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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session extraordinaire de 2002-2003 - 8ème jour de séance, 19ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 10 JUILLET 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      CONSOMMATION DE TABAC CHEZ LES JEUNES 2

      ARTICLE PREMIER 14

      AVANT L'ARTICLE PREMIER (amendements précédemment réservés). 17

      APRÈS L'ARTICLE PREMIER 19

      APRÈS L'ART. 2 19

      ART. 3 20

      APRÈS L'ART. 3 20

      ART. 4 20

      APRÈS L'ART. 4 20

      DÉCLARATION D'URGENCE 22

La séance est ouverte à neuf heures trente.

CONSOMMATION DE TABAC CHEZ LES JEUNES

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Je salue l'initiative de M. le sénateur Bernard Joly, à l'origine de cette proposition de loi qui vise à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes, et que j'ai soutenue lors de sa présentation au Sénat.

Je remercie également M. le rapporteur, Gérard Cherpion, le président Dubernard et les membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour la qualité de leurs travaux, qui ont permis d'aboutir à un texte équilibré.

Sous l'impulsion du Président de la République, le Gouvernement a déclaré la guerre au tabac, guerre sans concession destinée à prévenir des dizaines de milliers de morts et qui relève d'une impérieuse nécessité de santé publique.

Le tabac tue. La mention apparaît maintenant sur les paquets de cigarettes. Parmi les jeunes ayant commencé à fumer à l'adolescence, la moitié décédera du tabac et parmi eux, un quart avant 65 ans. Les fumeurs ne vivent pas seulement moins longtemps : ils vivent moins bien. Le tabac lèse la plupart des organes vitaux et aliène les individus en les rendant dépendants.

Les mesures efficaces sont connues : elles ont été appliquées avec succès au Royaume-Uni, en Finlande, en Suède.

La question est de savoir si nous nous donnons les moyens de remporter des victoires décisives, face aux provocations de certains lobbies qui menacent de baisser le prix des cigarettes au moment où le Gouvernement lance le plan de mobilisation contre le cancer.

La loi Evin qui a marqué une étape historique dans la lutte contre le tabagisme, a été suivie par une diminution de 14,5 % des ventes de cigarettes de 1992 à 1997. Malheureusement, l'effet s'est estompé entre 1998 et 2001 et les ventes sont restées stables en raison d'une augmentation insuffisante des prix et peut-être aussi de l'absence d'un front antitabac solide.

L'impact de la loi Evin a été insuffisant chez les jeunes. Leur consommation de tabac a augmenté entre 1992 et 1999, particulièrement chez les filles : 40 % des jeunes Français fument de manière quotidienne et 10 % présentent des signes de dépendance. Les jeunes Français détiennent ainsi le record d'Europe de la consommation de tabac. Demain si nous ne faisons rien, nous détiendrons aussi le record d'Europe des cancers du poumon. La mortalité par cancer bronchique dans la population féminine atteindra le niveau de la mortalité par cancer du sein.

Les Français attendent que nous évitions ces morts annoncées. 63 % sont favorables à une très forte augmentation des prix et 69 % à l'interdiction de la vente de cigarettes aux moins de 16 ans. Ils ne sont pas isolés. La récente signature de la convention-cadre de l'OMS par 41 pays montre à quel point l'opinion mondiale évolue.

Nous avons déclenché l'offensive en augmentant le prix du tabac en janvier. J'ai présenté un plan complet à la presse, fin mai.

Nous voulons agir vite. Les premiers résultats nous y encouragent. Sur les quatre premiers mois de l'année, les ventes de cigarettes ont diminué de 9 % par rapport à l'année 2002 et les ventes de substituts nicotiniques ont augmenté de 25 %.

Le plan cancer a fixé nos objectifs pour les cinq prochaines années : réduire de 30 % le tabagisme des jeunes et de 20 % le tabagisme adulte.

Il est indispensable de réduire l'accès des jeunes aux produits du tabac par de nouvelles mesures législatives.

Nous poursuivrons l'augmentation des taxes, moyen le plus efficace de réduire la consommation des jeunes en particulier. Nous avons déposé un amendement en ce sens. Nous poursuivrons cette augmentation autant qu'il le faudra pour atteindre nos objectifs.

Rendre plus difficile l'accès au tabac, c'est aussi interdire la vente des paquets de petite taille - appelés aussi « paquets enfants » - que les fabricants de tabac proposent aux jeunes pour les inciter à fumer. Ces petits paquets ne représentent qu'une faible part de leur chiffre d'affaires, mais les cigarettiers savent que plus les adolescents fument tôt, plus ils sont dépendants et fidèles à la marque qui les a initiés. Ils se livrent donc à un véritable investissement aux dépens de la santé de nos enfants. L'interdiction des paquets enfants fait partie des recommandations du Conseil de l'Union européenne et de la convention-cadre de l'OMS adoptée le 21 mai 2003.

Rendre plus difficile l'accès au tabac, c'est enfin interdire la vente de tabac aux mineurs de moins de 16 ans parce qu'il s'agit d'une mesure cohérente et symbolique : il s'agit de dénoncer les méfaits du tabac et de les rendre de plus en plus inacceptables pour la société.

Ne nous trompons pas. La guerre contre le tabac n'est pas la guerre contre les buralistes.

Les sanctions initialement prévues étaient disproportionnées. Pour faire appliquer cette loi, nous comptons sur l'engagement des buralistes et leur sens des responsabilités. Ils sont au c_ur de la lutte contre la contrebande et des promotions frauduleuses. Ils sont aussi un relais du service public et un réseau de commerces de proximité précieux.

Je suis conscient des difficultés qu'ils rencontrent, en particulier quand ils sont frontaliers. J'ai reçu le président de la confédération des débitants de tabac de France, et je l'ai assuré que je rechercherai avec les autres ministres concernés des solutions à ces difficultés : aide à la diversification des activités qui leur sont confiées par les pouvoirs publics, modification de l'encadrement de la fiscalité des cigarettes dans l'Union européenne, renforcement de la lutte contre la contrebande et la fraude.

Vis-à-vis des jeunes, des actions de prévention et d'éducation seront aussi mises en place. Des campagnes de sensibilisation des adolescents seront diffusées à la rentrée par l'Institut national pour la prévention et l'éducation en santé.

En milieu scolaire, le ministre de l'éducation nationale, en collaboration avec le ministère de la santé, mettra en place en octobre, dans le cadre du programme « Ecole sans tabac », des centres d'information et de conseils cofinancés par les deux ministères.

Les programmes d'éducation à la santé comprendront un volet sur les consommations à risques et notamment le tabac. L'application de la loi Evin sur la protection des non-fumeurs sera renforcée.

Les actions qui se limitent aux seuls jeunes ne suffisent pas. Le tabagisme des adolescents est associé à celui de leurs parents, à celui de leur environnement. J'ai présenté à ce propos, lors de la journée mondiale sans tabac, un programme ambitieux et financé, qui mobilise le ministère de la santé, la mission interministérielle de lutte contre le cancer et la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

Nous agirons sur tous les fronts pour ne plus laisser aucun espace au tabagisme.

Débanaliser l'image du tabac, éviter aux jeunes de commencer, protéger les non-fumeurs de la fumée des autres et aider les fumeurs à s'arrêter, voilà les objectifs du plan cancer.

C'est un combat dans lequel je m'engage personnellement, en étant sûr de pouvoir ainsi améliorer durablement la santé des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gérard Cherpion, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Le sénateur Bernard Joly est à l'origine de cette proposition de loi, adoptée le 11 février par le Sénat avec avis favorable du Gouvernement.

Son article premier interdit la vente de produits du tabac aux mineurs de moins de 16 ans. Proposée par un amendement à la loi Evin rejeté par la commission mixte paritaire, cette mesure a fait l'objet de quatre propositions de loi à l'Assemblée depuis 1996. Préconisée par de nombreux experts - le comité national contre le tabagisme, la commission d'orientation sur le cancer -, elle est aussi soutenue par l'opinion publique : plus des deux tiers des Français y sont favorables. La prise de conscience de la nécessité de cette mesure est donc réelle. Le 24 mars dernier, le Président de la République prononçait à l'occasion de la semaine nationale contre le cancer un discours dans lequel il déclarait la guerre au tabac. « La lutte contre le tabac, rappelait-il, est une exigence, une priorité absolue. Les fabricants ne ménagent pas leurs efforts pour rendre plus attractifs des produits qui menacent la vie. A leur imagination presque sans limite, nous devons opposer une détermination sans faille pour dissuader les jeunes de commencer à fumer et convaincre les adultes d'y renoncer. » Le même souci animera le projet de loi relatif à la santé publique.

Le 21 mai, la France adoptait la convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac, première convention au monde à traiter exclusivement d'une question de santé publique. Le 16 juin, la France a été l'un des premiers Etats à signer cette convention, dont l'article 16 prévoit la mise en _uvre de tous les moyens à disposition des Etats pour restreindre l'accès des mineurs au tabac, y compris l'interdiction de la vente en deçà d'un certain âge ou de la commercialisation des petits paquets de cigarettes. Cette proposition de loi nous permet de mettre notre droit en cohérence avec nos engagements internationaux.

A propos des ravages sanitaires du tabac, le rapport du « groupe technique national de définition des objectifs » constitué en vue de l'élaboration de la loi relative à la santé publique rappelle que « le nombre de décès associés au tabac était estimé en 1995 à 60 000 par an en France, soit plus d'un décès sur neuf toutes causes confondues et un sur quatre par cancer. (...) 2 500 à 3 000 décès supplémentaires seraient attribuables au tabagisme passif. Les hommes sont actuellement les plus touchés - 95 % de ces 60 000 décès. Les deux tiers de ces décès surviennent avant 65 ans. La consommation de tabac est également associée à une augmentation des risques de maladie cardio-vasculaire et de broncho-pneumopathie obstructive. Un fumeur régulier sur deux ayant commencé à fumer à l'adolescence mourra d'une cause associée au tabac, la moitié avant 69 ans. Les risques du tabagisme passif pour les non-fumeurs sont également bien établis.

