Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2002-2003)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 3ème jour de séance, 7ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 3 OCTOBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

Sommaire

      SALAIRES, TEMPS DE TRAVAIL
      ET DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI (suite) 2

      AVANT L'ARTICLE 2 2

      ARTICLE 2 6

      ORDRE DU JOUR DU MARDI 8 OCTOBRE 2002 23

La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.

SALAIRES, TEMPS DE TRAVAIL
ET DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI (
suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

M. le Président - L'Assemblée a commencé cet après-midi l'examen des articles. Elle s'est arrêtée à l'amendement 71 de M. Gremetz.

AVANT L'ARTICLE 2

M. Maxime Gremetz - L'objet de l'amendement 71 est parfaitement clair : il s'agit de faire passer la durée légale hebdomadaire du travail à 32 heures. Cette perspective est en effet au c_ur des préoccupations sociales, et ce n'est pas parce que la mise en _uvre des lois Aubry a causé des déceptions qu'il faut la perdre de vue. La réduction du temps de travail dégage plus de temps pour soi, pour la famille, pour les loisirs et la culture et pour la vie associative et citoyenne. Nous ne voulons pas gâcher le plaisir de la petite minorité de salariés qui ne se réalisent que dans le travail, mais nous voulons également répondre aux attentes des autres. Si l'activité est essentielle à l'être humain, nous militons pour que le salariat n'en soit pas la seule forme, comme ont été dépassés l'esclavage antique ou la féodalité.

La réduction du temps de travail est aussi un moyen efficace de faire la guerre au chômage. Sept millions de personnes sont actuellement sans emploi ou en sous-emploi. Cette situation intolérable met en danger la cohésion sociale. Les jeunes en sont les premières victimes. Même si elle n'était pas en plein ralentissement, la croissance ne suffirait pas à résorber le chômage. Et ce n'est pas avec votre politique qu'elle va se redresser, puisque celle-ci est fondée sur la demande intérieure et que vous détériorez le pouvoir d'achat des salariés, surtout les plus modestes. Les investissements et l'exportation ne se portent pas mieux.

Les lois Aubry ont déçu parce qu'elles étaient insuffisantes et qu'elles ont été mal appliquées, voire sabotées. Mais les salariés passés aux 35 heures ne voudraient en aucun cas revenir en arrière. Si les 35 heures n'ont créé que 300 000 emplois, c'est parce qu'elles ne représentaient que deux heures et demie en moyenne de réduction du temps de travail, parce que 7 millions de salariés sont encore à 39 heures, parce que les entreprises n'en ont pas assez profité pour recruter.

Les 32 heures seraient appliquées, au choix des salariés, en quatre jours à 8 heures ou cinq jours à 6 heures 24 minutes. Les salaires seraient évidemment maintenus, ainsi que le permettent la richesse du pays et la croissance résultant des nouveaux emplois. Vous voyez qu'il s'agit d'une proposition réaliste et non d'un amendement de circonstances.

M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Il importe, dans ce débat, de rester lucide. Nous avons déjà absorbé les 35 heures et restauré l'équité dans le système qui nous a été laissé en héritage. Procédons dans l'ordre.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité - Le Gouvernement n'est pas favorable au passage aux 32 heures.

M. Gaëtan Gorce - Le rapporteur s'est montré bien rapide, voire lapidaire. L'enjeu ici n'est pas tant le nombre d'heures travaillées dans la semaine que le processus de réduction du temps de travail en lui même. Ce processus est engagé depuis un siècle. Il a connu un blocage au début des années 1980 et a été relancé à la fois par la loi et par la négociation. Ce qui nous inquiète, c'est que vous allez l'interrompre.

La réduction du temps de travail a été de 8 % au cours des quatre dernières années. Elle a bénéficié à près de 9 millions de salariés. Elle commençait à s'appliquer aux petites entreprises, et vous retirez de la loi toutes les incitations à la négociation ! Comment soutenir dès lors que la réduction du temps de travail n'est pas remise en cause ? Nous vous avons déjà demandé quels effets vous attendez sur l'emploi de la suppression des 35 heures et de l'allégement sans contrepartie. Nous vous reposerons la question tant que vous n'y aurez pas répondu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'amendement 71, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L'amendement 132 vise à préciser l'objet de ces heures supplémentaires dont on nous dit qu'elles sont indispensables pour desserrer le « carcan » des 35 heures. Il faut d'ailleurs noter que la plupart des branches professionnelles n'étaient pas demandeuses et que les syndicats estiment que l'augmentation des contingents n'est pas nécessaire.

Contrairement à ce que vous aviez promis, ainsi que le candidat Chirac, pendant les campagnes électorales, vous n'avez pas jugé utile de passer par la négociation pour relever le contingent des heures supplémentaires. Vous avez choisi de procéder par décret. Les branches n'ayant pu ainsi s'exprimer sur leurs besoins en heures supplémentaires, il nous paraît indispensable de préciser dans la loi ce que sont ces heures, afin d'éviter qu'elles soient utilisées pour contourner la durée légale du travail.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cet amendement propose une définition littéraire des heures supplémentaires qui n'a pas sa place dans le code du travail, qui est un texte technique. Les heures supplémentaires correspondent à un surcroît d'activité. Préciser qu'elles doivent être limitées sans dire comment n'est qu'une formulation de principe.

M. le Ministre - Même avis.

M. Alain Vidalies - Cet amendement mériterait que le Gouvernement justifie son refus. Il marque en effet un tournant dans la discussion. Les heures supplémentaires obéissent à des règles fixées dans un accord interprofessionnel de 1995 et que personne, jusqu'à ce soir, n'a remises en cause. Tous les raisonnements juridiques sont fondés sur cette définition, qui fait référence à un surcroît d'activité et aux partenaires sociaux.

Vous nous dites que pour gagner plus il faut travailler plus, et donc que vous augmentez le contingent... et que vous diminuez la rémunération (Protestations sur les bancs du groupe UMP). S'il s'agit de véritables heures supplémentaires, on peut choisir de vous suivre. Mais si ni le rapporteur ni le Gouvernement n'acceptent d'inscrire dans la loi la définition juridiquement consacrée des heures supplémentaires, on pourra en déduire a contrario que le nouvel article remet en cause cette définition. Les heures supplémentaires ne répondraient plus alors à aucun critère objectif et seraient à la seule appréciation du chef d'entreprise... car ce ne sont jamais les salariés qui demandent des heures supplémentaires !

Nous sommes donc ici à un moment crucial du débat.

M. le Ministre - La seule définition des heures supplémentaires qui compte, c'est celle qui figure dans le code du travail : les heures supplémentaires sont celles qui sont effectuées au-delà de la durée légale du travail.

L'amendement 132, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Hervé Morin - Dépourvu de portée normative, notre amendement 166 tend à interroger le Gouvernement sur la méthode qu'il retiendra pour moderniser les conditions du dialogue social dans notre pays. Il est souvent question de faire évoluer la hiérarchie des normes sociales en donnant au contrat une place prépondérante. Qu'en sera-t-il exactement si l'on considère que les règles de représentativité des organisations syndicales, fixées à la Libération, sont aujourd'hui obsolètes ? Entend-on s'inscrire enfin dans la logique de l'article 34 de la Constitution qui voudrait que la loi ne fixe que les principes fondamentaux du droit du travail, ses modalités pratiques étant renvoyées à la négociation collective ?

En vingt ans, le volume du code a triplé et les salariés ne sont pas mieux protégés pour autant. Au reste, la plupart des experts considèrent que 70 % du code du travail ne sont pas appliqués. Il n'est donc que temps que les partenaires sociaux fixent eux-mêmes les règles qui les concernent. Monsieur le ministre, par quels moyens allez-vous favoriser la conclusion d'accords réellement majoritaires, conclus avec des organisations syndicales vraiment représentatives ? Les conditions de financement de la démocratie sociale vont-elles être améliorées ? Une nouvelle hiérarchie des normes sociales sera-t-elle introduite ? Il va de soi que je retirerai l'amendement après avoir entendu vos réponses à ces questions essentielles.

M. Alain Vidalies - Cet amendement pose en effet des questions de principe du plus grand intérêt. Il est patent que les règles qui régissent la démocratie sociale doivent évoluer...

M. Bernard Accoyer - Alors pourquoi n'avoir rien fait ?

M. Alain Vidalies - Nous avons innové en instaurant la règle de l'accord majoritaire mais il est vrai que la question de la représentativité devient cruciale. À l'évidence, les syndicats qui n'ont pas intérêt à une réforme seront peu enthousiastes pour évoluer mais cela ne doit pas nous empêcher d'aller de l'avant. Il est urgent de sortir d'un système où l'ultra-minoritaire peut bloquer l'ensemble de la négociation. Quant au droit d'opposition, chacun mesure son caractère parfaitement virtuel : combien serions-nous ce soir s'il nous avait fallu recueillir pour être élus la majorité des électeurs inscrits ? (Sourires) Les juridictions européennes relèvent régulièrement les imperfections du dispositif. L'amendement de M. Morin pose par conséquence des questions essentielles auxquelles le Gouvernement semble peu disposé à répondre !

M. Jean-Pierre Soisson - L'amendement n'a rien à voir avec l'objet du texte !

M. le Président - Dites-le à M. Morin !

M. le Rapporteur - M. Morin a lui-même indiqué que son amendement abordait des questions ne relevant pas du présent texte.

M. le Ministre - Je partage l'analyse de M. Morin sur la situation du dialogue social dans notre pays et sur la nécessité de faire évoluer les règles qui le régissent. Bien conscient qu'il ne pourra moderniser les règles de la négociation collective à l'occasion de ce texte, le Gouvernement ouvrira dès le début de 2003 une vaste discussion avec les partenaires sociaux sur la base de l'accord de juillet 2001. Rendez-vous est donc pris pour traiter de tous les sujets qu'a abordés M. Morin.

