conformément à la loi informatique et libertés. D'où l'amendement 62, pour lequel nous avons suivi les recommandations données par la CNIL au cours d'une audition.

M. le Ministre - Avis favorable à cette obligation de saisir la CNIL.

L'amendement 62, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 63 vise à financer les activités de l'OMI : il institue une taxe de 15 € par personne hébergée. Je pense que M. Caresche, qui avait proposé la même disposition, le votera sans hésiter.

M. Nicolas Perruchot - Le sous-amendement 452 accorde le bénéfice de cette taxe à la commune lorsque ce sont les services sociaux de cette dernière, et non l'OMI, qui ont vérifié les conditions d'accueil. Tous les maires seront, je pense, sensibles à cette contribution à l'équilibre du budget municipal...

M. le Rapporteur - Je suis maire, et donc sensible à votre souci, mais cette mesure n'est guère applicable. Ira-t-on jusqu'à partager le produit de la taxe en cas de partage de la vérification ? Nous ne cherchons de toute façon pas à procurer aux communes une ressource supplémentaire : ce que nous visons, c'est l'efficacité.

Le sous-amendement 452, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 63, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 387 est de coordination.

M. Etienne Mourrut - L'amendement 410, identique, précise que l'obligation d'assurance prévue à l'article peut être satisfaite par une assurance de même portée souscrite au profit de l'étranger par la personne qui se propose de l'héberger. Les demandes de court séjour sont en effet souvent, malheureusement, un prétexte pour bénéficier de soins médicaux.

Les amendements 387 et 410, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Pierre Cardo - Mon amendement 359 est plutôt une question : les personnes qui ne justifient pas d'un titre de séjour stable peuvent-elles valablement présenter une attestation d'accueil ? Quelqu'un doté d'un simple certificat d'hébergement pourrait-il demander à accueillir quelqu'un d'autre ?

M. le Rapporteur - La réponse est non, et votre amendement est satisfait par l'état actuel du droit.

M. le Ministre - Même avis.

M. Pierre Cardo - Dans ce cas, je retire cet amendement pour en venir au 362, tendant à ce qu'aucune attestation d'accueil ne puisse être délivrée à un étranger vivant en France en état de polygamie.

Il y a en effet des hommes qui font rentrer en France, par le biais d'un certificat d'hébergement, une deuxième ou une troisième épouse, lesquelles se trouvent ensuite dans une situation de totale dépendance vis-à-vis de lui et totalement coupées du monde extérieur. Je pense que les rapports sur cette question - demandés par des amendements ultérieurs - nous permettront de prendre la mesure de la situation. Mais le fait que les accords franco-marocains, qui reconnaissent la répudiation des femmes, aient été reconduits m'inquiète un peu...

M. le Rapporteur - Je n'accepte pas plus que vous la polygamie mais le maire n'a pas les moyens de la prouver. C'est pourquoi la commission a un avis défavorable sur cet amendement. Seul un contrôle attentif des consulats au moment de la délivrance des visas peut éviter ce genre de situation.

M. le Ministre - Depuis 1993, les étrangers polygames n'ont plus droit de séjour en France. La carte de résident peut leur être retirée, le regroupement familial leur est interdit et les cartes de séjour temporaires ne peuvent leur être accordées. Le droit actuel vous donne donc satisfaction, Monsieur Cardo.

M. Pierre Cardo - Il devrait.

M. le Ministre - J'ai bien compris vos arguments, mais peut-on empêcher quelqu'un de recevoir une visite familiale, par exemple des grands-parents ? Cela étant, je propose que nous travaillions ensemble sur ce problème particulier, étant entendu que les situations visées sont probablement antérieures à 1993.

M. Serge Blisko - La loi de 1993 est claire, mais à Mayotte, le droit coutumier admet la polygamie.

Plusieurs députés UMP - On vient de régler le problème !

M. Serge Blisko - Reste qu'il existe des familles polygames en France, à Paris notamment, et cela nous pose, à nous élus, de nombreux problèmes, qu'il s'agisse du logement, de la scolarisation des enfants ou de la condition faite aux femmes - et aux enfants, qui ne sont pas non plus très heureux. Il nous faut donc travailler ensemble sur ces questions.

M. Pierre Cardo - Compte tenu de la proposition du ministre, je retire mon amendement, en souhaitant que le sujet soit abordé de façon humaine et pragmatique. Je ne supporte plus de voir des enfants, ceux de la première ou de la deuxième épouse, n'avoir plus que le droit de vivre dehors, cependant que les enfants de la nouvelle favorite ont tous les droits à la maison. Imaginez-vous la violence faite à ces gosses, la perception qu'ils peuvent avoir du rôle du père, et de l'adulte en général ? Nous devons faire respecter ces femmes et ces enfants.

M. Serge Blisko - Très bien !

Les amendements 359 et 362 sont retirés.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. Yves Jego - L'amendement 64 est destiné à présenter de façon plus claire et plus lisible, tant pour les étrangers eux-mêmes que pour nos compatriotes, les différents titres de séjour susceptibles d'être délivrés aux étrangers. C'est un amendement « d'architecture » qui permettra à chacun, je l'espère, de s'y retrouver plus facilement dans le maquis des situations possibles. Pour la carte de résident, il se réfère à un critère d'intégration : une connaissance suffisante de la langue française.

