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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 6ème jour de séance, 14ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 10 OCTOBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT

vice-président

Sommaire

      DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT
      SUR LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES 2

      DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL 36

      RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE 36

      ORDRE DU JOUR DU MARDI 15 OCTOBRE 2002 37

La séance est ouverte à quinze heures.

DÉCLARATION DU GOUVERNEMENT SUR LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et le débat sur cette déclaration, en application de l'article 52 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Pour la première fois, le Gouvernement vous soumet un rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution. Celui-ci a été déposé sur le Bureau de votre assemblée le 1er octobre, conformément à l'article 52 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Le rapport sur les prélèvements obligatoires est, tout d'abord, présenté « en vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale ». Il s'agit d'offrir au Parlement une vision consolidée des prélèvements de l'ensemble des administrations publiques, notamment de l'Etat et des organismes sociaux, avant d'entamer le débat sur le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le Gouvernement a été fidèle à la lettre et à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances, puisqu'il est représenté ici par le ministre de l'économie et des finances et par le ministre de la santé, qui interviendra après moi.

Ensuite, ce rapport comporte, conformément à la loi organique, l'évaluation financière, pour l'année 2002 et les deux suivantes, des dispositions législatives ou réglementaires envisagées par le Gouvernement.

Enfin, l'article 52 de la loi organique relative lois de finances précise que « ce rapport peut faire l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat », ce qui a lieu aujourd'hui, conformément à la demande de votre Conférence des présidents.

Tout d'abord, présentons l'ensemble des prélèvements obligatoires et leur évolution.

La notion de prélèvements obligatoires est économique, non juridique.

Tels que définis par l'INSEE, ils regroupent « les impôts et les cotisations sociales versées de manière non volontaire au profit des administrations publiques ».

M. Jean-Pierre Brard - On ne sera pas venu pour rien !

M. le Ministre de l'économie - Le champ des prélèvements obligatoires est donc à la fois plus vaste et plus restreint que celui couvert par le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Ainsi, les impôts locaux ou les cotisations UNEDIC relèvent des seuls prélèvements obligatoires, certaines taxes autorisées en loi de finances ne sont pas classées parmi les prélèvements obligatoires ; ainsi de la plupart des taxes parafiscales, dont la redevance audiovisuelle.

Au demeurant, les taxes parafiscales auront toutes disparu au 1er janvier 2004, certaines seront supprimées, d'autres transformées en taxes fiscales. Il faudra en tenir compte quand on étudiera l'évolution des prélèvements obligatoires.

Les prélèvements obligatoires représentaient, en 2001, 45 % de la richesse nationale.

Les organismes sociaux en sont les premiers bénéficiaires puisqu'ils en reçoivent 48 %. Les prélèvements obligatoires de l'Etat et des organismes centraux représentent moins de 40 % de l'ensemble. Ces organismes centraux, les « ODAC », sont divers : structures de défaisance, caisse d'amortissement de la dette sociale, fonds de réserve des retraites, offices agricoles et l'ensemble des établissements publics administratifs de l'Etat. Les collectivités locales reçoivent, quant à elles, 11 % du total et l'Union européenne 1,4 %.

Le taux de prélèvements en France figure parmi les plus élevés des pays de l'OCDE, ce qui confirme le bien-fondé de la baisse des impôts et charges entreprise par le Gouvernement. Cependant, cette comparaison globale doit être relativisée.

Tout d'abord, les écarts de taux de prélèvements obligatoires entre les pays reflètent souvent des choix différents dans le domaine social.

Ensuite, le taux de prélèvement global ne donne pas d'indication sur la structure des prélèvements, en particulier la part qui pèse respectivement sur le travail, le capital et la consommation, ce qui est un élément essentiel de la compétitivité d'un pays. On a vu, en France, les conséquences de la taxation excessive du travail : hausse du chômage et compétitivité ralentie.

Au cours de la législature précédente, le taux de prélèvements obligatoires a eu tendance à augmenter, du fait de la dynamique exceptionnelle des recettes fiscales qui, de 1998 à 2001, ont progressé deux fois plus vite que l'activité économique. Certes, ces plus-values conjoncturelles ont été utilisées pour financer les 35 heures et les baisses d'impôts. Pourtant, le taux de prélèvements obligatoires n'a pas diminué entre 1997 et 2002.

Ainsi, non seulement la pression fiscale n'a pas diminué sous la législature précédente, mais les plus-values conjoncturelles ont été affectées à des dépenses pérennes - notamment pour les 35 heures - au lieu de servir à la réduction du déficit public.

M. Henri Emmanuelli - Alors là !

M. le Ministre de l'économie - A l'inverse, le taux de prélèvements obligatoires devrait diminuer sur la période 2002-2003 et passer de 45 % en 2001 à 44,3 % en 2003.

Cette évolution résultera de trois facteurs distincts.

En premier lieu, le taux de prélèvements obligatoires diminuera spontanément de 0,2 point de PIB en 2003 du fait du produit de l'impôt sur les sociétés.

En deuxième lieu, les mesures prévues en loi de finances initiale et en loi de financement de la sécurité sociale 2002 par le gouvernement précédent contribuent à baisser ce taux encore une fois de 0,2 point de PIB. Enfin, les mesures nouvelles du Gouvernement conduisent à une baisse du taux de 0,4 point de PIB sur 2002-2003. Sur ce total, près de la moitié est liée à la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu votée en collectif d'été, l'autre moitié provenant des baisses d'impôts et de charges prévues pour 2003.

A noter que les allégements de charges liés aux contrats jeunes ne sont pas comptabilisés parmi les baisses de prélèvements obligatoires.

L'intégralité des baisses d'impôts et de charges prévues en projet de loi de finances et en projet de loi de financement de la sécurité sociale en 2003 seront financées ou compensées par le budget de l'Etat, pour un coût global de 3,9 millions d'euros. Sur ce total, 1 milliard correspond à la baisse de 1 % de l'impôt sur le revenu, à l'amélioration de la prime pour l'emploi pour les travailleurs à temps partiel, à la majoration de réduction d'impôt sur le revenu pour emploi à domicile, à la donation facilitée de grands-parents à petits-enfants, et dans le sens inverse, à la première étape de réforme du régime des distributions entre sociétés.

1,9 milliard correspond à la compensation aux collectivités locales de la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle, ainsi qu'à la réduction de la taxe professionnelle sur les bénéfices non commerciaux.

Enfin, 0,7 milliard de taxe sur les conventions d'assurance sont transférés au FOREC afin de compenser l'allégement de charges décidé dans le cadre de la convergence des SMIC.

Les allégements de charges en faveur des jeunes sont aussi compensés par l'Etat sous forme de subvention du budget général, à hauteur de 250 millions d'euros en 2003.

L'impact net des baisses d'impôts et charges sur les prélèvements obligatoires en 2003 représente 2,9 millions d'euros, en comptant l'augmentation des droits sur le tabac, mais sans inclure les allégements contrats jeunes.

Ces baisses de prélèvements obligatoires se répartissent sur l'Etat et les collectivités locales, le transfert par l'Etat au FOREC de la taxe sur les conventions d'assurance et l'augmentation des droits tabac étant considérés comme une hausse des prélèvements sociaux par l'INSEE.

Les ménages bénéficieront de plus de 1 milliard d'euros de baisses d'impôts et les entreprises de 2,7 milliards d'euros de baisse des prélèvements obligatoires, et de 3 milliards d'euros si l'on inclut les allégements liés aux contrats jeunes.

Au total, cela représente plus de 4 milliards d'euros en faveur de l'emploi et de l'initiative (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Henri Emmanuelli - C'était une présentation assez sommaire et caricaturale, je me permets de le dire.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées - Les prélèvements des administrations de sécurité sociale représentent la moitié des prélèvements obligatoires de ce pays, soit plus d'un cinquième du produit intérieur brut. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne traite pas de la totalité d'entre eux mais d'une partie importante puisque les produits des régimes de base dépassent 300 milliards d'euros. On retrouve la même place prépondérante de la sécurité sociale dans tous les pays développés ayant choisi de mutualiser les dépenses de santé et de vieillesse. Ainsi, en Allemagne, le niveau des prélèvements obligatoires affectés à la sécurité sociale est le même qu'en France. En Suède, il est même supérieur. Il n'est en général inférieur que dans les pays moins développés ou ayant choisi de couvrir les grands risques de l'existence - santé et vieillesse notamment - par le secteur privé. Tel n'est pas notre choix.

M. Jean-Pierre Brard - Vous pourriez être de gauche ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Ministre de la santé - Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 contient deux mesures nouvelles en matière de recettes : l'augmentation des droits sur le tabac et une clarification financière des relations entre l'Etat et la sécurité sociale.

Les prélèvements obligatoires affectés à la sécurité sociale vont augmenter l'année prochaine, essentiellement du fait de l'accroissement des droits sur le tabac. Le terme de « prélèvements obligatoires » est d'ailleurs erroné s'agissant de ces droits puisque chacun pourrait se dispenser de fumer. Il est important de le souligner, d'autant plus que cette consommation volontaire nuit très gravement à la santé de nos concitoyens, notamment des jeunes. Cette augmentation est avant tout motivée par des considérations de santé publique, laquelle est une priorité de ma politique de santé. Nous aurons l'occasion d'en reparler prochainement lors de la présentation de la loi de programmation quinquennale de santé publique. Le développement de la prévention et de la réduction des risques doit permettre non seulement d'améliorer la santé de nos concitoyens, mais aussi de faire des économies.

La consommation du tabac est la principale cause de mortalité prématurée, c'est-à-dire avant 65 ans. 60 000 décès, soit 10 % environ des décès annuels, sont dus au tabac, dont 3 000 au tabagisme passif. Le tabagisme est aussi le principal responsable des cancers. Les effets du tabagisme passif, longtemps méconnus, justifient de redoubler d'efforts dans la lutte contre le tabac. Une façon de réduire la consommation consiste à augmenter les droits indirects, donc les prix. Ainsi le Gouvernement envisage-t-il d'augmenter de un milliard d'euros les droits sur le tabac en 2003. Ceci passe notamment par un net relèvement des minima de perception, l'un des outils les plus efficaces. Cette hausse est pleinement justifiée, même s'il est difficile de s'en réjouir. Je préférerais en effet que les consommateurs soient nettement moins nombreux. Le tabagisme coûte cher en dépenses de santé, mais surtout en vies humaines. Il convient donc de le combattre résolument.

Une autre priorité du Gouvernement est de clarifier le financement de la sécurité sociale. Les circuits actuels sont complexes - c'est un euphémisme ! Ces dernières années, on a fait financer à la sécurité sociale des dépenses qui ne relèvent pas d'elle, comme la réduction du temps de travail à travers le FOREC. Nous aurions pu supprimer celui-ci dès 2003. Malgré la détermination du Gouvernement à rétablir la clarté et la transparence, -et ne doutez ni de celle de M. Mer ni de la mienne -, cela n'a pas été possible étant donné la brièveté des délais de préparation du PLFSS. Pour rassurer l'ensemble des partenaires sur l'application du principe de la compensation intégrale des allégements de charges, il est indispensable de discuter préalablement avec eux des garanties qui pourraient entourer le démontage de ces mécanismes compliqués et peu cohérents. Par ailleurs, les transferts à effectuer en faveur de la sécurité sociale se chiffrent en milliards d'euros. Ce n'est donc pas une mince affaire !

Néanmoins, une première étape sera franchie dès 2003, malgré les contraintes qui pèsent sur les finances publiques et que vous connaissez.

Alors que les nouveaux allégements de charges vont réduire les cotisations sociales perçues par la sécurité sociale d'environ un milliard d'euros, pour la première fois depuis cinq ans, le Gouvernement s'est engagé à les compenser intégralement. Un supplément de 700 millions d'euros de taxes sur les conventions d'assurance sera affecté au FOREC ; 300 millions d'euros provenant de la hausse des droits sur le tabac lui seront attribués également. A la suite de cette double opération, les prélèvements obligatoires de la sécurité sociale ne changeront donc pas.

En deuxième lieu, une partie des recettes qui allaient au FOREC sera réaffectée à la sécurité sociale. La modification des clés de partage des droits sur le tabac entre le FOREC et la CNAMTS apportera à cette dernière 700 millions d'euros et permettra de revenir à la situation qui prévalait avant la création du FOREC. La part des droits sur le tabac affectée à l'assurance maladie, qui n'était plus que 8,84 % en 2002, atteindra 15,2 % en 2003, soit un niveau très proche de son niveau d'avant le FOREC - 15,99 %.

Enfin, la première moitié de la dette du FOREC au titre de 2000, laquelle représente 1,2 milliard d'euros, sera remboursée.

En 2003, la sécurité sociale récupérera ainsi deux milliards d'euros de son effort de financement de la réduction du temps de travail.

Quelles sont maintenant les perspectives à moyen terme ?

Un mot d'abord des évolutions passées. Le taux des prélèvements affectés à la sécurité sociale a augmenté ces dernières années. Etant donné les nombreuses modifications des circuits de financement et du partage des responsabilités entre l'Etat et la sécurité sociale, l'évolution de cet indicateur n'a toutefois qu'une signification très limitée. Ainsi la mise en place de la CMU s'est-elle accompagnée d'un transfert de dépenses du fait du financement de la CMU de base, lequel a été compensé par un transfert de recettes, ce qui a en fait accru le taux des prélèvements affectés à la sécurité sociale sans qu'il y ait pour autant eu une hausse globale. Les allégements de charges ont eu aussi une incidence significative sur ces partages de recettes. Il est donc difficile de tirer une conclusion car ces mouvements résultent autant d'une évolution structurelle que des changements de périmètre et de législation. Pour autant, à périmètre constant, les prélèvements au profit de la sécurité sociale ont crû au cours des vingt dernières années.

Cette évolution est naturellement liée à celle des dépenses, notamment de retraite et d'assurance maladie. Au cours des trente dernières années, le niveau de vie des retraités a peu à peu rejoint celui des actifs. Alors qu'en 1970, il était inférieur d'un tiers à celui d'un actif, il lui est aujourd'hui comparable, alors même que le nombre de retraités a augmenté. Le vieillissement de la population, le développement des techniques médicales, la plus grande attente des patients expliquent, quant à eux, largement la croissance des dépenses d'assurance maladie.

Il ne faut donc pas s'attendre dans l'avenir à une nette inflexion de l'évolution des prélèvements de la sécurité sociale. L'augmentation des dépenses de santé est un problème structurel dans l'ensemble des pays développés où leur taux atteint le même niveau qu'en France. Et les régimes de retraite vont être confrontés à l'explosion du nombre de retraités à partir de 2005-2006.

En revanche, les réformes que nous allons engager auront un impact significatif à moyen et long terme.

L'Etat compensera dorénavant intégralement les nouveaux allégements de charges à la sécurité sociale. Mais cela ne fera que modifier la structure de ses recettes, non leur niveau.

Au-delà, une réforme globale du financement de la sécurité sociale est donc nécessaire, car celui-ci repose sur des bases datant de 1946 alors que notre société s'est considérablement modifiée depuis. La réforme que nous souhaitons entreprendre visera à remettre à plat les circuits de financement, améliorer la lisibilité des prélèvements et responsabiliser les différents acteurs. Elle s'appuiera sur la première étape de clarification proposée en 2003, mais pourrait modifier beaucoup plus profondément la structure des recettes de la sécurité sociale. Elle sera donc progressive et nécessitera une large concertation avec les différents partenaires. Elle sera cohérente avec le chantier de la nouvelle gouvernance que j'ouvrirai à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean Le Garrec - Mais quel est donc le contenu de cette réforme ?

M. Nicolas Perruchot - Je remercie le Gouvernement d'avoir organisé ce débat sur les prélèvements obligatoires, dont la nouvelle loi organique du 1er août 2001 ne prévoit que la possibilité. Il permet pour la première fois de discuter ensemble du projet de loi de finances et du projet de projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ces discussions sont évidemment liées, pour nous parlementaires, mais surtout pour les contribuables français, qui attendent un discours clair et crédible. Or, à moins d'être un spécialiste des finances publiques, comment se retrouver dans le labyrinthe des documents budgétaires ? Et ce, en dépit des efforts faits par le Gouvernement et les fonctionnaires du ministère des finances pour nous fournir des informations à la fois synthétiques et exhaustives.

J'évoquerai ici non seulement l'évolution réelle du niveau des prélèvements obligatoires au cours des cinq dernières années, qui n'a jamais correspondu à l'affichage initial, mais aussi les lacunes persistantes de la présentation comptable du budget, avant d'aborder les projets du Gouvernement pour 2003.