Je m'étonne que le groupe socialiste vienne aujourd'hui nous expliquer qu'il faut faire avancer les règles du dialogue social alors que le Gouvernement précédent n'a tenu aucun compte de l'accord de juillet 2001, pourtant signé par la quasi-totalité des syndicats hors la CGT ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Gaëtan Gorce - M. le ministre repousse avec une arrogance qui ne se dément pas toutes nos tentatives d'aborder les questions de fond ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Redonnons à notre débat un peu de sérénité !

M. Gaëtan Gorce - En matière de dialogue social, ce n'est pas la majorité actuelle qui nous fera la leçon : reportez-vous à la période 1993-1997 ! Quant aux arguments développés sur le mode « il ne faut pas décourager nos concitoyens », permettez-moi de vous dire que je les trouve parfaitement déplacés !

Vous vous plaisez ce soir à faire référence à la déclaration commune des organisations syndicales de juillet 2001 alors que vous n'en avez tenu aucun compte dans les deux « grands » textes sociaux du début de la législature - contrats jeunes et 35 heures.

Je demande une brève suspension de séance pour laisser au Gouvernement le temps de préparer des réponses (Murmures sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Réglons d'abord la question de l'amendement.

M. Hervé Morin - J'ai déjà indiqué que je le retirerai à l'issue de nos échanges mais je ne peux laisser M. Gorce se présenter comme le meilleur défenseur de la négociation collective. M. Accoyer peut témoigner que nous avons supplié le gouvernement précédent d'inscrire les 35 heures - puisqu'il s'entêtait dans cette voie - dans le cadre de la négociation collective en se fondant sur l'article 34 de la Constitution aux termes duquel la loi se borne à fixer les principes fondamentaux du droit du travail, l'essentiel de l'_uvre normative étant renvoyé à la négociation. Le gouvernement de Lionel Jospin s'y est refusé avec obstination. Aussi, nous ne tolérons pas les leçons de M. Gorce sur ce sujet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. le Président - Evitons les mises en cause personnelles. L'amendement 166 est donc retiré. M. Gorce maintient-il sa demande de suspension ?

M. Gaëtan Gorce - Alors que la discussion n'a commencé qu'hier, le ministre, à en croire la presse, serait déjà exaspéré par l'attitude du groupe socialiste ! Lui-même prétend qu'il serait vain de parler à des sourds... Toujours est-il que le dialogue que nous souhaitons ne s'est pas engagé et que les questions tout à fait sérieuses que nous avons posées, M. Vidalies et moi-même, n'ont pas reçu de réponses autres que dilatoires. Le Gouvernement ayant visiblement besoin de réfléchir encore, je demanderai une suspension d'un quart d'heure ! (On se récrie sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Ne criez pas avant d'avoir entendu la réponse de la Présidence !

Monsieur Gorce, pour vous permettre de réunir votre groupe, je vous accorde cinq minutes.

La séance, suspendue à 21 heures 45, est reprise à 21 heures 50.

M. le Président - Votre amendement 217, Monsieur Morin, est un amendement de repli...

M. Hervé Morin - Je le retire.

L'amendement 217 est retiré.

M. Hervé Morin - L'amendement 165 résume en quelque sorte la philosophie que nous avons défendue lors de la discussion des lois Aubry : il convient de distinguer ce qui relève de la loi et ce qui relève de la négociation collective. Comme l'indiquent les partenaires sociaux dans l'accord auquel je me référais tout à l'heure, chaque fois que le contrat social est en cause, c'est le législateur qui doit trancher : ainsi, en ce qui concerne la durée maximale du travail, l'âge minimal d'accès à l'emploi, la durée du repos hebdomadaire... Mais il conviendrait également de réviser les règles régissant la négociation collective et de mettre le maçon MEDEF au pied du mur - pendant plusieurs années, n'a-t-il pas demandé qu'on accorde la place la plus large possible aux accords d'entreprise et de branche ? Nous devons clarifier les règles, de sorte que le principe de subsidiarité s'applique dans le droit du travail, et nous devons expérimenter.

Nous estimerions par conséquent judicieux de demander aux partenaires sociaux de nous donner leur définition de l'ordre public social et de nous indiquer ce qui relève de la loi et ce qui relève des accords. Cela posé, je suis convaincu qu'on comprendra que des questions telles que le compte épargne-temps, le régime des astreintes, la définition des catégories de cadres ou les heures supplémentaires, relèvent de la seule négociation collective. Le droit du travail doit cesser d'être encombré par les productions du prurit législatif - souvenez-vous par exemple de l'amendement « Mickey », sur les temps d'habillage et de déshabillage, défendu par notre collègue Cochet...

M. Bernard Accoyer - Devenu ministre ensuite ! Nous y avons consacré toute une nuit !

M. Hervé Morin - Le code du travail recueille ainsi des dispositions qui vont s'appliquer à toutes les entreprises alors que les députés à l'origine de ces amendements ne songeaient qu'à une entreprise précise de leur circonscription. La spécificité de chacune et les disparités entre salariés exigent bien plutôt qu'on accroisse la place faite au droit conventionnel du travail, en limitant l'intervention du législateur à ce qui fonde le contrat social. Le Gouvernement s'est engagé quelque peu sur ce chemin. Nous aurions souhaité qu'il aille plus loin, et cet amendement indique la direction à suivre.

M. le Rapporteur - Rejet, dans la mesure où l'amendement tend à reporter de neuf mois l'application de la loi. Or, il est nécessaire d'apporter dès maintenant des assouplissements aux 35 heures, comme l'a noté d'ailleurs M. Perruchot, ce matin. D'autre part, si les partenaires sociaux sont libres de négocier - et le projet ouvre de nouveaux champs à cette négociation -, il appartient au législateur de fixer le cadre général, en dernière analyse.

M. le Ministre - Nous avançons dans la direction qu'indique M. Morin. En 2003, nous ferons même des pas supplémentaires, avec les partenaires sociaux, mais, d'ores et déjà, ce projet renvoie pour l'essentiel à la négociation, qu'il s'agisse de la durée du travail, du contingent et de la rémunération des heures supplémentaires ou du compte épargne-temps.

Devant la situation économique, devant les attentes des entreprises comme des salariés, il était urgent d'avancer. Je ne crois pas trahir l'esprit de la concertation avec les partenaires sociaux - laquelle, n'en déplaise à M. Gorce, a bien eu lieu - en disant que je ne les ai pas senti prêts à s'engager très vite dans la voie d'une négociation sur ces sujets. C'est pourquoi nous avons décidé, tout en ouvrant les champs de la négociation, de prendre un décret.

Si je partage l'esprit de l'amendement de M. Morin, je pense tout de même qu'il n'appartient pas aux partenaires sociaux, mais au Gouvernement et surtout au législateur, de fixer les règles de l'ordre public social.

M. Hervé Morin - S'il appartient en effet au législateur de fixer le cadre général de l'ordre public social, il faut laisser aux partenaires sociaux le soin de traiter de ses différents domaines.

L'objectif est de parvenir à un droit du travail uniforme dans tout le pays. Pour laisser aux partenaires sociaux la liberté de fixer les règles les concernant, il faut considérer qu'ils ont autant de légitimité que nous à ce faire. Enfin, si la loi fixe un cadre trop rigide, toute incitation à négocier disparaît. Ces remarques faites, je retire mon amendement.

M. Alain Vidalies - Ce texte renvoie à la négociation sur beaucoup de questions auparavant réglées par la loi ou le règlement, si bien que son adoption ne réglera rien et que l'on restera sous l'empire de l'ancien système, y compris avec des accords ultra-minoritaires pouvant engager l'ensemble des salariés.

Par ailleurs, les partenaires sociaux apprendront à la lecture du Journal officiel que le ministre a compris de ses rencontres avec eux qu'ils ne souhaitaient pas engager en priorité le débat sur la démocratie sociale...

M. le Ministre - Je n'ai jamais dit cela.

M. François Guillaume - Déformation !

M. Alain Vidalies - Voici comment quelques représentants syndicaux jugent l'attitude du Gouvernement en cette affaire. Marc Blondel, de Force ouvrière, déplore qu'il existe « un problème de confiance avec le Gouvernement ... François Fillon nous propose une loi le matin, qui est profondément modifiée l'après-midi », dit-il. Jean-Luc Cazettes de la CGC n'est pas tendre lui non plus, concluant que le dialogue social n'est au fond qu'un alibi pour le Gouvernement. Et François Chérèque de la CFDT tire les mêmes conclusions.

L'amendement 165 est retiré.

ARTICLE 2

Mme Martine Billard - Le ministre nous explique de toutes les manières qu'il n'est pas question d'abroger les 35 heures.

M. François Guillaume - Il a raison !

Mme Martine Billard - Certes, le texte ne comporte aucun article rétablissant les 39 heures. Cela aurait tout de même risqué de provoquer quelques protestations dans le pays ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Faute de courage donc, vous procédez de façon biaisée. La méthode n'est pas nouvelle, s'agissant de la durée légale du travail. Malgré le vote de lois instituant la journée de huit heures puis la semaine de quarante heures, combien de fois les salariés ont-ils dû travailler bien davantage ? À chaque fois, l'ouvrage a dû être remis sur le métier. Et aujourd'hui encore, vous cherchez à accroître de nouveau la durée du travail, au motif que les salariés en seraient massivement demandeurs. Si vous êtes si sûrs de vous, que n'organisez-vous un référendum sur le sujet ! Demandez clairement aux Français s'ils veulent travailler davantage, sans contrat, autant que le souhaite leur patron... (Interruptions sur les bancs du groupe UMP), effectuer des heures supplémentaires « neutres » comme l'a dit tout à l'heure une de nos collègues. Vous savez pertinemment que les heures supplémentaires sont obligatoires, leur refus étant un motif de licenciement. Vous revenez d'ailleurs sur leur définition, laquelle faisait pourtant l'objet d'un consensus assez large. La Chambre de commerce et d'industrie de Paris proposait ainsi de relever à 180 heures le contingent annuel d'heures supplémentaires, uniquement « pour faire face à un surcroît exceptionnel d'activité ou à des travaux urgents ». Le retour en arrière que vous proposez est pour le moins inquiétant. Vous parlez « d'assouplir les 35 heures » - il y aurait d'ailleurs fort à dire sur la manière dont le langage politique tend à masquer la réalité -, mais chacun sait bien, certains lapsus en sont la preuve, que pour beaucoup de salariés, cela se traduira par un retour aux 39 heures.