M. le Rapporteur - Favorable.

M. le Ministre - Favorable.

M. Pierre Cardo - Le sous-amendement 364 ajoute les mots « entré régulièrement sur le territoire national » après le mot « étranger », afin d'éviter que des vices de procédure soient soulevés par des personnes entrées illégalement en France et se faisant connaître par la suite auprès des autorités.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé. On en comprend le sens, mais il peut arriver que certains étrangers, même entrés irrégulièrement sur le territoire national, doivent être régularisés ou protégés d'une mesure d'interdiction du territoire

M. le Ministre - Même avis.

M. Pierre Cardo - Compte tenu des explications convaincantes du rapporteur (Sourires), je retire ce sous-amendement.

Le sous-amendement 364 est retiré.

M. Etienne Mourrut - Des actes contraires aux lois de la République ne sont pas compatibles avec une installation durable dans notre pays. Il faut pouvoir opposer aux demandeurs de titres de séjour ou de cartes de résident leur « comportement au regard de l'ordre public ». Tel est le sens de notre sous-amendement 464.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné. A titre personnel, j'y suis favorable : c'est en effet un critère pertinent.

M. le Ministre - Même avis.

M. Noël Mamère - Que signifie « comportement au regard de l'ordre public » ?, puisque telle est bien la formulation exacte de ce sous-amendement ? Ce nouveau critère restrictif est extrêmement dangereux, comme en témoigne d'ailleurs l'exposé des motifs. N'y lit-on pas en effet que ce sous-amendement « s'inscrit dans l'esprit du contrat d'intégration souhaité par le chef de l'Etat et nécessaire au respect des valeurs républicaines et d'un Etat de droit. Il vise à exposer aux étrangers que tout acte de délinquance d'une certaine gravité ou que des récidives ne peuvent être compatibles avec une installation durable en France. » Pour notre part, nous dénonçons cet état d'esprit qui fait de l'étranger un indésirable, fraudeur par nature, qui doit donc être soupçonné a priori (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Christophe Lagarde - Je comprends et partage le souci des auteurs du sous-amendement mais, telle qu'actuellement rédigée, la mesure poserait des problèmes d'application. Un seul exemple : dans mon département, le préfet doit délivrer les accréditations aux personnels, y compris étrangers, travaillant sur la plate-forme aéroportuaire de Roissy. Un étranger, vivant dans notre pays depuis des années et bien intégré, pourrait se voir refuser le renouvellement ou l'obtention de son accréditation, au motif que son nom figure sur un fichier de police, pour avoir seulement été mis en cause - je ne dis pas condamné - dans une affaire mineure il y a fort longtemps. L'institution judiciaire produit déjà quantité de clandestins. Ne permettons pas que l'institution administrative en produise également, ce qui serait pourtant le cas avec ce sous-amendement. Que ferait-on des personnes concernées, non régularisables mais certainement aussi non expulsables ? L'intention est louable, mais le texte de ce sous-amendement doit être précisé au cours des navettes.

Le sous-amendement 464, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde - Le sous-amendement 454 dispose que tout étranger ayant exécuté un contrat d'intégration est réputé remplir une condition d'intégration satisfaisante.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Ce sous-amendement est prématuré, le texte relatif aux contrats d'intégration n'ayant pas encore été voté et ceux-ci étant encore en phase expérimentale.

M. le Ministre - Même avis.

Le sous-amendement 454 est retiré.

M. Jacques-Alain Bénisti - Le sous-amendement 182 rectifié précise que, pour apprécier la condition d'intégration, le préfet ou, à Paris, le préfet de police, peut saisir pour avis le maire de la commune de résidence de l'étranger qui sollicite une carte de résident.

M. Christophe Caresche - Revoilà les maires !

M. le Rapporteur - Cela n'a pas à susciter votre ironie. Le maire peut attester de la bonne intégration de tel ou tel étranger qui occupe par exemple des fonctions associatives, élément dont le préfet, lui, n'a pas connaissance. La commission a donné un avis favorable au sous-amendement.

M. le Ministre - Même avis.

M. Noël Mamère - Il est assez plaisant d'entendre le rapporteur vanter les mérites des fonctions associatives au regard de l'intégration, après avoir entendu ce matin le ministre nous expliquer que les associations ne pouvaient se prévaloir d'aucune légitimité, contrairement aux élus ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Avec ce sous-amendement, les maires vont être transformés en agents des Renseignements généraux. Voilà bien l'état d'esprit policier que nous condamnons (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Vanneste - Vous, vous avez une phobie de la police !

M. Noël Mamère - Le maire n'est pas un policier. Elu de ses administrés, il doit servir l'intérêt public et, partant, n'opérer aucune discrimination entre eux, qu'ils soient français ou étrangers. C'est dans cet esprit que j'avais défendu sous la précédente législature l'idée d'une citoyenneté de résidence...

M. Christian Vanneste - Idée absurde !

M. Noël Mamère - ...pour défendre le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales. Si cette proposition avait été adoptée, nous n'en serions d'ailleurs pas là aujourd'hui !