Pourquoi baisser les prélèvements obligatoires ? On nous dit que le développement d'un pays se mesure à la hauteur du niveau d'imposition. Nous pensons, nous, que la France a besoin de liberté et qu'elle étouffe sous une pression fiscale, non seulement trop élevée, mais structurellement injuste, car elle pénalise le travail. La baisse des prélèvements obligatoires n'est pas un mot d'ordre régressif : c'est une nécessité pour réduire le chômage et rétablir la compétitivité de notre pays.

M. Jean-Pierre Brard - La Suède est-elle un pays sous-développé ?

M. Nicolas Perruchot - Le bilan de la gestion socialiste est simple : cinq années de perdues !

La prévision budgétaire est certes un art difficile. Car il ne s'agit pas d'établir la sincérité de comptes clos, comme pour les entreprises, mais d'anticiper l'avenir. Cependant, il est un seuil où l'incertitude se mue en mensonge. Le gouvernement précédent n'a pas hésité à afficher chaque année des prévisions irréalistes de baisse en cascade du déficit, des prélèvements obligatoires, des dépenses de la dette publique, systématiquement démenties par les faits.

En 1997, nous avons laissé un taux d'imposition de 44,8 % du PIB et on nous a rendu exactement le même, en dépit des promesses, et d'une croissance très forte. Il en a été de même de la baisse des dépenses : entre le taux affiché et le taux réalisé chaque année, l'écart a été de 1 à 1,5 point de PIB. Le taux des dépenses dans le PIB est passé de 53,9 % en 1997 à 53, 8 % en 2002, on est loin de la promesse de le faire descendre en dessous de 50 % du PIB !

Les objectifs de progression des dépenses sociales ont été dépassés de plus de 10 milliards d'euros en cinq ans, dont 8,6 milliards pour les dépenses maladie, qui représentent aujourd'hui 19,1 % du PIB contre 17 % en 1997. Plus inquiétant encore est le dérapage des dépenses maladie : 4,1 % en 1998, 2,7 % en 1999, 6,1 % en 2000, 5,6 % en 2001 et plus de 7 % prévus pour 2002. Avec des écarts par rapport aux prévisions de 2 % en moyenne par année.

Quant à la baisse du déficit, les performances sont ridicules. En 1997, le déficit était de 3 %. Après cinq années de croissance, on nous le rend à 2,6 %. Piètre réalisation si l'on se souvient qu'entre mars 1993 et 1997, nous avions ramené le déficit de 6,3 % à 3 % du PIB, en dépit d'une croissance très faible, voire négative en 1993.

La dette publique a recommencé à augmenter depuis 2000 pour atteindre 58,4 % du PIB en 2002, tandis que tous nos partenaires européens suivaient la dynamique inverse, seul le Portugal faisant pire que nous. La progression de la dette est scandaleuse, car elle n'a pas servi à financer davantage d'investissements, mais uniquement des dépenses de fonctionnement, qui ne procureront aucun revenu aux générations futures.

La France porte aujourd'hui la marque de 20 ans de gestion socialiste. Le taux de prélèvements obligatoires dans le PIB n'est pas de 44,8 % en 2002 car il faut y ajouter 2,6 % de déficit, 3,9 % de dette publique imputée sur 15 ans, voire une provision annuelle pour charges de retraite de la fonction publique. Nous sommes donc en fait à 51,3 % du PIB contre 44,3 % pour l'Allemagne. Il n'y a guère de quoi se réjouir et il est donc urgent de baisser les prélèvements obligatoires et de rétablir la sincérité budgétaire.

La nouvelle loi organique donne au principe de sincérité une valeur organique, contrôlée par le Conseil constitutionnel. Mais comment soutenir sincèrement que les comptes publics présentés actuellement sont sincères ? Il faut redonner du sens aux mots si nous voulons être crus par nos concitoyens.

Je félicite Monsieur le ministre délégué au Budget, qui s'est engagé à rétablir cette sincérité pour le budget 2004 en rebudgétisant, d'une part, une partie de la prime pour l'emploi en dépenses, comme Charles de Courson l'avait demandé, d'autre part, les dégrèvements portant sur les collectivités locales.

En effet, les prélèvements sur recettes et les dégrèvements dissimulent la réalité de l'évolution des prélèvements obligatoires. Entre 2002 et 2003, la progression affichée des recettes est de 1 %. Mais si l'on ajoute les prélèvements sur recettes, elle atteint 1,7 %.

Nous remercions également M. le ministre délégué d'avoir pris l'engagement courageux de supprimer le FOREC l'année prochaine.

M. Jean Le Garrec - Il n'a pas dit cela !

M. Nicolas Perruchot - Il reste encore beaucoup à faire sur les multiples débudgétisations pour simplifier le budget, ce que le groupe UDF appelle de ses v_ux depuis longtemps. Nous présenterons des amendements en ce sens au projet de loi de finances pour 2003.

J'en viens à l'évolution des prélèvements obligatoires en 2003 et après. Le Gouvernement a courageusement décidé, malgré les faibles marges de man_uvre budgétaires, de diminuer le taux des prélèvements obligatoires dans le PIB de 0,3 point. Cependant, j'attire votre attention, Messieurs les ministres, sur la fragilité de votre hypothèse économique. Si la croissance n'est que de 1,5 % au lieu de 2,5 %, cela entraînera une hausse des prélèvements obligatoires de 0,4 point, donc une augmentation de 0,1 point de PIB.

Cela signifie qu'il faut d'ores et déjà prévoir des gels et des annulations de crédits à hauteur de 0,4 point de PIB, soit 6 milliards d'euros. L'exercice sera périlleux, s'il n'intervient pas dès le premier trimestre.

Notons que ce n'est pas notre contribution au budget communautaire, qui n'est que de 1 % du PIB et qui ne sera guère plus élevée après l'élargissement, qui pourrait compromettre l'assainissement des finances publiques.

Nous attendons une maîtrise rigoureuse des dépenses publiques. Vous avez procédé à des reports de crédits à hauteur de 6,4 milliards d'euros cet été, ce qui représente 1 % de croissance supplémentaire des dépenses pour 2003 et le double de ce qui se fait habituellement.

Les dépenses pour les retraites augmentent mécaniquement de 3,6 % par an. Si la croissance est inférieure à 2,1 %, elles déraperont dans le PIB.

Enfin, l'ONDAM a été systématiquement dépassé de 2 points ces dernières années. Il a été fixé à 5,2 % dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, mais c'est déjà 1,3 point au-dessus de la croissance du PIB.

Selon nous, on ne peut faire l'économie de trois grandes réformes, relatives à l'Etat, aux retraites et à l'assurance maladie, qui garantiront une maîtrise des dépenses. Le groupe UDF attend, non dans un souci d'orthodoxie budgétaire, mais parce que les reporter à demain reviendrait à reporter sur nos enfants les responsabilités que nous n'aurions pas eu le courage d'assumer. En effet, avec une dette qui représentera 58,8 % du PIB en 2003, nous allons léguer à chaque enfant qui naîtra cette année une dette de 1,1 million d'euros...

Messieurs les ministres, notre confiance sera solide, mais elle sera exigeante (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - M. Perruchot craint que les dépenses « dérapent dans le PIB » mais il semble surtout espérer sans le dire que le Gouvernement dérape...

M. Nicolas Perruchot - N'importe quoi !

M. Philippe Auberger - Vous, Monsieur Brard, vous ne craignez pas les dérapages verbaux...

M. Jean-Pierre Brard - Je me réjouis que le Parlement puisse délibérer aujourd'hui de ces sujets : la loi organique de 2001 marque indiscutablement un progrès, même si se contenter de débattre des prélèvements obligatoires est extrêmement réducteur.

De nombreux contribuables seraient sans doute plus curieux de connaître l'impact des prélèvements obligatoires sur l'emploi, sur la justice fiscale, sur l'avenir de notre système de santé, ainsi que l'effet redistributif de ces prélèvements dans une optique de solidarité nationale entre les individus et entre les territoires, termes que je ne vous ai pas entendu employer, Monsieur le ministre de l'économie. Mais l'essentiel pour vous, c'est le taux des prélèvements obligatoires. Et obsédés par la volonté de baisser ce taux, vous en venez à remettre en cause l'utilité et la légitimité des prélèvements. Eh bien nous, nous pensons que l'impôt et les cotisations sociales sont utiles à la cohésion de notre société. Si la gauche en avait été davantage consciente, sans doute ne seriez-vous pas aujourd'hui à cette place, Messieurs les ministres...

M. Gérard Bapt - Vous jouez les Pythie...

M. Jean-Pierre Brard - Je constate simplement que ceux qui avaient dit que la gauche serait jugée sur la baisse des impôts se sont trompés...

A côté des fonctions régaliennes qu'ils financent, les prélèvements permettent ou devraient permettre de faire fonctionner et de moderniser nos services publics, de renforcer notre protection sociale et notre système de santé, de réduire les inégalités et de combattre l'exclusion. C'est une dimension fondamentale de notre contrat social : ils contribuent à la réduction des inégalités qui rongent notre société.

Le débat sur la légitimité de l'impôt n'est pas nouveau. Le dernier numéro des Notes Bleues de Bercy rappelle opportunément que les premiers conflits sur l'impôt remontent à 1465, sous le règne de Louis XI : « Les innovations audacieuses du roi, qui est allé jusqu'à remettre en question l'exemption fiscale des privilégiés, contribuent à provoquer la grande révolte aristocratique qui fait entrer cette année-là sa politique financière dans une ère de pragmatisme. Les premières batailles se livrent dans l'opinion. Au nom du bien public, les princes prennent pour cible la politique financière de Louis XI et vont jusqu'à mettre en cause la légitimité de l'impôt, dont ils annoncent la suppression, tandis que leur adversaire les accuse avec raison de vouloir surtout faire main basse sur les finances royales... ».

La position des détracteurs actuels de l'impôt est donc aussi archaïque que ringarde. Il est à peine besoin de souligner la filiation directe entre les privilégiés de 1465 et ceux d'aujourd'hui, réunis par-delà les siècles par la même contestation de l'impôt comme instrument au service de l'intérêt général. Depuis, la déclaration des droits de l'homme et du citoyen a refondé l'impôt comme élément constitutif du contrat social, disposant en son article 13 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » Avec une baisse uniforme de 5 % de l'impôt sur le revenu, votre majorité a déjà porté un coup sévère à l'adéquation entre impôt et faculté contributive. Ce n'était d'ailleurs qu'un premier coup, puisque votre objectif final est de 30 % ! Vous récidivez dans le projet de loi de finances pour 2003, avec une nouvelle baisse de cet impôt, l'accroissement de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile et le doublement de l'abattement sur les donations entre grands-parents et petits-enfants : autant de mesures dont les smicards ne verront jamais les avantages, car elles sont ciblées sur les plus aisés.

Quand vous parlez d'aide aux familles, Monsieur le ministre, vous employez un langage délibérément abscons. Lors de votre audition par la commission des finances, M. Vaxès vous a interpellé sur le devenir de l'ISF. Vous n'avez pas dit que vous alliez le remettre en cause... mais que vous vous opposeriez aux délocalisations professionnelles. C'était répondre positivement, mais en même temps noyer le poisson ! Je décrypte le propos afin que les journalistes aient la grille de lecture nécessaire. Votre sémantique crée en effet un rideau de fumée, pour empêcher l'opinion de comprendre pour qui vous roulez : ce n'est pas pour ceux qui sont sur le bord de la route. Vous n'êtes pas un adepte de l'auto-stop !

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les recettes de l'équilibre général - Nous roulons pour les Français !

M. Jean-Pierre Brard - Je ne conteste pas que vous soyez français. Louis XI l'était, tout comme les aristocrates qui combattaient ses impôts. Vous êtes les fondés de pouvoir des privilégiés (Rires sur les bancs du groupe UMP). Et votre réaction à mes propos est une confirmation qui m'honore.

M. le Président - Ne réagissez pas : laissez-le terminer.

M. Jean-Pierre Brard - Merci de garantir l'objectivité des débats... Mais tout cela ne suffit pas aux éléments les plus dogmatiques de votre majorité, et ils sont nombreux, notamment parmi les plus récemment arrivés, qui croient avoir été portés ici par leurs talents quand ils l'ont seulement été par la « vague bleue »... Ces dogmatiques brûlent de s'attaquer à l'impôt de solidarité sur la fortune, qu'ils n'ont jamais accepté, au nom de la lutte contre la délocalisation des créateurs de richesse. Or c'est une vérité première que les créateurs de richesse sont les travailleurs salariés dans les entreprises, et non les patrons qui accaparent les profits que crée leur travail.

L'ISF peut certes être amélioré, notamment dans l'optique d'un élargissement de son assiette, et je l'ai proposé dans un rapport contre la fraude et l'évasion fiscales - rapport qui avait alors recueilli l'assentiment de l'actuel président de la commission des finances... Mais tel n'est pas, bien sûr, l'objectif des privilégiés que vous défendez.

Centrer le débat sur le niveau des prélèvements obligatoires présente pour le Gouvernement le grand avantage de gommer la question de la justice fiscale. Le rapport présenté ne fait pas apparaître les différents types de prélèvements - dégressif, proportionnel ou progressif -, et moins encore leurs poids respectifs. Aujourd'hui, près de 80 % des ressources publiques proviennent de taxes, d'impôts ou de cotisations dégressives en fonction des revenus, ou au mieux proportionnelles à ces derniers. La notion de prélèvements liés aux facultés contributives, essentielle pour la justice fiscale, passe donc à la trappe : la progressivité de l'impôt est l'exception, alors qu'elle devait être la règle.

Par ailleurs, il est irréaliste de disserter sur l'évolution du taux des prélèvements obligatoires en n'en considérant que le numérateur, c'est-à-dire les prélèvements eux-mêmes, et en négligeant le dénominateur, c'est-à-dire le montant du produit intérieur brut. C'est là un sujet sur lequel vous êtes particulièrement mal à l'aise, car l'hypothèse de croissance de 2,5 % du PIB, sur laquelle vous avez construit votre budget pour 2003 et calculé le taux de prélèvement, est contredite par un nombre croissant de révisionnistes.

Pour justifier votre dogme de la baisse des prélèvements, vous invoquez des raisons économiques : la perte d'attractivité de la France, la fuite des capitaux et des cerveaux. Pourtant, en ce qui concerne les investissements étrangers, les chiffres du premier semestre 2002 montrent que l'attractivité de la France est restée forte. On lisait dans le journal Les Echos des 23 et 24 août 2002 : « Alors que les investissements directs français à l'étranger se sont repliés nettement - 29,5 milliards d'euros, contre 49 milliards au premier semestre de 2001 -, ceux réalisés par des étrangers en France restent soutenus. Ils ont été légèrement moins élevés au premier semestre de 2002, à 24,4 milliards d'euros, contre 26,7 un an plus tôt. Une situation qui contraste avec celle observée dans l'ensemble de la zone euro, où l'on note de nettes sorties de capitaux et de faibles entrées ». On voit donc bien que le niveau des prélèvements obligatoires, non plus d'ailleurs que les 35 heures, ne découragent les investisseurs étrangers, qui font une analyse globale du contexte français. C'est la réalité, Monsieur Bur ! Mais vous voudrez qu'on « cache ce sein que vous ne sauriez voir »...

Quant à la fuite des cerveaux, il faut inciter ceux qui sont tentés par des contrées où les prélèvements sont moins élevés à s'interroger sur le niveau de services publics et la qualité des soins médicaux et hospitaliers qu'ils vont trouver dans ces pays. Impôts et cotisations ont en France pour contrepartie directe des services publics et un système de santé de qualité. Les Français y sont si habitués qu'ils ont peine à imaginer qu'il puisse en être autrement, avant bien sûr d'en avoir fait la pénible expérience. Mais ils y sont aussi très attachés. Une série d'exemples étrangers désastreux en matière de privatisation et de casse des services publics leur ont fait prendre conscience que leurs impôts et cotisations ne sont pas payés à fonds perdus, car la qualité et la fiabilité des services publics ont un coût.

Mais vous êtes pris dans une logique implacable du fait de votre dogme de la baisse du taux de prélèvement. Comme vous vous êtes engagés, au niveau européen, à stabiliser le déficit des finances publiques, les pertes de recettes que vous avez décidées devront trouver une contrepartie financière : c'est la baisse de budgets comme la recherche, la culture, l'éducation, l'emploi qui sera le lourd tribut à payer pour financer les surplus de dépenses consacrées à la police, à la défense, aux prisons, qui sont vos priorités. Ces choix seront très néfastes pour l'emploi, l'avenir de la jeunesse et du pays.