L'article 2 s'attaque aussi au taux de majoration des heures supplémentaires. Vous voulez bien augmenter les bas salaires, mais tout de même pas que les heures supplémentaires soient majorées de 25 %. Cela coûterait beaucoup trop cher. Quel scandale !

M. Bernard Accoyer - Hors sujet ! Cela fait dix minutes que vous parlez.

M. Lucien Degauchy - Vous allez nous faire faire des heures supplémentaires (Rires sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine Billard - Eh bien, je ne ferai là qu'appliquer votre programme !

M. le Président - Il faut conclure, Madame Billard.

Mme Martine Billard - Cet article permet qu'à terme, l'ensemble des chefs d'entreprise puisse remettre en question les 35 heures.

M. Maxime Gremetz - Je demande une suspension de séance.

M. le Président - Elle est de droit. Mais nous venons à peine de commencer le débat sur l'article 2. Je vous accorde cinq minutes.

La séance, suspendue à 22 heures 10, est reprise à 22 heures 15.

M. Maxime Gremetz - L'article 2 concerne donc le contingent d'heures supplémentaires et le repos compensateur. Nous avons montré que le Gouvernement est dans l'impossibilité d'abroger la durée légale du temps de travail fixée à 35 heures depuis le 1er janvier 2000 dans les entreprises de plus de 20 salariés et depuis le 1er janvier 2002 dans les autres.

Les campagnes de dénigrement contre la réduction du temps de travail ne peuvent effacer la réalité : les gens sont satisfaits de cette grande réforme. Le Gouvernement ne peut se permettre de prendre de front les 14 millions de salariés des secteurs privé et public. On tente alors de contourner la difficulté en agissant sur les heures supplémentaires et le déclenchement du repos compensateur.

La durée légale hebdomadaire étant fixée à 35 heures, vous laissez dire qu'il suffirait d'ajouter 4 heures supplémentaires, ce qui ferait un total légal de 39 heures. Nous en avons fait la démonstration : ce raisonnement n'est pas viable. Le contingent d'heures supplémentaires n'a jamais été conçu pour cela. L'accord professionnel de 1995 comme la jurisprudence réservaient les heures supplémentaires aux pointes d'activité. D'où le besoin de passer cet obstacle.

Nous avons surtout insisté sur un arrêt de la Cour de cassation en date du 4 juin qui, dès lors qu'il existe un accord de branche, impose dans les entreprises qui ne respectent pas la durée légale, de payer le salaire mensuel actuel maintenu plus les 4 heures supplémentaires.

Une revue juridique comme Lamy social s'étonne de cet arrêt mais n'en mesure pas moins la portée ; elle note que « la Haute juridiction présente le passage aux 35 heures comme une obligation ». Ceci est tellement évident pour les magistrats, qu'ils ont accepté la procédure en référé, ce qui signifie qu'il n'y a aucune contestation sérieuse possible.

M. Jean-Pierre Soisson - C'était la loi !

M. Maxime Gremetz - Il en résulte que les 7 millions de salariés qui sont encore à 39 heures le sont illégalement ; en tout cas, il leur est dû 4 heures supplémentaires par semaine en plus de leur salaire.

Nous sommes précis, nous ne voulons pas qu'il soit dit que tout le monde avait compris « l'assouplissement » de la même manière, c'est à dire à contresens. Cette mise au point est importante pour les salariés qui vont aller exiger légitimement leur dû, éventuellement en justice, et pour les employeurs qui seront alors mal venus de se prétendre surpris. Certains leur conseillent déjà de rester à 39 heures, parce que cela ne devrait rien leur coûter. C'est faux.

Une fois passé à 35 heures avec maintien du salaire - comme le prévoient les accords de branche - l'employeur peut faire effectuer des heures supplémentaires en cas de surcroît d'activité. L'exécution de ces heures ouvre droit à des repos compensateurs. Jusqu'alors ce repos est égal au nombre d'heures effectuées au-delà du contingent réglementaire de 130 heures - la moitié dans les entreprises de moins de 10 salariés. Là encore, vous remettez en cause un acquis pour permettre l'exécution de plus d'heures supplémentaires. Nous ne pouvons laisser passer cela.

En remettant en cause ces principes, vous favorisez le recours aux heures supplémentaires et dévoyez le sens du repos compensateur, vous détournez les 35 heures, vous privez les salariés de rémunérations supplémentaires et vous faites obstacle à l'emploi. Nous proposerons de modifier toutes ces dispositions.

M. Gaëtan Gorce - Nous abordons maintenant l'article de tous les dangers.

Il consacre, au fond, la remise en cause des trente-cinq heures, non leur assouplissement ; il servira de base au décret que le Gouvernement a préparé avec l'excellente concertation que l'on sait ; il permettra aux organisations professionnelles, aux entreprises, de revenir aux 39 heures.

Mais d'autres aspects sont encore plus préoccupants. En réalité, l'article autorise désormais les partenaires sociaux à modifier des éléments qui relèvent de l'ordre public social. Ainsi du repos compensateur il est faux de prétendre que les 35 heures empêcheraient de faire des heures supplémentaires. Mais au-delà de 130 heures on doit accorder un repos compensateur de 100 %, ce qui permet de protéger la santé des salariés. Dans votre dispositif, ce repos compensateur ne sera plus déclenché au-delà de 130 heures, mais à partir de 180 heures, ou du contingent fixé par les partenaires sociaux. Autrement dit, le repos compensateur, principe d'ordre public social, variera selon les branches professionnelles et selon les conventions signées.

C'est une inégalité inacceptable.

M. Bernard Accoyer - Et les six SMIC ! Ce n'est pas une inégalité ?

M. Gaëtan Gorce - En outre, vous modifiez subrepticement le seuil : jusqu'alors, il concernait les entreprises de plus de 10 salariés désormais, ce sera à partir de vingt salariés. Et il n'y a pas eu de concertation avec les partenaires sociaux.

De même, la majoration des heures supplémentaires sera fixée par les partenaires sociaux, sauf qu'elle ne pourra pas descendre en dessous de 10 % ! Là aussi, on va négocier sur une question qui relève de l'ordre public social, la rémunération des heures supplémentaires. Quelle contrepartie donnera-t-on aux salariés en échange de cette régression ?

D'autres problèmes se posent, relativement aux cadres, au Compte épargne temps. Ces nouvelles dispositions qui renvoient à la négociation sociale vont-elles s'appliquer par rapport aux accords de branche déjà signés et validés ?

Les arrêtés d'extension seront-ils modifiés ? Allez-vous valider par amendements les accords de branche qui contrevenaient à l'ancienne loi, mais qui n'y contreviennent plus aujourd'hui ? Ce sont des questions importantes pour les partenaires sociaux, les salariés, et la représentation nationale doit connaître les conséquences de ce qu'elle vote.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Le Premier ministre a déclaré, à Strasbourg, qu'il entendait permettre aux PME de « mobiliser leurs énergies ». Elles pourront, à cette fin, revenir aux 39 heures, les quatre premières heures supplémentaires étant assorties d'un surcoût de 10 %. C'est raisonnable, a ajouté le Premier ministre, et c'est un projet partagé. Or, ce n'est ni raisonnable, ni un projet partagé.

Une étude datant de septembre montre que 40 % de l'ensemble des entreprises étaient passées aux 35 heures en décembre 2001, et 70 % en juin 2002. C'est dire que, contrairement aux discours fréquemment entendus, les chefs d'entreprise estiment qu'il n'est pas impossible de réduire le temps de travail. Dans ces conditions, on ne peut que s'interroger sur le point de savoir si les PME-PMI ont réellement besoin que la RTT soit assouplie. Le Président de l'UPA - celui-là même qui avait souligné que « Le MEDEF ne peut avoir raison seul contre tous » - considère que la RTT a permis une véritable révolution culturelle au sein des entreprises en obligeant à repenser l'organisation du travail et en faisant le pari de la qualité. Pourquoi ne pas l'entendre ? On a d'ailleurs constaté que la complexité des recrutements n'a pas empêché les PME de recruter tout en passant aux 35 heures dans les délais spécifiquement prévus pour elles. On peut s'attendre, en revanche, à ce que l'augmentation du contingent légal d'heures supplémentaires crée, pour les entreprises, des difficultés de recrutement à terme.

Mme Hélène Mignon - Qu'on le veuille ou non, qu'on se l'avoue ou non, les dispositions de ce texte auront pour effet de faire travailler plus les salariés sans que leur pouvoir d'achat augmente. Ce projet sera, nous avez-vous dit, un élément moteur de la croissance, car il permettra des embauches. Nous attendons, avec joie et anxiété, ces embauches réelles, car nous voyons revenir dans nos permanences des demandeurs d'emplois ; toutefois, et sans procès d'intention, je doute de la réussite de votre dispositif. Pourquoi autoriser ainsi des heures supplémentaires sans qu'elles reçoivent une juste rémunération ? Pourquoi ne pas tenir compte des astreintes des salariés ?

