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Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 9ème jour de séance, 22ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 17 OCTOBRE 2002

PRÉSIDENCE de M. Eric RAOULT

vice-président

Sommaire

      RAPPEL AU RÈGLEMENT 2

      LOI DE FINANCES POUR 2003 -première partie- (suite) 2

      ARTICLE 33 (Prélèvement au titre du budget européen) 2

      ART. 3 (suite) 26

      ARTICLE 4 27

La séance est ouverte à quinze heures.

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Augustin Bonrepaux - Je voudrais protester contre la façon dont, ce matin, l'opposition a été traitée par la présidence. Alors que nous avions demandé une suspension de séance, il ne nous a été accordé que deux minutes, ce qui n'a pas permis de réunir le groupe socialiste, et une seconde suspension nous a été refusée. Cela ne s'était jamais produit ! Si la présidence ne respecte par le Règlement, comment voulez-vous que nous puissions délibérer dans de bonnes conditions ?

D'autre part, j'ai demandé ce matin des informations sur les moyens budgétaires dont disposera l'éducation nationale. Le ministre de l'économie nous a affirmé que les recettes suffiraient aux besoins, mais un examen détaillé des dépenses révèle des suppressions de postes de surveillants, d'ATOS, d'emplois-jeunes. Il apparaît en outre que la croissance ne sera pas à la hauteur des espérances : moins de 2 % sans doute. Il est donc légitime de s'inquiéter des rentrées fiscales et de demander des explications au Gouvernement. Celui-ci ne nous les donne pas ; ce n'est pas convenable.

M. le Président - L'opposition a fait, ce matin, trois rappels au Règlement, le dernier faisant suite à la troisième suspension de séance accordée par le président Salles. Au demeurant, les deux premiers s'apparentaient plus à des questions d'actualité qu'à des observations sur le déroulement de la séance.

LOI DE FINANCES POUR 2003 -première partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2003.

ARTICLE 33
(Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France
au budget des Communautés européennes)

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes - J'ai l'honneur de vous présenter le projet de budget de l'Union européenne, ainsi que ses conséquences sur le budget général de l'Etat au titre du prélèvement européen.

Celui-ci représente près de 6,3 % de nos recettes fiscales nettes, ce qui n'est pas négligeable, et le débat d'aujourd'hui sera fort utile pour l'orientation de notre politique européenne. Le rendez-vous de cette année prend un relief particulier, au moment où, avec la Convention et avec l'accueil annoncé de dix nouveaux membres en 2004, l'Union européenne est en passe de franchir une étape historique.

Je remercie tout particulièrement M. Balladur, président de la commission des affaires étrangères, M. Carrez, rapporteur général du budget, M. Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, M. Blum, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, et M. Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne, pour les échanges fructueux que nous avons pu nouer en prévision de ce débat.

Commençons par le budget communautaire lui-même. Le projet de budget communautaire 2003 s'établit à 99,5 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit une augmentation de 0,9 % et à 97 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 1,4 % par rapport à 2002. Ce total correspond à 1,01 % du PNB communautaire et s'inscrit pleinement dans le cadre des perspectives financières arrêtées par le Conseil européen de Berlin en mars 1999. En tenant compte de l'inflation communautaire, les dépenses devraient même enregistrer en 2003 un léger recul en volume, grâce au souci de maîtrise qui a caractérisé cette année les débats budgétaires européens.

Ne nous trompons pas, cependant, sur le sens de cette évolution. Le budget communautaire a doublé au cours de la dernière décennie. Les perspectives financières définies en 1999 au Conseil européen de Berlin prévoyaient une hausse moins rapide, mais significative de 16 % en termes réels, du plafond des crédits sur la période 2000-2006. À partir de 2004, l'élargissement entraînera une nouvelle croissance du budget communautaire.

L'évolution prévue en 2003 constitue donc une pause dans un processus de croissance à long terme de la dépense communautaire, dépense que nous devrons néanmoins maîtriser. Il était donc important, en cette année de transition, de trouver un équilibre entre le financement des politiques communautaires et le souci de rigueur, en prévision des échéances à venir. C'est ce qui ressort du projet de budget adopté par le Conseil, au travers de ses différentes rubriques.

Il prévoit tout d'abord une progression de 1,3 % des dépenses agricoles. Celle-ci permet de financer la dernière étape de la réforme de la PAC de 1999, avec des hausses des aides directes dans le secteur bovin, ainsi que la réforme du secteur ovin et caprin de 2001. Les dépenses de développement rural progressent de 2,2 %, soit plus vite que les dépenses de marché. Au total, l'agriculture représentera, l'an prochain, 45 % des dépenses communautaires.

La rubrique 2 du budget communautaire, consacrée aux aides régionales et à la politique structurelle, enregistre une hausse de 0,4 % en crédits d'engagement, conforme au profil décidé au Conseil européen de Berlin. Cette rubrique représente toujours le deuxième poste du budget de l'Union, avec 34,1 % des dépenses. Une nouvelle programmation, avec de nouvelles règles de gestion des engagements des fonds structurels, a été mise en place en 2002. Ces nouveaux programmes témoignent d'une certaine sous-exécution, imputable à la fois à un échéancier trop optimiste et à certaines lourdeurs administratives. Le Gouvernement français a, pour les fonds structurels le concernant, adopté en juillet dernier une série de mesures visant à dynamiser la gestion de ces programmes - avec notamment l'expérimentation menée en Alsace. Nous devrions en voir prochainement les effets bénéfiques.

Les autres politiques internes regroupées traditionnellement dans la rubrique 3 du budget communautaire sont dotées de 6,7 milliards d'euros, soit un peu plus de 6 % du budget total. Au sein de cet ensemble, les dépenses relatives à la recherche et au développement technologique confirment leur prédominance : les crédits du sixième programme-cadre de recherche et de développement représentent près des deux tiers de la dotation de la rubrique. Ce programme-cadre pour 2003-2006 peut enfin démarrer, après deux années de négociation difficile. Le compromis adopté s'est fait néanmoins au prix d'un moratoire sur le financement des recherches sur les cellules-souches embryonnaires, dans l'attente d'une analyse éthique plus approfondie de ces recherches.

Les actions extérieures de l'Union européenne, regroupées dans la rubrique 4, s'élèvent, en crédits d'engagement, à 4,9 milliards d'euros, en augmentation de 1,9 % par rapport au budget 2002. Trois actions - poursuite du programme de reconstruction de l'Afghanistan, fonds global pour la santé, aide humanitaire - bénéficient d'une dotation renforcée. Le Conseil a souhaité disposer d'une marge significative sous le plafond de la rubrique - 80 millions d'euros - afin de répondre efficacement à d'éventuelles crises internationales en 2003. Il faut noter enfin que le Conseil a adopté cette année le schéma de financement des opérations militaires qui seront éventuellement conduites dans le cadre de la politique de sécurité et de défense, et qu'il a défini plus précisément les coûts communs, qui seront répartis au sein de l'Union en fonction de la richesse des Etats membres, ainsi que les coûts individuels restant à la charge des Etats.