S'agissant de l'emploi, la comparaison que présente le rapport entre les taux d'imposition implicite du facteur capital et du facteur travail est préoccupante. Après quelques années de relatif rééquilibrage, l'imposition du capital chute brutalement en 2002 alors que celle du travail se maintient. Cette dérive sera accentuée par les mesures du projet de loi de finances pour 2003, ce qui augure mal de l'évolution de l'emploi dans les années à venir. Vous vous êtes plaint, Monsieur le ministre, que le travail soit trop taxé : taxez plus le capital ! Ce que vous prendrez de moins aux uns, il faudra bien le prendre aux autres. Il faut tout dire aux Français, et notamment comment vous allez financer vos cadeaux aux privilégiés. Les exemples de baisses budgétaires que j'ai cités donnent la réponse.

Je conclurai par une référence au Président de la République. Dans son interview du 14 juillet, il a justifié son credo sur la baisse des prélèvements par une comparaison entre la situation de la France et celle de ses voisins et des autres pays développés. Or la comparaison des taux de prélèvements obligatoires qui figure dans le rapport contredit cette analyse. On y constate que la Suède, qui a un taux de prélèvements supérieur à la France, ne se porte pas mal ; les électeurs y ont d'ailleurs récemment reconduit un gouvernement de gauche. Le Japon en revanche, qui affiche un taux particulièrement bas, de 27,1 %, est, depuis plusieurs années, plongé dans un marasme économique dont il ne parvient pas à sortir. Il est donc clair qu'il n'y a pas de corrélation entre faible taux de prélèvements obligatoires et prospérité économique.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - A condition qu'il y ait une productivité du secteur public !

M. Jean-Pierre Brard - Vos choix ne s'expliquent donc que par vos obsessions idéologiques (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Philippe Auberger - Comment ne pas prendre plaisir à ce débat sur les prélèvements obligatoires que nous avons demandé bien avant la loi du 1er août 2001 ? Longtemps la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale ont manqué de cohérence, sans que nous puissions débattre de l'ensemble des prélèvements. Vous appliquez pour la première fois l'article 50 de la loi du 1er août 2001 en annonçant dans le rapport économique et financier la programmation triennale des finances publiques 2004-2006.

Nous disposons donc de tous les éléments pour débattre de l'ensemble des prélèvements obligatoires sur la période 2002-2006, et nous livrer à une analyse plus rigoureuse et à des comparaisons internationales. L'effort de clarification est incontestable : vous avez déposé un rapport écrit, les ministres se sont exprimés devant les commissions, bref, le débat a été bien préparé, et c'est un progrès essentiel pour la démocratie en même temps qu'une _uvre de pédagogie.

Nul ne le contestera, nos prélèvements obligatoires sont parmi les plus élevés d'Europe et malgré une forte croissance et quelques allégements fiscaux, le gouvernement précédent n'a pas tenu sa promesse solennelle de juin 1997 : stabiliser puis baisser les prélèvements obligatoires.

M. Didier Migaud - C'est faux !

M. Philippe Auberger - Nos prédécesseurs ont trouvé en 1997 un taux de prélèvements obligatoires de 44,8 %...

M. Didier Migaud - 45 %

M. Philippe Auberger - ...et nous l'ont rendu au même niveau au mois de mai. Aucun progrès donc, malgré plusieurs années de forte croissance.

Vous nous proposez aujourd'hui de rompre avec ce passé : la baisse de l'impôt sur le revenu décidée en juillet diminuera les prélèvements obligatoires de deux dixièmes de point au second semestre 2002 et le projet de loi de finances pour 2003 les diminuera de trois dixièmes de point, soit 3,9 milliards d'euros. La baisse est peut-être modérée. Du moins est-elle certaine. Elle ne répond pas à des considérations idéologiques mais à une réalité : notre économie étouffe, l'initiative et la responsabilité sont bridées, les facteurs de production - travail et capital - pénalisés. L'Italie, l'Espagne, la Grande-Bretagne, l'Allemagne ont fourni l'effort de modération dont notre pays ne saurait se dispenser s'il veut demeurer compétitif. Il existe en effet un lien direct entre les investissements étrangers et les prélèvements obligatoires : la diminution des seconds entraîne une hausse des premiers.

Serons-nous en mesure de poursuivre l'effort au-delà de 2003 ? Cela dépendra en partie du niveau de la croissance et de celui des déficits publics. La prévision de croissance a été ramenée de 3 à 2,5 % en septembre et des doutes demeurent. S'agissant des déficits publics, nous espérions, au début de l'année, les limiter à 32 milliards d'euros. Ils ont malheureusement atteint 45 milliards, soit une hausse de 50 % qui est évidemment un handicap pour la baisse des prélèvements obligatoires. Une diminution trop rapide des déficits ne serait d'ailleurs pas sans risque pour la croissance et l'emploi. En demandant aux pays membres de diminuer leurs déficits publics à hauteur d'un demi-point de PIB par an et en allongeant l'échéancier jusqu'en 2006, les instances européennes l'ont d'ailleurs reconnu.

Nous avons cependant une double satisfaction : les prélèvements fiscaux et sociaux vont diminuer en 2003, et la projection 2004-2006 du rapport économique et financier donne une direction très nette. Une croissance de 2,5 % permettrait de diminuer les prélèvements obligatoires de 3 milliards d'euros par an - ce qui les ramènerait à 44,1 % du PIB en 2006 - et une croissance de 3 %, de 4 milliards d'euros par an. La diminution atteindrait alors 19 milliards entre 2002 et 2009.

M. Didier Migaud - Nous sommes loin des 30 milliards !

M. Philippe Auberger - Nous sommes loin aussi des 30 milliards de déficit avec les 15 milliards supplémentaires - une bagatelle pour la gauche... mais pas pour nous !

Les contraintes sont fortes : il faut maîtriser les dépenses de l'Etat - progression de trois dixièmes de point par an en volume - et celles de l'assurance maladie : progression de 2,5 % par an en volume ; je sais, Monsieur le ministre de la santé, que vous êtes conscient de l'effort à fournir ! Il faut d'autre part limiter à 1,9 % par an l'augmentation des dépenses des administrations publiques locales, ce qui suppose d'en finir avec les transferts de dépenses irraisonnés.

On s'est demandé cet été s'il fallait faire porter l'effort sur les prélèvements sociaux ou sur les prélèvements fiscaux. C'est un faux débat : il faut diminuer les deux à la fois. L'allégement des charges sociales est nécessaire, compte tenu de notre handicap en ce domaine. Il faut le combiner avec l'augmentation des rémunérations que permet l'unification des SMIC. Quant à la baisse de l'impôt sur le revenu, ses effets se font déjà sentir sur le dernier tiers provisionnel.

Autre faux débat : les bénéficiaires de ces allégements consommeront-ils, ce qui semblerait préférable, ou épargneront-ils ? En réalité, chacun consomme plus ou moins et nous avons aussi besoin d'épargne pour financer le logement - déterminant pour la croissance et l'emploi - et les investissements des entreprises.

Troisième impératif : il faut alléger la fiscalité des entreprises. Un premier effort sera consenti en 2003 avec la suppression totale de la part salariale de la taxe professionnelle. Coûteux - 1,9 milliard - il n'en est pas moins circonscrit aux 6 000 très gros établissements dont la base salariale dépasse les 5 millions d'euros, la réforme étant déjà achevée pour les autres. L'effort devra donc être poursuivi, notamment en faveur des PME qui ont de réels besoins et constituent un important gisement d'emplois. Le budget 2003 et la prévision triennale 2002-2006 ont fixé un cap : maîtrise des dépenses publiques, diminution progressive des déficits, baisse régulière des prélèvements obligatoires. Cette orientation et ce rythme nous conviennent. Nous attendons à présent que le Gouvernement s'engage à les respecter tout au long de la législature.

Ce débat en début de législature vaut feuille de route pour le Gouvernement pour les cinq ans qui viennent. Nous souhaitons, Messieurs les ministres, que vous la remplissiez (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - C'est au Sénat, à l'initiative de MM. Marini et Descours, que l'idée d'un rapport sur les prélèvements obligatoires, éventuellement suivi d'un débat, a été introduite à l'article 52 de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances.

Ce débat est incontestablement nécessaire aujourd'hui, même si je regrette que la présentation orale par les ministres ait été si brève et un peu en contradiction avec le rapport écrit.

L'objet de ce rapport est en effet de permettre à la représentation nationale, à la veille de l'examen des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, d'avoir une vision d'ensemble sur l'évolution pluriannuelle des prélèvements de l'ensemble des administrations publiques.

Nous nous réjouissons que le Gouvernement ait accepté d'organiser ce débat sur ce rapport à l'Assemblée nationale. C'est pour nous l'occasion de le prendre en flagrant délit de promesses intenables et de contradiction.

En effet, ce rapport montre que le niveau des baisses de prélèvements proposées par le Gouvernement est très réduit. C'est que la « boîte noire » du pilotage des finances publiques n'est pas formatée pour tenir compte des promesses électoralistes et démagogiques, mais seulement des baisses compatibles avec la réalité économique et nos engagements européens. Elle n'intègre donc qu'un montant réduit par rapport aux engagements pris, seulement 6 milliards jusqu'en 2006, qui font pâle figure face aux 30 milliards promis pendant la campagne électorale.

En premier lieu, M. Raffarin est responsable de l'exécution budgétaire de 2002.

Les différentes présentations graphiques du Gouvernement relèvent d'un manichéisme totalement dénué de subtilité. Lorsqu'il s'agit d'illustrer la prétendue noirceur du passé, 2002 est imputé à l'ancienne majorité. Quand il s'agit de tenter d'illustrer le prétendu rétablissement qui aurait suivi de quelques heures à peine l'arrivée de M. Raffarin à l'Hôtel de Matignon, on fait apparaître une forte baisse de prélèvements en 2002 et 2003. Dans cette perspective, l'exécution budgétaire de 2002 est, cette fois, attribuée au gouvernement Raffarin.

Pour trancher ce débat, montrons comment le passé fait jurisprudence. Personne ne conteste que l'exécution budgétaire de 1997 doive être attribuée au gouvernement Jospin, et non à celui de M. Juppé. M. Raffarin nous y invite quand il fixe 1997 comme point de départ de la gestion de l'ancienne majorité. Si la loi de finances initiale pour 1997 a été préparée par M. Juppé, c'est M. Jospin qui a en fait exécuté le budget, reconnaît-il implicitement.

C'est bien l'incapacité dans laquelle s'estimait M. Juppé d'exécuter le budget conformément au traité de Maastricht qui a conduit M. Chirac à dissoudre l'Assemblée. On connaît la suite.

C'est le gouvernement de Lionel Jospin qui a fait en sorte de qualifier la France pour l'euro.

En bonne logique, il convient d'appliquer la jurisprudence 1997 à l'exercice budgétaire 2002 et donc d'attribuer la paternité de son exécution au gouvernement en place plutôt qu'à celui qui est parti. Sinon, cela reviendrait à dire que la précédente législature a duré 6 ans !

Nous ne nous reconnaissons pas dans votre exécution budgétaire de 2002. En effet, le collectif budgétaire l'a plombée abusivement de 9 milliards. Ce « déficit Raffarin » se décompose comme suit : 1,8 milliard pour l'apurement non justifié de dettes sociales, 1,2 milliard d'abandon de créance sur l'UNEDIC, 3,7 milliards de crédits ouverts puis gelés 11 jours plus tard et 2,5 milliards de baisse supplémentaire de l'impôt sur le revenu.

Si le Gouvernement n'avait pas procédé à toutes ces man_uvres, le déficit en fin d'année aurait été de l'ordre de 36 à 37 milliards plutôt que de 46 !

La responsabilité de l'actuel gouvernement dans la dégradation du déficit budgétaire d'environ 9 milliards est donc entière.

Si M. Raffarin nous attribue 1997, qu'il soit cohérent avec lui-même et qu'il accepte la paternité de 2002.

Je le répète, nous ne nous reconnaissons pas dans ces choix fiscaux injustes et inefficaces, ni dans ces pratiques budgétaires peu transparentes et peu convenables.

Sans eux, le déficit des finances publiques aurait donc dû ressortir à environ 2,2 % du PIB, au lieu de 2,6 %.

La prétendue dérive de 15 milliards que vous tentez vainement d'utiliser pour vous dédouaner est due en grande partie à vos décisions !

Un déficit de 2,2 % nous situait dans le cadre d'une dégradation conjoncturelle liée au jeu des stabilisateurs automatiques, comme le reconnaît d'ailleurs le rapport du Gouvernement, et non dans une dégradation structurelle. Surtout, cette dégradation était compatible avec la programmation triennale transmise par la France à l'Union européenne.

Il faut souligner que sous le précédent gouvernement la France avait retrouvé un excédent primaire : la France n'empruntait plus pour couvrir ses dépenses de fonctionnement et accélérait son désendettement. Notre rapporteur général l'a reconnu lui-même, tout en déplorant que cet excédent ne soit pas assez important.

A charger la barque du déficit budgétaire en 2002 et à fixer la norme de progression de la dépense pour 2003 en partant du collectif d'été et en y intégrant des dépenses non pérennes au lieu de se baser sur la loi de finances initiale, vous faites retomber le pays dans le déficit structurel en 2003 ! Nous devrons à nouveau emprunter pour financer les dépenses de fonctionnement. Belle prouesse !

Cette stratégie de creusement du déficit en 2002 s'avère donc dangereuse pour nos finances publiques, et désastreuse sur le plan européen, et vous en avez déjà fait les frais, Monsieur le ministre de l'économie.

M. Raffarin pensait se donner des marges de man_uvre en tablant sur un taux de croissance de 3 %.

Or, non seulement la croissance n'est pas au rendez-vous mais le Gouvernement ne fait rien pour la soutenir, se contentant de mesures socialement injustes et économiquement inefficaces.

J'affirme, en second lieu, que les prélèvements obligatoires ont fortement diminué depuis 1999. A ce sujet j'attire l'attention, comme vous l'avez fait, sur le danger de prêter plus d'importance que de raison aux comparaisons internationales. Il est impossible d'établir un lien entre le niveau des prélèvements obligatoires et le potentiel de croissance d'une économie !

M. Xavier de Roux - Ah bon ?

M. Didier Migaud - D'abord, des différences de taux peuvent provenir de choix collectifs et d'un pacte social très différents. L'écart entre la France et les Etats-Unis s'explique comme cela. Je l'assume et j'en suis fier car c'est la preuve qu'en France, la solidarité collective l'emporte sur les égoïsmes individuels.

D'autres éléments peuvent intervenir. Par exemple, les cotisations qui forment le second étage de la retraite ont un caractère obligatoire en France, et rentrent donc dans les prélèvements obligatoires, à la différence de l'Allemagne où elles sont facultatives, alors même que pas un seul salarié n'oublie de cotiser à ce titre, ce qui ne change donc rien en pratique. Un écart du taux des prélèvements obligatoires n'est donc pas nécessairement significatif.

Reste que ces comparaisons peuvent nous renseigner sur les tendances à l'_uvre chez nos voisins. Ainsi, il est heureux de constater qu'après avoir subi entre 1993 et 1997, comme M. Méhaignerie doit s'en souvenir, une période de forte hausse des prélèvements obligatoires, la France s'est inscrite dans le mouvement général de stabilisation puis de baisse. Il faut rappeler quelques chiffres. En 1992, le taux était de 42,7 %.

Entre 1993 et 1997, il a augmenté de 2,3 points, alors que M. Méhaignerie était au gouvernement. L'évolution spontanée l'a porté à 45,5 % en 1999. Depuis 1999, il a diminué d'un point : il sera de 44,6 % en 2002.

L'engagement pris par la précédente majorité de stabiliser puis de diminuer le taux des prélèvements obligatoires a été respecté : la droite a quitté le Gouvernement avec un taux de 45 %, elle y revient avec un taux de 44,6 %.

Les baisses des prélèvements votées sous le gouvernement Jospin ont représenté une masse de 38 milliards. Pratiquement tous les impôts ont baissé et ils ont baissé pour tous ; c'est ce qui nous différencie de vous.

Pourtant l'opposition d'hier a longtemps contesté la réalité de ces baisses, partant du constat que le produit des impôts continuait d'augmenter. Ce raisonnement simpliste qu'un étudiant en finances publiques n'oserait pas tenir, a été martelé durant toute la campagne électorale avec aplomb et cynisme.

Je vous remercie d'établir dans votre rapport une heureuse distinction entre l'évolution spontanée des prélèvements obligatoires et celle qui découle des mesures légales. Ainsi apparaît clairement la très forte réduction des prélèvements obligatoires, engagée par Lionel Jospin depuis 1999. Vous l'avez niée tout à l'heure, mais vos écrits vous rattrapent.