« Concernant la mortalité générale par cancer, la France occupe le premier rang des pays européens, essentiellement du fait des cancers des voies aéro-digestives supérieures. Pour les cancers du poumon, la France est en position intermédiaire. En termes de mortalité prématurée, la France occupe le premier rang des pays européens pour les cancers des voies aéro-digestives supérieures et du poumon.

« La mortalité et la morbidité attribuables au tabagisme sont évitables. »

Il faut donc attaquer le mal à sa racine : la période de début d'accoutumance. Le tabagisme créant une dépendance à la nicotine, lorsque le fumeur est adulte, il est souvent trop tard. La consommation régulière de tabac et la dépendance qui lui est associée commencent à l'adolescence, particulièrement en France. Selon une étude européenne de 1999, alors que 18 % des jeunes adultes de 18 à 24 ans suédois ou finlandais fument, le tabagisme concerne 50 % des jeunes Français.

Au moins 85 % des cancers du poumon sont dus au tabagisme. Selon la Ligue contre le cancer, la durée de l'exposition et donc l'âge auquel on commence à fumer, sont quatre fois plus importants dans le risque de cancer que la quantité de cigarettes fumées.

Compliquer l'accès au tabac des adolescents est donc l'objectif de cette proposition de loi, qui s'inscrit dans une démarche plus vaste. Cette interdiction permettrait de dissuader, au moins partiellement, les jeunes de commencer à fumer. Elle manifeste également un souci de cohérence de la règle sociale à l'égard de la jeunesse : de même que l'alcool ou les drogues illicites, le tabac ne sera plus désormais en vente libre. Les buralistes qui refusaient jusqu'à présent, pour les raisons les plus louables, de vendre du tabac aux mineurs risquaient une condamnation pour refus de vente.

Le projet de loi relatif à la santé publique complétera cette initiative sénatoriale en l'inscrivant dans une approche globale de l'impact de la consommation de tabac sur la santé. Le programme « Ecole sans tabac » comprendra des actions d'information, d'interdiction, d'accompagnement et de prise en charge. Quant à la lutte contre la contrebande et la revente à la sauvette entreprise par l'Assemblée dans la loi de finances rectificative pour 2002, il convient de la renforcer, de même que la lutte contre les achats transfrontaliers.

En effet, la proportion importante de fumeurs se procurant leur tabac à l'étranger - 10 % d'entre eux reconnaissent le faire au moins une fois par mois - est un obstacle à toute politique de lutte contre le tabagisme fondée sur la fiscalité. Il conviendra d'harmoniser dans l'Union européenne le niveau des droits indirects pesant sur le tabac comme le préconisait la Commission européenne dès 1985 avec le Livre blanc sur le marché intérieur.

Conscient des difficultés que suscite une fiscalité moindre chez certains de nos voisins européens, le Gouvernement a engagé une action concertée avec eux en ce qui concerne la hausse des taxes sur le tabac.

M. Yves Bur - C'est indispensable.

M. le Rapporteur - Cette initiative doit être saluée et toutes ces démarches doivent être poursuivies, pour mener la lutte de grande ampleur contre le tabac que souhaite le Président de la République. Les buralistes risquent évidemment de perdre une partie de leur chiffre d'affaires d'autant que les clients les plus jeunes se rendant moins fréquemment dans les débits de tabac, la vente de briquets et allumettes, de confiseries ou de jeux diminuera. Des dispositifs spécifiques pourraient compenser ces pertes. Il serait souhaitable d'augmenter le taux de remise - c'est-à-dire la rémunération des débitants de tabac - qui s'élève à 8 % depuis l'arrêté du 21 septembre 1976. On éviterait ainsi de pénaliser indirectement de manière disproportionnée les débitants. Une réflexion a été engagée par le ministère du budget sur ce point, déjà évoqué par le rapport Recours de 1999. La création d'une mission d'information permettrait d'avancer sur cette voie.

Le 6 mai dernier, la commission rejetait cette proposition de loi, notamment au motif que la sévérité des sanctions à l'égard des buralistes en rendait l'application difficile et improbable. Je regrette ce rejet qui constitue un signe contradictoire dans la « guerre au tabac » décrétée par le Président de la République, d'autant plus que j'avais proposé de réduire significativement la sévérité des sanctions. J'ai toutefois voulu voir là non un rejet au fond, mais la demande d'un dispositif véritablement efficace.

Je propose donc que les sanctions soient largement revues à la baisse : j'ai déposé un amendement prévoyant de requalifier le délit de vente aux mineurs en contravention de deuxième classe, ce qui supprime la peine d'emprisonnement. En outre, l'amende maximale prévue en cas d'infraction est plafonnée à 150 €. Symboliquement, je propose de supprimer l'article 3 consacré aux sanctions pour réintroduire la peine prévue en cas d'infraction à l'article premier qui renverra également aux dispositions réglementaires nécessaires en ce qui concerne le contrôle de l'âge des clients.

Il s'agit en effet, non de réprimer une catégorie de commerçants, par ailleurs préposés de l'administration, mais de les associer à une politique de santé publique dont ils ont pleinement compris la nécessité.

Je propose donc d'adopter la présente proposition de loi, sous réserve de l'adoption de ces quelques amendements (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La proposition de loi du sénateur Joly peut s'analyser sous trois angles. D'abord celui de la santé publique : l'interdiction de vendre ou d'offrir gratuitement des produits du tabac aux mineurs de moins de 16 ans constitue une étape décisive pour notre dispositif législatif antitabac. Le tabac, je le rappelle, est bien plus meurtrier que la route, qui fait huit fois moins de victimes. Ce fléau est aussi la première cause de mortalité évitable. La mesure de lutte contre le tabagisme la plus pertinente est la prévention précoce de l'initiation au tabagisme, mesure la moins coûteuse et la plus efficace. Tous nos efforts doivent tendre vers un objectif : que l'on ne commence pas à fumer. A cet égard, la proposition de loi est très satisfaisante.

Deuxième angle, celui des buralistes, que ce texte a inquiétés notamment dans les régions frontalières. Or nous comptons sur leur engagement à nos côtés. Les députés se sont donc déclarés hostiles aux sanctions trop lourdes infligées en cas d'infraction. Nous faisons la guerre au tabac, pas aux buralistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Les buralistes sont des préposés de l'administration qui constituent un précieux réseau de commerces de proximité. Je salue par conséquent les efforts du rapporteur et d'Yves Bur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) qui ont plaidé en concertation avec la fédération des marchands de tabac, pour des solutions raisonnables.

Troisième angle, celui des grands industriels du tabac, dont le lobbying n'a pas manqué de se manifester ces dernières semaines. Pour couper court au recrutement de nouveaux fumeurs chez les jeunes, nous avons proposé d'interdire la vente de petits paquets de cigarettes. Nous voulons aussi voir préciser les conditions dans lesquelles les _uvres cinématographiques faisant apparaître des marques de cigarettes peuvent bénéficier de soutiens publics et interdire la publicité de produits comme le papier à cigarettes.

Le principal volet de la politique antitabac du Gouvernement ne repose pas sur la prohibition, mais sur de fortes hausses de prix à même d'infléchir la consommation. Le Président de la République a annoncé qu'elle serait résolument poursuivie et que ses recettes financeraient la lutte contre le cancer et les grandes actions de santé publique. L'augmentation du prix des cigarettes enregistrée au début de l'année s'est révélée inférieure à ce qui était attendu. Le Gouvernement propose donc d'alourdir la fiscalité sur les cigarettes pour inciter les industriels à augmenter leurs prix. Le rapporteur et la commission ont amélioré un texte qui pourra encore l'être à l'occasion du projet de loi sur la santé publique et, pourquoi pas, du PLFSS. En mettant en place cette stratégie globale, le Gouvernement envoie un message fort. Nous l'avons bien entendu (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Muguette Jacquaint - « Fumer tue », peut-on lire sur les paquets de cigarettes. Mais malgré les mises en garde prodiguées depuis des décennies, et l'augmentation des prix, le nombre de fumeurs ne diminue guère et 40 000 décès par cancer sont liés au tabac chaque année.

Dès lors, taxer et surtaxer, est-ce la bonne solution ? Surtout si les recettes ne servent pas à la prévention !

Le plus inquiétant est que la consommation augmente chez les jeunes. 50 % d'entre eux fument. L'adolescence est l'âge de toutes les libertés et de tous les défis Un quart de fumeurs fumaient déjà quotidiennement à 15 ans, la moitié à 17 ans et neuf sur dix à 22 ans. C'est avant 20 ans que le tabagisme s'installe pour les hommes et les femmes les plus jeunes. Dans ces conditions, une disposition de la proposition du sénateur Joly, écartée par la commission, avait une vraie portée préventive : la prise en charge par l'assurance maladie des substituts nicotiniques pour les moins de 18 ans.

Je comprends mal pourquoi on l'a écartée, préférant la répression contre les débitants de tabac.

Ceux-ci sont à là la fois préoccupés de santé publique et de la diversification de leur activité. Ils réfléchissent donc aux mesures qui pourraient être prises, aux compensations fiscales, et aux nouveaux services publics de proximité qu'ils pourraient apporter. Sur ces points, ils attendent vos réponses. Dans l'immédiat, cette insuffisance manifeste et les sanctions disproportionnées à l'encontre des débitants a conduit au rejet du texte en commission.