M. Christophe Caresche - Que le rapporteur veuille bien m'excuser, mais je ne crois pas que la commission ait adopté ce sous-amendement, et je suis surpris que le Gouvernement l'accepte. En effet, on conférerait ainsi aux maires un pouvoir exorbitant, alors même que l'immigration, mettant en jeu la souveraineté nationale, est une compétence de l'Etat. Permettre au maire d'intervenir dans la délivrance d'un titre de séjour serait mettre le doigt dans un engrenage dangereux. Nous nous opposons donc formellement à ce sous-amendement.

M. le Rapporteur - Je précise à M. Caresche qu'en effet ce n'est pas dans sa séance de ce matin que la commission a adopté ce sous-amendement, mais dans celle qu'elle a tenue hier en vertu de l'article 88 du Règlement.

Pour le reste, pas de caricature ! Ce sous-amendement dit seulement que le préfet « peut » saisir le maire, dont l'avis n'est que consultatif. C'est le préfet qui tranche en dernier ressort. Cela étant précisé, je persiste à penser que l'avis du maire peut être utile dans certains cas. La participation à la vie associative d'une commune est une marque d'intégration pour un étranger, qu'il soit membre du MRAP ou d'un club de football. De cela, c'est le maire qui est le mieux à même d'attester.

M. Yves Jego - Que les préfets puissent consulter les maires, élus de proximité, ne peut que servir les intérêts des demandeurs de titres de séjour. Depuis ce matin, on ne cesse de mettre en cause les maires, faisant d'ailleurs comme s'ils travaillaient seuls, sans administration. Pourquoi un fonctionnaire territorial, soumis exactement aux mêmes obligations qu'un fonctionnaire d'Etat, serait-il moins digne de donner un avis pour la délivrance d'un titre de séjour qu'un fonctionnaire de préfecture ?

Le sous-amendement 182 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 64 et 45 modifiés, mis aux voix, sont adoptés.

La séance, suspendue à 17 heures 45, est reprise à 18 heures.

APRÈS L'ART. 3

M. le Rapporteur - L'amendement 65 corrigé, adopté par la commission, répond à un souci de simplification administrative. Je laisse son auteur, M. Vanneste le présenter.

M. Christian Vanneste - Cet amendement apporte un démenti total aux accusations qui ont été proférées quant à la suspicion qui habiterait ce texte. Il répond à un principe d'humanité, en n'obligeant plus les étrangers à faire la queue dès cinq heures du matin pour obtenir un récépissé de demande de renouvellement de leur titre de séjour. Il répond en outre à un principe de confiance, en invitant l'étranger à engager les démarches en vue de ce renouvellement trois mois avant l'expiration du titre s'il s'agit d'une carte de séjour temporaire et six mois avant s'il s'agit d'une carte de résident, et en précisant que la demande vaut autorisation de séjour jusqu'à la décision de l'autorité administrative, dans la limite de trois mois à compter de la date d'expiration du titre ; pendant cette période, l'étranger conservera l'intégralité de ses droits sociaux.

L'amendement 65 corrigé, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. Christophe Caresche - Les articles 4 et 5 concernent la prise d'empreinte digitale, dans le cadre d'une demande de titre de séjour ou de visa. Sur le principe, nous ne sommes pas opposés à la constitution de ces fichiers...

M. Claude Goasguen - Très bien !

M. Christophe Caresche - ...dès lors qu'ils sont conformes à certaines règles fixées par la CNIL, mais les amendements de M. le rapporteur vont dans ce sens. Nous voudrions cependant savoir quels moyens matériels vous allez mettre en place pour constituer ces fichiers.

Nous étions un peu réticents, à l'origine, à la constitution de fichiers, mais ces dispositions ayant été adoptées par l'ensemble des pays européens au dernier conseil, il n'y a pas de raison que la France n'agisse pas de même.

M. André Gerin - L'amendement 304 supprime l'article, qui étend le fichier d'empreintes digitales créé par la loi Debré en 1997, aux étrangers qui franchissent illégalement la frontière en provenance d'un pays tiers. Cette mesure porte atteinte à la liberté individuelle de personnes qui n'ont pas fait l'objet de mesure d'éloignement, et contribue à stigmatiser encore davantage les étrangers qui vivent sur notre territoire.

Par ailleurs, vous ne faites pas référence au système EURODAC, qui facilite l'application de la convention de Dublin et détermine quel Etat doit examiner la demande d'asile.

Enfin, vous ne précisez pas les conditions de conservation des empreintes relevées, ce qui pose un véritable problème.

M. Pierre Cardo - Lequel ?

M. le Rapporteur - Défavorable. 90 % des clandestins sont rentrés régulièrement : comment retrouver leur trace si on ne prend pas leurs empreintes digitales ? Par ailleurs, les amendements 460 et 67 donnent toutes les garanties pour l'accès au fichier et sa conservation. Enfin, EURODAC ne concerne que les demandeurs d'asile.

M. le Ministre - Même avis.

M. Christian Estrosi - En quoi les étrangers seraient-ils stigmatisés par la prise de leur empreinte digitale quand, pendant longtemps, cette mesure a conditionné la délivrance des cartes nationales d'identité sans que personne ne s'en émeuve ! Je remercie, par ailleurs, M. Caresche d'avoir soulevé dans son exception d'irrecevabilité, la question des moyens. Mais le simple fait de mettre en place un système d'empreintes digitales limitera le nombre d'étrangers en situation irrégulière, ce qui réduira d'autant leur coût de gestion, qui pourra être réinvesti dans les moyens de la police technique et scientifique, lesquels ont été renforcés dans le cadre de la LOPSI.