Il faut en effet distinguer l'évolution des recettes induite par les mesures fiscales du produit qui aurait été perçu sans mesures d'allégements, c'est-à-dire selon l'évolution spontanée.

Cette distinction semble avoir eu des vertus pédagogiques très fortes, car je n'entends personne contester la réalité de la baisse de l'impôt sur le revenu et prétendre que les impôts augmentent. Pourtant le produit attendu de l'impôt sur le revenu en 2003, 53 milliards, est en augmentation de 1,6 milliard par rapport à l'évaluation révisée associée au collectif budgétaire...

Si la majorité suivait le raisonnement qu'elle tenait dans l'opposition, vous seriez contraints de reprocher au Gouvernement de ne pas baisser l'impôt sur le revenu !

Nous ne contestons pas la réalité de la baisse annoncée pour 2003. Mais nous constatons qu'elle est faible par rapport aux promesses électorales, et inférieure à celle que nous avions nous-mêmes votée pour 2002. Elle est aussi très ciblée sur les foyers aisés, ce qui la rend très injuste et économiquement inefficace.

Grâce à cette distinction entre évolution spontanée et évolution volontariste, le débat n'est plus pollué par des arguments infondés et politiciens, et l'ampleur des baisses votées entre 1997 et 2001 nous apparaît clairement : la différence entre l'évolution spontanée et l'évolution volontariste atteint 2,5 points de PIB en 2001, ce qui représente 38 milliards d'euros d'allégements votés.

Cet effort considérable a permis, après les années de forte augmentation sous les gouvernements Balladur et Juppé, d'engager un processus de diminution du taux de prélèvements obligatoires, désormais ramené à 44,6 % en 2002. Si le taux des prélèvements obligatoires n'a pas diminué autant que l'ampleur des baisses le laissait supposer, c'est que l'évolution spontanée des recettes fiscales a été très vigoureuse entre 1997 et 2001.

Il est en effet sans précédent de constater une hausse des recettes fiscales supérieure à 2 pendant trois années consécutives, résultat dû à la forte création d'emplois entre 1997 et 2001.

Mais surtout, le précédent gouvernement a profondément modifié la structure des prélèvements obligatoires.

Trois principes ont guidé son action : la simplification en réduisant les obligations fiscales, et en supprimant des « petits » impôts, tels la vignette et le droit de timbre sur les permis de conduire et les cartes d'identité ; le renforcement de la progressivité des prélèvements dans un souci de justice sociale et fiscale ; enfin, le soutien à la croissance en rendant les prélèvements plus incitatifs à l'égard de l'emploi.

Chacune des baisses d'impôts réalisées répondait à un ou deux de ces objectifs : ainsi, la baisse ciblée de TVA sur le secteur du bâtiment, qui combinait l'allégement d'impôt avec une mesure fortement créatrice d'emplois.

Ce n'est malheureusement pas le cas du rabais sur facture ou de la majoration de la réduction d'impôt pour emploi à domicile proposés par la droite sur l'impôt sur le revenu, mesures injustes, électoralistes et ciblées.

Grâce à la politique fiscale menée pendant cinq ans, notre système de prélèvement est aujourd'hui plus progressif car la baisse de l'impôt sur le revenu s'est faite de façon différenciée selon les tranches. Il est aussi plus juste car les ménages modestes ont bénéficié des allégements de taxe d'habitation et de redevance audiovisuelle, et la prime pour l'emploi a permis d'alléger l'imposition directe des non-imposables, cependant que le poids de la fiscalité indirecte, non progressive, a été fortement réduit avec les baisses de TVA. L'actuel gouvernement n'a, quant à lui, malheureusement pas choisi d'abaisser l'imposition des plus modestes.

Il est enfin plus efficace car moins complexe et plus incitatif au retour à l'emploi, grâce à un allégement des prélèvements qui pèsent sur le travail, comme l'illustre la suppression de la part salaire de l'assiette de la taxe professionnelle.

Les perspectives d'évolution des prélèvements obligatoires pour 2003 illustrent l'impossibilité pour le Gouvernement de baisser les impôts de 30 milliards d'euros comme il l'avait promis. Je ne m'étendrai pas sur l'impact des baisses d'impôts de 2002 dans la mesure où le Gouvernement lui-même reconnaît qu'elles sont de plus faible ampleur que celles de son prédécesseur.

Pour 2003, le Gouvernement prévoit une baisse des prélèvements obligatoires de seulement 0,1 point de PIB, la diminution totale de 0,3 point étant due pour 0,2 point de PIB à l'évolution spontanée. Si cette dernière est orientée à la baisse, contrairement aux années précédentes, c'est en raison du ralentissement économique. Le Gouvernement en est donc réduit à compter sur un ralentissement de la croissance pour afficher une baisse des prélèvements obligatoires. C'est un peu triste !

En outre, 80 % des baisses présentées ont en fait été votées sous le gouvernement de Lionel Jospin, l'essentiel consistant en la suppression de la part salaires de l'assiette de la taxe professionnelle. Je ne résiste pas à la tentation de vous livrer, le contenu du rapport économique et financier annexé au projet de loi de finances sur les futurs allégements d'impôts...

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Il faudrait pourtant résister.

M. Philippe Auberger - C'est la générale et vous nous ferez la première mardi prochain !

M. Didier Migaud - Il est important de relier l'évolution des prélèvements obligatoires à la programmation pluriannuelle. Bref, selon ce rapport, le Gouvernement escompte, avec une hypothèse de croissance annuelle de 2,5 %, 9 milliards d'euros de baisses de prélèvements d'ici à 2006, mais on peut lire aussi : « Des hausses de prélèvements ont été provisionnées à hauteur de 3 milliards d'euros environ sur l'ensemble de la période ». Neuf milliards d'euros de baisses d'impôts d'ici à 2006, c'est déjà très inférieur aux 30 milliards promis, mais il faudra en plus en déduire 3 milliards de hausses « provisionnées », au titre de l'augmentation des cotisations UNEDIC et de l'augmentation des impôts décidée par les collectivités locales. Nous touchons là le vice caché de l'ambitieuse politique de décentralisation chère à M. Raffarin. Car la grande braderie du service public que M. Raffarin propose aux élus locaux - qui veut mes surveillants ? Qui veut mes routes ? - cache une mécanique infernale qui provoquera une augmentation des impôts locaux.

D'abord, l'effort financier de l'Etat n'est pas toujours à la hauteur des besoins : 5 600 emplois de surveillants ont ainsi été supprimés dans le budget de l'Education nationale. Ensuite, les charges de fonctionnement relatives aux compétences transférées sont nécessairement appelées à progresser. On imagine difficilement un département ou une région diminuer le nombre de surveillants dans nos collèges et lycées. Pour les collectivités locales, la charge liée aux transferts dépendra des modalités de compensation retenues par le Gouvernement, lequel envisage de se fonder sur les dépenses engagées par l'Etat au moment du transfert. De ce fait, l'écart entre cette compensation et les dépenses effectives des collectivités locales croîtra chaque année, ce qui provoquera une augmentation des impôts locaux.

Du reste, le Gouvernement a prévu de faciliter cette augmentation, puisqu'il propose de supprimer partiellement le mécanisme qui lie les taux des impôts locaux entre eux. Les collectivités locales pourront donc, au grand dam du MEDEF, augmenter les taux de la taxe professionnelle. Le Gouvernement parie sans doute sur le caractère relativement indolore de ces augmentations grâce à la forte baisse consécutive à la suppression de la part salariale de son assiette par le précédent gouvernement.

Bref, c'est une très mauvaise nouvelle pour les contribuables, puisque M. Raffarin ne propose en fait rien d'autre qu'un transfert du poids de la fiscalité du contribuable national au contribuable local. De surcroît, la péréquation entre les collectivités locales diminuera en 2003.

M. le Rapporteur général - Cela a été corrigé hier soir !

M. Didier Migaud - Modestement.

Enfin, il convient de dénoncer la duplicité du Gouvernement, qui ne pourra pas tenir sa promesse de baisser massivement les prélèvements obligatoires, bien qu'il affirme le contraire.

Il faut également dénoncer la mécanique secrète, que masque le paravent alléchant de la décentralisation libre-service. C'est d'abord l'augmentation prévisible des impôts locaux ou des impôts affectés aux collectivités locales, mais aussi le démantèlement des mécanismes de solidarité qui jouent au niveau national.

M. Raffarin mène une politique socialement injuste et économiquement inefficace.

Elle provoque du reste des réactions très virulentes de la part de nos partenaires européens, qui n'acceptent pas que des engagements pris, soient unilatéralement remis en cause, au risque de faire exploser l'Union européenne. Cette posture égoïste discrédite la France dans les négociations sur la PAC, la pêche ou encore la TVA sur la restauration.

On ne peut que regretter une telle désinvolture qui affaiblit la France sur la scène internationale au point qu'il ne suffira pas d'un second porte-avions pour qu'elle y retrouve le rang et le crédit qui étaient les siens.

Il est grand temps que le Gouvernement comprenne que ce n'est pas en agitant ses armes aux yeux du monde que la France est respectée. Elle l'est lorsqu'elle parle d'une voix claire, sans duplicité, et qu'elle tient sa parole.

En conclusion, je vous remercie du contenu du rapport écrit, lequel témoigne que les prélèvements obligatoires n'ont pas augmenté sous le gouvernement précédent et qu'au contraire, celui-ci a mis en place une fiscalité plus juste. Je vous remercie également d'avoir reconnu qu'il ne vous serait pas possible de diminuer les prélèvements obligatoires d'ici à 2006-2007, comme vous vous y étiez engagés, ni même le déficit budgétaire. Tout cela nous inquiète pour notre pays car nous savons bien que d'une telle impasse budgétaire, les premières victimes seront des millions de nos concitoyens, comme vous nous en avez malheureusement apporté la preuve par le passé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste et républicain).

M. Nicolas Perruchot - Merci pour la dette que vous nous avez laissée !

M. le Président de la commission des finances - Ma première remarque concerne la nature même de ce débat. Celui-ci devrait constituer un tronc commun à la discussion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, alors que cette année il se surajoute simplement à la discussion générale de ces deux textes, compte tenu de la date à laquelle il a été décidé de l'organiser. Il serait préférable à l'avenir que ce débat optionnel, d'autant plus important qu'il est l'une des seules occasions d'avoir une vue globale des prélèvements de l'Etat, des collectivités et des régimes sociaux, permette de réduire le temps des deux autres discussions générales.

Ma deuxième remarque a trait au manque de lisibilité des prélèvements sociaux, lequel n'incite pas, cela va sans dire, au civisme fiscal et social. La prise en charge croissante par l'Etat de dépenses des collectivités et par les collectivités de dépenses de l'Etat a rendu totalement inintelligible le budget de la nation à nos concitoyens. Il nous faut donc absolument revenir à plus de clarté, indispensable à une meilleure maîtrise des prélèvements, passés de 38 % du PIB en 1978 à 45 % aujourd'hui, sans parler même des déficits.

Troisième remarque : les collectivités doivent, coûte que coûte, contenir la hausse de leurs prélèvements. M. Mattei l'a souligné, les dépenses sociales ne ralentiront que lentement dans notre société, surtout après l'échec de l'ancienne majorité à éviter le dérapage des dépenses publiques.

M. Augustin Bonrepaux - Et vous, faites-vous mieux ?

M. le Président de la commission des finances - La réforme constitutionnelle à venir en matière de décentralisation sera lourde de conséquences. Aujourd'hui, les collectivités ne sont en rien incitées à réduire leurs dépenses, au contraire, puisque lorsqu'une collectivité dépense 100 F, elle ne demande que 10 F à la moitié de ses contribuables. La dépense fait ainsi davantage plaisir que l'économie aux électeurs ! Cela conduit fatalement à l'augmentation des dépenses. Au-delà, plus une collectivité prélève sur ses habitants , plus elle est aidée par l'Etat, et ce n'est pas le moindre paradoxe du système actuel. Ainsi la prise en charge par l'Etat des exonérations et abattements d'impôts locaux est-elle cinq fois moins élevée par habitant dans la Creuse ou le Cantal que dans les Alpes-Maritimes où le revenu par habitant est pourtant de 40 % supérieur. Il faut corriger ce système profondément injuste...

M. Didier Migaud - Sur ce point, nous sommes d'accord.

M. le Président de la commission des finances - ...qui ne peut conduire qu'à l'augmentation des dépenses et à un manque de péréquation entre collectivités riches et collectivités pauvres. Rien n'a été amélioré de ce point de vue ces cinq dernières années, bien au contraire.

M. Didier Migaud - C'est faux !

M. le Président de la commission des finances - Pourquoi réduire les prélèvements obligatoires ? Ce n'est pas pour nous faire plaisir mais bien parce qu'il existe un lien direct - dans au moins 95 % des cas - entre leur niveau élevé, la faiblesse du pouvoir d'achat et la montée du chômage. Si la France se classe cinquième en Europe pour le coût horaire du travail, elle n'est plus que onzième pour le salaire net perçu par les salariés. L'un de nos collègues a cité la Suède tout à l'heure. Certes, le niveau des prélèvements obligatoires y est élevé mais la grande différence avec la France est que le niveau des dépenses publiques y est très faible. Le problème en France est que le secteur public produit à 115 F ce qui pourrait l'être à 100 F et qu'il y existe des gisements de productivité considérables qui, s'ils étaient exploités, permettraient de mieux préparer l'avenir et d'améliorer le pouvoir d'achat des salaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

En réponse à Didier Migaud, je citerai Raymond Barre - que nul ne peut accuser de manquer d'objectivité -, parlant des cinq dernières années : « La France n'a pas du tout tiré partie de ces années de croissance, disait-il, toutes les réformes ont été différées. ». Et à M. Mattei, je rappellerai des propos du chancelier Schröder : « L'Etat-providence, omniprésent, qui s'occupe de tout, décidant de tout à la place de la population, n'est pas viable financièrement, et de surcroît inefficace et inhumain ». Nous sommes, je le crois, arrivés aux limites des prestations sociales en France. La priorité doit désormais être l'emploi et le pouvoir d'achat de nos compatriotes.

Il nous faudra pour cela travailler ensemble à simplifier les procédures, mettre fin à l'enchevêtrement des compétences et aux rigidités des statuts du secteur public. Personnellement je crois peu à la capacité des administrations d'Etat de proposer d'elles-mêmes des simplifications. Elles ne l'ont jamais fait depuis trente ans et je ne crois pas qu'elles le feront demain si le Gouvernement n'est pas fermement déterminé à alléger les procédures et à simplifier les lois. Mais comme je ne suis pas sûr que l'Etat le fera, je vous dis, chers collègues : n'attendez pas, attelez-vous vous-mêmes à la tâche. Moi-même ouvrirai demain et pour quatre mois, avec le soutien de Renaud Dutreil, un bureau où mes compatriotes pourront eux-mêmes proposer des simplifications et des moyens de réduire la dépense publique. C'est le meilleur moyen de leur faciliter la vie (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. le Rapporteur général - Au cours de ces 35 dernières années, les prélèvements obligatoires ont fortement augmenté dans l'ensemble des pays de l'OCDE. Cette évolution tient en partie à l'augmentation des dépenses de protection sociale, d'autant que celle-ci a été concomitante d'un tassement de la croissance entre 1975 et 1985. Durant ces dix années, les prélèvements obligatoires ont augmenté de sept points de PIB en France, les cotisations sociales représentant à elles seules quatre points et les dépenses de protection sociale augmentant deux fois plus vite que le PIB. On constate le même phénomène dans tous les pays développés concernant les dépenses de santé, M. Mattei l'a souligné tout à l'heure.

La stabilisation globale des prélèvements obligatoires observée entre 1985 et 2000 masque en réalité des évolutions très différentes selon les prélèvements. La pression fiscale de l'Etat a diminué alors que celle des collectivités a progressé d'un point de PIB environ, et que les prélèvements de la Sécurité sociale se sont maintenus à un niveau élevé.

Autre constat : la structure des prélèvements obligatoires en France est atypique par rapport aux autres pays développés. Ils consistent essentiellement en des cotisations sur les revenus d'activité, ce qui pénalise le travail.

La part de l'imposition sur la consommation représente presque un tiers du total alors que celle de l'impôt sur le revenu est plus faible que dans les autres pays, même si ce dernier est acquitté par la moitié seulement des ménages et si la CSG, acquittée par tous, est affectée à la sécurité sociale.