La cinquième rubrique concerne les dépenses administratives, qui représentent 5,4 % du budget communautaire. L'approche de l'élargissement avait conduit les institutions communautaires à solliciter une hausse importante de leur budget administratif. Face au risque de croissance non maîtrisée des dépenses, le Conseil a retenu une approche plus rigoureuse, en accord avec le Parlement européen : la hausse des dépenses administratives a été limitée à 3,6 %, tandis que les institutions ont été incitées à préparer l'élargissement par un redéploiement de leurs moyens.

La dernière rubrique regroupe les aides de pré-adhésion. Dotées, en crédits d'engagement, d'un peu plus de 3 milliards d'euros, elles sont destinées à favoriser l'émergence d'une économie de marché viable dans les pays candidats, à les aider à développer leurs infrastructures et à moderniser leur agriculture. Dans cette rubrique, comme dans celle dédiée aux fonds structurels, le Conseil a proposé de réduire légèrement les crédits de paiement cette année, eu égard à la sous-consommation observée ces dernières années, ce qui ne devrait pas remettre en cause le bon fonctionnement de ces programmes.

Il faut se féliciter de la capacité de réaction financière de l'Union face à des événements imprévus - telles les inondations dans les pays de l'Europe Centrale. Les fonds structurels et les crédits de pré-adhésion ont pu être réorientés afin de reconstruire sans délai les zones sinistrées. La France elle-même pourra obtenir cette réorientation, si elle le souhaite, pour remédier aux dommages causés par les inondations dans le Gard. L'ampleur même de ces phénomènes a suscité une réflexion nouvelle sur la reconstitution d'un fonds européen spécifique, qui serait doté de 1 milliard d'euros, selon des modalités actuellement en débat. La solidarité européenne a joué pleinement en faveur des Etats membres - dont l'Allemagne, qui a subi des dommages estimés à quelque 25 milliards d'euros -, mais aussi des pays candidats, comme la République Tchèque.

Telles sont les grandes lignes du projet de budget communautaire, budget somme toute limité puisqu'il représente à peine plus de 1 % du PNB de l'Union. Ce chiffre, pour certains, témoigne d'un manque d'ambition de la construction européenne. Il illustre, en tout état de cause, la situation des politiques communes - elles-mêmes encore limitées - et montre bien qu'une très grande marge est encore laissée aux compétences nationales.

Comment évolue notre contribution, aujourd'hui soumise à votre approbation ? Pour 2003, elle est évaluée à 15,8 milliards d'euros ; cela représente une baisse de 6,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002, mais une hausse de 8 % par rapport à l'exécution du prélèvement sur recettes pour 2002. Les évolutions divergentes tiennent aux incertitudes quant au montant des soldes excédentaires.

La part de la contribution française dans le financement du budget communautaire est estimée à 17,3 % en 2003, notre pays restant le deuxième contributeur. L'essentiel de ce prélèvement revient à notre pays, la France étant le deuxième bénéficiaire de la dépense communautaire après l'Espagne. Nous restons néanmoins contributeur net, pour un montant de 2,7 milliards d'euros, soit 0,2 % du PIB national.

Il me paraît plus significatif de souligner les conséquences pour la France de la décision « ressources propres » prise par le Conseil européen de Berlin, et mise en _uvre le 1er janvier 2002. En vertu de cette décision, la France finance désormais près du tiers de la correction dont bénéficie le Royaume-Uni depuis 1984 sous le terme de « chèque britannique », quatre de nos partenaires ayant obtenu à Berlin de ne financer qu'un quart de leur part normale de cette correction. Pour 2003, cela représente pour notre pays un surcoût de près de 400 millions d'euros.

M. Jacques Myard - C'est scandaleux ! inadmissible !

Mme la Ministre déléguée - Depuis le « chèque » britannique de 1984, les mécanismes visant à rééquilibrer le financement du budget communautaire - au détriment, pour l'essentiel, des bénéficiaires de la PAC et des fonds structurels - se sont superposés, en diminuant la lisibilité des contributions au budget européen. Alors même que l'Europe va accomplir le plus grand pas de son histoire depuis le traité de Rome, ce système touche à ses limites, ce que la France devra fortement faire valoir dans les débats sur les ressources et les dépenses communautaires qui seront menés jusqu'en 2006 pour arrêter le paquet financier 2007-2013. Nous souhaitons notamment que la question du « chèque britannique » soit clairement reposée.

MM. René André et Jacques Myard - Très bien !

Mme la Ministre déléguée - Ce tour d'horizon budgétaire m'amène à aborder le premier des deux thèmes d'actualité que je souhaitais évoquer avec vous : l'élargissement.

La Commission a adopté le 9 octobre ses « rapports de progrès » sur les pays candidats à l'Union européenne. Elle estime que dix pays - Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République Tchèque, Slovaquie, Slovénie - seront prêts pour l'adhésion en 2004, sans dissimuler d'ailleurs les efforts qu'il leur reste à consentir d'ici leur entrée dans l'Union. La Commission a par ailleurs reconnu les progrès de la Bulgarie et de la Roumanie et pris note de la volonté de ces deux pays d'adhérer à l'Union en 2007. Enfin, elle a reconnu les « nets progrès » de la Turquie vers le respect des critères politiques de Copenhague - une loi du 3 novembre dernier a aboli la peine de mort. Elle a cependant jugé ces progrès encore insuffisants et ne propose pas de date d'ouverture des négociations d'adhésion avec ce pays.

Le Conseil européen de Bruxelles des 24 et 25 octobre devrait maintenant adopter une position commune de l'Union européenne sur le paquet financier qui sera la base de départ de la négociation finale avec les dix pays appelés à nous rejoindre. Cette négociation doit se conclure lors du Conseil européen de Copenhague en décembre, qui permettra la ratification du traité unique d'adhésion en 2003 et l'entrée des nouveaux membres dans l'Union en 2004, de façon que ces pays puissent participer aux élections européennes de juin 2004.

Deux chapitres de la négociation restent ouverts avec l'ensemble des candidats : l'agriculture et les dispositions financières et budgétaires. Nous soutenons la proposition de la Commission d'accorder progressivement - de 25 % en 2004 à 100 % en 2013 - le bénéfice des aides directes agricoles aux agriculteurs des futurs membres. Il eût été impensable de les tenir à l'écart de la PAC ! Toutefois, celle-ci ne doit pas être l'otage de l'élargissement ; la présidence danoise partage notre souci de ne pas lier les deux dossiers.

M. Jacques Myard - Très bien !

Mme la Ministre déléguée - Par ailleurs, nous souhaitons que le paquet financier proposé par la Commission sur les fonds structurels tienne exactement compte des capacités réelles d'absorption des pays candidats.

Des difficultés peuvent encore perturber le scénario de l'élargissement : sans parler de la chute, hier, du gouvernement néerlandais, le référendum irlandais du 19 octobre suscite des inquiétudes - mais il faut faire confiance à la raison des Irlandais. Si un refus de ratifier le traité de Nice ouvrirait une période de grande incertitude, nous devrons également être attentifs à l'évolution des négociations sur la réunification de Chypre, pour laquelle nous espérons un règlement politique avant le sommet de Copenhague.

Enfin, la question de nos relations avec la Turquie, dont la vocation européenne a été affirmée, est posée. C'est un sujet majeur dans le contexte international que nous connaissons actuellement.