M. Claude Goasguen - Il ne s'agit pas de régresser mais de réorganiser notre système d'immigration. Il est clair que le dispositif proposé, dont il reste à déterminer les moyens, pose un problème administratif. Les consulats sont-ils les mieux placés pour organiser les relevés d'empreintes digitales ? Il ne faut pas mélanger les activités diplomatiques avec ce travail de contrôle. Prenons exemple sur les Etats-Unis, forts d'une expérience plus ancienne, qui ont créé un service de l'immigration dépendant du département de la sécurité. Créons, nous aussi, un véritable service de l'immigration, dépendant du ministère de l'intérieur, au sein des ambassades et consulats.

M. Jean-Christophe Lagarde - Très bien !

M. Noël Mamère - Je ne comprends pas l'absence de référence au dispositif EURODAC, en vigueur depuis le 15 janvier 2003 : il s'applique aussi à certaines catégories d'immigrés illégaux, afin de permettre le bon fonctionnement du système de Dublin.

M. le Rapporteur - EURODAC s'applique aux seuls demandeurs d'asile. Lisez le rapport de la délégation européenne que j'ai écrit : ce fichier a été créé dans le seul but d'éviter les demandes multiples d'asile, et de déterminer le pays qui sera compétent. Du reste, si nous avions relié le fichier des demandeurs d'asile politique, avec celui des demandeurs de visa, vous nous auriez accusés de « flicage » !

M. Etienne Pinte - Comment lutter contre les filières de travailleurs clandestins venus de l'étranger ? Nous avons réussi à démanteler, dans ma ville, une filière de quatorze travailleurs égyptiens, tous en situation régulière, venus avec des visas touristiques italiens, mais non déclarés. La législation actuelle les considère comme victimes d'employeurs qui seront poursuivis par l'URSSAF.

Comment lutter contre ce type de filière ? L'harmonisation des législations de l'espace Schengen permettrait-elle de ne pas délivrer de nouveaux visas à des étrangers qui viennent tous les six mois pour travailler clandestinement dans un de nos pays ? Les autorités préfectorales souhaitent vivement voir résoudre ce problème.

M. le Ministre - Il va être résolu. Aujourd'hui, aucune sanction ne peut être prise à l'encontre d'un étranger détenteur d'un visa de tourisme qui travaille. Cette sanction pénale va être créée par un amendement de la commission : comme pour le délit de racolage, la commission d'un délit permettra de renvoyer ces étrangers et donc de démanteler la filière.

L'harmonisation des législations de l'espace Schengen est évidemment nécessaire. J'ai proposé, lors du dernier conseil justice et affaires intérieures, que le pécule exigé pour l'obtention d'un visa de tourisme soit le même dans tous les pays de l'espace Schengen. On s'achemine donc, je l'espère, vers une harmonisation.

L'amendement 304, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 460 résulte d'une convergence. Il reprend en effet l'article 66 de la commission - qui définissait, conformément au souhait de la CNIL, la finalité du fichier, ce qui devrait répondre aux inquiétudes de M. Gerin - mais aussi, l'amendement 343 de M. Perruchot - qui complète le relevé des empreintes digitales par la prise d'une photographie - et l'amendement 365 rectifié de M. Cardo - qui rend le relevé d'empreintes digitales et la photographie obligatoires.

M. Nicolas Perruchot - L'amendement 343 visait en effet à donner une garantie supplémentaire face aux fraudes et à rendre notre système de contrôle plus efficace, en associant au relevé des empreintes digitales la prise d'une photographie. Nous le retirons puisqu'il est satisfait par l'amendement 460.

M. Pierre Cardo - Pour la même raison, l'amendement 365 rectifié est retiré. Il visait à rendre obligatoire le relevé des empreintes.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Christophe Caresche - Je me félicite que l'amendement 460 fasse référence à la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. En revanche, la photographie est-elle vraiment indispensable ? Les empreintes digitales ne suffisent-elles pas ?

M. Nicolas Perruchot - Il arrive que certains se brûlent les phalanges, la photographie est donc nécessaire.

L'amendement 460, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 67 renvoie à un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL le soin de préciser les modalités d'habilitation des personnes pouvant accéder au fichier, la durée de conservation et les conditions de mise à jour des informations enregistrées, ainsi que l'exercice du droit d'accès pour les personnes concernées. Ces dispositions ont été suggérées par la CNIL elle-même.

M. le Ministre - Favorable.

M. Jean-Christophe Lagarde - Le groupe UDF se félicite de cet amendement. L'opposition nous suspecte constamment de vouloir détourner la loi : elle peut ici vérifier que nous proposons plutôt des contrôles !

L'amendement 67, mis aux voix, est adopté.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. Noël Mamère - J'entends des murmures sur les bancs de la majorité. Mais je fais mon travail de député, détenteur au même titre que vous, d'une part de la souveraineté nationale (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Laissez M. Mamère poursuivre.