La structure de nos prélèvements obligatoires fait apparaître une grande rigidité à la baisse en raison de la difficulté à contenir la dynamique propre des prélèvements consacrés au financement de la protection sociale, de la place prise par la taxation de la consommation, qui induit une forte corrélation entre la croissance de l'activité et celle des prélèvements obligatoires, de la forte progressivité de l'impôt sur le revenu.

C'est pourquoi, de 1997 à 2000, les ministres de l'économie ont régulièrement promis une baisse des prélèvements avant de les augmenter, pour atteindre, fin 1999, un taux record de 45,7 % du PIB accompagné de la constitution d'une véritable cagnotte car l'Etat avait prélevé bien plus qu'il n'aurait dû.

Il est donc fallacieux, Monsieur Migaud, de parler d'une baisse des prélèvements...

M. Didier Migaud - C'est dans le rapport !

M. le Rapporteur général - ...alors qu'ils ont augmenté de façon constante de 1997 à 2000.

De même, vos arguments sur le déficit 2002 sont surréalistes : alors que vous avez voté un budget en déficit de 30 milliards, dès le mois de mai, le déficit atteignait 45 milliards, comme l'ont constaté MM. Bonnet et Nasse, c'est-à-dire les mêmes magistrats que ceux qu'avait choisis M. Jospin en 1997. C'est même leur hypothèse la plus pessimiste qui s'est hélas réalisée, ce qui montre à quel point les dépenses ont été sous-évaluées et les recettes surévaluées. C'est ce déficit qu'il nous faut aujourd'hui contrôler.

Les orateurs précédents ont beaucoup insisté sur la manière de réduire durablement les prélèvements obligatoires. Pour ma part, j'insiste sur le manque de lisibilité des relations financières entre le budget de l'Etat et les finances sociales, que symbolise le FOREC avec sa mosaïque de recettes dont certaines relèvent à l'évidence de la santé et non de la politique de l'emploi. Il est impératif que la promesse de rebudgétiser le FOREC en 2004 soit tenue !

Je crains par ailleurs fortement une dérive des prélèvements des collectivités locales. Il ne faudrait pas, en effet, qu'à la baisse des impôts de l'Etat réponde une hausse des impôts locaux. Les risques liés aux choix de l'Etat sont pourtant forts. En premier lieu, les collectivités locales se sont vu imposer les 35 heures sans bénéficier des réductions de charges accordées aux entreprises.

Mme Marie-Anne Montchamp - Eh oui !

M. le Rapporteur général - Ensuite, le remplacement de la part salaire de la taxe professionnelle par une dotation prive les collectivités d'une recette dynamique. Par ailleurs, la précédente majorité n'a absolument pas évalué les conséquences financières et politiques de certaines de ses décisions pour les collectivités. Ainsi, l'allocation personnalisée d'autonomie s'est traduite dès cette année par une augmentation de 3,5 points du taux de fiscalité des départements. L'explosion des normes, qu'elles viennent de Paris ou de Bruxelles, sur l'eau, les déchets, la sécurité provoque également une forte augmentation des dépenses des communes.

M. Xavier de Roux - Absolument !

M. le Rapporteur général - Enfin, il est impératif que la relance de la décentralisation s'accompagne de transferts équivalents de ressources dynamiques comme la TIPP.

Parce qu'il n'y a pas de réduction d'impôts durable qui ne soit gagnée par une baisse durable des dépenses, la commission des finances est déterminée à promouvoir une nouvelle approche des budgets fondée, grâce à la loi organique du 1er août 2001, sur les missions, les programmes, les objectifs, les indicateurs, les évaluations. C'est ainsi qu'on sortira de l'idée reçue selon laquelle un bon budget est un budget qui augmente, sans jamais s'interroger sur l'efficacité de l'argent public (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les recettes et l'équilibre général - Ce premier débat sur les prélèvements obligatoires, à partir d'un rapport sans doute un peu trop technique, permet au Gouvernement et à nos deux commissions de travailler en commun sur un sujet particulièrement compliqué. Nous avons ainsi une vision commune du financement de l'Etat et de la sécurité sociale. En effet, les impôts et les cotisations affectés aux administrations de sécurité sociale représentent aujourd'hui près de la moitié du total des prélèvements obligatoires. Ainsi, la CSG rapporte plus que l'impôt sur le revenu.

Or nous ne sommes pas parfaitement en mesure de contrôler l'évolution de masses financières aussi importantes en raison de la complexité des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale et de l'opacité croissante des comptes sociaux sur lesquelles ont insisté tant le rapport de la Cour des comptes que l'audit Bonnet-Nasse pour qui « l'obscurité de cet inextricable dédale pose un problème général d'efficacité publique ». Nous ne voulons surtout plus continuer sur cette voie. Le système de financement de la sécurité sociale a été compliqué à loisir sous la précédente législature pour masquer des dépenses nouvelles non financées, à commencer par les funestes 35 heures. Il est grand temps d'y mettre bon ordre.

Une plus grande clarté permettra de mieux appréhender les problèmes. Actuellement, chacun, commission des affaires sociales et commission des finances, a l'impression que ce qui est bon pour l'un est mauvais pour l'autre. Par exemple, la compensation intégrale par le budget de l'Etat des nouvelles exonérations de cotisations sociales garantit les ressources de la loi de financement mais rend plus difficile l'équilibre de la loi de finances. Pour autant, l'effet sur le taux de prélèvements obligatoires est nul puisque cela se traduit uniquement par un transfert entre les entreprises et les ménages, au bénéfice de l'emploi.

Il faut donc d'abord simplifier les financements croisés Etat-sécurité sociale en garantissant à la sécurité sociale des ressources pérennes, stables et dynamiques. La loi de financement doit déterminer de manière autonome les recettes des régimes sociaux, sans devoir toujours quémander des « rallonges » au budget de l'Etat. Il faut pour cela déterminer, en concertation avec les partenaires sociaux, un périmètre stabilisé de financement pour la sécurité sociale, ce qui implique la suppression du trop fameux FOREC : comment discuter sereinement avec les gestionnaires de la sécurité sociale s'il faut, chaque année, trouver de nouvelles recettes pour compenser des dépenses relevant de la politique de l'emploi ?

Mais supprimer le FOREC ne doit pas se faire au détriment de la sécurité sociale. Au contraire, il s'agit d'affecter directement, en fonction de leur nature, les recettes de ce fonds aux branches de la sécurité sociale. Ainsi, les droits sur les tabacs et les alcools doivent naturellement revenir à l'assurance maladie. Le budget de l'Etat, financeur unique et naturel de la politique de l'emploi, doit être seulement la variable d'ajustement des exonérations de cotisations sociales.

Je propose de créer un comité des finances sociales, associant les parlementaires de nos deux commissions, les gestionnaires des caisses et le Gouvernement, en vue de savoir clairement ce qu'il en est de la compensation des exonérations de cotisations.

En ce sens, une rebudgétisation totale du FOREC, du reste peu réaliste pour le budget de l'Etat, nuirait à l'autonomie des recettes de la sécurité sociale. En revanche, l'Etat doit respecter la loi Veil du 25 juillet 1994 qui prévoit la compensation intégrale des exonérations. Ce qui implique de rembourser la dette de l'Etat au titre du FOREC, soit 2,4 milliards d'euros ; mais aussi de compenser à la sécurité sociale les 4,5 milliards d'euros correspondant aux 29 % de ressources du FOREC qui proviennent en fait de transferts à partir de la sécurité sociale elle-même ; cela implique enfin de compenser intégralement les 6 milliards d'euros correspondant à la montée en charge du nouvel allégement Fillon. Au total, ce sont environ 13 milliards d'euros que l'Etat doit transférer à la sécurité sociale d'ici à cinq ans, puisque cet effort a commencé dès cette année avec le remboursement de la moitié de la dette du FOREC par la CADES. Il faudra que la croissance économique nous aide à atteindre cet objectif ; ce sera difficile, et nous comprenons qu'il n'est pas possible de faire plus en 2003.

D'autre part, pour diminuer les prélèvements, il faut certes limiter la croissance des recettes publiques affectées à la sécurité sociale, mais il faut également maîtriser les dépenses sociales. Les ressources ne sont pas illimitées, pour des raisons de concurrence économique internationale évidentes. Nous ne pouvons donc pas accepter de laisser « filer » les dépenses au seul motif que cela relève des « droits conquis » - comme des irresponsables le disent à propos des 35 heures, et comme les mêmes l'ont fait en feignant de croire subalterne la question des retraites. Maîtriser les dépenses, c'est à l'évidence engager la réforme des retraites. C'est aussi renforcer la prévention des maladies, des accidents du travail et des conduites à risque. C'est limiter les prescriptions inutiles et centrer notre systèmes de santé sur le juste soin. C'est mettre fin à l'enchevêtrement de dispositifs redondants, voire contradictoires, qu'il s'agisse de prestations familiales, de minima sociaux ou d'exonérations de cotisations.

Définir un cadre de financement stable pour la sécurité sociale, permettra de susciter un meilleur consensus sur les dépenses à prendre en charge, notamment le fameux panier de soins, en responsabilisant vraiment les gestionnaires. Il ne faudra plus leur dire : vous avez des excédents parce que vous avez bien géré, donc on vous les « pique » pour les donner à d'autres. Chaque gestionnaire sera, au contraire, encouragé à améliorer encore ses résultats. Et il faut cesser de modifier chaque année la répartition des charges, entre le budget de l'Etat, les fonds sociaux, les branches et les différents régimes. C'est ainsi que nous pourrons redonner du sens à la contribution sociale de chaque citoyen, et globalement, au financement de la sécurité sociale.

Mais nos devrons pour cela définir précisément ce qui relève de l'assurance de base, de l'assurance complémentaire obligatoire, de l'assurance privée facultative, donc ce qui relève des prélèvements obligatoires. Ce débat de fond sur le financement des dépenses de santé, mais aussi des retraites, est devant nous. Il sera l'occasion d'instaurer une nouvelle philosophie des prélèvements obligatoires.

C'est seulement en responsabilisant ainsi les acteurs, en particulier l'usager de la santé, que nous sauverons notre sécurité sociale et que nous éviterons l'explosion des prélèvements obligatoires affectés aux administrations de sécurité sociale. La facilité consisterait à dépenser plus aujourd'hui, et à laisser demain à nos enfants la charge de la dette résultant de nos dépenses courantes de santé et de retraite. Mais ce serait un comportement immoral que nous devons refuser.

C'est un chemin nouveau que le Gouvernement a décidé d'emprunter. C'est notamment le sens de la « politique de la main tendue » que Jean-François Mattei a proposée aux professionnels de santé. Vous pouvez compter sur notre entier soutien dans cette démarche. Dès cette première loi de financement de la législature, la commission des affaires sociales vous proposera des solutions pour rendre plus autonome et plus simple le financement de la sécurité sociale pour maîtriser les dépenses et ainsi, in fine, parvenir à réduire les prélèvements obligatoires, afin de redonner le goût de l'initiative aux salariés et aux entrepreneurs de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Un débat sur les prélèvements obligatoires qui réunit nos deux commissions des finances et des affaires sociales, en présence du ministre chargé des finances publiques et de celui chargé de l'assurance maladie - ou de son éminent représentant - c'est une première ! Sans doute faudra-t-il encore affiner nos méthodes, car de la qualité de ce débat - que rend possible la loi organique du 1er août 2001 - dépendra le succès ou l'échec d'une démarche qui devrait prendre dans nos travaux une place significative.

Je me bornerai à trois observations. La première porte sur la notion même de prélèvements obligatoires. Le présent débat est placé « en facteur commun » de la discussion budgétaire et de celle de la loi de financement de la sécurité sociale. Mais le champ des prélèvements obligatoires, est beaucoup plus vaste que la simple addition des prélèvements affectés à l'Etat et de ceux qui le sont à la sécurité sociale.

Il faut y ajouter les prélèvements affectés aux collectivités locales, et ceux qui le sont aux régimes complémentaires et au régime d'assurance chômage, qui sont des administrations de sécurité sociale ou ASSO, mais n'entrent pas dans le champ des lois de financement, limité aux seuls régimes de base. Si un parlementaire particulièrement motivé tente de faire le lien entre le concept de prélèvements obligatoires des ASSO et les recettes présentées en loi de financement, il devra se livrer à une gymnastique intellectuelle complexe. Il lui faudra soustraire les prélèvements obligatoires affectés aux régimes complémentaires et à l'UNEDIC, puis, ajouter les « cotisations fictives » qui correspondent à des prestations fournies directement par les régimes directs d'employeurs de la fonction publique et de certaines grandes entreprises publiques... A l'avenir, ces « tableaux de passage » devraient figurer dans le rapport sur les prélèvements obligatoires, ou dans une annexe du projet de loi de financement.

La notion de prélèvements obligatoires apparaît comme un agrégat comptable. Elle fournit une indication utile sur le niveau global de prélèvements dans notre pays, et un élément de comparaison avec nos voisins. Mais est-elle vraiment utile pour clarifier nos débats sur les budgets de l'Etat et de la sécurité sociale ? Un débat sur le programme pluriannuel des finances publiques aurait peut être présenté plus d'intérêt, car la question fondamentale est la suivante : quelles sont les priorités que nous souhaitons financer dans les années à venir, et à quel prix ?

Ma deuxième observation concerne le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, autrement dit le FOREC. A la décharge des auteurs de la loi organique relative aux lois de finances, le rapport sur les prélèvements obligatoires se justifie en partie par le désir d'avoir une vision globale des prélèvements affectés à l'Etat et à la sécurité sociale. Cette approche est nécessaire, compte tenu notamment de la création du FOREC. L'affectation de pas moins de huit impositions à ce fonds laisse effectivement rêveur... Mais il faut bien distinguer deux choses. L'une est l'affectation croissante de recettes fiscales à la sécurité sociale, par l'intermédiaire du FOREC : ces recettes ne font que compenser des pertes de cotisations. Autre chose est l'existence d'une imposition affectée directement, et de manière autonome à la sécurité sociale : la contribution sociale généralisée. Le fondement même de la CSG est de financer les régimes de sécurité sociale, sur une assiette large incluant les revenus d'activité, les revenus de remplacement et les revenus du patrimoine, même si le gouvernement précédent a cru bon de déroger à ce principe, en affectant 0,1 point de la CSG au financement de l'APA.

La clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale exige de « marquer » nettement la séparation entre les recettes sociales et budgétaires. La raison d'être des recettes fiscales de la sécurité sociale est de lui être affectées par nature, et même, contrairement au principe budgétaire de non-affectation, il faut que la recette soit affectée à une branche de la sécurité sociale.

Le FOREC, pour sa part, est avant tout une vaste opération de « débudgétisation ». Avant l'entrée en vigueur de la loi de financement pour 2000, le financement des politiques de l'emploi était assuré par le budget de l'Etat, en vertu de la loi du 25 juillet 1994. Les allégements de charges constituaient des pertes de recettes de la sécurité sociale, compensées par des dépenses inscrites au budget de l'Etat. Avec le FOREC, les pertes de la sécurité sociale sont désormais compensées par des recettes fiscales affectées à ce fonds. Du même coup, les variations des prélèvements obligatoires respectivement affectées à l'Etat et à la sécurité sociale perdent quelque peu de leur sens. Ainsi, il est prévu de stabiliser à 21,9 % en 2003 le taux des prélèvements obligatoires affectés à la sécurité sociale. Mais si l'on ne prend pas en compte l'affectation d'une fraction supplémentaire de taxe sur les conventions d'assurance, pour 660 millions d'euros, ainsi que d'une fraction supplémentaire de droits sur les tabacs, pour 290 millions d'euros, le montant des prélèvements affectés aux administrations de sécurité sociale serait inférieur à 1 milliard d'euros, ce qui correspond bien aux allégements de charges prévus. Plus généralement, si l'on retranche l'ensemble des recettes transférées au budget de l'Etat pour abonder le FOREC entre 2000 et 2003, le montant des prélèvements obligatoires affectés à ces administrations serait inférieur de l'ordre de 10 milliards d'euros. Le taux ne serait plus de 21,9 % mais de 21,2 %, soit une différence notable.

Je comprends naturellement pourquoi le Gouvernement n'a pas supprimé le FOREC dès 2003. Réinscrire au budget le financement des allégements de charges aurait regonflé d'un seul coup les dépenses de l'Etat, ce qui aurait été à coup sûr critiqué par de bons esprits. L'essentiel est que le financement des allégements soit compensé à la sécurité sociale. Il faut tourner le dos aux pratiques précédentes, qui ont mis le Fonds de solidarité vieillesse en grande difficulté, et aggravé le déficit de la CNAMTS. Le Gouvernement s'y est engagé : je me félicite. Aujourd'hui, mais peut-être pas demain, le FOREC est un « héritage » incontournable. Cependant une réflexion doit rapidement s'engager sur la simplification de ses financements. Il serait bon pour la clarté de nos finances publiques de réduire le nombre des impositions qui l'alimentent, et d'éviter le partage d'impositions entre le budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale.