Le constat est clair : malgré toutes les mesures prises, la consommation de tabac ne recule pas assez, surtout chez les jeunes. Comment être plus efficace ? La proposition a un objectif auquel nous ne pouvons que souscrire. Mais les mesures qu'elle contient sont inadaptées, voire hypocrites. D'un côté, on fait de la prévention dans les écoles, de l'autre on punit. Mais qui ? Les fabricants de cigarettes ? Non, les vendeurs, promis à des amendes exorbitantes en cas de vente à des mineurs. Qu'on les responsabilise, certes, mais ces mesures sont difficilement applicables, et il serait plus simple de rembourser les substituts nicotiniques.

En effet, il s'agit moins de punir que d'aider les fumeurs, surtout les jeunes. On sait qu'ils commencent au collège, au lycée. On leur propose des campagnes de publicité agressives ou moralisantes, ce qui n'a guère d'effet à cet âge. Ceux qui veulent s'arrêter n'ont guère d'autre choix que le sevrage « sec ». Quand on annonce un grand plan de lutte contre le cancer, comme l'a fait le Président de la République, on pourrait trouver mieux que l'augmentation régulière des prix du tabac, d'autant que des marchés parallèles ou l'approvisionnement dans les pays voisins en limitent l'efficacité.

Depuis des années, notre groupe demande que, pour lutter contre le tabagisme, les substituts nicotiniques soient remboursés. Vous voulez centrer la lutte contre le tabac sur les jeunes. C'est une bonne idée. Mais il faut leur proposer cette prise en charge des substituts nicotiniques dans le cadre d'un dialogue avec des professionnels de santé.

Nous avions déposé deux amendements répondant parfaitement à cet objectif, mais qui ont été rejetés en commission puis déclarés irrecevables.

Le premier permettait aux adolescents de se procurer ces produits nicotiniques dans des réseaux de soins et à l'infirmerie du lycée, dont le personnel pourrait ensuite assurer un suivi. Mais pour cela, il faudrait aussi donner les moyens nécessaires à la médecine scolaire, souvent traitée en parente pauvre. A ce sujet, je me fais le relais des inquiétudes que soulève le projet de transférer certaines responsabilités de la vie scolaire aux collectivités locales dans le cadre de la décentralisation, sans leur donner de moyens supplémentaires.

Notre second amendement reprenait la disposition initiale de la proposition de loi sur la prise en charge par l'assurance maladie des produits nicotiniques pour les moins de 18 ans.

Il faut montrer aux Français que l'Etat se préoccupe de les aider plutôt que de les punir, donc préférer le dialogue et la concertation avec le jeune fumeur à la répression. Cette initiative parlementaire, qui ne s'attache pas à l'enjeu réel, risque d'être vouée à l'échec. Mais, Monsieur le ministre, vous pouvez donner un sens véritable à la politique de prévention en faisant discuter les amendements que nous proposons.

Cette proposition a été rejetée en commission et de ce fait retirée de l'ordre du jour. Vous l'inscrivez de nouveau en session extraordinaire, alors que le projet de loi sur la santé publique comporte un volet sur la lutte contre le tabagisme ! Je comprends mal la démarche du Gouvernement. Mieux vaut ne pas légiférer que mal légiférer.

Mme Catherine Génisson - Tout à fait !

Mme Muguette Jacquaint - Une réflexion d'ensemble sur la lutte contre le tabagisme chez les jeunes s'impose. C'est pourquoi le groupe des députés communistes et républicains s'abstiendra sur ce texte.

M. Jean-Pierre Door - Je vous félicite, Monsieur le ministre, d'avoir accepté l'examen de cette proposition de loi. La commission des affaires sociales l'avait refusée le 6 mai car elle donnait l'impression d'être excessive, en prévoyant des sanctions disproportionnées et en stigmatisant le métier de buraliste. Mais dans la cadre de la lutte contre le cancer, annoncée par le Président de la République, nous devons faire des propositions.

En effet, le tabac et l'alcool sont des tueurs planétaires. Le Gouvernement va donc faire la guerre au tabac. Dans notre pays, 8 millions d'hommes et 5,5 millions de femmes fument. 60 000 décès par an, dont 5 000 de femmes, sont liés à la consommation de tabac, et 40 000 à celle d'alcool. Selon une enquête parue dans le Monde le 26 octobre 1999, le tabac représente un coût social de 13,5 milliards par an, et le rapport Recours annonce que le tabac fera 160 000 morts par an en 2025. 37 % des 12 à 25 ans, dont 34 % des garçons et 40 % des filles fument. L'adolescence est donc bien l'âge critique où se prennent de mauvaises habitudes. Or le tabac et l'alcool sont des drogues dont on devient aisément dépendant.

Entre 1980 et 2000, selon la direction générale de la santé, le nombre de cas de cancer a presque doublé, passant de 150 000 à 280 000. Cette évolution est bien entendu liée aux consommations d'alcool et de tabac, notamment. La seconde se maintient à un niveau élevé et, si l'on parle maintenant de sevrage, s'il y a eu des campagnes d'information et si la loi Evin a interdit de fumer dans certains lieux publics, tout le bénéfice en est annihilé par l'extension du tabagisme à de nouvelles catégories de population, en particulier aux jeunes filles et aux femmes.

Nous nous réjouissons de l'allongement de l'espérance de vie à la naissance - 81 ans pour les hommes et 86 pour les femmes -, nous consentons des efforts considérables en faveur de la santé publique, le taux de survie après cancer est en France l'un des plus élevés d'Europe et nous avons l'un des meilleurs systèmes pour le traitement des problèmes coronariens. Mais la mortalité avant 60 ans est chez nous parmi les plus élevées d'Europe ! Les causes en sont le cancer du poumon, la consommation d'alcool et les accidents routiers.

Quelle est donc notre faiblesse, avec un système de santé parmi les meilleurs du monde ? C'est bien évidemment la prévention, et il est donc indispensable que nous agissions sur les comportements individuels pour réduire les consommations addictives. Nous devons développer le dépistage et la prévention, alerter sur le risque de maladies cardio-vasculaires et de cancers. Il faut rompre avec une longue tradition de négligence !

Dans une carrière de cardiologue, à combien de drames n'assiste-t-on pas ! Pour ma part, je me souviens de cette jeune femme de 22 ans, fumant 40 cigarettes par jour et prenant la pilule. Elle présentait un infarctus d'apparition récente, qui a été pris en charge, mais une sténose serrée de la carotide a provoqué un accident neurologique irréversible. L'association du tabac et de la pilule peut en effet être catastrophique...

Le tabac marque d'une empreinte mortelle dès le plus jeune âge : une étude américaine a ainsi révélé que les soldats tués au Vietnam présentaient à l'autopsie des lésions sur leurs parois coronaires et artérielles périphériques : ils n'avaient que vingt ans, mais ils fumaient !

Dans un débat récent, un orateur relevait que les stratégies de prévention ne pouvaient être réduites à un gain d'années de vie : pour les jeunes, ce critère ne signifie rien et l'augmentation de la consommation de tabac et d'alcool est d'ailleurs révélatrice de leur insouciance. Il faut en tenir compte quand nous élaborons nos politiques. La lutte entreprise par notre collègue Evin a permis des avancées, mais celles-ci sont trop souvent ignorées ou contestées.

L'interdiction de la vente aux moins de 16 ans favorisera une certaine prise de conscience dans notre société, qui doit sortir d'une indifférence coupable. Les sanctions contre la contrebande à proximité des écoles et des lieux de loisir doivent également être renforcées, en recourant à l'article 39 de la loi de finances, pour conforter les acquis de la loi Evin. Enfin, il faut une véritable politique de prévention, comportant des mesures d'éducation précoce. Or tels sont bien les principaux axes de l'action entreprise.

Bien vieillir dépend de l'attitude de chacun dès son plus jeune âge. Le c_ur est le formidable moteur de la machine humaine et l'intégrité de l'organisme dans son entier nécessite qu'on le protège contre ces tueurs planétaires. Soixante-cinq pour cent des Français sont favorables à la présente proposition, soutenue également par la fédération française de cardiologie et par les associations de lutte contre le cancer. Cette interdiction est donc nécessaire et le groupe UMP vous remercie d'avoir fait d'une mesure plus que symbolique une mesure applicable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Catherine Génisson - Adoptée en première lecture par la Haute Assemblée le 11 février, puis rejetée par notre commission des affaires sociales le 7 mai, cette proposition de loi du sénateur Joly devrait faire l'unanimité : comment ne pas souscrire à l'objectif, qui est d'éviter que les jeunes ne s'accoutument à la consommation de tabac, lorsqu'on sait que le tabagisme provoque chaque année 60 000 décès en France, soit plus d'un décès sur neuf, et dans le quart des cas par cancer ?

Le baromètre « Santé 2000 » a établi que 36,7 % des jeunes de 12 à 25 ans déclarent fumer, au moins occasionnellement, la proportion passant de 8,5 % entre 12 et 14 ans à 40,9 % entre 15 et 19 ans et à 47,6 % entre 20 et 25 ans ; 4,1 % des 12-14 ans déclarent fumer régulièrement, et si la proportion de filles et de garçons déclarant fumer est équivalente entre 12 et 25 ans, les adolescentes de cette même tranche d'âge fument davantage que les garçons.

Si l'on ne peut nier le problème par conséquent, ce texte est-il de nature à le régler ? Nous ne le pensons pas, y voyant plutôt un cache-misère.