Il faut être réaliste : la majorité des chefs d'entreprise se tournera vers tel salarié en qui il a confiance et qui connaît la société et lui demandera de faire des heures supplémentaires, même si elles ne répondent pas à la définition légale. Pourquoi s'en priverait-il ? Le coût des heures supplémentaires n'est pas dissuasif et, rejet de la paperasserie liée aux embauches aidant, on se contentera de ces quelques heures supplémentaires, et les embauches ne se feront pas. Mais les salariés, eux, n'auront pas le choix de refuser ce que l'on exigera d'eux, soumis comme ils le seront à la menace d'un licenciement. Et c'est ainsi que les heures supplémentaires seront subies et non choisies cependant qu'en raison de la pyramide des âges, les entreprises perdront progressivement en technicité, et donc en compétitivité, faute d'avoir recruté. Quant à la consommation, on ne voit pas comment elle redémarrerait. Comment prétendre, enfin, que la réduction des charges créera des emplois ? Ou le marché est porteur et la gestion saine, et les entreprises embauchent, ou leurs parts de marché s'effritent et elles n'embauchent pas !

Pensez-vous sincèrement relancer la dynamique de l'emploi avec ce dispositif ? Pour ma part, j'aimerais pouvoir le croire, mais je ne le crois pas.

M. Bernard Accoyer - Rappel au règlement, Monsieur le Président, fondé sur l'article 52.

Le bon déroulement de nos travaux est perturbé par une litanie d'arguments identiques, sans que vous jugiez nécessaire de limiter les prises de parole à un orateur par groupe, comme c'est l'usage (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Hier soir déjà, une man_uvre du président du groupe socialiste a conduit à gaspiller du temps. Ce soir, deux suspensions de séance ont déjà été demandées, sans aucun fondement. L'Assemblée étant largement informée, je vous demande, Monsieur le Président, de faire cesser ce fonctionnement parodique de nos travaux (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gaëtan Gorce - C'est scandaleux !

M. le Président - Pour vous avoir vu agir tout au long de la précédente législature, je sais, Monsieur Accoyer, que vous êtes orfèvre. Je vous rappelle néanmoins que l'inscription sur un article est libre, et de droit. Je continuerai donc d'appliquer strictement le Règlement, comme l'a fait cet après-midi, avec talent, M. Eric Raoult, en faisant respecter le temps de parole quand il le faut et en donnant la parole quand je le dois.

M. Alain Vidalies - Ainsi, le héraut d'une majorité qui détient tous les pouvoirs nous dit que nous l'agaçons ! Mais, bien que minoritaires, nous représentons des millions de Français ; et où les différences doivent-elles s'exprimer, sinon dans cet hémicycle ? Le débat relatif à la première loi sur les 35 heures a duré trois semaines, et nous ne sommes là que depuis deux jours pour traiter d'un texte très important ! J'espère, Monsieur Accoyer, que votre expression scandaleuse est toute personnelle (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Monsieur Vidalies, exprimez-vous sur l'article.

M. Alain Vidalies - Je traiterai du recours au forfait-jour pour les cadres. La loi actuelle distingue les cadres dirigeants de ceux pour lesquels un décompte horaire est possible, dans la limite de 217 jours travaillés par an, le tout encadré par un accord d'entreprise.

Elle permet donc une souplesse à laquelle nous ne sommes pas opposés. Toutefois, il ne reste pour les personnes concernées que deux garde-fous dans le code du travail : un repos de 11 heures entre deux périodes de travail et de 35 heures consécutives par semaine. On pourrait donc travailler légalement 13 heures par jour et six jours par semaine !

Ce qui devait rester une exception a vite été étendu et pose problème dans certains secteurs comme la distribution. On peut par exemple penser à des gérants de supérette qui ont la qualité de cadre et sont soumis à ces dispositions sans que leur rémunération soit à la hauteur.

Par ailleurs, je m'interroge sur la légalité de l'extension que vous proposez au regard de la charte sociale européenne. Certaines appréciations ont déjà été rendues qui pourraient conduire à revoir votre dispositif.

Mme Catherine Génisson - Je voudrais d'abord dire que je ne souhaite pas travailler dans un climat délétère et voudrais que nous soyons respectés par tous nos collègues de la majorité.

Cet article constitue la colonne vertébrale de ce projet de loi. De façon déguisée, il revient sur les 35 heures : le Premier ministre lui-même l'a admis. Mais c'est sur un autre aspect que je voudrais m'étendre : les effets de la réduction du temps de travail sur les salariés à temps partiel.

D'après un rapport gouvernemental, le recul du travail à temps partiel observé depuis 1998 tient en partie à la réduction du temps de travail, qui a favorisé le passage à temps complet des salariés qui travaillaient entre 20 et 30 heures. De même, la part des salariés à temps partiel qui voudraient travailler davantage a baissé de 9 points depuis 1997. Elle s'établit néanmoins à 35 %. Ce temps partiel subi est plus répandu dans les bas salaires et les activités tertiaires. Il concerne surtout 80 % de femmes, et pose par là même un problème important.

Ces femmes sont généralement soumises à des horaires décalés et irréguliers, qui leur posent des problèmes de transport et de garde d'enfants. Tout en travaillant, 10 % d'entre elles sont encore en dessous du seuil de pauvreté. Elles vivent souvent seules et avec des enfants à charge, ce qui rend très difficile d'articuler vie familiale et professionnelle.

Monsieur le Ministre, les répercussions de votre texte sur le travail à temps partiel subi nous inquiètent. Nous voudrions savoir quelles mesures vous envisagez à ce propos et, une nouvelle fois, quel impact votre texte aura sur l'emploi.

M. Jean-Pierre Soisson - L'opposition voudrait nous donner mauvaise conscience. N'ayons aucun complexe à voter un bon texte, qui permet, après une large concertation, de rétablir l'équilibre !

Le Gouvernement étend la prime à l'emploi aux salariés à temps partiel.

Mme Catherine Génisson - Et c'est une catastrophe !

M. Jean-Pierre Soisson - Une nouvelle loi répondra à nombre des questions que vous posez. Alors que voulez-vous ? Vous renvoyez à la négociation sociale tout en souhaitant l'encadrer par avance !

M. Hervé Morin - C'est de la schizophrénie !

M. Jean-Pierre Soisson - Faisons notre travail sur un texte précis sans remettre en cause à cette occasion l'ensemble du droit du travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Bernard Accoyer - La réduction du temps de travail généralisée et obligatoire n'a pas pu être mise en place pour les entreprises de moins de 20 salariés. C'est le Gouvernement Jospin lui-même qui a convenu que cette usine à gaz leur serait fatale, à elles qui fournissent le plus d'emplois dans ce pays. Il y a donc bien urgence à apporter une solution.

Je dénonce la déformation de la vérité qui est utilisée comme une propagande idéologique de triste mémoire par la gauche. On parle d'éléments qui en fait ne figurent nullement dans le texte, comme en ce qui concerne le niveau de rémunération des heures supplémentaires. On veut faire croire que l'on revient sur la durée du temps de travail. On occulte des avancées considérables, telles que l'égalisation des niveaux du SMIC, la liberté pour les salariés de travailler davantage s'ils le souhaitent ou toute la place qui est laissée aux partenaires sociaux pour décider des dispositions spécifiques à chaque secteur d'activité.

Beaucoup de vos arguments ne sont pas valables. Vous avez fait référence au responsable d'un organisme patronal extrêmement contesté par sa base. Il dirige une entreprise de charpente pour laquelle la flexibilité, compte tenu notamment des contraintes météorologiques, est indispensable. Et quand Mme Mignon nous explique que le chômage augmente depuis un an, je voudrais savoir si c'est une conséquence des 35 heures, ou le constat que les 35 heures n'y ont rien fait !

Cette série de paradoxes et de déformations n'est guère constructive et ne permettra pas de redonner du travail et de la croissance à la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Daniel Garrigue - Il faut peut-être rappeler que le régime des heures supplémentaires s'applique dès la fin de la trente-cinquième heure. Aujourd'hui, le salarié est en pleine confusion puisque la bonification peut se traduire soit par un repos compensateur, soit par une majoration de salaire et qu'il ne le sait pas par avance. Notre texte ne retient que la majoration de salaire, ce qui répond aux attentes des salariés et permettra d'améliorer le pouvoir d'achat.

Outre qu'elles clarifient la situation, nos dispositions permettent aussi de faire intervenir la négociation collective en la matière, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Enfin, vous semblez craindre que les petites entreprises privilégient le recours aux heures supplémentaires sur l'embauche. Mais ce n'est que logique et bénéfique ! Nombre de petites entreprises ont préféré rester à un niveau d'activité minimum pour ne pas entrer dans la complexité des lois Aubry. Il vaut mieux qu'elles commencent par augmenter leur activité en recourant aux heures supplémentaires, pour embaucher ensuite, si leur activité le leur permet. La nouvelle loi est une loi de dynamisme, l'ancienne était une loi de malthusianisme économique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Gaëtan Gorce - M. Vidalies n'a pas pu entièrement répondre à M. Accoyer. Cela pose un problème d'organisation des débats. La Conférence des présidents a prévu de consacrer les deux derniers jours de cette semaine et une partie de la semaine prochaine à ce texte. Nous aurions voulu que ce soit l'occasion d'un véritable débat, mais M. Accoyer considère cela comme une remise en cause inacceptable des droits de la majorité parlementaire ! Il nous explique même qu'il fait un effort en venant siéger aujourd'hui ! Qu'il explique cela à ses électeurs !

Nous venons poser des questions précises, et nous n'avons pas de réponse. La démocratie, c'est la majorité et l'opposition et je vous rappelle que respecter l'opposition, c'est aussi préparer son avenir ! Nous devons donc pouvoir exposer nos arguments.

Pour vous prouver que nous ne faisons pas d'obstruction, je ne demande pas de suspension de séance.

M. le Président - Il m'appartient, Monsieur Gorce, de faire respecter la qualité du débat et croyez bien que j'ai à c_ur de le faire !