Ma dernière observation concerne l'évolution de prélèvements affectés aux administrations de sécurité sociale. Le point crucial pour la France est la contrainte européenne de 3 % du PIB pour les déficits publics, qui sont d'abord des déficits sociaux. Il sera très difficile de diminuer ce taux, tant les besoins futurs en matière de santé et de retraite apparaissent immenses. Nous espérons tous que les prélèvements chômage diminueront, mais l'impact en sera faible et non immédiat.

Cette constatation ne doit pas nous conduire à un « fatalisme de la dépense ». Pour les retraites, le premier rapport du conseil d'orientation des retraites, en décembre 2001, a fixé à 4 points de PIB le besoin de financement minimal nécessaire, à l'horizon 2040, sans réforme de notre législation et de notre réglementation. Nous ne pouvons accepter que la compétitivité de notre économie soit menacée. Il faudra donc un effort partagé, comme l'a indiqué le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale du 3 juillet. Aussi le Gouvernement engagera-t-il les discussions avec les partenaires sociaux dès le début de 2003, afin de pérenniser nos régimes de retraite par répartition.

En matière de santé, il importe de réfléchir à la part respective de l'assurance maladie obligatoire et de l'assurance complémentaire, sans remettre en cause la qualité des soins : le groupe de travail annoncé par Jean-François Mattei permettra d'y voir plus clair.

Notre système de santé doit dépenser mieux et éviter les gâchis. Les orientations du ministre de la santé vont dans le bon sens.

Les déficits sociaux sont largement imputables à une insuffisance de démocratie, tant sur le vote de la ressource que sur le contrôle. Les années 1980 et 1990 ont vu l'explosion d'une « société mixte » caractérisée par l'obscurité des décisions et la confusion des responsabilités. Qu'il s'agisse des ressources ou des dépenses publiques, le problème tient moins à leur montant qu'à l'affaiblissement démocratique des procédures de leur gestion. Ce qui est en jeu, c'est bien le rétablissement d'une véritable démocratie financière fondée sur la transparence que seule garantit la séparation des pouvoirs et des intérêts (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Chartier - C'est sur le fondement de l'article 52 de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances que nous débattons de l'évolution de l'ensemble des prélèvements obligatoires.

En cette période de transition entre l'ordonnance de janvier 1959 et celle d'août 2001, je rends hommage à Alain Lambert et à Didier Migaud pour leur contribution qui a permis cette révolution silencieuse en matière de gestion publique et de démocratie budgétaire.

Avec ce nouveau régime juridique, nous vivons un paradoxe.

Pour redonner son sens à l'autorisation parlementaire de lever l'impôt, il a fallu rompre avec le secret et la rationalisation pour revenir aux sources de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et du régime parlementaire, atténuer les excès de la seconde moitié du XXe siècle pour concrétiser les ambitions de la Révolution sur le contrôle et la transparence des charges publiques.

Le présent débat n'est que la première étape d'une longue marche vers une double réhabilitation. Réhabilitation de la représentation nationale, qui exerce au mieux son contrôle de l'utilisation et de l'évolution des deniers publics. Réhabilitation de la légitimité même de l'impôt et des prélèvements, dont un grand nombre de nos concitoyens ignore l'utilité.

Nous savons, Messieurs les ministres, que nous pouvons compter sur votre détermination, qu'il s'agisse de la transparence ou de la gestion optimale des crédits. Vous pouvez compter sur la nôtre pour expliquer vos choix à nos concitoyens.

Pour reprendre une terminologie qui vous est chère, Monsieur le ministre des finances, nous jouerons pleinement notre rôle de conseil d'administration afin que les Français, « actionnaires-contribuables » puissent être satisfaits de leur exécutif.

Le gouvernement d'entreprise est ici un gouvernement tout court, le conseil d'administration est la représentation nationale de 60 millions de Français collectivement propriétaires de leur Etat. Le vocabulaire de l'entreprise rejoint ici utilement celui du politique.

Il s'agit aujourd'hui d'établir un lien clair entre la richesse créée par les Français et l'utilisation de la part qui en est prélevée par le biais des impôts et des cotisations sociales pour l'agrément de leur vie quotidienne. L'amélioration de celle-ci reste en effet la raison d'être des gouvernements, de leur majorité et de leur administration.

Réfléchissons donc aux prélèvements obligatoires sous deux angles. Celui du passé : de quelle situation hérite le Gouvernement ? Celui du présent : quel est l'impact du niveau des prélèvements obligatoires dans une économie ouverte et quels instruments le Gouvernement doit-il utiliser pour que les Français payent moins tout en bénéficiant de prestations publiques efficaces et d'une bonne protection sociale ?

Au cours du XXe siècle, le taux des prélèvements obligatoires est passé de 10 à 40 % dans de nombreux pays.

En France, après quatorze ans de gestion socialiste, nous avons atteint en 1999 le record de 45,6 %. Entre 1997 et 2001, le gouvernement Jospin a bénéficié d'un taux de croissance exceptionnelle : 3,4 % en 1998 ; 2,9 % en 1999 et 3,1 % en 2000. La politique économique et sociale qui fut menée, loin d'en être le moteur, l'a finalement pénalisée.

Cette forte croissance a permis aux administrations publiques d'engranger 92,6 milliards d'euros supplémentaires, dont 71 pour l'Etat.

Ces recettes abondantes auraient pu être affectées au désendettement et à la restauration des marges de man_uvre de l'Etat, plutôt qu'à des projets politiques dont la France n'avait pas les moyens - je pense aux 35 heures, archétype de l'utopie sociale dont le poids financier et les implications étaient très mal mesurées. Plus que fourmis, les socialistes furent les cigales de l'excédent de recettes fiscales. Ils n'en augmentèrent pas moins les prélèvements et creusèrent le déficit, qui passa de 267 milliards en 1997 à 301 milliards en 2002. Naturellement, la dette publique augmenta en conséquence, passant de 740 milliards d'euros en 1997 à 809 en 2000 au point que sa charge représente actuellement le second poste budgétaire de l'Etat.

Sur le bilan du précédent gouvernement, les idées fausses ont la vie dure. Le gouvernement Jospin a certes amorcé une légère diminution du taux des prélèvements obligatoires, mais après l'avoir porté à 45,6 % en 1999, et en supprimant nombre d'avantages fiscaux au détriment principal des familles.

Quant à la croissance du budget de l'Etat, elle est due aux dépenses de fonctionnement, en particulier aux embauches de personnel. 26 000 postes ont ainsi été créés sur les années 2001-2002.

Ajoutez-y les 35 heures, dont on estime le coût entre 110 et 120 milliards de francs par an, et la France a ainsi grignoté les fruits de la croissance en améliorant le train de vie de l'Etat, mais non celui des Français, grands perdants des années Jospin.

La France est ainsi au treizième rang européen pour le pouvoir d'achat par habitant et pour le nombre de demandeurs d'emploi. Voilà le bilan de l'entreprise France du gouvernement Jospin, et je comprends que les Français actionnaires-propriétaires aient eu envie de changer de stratégie, donc d'exécutif.

Il faut maintenant que le Gouvernement tienne le cap vers la baisse des prélèvements obligatoires, mais aussi vers la simplification de leur structure, pour avoir un impôt plus lisible et rendre un meilleur service au contribuable. Je suis convaincu qu'il le fera.

Notre crédibilité sera directement fonction de notre capacité à réduire structurellement les dépenses de l'Etat et de la sécurité sociale.

Nous devons éviter deux écueils : annoncer le grand soir de la grande réforme de l'Etat, - voilà des années que tous les gouvernements parlent de grande réforme sans résultats - et persister dans une approche strictement quantitative. Nous avons connu les excès de l'actuelle opposition, dont l'action se résumait à plus de fonctionnaires et plus de dépenses publiques. A l'inverse, soyons vigilants et ne jugeons pas la réforme du service public à l'aune des suppressions de postes dans la fonction publique. Soyons déterminés à baisser les dépenses, gardons fermement le cap fixé par le Président de la République et par le Premier ministre, mais ne tombons pas dans une course au record de suppression de postes dans la fonction publique.

A cet égard, je salue deux orientations du Gouvernement. La première est la concentration de l'effort de réduction des prélèvements sur les charges sociales, qui pénalisent surtout les emplois peu qualifiés en créant « un péage à l'entrée » sur le marché du travail. Nous répondons ainsi au souhait des Français de renouer avec la promotion par le travail. La seconde est l'approche qualitative qui amène à introduire la performance et une culture de ressources humaines pour améliorer le service rendu aux usagers.

De nombreux observateurs font de la réforme du ministère des finances l'un des symboles de la réforme de l'Etat. Ne nous trompons donc ni de rythme, ni de méthode.

Premier impératif : la définition d'un cap sur la durée de la législature, celui de la simplification des règles fiscales, d'un meilleur rendement de l'impôt et d'une amélioration des relations entre les contribuables et l'administration fiscale. De contrôleur, celle-ci doit devenir conseilleur.

Second impératif : la concertation et la hiérarchisation des priorités. Il nous faut partir d'une définition des besoins des administrés et mener une véritable politique de ressources humaines avant toute adaptation des effectifs. C'est dans cet ordre que les priorités doivent être hiérarchisées.

Commencer par se fixer des objectifs théoriques en matière de suppression de postes serait une erreur qui démobiliserait les agents de l'Etat.

Voilà au total la méthode dont j'ai cru déceler qu'elle était la vôtre. Nous avons lu dans les gazettes que le Gouvernement enterrait définitivement la retenue à la source. Vous avez raison d'avoir sur ce point choisi la voie du pragmatisme. Si la retenue à la source a l'avantage de supprimer le décalage d'un an entre l'impôt et le revenu sur lequel il est assis, il fallait aussi tenir compte des difficultés d'application. D'abord, elle ne dispense pas d'une déclaration annuelle ; ensuite elle transférerait une charge administrative sur les employeurs, à l'heure où nous cherchons à alléger leurs contraintes.

La retenue à la source, j'en suis sûr, demeure l'un de vos objectifs ; mais vous saurez vous en saisir au moment opportun.

Nous vous soutenons dans votre volonté d'introduire une culture de performance et de résultats dans la sphère publique. Quelles en seront les modalités concrètes de définition et de suivi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Vaxès - La loi organique du 1er août 2001 est destinée à permettre au parlement de disposer, avant d'examiner la loi de finances, d'une vision globale sur nos finances publiques et sur les choix du Gouvernement en la matière. Le rapport que la loi fait obligation au Gouvernement de nous présenter répond à une partie de nos questions relatives aux prélèvements obligatoires, mais pas à toutes. Je n'ai pas trouvé, par exemple, de réponse claire aux sacrifices demandés à nos concitoyens.

Pourtant, le pacte républicain exige que chacun contribue au financement de la charge commune, non pas en fonction des avantages personnels qu'il tire de l'action de l'Etat, mais à raison de ses facultés contributives.

En contrepartie l'Etat a pour mission de garantir l'intérêt général et d'assurer l'égalité entre les citoyens.

A la lecture du rapport, du projet de loi de finances pour 2003 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et en vous écoutant je crains que le Gouvernement ait quelque peu maltraité ce principe. Les sacrifices demandés à nos concitoyens sont loin d'être équitablement répartis, et les ressources procurées par ces prélèvements loin d'être justement et efficacement utilisées. C'est que votre gouvernement est à la recherche d'une charge égale de l'impôt plutôt que d'une égalité entre citoyen par l'impôt.

En effet, les mesures programmées pour 2003, et celles prises dans la loi de finances rectificative, témoignent de votre volonté, à n'importe quel prix, de réduire de façon outrancièrement sélective les prélèvements obligatoires. La question est alors : à qui profitera cette baisse et qui en pâtira ?

Le tableau 4 est clair. Les baisses de prélèvement sur le facteur travail s'élèvent à 4,1 milliards, soit 1,1 milliard au bénéfice des ménages, et 3 milliards au bénéfice des entreprises, qui profiteront donc, pour l'essentiel, de la baisse.

Il est intéressant de rapporter ce chiffre à l'évolution de la part des cotisations sociales sur les revenus d'activité dans le financement de la sécurité sociale. Dans son rapport sur l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, la Cour des comptes révèle des chiffres édifiants. De 1980 à 2000, la diminution d'un tiers de la part des cotisations sociales sur les revenus d'activité dans le financement du régime général a bénéficié aux entreprises. Au contraire, le taux des prélèvements sur les ménages est passé de 3 % du PIB à 5,7 %, tandis que celui des prélèvements sur les entreprises après avoir atteint 9,2 % entre 1984 et 1986 est retombé à 7,2 % en 2000.

Une étude de la Communauté européenne démontre que, contrairement aux idées reçues, la France se situe en bas de l'échelle en matière d'imposition des sociétés. En effet, une multitude d'exonérations et d'allégements réduisait son taux effectif de taxation à environ 16,7 % en 1998 au lieu du taux légal affiché de 33,33 %.

D'après le tableau 5 du rapport, voici les prélèvements obligatoires sur les ménages en baisse : baisse de l'impôt sur le revenu ; augmentation de la réduction d'impôt pour emploi de salarié à domicile ; réforme de la prime pour l'emploi pour les salariés à temps partiel ; mesure de soutien aux donations des grands-parents aux petits-enfants. Pour 2003, ce sont donc 4 mesures sur 5 qui tendent à diminuer de 1 139 millions les prélèvements contre une qui tend à les augmenter : 700 millions pour la taxe sur les tabacs.

Il est facile de voir que les plus hauts revenus seront les grands bénéficiaires de vos cadeaux fiscaux.

Ainsi la réduction de l'impôt sur le revenu profite aux 53 % des foyers fiscaux qui payent des impôts. Près d'un foyer fiscal sur deux n'en tirera donc aucun profit. De plus, en raison du caractère uniforme de cette réduction, ce sont les plus hauts revenus qui profiteront des plus importants rabais.

De même, seuls les ménages qui ont les moyens d'engager des employés de maison profiteront de votre politique fiscale.

En revanche, rien n'est fait pour diminuer la pression fiscale sur les revenus les plus modestes, et en particulier le plus injuste des impôts, la TVA, qui représente plus de 44,8 % des recettes de l'Etat, contre 18,6 % pour l'impôt sur le revenu. Ce ratio instructif, comme par hasard, ne figure pas dans votre rapport. En outre, la TVA, impôt aveugle, frappe plus lourdement les faibles revenus. Ces derniers consacrent près de 13 % de leurs revenus à cette taxe contre seulement 8 % pour les plus aisés.

Votre graphique sur le taux des prélèvements obligatoires dans quelques pays de l'OCDE en 2000 place la France au second rang, avec un prélèvement équivalant à 45,5 % du PIB.

Vous auriez pu aussi utiliser une autre étude de l'OCDE qui montre que la France chute au bas du tableau lorsque le montant des impôts et des cotisations sociales des pays concernés est diminué des prestations reversées.

Un tel choix, il est vrai, ne vous aurait pas aidé à prouver que les Français disposant des plus hauts revenus payent trop de charges et donc qu'ils ont intérêt à s'exiler fiscalement. D'abord, toute désertion fiscale équivaut à un abandon de toute solidarité. De plus quelle fierté peut éprouver un Etat de droit à prendre des mesures ciblées, au seul prétexte de retenir quelques riches malheureux qui désapprouvent l'objectif républicain de réduction des inégalités ? Enfin, rappelons qu'en 1997-1998, le nombre de contribuables partis à l'étranger ne représentait que 0,2 % des personnes assujetties à l'impôt sur le revenu, la perte de recettes correspondante ne s'élevant qu'à 1,3 % du rendement annuel de l'ISF.

Si on compare le montant des impôts et les taux moyens d'imposition des pays qui seraient, selon vous, plus attrayants pour ces grosses fortunes, on constate, comme Le Monde du 7 avril 1999, qu'en dessous de 1,2 million de francs de revenus annuels pour un célibataire et de 1,6 million de francs pour un couple marié, il vaut mieux être imposé en France. Si le Gouvernement a pour seul souci de soulager ceux qui gagnent plus d'un million de francs par an, je comprends ses choix fiscaux. En revanche, s'il se soucie de la « France d'en bas », je ne comprends plus !