Il nous paraîtrait en effet plus judicieux d'aborder cette question de façon globale, dans le cadre du prochain projet sur la santé publique. D'autre part, la disposition proposée nous semble à la fois impraticable et insuffisante. Elle fait d'ailleurs débat, aussi bien au sein de la commission où les discussions ont été vives que parmi la communauté scientifique. Ainsi, au sein du comité d'éducation pour la santé, Mme Ratte y est opposée. En effet, alors que plusieurs pays étrangers l'ont déjà adoptée, elle n'y connaît en général qu'une application limitée et l'analyse montre qu'elle n'a que peu contribué à abaisser l'âge de l'initiation au tabac. M. Chaloupka, économiste de la santé et expert auprès de l'OMS et de la Banque mondiale, a donc conclu à son caractère inopérant et estimé que mieux vaudrait mettre l'accent sur la réduction de la demande, qu'on peut obtenir par une hausse des taxes, par la limitation du tabagisme dans les lieux publics et au travail, par l'interdiction de la publicité et par un recours plus facile aux médicaments de substitution nicotinique. Quant au directeur du centre de recherche sur l'industrie du tabac de l'Université d'Alabama, il relève que, si les industries ont elles-mêmes conçu des programmes pour dissuader les jeunes de fumer, elles cherchent surtout à se donner une image « compatissante ». De son côté, le directeur de ASH Royaume-Uni considère que ces mesures sont celles qui ont le moins de chances d'être efficaces dans la mesure où elles confortent la définition de la cigarette comme « produit adulte », et donc son image de produit défendu. L'initiation au tabac devient ainsi plus que jamais un rite de passage.

Si donc l'industrie du tabac milite pour cette interdiction, ce n'est certainement pas contre son intérêt. On remarquera d'ailleurs qu'à aucun moment, la question de la responsabilité des fabricants n'est posée et que le développement du parrainage des activités sportives et culturelles permet dans le même temps de contourner la législation, par une publicité indirecte.

Il ne faudrait pas non plus que cette interdiction soit interprétée comme un signe de désengagement de l'Etat, notamment dans le domaine de la prévention. Cependant, votre propos nous a rassurés et, en tout état de cause, notre principale réserve tient aux limites de toute politique répressive, toujours moins efficace qu'une politique éducative. Interdire déresponsabilise et infantilise.

L'interdiction que vous proposez fera apparaître les jeunes qui fument comme des jeunes « à problèmes », voire des déviants ou des délinquants. En définitive, elle risque de nuire aux plus jeunes au lieu de leur être bénéfique. D'une part, on met à nouveau l'accent sur le symptôme au lieu d'agir sur les causes du tabagisme. D'autre part, la baisse d'estime de soi qui pourrait résulter de l'assimilation à un délinquant peut décourager de tenter un sevrage. Enfin, mettre l'accent sur l'exclusion sociale d'un comportement peut s'avérer très déstabilisant pour les jeunes fumeurs, alors que plus de la moitié d'entre eux déclarent souhaiter s'arrêter de fumer.

Et je ne m'attarderai pas sur la possibilité évidente de faire acheter ses cigarettes, en se faisant taxer au passage.

En outre, avec cette proposition de loi, les buralistes deviennent les boucs émissaires du tabagisme des jeunes. L'interdiction est inapplicable quand on sait que la vente d'un paquet de cigarettes ne prend que 30 secondes en moyenne - sans parler des problèmes accrus de sécurité pour les commerces des quartiers difficiles.

Une manifestation de buralistes, la première du genre, a eu lieu récemment à Strasbourg. En effet, la profession est confrontée au développement de la contrebande transfrontalière, qui fragilise l'équilibre économique de nombreux débits de tabac. Plutôt que de légiférer dans l'urgence et de faire porter sur cette seule profession le poids de la lutte contre le tabagisme chez les jeunes, mieux vaudrait réfléchir avec elle à une charte de bonnes pratiques ! Je me félicite que vous nous ayez fait des propositions en ce sens, Monsieur le ministre.

Ce texte soulève donc plus de problèmes qu'il n'en résout. L'argument selon lequel mieux vaut faire peu que de ne rien faire du tout n'est pas recevable : cette proposition de loi pourrait avoir un effet boomerang. Ne nous donnons pas bonne conscience à peu de frais. D'autant qu'on peut acheter par internet un paquet de cigarettes pour deux euros avec livraison en 48 heures !

Nos propositions sont différentes. D'abord, il convient de faire strictement respecter la loi Evin dans les lieux publics et les établissements scolaires. Moins de 30 % des lycéens ont bénéficié d'une action de prévention du tabagisme. Il serait intéressant d'enquêter sur les lieux de consommation tolérés par les chefs d'établissement et de sensibiliser les enseignants à leurs responsabilités et à leur rôle de modèle en ce domaine, ainsi que d'associer les parents à cette lutte.

Il est également très important d'impliquer les jeunes dans les campagnes contre le tabagisme. Il existe des exemples instructifs : en Californie, le programme mené vise à donner une perception négative du tabac à l'ensemble de la population et mobilise les jeunes dans des actions d'opposition à l'industrie du tabac et à ses pratiques contraires à l'éthique. Il se centre donc sur un militantisme éthique plus que sur la connaissance des dangers du tabac : campagnes de protestation contre l'exploitation des pays tiers, contre la manipulation du produit, etc.

En Floride, une campagne ciblant les jeunes a fait diminuer le tabagisme de 7 % chez les collégiens et de 5 % chez les lycéens. Comme en Californie, elle s'appuie sur une stratégie de dénonciation des comportements de l'industrie du tabac. Disposant de moyens financiers importants - 15 millions de dollars -, elle utilise toutes les techniques de marketing moderne, capitalise l'esprit de rébellion et implique les jeunes dans sa conception même, les transformant en acteurs de la politique de prévention.

Il importe aussi de favoriser l'accès des jeunes aux médicaments d'aide à l'arrêt du tabac et d'agir au niveau européen.

Cette proposition de loi n'est donc pas à la hauteur des enjeux. Monsieur le ministre, nous attendons votre loi de santé publique, à laquelle nous souhaitons travailler le plus vite possible (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre-Christophe Baguet - Je ne reviendrai pas sur le constat accablant sur les ravages du tabac car nous le partageons tous. J'ai rarement vu, dans cette assemblée, une telle unanimité sur les objectifs. Pourtant les débats ont été confus et houleux et ce texte nous met mal à l'aise. Pourquoi ?

D'abord parce que plutôt qu'un texte isolé et partiel, nous attendons, Monsieur le ministre, votre grande loi sur la santé publique. On ne sait pas vraiment ce que veut le Gouvernement : faire _uvre de salut public ou continuer à exploiter la poule aux _ufs d'or qu'est la fiscalité sur le tabac ?

Deuxième reproche, il n'y a pas eu de concertation entre les parties concernées : les consommateurs, les familles, les fabricants, les buralistes, le corps médical, les psychologues, le Parlement et l'Etat.

Troisième reproche, le manque de vision européenne et mondiale du problème. Avec la liberté du commerce dans les Quinze, bientôt Vingt-Cinq pays de l'Union européenne, chacun mesure les limites d'une législation purement nationale sur les prix et les conditionnements - elle ne fera qu'encourager la contrebande et les trafics avec les pays voisins.

Enfin, notre malaise vient aussi du fait que ce texte est purement répressif et ne s'accompagne pas de mesures de prévention.

Puisqu'il nous est présenté, essayons au moins de l'améliorer. Oui à la guerre au tabac, à des sanctions adaptées et réellement applicables. Mais ne faisons pas reposer sur une profession la responsabilité de cette guerre au tabac. C'est dans cet esprit que le groupe UDF a déposé des amendements sur plusieurs points.

D'abord sur l'âge : pourquoi 16 ans ? Ne serait-il pas plus logique de s'aligner sur la majorité légale ?

Sur le conditionnement : pourquoi 19 cigarettes ? Les paquets de 10 ou 15 cigarettes sont plus attractifs, financièrement, pour les plus jeunes, il faut donc les éliminer. Mais sachant que la consommation moyenne est de 14,3 cigarettes par jour, pourquoi imposer un minimum de 19 cigarettes par paquet ? On risque une action en justice de fumeurs affirmant qu'ils ont été ainsi contraints de consommer plus ! On assiste déjà à des procédures de ce type dans les pays anglo-saxons.

Et pourquoi continuer à autoriser des paquets de 25 ou 30 cigarettes, qui diminuent le coût unitaire ? Le plus simple est de revenir à un paquet unique de 20 cigarettes, ce qui allégerait la tâche de toutes les professions qui doivent compter et manipuler les paquets.

Je n'aurai pas la cruauté de rappeler le plan anticancer et ses soixante-dix propositions agréées par le chef de l'Etat lui-même, qui invitent à interdire les paquets de 10 ou 15 mais aussi à éviter le contournement des mesures.

Un autre amendement du groupe UDF concerne l'écoulement, après publication de la loi, des paquets non conformes à la nouvelle législation. J'avais proposé un délai d'un an, mais nous acceptons de retirer cet amendement compte tenu des délais de publication des décrets.

S'agissant des sanctions dont les buralistes seront passibles, on passe vraiment d'un excès à l'autre : nos collègues sénateurs ne proposaient pas moins, en cas de récidive, qu'un an de prison, 7 500 € d'amende et la privation de la licence ; de son côté, la commission propose une amende de deuxième classe de 150 €... Ce n'est pas avec cela que nous afficherons notre détermination ! En matière de sécurité routière, c'est la peur du gendarme et la gravité des sanctions qui ont fait progresser les mentalités. L'existence de sanctions dissuasives est nécessaire, ne serait-ce que pour permettre aux buralistes de se justifier vis-à-vis de clients un peu insistants.

En ce qui concerne le prix, je suis surpris, Monsieur le ministre, de découvrir un amendement gouvernemental qui relève l'incidence fiscale globale de 3 %. Pourquoi avoir préféré cette procédure au relèvement du minimum de perception ? Ce choix a un triple inconvénient : pousser les consommateurs vers les produits à bas prix ; ne pas avoir d'impact suffisant sur les recettes fiscales ; ne pas donner de garantie suffisante quant à l'augmentation du prix des cigarettes. Rappelons-nous qu'au lendemain du PLFSS, trois fabricants ont baissé leurs prix. Relever le minimum de perception de taxe aux 1 000 cigarettes contraindrait les fabricants à les augmenter.