Sur les amendements 4 et 133, qui sont identiques, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Mme Martine Billard - L'amendement 4 vise à supprimer l'article 2. Le Gouvernement prétend que ce texte va favoriser l'emploi mais - et je rejoins sur ce point Mme Mignon - rien n'est moins sûr. Il est à craindre en effet que les entrepreneurs - notamment les chefs de PME - ne privilégient systématiquement le recours aux heures supplémentaires contre l'intérim ou contre les CDD liés à des surcroîts ponctuels d'activité. Loin de créer de l'emploi, cette loi va contribuer à l'usure des salariés au travail - et lorsqu'on connaît la situation de la réduction du travail dans notre pays, cet élément n'est pas anodin - et au découragement du demandeur d'emploi.

M. Michel Charzat - L'amendement 133 vise également à supprimer cet article car sous couvert de simplification du régime des heures supplémentaires, il est bel et bien question de revenir sur l'acquis de 1936 instaurant une rémunération majorée pour les heures effectuées au-delà de la durée légale. L'article 2 remet en cause de la même manière le repos compensateur en fixant des garanties d'application a minima. Et il en va de même de la référence à la durée hebdomadaire moyenne de 35 heures, sacrifiée sur l'autel de la flexibilité. Nous ne pouvons davantage tolérer l'extension immodérée du parfait cadre qui conduirait toujours plus de salariés à travailler treize heures par jour alors que ni leur niveau de responsabilités ni leur rémunération ne se justifient. Si les évolutions qui nous sont proposées étaient retenues, le compte épargne temps perdrait également toute sa substance. En résumé, il nous est demandé de mettre un terme par des voies pernicieuses à la politique de réduction du temps de travail alors même que le chômage repart de plus belle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur - Evidemment défavorable : ces amendements visent à supprimer l'assouplissement indispensable des rigidités introduites par les 35 heures. Les salariés comme les entreprises vous demandent d'aller dans cette voie.

M. le Ministre - Même avis et je confirme - à l'intention notamment de M. Charzat - que ce texte ne modifie pas la référence à la durée hebdomadaire moyenne du travail, laquelle reste fixée à 35 heures. Quant à la majoration de 10 % du salaire des heures supplémentaires, nous nous bornons à reprendre une disposition proposée par un gouvernement que vous avez soutenu pour les entreprises de moins de vingt salariés.

Mme Martine Billard - Elle était transitoire.

M. le Ministre - Nous ne revenons pas là-dessus.

À la majorité de 84 voix contre 22 sur 106 votants et 106 suffrages exprimés, les amendements 4 et 133 ne sont pas adoptés.

Mme Martine Billard - Notre amendement 5 vise à supprimer le paragraphe I de l'article 2, lequel permet aux partenaires sociaux de fixer par accord de branche étendu le taux de majoration des heures supplémentaires. On ne peut pas tout renvoyer à la négociation collective ! La loi doit fixer un cadre, ne serait-ce que pour garantir l'égalité des salariés. Limiter la majoration du salaire des heures supplémentaires, c'est rompre l'équilibre entre les intérêts du salarié et ceux de l'employeur. Il convient donc, quelle que soit l'entreprise et pour tout salarié, de maintenir une majoration à hauteur de 25 % de la rémunération des heures effectuées au-delà de la durée légale.

M. Gaëtan Gorce - Notre amendement 134 est identique. Envisager que le taux de majoration de 25 % du salaire des heures supplémentaires, établi depuis l'instauration des 40 heures en 1936, puisse être réduit à 10 % de manière pérenne porte atteinte à l'ordre public social. Nous ne pouvons le tolérer.

M. le Rapporteur - Défavorable. Le texte tend à donner aux partenaires sociaux la possibilité de fixer le taux majoré des heures supplémentaires tout en prévoyant des garanties grâce à un plancher fixé à 10 %. La rédaction actuelle est donc parfaitement valable.

M. le Ministre - Même avis.

M. le Président - Sur ces deux amendements 5 et 134, je suis saisi d'une demande de scrutin public.

M. Maxime Gremetz - Je soutiens totalement ces amendements car il est juste que, comme on l'a décidé en 1936, la rémunération des heures supplémentaires soit majorée de 25 %. Je m'étais d'ailleurs opposé à la disposition « transitoire » figurant dans la loi Aubry, persuadé que la droite en profiterait si elle revenait au pouvoir. De fait, elle en profite. N'oublions pas que le transitoire, quel que soit le gouvernement, tend à perdurer et réfléchissons davantage à ce que nous faisons. En effet, si, aujourd'hui, le Gouvernement de droite peut remettre en cause la majoration pour heure supplémentaire, en la limitant à 10 %, c'est en raison d'une décision de la gauche.

Mais certains vont même au-delà : M. Bayrou propose même de ramener cette majoration à 0 % (Exclamations sur les bancs du groupe UDF). Je puis le prouver en produisant la cassette de LCI ! Il soutient que, pour créer des emplois, il ne faut pas payer du tout les heures supplémentaires, qu'agir autrement serait imposé aux entreprises une charge qui les empêcherait d'embaucher. D'avoir entendu cela, je n'ai pu dormir ! (Sourires) Comme quoi il y a encore plus à droite que la droite qui soutient ce projet...

À la majorité de 92 voix contre 25 sur 117 votants et 117 suffrages exprimés, les amendements 5 et 134 ne sont pas adoptés.

M. Manuel Valls - L'amendement 135 vise à maintenir dans le droit du travail la bonification en temps de repos appliquée aux quatre premières heures supplémentaires, soit une heure de temps de repos pour chaque heure effectuée de la 36ème à la 39ème.

En portant de 130 à 180 heures le contingent annuel d'heures supplémentaires, le Gouvernement autorise les employeurs à accroître unilatéralement la durée hebdomadaire du travail de 4 heures en moyenne - ce qui revient à rétablir les 39 heures. Non seulement on revient ainsi sur la réduction du temps de travail en faisant fi de l'évolution de la société, non seulement on accroît les inégalités entre les salariés passés aux 35 heures et les autres, mais on aggrave les conditions de travail. Par cette concession idéologique accordée au MEDEF, par cette mesure qui permet aux employeurs de faire travailler quatre heures de plus aux moindres frais, on augmente en effet le risque d'accidents du travail dans toute une série de métiers.

Notre amendement ne vise qu'à défendre les salariés en favorisant la réduction du temps de travail sans exclure la possibilité de verser une majoration de salaire, décidée par voie d'accord collectif - la bonification sous forme de repos primant si cet accord fait défaut (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Martine Billard - L'amendement 6 est quelque peu différent : nous prenons acte du vote de tout à l'heure et prenons en compte les difficultés qu'auraient, dit-on, les PME à payer comme il conviendrait les heures supplémentaires comprises entre la 35ème et la 39ème heure, mais nous considérons que cette limitation à 10 % ne doit pas s'étendre au-delà. Nous proposons donc de rétablir le droit commun à partir de la 39ème heure, pour l'ensemble des salariés et quelle que soit la taille de l'entreprise.

M. le Rapporteur - Rejet. L'amendement 135 tend à revenir aux dispositions de la loi Aubry. Or nos concitoyens préfèrent le paiement des heures supplémentaires à l'octroi d'un repos compensateur. D'autre part, quid des heures effectuées au-delà de la 39ème ?

Quant à l'amendement 6, il ne précise pas le taux de majoration applicable au-delà des quatre premières heures supplémentaires.

M. le Ministre - Avis défavorable. Je me suis déjà expliqué sur les raisons qui conduisent à simplifier et unifier le régime des heures supplémentaires et à renvoyer à la négociation la fixation du contingent et du niveau de rémunération mais, faisant ce choix, nous sommes aussi allés dans le sens de la plupart des accords passés dans les entreprises. En effet, en 2001, dans 60 % des 13 500 accords conclus, les partenaires ont opté pour la bonification plutôt que pour le repos compensateur.

L'amendement 135, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 6.

M. Hervé Morin - Le coût du travail est déterminant pour la création d'emplois et, pour que la croissance soit plus riche en emplois, il faut que ce coût soit le moins élevé possible, notamment pour le travail à faible valeur ajoutée. Par l'amendement 168, nous proposons donc, comme nous l'avons fait tout au long de la campagne électorale, que toute majoration des heures supplémentaires soit fixée à 25 %, quelle que soit la taille de l'entreprise, mais que le coût en soit compensé par un abaissement à due concurrence des charges sociales.

Vous avez mal écouté M. Bayrou, Monsieur Gremetz ! Le revenu des salariés n'est pas remis en cause, au contraire. Vous avez du travail une vision qui date. Vous vous éloignez ainsi des partenaires sociaux, qui considèrent que le régime des heures supplémentaires doit être fixé par la négociation collective, non par la loi. En outre, vous considérez que tout homme peut être remplacé par un autre, que les salariés sont interchangeables : en quoi vous restez marqué par le taylorisme, en quoi vous faites insulte à l'individu.

Nous aurions aimé que la loi aille dans le sens que nous proposons : ouvrir largement l'accès aux heures supplémentaires sans augmenter le coût du travail. S'il est possible de ramener la majoration en dessous de 25 % par voie d'un accord de branche, nous craignons en effet que plus personne ne vienne s'asseoir à la table de négociation.

M. Maxime Gremetz - Si j'ai bien compris M. Morin, les entreprises ne gagnent pas assez en France. Il en veut sans doute pour preuve la crise boursière mais c'est précisément l'excès d'argent, la spéculation financière qui explique des scandales comme ceux de Vivendi ou France Télécom. À vous suivre, voilà bientôt qu'il faudra donner de l'argent aux patrons pour qu'ils embauchent ! Mais ils bénéficient déjà de 130 milliards de francs d'exonérations de charges et si on vous suivait, bientôt, ils ne paieraient plus du tout de cotisations. Et dans le même temps, on s'étonne du déficit de la Sécurité sociale ! Bref, vous me décevez, Monsieur Morin, je vous croyais libéral social. Vous n'êtes qu'un libéral prônant la régression sociale.

À vous entendre, le coût du travail serait trop élevé en France. Faut-il rappeler que notre pays est pourtant un pays de bas salaires, où les inégalités se creusent et la précarité augmente ?