La France a beaucoup insisté, et avec succès, au cours de la négociation, sur le contrôle du strict respect des engagements souscrits par les pays candidats - en particulier dans les domaines de la sécurité sanitaire, de la lutte contre l'immigration clandestine et la criminalité trans-frontière.

Ce contrôle ne disparaîtra pas au moment de l'adhésion, au contraire, puisque les nouveaux membres participeront pleinement aux mécanismes européens de régulation et de contrôle - aujourd'hui les plus rigoureux du monde - notamment dans le domaine alimentaire. De surcroît, le Traité devrait prévoir un certain nombre de clauses de sauvegarde permettant à tout Etat membre actuel ou futur de demander à la Commission, pendant une période de deux ans à compter de l'adhésion, de prendre des mesures en cas de difficulté sérieuse dans un secteur de son économie, et permettant à la Commission, pendant une même période, de prendre des mesures en cas de rupture, ou de menace de rupture, dans le fonctionnement du marché intérieur, en particulier s'agissant de la sécurité alimentaire.

Que l'on ne s'y méprenne pas : ces demandes n'expriment nulle réserve, nulle défiance de la part de notre pays. La France est consciente des progrès immenses réalisés par les futurs membres au cours de la décennie écoulée. Notre insistance tient simplement à notre volonté de réussir l'élargissement, qui est le grand projet politique européen de ce début de siècle.

Un vent de scepticisme semble se manifester dans certains médias. Si les futurs membres rencontrent des difficultés dans la mise en _uvre de l'acquis communautaire - comme nous en rencontrons parfois nous-mêmes -, la France sera à leurs côtés pour les aider à les résoudre !

M. Jacques Myard - Très bien !

Mme la Ministre déléguée - Ne réduisons pas non plus cet élargissement à une querelle de comptables. C'est un investissement à long terme pour la sécurité et la prospérité de notre continent et pour la défense de nos valeurs communes.

Face à un tel enjeu, l'Europe, la France, ne peuvent pas, ne doivent pas hésiter. Cet élargissement ne doit ni remettre en cause ni fragiliser cinquante ans de construction européenne. Il donne, au contraire, tout son sens à cette aventure collective : construire sur un continent déchiré par la guerre - hier encore dans les Balkans - une communauté garantissant à ses membres prospérité, sécurité et solidarité.

C'est dans cette perspective qu'il convient aujourd'hui de rénover les institutions européennes afin de les rendre à la fois plus efficaces et plus lisibles pour les citoyens. C'est à cette immense tâche que s'est attelée la Convention sur l'avenir de l'Europe, présidée par M. Giscard d'Estaing. Elle a maintenant terminé ses auditions et s'est engagée dans la phase d'études des propositions émanant aussi bien des groupes de travail sectoriels que des conventionnels eux-mêmes - j'ai le plaisir de saluer ici l'un d'entre eux en la personne de Pierre Lequiller. Elle entrera, ces prochains mois, dans la dernière phase de ses travaux : l'élaboration de sa proposition finale. Le président Giscard d'Estaing a d'ores et déjà indiqué qu'il présenterait avant le Conseil européen d'octobre un canevas de traité constitutionnel, qui sera progressivement complété à partir des conclusions des groupes de travail.

Contrairement à ce qui est parfois dit, la France n'est nullement en retard dans l'élaboration de ses propositions. Elle y travaille en étroite liaison avec l'Allemagne. Elle s'est clairement prononcée pour l'adoption d'un texte ambitieux, à portée constitutionnelle, que par commodité on désigne sous le terme de Constitution européenne...

M. Jacques Myard - La nuance a son importance !

Mme la Ministre déléguée - Ce texte, qui intégrera la charte des droits fondamentaux des citoyens européens, devra être lisible et surtout avoir vocation à durer.

M. Jacques Myard - Ça, c'est autre chose... (Sourires)

Mme la Ministre déléguée - Il devrait comporter deux parties, dont la deuxième, moins fondamentale que la première, serait ratifiée selon un mode simplifié, se rapprochant du mode de révision des constitutions nationales.

Autre point-clé des propositions françaises : la consolidation du triangle institutionnel constitué par le Conseil, le Parlement et la Commission. On pourrait certes imaginer d'autres modèles que celui qui s'est progressivement mis en place, voire spontanément s'agissant du Conseil, depuis cinquante ans. Si nous devions faire table rase de l'acquis communautaire institutionnel, ce qui serait une erreur, ce ne pourrait être que pour mettre en place un véritable gouvernement européen, une sorte de super-Etat que même les pays les plus fédéralistes ne sont pas prêts à accepter, du moins aujourd'hui.

Les propositions de la France sont simples. Nous souhaitons renforcer le Conseil européen en donnant plus de visibilité et de cohérence à son action. Nous souhaitons renforcer la Commission en préservant ses prérogatives et en consolidant sa capacité d'anticipation des évolutions de la construction européenne. Nous souhaitons enfin renforcer le caractère démocratique de l'Union grâce à davantage de codécision pour le Parlement européen, à une meilleure association des Parlements nationaux et une meilleure garantie des droits des citoyens.

Le Conseil européen doit être l'acteur clé en matière de politique étrangère. C'est dans ce but que le Président de la République a proposé de le doter d'un président à temps plein, élu, éventuellement à la majorité qualifiée, et pour une durée suffisamment longue. Ce dernier présiderait le conseil « Affaires générales », qu'il recentrerait sur ses missions transversales. Il serait assisté d'un ministre des affaires étrangères qui reprendrait les fonctions actuelles du Haut représentant de la PESC et du commissaire chargé des relations extérieures, ce qui serait gage de meilleure coordination. Ce ministre des affaires étrangères présiderait le conseil « Relations extérieures ». Reste à réfléchir à l'articulation entre le Conseil, son président, son ministre des affaires étrangères et la Commission. Cette articulation qui ne peut reposer sur les schémas nationaux de la séparation des pouvoirs est essentielle à la réalisation des objectifs politiques de Union, qui exige bien entendu des moyens budgétaires appropriés.

Il est également fondamental, - et sur ce point nous rencontrons un écho chez la plupart de nos partenaires - d'avancer dans la construction d'un espace européen de sécurité, de justice et de liberté. Il faut doter l'Union des mécanismes nécessaires pour éviter que les frontières ne fassent qu'entraver l'action des policiers et des juges alors que les criminels, eux, peuvent circuler librement, sans crainte d'être poursuivis d'un pays à l'autre. Il est en outre temps de doter l'Europe d'une politique commune en matière d'immigration.

Reste aussi à progresser en matière de gouvernance économique, ce qui suppose, au-delà de la simple gestion économique et financière, de prendre en compte les objectifs sociaux de l'Union. Pour parvenir à une meilleure harmonisation des politiques économiques des pays membres, la France continue de demander que le vote à la majorité s'applique à certaines questions, comme la fiscalité de l'épargne, voire celle des sociétés ; c'est très important pour éviter des délocalisations. Membre de l'Eurogroupe, la France souhaite naturellement que les mécanismes institutionnels en soient renforcés. Enfin, elle estime nécessaire d'améliorer la représentation de l'Europe dans les institutions économiques et financières internationales.