Vous ne dites rien de la progressivité de l'impôt. Or, une étude du Conseil des impôts sur les revenus de 1998 montre que sur un coût salarial de 80 000 francs par an, environ le SMIC, 42 % sont prélevés en France sous forme de cotisations et d'impôt sur le revenu contre seulement 35 % en moyenne en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie et aux Pays-Bas. Par contre, pour un coût salarial de 400 000 francs, le prélèvement global est de 45 % en France comme dans les autres pays. Entre les deux situations, l'écart des taux de prélèvement est donc de 4 points en France contre 10 chez nos voisins. Les dispositions du PLF 2003 sont de nature à réduire encore cet écart et, par conséquent, à aggraver les inégalités au bénéfice des plus hauts revenus.

Ainsi, les sacrifices les plus lourds sont consentis par les Français les plus modestes, c'est-à-dire la très grande majorité d'entre eux. Corriger cette injustice conduirait à rétablir l'impôt dans sa fonction première : financer les dépenses communes, assurer un bon fonctionnement des services publics, exprimer la solidarité nationale. C'est dans cet esprit que nous demandons la réduction du taux de la TVA, impôt sur la grande pauvreté qui frappe en premier lieu la consommation populaire.

Nous proposons également de nous attaquer à la spéculation financière par la suppression des avantages fiscaux dont elle bénéficie. Les revenus du capital doivent être imposés comme les revenus du travail. Il apparaît juste d'intégrer les biens professionnels à l'assiette de l'impôt sur la fortune en veillant à épargner la quasi-totalité des petites et moyennes entreprises. Cette mesure, propre à combattre les dérives spéculatives, a du reste été jugée efficace par le Conseil national des impôts.

Dans le cadre du financement de la sécurité sociale, nous proposons une alternative aux exonérations de cotisations patronales. Il n'a, en effet, jamais été prouvé qu'elles créaient des emplois. On sait par contre que, concentrées sur les bas salaires, elles tirent toutes les rémunérations vers le bas. Il serait donc opportun de les remplacer progressivement par des bonifications d'intérêts bancaires, sous condition d'investissements pour le développement et l'emploi.

La taxation des revenus financiers doit devenir une priorité. L'actualité de la crise boursière a montré la nocivité de l'extension exponentielle de ces accumulations financières. En les taxant, nous améliorerons la situation financière de la sécurité sociale et affirmerons mieux le principe de solidarité.

Enfin, il convient de moduler les cotisations patronales. Nous pourrions différencier les taux de cotisation selon la taille des entreprises, la part des salaires dans le chiffre d'affaires ou encore selon le dynamisme de leur politique d'emploi.

J'entends les tenants du dogme libéral, qui craignent de voir le dynamisme économique menacé par un excès de prélèvements obligatoires, répéter à satiété qu'un abaissement du coût du travail par des allégements de charges conjuguées à d'autres exonérations favoriserait le dynamisme des entreprises et la création d'emplois. Mais je les entends aussi refuser de créer des emplois, fusent-ils moins chers, dès lors qu'ils ne seraient pas selon eux économiquement justifiés.

Même dans une économie de marché, la satisfaction des besoins des hommes, et donc leur capacité de consommation, peut être à l'origine de la dynamique économique. L'égalité sociale est, seule, économiquement efficace. Par conséquent, vos dispositions fiscales et sociales injustes seront inefficaces. Votre logique est contre-productive, votre politique de l'offre, au détriment de la demande, n'est pas au service de la croissance et de l'emploi ; par contre, elle continuera de nourrir l'accumulation et la spéculation financières.

Notre pays souffre déjà d'une mauvaise répartition de l'effort contributif, et d'une mauvaise orientation des recettes, ce que va aggraver votre politique. Nous exigeons plus de justice sociale pour plus d'emplois et plus de croissance.

M. le Président - Merci, mes chers collègues, de faire un effort de concision, afin de respecter l'horaire de la fin de la séance. Je ne m'adresse pas uniquement à M. Bonrepaux...

M. Philippe Auberger - Bien sûr que non, il n'a pas pour habitude de s'étendre (Sourires).

M. Augustin Bonrepaux - Ce rapport illustre combien votre conception de la politique fiscale est différente de celle de la majorité. Je vous remercie d'avoir appliqué l'article 52 de la nouvelle loi de finances, même si vos intentions ne me trompent pas : remise en cause des mesures de réforme de baisse des prélèvements, et campagne d'information autour de vos promesses démagogiques. Vous niez les baisses d'impôts décidées par le précédent gouvernement, mais votre rapport révèle le contraire : des baisses évaluées à plus de 2,5 % du PIB entre 1997 et 2002. Vous semblez, par ailleurs, avoir oublié que la progression des recettes fiscales, sur laquelle vous vous appuyez, est liée à la croissance, à la réduction du chômage. Cela augmente le produit fiscal sans peser sur les contribuables. Enfin, vous avez fait apparaître une baisse de 5 %, comme si elle était de votre fait. Vous oubliez là encore la baisse votée en loi de finances pour 2002.

Mais plus que sur l'ampleur des baisses, je voudrais porter ce débat sur la philosophie qui inspire votre politique. Les baisses que nous avions mises en _uvre visaient à réduire les injustices et à soutenir la croissance. Baisser les impôts n'a jamais été notre obsession, dans la mesure où ceux-ci servent à financer les priorités publiques et la protection sociale. C'est le fondement de la solidarité. La recherche d'économies ne doit pas conduire à restreindre les services rendus au public. Attention aux réductions idéologiques. Il ne faut pas oublier non plus que toute comparaison internationale des prélèvements obligatoires doit tenir compte du mode de financement de la protection sociale. Un pays qui renvoie cela au secteur privé a évidemment moins de prélèvements obligatoires.

A propos de la sécurité sociale, vous êtes mal venus de vous étonner d'un déficit auquel vous avez participé, en augmentant les honoraires des médecins.

Enfin, n'oubliez pas que le gouvernement Juppé, rompant avec les promesses de M. Chirac, avait accru fortement les prélèvements. Il avait augmenté la TVA, que nous avons baissée, considérant qu'elle pèse sur l'ensemble des contribuables. Vous, vous préférez réduire l'impôt sur le revenu, alors qu'il est juste parce que progressif. Nous, nous préférons baisser les impôts injustes, tels que ceux des collectivités locales. M. Méhaignerie le déplore, mais il ne regrette pas que des contribuables aisés bénéficient de déductions conséquentes.

Vos premières mesures à l'égard des collectivités locales nous font d'ailleurs redouter la fin de la péréquation. Vous affirmez, Monsieur Méhaignerie, que la péréquation n'a pas progressé sous le gouvernement Jospin. Le rapport sur les finances locales montre le contraire.

En outre, le maintien du pouvoir d'achat de la DSU ne se fera, cette année, qu'au prix d'un prélèvement sur les revalorisations qui étaient dues aux collectivités locales. Nous avons donc des raisons d'être inquiets. Vous aviez pourtant inscrit la péréquation dans la loi Pasqua !

Pour revenir à l'impôt sur le revenu, notre réforme a été profondément différente : ce sont les tranches les moins élevées qui ont bénéficié des baisses les plus importantes. Nous avons également créé la prime pour l'emploi qui bénéficie à huit millions de travailleurs. Aujourd'hui, vous n'avez pas les moyens de l'augmenter, ne serait-ce que légèrement. Qui profite de votre réforme ? Les plus aisés uniquement. Vous baissez encore l'impôt sur le revenu de 1 % en 2003. Et comme si cela ne suffisait pas, vous faites un cadeau fiscal supplémentaire exorbitant, inadmissible, aux 70 000 familles les plus aisées en leur permettant de déduire 10 000 F de plus de leur impôt sur le revenu pour l'emploi d'un salarié à domicile. Elles ne manqueront pas de saisir l'aubaine. Et la mesure s'appliquant dès l'an prochain sur les revenus 2002, elle n'aura contribué à aucune création d'emplois. Dans le même temps, rien, absolument rien pour les plus modestes !

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie.

M. Augustin Bonrepaux - Notre collègue Migaud n'a pas épuisé son temps de parole tout à l'heure.

M. le Président - Il n'y a pas de péréquation en ce domaine ! (Sourires)

M. Augustin Bonrepaux - Le rapport annexé au projet de budget le montre, les avantages fiscaux accordés aux ménages les plus aisés ne serviront pas la croissance puisque ceux-ci épargneront leurs revenus supplémentaires. L'augmentation de la prime pour l'emploi aurait, au contraire, permis de relancer la consommation, et donc la croissance. Or, faute de cette croissance, vous serez inévitablement conduits à augmenter les prélèvements obligatoires, et encore une fois, ce sont les plus modestes et les plus défavorisés de nos concitoyens qui en feront les frais (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Olivier Dassault - Dans un monde en pleine mutation, la France a plus d'atouts qu'elle ne le croit mais moins qu'elle ne le pourrait. Dans un univers concurrentiel, désormais sans frontières et libéré d'idéologies qui n'appartiennent plus qu'au passé - malgré ce que nous avons pu entendre tout à l'heure de la bouche de certain collègue -, des pesanteurs nous pénalisent, beaucoup plus que nos partenaires. Le Président de la République, le Premier ministre et vous-même, Monsieur le ministre, n'avez eu de cesse de les dénoncer. Combien de fois moi-même ne les ai-je déplorées dans ma circonscription de l'Oise !

Trop d'impôts accablent nos concitoyens et pénalisent notre activité : impôts sur les revenus et les bénéfices, taxe sur les salaires, taxe professionnelle, sans oublier bien sûr les cotisations sociales. Le constat est alarmant : le niveau des prélèvements obligatoires est en France l'un des plus élevés en Europe, 45 % du PIB contre 37,2 % en moyenne au sein de l'OCDE et 41,45 % dans l'Union européenne. Les prélèvements directs sur les entreprises y sont également plus élevés qu'ailleurs, représentant 5,5 % du PIB contre 1,6 % en Allemagne par exemple. La fiscalité sur le patrimoine enfin est écrasante. Dans un contexte de concurrence fiscale accrue, la France lutte à armes inégales.

Il est donc impératif que notre pays redevienne compétitif et attractif. Il nous faut mettre en _uvre sans retard la réforme fiscale d'envergure, attendue des Français qui nous ont fait confiance. C'est une exigence de justice démocratique comme une nécessité absolue pour nos entreprises.

L'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, comme nous l'a rappelé tout à l'heure M. Vaxès lui-même, dispose qu'une « contribution commune » est indispensable « pour l'entretien de la force publique et les dépenses d'administration », et que celle-ci « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Nous sommes déjà quelques-uns, y compris sur les bancs de l'opposition, à penser que tous les Français devraient payer l'impôt sur le revenu, même si ce n'est que de manière symbolique pour les plus modestes. Je crois en effet avec Benjamin Constant que « la responsabilité est le corollaire de la liberté. » Il serait donc équitable que même les moins favorisés contribuent aux dépenses de santé, de justice, de sécurité, de retraites...

M. Didier Migaud - Incroyable !

M. Olivier Dassault - Ils comprendraient ainsi mieux les actions entreprises et auraient véritablement l'impression de faire partie du corps social.

La méthode compte autant que la portée de la réforme et sur ce point, nous devons, à l'instar du Premier ministre, être pédagogues.

Une réforme fiscale est indispensable pour préserver l'emploi et prévenir les délocalisations. Le taux de l'impôt sur les sociétés ne devrait absolument pas dépasser 33,3 % - il n'est que de 25 % en Allemagne et en Grande-Bretagne, et de 28 % en Suède.

M. le Président de la commission des finances - Tout à fait.

M. Olivier Dassault - Pour que la France ait la place qu'elle mérite au sein d'un univers mondialisé, elle doit renforcer l'attractivité fiscale de son territoire, notamment en évitant les doubles impositions. Simplifier et alléger la fiscalité sur les revenus et le patrimoine, favoriser la transmission des entreprises, c'est aussi lutter contre les délocalisations d'entreprises et l'exil des experts, des chercheurs et de tous les jeunes qui veulent entreprendre, car aujourd'hui footballeurs et artistes ne sont pas seuls à s'expatrier... Or, nous ne pouvons pas nous priver de ceux qui entreprennent et innovent.

Des propositions seraient également nécessaires pour réorienter le produit de l'assurance-vie et de l'épargne-logement vers les entreprises. Il faudrait aussi promouvoir l'épargne salariale et l'actionnariat salarié.

Rendons à nos entreprises, à nos industriels, à nos artisans, leur liberté, afin qu'ils puissent être compétitifs. Ils créeront richesses et emplois. Les allégements de charges décidés par les gouvernements Balladur et Juppé ont permis la création de 460 000 emplois. Il faut continuer dans cette voie en accentuant même ces allègements, lesquels compléteront les mesures en faveur de la création d'entreprise annoncées lundi à Lyon par le Premier ministre, et la suppression de la dernière tranche de la part salariale dans l'assiette de la taxe professionnelle - qui se traduira par un allégement de 1,83 milliard d'euros.

Notre pays est le seul à cumuler droits de succession, impôt annuel sur le capital, impôt sur les plus-values, droits de mutation. Un effort de simplification et de modernisation s'impose.

Pouvons-nous à la fois réduire les impôts et les charges sociales, réformer notre système fiscal, consolider la croissance et réduire nos dépenses ? Oui, j'en suis convaincu, car nous nous l'avons déjà fait avec succès à plusieurs reprises par le passé. De 1986 à 1988, les impôts ont été réduits de 15,24 milliards d'euros et le déficit budgétaire de 9,15 milliards. En 1994, dans une conjoncture particulièrement difficile, le gouvernement Balladur a allégé l'impôt sur le revenu de trois milliards d'euros. Pourquoi ce qui a été possible hier ne le serait-il pas aujourd'hui ? De 1986 au début des années 1990, la France a connu à la fois un cycle de croissance positive et une décrue du taux des prélèvements obligatoires. Si elle sait ne pas augmenter plus que de raison ses dépenses publiques, elle peut espérer une croissance de ses recettes fiscales, laquelle permettra de diminuer les impôts et de réduire le déficit. Je ne doute pas de votre détermination, Monsieur le ministre, à conduire sans plus attendre l'ambitieuse réforme qui est nécessaire. Je vous y encourage et vous apporte mon soutien. C'est aujourd'hui que les marges de man_uvre, même réduites, existent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Mme Marie-Anne Montchamp - Les circuits de prélèvements obligatoires, que ceux-ci émanent de l'Etat, des collectivités ou de la sécurité sociale, manquent pour le moins de lisibilité en France. On dénombre pas moins de 23 formes d'impôt direct, 32 formes d'impôt indirect, 12 recettes non fiscales, 8 comptes spéciaux du trésor... L'application de l'article 52 de la loi organique du 1er août 2001 est donc particulièrement bienvenue.

En 2001, les prélèvements obligatoires ont représenté en France 660 milliards d'euros, soit 45 % du PIB. Ils ont beaucoup augmenté sous la législature précédente, du fait notamment de l'insuffisance désastreuse de financement des 35 heures, laquelle continuera de se faire sentir pendant des années dans les collectivités, avec de sérieuses répercussions sur la fiscalité locale. En 2002, ils ne représenteront plus que 44,6 % du PIB et l'objectif du Gouvernement pour 2003 est de 44,3 %.

Je souhaiterais saluer quelques mesures clés prises par le nouveau gouvernement. Tout d'abord, le contrat jeunes sans charges, qui pourrait créer jusqu'à 40 000 emplois, sans parler de la hausse du pouvoir d'achat qui en résultera pour les jeunes peu qualifiés, ainsi embauchés en franchise de cotisations patronales. Cet accès direct à un premier emploi permettra aussi à ces jeunes, autrement laissés à l'écart du marché du travail, d'accéder à la formation continue.

Ensuite, dans un souci de transparence et de rigueur, le Gouvernement a souhaité compenser intégralement vis-à-vis de la sécurité sociale les allégements de charges prévus par la loi Fillon, soit environ un milliard d'euros. En lui versant par ailleurs 700 millions d'euros provenant de la taxe sur les conventions d'assurance et 300 millions provenant de l'augmentation des droits sur le tabac, il redonnera à la sécurité sociale les recettes qui lui ont été subtilisées pour financer la réduction du temps de travail par le biais du FOREC, soit environ deux milliards d'euros.

La mise en place d'un système clair, simple et transparent était bien une priorité, le Gouvernement n'a pas manqué d'y faire face.

Le niveau des prélèvements obligatoires, dans notre pays, est relativement élevé par rapport à nos voisins, dans un contexte où la concurrence fiscale joue de plus en plus. Maintenir ce niveau élevé de prélèvements aurait de graves conséquences sur nos perspectives de croissance et d'emploi.

L'objectif du Gouvernement de renforcer notre potentiel de production et d'incitation au travail pour stimuler l'emploi me paraît donc particulièrement pertinent, tant pour améliorer nos grands équilibres financiers que pour renforcer notre dynamisme social et engager la réforme.