M. Lucien Degauchy - Vous n'y êtes pas pour rien !

M. Maxime Gremetz - Vous savez pertinemment que ce n'est pas le gouvernement, quel qu'il soit, qui décide de ce qui se passe dans les entreprises. Il y a le MEDEF (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Il existe aussi une lutte des classes que certains avaient trop tôt enterrée. Vous aurez l'occasion de le voir.

Les acquis concernant la rémunération des heures supplémentaires ne peuvent pas être remis en question. À travail égal, salaire égal, voilà un principe simple, de même que toute peine mérite salaire. C'est pourquoi notre amendement 30 propose que les heures supplémentaires soient majorées au minimum de 25 % pour chacune des huit premières et de 50 % pour chacune des huit suivantes. Il n'y a là rien de révolutionnaire. Bien entendu, je demande un scrutin public.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement 168. Les exonérations de charges doivent abaisser le coût global du travail non celui des heures supplémentaires seulement. Par ailleurs, cet amendement ne prévoit pas de plancher dans le cas d'un accord de branche alors que le texte le fixe à 10 %.

Elle a repoussé également l'amendement 30 qui, entre autres, neutraliserait le dialogue social.

M. le Ministre - Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement 168 même si le projet de loi satisfait l'un de ses objectifs, à savoir simplifier et unifier le régime des heures supplémentaires. Comme l'a dit le rapporteur, les allègements de charges prévus visent à abaisser le coût général du travail. À la différence de ceux institués par la loi sur les 35 heures, ils s'appliqueront aux heures supplémentaires. Je ne suis pas favorable à un dispositif qui tendrait à encourager par des aides publiques un recours massif aux heures supplémentaires, ce qui d'ailleurs montre bien que nous cherchons à assouplir les 35 heures, pas à revenir aux 39 heures.

M. Gaëtan Gorce - Intégrer les heures supplémentaires dans l'assiette de calcul des exonérations et prétendre, comme vient de le faire le ministre, qu'on ne veut pas les encourager et qu'on veut bien rester aux 35 heures est pour le moins contradictoire. Car plus les entreprises feront faire d'heures supplémentaires en restant ou en allant à 39 heures, plus elles y gagneront en matière d'allégements. Merci, Monsieur le ministre, de nous avoir éclairés !

L'amendement 168, mis aux voix, n'est pas adopté.

À la majorité de 95 voix contre 27 sur 112 votants et 112 suffrages exprimés, l'amendement 30 n'est pas adopté.

M. Hervé Morin - L'amendement 175 propose que le taux de majoration des heures supplémentaires puisse être fixé aussi par un accord d'entreprise, à la condition que celui-ci ne soit pas frappé d'opposition et ait été soumis à l'approbation des salariés. Cette possibilité, assortie de garde-fous donc, nous paraît opportune pour permettre aux entreprises de s'adapter.

M. Alain Vidalies - Nous parlons beaucoup depuis tout à l'heure d'ordre public social. Nous voilà au c_ur de cette question politique majeure, laquelle ne saurait relever exclusivement des partenaires sociaux.

Le projet de loi autorise l'abaissement du taux de rémunération des heures supplémentaires. En ouvrant ce champ à la négociation sans engager simultanément la grande réforme qui serait pourtant nécessaire en matière de démocratie sociale, on fait courir de grands dangers aux salariés. Il suffira qu'une seule organisation syndicale dite représentative, fût-elle en réalité minoritaire, signe un accord à ce sujet pour que celui-ci s'applique à l'ensemble des salariés. C'est comme si l'un seul d'entre nous ici pouvait imposer à tous les autres sa volonté ! Le texte prévoit certes des droits d'opposition mais les dispositions retenues ne sont pas non plus un modèle de démocratie. Trois organisations syndicales sur cinq, ce peut être fort différent de trois-cinquièmes des salariés. Or, pour vérifier la validité de l'opposition à un accord, c'est bien sur la position de la majorité des organisations syndicales que l'on se fondera.

Dans tous les cas, nous sommes confrontés à cette situation, puisque le Gouvernement a choisi de laisser cet espace à la discussion - tout en étant conscient des insuffisances de ce que sont les règles de représentativité, mais aussi les mécanismes d'opposition tels qu'ils figurent dans le Code du travail. D'où l'amendement 175. Quant à notre amendement 137, il tend à préserver la possibilité, pour une majorité de salariés qui ne l'accepterait pas, de s'opposer à un accord, en indiquant que la négociation ne serait valable que si elle était signée par la majorité des organisations syndicales représentatives au niveau de la branche.

L'amendement 154 repose sur le même principe. Il s'agirait là des organisations syndicales représentatives et majoritaires dans la branche dans les conditions fixées par un accord national interprofessionnel et repris par décret - qui serait l'anticipation sur le résultat de la nouvelle démocratie sociale que chacun appelle de ses v_ux.

Dans la même logique l'amendement 138 dit : « sauf si la majorité des organisations syndicales représentatives s'y oppose quel que soit le nombre d'organisations syndicales signataires de la convention ou de l'accord de branche ».

Enfin, l'amendement 139 reprend la même idée en se référant à la majorité des organisations syndicales représentées à la commission nationale de la négociation collective. Je précise que nous avons repris le libellé qui figure dans l'accord sur la négociation collective auquel M. le ministre faisait référence.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté l'amendement 175. Le projet de loi prévoit qu'un accord de branche ayant été étendu peut déterminer un taux de majoration des heures supplémentaires différent des taux légaux avec un plancher de 10 %. M. le ministre a rappelé que des accords de branche signés par des syndicats minoritaires ne seront pas étendus offrant ainsi toute sécurité. L'amendement propose donc d'abaisser le niveau de la négociation collective à l'entreprise et non à la branche. La commission a émis un avis défavorable : la branche est le niveau pertinent pour la régulation de jeu entre toutes les entreprises ; l'arrêté d'extension constitue une garantie - qui disparaîtrait avec cet amendement ; il risquerait en outre d'entraîner trop de disparités entre les salariés, selon qu'ils appartiennent à telle ou telle entreprise.

La commission a également repoussé l'amendement 137. Là encore, M. le ministre a dit qu'il ne prendrait pas d'arrêté d'extension si l'accord était signé par une confédération minoritaire. Enfin, le droit d'opposition habituel est différent du devoir de signature.

La commission n'a pas non plus retenu l'amendement 154. Le fait de renvoyer la question à un accord national interprofessionnel est une façon de reporter sine die cette disposition. Les partenaires sociaux mènent une réflexion d'ensemble sur les voies et moyens de la négociation collective ; il ne serait pas raisonnable d'en préjuger.

De même, la commission a rejeté l'amendement 138. Je répète que le ministre a rappelé qu'il n'étendrait pas les accords signés par les confédérations minoritaires et que ce droit d'opposition existe dans le code du travail pour les seuls accords d'entreprise, non de branche. Enfin, les discussions actuelles sur les accords majoritaires doivent être respectées.

La commission a repoussé l'amendement 139 pour les mêmes raisons.

M. le Ministre - Sur l'amendement 175, je rappelle à M. Morin que nous avons déjà cherché à élargir le champ de la négociation pour les partenaires sociaux sur le plan de la branche - en leur permettant de fixer le taux de rémunération du contingent annuel d'heures supplémentaires.

Le recours à la négociation comme moyen privilégié de régulation des relations du travail nécessite des garanties efficaces afin que les accords reflètent un réel équilibre entre les partenaires sociaux.

Le recours à des accords de branche étendus participe de cette démarche. Je rappelle que la branche est le lieu naturel de cette négociation ; des accords d'entreprise, en l'occurrence, conduiraient à un éclatement des règles - ce qui, en terme de concurrence à l'intérieur d'une même branche, poserait des problèmes. La procédure d'extension confère au ministre du travail la possibilité de ne pas étendre et de renvoyer la négociation s'il estime que le texte ne correspond pas à l'équilibre de la branche.

S'agissant des amendements suivants, que le Gouvernement repousse, j'ai indiqué ma volonté de mettre en _uvre, avec les partenaires sociaux, le plus grand nombre possible d'éléments de la position commune. Il serait déraisonnable d'anticiper la négociation qui va avoir lieu sur ce sujet, au détour de ce texte, sans véritable recul, dans l'urgence.

M. Maxime Gremetz - Notre amendement 31 pose également le problème du principe des accords majoritaires. Quel type de démocratie sociale voulons-nous ? La question est récurrente mais, selon moi, essentielle. Certes, il faut dialoguer, mais surtout créer les conditions d'un dialogue démocratique.

L'avancée limitée que nous avons faite découlait de la possibilité, pour les entreprises, de bénéficier des exonérations de cotisations patronales - y compris des aides incitatives à la création d'emplois dans le cadre des 35 heures. Elle était liée à un accord signé par des organisations représentant la majorité des salariés. Comment accepter que l'on puisse signer avec un syndicat ultra-minoritaire contre l'avis de quatre ou cinq syndicats ultra-majoritaires ?

Autrefois, on connaissait la dictature du prolétariat ; maintenant, nous aurions la dictature d'une partie du prolétariat ! Quel progrès !

Cette loi, chaque fois, renvoie à la négociation. Nous avons vu les difficultés de l'hôpital public.

M. Bernard Accoyer - Quelle réussite, les 35 heures !

M. Maxime Gremetz - A l'occasion de l'accord passé dans le cadre de l'hôpital public, le principe majoritaire n'a pas été appliqué. Or, c'est l'ABC de la démocratie sociale ! Lorsque je parle d'accords majoritaires, j'inclus les accords d'entreprise et les accords de branche. Pouvez-vous confirmer, Monsieur le ministre, que vous n'étendriez que les accords majoritaires ? (Applaudissements ironiques sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Alain Vidalies - Parfois, le débat avance. Je prends acte de la réponse de Monsieur le ministre à l'amendement du groupe UDF. Nous partageons ce choix : la branche est certainement le niveau le plus pertinent.