M. Yves Bur - C'est vrai.

M. Pierre-Christophe Baguet - Enfin, la hausse nécessaire des prix aurait des effets pervers si elle ne s'accompagnait pas d'un renforcement de la lutte contre la contrebande et d'une harmonisation européenne. Aujourd'hui la contrebande représente en France 7 % du volume global de cigarettes consommées, et en Angleterre 30 %. Il faut, Monsieur le ministre, aborder d'urgence ce sujet avec vos collègues européens et avec les ministres de l'intérieur et de la justice.

Le dernier amendement déposé par le groupe UDF, seul retenu par la commission, vise lui aussi à la cohérence. Il s'agit d'aider les buralistes à faire face à la baisse des ventes. Nous demandons au Gouvernement de présenter en 2004 au Parlement un rapport étudiant la possibilité d'un alignement sur le régime de droit commun des commerçants en matière de taxe professionnelle.

Monsieur le ministre, la guerre contre le tabac ne pourra être gagnée qu'en conduisant des actions de prévention ; j'espère que vous prendrez toutes les mesures souhaitables dans la loi sur la santé publique. Par ailleurs, la concertation est indispensable : on ne pourra faire évoluer les mentalités sans le concours de tous. Mais il faut un leader qui s'engage clairement : nous comptons sur vous.

M. Yves Bur - En adoptant la réforme des retraites, en engageant enfin la modernisation de l'Etat, en nous apprêtant à examiner la réforme de notre système de santé, nous préparons l'avenir de nos jeunes. Il serait paradoxal, dans le même temps, de ne rien entreprendre pour les préserver d'un fléau qui les menace. Il est temps de prendre conscience qu'un fumeur sur deux mourra de son tabagisme.

L'interdiction de vente du tabac aux moins de 16 ans contribuera activement à mobiliser notre pays contre ce fléau. Cependant, il ne faudrait pas stigmatiser les buralistes, qui exercent pour le compte de l'Etat et sous son contrôle le monopole de la distribution des produits du tabac. En proposant de ramener la sanction des débitants de tabac au niveau d'une contravention de deuxième classe, soit 150 €, nous les responsabilisons sans les accabler.

Il faut aussi mener une politique d'éducation et de prévention bien avant 16 ans, afin que les jeunes comprennent mieux les dangers que l'avidité des cigarettiers fait peser sur leur santé. Il est urgent de mobiliser l'ensemble du système éducatif dans une lutte sans concession contre le tabac, qui ne doit pas être troublée par les arguments habilement distillés par l'industrie du tabac.

Notre pays est en première ligne pour les ravages du tabagisme, cette peste des temps modernes. Le tabac tue, il tue dans d'affreuses souffrances et la mort qu'il cause est la plupart du temps prématurée. Il tue davantage de personnes que le sida, les accidents de la route, l'alcoolisme, les meurtres, les suicides, les drogues et les incendies réunis.

Notre ennemi n'est pas le planteur de tabac, qui devrait être mieux rémunéré par les cigarettiers, plutôt que d'être subventionné par l'Union européenne pour 76 millions d'euros.

Notre ennemi n'est pas le buraliste, qui assure pour d'autres produits un service de proximité. Il faut intéresser cette profession encore plus fortement aux enjeux de santé publique et trouver avec elle de nouvelles sources de revenus pour pallier la baisse de consommation.

Notre cible doit être les fabricants de cigarettes, dont le seul but est d'accroître leurs profits en trouvant de nouvelles victimes. Cette industrie qui vend de la mort en différé a toujours minimisé la dangerosité du tabac, et l'a même longtemps niée. Oui, la cigarette tue chaque jour l'équivalent des passagers d'un Airbus 320 et ce n'est pas acceptable, même si un ancien dirigeant de la SEITA affirmait que du fait des retraites non versées, la cigarette génère plus d'économies d'assurance maladie ! Mes chers collègues, pour mesurer le cynisme froid de cette industrie de la mort, je ne puis que vous recommander la lecture du livre du professeur Dubois, Le rideau de fumée. Elle est particulièrement instructive, mais l'auteur n'a malheureusement pas eu accès aux archives françaises retraçant l'attitude de l'ex-SEITA, qui n'a pas été plus vertueuse que les compagnies étrangères.

M. François Goulard - On peut le dire.

M. Yves Bur - Monsieur le ministre, il faut mettre au grand jour les turpitudes françaises. Il est temps que les rouages de l'Etat se désintoxiquent du lobbying de l'ex-SEITA, encore omniprésent avec Altadis (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Le temps doit être révolu où l'on calibrait la taxation en fonction des dispositifs qui ne privilégie aucun fabricant de mort différée et qui ne favorise pas le déport de consommation vers les cigarettes les moins chères.

Nous devrons aussi renforcer nos moyens pour faire respecter les dispositions de protection contre la fumée dans tous les lieux publics, en particulier dans tous les établissements scolaires, où le tabac n'a pas sa place. N'oublions pas que chez les non-fumeurs, le risque de maladies cardio-vasculaires est de 23 % plus élevé lorsqu'ils vivent avec un fumeur.

Il faut en particulier veiller à contrer tout détournement de l'interdiction de publicité pour le tabac. Certains journaux savent bien qu'ils vantent moins une marque d'habits que le nom d'une marque de cigarettes...

Monsieur le ministre, les Français approuvent le combat que vous menez aux côtés du Président de la République contre le cancer et contre le tabac. Je proposerai avec mon collègue Vannson des amendements pour renforcer cette lutte et la cohérence du dispositif réglementaire. Nous voterons l'interdiction de vente de tabac aux moins de 16 ans, en comptant sur vous pour qu'elle soit accompagnée d'une puissante action éducative (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. le Ministre - Tous les intervenants sont d'accord, notamment M. Door, qui a fait part de son expérience de cardiologue et M. Bur, qui vient de faire une belle démonstration : nous devons faire baisser la consommation de tabac.

Certains, Mme Jacquaint, Mme Génisson, M. Baguet ont estimé que ce texte était incomplet. C'est vrai, mais il s'agit d'une proposition de loi d'initiative parlementaire, que le Gouvernement a voulu saluer et accompagner sans la dénaturer.

Cette proposition est un élément de la lutte globale contre le tabac qui sera poursuivie à l'automne avec le projet de loi de santé publique et le PLFSS.

J'ai pris l'engagement que le plan contre le cancer serait financé par le produit de la vente du tabac. Il comporte soixante-dix mesures, et parmi elles, la prise en charge des substituts nicotiniques qui donnent aux fumeurs deux à trois fois plus de chances de s'arrêter.

Nous prendrons des mesures en faveur de programmes expérimentaux de protocoles d'arrêt. Des centres pilotes « Ecole sans tabac » seront mis en place dans le cadre d'une convention signée avec le ministère de l'éducation nationale et seront financés par le fonds national de prévention, d'éducation et d'intervention sanitaire.

Mme Génisson s'est interrogée sur l'efficacité de certaines mesures de la proposition de loi. Or, elles ont déjà été adoptées en ce qui concerne la consommation d'alcool, l'interdiction des salles de jeux ou de certains spectacles. L'âge, en effet, est un repère symbolique fort.

Nous ne sommes pas dans une optique de répression mais de dissuasion. Certes, des controverses existent, mais il y en a bien pour la vitesse sur les autoroutes. A un moment ou un autre, il appartient aux hommes politiques de faire un choix, même si la solution miracle n'existe pas.

En ce qui me concerne, j'ai trop plaidé pour le principe de précaution pour ne pas être convaincu qu'il importe d'abord de ne pas délivrer de tabac aux jeunes. J'ajoute que nous sommes très efficaces en matière de prévention. Notre dernière campagne - sur le contenu de la cigarette - a été jugée exemplaire à l'étranger.

Beaucoup d'orateurs l'ont souligné : ces mesures, adressées aux jeunes, ne dispensent pas les adultes d'avoir un comportement responsable et de ne pas fumer sous le nez d'adolescents qui auront la tentation d'en faire autant en croyant ainsi entrer dans l'âge adulte.

Vous avez insisté sur la contrebande, les circuits illicites, Internet...

Mme Catherine Génisson - Internet, c'est un autre sujet.

M. le Ministre - Tout cela est fondé, mais il serait trop facile de renoncer sous le prétexte que l'on ne contrôle pas tout. Nous ne pouvons pas non plus, malgré toutes les interdictions, garantir la bonne conduite automobile non plus que la fin des trafics de stupéfiants.

Selon Mme Jacquaint et Mme Génisson, si l'on ne peut pas tout résoudre, il vaudrait mieux ne rien faire...

Mmes Muguette Jacquaint et Catherine Génisson - Nous n'avons pas dit cela.

M. le Ministre - L'initiative parlementaire a sa place aux côtés de l'initiative gouvernementale. Cette proposition de loi apporte une contribution utile. Je m'exprimerai sur d'autres points à propos des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Marie Le Guen - C'est un texte laborieux.

M. le Président - J'appelle les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

A la demande du Gouvernement, les amendements portant article additionnel avant l'article premier sont réservés jusqu'après l'examen de l'article premier.

ARTICLE PREMIER

M. François Goulard - La cause que vous défendez est juste, Monsieur le ministre. La majorité sera à vos côtés.

Sur un sujet aussi sérieux, il faut remiser au second plan les arguments d'ordre économique, la protection de telle ou telle industrie.

Le texte qui nous est soumis n'est pas totalement satisfaisant. Sans doute conviendra-t-il de l'amender. Nous avons déjà parlé des sanctions concernant les buralistes, qui sont excessives. Nous pouvons également nous interroger sur la limite d'âge : pourquoi 16 ans, alors que la majorité est à 18 ? Pourquoi l'interdiction, dans un amendement gouvernemental, de vendre des paquets de moins de 19 cigarettes et non pas 20 ? Le bon sens voudrait que l'on adopte des règles plus compréhensibles.