M. Noël Mamère - L'article 5 étend le système des empreintes à la demande de visa. Il reprend en cela les discussions engagées au niveau européen. Il existe déjà, depuis le 8 mars 1996, un fichier automatisé des demandes de visas, dit réseau de consultation Schengen, qui conserve un certain nombre de données - état civil, profession, état civil du conjoint, titre de voyage, demande de visa, suivi des demandes - pendant deux ans pour les délivrances, cinq ans pour les refus. Cet article vise à permettre des rapprochements a posteriori pour identifier les personnes qui resteraient en France sous une fausse identité. Outre que le projet encourage une fois de plus l'amalgame entre étranger et fraudeur et l'idée qu'on obtient très facilement un visa, on peut craindre des problèmes de fonctionnement. Celui qui a demandé plusieurs visas en toute légalité risque d'être regardé avec suspicion. De quel recours dispose l'étranger à qui on oppose la mention de son nom dans le fichier à l'appui d'un refus de nouveau visa ?

Enfin, il peut être procédé à un relevé d'empreintes digitales même lorsque la demande de visa émane d'un membre de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne, ce qui est contraire au droit communautaire, qui veut que les Etats membres favorisent l'obtention de visas, sous peine de violer le droit de libre circulation du ressortissant communautaire qui souhaite être accompagné par sa famille.

Pour toutes ces raisons, l'amendement 221 propose de supprimer cet article.

M. André Gerin - L'amendement 305 est identique. Relever les empreintes digitales des étrangers qui demandent un visa est scandaleux : ils ne sont pas tous des délinquants ! Pourquoi organiser leur fichage systématique ?

Le fichier aurait pour but de contrarier la récidive dans les tentatives d'entrée sur le territoire avec des documents d'identité frauduleux, et de permettre l'identification des personnes qui resteraient en France sous une fausse identité.

Cet article entretient l'amalgame entre étranger et fraudeur. L'étranger serait à l'affût de la moindre faille de notre droit lui permettant de rester illégalement sur le territoire. On fait croire qu'il est très facile d'obtenir un visa et on jette le discrédit sur tous les immigrés.

Comment l'étranger qui demande plusieurs visas en toute légalité ne serait-il pas regardé avec suspicion ? Par ailleurs, rien n'est dit sur la conservation des données. Nous aimerions au moins connaître les modalités de consultation du fichier. Qui sera habilité à le consulter ? La consultation sera-t-elle ouverte à des autorités étrangères ? Ces nombreuses zones d'ombre justifient la suppression de l'article.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Monsieur Gerin, prendre vos empreintes digitales ne veut pas dire qu'on vous considère comme un dangereux délinquant. Cela reste un acte courant.

D'autre part, cet article est en totale cohérence avec les travaux en cours à l'échelle de l'Union européenne : lors du conseil de Thessalonique, les 19 et 20 juin, la Présidence a insisté sur la nécessité de définir une approche commune en ce qui concerne les identificateurs et les données biométriques...

M. André Gerin - C'est bien ce qui nous inquiète !

M. le Rapporteur - ...Et le Conseil européen a invité la Commission à faire des propositions sur le sujet.

Enfin, je vous indique que je déposerai ici les mêmes amendements qu'à l'article 4, afin de garantir la conservation et l'accessibilité de ces données.

M. le Ministre - Même position.

Les amendements 221 et 305, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 68 précise la finalité du traitement automatisé des empreintes digitales, dans le respect des observations faites par la CNIL lors de son audition par la commission.

L'amendement 68, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 69 de M. Lagarde.

L'amendement 69, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 70 est de précision.

L'amendement 70, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 71 de M. Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde - L'amendement 71 tend à rendre obligatoire la prise d'empreintes lors de la délivrance d'un visa, à la fois pour des raisons d'efficacité - un fichier incomplet serait inopérant - et pour des raisons de diplomatie : si on s'en tient à une simple faculté, il faudra distinguer entre les pays, ce qui nous exposera à l'incompréhension de ceux qui seront visés par la mesure.

A ce propos, je tiens à appuyer la position de M. Goasguen : nous avons besoin de services de l'immigration totalement déconnectés du ministère des affaires étrangères.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Claude Goasguen - Si l'on pose une telle obligation, cela suppose de doter les consulats de matériels permettant de relever les empreintes digitales. Il y aura sinon matière à grief ...