L'Europe enfin réunifiée ne pourra vivre qu'avec des institutions rénovées. Un problème demeure, qui eût dû être posé en premier lieu : comment mieux associer nos concitoyens à ce nouveau projet ? Les Français, selon certains sondages, seraient les plus réservés à l'égard de l'élargissement. Réservés, ou bien trop peu informés et sensibilisés ? Leur faire comprendre la portée du grand projet de la réunification de l'Europe est de notre devoir à tous, nous, les responsables politiques. Quand de nouvelles menaces nous obligent à renforcer notre cohésion nationale, nous nous sentons dans la même obligation de renforcer la cohésion, la stabilité et la sécurité de l'Europe. C'est dans ce but que, en liaison avec le Premier ministre, je suis en train de définir les thèmes et les modalités d'une large campagne d'information à travers tout le pays, que le Premier ministre lancera lui-même en novembre. Nous nous appuierons sur les initiatives locales car c'est d'elles que pourra naître l'enthousiasme que mérite la construction de la nouvelle Europe.

Au cours de tous mes déplacements, dans les pays membres comme dans les pays candidats, j'ai d'ores et déjà tenu à associer des parlementaires nationaux et européens, afin de faire mieux encore entendre notre voix auprès de nos partenaires. Cette volonté de transparence et d'association du Parlement à la conduite de notre politique européenne répond à un souci de démocratisation du débat européen et est très appréciée. D'où l'importance aussi de mon dialogue permanent avec la Délégation à l'Union européenne et du vote d'aujourd'hui sur la contribution française au budget de l'Union (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - L'effort financier consenti par la France au bénéfice des Communautés européennes s'est considérablement accru depuis une dizaine d'années. Il atteindra 15,8 milliards d'euros en 2003, soit 6,3 % des recettes fiscales nettes du budget général, en nette augmentation après deux ans où il était resté stable.

L'ampleur de cette progression ne tient pas à une brutale augmentation des dépenses de l'Union en 2003. En effet, le projet de budget communautaire ne prévoit qu'une hausse de 0,9 % des crédits d'engagements et de 1,4 % des crédits de paiement.

Cette forte croissance du prélèvement tient en premier lieu au faible niveau d'exécution du budget communautaire en 2001 ; l'excédent de 15 milliards d'euros a permis alors de moins faire appel aux contributions nationales. L'excédent pour 2002 devant être ramené à 8 milliards d'euros, il est nécessaire de revoir la contribution des Etats pour 2003.

S'agissant des dépenses, le projet de budget adopté par le Conseil en 2003 répond à l'objectif de modération indispensable pour faire face à l'élargissement. Le projet de résolution adopté par notre assemblée cet été après examen de l'avant-projet de budget y insistait. Le Conseil a donc ramené à 1,3 % la hausse des crédits de paiement par rapport à 2002, alors que le la Commission proposait 22,7 %. Cette rigueur est équitablement répartie. Pour les dépenses agricoles - 46 % du total - le Conseil a veillé à augmenter substantiellement la marge sous plafond des perspectives financières pour pouvoir faire face à une crise éventuelle. Les crédits de paiement, en hausse de 1,3 %, sont affectés au financement de trois priorités : la dernière étape de la réforme de la PAC, l'application de la réforme des secteurs ovin et caprin, le soutien aux secteurs touchés par la contraction des exportations - avant tout le secteur céréalier. Ainsi, comme il est nécessaire, on conforte bien la PAC avant toute remise en cause de ses fondements et de ses principes.

M. Jacques Myard - Très bien !

M. le Rapporteur général - Les crédits des actions internes et externes restent stables. Pour les premières, le Conseil a défini des priorités, notamment la recherche avec le programme « Europe de la connaissance ». Pour les dépenses extérieures, il a veillé à ménager une marge susceptible de faire face à une crise internationale en 2003. Les crédits affectés aux programmes de reconstruction de l'Afghanistan progressent de 81 millions d'euros.

Le débat porte surtout sur les dépenses administratives. La Commission proposait une hausse de 5,2 % pour préparer l'élargissement. Dans notre résolution de cet été nous rappelions que celui-ci serait d'autant plus réussi qu'on maîtriserait ces dépenses. Dans cet esprit, le Conseil a maintenu l'augmentation dans la limite du plafond des perspectives pluriannuelles, soit 3,5 %.

Nous nous étions aussi inquiétés cet été de la sous-consommation des dépenses des fonds structurels et des aides de pré-adhésion - dont les taux d'exécution, respectivement de 71 % et 65 % en 2001, expliquent en grande partie le solde excédentaire du budget communautaire. Les crédits non consommés sont restitués, mais cette situation traduit des problèmes structurels inquiétants. D'autre part, le « reste à liquider » est évalué à 16,7 milliards d'euros pour la programmation antérieure à 1999 et à 33 milliards - fin 2001 - pour la programmation 2000-2006.

Le Conseil a limité à 2,8 % la progression des crédits de paiement des fonds structurels en 2003, et réduit de 1,5 % le montant des crédits de paiement pour les aides de pré-adhésion. Il a également pris des mesures structurelles. Ainsi, à partir du 31 décembre 2002 seront annulés d'office les engagements n'ayant pas fait l'objet d'une demande de paiement recevable à l'issue de la deuxième année suivant l'engagement. Il est vrai que la faiblesse des crédits engagés tient souvent à la lourdeur des procédures. Je salue donc les efforts du Gouvernement pour les simplifier par les circulaires des 15 juillet et 9 août 2002.

La forte croissance du prélèvement tient en second lieu à la nouvelle décision sur les ressources propres, entrée en vigueur au 1er mars 2002, selon laquelle la ressource PNB représente désormais 60 % de l'ensemble, alors que le taux d'appel maximal de la ressource TVA est ramené de 1 % en 2001 à 0,5 % à partir de 2004. En outre, la participation de l'Allemagne, de l'Autriche, des Pays-Bas et de la Suède au financement de la « correction » britannique est réduit. De ce fait, la France qui aurait financé 16,8 % du budget communautaire pour 2003 selon l'ancien système, le fera pour 17,3 %. Elle devient ainsi le deuxième contributeur, avec 16,8 milliards d'euros derrière l'Allemagne qui en verse 22 milliards.

Mais n'oublions pas, cela dit, que la France a été en 2000 le premier bénéficiaire des dépenses européennes, dont elle a reçu 15,4 % contre 12,8 % à l'Allemagne et 10 % au Royaume-Uni. Les crédits dépensés en France au titre du FEOGA-garantie ont atteint cette année-là 7,5 milliards d'euros et les crédits au titre des fonds structurels 2,5 milliards.

Mais il ne faut pas s'en tenir à ces calculs, qui relèvent d'une logique du I want my money back. La France est l'un des premiers contributeurs nets de la Communauté, mais le solde financier ne rend nullement compte des bénéfices qu'elle tire de sa participation, ne serait-ce que du point de vue économique.

Sous le bénéfice de ces quelques observations, la Commission a adopté l'article 33 et vous demande de faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères - Depuis une dizaine d'années, nous examinons dans un article spécifique la contribution française au budget de la Communauté, lequel est présenté - en principe - en équilibre, est intégralement financé par des ressources propres et répond à une volonté de stricte maîtrise des dépenses.

Définissant les perspectives financières 2002-2006 au sommet de Berlin en 1999, le Conseil européen a plafonné les ressources à 1,27 % du PNB des Etats membres. À cette limitation s'ajoute en fait la sous-consommation des crédits en 2001 et 2002 - en particulier pour les actions structurelles et les aides de pré-adhésion.