Chaque année, nous discutons de la fiscalité du tabac, qui a un double avantage : dissuasion et financement de l'assurance maladie. Il faut utiliser avec cohérence l'arme fiscale : s'il est justifié d'augmenter la fiscalité sur le tabac, la façon de le faire est tout aussi importante. Et si l'on augmente les droits proportionnels, il faut également augmenter les droits fixes pour que l'augmentation de la fiscalité n'entraîne pas un report de la consommation sur les produits les moins chers. Sinon l'objectif de santé ne serait pas atteint et notre action ne serait pas comprise (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Martine Aurillac - L'article premier porte sur le principe de l'interdiction de la vente de tabac aux mineurs de moins de 16 ans.

Les risques sanitaires induits par la consommation de tabac sont bien connus. Nul n'est censé ignorer que le tabac tue. 60 000 personnes par an et sûrement plus dans l'avenir, car les filles, souvent par une conception malvenue de l'égalité des sexes, ont rejoint les garçons sur la route du tabagisme, la jalonnant de nouveaux cancers.

L'information a eu peu d'effets sur les adolescents et les jeunes adultes. Le cancer leur paraît loin et, après tout, certains y échappent : le risque existe mais pas la certitude.

La lutte contre le tabagisme commence à l'école, à condition que tous les personnels s'y investissent et que les règlements interdisant de fumer dans l'enceinte des établissements soient appliqués. Le programme « Ecole sans tabac » tentera d'y parvenir. Il faut l'approfondir et l'évaluer.

La hausse du prix du tabac, la suppression des petits paquets sont de bonnes mesures, dont les limites apparaissent, cependant, tant que la fiscalité sur le tabac n'aura pas été harmonisée en Europe. La France devrait prendre une initiative ultérieure dans cette direction. Reste l'interdiction de la vente aux mineurs. Bien qu'elle puisse être contournée, cette mesure limitative est bonne, mais elle reste difficile à mettre en _uvre par les buralistes légitimement inquiets par ailleurs du caractère excessif des sanctions - que notre commission a d'ailleurs rejetées.

La plupart des débitants de tabac sont aussi cafetiers. Ils appliquent depuis cent ans la législation qui interdit la vente d'alcool aux mineurs. Il convient de faire la même chose pour le tabac et d'harmoniser les sanctions pénales qui doivent rester de simple police - contraventions de deuxième catégorie - mais être appliquées, faute de quoi cet article risque de rester symbolique. Amendé à juste titre par notre commission, il peut devenir un élément de dissuasion et de prévention dans la lutte contre le cancer. Nous devons donc l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Richard Mallié - L'OMS place la France parmi les dix pays les plus consommateurs de tabac chez les jeunes de 11 à 15 ans. Or, nul ne peut se méprendre sur les méfaits du tabac. Les professionnels de santé que nous sommes tous deux, Monsieur le ministre, savent que le tabac provoque chaque année, en France, 60 000 décès, dont les deux tiers peuvent être considérés comme prématurés.

Les projections prévoient 165 000 décès en 2025, soit un doublement des décès masculins et un décuplement des décès féminins. Cette proposition de loi répond donc à un réel enjeu de santé publique. Nous ne pouvons qu'approuver son dispositif qui est déjà en vigueur dans un grand nombre de pays européens.

Toutefois, les buralistes ne doivent pas être regardés comme des parias : les sanctions prévues dans le cas de vente à un mineur de moins de 16 ans me paraissent disproportionnées. Il faut certes dissuader, mais je crains que l'on prenne une masse pour enfoncer une punaise.

Avec mon collègue Bruno Gilles, nous souhaitons appeler votre attention sur le danger que représente le tabac de contrebande pour la santé publique.

La hausse du prix du tabac de 140 % en valeur depuis dix ans entraîne mécaniquement une augmentation de la contrebande. Si une ville comme Marseille est particulièrement touchée, aucune région n'est malheureusement épargnée.

Le phénomène s'étend sur tout le territoire national, l'émergence de nouvelles technologies comme Internet facilitant nettement ce type de trafic.

Les services des douanes et de la police parlent même d'une « explosion du tabac de contrebande ».

Nous ne pouvons fermer les yeux : cette économie parallèle fleurit devant les lycées. Au Royaume-Uni, où la vente aux moins de 16 ans est interdite, environ 250 000 mineurs achètent illégalement du tabac de contrebande chaque semaine.

Or, si les cigarettes clandestines sont presque indécelables au goût, elles présentent un risque accru pour la santé. Elles échappent par définition à tous les contrôles sur la teneur en nicotine et en goudron. Les examens pratiqués sur un lot saisi en février à Saint-Denis l'attestent : le tabac chinois présentait bien plus de goudron et presque deux fois plus de nicotine que ce qui est autorisé dans l'Union européenne. Or, la Chine produit environ 85 % des quelque 100 milliards de cigarettes contrefaites chaque année dans le monde.

Un autre effet pernicieux de ce commerce illicite est la non-application des réglementations sanitaires sur les paquets, telles que celles portant sur les mises en garde ou la vente aux mineurs.

Une politique ferme à l'égard de la contrebande est indispensable pour que cette proposition de loi soit une arme efficace contre la consommation du tabac chez les jeunes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Muguette Jacquaint - Monsieur le ministre, je n'ai pas dit que nous étions contre toute initiative parlementaire. Bien au contraire ! J'ai simplement rappelé que le texte du sénateur Joly allait plus loin que ce qui nous est proposé aujourd'hui. Vous avez assuré que nous y reviendrions dans le cadre d'un texte global sur la santé publique et du financement de la sécurité sociale.

La proposition ne repose que sur une démarche d'interdiction. Nous n'y sommes pas opposés, pour peu qu'elle s'accompagne d'une action déterminée en faveur de la prévention.

Mais les amendements qui nous sont proposés illustrent le manque d'ambition de la majorité. Ainsi, un amendement vise à incriminer les débitants ayant vendu des produits du tabac à un mineur de moins de 16 ans, sauf s'ils prouvent qu'ils ont été trompés. Je crains qu'ils prétendent systématiquement l'avoir été. Un autre amendement vise à permettre l'écoulement des stocks de paquets de dix cigarettes. Enfin, le Gouvernement a déposé un amendement pour augmenter les taxes que certains de nos collègues ont étendues aux produits dérivés comme le papier à cigarettes. Ces dispositions ont certes une influence sur la consommation. Mais ne négligeons pas les marchés parallèles qu'elles vont créer ! Je souhaiterais connaître le produit fiscal attendu de cette augmentation et la part qui en sera consacrée à la prévention.

La priorité doit aller à l'aide et à l'accompagnement au sevrage. Les propositions que nous avons formulées en ce sens sont confortées par les 300 experts qui, dès 1998, s'étaient prononcés pour le remboursement par lasécurité sociale, après consultation médicale, des timbres antitabac. Un de vos prédécesseurs avait envisagé un forfait sevrage. Il faut approfondir cette idée. Si rien n'est fait en faveur de la prévention, toutes les autres tentatives sont vouées à l'échec. Sur un tel sujet, nous ne pouvons nous contenter d'effets d'annonce et de bonne volonté. Il faut vraiment des propositions concrètes. Celles qui sont faites sont loin d'être suffisantes.

M. Pierre-Christophe Baguet - On ne peut pas promouvoir une nouvelle politique sans que les sanctions soient proportionnées. Pour être efficace, il faut maintenir des contraventions de cinquième classe, c'est-à-dire 1 500 € d'amende et 3 000 en cas de récidive « hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit ». Je ne souhaite pas néanmoins que la récidive soit ici un délit. L'amendement 16 propose des sanctions raisonnables.

M. le Rapporteur - Le texte du Sénat était très sévère pour les buralistes. Or, notre objectif est de lutter contre le tabac. Avec Yves Bur, nous avons constaté que les buralistes avaient pleinement pris conscience de leurs responsabilités. Nous devons travailler avec eux. Prévoir des sanctions allant jusqu'à 7 500 € d'amende, comme l'avait fait le Sénat, un an de prison et le retrait de la licence était très excessif. L'amendement 9 rectifié vise à les remplacer par une contravention de deuxième classe, ce qui constitue un juste équilibre. Je vous invite donc à repousser l'amendement 16.

M. le Ministre - Même avis.

M. Pierre-Christophe Baguet - A 150 € d'amende, qui nous garantit que les buralistes ne seront pas victimes de chantage ? L'amende doit être proportionnée et pédagogique, dans le but même de les protéger. Ils respecteront la loi, surtout si l'interdiction de vente est étendue à tous les moins de 18 ans. Il faut aussi prévoir des mesures d'accompagnement pour les buralistes.

M. Jean-Pierre Door - Je comprends l'objectif de M. Baguet, mais, consommation ou répression, tout excès est dangereux. Nous voterons donc l'amendement du rapporteur.

Mme Muguette Jacquaint - Cet amendement est inapplicable. Mettez-vous à la place du buraliste. Il sert des jeunes, qui, de nos jours, ont l'air adulte, et il n'a de toute façon pas le droit de leur demander leur carte d'identité. Tous les buralistes diront qu'ils ont été abusés. Je ne suis pas contre les interdictions, mais celle-là, c'est de la démagogie.

M. Yves Bur - Cette mesure est de bon sens, mais j'insiste auprès du Gouvernement pour qu'il négocie avec la profession les moyens de l'appliquer, dans le cadre d'une négociation d'ensemble qui pourrait concerner aussi les marges et l'offre de nouveaux produits de service public.

M. Jean-Marie Le Guen - Les comparaisons entre le tabac et l'alcool ne sont pas justifiées. D'un côté on veut dissuader toute consommation, de l'autre l'excès.

Quant à cette disposition, elle ne sera pas appliquée ou le sera mal. Cela ressort finalement de l'effet d'annonce.

M. le Rapporteur - Je souhaite rectifier mon amendement pour substituer « tous commerces ou lieux publics » à « et lieux publics ».