Les ultimes propos de M. Gremetz devraient retenir toute l'attention, car ils sont d'une importance capitale. La contradiction actuelle est patente ; pour s'en dégager, il existe une solution intermédiaire qui, bien qu'elle ne soit pas entièrement satisfaisante, offrirait une garantie : que le ministre s'engage à ne procéder à aucune extension d'un accord minoritaire, confirmant ainsi les propos du rapporteur.

M. Hervé Morin - Je sais qu'il s'agit de maintenir un équilibre fragile et compliqué. Je tiens cependant à souligner que la compétitivité n'est plus seulement économique, elle est aussi sociale. C'est dire que si un chef d'entreprise a trouvé les moyens de nouer un dialogue social de qualité au sein de sa société, il serait dommage qu'il s'en prive.

M. le Ministre - Selon le code du travail, le ministre du travail a le devoir impératif de renvoyer le texte à la négociation en cas d'opposition de deux organisations syndicales, et il conserve une faculté d'appréciation du bien-fondé de l'extension du texte à l'ensemble de la branche. Bien entendu, cette garantie subsiste pour préserver les intérêts des salariés : le ministre du travail conservera son pouvoir d'appréciation.

Les amendements 175 et 137, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que les amendements 154,138 et 139.

M. Gaëtan Gorce - Je regrette que le ministre n'ait évoqué qu'un « pouvoir d'appréciation » alors que nous avions cru comprendre, aussi bien au cours des débats en commission qu'au travers des propos du rapporteur, qu'il prenait l'engagement de ne jamais étendre un accord minoritaire. L'importance de l'amendement 155 n'en est que plus grande. Il dit en effet qu'aucune majoration pour heure supplémentaire ne peut être inférieure à 25 %.

La possibilité offerte dans le projet de majorer les heures supplémentaires de 10 % seulement est en contradiction complète avec l'assurance réitérée selon laquelle les dispositions prévues visent à travailler plus pour gagner plus. Ce dont il s'agit ici, c'est bel et bien de travailler plus pour gagner moins, et cela se constatera sur les feuilles de paie.

Et puis, Monsieur le ministre, vous ne m'avez toujours pas dit quels seront les effets sur l'emploi du démantèlement des 35 heures et des allégements de charges. A l'époque des lois Aubry, nous vous avions fourni des indications précisant nos orientations ! Certes, personne ne peut maîtriser complètement l'évolution d'une politique...

M. Bernard Accoyer - Quel aveu !

M. Gaëtan Gorce - ...mais nous avions expliqué les objectifs que nous poursuivions. Aujourd'hui, je le rappelle, il s'agit d'accorder 15 milliards d'euros d'allégements de charges déconnectés de la réduction du temps de travail, pendant que le ministre des finances dit ne pas savoir comment boucler le budget obéré, paraît-il, par l'héritage... Sur cet héritage, il y aura lieu de revenir, car nous avons laissé les comptes sociaux en équilibre et une dette publique réduite.

Vous ne pouvez, Monsieur le ministre, n'avoir aucune idée des conséquences pour l'emploi de ce que vous nous proposez ! Confirmer donc enfin, devant la représentation nationale les informations que vous distillez à d'autres !

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 155.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement qui propose de porter de 10 % à 25 % la majoration minimale pour heure supplémentaire. Ce taux étant fixé par la loi, quel est l'intérêt de la négociation d'un accord ?

M. le Ministre - Avis défavorable.

A la majorité de 76 voix contre 21 sur 97 votants et 97 suffrages exprimés, l'amendement 155 est repoussé.

M. François Guillaume - L'orientation que vous avez choisie, à bon escient, est de laisser aux partenaires sociaux le soin de choisir ce qui leur convient. On est loin de l'esprit des lois Aubry, dont la deuxième avait d'ailleurs conduit à l'annulation d'accords de branche.

M. Bernard Accoyer - Scandaleux !

M. François Guillaume - Il a fallu quatre ans au Gouvernement socialiste pour admettre la nocivité de sa loi, et consentir à des assouplissements. Au nombre de ceux-là, il a été décidé que, dans les PME, la majoration des heures supplémentaires pourrait être de 10 %. Ces dispositions transitoires subsistent. En les introduisant, le Gouvernement socialiste n'ignorait pas qu'il créait une rupture d'égalité entre les salariés selon la taille de l'entreprise qui les emploie.

Ce dispositif n'était par ailleurs pas justifié économiquement, dans la mesure où les petites entreprises, qui s'adressent à un marché local, peuvent obtenir une augmentation des prix pour couvrir le coût des 35 heures. Ce n'est pas le cas pour les entreprises moyennes, qui s'adressent aux marchés nationaux et internationaux et subissent la concurrence de plein fouet. C'est ainsi que Bata ou Flextronic, qui ne pouvaient pas supporter de telles distorsions de concurrence, ont été conduites à se délocaliser.

L'amendement 96 propose donc une majoration progressive de la rémunération des heures supplémentaires, qui serait appliquée indifféremment à toutes les entreprises. Ce régime ne serait que provisoire puisque, selon le projet de loi, des accords de branche pourront définir le volume des heures supplémentaires et leur rémunération.

M. le Rapporteur - L'avis de la commission est défavorable, bien que votre préoccupation soit parfaitement légitime. En effet, cet amendement inscrirait dans le code du travail une disposition transitoire. En outre, il accorde une période d'adaptation aux entreprises de plus de vingt salariés alors qu'elles ont déjà bénéficié d'un régime transitoire en 2000. Enfin, l'article 3 du projet de loi prévoit la prolongation de l'adaptation pour les entreprises de moins de vingt salariés.

M. le Ministre - Je comprends votre souci de donner tous les atouts possibles à nos entreprises face à la compétition internationale, mais votre amendement aboutirait à ce que le législateur décide d'un recul pour les salariés des grandes entreprises, dont les heures supplémentaires sont rémunérées à 25 %. Cela serait très mal compris par nos concitoyens. Nous préférons nous en tenir au taux provisoire de 10 % pour les entreprises de moins de vingt salariés, sachant que les divergences auront dû être effacées en 2005. Les partenaires sociaux savent bien que dans le cas contraire, les petites entreprises connaîtraient trop de difficultés de recrutement.

Si toutefois les partenaires sociaux, dans des branches particulièrement exposées telles que l'industrie de la chaussure ou l'électronique, décident de descendre en dessous des 25 %, ils auront toujours la latitude de le faire. Mais c'est à eux d'en décider.

M. Gaëtan Gorce - Je voudrais saluer le premier amendement déposé par l'UMP dans ce débat. Non que ses membres manquent d'idées, j'en suis sûr : je pense plutôt qu'ils n'ont pas eu la possibilité de les faire connaître ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Pas de provocation !

M. Gaëtan Gorce - Il ne s'agissait que d'un constat.

M. Bernard Accoyer - Quel mépris pour la représentation parlementaire !

M. Gaëtan Gorce - Je suis étonné que le Gouvernement n'accepte pas un amendement qui inscrit dans la loi ce qu'il suggérait aux partenaires sociaux. Mais peut-être préfère-t-il laisser les partenaires sociaux diminuer la rémunération des heures supplémentaires ?

Cette façon de faire pose un véritable problème : on autorise les partenaires sociaux à remettre en cause l'ordre public social. Le prétexte est que le gouvernement précédent avait pris la même disposition pour les entreprises de moins de vingt salariés, et pour les autres pour leur première année. Mais nous étions dans une période d'adaptation aux 35 heures ! Vous, vous imposez le taux de 10 % aux entreprises de moins de 20 salariés et le préconisez fortement pour les autres. Je remercie M. Guillaume de cette clarification.

M. François Guillaume - Si l'UMP n'avait pas encore déposé d'amendement, c'est qu'elle trouve le texte du Gouvernement excellent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Mon amendement n'était que le résultat de votre politique, dont vous avez reconnu vous-même qu'elle devait être assouplie. Vos deux lois ont été si nocives, elles ont créé tant de distorsion entre les entreprises que le ministre n'a pas pu remédier à tout à lui tout seul ! Mais je suis convaincu que les partenaires sociaux, notamment les salariés des petites entreprises, feront le maximum pour élaborer, par la négociation, un système de rémunération qui tienne compte de la concurrence. Je retire donc mon amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président - Je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public sur l'amendement 31.

M. Maxime Gremetz - Cet amendement est relatif aux accords collectifs qui régissent tout une branche ou une seule entreprise et qui régissent des domaines aussi importants que divers, tels que par exemple les salaires, les horaires et les conditions de travail, la formation, les congés, la retraite ou la sécurité et l'hygiène.

Le pouvoir de négociation de ces accords appartient aux salariés. C'est pourquoi la légitimité et la représentativité de leurs délégués sont cruciales. Un principe fondamental de notre démocratie représentative est que chaque loi est adoptée par le Parlement, qui représente l'ensemble des citoyens. Mais ce principe est complètement ignoré en ce qui concerne les accords collectifs. Chacune des organisations reconnues représentatives au niveau national a le pouvoir d'engager l'ensemble des salariés, alors qu'elle représente au mieux 30 % des salariés ! Il faut actualiser ce dispositif.

Par ailleurs, les accords collectifs ne pouvaient traditionnellement qu'améliorer une situation de base fixée par la loi. Mais depuis une vingtaine d'années, la loi permet au négociateur de lui déroger, et dans un sens défavorable au salarié. C'est ainsi qu'on a pu déroger à la règle du cadre hebdomadaire, instituer le forfait jour pour les cadres, modifier les règles relatives à la formation ou au temps de travail et maintenant la rémunération des heures supplémentaires.

Des dirigeants syndicaux très minoritaires peuvent donc engager l'ensemble des salariés dans de tels domaines. Nous vous demandons d'adopter enfin le principe de représentativité majoritaire, principe élémentaire de la démocratie, dans la négociation sociale. Aucun obstacle ne s'y oppose puisqu'il est aisé de mesurer, tant au niveau des branches que par les procès verbaux d'élections dans les entreprises, l'influence de chaque syndicat. Ce principe doit être inscrit dans le code du travail.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, ne serait-ce que parce qu'il faut attendre le résultat des négociations en cours sur ces sujets.