La participation de la France au budget communautaire de l'an prochain est évaluée à 15,8 milliards d'euros, en progression de 8 % par rapport à l'évaluation révisée pour 2002. Elle représenterait ainsi 1,01 % du PNB communautaire et 17,3 % du budget de l'Europe, au deuxième rang derrière l'Allemagne qui contribue pour 23 %. En 2000, la France était le quatrième contributeur net derrière l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas.

Pour 2003, ce prélèvement communautaire est assuré pour moitié par la ressource PNB et pour plus d'un quart par la ressource TVA. Selon le nouveau système des ressources propres, la seconde continuera à diminuer au profit de la première, ce qui conduira en 2003 à une augmentation de 0,5 % de la contribution française.

Ces 15,8 milliards d'euros contribuent actuellement à financer la PAC, les actions structurelles, les politiques internes, les actions extérieures et les dépenses de fonctionnement des institutions communautaires. En 2004, avec l'élargissement à dix nouveaux pays, 80 millions d'habitants supplémentaires espèrent profiter des mécanismes communautaires pour améliorer leur situation.

Or, malgré les efforts accomplis, leur niveau de développement et de richesse reste très inférieur. Le PIB par habitant de Chypre équivaut à celui de la Grèce, et celui de la Slovénie atteint 60 % de la moyenne des Quinze, mais pour les pays candidats pris globalement, ce niveau n'est que de 40 % et, avec respectivement 7 700 euros et 8 700 euros de PIB par habitant, la Lettonie et la Lituanie n'atteignent même pas ce pourcentage.

À terme, si l'on continuait à appliquer les mêmes mécanismes dans une Europe à vingt-cinq, la contribution des quinze membres actuels augmenterait en raison de cette différence de richesse globale et de l'importance du secteur agricole dans les pays candidats.

Les Quinze, qui se sont engagés dans une politique de maîtrise rigoureuse des dépenses de l'Union et dont la croissance économique est désormais modeste, n'ont plus qu'une faible marge de man_uvre, d'où la difficulté de cet exercice budgétaire.

Il faudra donc à la fois opérer des choix et nous préparer à reconsidérer certains principes. Par exemple, en application du nouveau système de ressources propres, la contribution relative de la France va s'accroître dans les années qui viennent, cependant que nous continuerons à financer ce qu'on appelle le « chèque britannique ». Le Royaume-Uni, on le sait, a demandé l'application d'une correction pour le calcul de sa contribution financière, et il a obtenu depuis 1984 le remboursement des deux tiers de leur contribution nette. Ce remboursement est financé par les Etats membres, et en particulier par la France, depuis qu'au Conseil européen de Berlin, l'Allemagne, l'Autriche, la Suède et les Pays-Bas ont obtenu une réduction de leur contribution au « chèque ». Pour 2003 la France financera la correction britannique à hauteur de 30 %, soit 1,5 milliard d'euros. Cette situation ne saurait perdurer dans une Europe élargie (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Par ailleurs la sous-consommation des crédits, et l'existence d'un solde budgétaire positif de 15 milliards d'euros en 2001, peuvent signifier une croissance maîtrisée de la dépense communautaire. Mais elles conduisent à s'interroger sur l'efficacité de certains mécanismes d'aide. Souvent ces aides ne peuvent être attribuées en raison des difficultés que rencontrent certains élus pour les obtenir au profit de leurs projets.

A terme, nous ne pourrons faire l'économie d'une réflexion sur l'ensemble des actions que l'Union européenne pourra financer dans une Europe élargie. Il ne s'agit pas, bien sûr, de suggérer aujourd'hui des positions définitives ; mais nous devons être déjà conscients que le niveau actuel de notre prélèvement communautaire, et celui du budget de l'Union, pose le problème de la politique agricole commune étendue à vingt-cinq pays, et celui de leur accès aux fonds structurels. Une fois l'élargissement réalisé - car nous nous refusons à établir un lien préalable entre cet élargissement et la réforme de la PAC ou des fonds structurels - nous ne pourrons nous dispenser d'une réflexion générale sur l'Europe que nous voulons construire à vingt-cinq, et peut-être un jour à trente.

M. Jacques Myard - Très bien !

M. le Président de la commission des affaires étrangères - L'élargissement suscite des inquiétudes dans les opinions publiques. Le référendum sur la ratification du traité de Nice, qui aura lieu dans quarante-huit heures en Irlande, et auquel nous souhaitons une réponse positive, le montre bien. Nous devons réaffirmer l'importance historique de la construction de ce nouvel espace de paix et de sécurité qu'est l'Europe. Face à la montée de certains égoïsmes, l'élargissement ne peut se réduire à un calcul économique, même s'il doit nous conduire à réfléchir sur les choix à faire - car à long terme on ne saurait transposer intégralement à vingt-cinq membres l'ensemble des mécanismes applicables aujourd'hui aux Quinze. Préparons-nous à y réfléchir et à en discuter.

L'élargissement est une nécessité morale et politique à laquelle nous adhérons pleinement. Mais soyons conscients qu'il faudra débattre de ses conséquences sur tous les plans. C'est avec ces observations que je vous suggère, au nom de la commission des affaires étrangères, d'adopter l'article 33 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances - Dans son rapport annuel, la Cour des comptes européenne souligne, comme chaque année, quelques erreurs substantielles, des manquements, ainsi que la lourdeur des procédures, qui met en cause les Etats dans le suivi de la gestion. La France, à cet égard, est particulièrement visée, car elle impose un passage systématique des dossiers par le niveau central parisien, qui ajoute aux critères européens les siens propres ; à quoi s'ajoutent d'autres strates issues de l'espace régional... L'effet est désastreux pour l'efficacité des politiques, et allonge les délais de paiement.

La Cour insiste sur la nécessité de mettre en place des systèmes de contrôle, pour le respect des réglementations communautaires et pour la bonne gestion budgétaire. Souvent, aux yeux des ayants droit français, l'Europe est synonyme de lourdeur et de retard : mais bien souvent c'est de notre responsabilité plus que de la sienne...

En ce qui concerne toutefois la protection des intérêts financiers de l'Union, on constate une diminution des fraudes et des irrégularités constatées, grâce aux procédures nouvelles. Le nombre des cas est passé de 6 782 à 5 782, pour un montant global de 730 millions d'euros contre 1 285 précédemment. C'est un progrès qu'il faut souligner. Mais, au-delà de ces chiffres, Madame la ministre, la commission des finances souhaite de plus amples informations sur ce qui se passe dans les autres pays.

Les membres de la commission se sont interrogés sur la nature et l'efficacité des dispositifs, et sur la manière dont les vérifications sont menées. Nous nous sommes aussi inquiétés du taux de consommation des fonds structurels. Nous vous demandons de nous fournir, par région et par Etat, le niveau des paiements. Les commissaires souhaitent également être informés des règles de cumul des aides, tant communautaires que nationales, ainsi que des conséquences du plafonnement des aides et des taux sur les choix des participations des diverses collectivités. Quant aux sanctions financières prises à la suite de contrôles, quelles sont les mesures qui permettraient d'être plus efficace dans l'instruction des dossiers, afin d'éviter les fraudes, mais aussi la non-consommation des crédits ?