M. Christophe Caresche - Cela pourrait fournir matière à recours, en attendant !

M. Noël Mamère - Le sous-amendement 467 vise à soustraire à cette obligation les étudiants étrangers, afin de ne pas freiner davantage leur venue en France. Le Monde de cet après-midi, sous le titre : « Au Sénégal, l'immigration vers les Etats-Unis a le vent en poupe », donne la parole à une lycéenne de Dakar qui indique : « Beaucoup de copains sont partis après le bac pour intégrer une université américaine » et le même article signale qu'aujourd'hui, près de 40 000 Sénégalais vivraient déjà aux Etats-Unis, contre 80 000 en France. Loin de moi l'idée de vanter les Etats-Unis, mais je déplore que nous opposions de plus en plus de barrières à ces étudiants qui pourraient contribuer à la vitalité de la France aussi bien que du Sénégal. On en arrive ainsi à une situation où, alors que le républicain Bush prend l'Afrique pour nouveau terrain de prédation, son pays devient un objet de désir pour les ressortissants de ce continent ! N'avons-nous pas avec ces pays des liens anciens ? N'avons-nous pas envers eux un devoir de réparation qui nous commanderait de les considérer autrement que comme de dangereux intrus ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - Rejet. Je ne crois pas que l'obligation de donner ses empreintes digitales puisse décourager un étudiant de venir en France ! La loi RESEDA, je le répète, n'a eu qu'une vertu : alors que le nombre de ces étudiants était de 20 000 en 1990, de 22 000 en 1991 et de 15 000 en 1995, elle l'a fait remonter à 55 500, et aujourd'hui, nous tenons la troisième place dans le monde pour l'accueil de cette catégorie d'étrangers. Votre sous-amendement ne me semble pas de nature à améliorer sensiblement cette position.

M. le Ministre - Les Etats-Unis viennent d'annoncer qu'avant la fin de l'année, tout étranger sollicitant un visa devra fournir ses empreintes digitales : vous ne pouviez donc mieux choisir votre exemple, Monsieur Mamère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Christophe Lagarde - La prise d'empreintes ne vise pas à dissuader d'entrer sur notre territoire, mais à permettre d'identifier ceux qui voudraient s'y maintenir une fois leur visa expiré. Essayez donc de vivre aux Etats-Unis en situation irrégulière, et vous verrez que la reconduite ne tardera pas !

M. Christian Cabal - L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques a publié récemment, sous ma signature, un rapport qui montre clairement que, loin de porter atteinte aux libertés individuelles, l'utilisation des données biométriques contribue à les protéger. Elle permet notamment d'éviter les usurpations d'identité en garantissant qu'une personne est bien celle qu'elle dit être. Qu'il s'agisse des empreintes digitales, de l'iris ou de la reconnaissance faciale, elle est désormais le fait de toutes les grandes puissances démocratiques pour organiser le franchissement des frontières, l'accès à certaines zones ou à certains systèmes informatiques. Comme le ministre l'a indiqué, les Etats-Unis recourront dès cette année à ces données pour autoriser l'entrée sur leur territoire. Je vous invite donc à vous reporter à cet ouvrage que je n'ose qualifier d'excellent : cette lecture vous rassurera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Serge Blisko - Je n'ai pas écrit de rapport sur la biométrie, mais j'ai eu la chance de me rendre dans de nombreux pays d'Afrique et j'ai pu constater combien la politique que nous avons menée après 1993 y avait été désastreuse pour notre image et pour notre rayonnement. Nous nous sommes laissé damer le pion par les Etats-Unis, ainsi d'ailleurs que par le Canada, les étudiants qui maîtrisent mal l'anglais préférant s'inscrire à l'université Laval de Québec. On en est ainsi arrivé au point où des ministres sénégalais nous disent : « Mon fils n'a pu venir étudier chez vous, j'ai dû l'envoyer aux Etats-Unis ! »

Si nous continuons de ne plus accueillir les doctorants francophones, nous perdrons encore de l'influence par rapport aux Etats-Unis. Ce serait navrant car nous avons plus à apporter à ces jeunes qu'eux en matière culturelle en particulier. Montrons-nous donc plus ouverts, dans notre intérêt ! Songez que le directeur des tirs à Cap Canaveral est un ingénieur malien qui a étudié en France, mais qui n'a pu y rester, et s'est vu offrir de meilleures chances aux Etats-Unis !

Le sous-amendement 467, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 71, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 72 devrait apaiser vos inquiétudes, Monsieur Gerin : il précise les modalités d'habilitation, de conservation, de mise à jour et les modalités d'accès au nouveau fichier, cela toujours en conformité avec les prescriptions de la CNIL.

L'amendement 72, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 5

M. le Rapporteur - L'amendement 73 est de coordination.

L'amendement 73, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

M. Claude Goasguen - Par l'amendement 164, que je vais retirer, je voulais plutôt questionner le ministre au sujet des Etats en voie d'adhésion à l'Union européenne, car je pense que nous abusons du langage diplomatique et que nous devrions avoir envers eux une attitude plus franche en ce qui concerne les questions de travail et d'immigration.

M. le Ministre - Le Gouvernement est favorable à l'élargissement de l'Europe, ce qui signifie qu'il souhaite que l'Union européenne permette à ses futurs nouveaux membres de se développer et de donner du travail à tous les jeunes. Le but du processus d'adhésion n'est pas que les Roumains, Polonais ou Bulgares viennent travailler chez nous. Nous n'avons pas à priver ce pays de leurs élites ni à payer deux fois.

D'ailleurs, depuis les accords que j'ai négociés avec la Roumanie et la Bulgarie, les retours groupés s'effectuent en plein accord avec les gouvernements concernés et se passent très bien. Il y a en réalité une totale cohérence entre la volonté de l'Europe de s'ouvrir à ces nouveaux pays et celle de maîtriser en son sein les flux migratoires.

L'article 6, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 6

M. Jean-Pierre Grand - Notre amendement 18 étend aux infractions à la législation sur les stupéfiants visées par les articles 222.34 et 222.38 du code pénal la possibilité qu'a l'autorité administrative de retirer leur carte de séjour temporaire aux étrangers passibles de poursuites pénales, comme cela existe déjà pour d'autres infractions.