M. le Président - C'est donc l'amendement 9, 2ème rectification.

M. Jean-Marie Le Guen - Est-ce à dire que l'adulte qui offrirait une cigarette à un mineur de moins de 16 ans dans un lieu public serait passible de sanction ?

M. le Rapporteur - L'objectif est simplement la cohérence avec le texte du Sénat.

L'amendement 16, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 9, 2ème rectification, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Bur - L'amendement 6 étend l'infraction au papier à rouler des cigarettes, que les jeunes utilisent beaucoup.

M. le Rapporteur - La commission l'a rejeté, le statut de ce produit n'étant pas établi au regard des normes européennes.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 6, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Bur - La France va signer la convention-cadre de l'OMS qui interdit la vente de tabac aux moins de 18 ans. Pour nous mettre immédiatement en cohérence avec ce texte, l'amendement 5 propose de fixer le même âge, et non 16 ans.

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 13 est identique. Mieux vaut nous aligner sur cette recommandation internationale. Cela facilitera aussi le travail des buralistes.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements. Beaucoup de jeunes sont dépendants dès 16 ans (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF).

M. le Ministre - Rejet. Le seuil de 16 ans est celui qui est retenu pour la vente d'alcool et celui que pratiquent la plupart de nos voisins. Retenons-le pour l'instant. Lorsque la convention de l'OMS sera signée, nous verrons comment le faire évoluer.

Les amendements 5 et 13, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

AVANT L'ARTICLE PREMIER (amendements précédemment réservés).

M. le Ministre - L'amendement 21 interdit la vente ou l'offre de paquets de moins de 19 cigarettes. Il s'agit de mieux protéger les jeunes, pour lesquels les paquets de petite taille sont plus accessibles.

M. Pierre-Christophe Baguet - Mon amendement 14 corrigé et l'amendement 19 identique de M. Santini interdisent la vente de paquets de moins de vingt cigarettes. Je souhaite corriger mon amendement pour viser « les paquets de moins de vingt cigarettes et les paquets de plus de vingt cigarettes », ce qui n'autorise que les paquets de vingt. On l'a dit, les petits paquets sont plus faciles à acheter. D'autre part, le prix unitaire ayant toutes chances d'être moins élevé lorsque les cigarettes sont vendues par paquets de trente, il faut éviter que les jeunes ne soient tentés de thésauriser pour se procurer leur tabac à moindre coût. Tout milite donc pour qu'on s'en tienne à des paquets de vingt cigarettes. C'est d'ailleurs une demande des buralistes eux-mêmes, la multiplicité des formats compliquant l'exposition de leurs produits. La mesure faciliterait en outre la tâche des transporteurs et de ceux qui sont chargés de comptabiliser les paquets ou les cigarettes dans les dépôts et débits.

M. Yves Bur - Pour lutter efficacement contre le tabagisme, il faut une action cohérente. Cet effort doit d'abord porter sur les prix et il conviendrait donc de réviser notre taxation pour éviter un déport vers des produits moins chers, mais, en même temps, nous devons tout faire pour que l'intention du législateur ne puisse faire l'objet de man_uvres de contournement, et il faut par conséquent interdire aussi bien les paquets de moins de vingt cigarettes que ceux de plus de vingt. La conclusion logique est de n'autoriser que les paquets de vingt cigarettes exactement : d'où l'amendement 23. Tous se retrouveront ainsi à égalité, devant la loi comme en matière commerciale.

Mais il est clair que cet effort de cohérence devra être poursuivi, en particulier à l'occasion de la discussion du PLFSS.

M. le Rapporteur - La commission a accepté l'amendement 21 du Gouvernement, interdisant les « paquets enfants ». Elle a donc repoussé les amendements de MM. Baguet et Santini. Quant à celui de M. Bur, elle ne l'a pas examiné mais je le juge personnellement un peu trop « directif ». Cependant, peut-être pourrions-nous le réexaminer lorsque nous discuterons du PLFSS...

M. le Ministre - Les amendements de MM. Baguet et Bur ne manquent pas de logique mais je rappelle les termes de la recommandation du 2 décembre 2002 sur laquelle se fonde cette proposition : le Conseil de l'Union européenne y invitait les Etats membres à adopter des mesures législatives ou administratives « conformes aux pratiques en vigueur », et notamment à interdire la vente des cigarettes « à l'unité ou en paquets de moins de 19 unités ». Cette dernière précision avait été introduite pour tenir compte de la situation en Allemagne, où ce format est répandu. Adopter les amendements 14, 2ème correction, et 23 nous exposerait donc à être attaqués devant la Cour de justice des Communautés pour entrave injustifiée aux échanges.

M. Jean-Marie Le Guen - Cette discussion a de quoi rendre perplexe : on voit mal où faire passer la ligne jaune pour préserver au mieux la santé publique. Mais peut-être est-ce aussi que nous sommes sans le savoir manipulés par les industriels, qui nous transforment en otages de leurs politiques de marketing. Pour ma part, je redoute que, selon le choix que je ferai, je ne serve malgré moi tel ou tel d'entre eux. Cette opacité est des plus désagréables !

La recommandation, si intéressante soit-elle, a sans doute subi l'influence de ce lobbying dont nous nous déclarons tous adversaires. D'autre part, Dieu merci, la France est plutôt en avance sur la réglementation européenne, comme en témoigne la loi Evin. On ne peut donc se contenter de s'aligner sur Bruxelles : mieux vaut chercher le dispositif le plus clair. Mais je reconnais que ce n'est pas chose facile et c'est bien ce qui me gêne depuis le début de cette discussion.

M. Pierre-Christophe Baguet - Faut-il absolument s'aligner sur les pratiques allemandes ? Si les cigarettes sont vendues outre-Rhin par paquets de 19, c'est que la conception de leurs distributeurs le veut ainsi. Or, fort heureusement, nous n'avons pas de ces appareils en France et limiter la vente aux paquets de vingt cigarettes nous aidera à nous en préserver.

M. Yves Bur - Nous n'avons en effet aucune raison d'imiter l'Allemagne et nous pouvons fort bien anticiper les futures règles européennes. Nos amendements sont en outre conformes à la priorité donnée à la lutte contre le cancer : le plan national adopté au début de cette année n'invite-t-il pas à interdire les paquets de dix ou quinze cigarettes, comme ceux de plus de vingt ?

M. François Goulard - Au risque de surprendre, je dirai que je partage l'agacement de M. Le Guen devant le rôle occulte que tiennent les lobbies du tabac dans cette discussion. Lesquels tireraient avantage d'une limite à 19 cigarettes et lesquels de la limite à vingt, je l'ignore, mais, pour ma part, j'inclinerais à choisir la deuxième option. Cependant, j'ai aussi entendu ce qu'a dit le ministre sur le risque d'être condamné pour entrave à la libre concurrence et je me rallierai donc à l'amendement 21.

L'amendement 21, mis aux voix, est adopté.

M. le Président- Les amendements 14, 2ème correction, 19 corrigé et 23 tombent.

M. Pierre-Christophe Baguet - Pour être cohérent avec moi-même, je retire mon amendement 15 corrigé au profit du 18 corrigé de M. Santini, sous réserve d'une modification demandée par l'auteur. Afin de permettre aux détaillants d'écouler leur stock de paquets de dix ou quinze cigarettes, il faut leur accorder un délai, mais celui-ci devrait être de six mois plutôt que de douze...

M. le Président - Et il faut également remplacer « vingt » par « dix-neuf », par coordination.

M. Pierre-Christophe Baguet - En effet !

M. le Président - Vous proposez donc deux rectifications : six mois au lieu de douze et 19 cigarettes au lieu de 20.

M. le Rapporteur - La commission estime que le délai pourrait être encore réduit.

M. le Ministre - Sagesse.

M. Yves Bur - C'est une man_uvre de plus pour repousser l'application du texte. Je propose un sous-amendement réduisant le délai à trois mois. Cela suffit pour le déstockage.

M. Pierre-Christophe Baguet - Je ne peux contacter M. Santini et dois donc maintenir les six mois.

M. le Rapporteur - Je suis favorable au sous-amendement de M. Bur ramenant le délai d'application à trois mois.

M. le Ministre - Avis favorable.

Mme Catherine Génisson - C'est une discussion de marchands de tapis ! Nous ajoutons de la confusion à la confusion.

Le sous-amendement de M. Bur, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 18 corrigé ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Yves Bur - L'amendement 3 rectifié tend à interdire la promotion du papier à cigarettes, particulièrement présente sur Internet. Il faut être cohérent.

L'amendement 3 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 2

M. Yves Bur - Mon amendement 8 tend à appeler l'attention sur le fait que le cinéma reste un vecteur de publicité clandestine pour les cigarettes. Aux Etats-Unis, Sylvester Stallone a reconnu avoir reçu 500 000 dollars pour faire la promotion d'une marque de cigarettes dans quatre de ses films. Cette pratique existe aussi en France. Une étude menée par le ministère de la santé en association avec la Ligue contre le cancer a montré que c'est dans les films français que les acteurs fument le plus et qu'une marque de tabac nationale est identifiable dans un tiers des 200 films ayant fait le plus d'entrées en France au cours des vingt dernières années.

Un film récent, à public familial, met ainsi en scène un acteur principal qui fume durant tout le film, ainsi que des enfants de 8 ans qui s'essaient à la cigarette, avec des plans sur des paquets de cigarettes identifiables.

Mon amendement prévoit des sanctions lourdes, mais c'est surtout un appel à la profession à se doter d'une charte éthique pour empêcher de telles pratiques.