En réduisant le différentiel entre coût du travail et revenu net du salarié, la réduction du poids de l'impôt sur le revenu aide à retrouver les conditions de la croissance, d'autant que s'y ajoutent hausse du pouvoir d'achat des ménages et soutien à la consommation.

Les baisses de charges ciblées sur les catégories de la population les moins qualifiées sont particulièrement bienvenues dans un contexte de hausse du coût du travail du fait des 35 heures et de l'unification des SMIC. L'offre de travail non qualifié est très sensible en effet aux coûts salariaux. Ainsi, comme le note le rapporteur général, une hausse des cotisations sociales représentant 10 % du salaire minimum réduit de 6 % l'offre de travail non qualifié par les entreprises. On ne peut donc que se féliciter que le Gouvernement ait annoncé de nouveaux allégements de charges pour les salariés payés au SMIC.

Ces différents éléments, mes chers collègues, illustrent une nouvelle fois en quoi la stratégie fiscale doit améliorer la performance de notre économie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Hériaud - Nous voici donc confrontés au premier rapport présenté en application de la nouvelle loi organique. La France applique un taux de prélèvements obligatoires de 45,5 % quand les autres pays européens sont à 5 à 7 points en dessous, le Japon à 18 points et les Etats-Unis à 25 points. Mais une telle comparaison ne rend pas compte des contreparties de ces prélèvements. La France est l'un des tout premiers pays à consacrer à ces contreparties une part aussi importante de sa richesse nationale, avec une stabilité qui ne s'est guère démentie depuis vingt ans.

En effet, les prélèvements pour l'Etat sont revenus, en vingt ans, de 18 % à 16 % du PIB, cependant que les prélèvements pour les administrations de sécurité sociale passaient de 18,3 % en 1980 à 21,7 % en 2000.

En 2001, 40 % des besoins de financement de l'Etat, ont été compensés par la capacité des administrations centrales, locales et de sécurité sociale. On constate que l'Etat a une tendance lourde au déficit budgétaire, donc au besoin de financement ; que les administrations centrales ont une capacité de financement stable, de même que les administrations locales et que les administrations de sécurité sociale ont une grande fragilité liée à l'évolution de la branche maladie.

Il est néanmoins un peu rapide d'écrire que : « La hausse du taux de prélèvements obligatoires provient pour l'essentiel des organismes sociaux et des collectivités locales » même si quelques lignes plus loin, le diagnostic est légèrement nuancé. Il faut surtout se demander si l'argent public est utilisé efficacement, notamment en investissements.

Les collectivités locales dégagent régulièrement une capacité d'autofinancement bien utile pour satisfaire aux critères de Maastricht, et elles réalisent plus de 71 % des investissements publics civils du pays alors que l'investissement de l'Etat n'a cessé de régresser depuis vingt ans, les titres V et VI du budget servant de variables d'ajustement.

La dette des administrations publiques au sens du traité de Maastricht s'élève en 2001 à 839,3 milliards d'euros, soit 57,3 points de PIB et 1,27 année de prélèvements obligatoires. L'Etat et les administrations centrales représentent 85 % de la dette totale, et cette part ne fait que croître.

L'endettement des administrations de sécurité sociale a atteint 13,6 milliards en 2001 et il s'est stabilisé. Celui des administrations publiques locales n'a cessé de décroître, en points de PIB depuis trente ans : il est de 111 milliards d'euros en 2001.

Depuis 30 ans, pendant que l'endettement des administrations publiques locales a été divisé par deux, celui de l'Etat a doublé. Nous sommes là au c_ur du problème de la maîtrise des prélèvements obligatoires et de leur efficacité. En effet, l'endettement de l'Etat emporte des frais financiers de 40 milliards d'euros, soit l'équivalent du budget de la défense, et le double de celui de l'équipement ou de l'intérieur.

La diminution repose sur la maîtrise des dépenses de l'Etat et des dépenses de sécurité sociale. Certaines dépenses sont plus aisément compressibles que d'autres. Le budget 2003 va dans la bonne direction, stabilisation des dépenses et évolution très positive des investissements. Mais, il ne faut pas tout attendre de la croissance et de l'investissement. Il serait hautement souhaitable que le noyau central, et dur, de la dépense publique, à savoir les titres III et IV, soient mieux maîtrisés. En ce sens, la loi de finances 2003 marque une légère inflexion. Il faut persévérer dans cette voie.

Ce premier débat sur les prélèvements obligatoires est nécessairement technique et chiffré mais il ne peut en être autrement. Il n'est déjà pas si mal de dégager progressivement les voies et moyens d'un assainissement de la situation financière de notre pays et la diminution de 0,4 point en 2002 et de 0,2 point en 2003 est à souligner, même si l'on arrive vite à l'asymptote avec les 0,1 % envisagés pour 2004.

La tâche du Gouvernement est difficile car l'héritage est lourd et l'horizon incertain. Il lui faut pourtant agir pour le redressement de notre pays. Il peut être assuré de notre total soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique Tian - Cette déclaration du Gouvernement était très attendue par les Français. Le poids des prélèvements obligatoires a été au c_ur du débat lors des dernières élections. Nos concitoyens se plaignent souvent de payer trop d'impôts et de cotisations, les entreprises trop de charges. Ils n'ont pas tort : jamais la pression n'a été aussi forte.

Au début des années 1970, le taux de prélèvement était de 35 % du PIB ; le seuil des 40 % a été franchi dans les années 1980 ; les 43  % furent atteints lors de la décennie 1984-1994 ; nous sommes maintenant à 45 % de la richesse nationale. L'Italie est à 42,3 %, l'Allemagne à 37,8, le Royaume-Uni à 37,7.

Selon Eurostat, la France a rétrogradé de la troisième place en 1992 à la douzième en 2001 en termes de PIB par habitant, connaissant la trajectoire inverse de celle de l'Irlande, dopée par sa fiscalité attractive. Notre pays est aussi au onzième rang pour le chômage. Ainsi, en 2000, seulement 62 % des 15-24 ans occupaient un emploi, contre 71 % au Royaume-Uni. Un quart de nos emplois sont publics contre 10 à 15 % dans les autres pays de l'OCDE.

Avec les socialises, ces vingt dernières années, on a toujours eu tendance à taxer davantage le travail, sans se préoccuper de la compétitivité des entreprises.

M. Didier Migaud - Ce n'est pas vrai !

M. Dominique Tian - Pourtant, en septembre 2000, le ministre Christian Sautter demandait à l'inspection générale des finances un rapport sur « l'entreprise et l'hexagone » ; et en juillet 2001 M. Jospin demandait à M. Charzat de réfléchir à l'attractivité du territoire français. Les rapporteurs firent des propositions pour restaurer l'image de la France auprès des décideurs internationaux ; on discuta de compétitivité fiscale, de délocalisations. Mais les deux rapports furent enterrés... Pire, ce fut la promulgation autoritaire des trente-cinq heures, avec leur coût exorbitant. A nouveau la France se séparait du reste de l'Europe en créant des charges supplémentaires pour les entreprises.

Les répercussions en furent importantes sur la création d'entreprises, qui a régressé dans notre pays. L'Espagne en créée deux fois plus que la France, et le Royaume-Uni une fois et demie. En 1980 quelque 200 000 entreprises voyaient le jour chaque année en France, contre 180 000 aujourd'hui. Il y a plus grave : d'ici dix ans, 500 000 entreprises auront changé de mains. Or, une sur cinq ne trouve pas de repreneur.

Je ne crois pas que la créativité et le dynamisme des Français soient en cause : c'est le poids des prélèvements qui décourage l'initiative. On assiste d'ailleurs à des départs massifs de jeunes Français vers l'étranger. Heureusement, une série de mesures doit être présentée par M. Dutreil - mais les entreprises ne sont pas seules concernées. L'IR s'est accru de 56 milliards de francs, soit 3 500 francs par ménage. Et une part considérable de cet effort a été déviée vers les dépenses publiques qui continuaient de croître. La dette de l'Etat génère chaque année plus de 250 milliards de francs d'intérêts, soit 90 000 francs par enfant qui naît... Le gouvernement Juppé avait décidé une baisse de 25 milliards des prélèvements, mais son successeur s'est contenté de mesurettes publicitaires, comme la suppression de la vignette - vingt francs par ménage ! Pendant ce temps les prélèvements battaient tous les records - en hausse de 16,4 %, soit 92 milliards d'euros - sans que le gouvernement soit capable de maîtriser les dépenses de l'Etat.

Et pourtant la France a connu depuis 1997 une phase de croissance soutenue, de 3 % par an, que le gouvernement Jospin aurait dû utiliser pour réduire à la fois le déficit, la dette et le poids des prélèvements. Ayant échoué sur ces trois objectifs, il porte la responsabilité d'avoir fait passer notre pays à côté d'une chance historique. Comme l'indiquait en 1999 un rapport du Sénat, 70 % de l'augmentation de la richesse nationale ont été captés par la sphère publique. Le gouvernement Raffarin s'est engagé dans une autre voie. Après la réduction de 5 % de l'impôt sur le revenu, promesse de campagne tenue, les projets de budget et de loi de financement pour 2003 marqueront une autre étape de la baisse : moins 0,4 % du PIB en 2002, moins 0,7 % pour 2002-2003. La méthode est pragmatique, réaliste et courageuse. C'est ce qu'attendaient nos concitoyens, qui veulent qu'on dépense moins mais mieux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le débat est clos.

M. le Ministre de l'économie - J'ai beaucoup appris au cours de ces échanges, et, ne pouvant profiter entièrement sur le champ de toute l'information qu'ils m'ont apportée, je me propose d'en lire attentivement le compte rendu. Car, quel que soit le caractère un peu provocateur de certaines affirmations, toutes vos réflexions nous seront utiles. Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'y revenir dès la semaine prochaine lors de la discussion budgétaire.

Sur le fond, il est clair que les prélèvements obligatoires assurent dans notre pays un degré de solidarité qui est nécessaire, qui fait partie de notre culture, et que nous n'entendons pas remettre en cause, quelles que soient les inflexions que nous souhaitons apporter à certaines politiques. Il faut apprécier la qualité de ces prélèvements en termes de dépenses ; et il est fort probable qu'en améliorant nos performances nous pourrons réduire les coûts sans affaiblir les résultats. Il y a notamment dans l'univers de la fonction publique, comme ailleurs, des possibilités d'amélioration des performances qui devraient permettre d'alléger les prélèvements tout en accroissant les résultats.

Les prélèvements obligatoires, j'en suis convaincu, sont trop élevés aujourd'hui pour un pays désormais ouvert sur le monde. La France est engagée dans une compétition pour satisfaire non seulement les marchés extérieurs, mais les consommateurs français, qui peuvent aujourd'hui mettre en concurrence l'ensemble de l'offre mondiale. Cette liberté du consommateur et celle du producteur - qui peut aller jusqu'à décider que d'autres lieux sont plus propices à l'exercice de ses talents - sont des faits nouveaux qui commencent à développer leurs conséquences : c'est ce qu'on appelle la globalisation. Et nous devons intégrer dans notre politique économique cette nouveauté, en rupture avec nos traditions relatives aux prélèvements obligatoires et à la redistribution des richesses produites. Cette liberté de choix du consommateur et du producteur introduit des éléments nouveaux, et nous devons remettre en cause, dans l'intérêt de notre collectivité, certaines justifications de nos prélèvements obligatoires, afin de les réduire, de les rendre plus acceptables pour les Français, d'en faire un outil de croissance plus efficace. Nous sommes désormais dans un monde où les gouvernements doivent prouver que leurs choix de politique économique sont les meilleurs, et où la sanction de ces choix n'intervient pas seulement sous la forme des élections, mais à travers la liberté d'appréciation des producteurs et des consommateurs.

Dans ce contexte, au cours des années qui viennent nous pouvons et nous devons réduire à la fois les prélèvements et le déficit global de notre système économique, pour créer de meilleures conditions de croissance et éviter les risques qui résulteraient d'un endettement national non maîtrisé. Notre objectif, à travers la maîtrise des prélèvements, est de créer les conditions d'une croissance qui soit plus efficace et davantage au service des Français. Ceux-ci ont la liberté de choisir la manière dont ils construisent leur vie, ils auront celle de savoir comment dépenser le mieux leur argent, en supportant moins de prélèvements collectifs.

Telles sont les réflexions de base qui guideront la politique du Gouvernement. Je salue à nouveau la qualité de nos échanges d'aujourd'hui, qui nous ont au moins permis de nous mettre d'accord sur certains objectifs et certaines constatations. Ainsi chacun admet que les prélèvements doivent être réduits le plus possible, et leur qualité réévalué. Chacun accorde que nous avons besoin de clarté, de transparence, d'un système plus compréhensible. Chacun aperçoit, derrière le problème des prélèvements, la nécessité de maîtriser la dépense publique, ce qui peut se faire par deux voies : en améliorant sa qualité, et aussi, comme l'ont indiqué M. Méhaignerie et M. Carrez, en s'interrogeant sur la nécessité de poursuivre tel ou tel type de dépenses, au regard d'une évaluation de leurs conséquences. C'est dans ces conditions que nous envisageons de préparer l'avenir de notre pays. Il passe fondamentalement par un potentiel de croissance de plus en plus élevé. Et cela dépend certes des acteurs économiques et des consommateurs, mais aussi d'une politique gouvernementale orientée vers la réforme de l'Etat, la clarté dans la décentralisation, et une meilleure maîtrise, sinon des dépenses de santé, du moins de la façon dont la collectivité assume la part de ces dépenses qu'elle décide de prendre en charge. Nous y reviendrons de façon plus détaillée, autour d'un objectif : réussir ensemble pour notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille - Le premier objectif du Gouvernement est de réformer profondément la sécurité sociale, et M. Mattei y reviendra à propos de la loi de financement. Mais je soulignerai rapidement quelques points. Le niveau des dépenses est trop élevé ; la croissance des prélèvements inquiète ; il faut simplifier, pour rendre plus lisible, mais aussi pour faire des économies, comme on le voit dans le cas de l'hôpital.

Plusieurs d'entre vous ont insisté sur la nécessaire lisibilité de nos systèmes de financement. Avec le FOREC, nous héritons d'une mécanique infernale !

Les décisions prises par Jean-François Mattei permettent déjà d'économiser 2 milliards d'euros. Cela ne suffit certes pas, mais c'est déjà un signe clair. La branche famille alimente le fonds de solidarité vieillesse, tandis que les transferts directs et indirects de celui-ci vers le FOREC s'élèvent à 4,5 milliards d'euros depuis 2000. Il faut donc bien rétablir la vérité. Ce sera difficile, mais nous nous y attacherons dès l'année prochaine. Quant à certains propos polémiques de l'opposition, je veux les croire dictés par l'aigreur née de l'échec électoral...

Je n'ai pas compris l'attaque de Didier Migaud sur les emplois à domicile. La politique de l'emploi conditionne l'équilibre des comptes sociaux...

M. Augustin Bonrepaux - Ce n'est pas une politique de l'emploi !

M. le ministre délégué - Chaque fois que l'on crée des emplois (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), ce sont des cotisations sociales supplémentaires ! Votre attaque contre les emplois à domicile était donc malvenue. La baisse du plafond de l'AGED décidée par le gouvernement Jospin a détruit 30 000 emplois en deux ans ! (M. Migaud s'exclame) C'est autant de cotisations sociales en moins ! La politique de l'emploi est donc directement liée au débat sur les prélèvements sociaux (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Je sais, mes chers collègues, que nous pouvons compter sur votre contribution (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le Président - Le Conseil constitutionnel, saisi de la résolution adoptée le 8 octobre 2002, modifiant l'article 36 du Règlement de l'Assemblée nationale, m'a fait parvenir le texte de sa décision rendue dans sa séance du 10 octobre 2002, en application de l'article 61, alinéa premier, de la Constitution, et déclarant conformes à la Constitution les dispositions contenues dans cette résolution.

Ces dispositions sont immédiatement applicables.

La décision du Conseil constitutionnel sera publiée à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il avait décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise.

Prochaine séance mardi 15 octobre, à 9 heures.

La séance est levée à 19 heures 5.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE

ORDRE DU JOUR
DU MARDI 15 OCTOBRE 2002

A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions orales sans débat.

2. Fixation de l'ordre du jour.

A QUINZE HEURES : 2ème SEANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

3. Discussion générale du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230).

M. Gilles CARREZ, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Rapport n°256)

A VINGT-ET-UNE HEURES : 3ème SEANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

www.assemblee-nationale.fr


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