Si cet amendement est adopté, je retirerai les amendements 15 et 16 aux articles 24 et 38.

M. le Rapporteur - La commission a adopté cet amendement, qui s'inscrit dans le prolongement direct de la loi du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure. Celle-ci a prévu en effet la possibilité de retirer leur titre de séjour aux étrangers passibles de poursuites pénales pour traite des êtres humains, proxénétisme, racolage, exploitation de la mendicité.

L'amendement n'est en rien contradictoire avec les dispositions que nous prenons par ailleurs pour protéger certaines catégories d'étrangers contre les mesures d'éloignement. L'intransigeance s'impose vis-à-vis des étrangers qui profitent d'un court séjour pour commettre des délits graves sur le sol français.

M. le Ministre - M. Grand demande que des étrangers qui profitent d'un visa de court séjour pour se livrer au trafic de drogue puissent être expulsés. Le Gouvernement y est favorable, étant entendu que la réforme de la double peine n'a rien à voir avec cette volonté qu'a le Gouvernement de lutter implacablement contre le trafic de drogue.

M. Christophe Caresche - Cet amendement est très contestable (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), car il vise des étrangers « passibles » de poursuites pénales et non pas condamnés. On va donc pouvoir expulser des étrangers dont il n'aura pas été démontré qu'ils ont commis l'infraction visée. Je trouve cela très inquiétant car, en droit français, tant qu'une personne n'est pas condamnée par un tribunal, elle est présumée innocente. C'est à la justice de décider si une personne est coupable, pas à l'administration.

M. le Ministre - Si le Gouvernement a donné un avis favorable à l'amendement 18, c'est après vive réflexion et en s'appuyant sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a estimé tout récemment que, lorsque les infractions étaient établies par un rapport de police, il pouvait y avoir une mesure d'expulsion de l'étranger sans attendre une condamnation.

M. André Gerin - C'est grave.

M. Alain Marsaud - Il me semble que les mots « passibles de poursuites pénales sur le fondement des articles... » pourraient avantageusement être remplacés par les mots : « susceptibles de faire l'objet de poursuites... ». Je propose un sous-amendement en ce sens.

M. Maxime Gremetz - C'est la même chose, en plus long !

M. le Rapporteur - Le Conseil constitutionnel a validé l'expression employée dans l'amendement 18. Pourquoi en choisir un autre ?

M. le Président - Quant à la méthode de travail, elle n'est pas très satisfaisante.

M. le Ministre - Gardons la rédaction du Conseil constitutionnel.

M. Christian Estrosi - Je propose quant à moi un sous-amendement insérant, avant la référence à l'article 222-34, les mots : « 20 de la même ordonnance ». Il apparaît en effet que certains étrangers bénéficiant d'une carte de séjour ne les autorisant pas à travailler se livrent à du travail clandestin. Le présent sous-amendement a pour objet de sanctionner ce comportement par le retrait de la carte de séjour temporaire.

M. Christophe Caresche - La jurisprudence du Conseil constitutionnel, soit, mais on ne voit pas pourquoi dans ces conditions on s'arrêterait aux infractions visées par cet amendement - et d'ailleurs M. Estrosi propose aussitôt d'en viser d'autres. C'est une brèche importante que l'on ouvre ainsi dans notre droit ! Je m'étonne vraiment que l'on puisse priver quelqu'un de son titre de séjour et l'expulser avant même qu'il soit reconnu coupable.

M. Maxime Gremetz - Oui, c'est assez expéditif.

M. le Rapporteur - A titre personnel, j'ai un avis favorable sur le sous-amendement de M. Estrosi, qui s'attaque au travail clandestin. Et je rappelle que nous parlons ici de titres de court séjour, c'est-à-dire d'un an maximum.

M. Christophe Caresche - Et si l'étranger n'est pas coupable ?

M. le Ministre - L'amendement de M. Grand se rapporte à des étrangers n'ayant pas d'attache avec la France et n'a donc rien à voir avec la réforme de la double peine. S'il est avéré que ces étrangers se livrent au trafic de drogue, l'amendement permettrait qu'ils soient expulsés.

Quant au sous-amendement Estrosi, il vise des personnes qui, quoiqu'entrées avec un visa de tourisme, sont prises en flagrant délit de travail clandestin. Aujourd'hui, il n'existe en effet aucun délit pour sanctionner un étranger qui travaille alors qu'il est entré avec un visa de tourisme. Le sous-amendement de M. Estrosi ne fait qu'apporter une réponse pénale à cette situation.

Enfin, Monsieur Marsaud, si j'ai accepté l'amendement 18, c'est précisément parce qu'il reprenait l'expression validée par le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence de mars 2003. De grâce, ne modifions pas la rédaction.

M. André Gerin - Monsieur le ministre, la présomption d'innocence existe-t-elle ou non ? Cet amendement la remet gravement en question.

M. Serge Blisko - Cet amendement soulève quand même des difficultés. Que se passera-t-il si les personnes ainsi expulsées bénéficient ensuite d'un non-lieu ? Seront-elles réadmises sur le territoire national ? Celles qui auront été expulsées devront-elles revenir pour leur procès ?