M. le Président - J'espère que cela ne concerne pas la pipe - je pense au commissaire Maigret ! (Rires)

M. le Rapporteur - La commission a accepté l'amendement.

M. le Ministre - Le Gouvernement est totalement d'accord avec la philosophie de l'amendement. Mais il est difficile d'adopter une telle mesure sans concertation avec le centre national de cinématographie. Je m'engage à effectuer cette concertation dans le cadre de la future loi sur la santé publique et je vous demande de retirer l'amendement.

M. Jean-Marie Le Guen - Il y a là un problème de principe très important.

Il est tout à fait exact, et absolument scandaleux, que les industries du tabac accordent des financements à l'industrie du cinéma, qui a pour public principal la jeunesse, dans le but de contourner la loi Evin. Le cynisme commercial appelle une réaction.

Mais il ne faut pas confondre ce problème avec la liberté de création culturelle. Pour ma part, je ne veux pas mettre le petit doigt dans un engrenage aboutissant à limiter la liberté de création culturelle.

En revanche, je suis en faveur d'une criminalisation de toute action de financement de production cinématographique ou audiovisuelle en vue de promouvoir le tabac et j'estime que les producteurs acceptant ce genre de « sponsors » doivent être eux-mêmes incriminés et sanctionnés. Si le Gouvernement ne le propose pas dans la loi sur la santé publique, je déposerai des amendements en ce sens. Mais je suis opposé à toute interdiction et même à la notion de charte éthique contraignante. Je peux interpeller les créateurs, mais ils doivent rester libres de leur création.

Je ne voterai donc pas l'amendement.

M. Pierre-Christophe Baguet - Vous avec raison, Monsieur le Président, cet amendement nous priverait de séries comme celles du commissaire Maigret ! Je demande à M. Bur de retirer son amendement car une telle mesure ne peut se prendre sans concertation avec la profession.

Pour ma part, je ne peux pas croire une seconde qu'un auteur, un scénariste écrive à des fins publicitaires (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe socialiste). Attaquer le cinéma français au moment où il est en grande difficulté n'est pas une bonne chose. On ne peut pas à la fois prôner la diversité culturelle et alourdir encore les charges et les contraintes pesant sur le cinéma français ! Il faut mettre en place une concertation. On pourrait demander aux professionnels d'éviter les affiches et les titres faisant référence au tabac, mais on ne peut guère aller plus loin.

M. Daniel Garrigue - Je rejoins le sentiment de M. Le Guen. Certes il faut essayer d'empêcher - éventuellement par la loi mais cela ne saurait s'improviser en quelques minutes - l'utilisation de ce type de publicité ; mais il faut respecter le principe de la liberté de création. Or, du tabac, on risque de passer à d'autres produits ou d'autres agissements... La raison serait donc de retirer cet amendement.

M. Yves Bur - Je l'avais déposé pour que cette discussion puisse avoir lieu. J'ai écrit dans l'exposé des motifs qu'il serait absurde de vouloir réglementer l'_uvre artistique en interdisant la représentation de personnes en train de fumer ! Il reste que la publicité indirecte existe : ne soyons pas naïfs.

L'amendement 8 est retiré.

M. Jean-Marie Le Guen - J'ai interpellé le Gouvernement, j'aurais aimé avoir une réponse !

M. le Ministre - Je vous ai répondu !

ART. 3

M. le Rapporteur - L'amendement 10 est de coordination.

L'amendement 10, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 3 est ainsi supprimé

APRÈS L'ART. 3

M. Yves Bur - Mon amendement 4 vise à taxer le papier à rouler les cigarettes et mon amendement 7 à faire figurer sur les paquets de papier le même message de santé publique que sur les paquets de cigarettes.

Les amendements 4 et 7, acceptés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

ART. 4

M. le Rapporteur - L'amendement 11 tend à porter de trois à six mois, le délai dans lequel le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport sur l'intérêt du remboursement des substituts nicotiniques aux moins de 18 ans.

L'amendement 11, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 4 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 4

M. le Ministre - Toute la fiscalité sur les cigarettes est construite à partir de la cigarette la plus vendue - dont je ne citerai pas le nom. Un taux dit « normal » est appliqué à son prix de vente. Il n'a pas été modifié depuis le 1er avril 2000 ; l'amendement 22 du Gouvernement le porte de 58,99 à 62 %. Dans un second temps, à l'occasion du prochain PLFSS, je vous proposerai une réforme globale de la fiscalité, dans une perspective pluriannuelle.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. François Goulard - Monsieur le ministre, nous partageons votre volonté d'augmenter les prix du tabac à travers la fiscalité. Celle-ci appelant une réforme d'ensemble que vous venez d'annoncer pour le prochain PLFSS, il aurait pu sembler plus raisonnable d'attendre ce texte pour intervenir ; si vous souhaitez le faire dès maintenant, il faut au moins éviter un effet de report sur les produits à faible prix. C'est la raison pour laquelle je suis disposé à voter votre amendement, mais en insistant pour que dans le même temps, nous augmentions aussi les droits fixes afin de renchérir les produits les moins chers. Pour simplifier le débat, je retire mon amendement 20 au profit de l'amendement 12 de M Bur.

Mme Muguette Jacquaint - Taxer le tabac est une chose, mais nous aimerions savoir quelle part du produit de cette taxation sert à financer la prévention, Monsieur le ministre...

M. le Ministre - L'amendement du Gouvernement résulte d'une constatation simple. Nous avions relevé la fiscalité du tabac dans le cadre du PLFSS, en espérant que cela entraînerait une hausse des prix de 17 %. Or, la hausse n'a pas dépassé 11 % ; nous augmenterons donc à nouveau la fiscalité afin d'obtenir les sommes nécessaires à la mise en _uvre du plan cancer.

Monsieur Goulard, je comprends parfaitement votre logique. Je souhaiterais néanmoins le retrait de l'amendement 12, dans la mesure où le Gouvernement s'engage à procéder à une réforme dans le cadre du PLFSS.

La loi de financement de 2003 a déjà fait passer le minimum de perception de 87 à 106 € pour les cigarettes brunes et de 90 à 106 € pour les cigarettes blondes. En revanche, le taux normal n'a pas bougé depuis le 1er avril 2000 ; c'est pourquoi, il me paraît préférable de le relever dès maintenant, tout en reportant les autres modifications au prochain PLFSS.

M. Yves Bur - Nous voulons tous faire passer un message clair : le tabac est dangereux, particulièrement pour les jeunes. Augmenter seulement le droit proportionnel, c'est favoriser le report de la consommation sur les cigarettes les moins chères.

J'avais présenté le même amendement lors du PLFSS 2003 ; l'Assemblée l'avait voté, mais la CMP ne l'a pas retenue.

Certes, nous sommes loin des recettes escomptées lors du relèvement de taxe, puisqu'elles n'atteignent que 500 millions au lieu d'1 milliard espéré.

Si on avait voté à l'automne ce que je proposais, nous aurions pu contraindre l'ensemble des fabriquants à augmenter leurs prix, et notamment le leader du marché à passer à quatre euros. L'écart entre le prix le moins élevé et le plus élevé aurait été de 40 centimes alors qu'il est aujourd'hui de 57 centimes et qu'il va encore se creuser. Nous n'avons pas à défendre ici l'industrie nationale, et je maintiens l'amendement 12.

L'amendement 22, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Avis défavorable sur l'amendement 12 car il sera rediscuté dans le cadre du débat plus général sur la fiscalité, comme M. le ministre l'a expliqué.

M. le Ministre - Même avis.

M. François Goulard - Nous sommes d'accord quant au but poursuivi. Le renvoi de cette proposition au PLFSS aurait pu être maintenu si on ne nous proposait pas d'autre part une hausse de la fiscalité. Yves Bur et moi-même avons été rapporteurs pour le PLFSS. Nous pensons que ce serait une erreur que de se cantonner à cette hausse, les jeunes consommant principalement les produits les moins chers. Une augmentation de droits fixes est également nécessaire.

M. Pierre-Christophe Baguet - Ce débat révèle combien le texte a été insuffisamment préparé (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Le seul amendement du Gouvernement ne suffit pas à atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé. En outre, je suis surpris qu'il vienne en discussion alors qu'il n'a pas été abordé au Sénat.

Les jeunes risquent, en effet, de consommer de plus en plus des produits à bas prix. Il faut être cohérent.

L'amendement 12, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre-Christophe Baguet - Nous devons avoir une politique ferme de lutte contre le tabac, mais il convient également de tenir compte des différentes catégories professionnelles.

L'amendement 17 propose que le Gouvernement présente un rapport à l'Assemblée nationale et au Sénat en 2004, afin d'aligner les buralistes sur le régime de droit commun des commerçants en matière de taxe professionnelle.

L'amendement 17, accepté par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote.

Mme Catherine Génisson - Nous sommes tous d'accord sur l'objectif de cette proposition de loi, dont l'amateurisme est néanmoins patent. En conséquence, le groupe socialiste s'abstiendra.

M. Pierre-Christophe Baguet - Je regrette que nos débats n'aient pas permis de clarifier le texte. Je le répète, il aurait dû être inclus dans la grande loi sur la santé publique de l'automne. Nous regrettons ses incohérences. J'espère que la commission mixte paritaire parviendra à un équilibre. Le groupe UDF étant partie prenante du combat contre le tabagisme des jeunes, il le votera néanmoins.

M. Jean-Pierre Door - Bien vieillir est un défi qui dépend des individus. C'est dès la jeunesse, qu'il faut refuser le tabac. Notre débat aura été intéressant et nous le poursuivrons à l'automne dans le cadre du débat de la loi de santé publique. Le groupe UMP votera cette proposition de loi.

Mme Muguette Jacquaint - J'ai eu l'occasion de rappeler notre volonté de lutter contre le tabagisme des jeunes. J'ai également montré les insuffisances du texte en matière de prévention.

En attendant le projet de loi sur la santé publique et le PLFSS, le groupe communiste et républicain s'abstiendra.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

DÉCLARATION D'URGENCE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

Acte est donné de cette communication.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 40.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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