M. le Ministre - Même avis.

M. Alain Vidalies - La proposition de M. Gremetz nous sied et il y a d'ailleurs sur ce point un certain consensus sur nos bancs. La loi instituant la réduction du temps de travail a fait référence pour la première fois au principe de l'accord majoritaire. Nous sommes - j'en conviens - restés au milieu du gué puisque le dispositif n'avait pour vocation que de permettre le déclenchement des aides mais nous avons ainsi adressé un signal fort aux partenaires sociaux. Votre projet de loi fait le chemin inverse puisque la référence à l'accord majoritaire n'y figure plus.

Nous serions favorables à ce qu'une référence explicite à un accord national interprofessionnel accrédite - fût-ce de manière implicite - l'idée que la légitimité des décisions prises émanerait de la majorité des organisations syndicales effectivement représentatives. Nous soutenons par conséquent l'amendement 31, à défaut d'obtenir des propositions valables de la part de ceux qui sont en mesure d'en faire.

M. le Ministre - Je ne peux pas laisser M. Vidalies dire que nous proposons de revenir sur un acquis essentiel pour la négociation collective obtenu par les lois Aubry !

M. Vidalies entretient la confusion entre les accords d'entreprise - effectivement visés par les lois Aubry - et les accords de branche auxquels la règle de l'accord majoritaire n'a jamais été appliquée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

A la majorité de 80 voix contre 21 sur 101 votants et 101 suffrages exprimés, l'amendement 31 n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L'amendement 157 tend à lever le soupçon introduit par le texte dans la relation entre le salarié et l'employeur au sujet des heures supplémentaires. Il est en effet essentiel que le salarié se trouvant en position de refuser d'effectuer des heures supplémentaires soit assuré que ce refus ne constitue pas une faute lourde susceptible de constituer un motif de licenciement.

M. Bernard Accoyer - Cela n'a pas de sens !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Dans ce cas, votez l'amendement puisqu'il lève toute ambiguïté ! Il permet de rassurer le salarié et d'offrir au juge une base légale qui évitera bien des procédures inutiles.

M. le Président - Sur l'amendement 157, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

M. Gaëtan Gorce - Notre amendement 156 est de repli. Il vise à préciser dans quelles conditions le salarié peut refuser d'effectuer des heures supplémentaires en vertu de la liberté du travail. N'oublions pas que les heures supplémentaires présentent dans l'état présent de la réglementation un caractère obligatoire et que le refus de les effectuer est considéré comme une faute lourde exposant au licenciement. La jurisprudence admet seulement deux tempéraments à cette règle : peuvent être refusées les heures supplémentaires qui entraînent une modification substantielle du contrat de travail et celles qui sont imposées en contravention manifeste avec les principes fondamentaux du droit du travail. A l'évidence, les accords d'aménagement et de réduction du temps de travail avaient permis de réaliser des compromis entre les intérêts respectifs des salariés et des employeurs, chacun faisant les concessions nécessaires. Mais dès lors que l'on déconnecte les accords d'une RTT effective, c'est l'équilibre de l'ensemble qui est compromis, au détriment du salarié. Il convient donc d'affirmer dans la loi que le refus d'effectuer des heures supplémentaires ne peut s'apparenter à une faute lourde pouvant conduire à un licenciement.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements car ils conduiraient en fait à priver les entreprises comme les salariés de la possibilité de recourir aux heures supplémentaires. Or chacun sait que les salariés sont demandeurs car ils y voient la possibilité d'améliorer leur pouvoir d'achat et que les entreprises ont un besoin vital de cet élément de souplesse. Du reste, si les précisions proposées dans ces amendements étaient indispensables, pourquoi Mme Aubry ne les a-t-elle pas prises en compte ?

M. le Ministre - Même avis et il n'est du reste guère raisonnable de tenter de remettre en cause à la faveur d'un tel texte l'ensemble des règles qui régissent les relations entre l'employeur et le salarié. Plusieurs arrêts de principe - je pense notamment à ceux de 1991 et de 1997 - fixent en la matière une jurisprudence dépourvue de toute ambiguïté. Les modalités d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel - comité d'entreprise ou délégués du personnel - y sont notamment retracées. Il n'y a donc aucune raison de revenir sur le droit existant.

M. Jean-Pierre Soisson - Le ministre a raison ! Quelle mouche vous pique de vouloir ainsi bouleverser les rapports entre le salarié et le chef d'entreprise !

M. Gaëtan Gorce - C'est vous qui le faites avec ce texte !

M. Jean-Pierre Soisson - Je vous mets en garde. On ne modifie pas à la légère le code du travail, surtout lorsqu'il est conforté par une jurisprudence constante.

M. Alain Vidalies - Ce point repose le problème de la définition des heures supplémentaires. Monsieur le ministre nous a fait sur ce point une réponse quelque peu lapidaire en début de séance, laissant entendre que l'accord interprofessionnel de 1999 n'avait pas d'incidence particulière sur la définition des heures supplémentaires et que celles-ci démarraient donc à la première heure excédant la durée légale.

Or il n'existe que deux possibilités : soit nous disposons d'une définition objective à partir de laquelle le juge appréciera s'il y a ou non refus d'effectuer des heures supplémentaires, soit ces dernières n'obéissent à aucune exigence particulière ; y recourir deviendra dès lors une modalité normale de la gestion des entreprises mais, tôt ou tard, il reviendra au juge de faire la loi à notre place. Sachons donc à quelles difficultés nous nous exposons en contestant les droits des salariés : la législation sur la réduction du temps de travail finira inévitablement par être remise en cause.

A la majorité de 76 voix contre 15 sur 91 votants et 91 suffrages exprimés, l'amendement 157 n'est pas adopté.

L'amendement 156, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Dans le prolongement des précédents, l'amendement 158 vise à compléter l'article L. 212-5 par un paragraphe ainsi rédigé :

« IV. - Les salariés doivent être prévenus des changements de leurs horaires de travail dans un délai qui ne peut être inférieur à trois jours ouvrés avant toute proposition d'heures supplémentaires faite par l'employeur. »

Nous connaissons l'existence du code du travail, Monsieur Soisson ! Nous avons même le sentiment que ce n'est pas de notre côté qu'on l'oublie, le plus souvent. Ce code est d'autant mieux construit qu'il l'a été par la représentation nationale. Quant à la jurisprudence, nos amendements ne la contredisent pas. Nous savons en effet qu'elle apporte raison et intelligence à la législation que nous élaborons, que même elle a souvent anticipé en matière de travail - ainsi pour ce qui est du contrat à durée déterminée. Mais la difficulté, ici, tient à ce qu'on néglige tout ce qui peut contraindre le salarié, comme si son rapport à l'employeur était d'égal à égal. La représentation nationale, fidèle à l'esprit du code qu'elle a élaboré, doit donc protéger ce salarié.

De même qu'il n'y avait aucune difficulté à écrire dans la loi que le refus d'heures supplémentaires ne retirait rien à la loyauté du salarié mais constituait un acte élémentaire de liberté, de même nous devons considérer le respect du délai de prévenance comme un élément substantiel du contrat de travail et des droits fondamentaux à reconnaître au salarié.

M. le Rapporteur - Rejet. Obliger l'employeur à prévenir le salarié trois jours avant de lui proposer une heure supplémentaire constitue une disposition rigide et inadaptée aux réalités du travail. Que se passera-t-il en cas de surcroît imprévisible de l'activité ?

Le recours aux heures supplémentaires est une modalité normale du travail, pour les salariés à temps plein !

M. le Ministre - Dans l'opposition, le groupe socialiste manifeste une imagination débordante. Il va même jusqu'à oublier que la définition des heures supplémentaires, que M. Vidalies m'attribue, remonte à 1938 et a été intégralement reprise dans la loi du 19 janvier 2000 ! Il n'y a donc pas de définition nouvelle : ces heures sont celles qui sont effectuées au-delà de la durée légale du travail.

A juste titre, vous n'avez pas jugé bon de modifier cette définition. Mais vous n'avez pas davantage introduit dans la loi un délai de prévenance de trois jours et vous aviez encore raison : ces heures supplémentaires sont destinées à faire face aux à-coups de la production, à des imprévus. Il n'y a donc aucune raison d'accepter aujourd'hui cet amendement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Soisson - Avec ce délai de prévenance, vous ouvririez un large champ à l'interprétation jurisprudentielle et vous favoriseriez les différends ! Votre amendement est à peu près inapplicable. Révisez donc votre code du travail et apprenez la jurisprudence !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Si nous n'avons pas introduit cette disposition dans la loi que nous avons élaborée, c'est que celle-ci portait sur les 35 heures, Monsieur le Ministre. La vôtre porte, elle, sur les heures supplémentaires !

L'amendement 158, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Prochaine séance mardi 8 octobre à 9 heures.

La séance est levée le vendredi 4 octobre à 0 heure 55.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MARDI 8 OCTOBRE 2002

A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Discussion de la proposition de loi (n° 194) de M. Richard DELL'AGNOLA et plusieurs de ses collègues relative à la conduite automobile sous l'influence de drogues illicites et psychotropes.

M. Richard DELL'AGNOLA, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

(Rapport n° 235)

2. Fixation de l'ordre du jour.

3. Discussion de la proposition de résolution (n° 162) de M. Patrick OLLIER tendant à modifier l'article 36 du règlement de l'Assemblée nationale.

M. Jacques-Alain BENISTI, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

(Rapport n° 237)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Déclaration du Gouvernement sur la question de l'Irak et débat sur cette déclaration.

A VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion du projet de loi (n° 190) relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

M. Pierre MORANGE, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

(Rapport n° 231)

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


© Assemblée nationale