M. le Ministre - S'il y a le moindre doute, la personne ne sera pas expulsée jusqu'à sa condamnation définitive. Je comprends les interrogations de M. Blisko, mais le Conseil constitutionnel a tranché. Dans le cas de faits avérés, par exemple de flagrant délit de trafic de drogue, et dans ce cas-là seulement, il est possible d'expulser la personne concernée sans autre forme de procès.

M. Maxime Gremetz - Les mots ont un sens. Et, pour moi, qui ai commencé à travailler tôt et ne suis donc pas allé à l'école très longtemps, « être passible » d'une peine signifie que l'on peut encourir cette peine, mais que l'affaire n'a pas encore été jugée. En l'espèce, qui jugera qui est passible de quoi ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - « Etre passible » d'une peine signifie avoir à subir cette peine.

M. le Ministre - Je ne crois pas que vos considérations sur votre entrée précoce dans la vie professionnelle, Monsieur Gremetz, éclairent beaucoup le présent débat. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est claire, compréhensible de chacun, quel que soit son niveau d'instruction. Dans le cas de faits avérés, il est possible d'expulser la personne concernée, sans avoir à attendre que le tribunal se soit prononcé.

M. le Président de la commission - Ce qui vous gêne, chers collègues, est que l'expulsion puisse être prononcée sans qu'il y ait eu décision de justice. Le Conseil constitutionnel a opéré un raccourci judiciaire, considérant que si les faits étaient avérés, la peine serait automatiquement prononcée et que, partant, rien n'interdisait l'expulsion immédiate (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). On peut ne pas être d'accord, mais c'est là une jurisprudence de l'assemblée gardienne de la Constitution.

M. le Président - Chacun ayant largement pu s'exprimer, je mets aux voix le sous-amendement, puis l'amendement.

Le sous-amendement de M. Estrosi, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 18 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Nicolas Perruchot - L'amendement 384 complète le texte en définissant les objectifs du futur contrat d'intégration qui pourra être proposé à tout étranger bénéficiant d'une carte de séjour temporaire. Ce contrat vise à assurer une intégration satisfaisante de l'étranger dans la société française, en lui permettant notamment d'acquérir une connaissance suffisante du français et des principes qui régissent notre République. Tout étranger ayant exécuté un tel contrat d'intégration sera réputé remplir la condition d'intégration satisfaisante.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, prématuré dans l'attente du dépôt du futur projet de loi relatif au contrat d'intégration.

M. le Ministre - Même avis.

M. Serge Blisko - Cet amendement me donne l'occasion de redire que nous aurions préféré que l'on commence, traitant de l'immigration, par le volet intégration. Cela aurait eu une forte valeur symbolique.

J'en profite également pour souligner combien l'on ferait fausse route si, lors du prochain débat sur le contrat d'intégration, on se focaliserait sur la seule maîtrise du français. Chacun d'entre nous connaît d'excellents maçons, parfaitement intégrés dans notre société, qui parlent très mal notre langue.

M. Nicolas Perruchot - Je vous invite, Monsieur Blisko, à rendre visite dans les ZUP de Blois aux associations d'alphabétisation et de lutte contre l'illettrisme pour vérifier que le premier pas vers l'intégration, c'est bien l'apprentissage de la langue française. De très nombreux maires ont fait ce constat. D'où notre amendement qui est surtout un amendement d'appel.

M. Jean-Christophe Lagarde - Je vous fais observer, Monsieur le Président, que nous n'avons pas pu expliquer notre vote sur le sous-amendement et l'amendement précédents.

M. le Président - Le Règlement ne prévoit pas d'explications de vote sur les amendements.

M. Jean-Christophe Lagarde - Seul le groupe UDF n'a pu s'exprimer sur l'amendement.

Je comprends l'objection du rapporteur selon laquelle cet amendement serait prématuré. Mais précisément, il créerait le contrat d'intégration, renvoyant les modalités de sa mise en _uvre et de sa validation à un décret ultérieur. Ce serait un signe important pour l'équilibre même du texte.

M. Pierre Cardo - Je comprends que l'on cherche à donner rapidement un contenu à ce futur contrat d'intégration. Mais je suis circonspect quant à un décret d'application, car il aurait du mal à prendre en compte toute la diversité des situations. Des personnes, notamment des réfugiés politiques, arrivant dans notre pays à un âge déjà avancé, sans posséder une culture d'origine de base, n'apprendront jamais ou très difficilement le français, sans que l'on puisse pour autant leur reprocher de n'avoir pas voulu s'intégrer, car ils n'y peuvent rien. S'ils possédaient déjà dans leur pays une culture de base, ils pourront en revanche apprendre notre langue. Le cas des jeunes femmes que l'on fait venir au titre du regroupement familial est très différent. Dans ce cas-là, un contrat d'intégration avec apprentissage du français s'impose, car souvent ceux qui les ont fait venir cherchent à les en tenir éloignées pour mieux les maintenir sous leur dépendance.

Cet amendement n'est pas dangereux, mais il pose un problème, et j'ai des craintes sur le contenu du décret d'application que préparera l'administration...

L'amendement 384, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 15.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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