Enfin, avant l'élargissement, il semble nécessaire de clarifier et d'appliquer des règles identiques sur tout le territoire de l'Union européenne. Cela pose la question de la création - ou non - d'un impôt européen.

Pour 2003, la France participera pour 15,8 milliards d'euros au budget de l'Union, qui devrait s'élever à 97 milliards d'euros en crédits de paiement. Le prélèvement de l'article 33 est en recul de 6,5 % sur le montant de 16,9 milliards d'euros inscrit en loi de finances initiale pour 2002, mais supérieur aux 14,6 milliards d'euros estimés en loi de finances rectificative - qui deviendront 13,9 milliards après la restitution liée au coût des frais de perception. Les écarts entre prévisions et exécution évoluent chaque année en fonction du solde de l'année précédente, solde lié à la surestimation des besoins, avec une sous-consommation des crédits et une surestimation des recettes.

Le cadre financier établi en 1999 à Berlin a fixé de nouvelles règles pour les ressources propres, qui se sont substituées aux contributions étatiques. Ainsi les crédits de paiement représenteront, l'an prochain, 1,01 % du PNB communautaire. Ils répondront à la montée en puissance - nous l'espérons - des actions structurelles, aux aides de préadhésion et à la PAC. Le montant des dépenses restera néanmoins en deçà des plafonds autorisés.

La France restera en 2003 un contributeur net à hauteur de 17,7 %, pour un solde moyen annuel de 1,5 milliard d'euros. Mais en 2000, du fait de la sous-exécution budgétaire, le solde était de 2,4 milliards d'euros, et il pourrait atteindre 3,14 milliards en 2001. Ce constat pose la question de la capacité de l'Union à développer des actions efficaces et innovantes. Il illustre en tout cas la lourdeur des procédures cumulées de l'Union et de la France.

La part de l'agriculture augmente de 1,3 % pour s'établir à 44,83 milliards d'euros. La PAC représentera un effort de 40,1 milliards, et le développement rural progresse de 2,2 % pour atteindre 4,7 milliards. Sur la PAC, la France semble actuellement s'opposer à une réflexion à mi-parcours. Cette position risque de fragiliser notre capacité à faire prendre en compte, pour l'avenir, les besoins de nos agriculteurs. Elle risque surtout de radicaliser l'attitude de nos partenaires face aux dépenses agricoles. Je pense en particulier aux quotas laitiers. Nous venons toutefois d'entendre M. le président de la commission des finances émettre un avis plus prudent que le « non » prononcé voici quelques semaines.

En 1984 ou en 1986, rares étaient les défenseurs des quotas laitiers ; aujourd'hui, les producteurs exigent des parlementaires la défense de ces quotas... Que deviendront-ils si l'on ne s'inscrit pas dans une dynamique de dialogue, si l'on ne se donne pas les moyens d'anticiper des échéances qui, de toute façon, peuvent être dramatiques ? On donne à l'Europe je ne sais quel visage de père fouettard... Décriés à leur origine, les quotas sont aujourd'hui considérés comme vitaux par nos producteurs. Demain, dans une Union élargie, qu'en sera-t-il de notre capacité de négociation ?

Surdotées financièrement, les actions structurelles peinent à trouver leur vitesse de croisière. De ce fait, la ligne est réduite de 525 millions d'euros. La création d'un fonds de solidarité devrait permettre à l'Union d'intervenir en cas de catastrophe majeure, naturelle ou environnementale, - les catastrophes technologiques ayant été écartées de ces aides. Ces dernières s'élèveraient à 500 millions d'euros en 2002, et pourraient passer à un milliard dès 2003. Mais des critères assez sévères ont été établis pour éviter les dérapages, et l'éligibilité est encore en discussion.

Les politiques internes bénéficieront d'engagements en progression de 1,8 %, mais les crédits de paiement diminuent de 0,7 %. La priorité semble donnée à la recherche et aux réseaux transeuropéens.

Pour les actions extérieures, les crédits consacrés au développement sont en diminution. La part du FED passe de 90 % en 1990 à 75 % en 2003. Les pays les moins avancés sont moins aidés, en raison de certains choix stratégiques : les Balkans et les pays méditerranéens concentrent 34 % des crédits, par ailleurs en baisse de 11 millions d'euros. Cette évolution est inquiétante et dangereuse. De plus, il devient urgent de coordonner aides européennes et actions nationales.

L'administration, quant à elle, est dotée de crédits en hausse de 277 millions d'euros pour préparer l'élargissement. Les aides à la préadhésion sont cohérentes avec le rythme de consommation constaté, mais très en retrait par rapport aux estimations initiales. En 2001, le taux de consommation n'était que de 61 %. Enfin, le « reste à liquider » s'élève à 15 milliards d'euros en 2001.

La commission des finances a donné à l'unanimité un avis favorable à l'adoption de l'article 33, tout en observant que le rythme de consommation, particulièrement lent, des fonds structurels fait peser sur la France le risque d'un dégagement d'office au 31 décembre. Nous souhaitons donc que des mesures soient prises pour éviter que l'enveloppe attribuée à la France soit réduite de façon importante. Je souscris enfin à tout ce qui a été relevé sur les difficultés rencontrées pour utiliser ces crédits - la situation est particulièrement dramatique dans les DOM-TOM (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe UMP).

M. Roland Blum, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères - Le Conseil de l'Union européenne a adopté en première lecture, le 19 juillet 2002, le projet de budget communautaire pour 2003, qui s'établit à 99,5 milliards d'euros en crédits d'engagement et 97 milliards en crédits de paiement. La Commission européenne avait proposé, dans son avant-projet, une croissance dynamique des lignes budgétaires pour les actions structurelles et les politiques internes ; elle n'a pas été suivie par le Conseil. La dissension la plus marquante tient à la préparation de l'élargissement traduite en dépenses de personnel. La Commission avait demandé des recrutements, ce qui lui a été refusé par le Conseil : à raison d'ailleurs, car plus de 700 postes avaient été créés les deux années précédentes.

Notre Assemblée avait adopté, le 25 juillet dernier, une résolution sur l'avant-projet de budget des Communautés pour 2003. Elle avait exprimé le souhait que la diminution des marges sous plafond des perspectives financières soit consacrée à l'amélioration des politiques communes. Or, il n'y a pas eu de diminution des marges, mais une augmentation de celles-ci dans la rubrique agricole, dans celle des politiques internes et celle des actions extérieures.

L'augmentation de la marge de la rubrique agricole se comprend, près de 2 milliards d'euros n'ayant pas été consommés. Mais la stagnation des politiques internes est inquiétante. Des projets existent, notamment dans le domaine des réseaux de transport et d'énergie en direction des pays candidats. Le budget communautaire ne pourrait-il pas soutenir davantage la politique des transports, compte tenu des déficiences qu'on observe dans les infrastructures des pays qui vont nous rejoindre ? Il serait souhaitable que l'Union puisse promouvoir de nouvelles actions, afin d'éviter la stagnation des dépenses et la croissance de la marge disponible.

S'agissant des actions structurelles, le Conseil a diminué de plus de 500 millions d'euros la dotation en crédits de paiements de la rubrique 2. Cette diminution est la conséquence du très mauvais rythme de consommation des crédits de paiement depuis l'année 2000. Cette sous-consommation est un phénomène consternant pour les élus. À cet égard, plusieurs membres de la commission des affaires étrangères ont évoqué lors de votre audition, Madame la ministre déléguée, les difficultés qu'ils rencontrent pour inscrire un projet dans la programmation européenne. Le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures le 15 juillet dernier, et de nouvelles procédures sont à l'expérimentation, ce dont je vous félicite.

L'autre domaine dans lequel des retards de consommation sont à déplorer est celui des actions extérieures, mais on ne saurait critiquer les pays bénéficiaires de programmes pour les retards de consommation. Celle des aides de préadhésion connaît aussi des retards par rapport aux prévisions. Le problème est un peu différent, dans la mesure où les gouvernements des pays bénéficiaires ont dû créer leurs propres circuits de gestion de l'aide. Ces circuits étant à présent en place, on peut espérer que leur capacité d'absorption s'améliore.

La contribution française s'élève à 15,8 milliards d'euros, en hausse de 8 % par rapport à la prévision d'exécution du prélèvement sur recette pour 2002. La France est au quatrième rang des contributeurs nets pour l'année 2000 ; elle est toujours le deuxième bénéficiaire de la dépense communautaire.

Nous savons cependant que la mise en _uvre progressive du nouveau système de ressources propres adopté en 2000 et les dépenses liées à l'élargissement vont peser sur la contribution française dans les prochaines années.

En 2003, en effet, s'ouvrira la réflexion sur la nouvelle réforme des ressources propres : notre pays doit y prendre part avec détermination pour contribuer à établir un système plus équitable et plus lisible. Il me paraîtrait contestable de pérenniser la correction britannique, qui date de 1984, alors que la situation britannique a beaucoup évolué et qu'on s'apprête à intégrer au sein de l'Union des pays dont le revenu intérieur brut est faible.

D'autres évolutions sont inéluctables, dans le financement de la PAC par exemple. Notre pays doit engager une réflexion sur cette question, afin d'être une force de proposition et non de blocage. Cette réflexion devra inclure l'évolution de la politique agricole après 2006 et le rôle qu'on veut lui donner, ainsi que les nouvelles priorités en ce qui concerne le développement régional de l'Union élargie. Elle devra, à mon sens, inclure l'hypothèse d'une progression du budget communautaire, si on veut que celui-ci demeure un outil de cohésion économique et sociale.

La commission des affaires étrangères a été particulièrement attentive à l'augmentation des crédits de la politique extérieure et de sécurité commune et aux efforts faits par le Gouvernement pour préparer l'élargissement. En effet, le Conseil a augmenté préventivement la dotation de la PESC : il a porté ses crédits à 47 millions d'euros, alors que 30 millions d'euros sont consommés annuellement. Une partie de cette rubrique financera la première opération civile de gestion des crises dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense : il s'agit de la mission de police de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine, qui doit assurer la relève du groupe international de police des Nations unies à partir du 1er janvier 2003.

Les négociations sur l'élargissement deviennent plus aiguës s'agissant de la question du paquet financier, c'est-à-dire du financement de cet élargissement. À cet égard, les Etats membres devront, avant le Conseil européen de Copenhague, répondre à des questions difficiles. Quel système d'aides directes aux agriculteurs des nouveaux Etats membres ? Comment éviter que ces Etats soient contributeurs nets dès leur adhésion, ce que ni leurs gouvernements, ni leurs citoyens ne sont encore prêts à accepter ?

Mais ces questions ne doivent pas occulter que l'élargissement, auquel la Commission a donné son feu vert, représente une chance historique pour le continent européen. Je m'associe aux efforts du Gouvernement pour informer les citoyens, dont beaucoup restent inquiets. Faut-il rappeler que l'intégration économique a commencé il y a dix ans, avec la signature des accords de partenariat et d'association grâce auxquels le libre échange des produits industriels est déjà effectif ? Les entreprises françaises se sont très bien implantées dans les pays candidats, à partir desquels elles gagnent de nouveaux marchés dans la CEI ou même en Asie. La France est devenue l'un des premiers investisseurs dans ces pays. En Slovénie, où je me suis rendu récemment, Renault est devenu le premier employeur du pays.

C'est pourquoi le Gouvernement a raison d'être favorable à une compensation financière pendant les premières années de l'élargissement.

La commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 33 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne - On cherche trop souvent à surévaluer le coût de l'Europe : en fait, il s'élève à 100 milliards d'euros pour 380 millions d'habitants, soit 263 euros seulement par habitant. En 2003, l'effort financier de la France sera de 15,8 milliards d'euros, soir 8 % d'augmentation, comparée à 1,4 % d'augmentation de crédits de paiement pour le budget de l'Union.

Cette situation paradoxale fait suite à l'accord de Berlin de 1999. Les nouvelles modalités allègent le fardeau de l'Allemagne, des Pays-Bas, de l'Autriche et de la Suède, au détriment de la France. Mais si la France est contributeur net, elle reste le premier pays bénéficiaire des dépenses agricoles, qui représentent la moitié du budget communautaire, et le deuxième destinataire des dépenses globales de l'Union.

L'Allemagne, suite à cet accord, améliore sa position en pourcentage du PNB mais reste le premier contributeur. Le Royaume-Uni est devenu bénéficiaire net, pour la première fois depuis 1984, avec une progression exceptionnelle de la correction britannique décidée à Berlin : 7,3 milliards d'euros en 2001 contre 3,4 en 2000. Même s'il est maladroit de l'envisager aujourd'hui, alors que Tony Blair évoque la possibilité de l'entrée de la Grande-Bretagne dans l'euro, cette correction britannique devra un jour être rediscutée.

M. René André - Le plus tôt sera le mieux !

M. le Président de la délégation - Sur les dépenses, le projet qui nous est présenté apparaît, en dépit de quelques lacunes, rigoureux et équilibré.

Comme notre Délégation l'avait souhaité le 9 juillet dernier, le Conseil a renforcé la marge sous plafond des dépenses agricoles, pour faire face à une éventuelle crise. Suite aux propositions du commissaire Fischler, notre Délégation a réaffirmé notre soutien aux fondements de la PAC et à l'Agenda 2000. Soyons clairs : sur le fond, ces propositions méritent notre examen, mais la forme était inacceptable : il n'est pas admissible que, lors d'une réunion conjointe de la commission des affaires économiques et de la Délégation, M. Fischler ne s'estime pas tenu par le calendrier fixé par le Conseil européen de Berlin. C'est là une fausse interprétation de l'indépendance de la Commission. Quant à la réforme de la politique commune de la pêche, la Commission a proposé un financement supplémentaire de 32 millions pour la destruction des navires de pêche.

La Délégation a décidé de maintenir la réserve sur cette lettre rectificative au budget, et ce pour deux raisons. Une raison de fond : ce projet ignore la fonction socio-économique de la pêche. Une raison de forme : le Conseil « pêche » étant fixé le 27 novembre, nous souhaitons disposer d'ici là du rapport d'information de Didier Quentin.

En revanche, on impute à tort à Bruxelles les retards constatés dans l'exécution des fonds structurels en France. Les règles communautaires sont pourtant les mêmes pour tous les Etats membres. Sur les 16 milliards d'euros mis à disposition de la France pour la période 2000-2006, seuls 15 % de ces crédits sont actuellement programmés, contre 30 % en Espagne et 60 % en Allemagne. Saluons donc les décisions du gouvernement Raffarin destinées à stimuler les projets d'accès aux fonds structurels européens, et à simplifier les procédures administratives.

Enfin, notons que la politique extérieure et de sécurité commune ne doit son existence qu'à une volonté commune qui manque cruellement. Je le déplore.

M. Jacques Myard - Pas moi !

M. le Président de la délégation - Les moyens sont insuffisants et les procédures trop longues. Ainsi, les 60 millions d'euros supplémentaires pour la reconstruction de l'Afghanistan sont encore incertains. De même, le Parlement européen n'a toujours pas donné son accord aux 12 millions nécessaires à la mise en place de la mission de police en Bosnie.

Malgré les catastrophes naturelles survenues notamment en Allemagne et en Europe centrale, mais aussi en France, les discussions traînent encore sur la création d'un fonds « Catastrophes naturelles » de 1 milliard d'euros.

MM. Solana, Nielson et de Boissieu affirment donc à juste titre qu'il faut simplifier les procédures et donner des moyens sérieux à la PESC.

Ce budget sera le dernier avant l'élargissement. Après cinquante ans de communisme à l'est, avec ses millions de victimes, après 50 ans de peuples séparés par Yalta, la France, pays des Droits de l'homme, se doit d'accueillir les nouveaux membres dans l'Union.

M. Jacques Myard - Très bien.

M. le Président de la délégation - L'élargissement s'inscrit dans l'esprit de la réconciliation franco-allemande voulue par les Pères fondateurs, celui de la paix. Il est regrettable que certains responsables français se montrent si réticents sur ce sujet. Il faut cesser d'encourager les égoïsmes et d'agiter les peurs.

Le coût de l'élargissement est faible au regard de l'enjeu historique, et n'implique pas une augmentation du plafond des ressources de l'Union de 1,27 % du PIB. D'ailleurs, les accords internationaux entre la communauté et ces pays ont montré qu'ils profitaient plus à nos exportations qu'aux leurs.

Après avoir engagé des réformes courageuses, ces pays sont en mesure, dans de nombreux domaines, d'appliquer la législation communautaire. La Commission européenne recommande l'achèvement des négociations pour la fin 2002.

Même si des harmonisations se poursuivent en 2003, l'échéance de 2004 sera respectée. Dans ce contexte, un « non » irlandais au Traité de Nice serait très grave.

Enfin, l'Europe vit des heures historiques, avec la Convention présidée par Valéry Giscard d'Estaing, dont les travaux avancent très concrètement.

Des quasi-consensus se dégagent déjà sur le principe d'une Constitution, sur la personnalité juridique de l'Union, sur l'intégration de la Charte dans la future Constitution et sur le contrôle du principe de subsidiarité. L'idée d'un Président du Conseil européen, lancée par Jacques Chirac, est aujourd'hui reprise par l'Espagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, et récemment par le nouveau chancelier allemand.

Il est urgent de donner aujourd'hui un « visage » à l'Europe pour accroître sa légitimité et sa crédibilité. La désignation par le Conseil européen d'un ministre des affaires étrangères de l'Union placé auprès du Président de l'Europe et présidant le Conseil des ministres des affaires étrangères serait un complément souhaitable.

Parallèlement, le Parlement européen devra être renforcé dans sa double fonction de législation et de contrôle, notamment en matière budgétaire.

Réfléchissons aussi à une meilleure association des Parlements nationaux à la construction européenne. Un Congrès des peuples d'Europe, réunissant des représentants des Parlements nationaux et du Parlement européen, devra participer à la désignation du Président de l'Europe et débattre chaque année sur les grandes orientations de celle-ci.

Avec l'élargissement et l'élaboration d'une Constitution, l'Europe aborde une phase déterminante de son histoire. Plusieurs échéances importantes arrivent : référendum irlandais du 19 octobre, ratification des traités d'élargissement, référendum britannique éventuel sur l'euro, élections au Parlement européen, négociations commerciales internationales, définition des perspectives financières 2007-2013, débat sur les politiques communes agricole et régionale. Il faut donc se préoccuper davantage de l'Europe car si elle a fait des avancées spectaculaires, la dernière étant l'euro, elle n'y a que peu associé le citoyen européen. Pour être mieux comprise, l'Europe doit se bâtir pour et avec le citoyen (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Claude Sandrier - L'augmentation du montant de la contribution de la France au budget européen semblait être un acquis. Or elle subit en 2003 une baisse de 1 milliard d'euros soit 6,3 %, par rapport à la loi de finances initiale de 2002.

Ce revirement est d'autant plus incompréhensible que la France est l'un des principaux bénéficiaires des dépenses de l'Union européenne et que l'élargissement de l'Union nécessite une forte mobilisation de moyens.

N'y a-t-il pas là une conception réductrice de la France dans l'Europe, et une remise en cause de l'ambition du projet européen, et surtout, n'est-ce pas la porte ouverte à une baisse des soutiens européens ?

Au final, le budget européen pour 2003 s'avère conformiste et incapable d'insuffler un nouvel élan à l'Europe. Le conformisme budgétaire apparaît à travers la première place accordée aux dépenses du secteur agricole, dont l'importance se trouve justifiée par la décision des Etats-Unis d'augmenter les subventions aux agriculteurs. Cette voie ne peut faire l'économie d'une réflexion sur la PAC. Rien n'a été tranché : libéralisation ou subventions ? Ne vaudrait-il pas mieux redéfinir de nouveaux principes directeurs à la production agricole européenne, dans la logique du développement durable, plutôt que s'orienter dans la voie d'une libéralisation dont les Etats-Unis nous donnent un si magistral contre-exemple !

Par ailleurs, la discipline budgétaire est devenue un dogme. La conception de l'interventionnisme public s'en ressent : l'intérêt général national et européen se résume de plus en plus à un strict minimum.

Ainsi, dans sa présentation de l'avant-projet de budget pour 2003, la Commission européenne a mis en avant trois priorités : préparation de l'élargissement, consolidation d'une aire de stabilité économique et politique, et développement de la cohésion économique et sociale.

Or, l'Europe ne s'est pas donnée les moyens de ses prétentions ! Elle doit prendre la mesure des problèmes auxquels elle est déjà confrontée : récession économique grandissante ; situation internationale lourde, notamment du fait de l'attitude des Etats-Unis ; un élargissement à l'Est qui risque de modifier certains équilibres au sein de l'Union européenne ; la nécessité d'accroître les aides alimentaires et humanitaires, et de renforcer les coopérations nationales indispensables à l'équilibre du monde.

Alors que la France et l'Europe sont au c_ur d'une crise économique et sociale, le projet de budget européen ne met en place aucune politique de relance digne de ce nom. Il faudra, tôt ou tard, imaginer d'autres sources de financement, telles que la taxe Tobin, l'extension de l'ISF, ou la taxation des activités financières.

La question de la pertinence du pacte de stabilité est posée. Le recul de la Commission européenne sur cette question, et les difficultés de la France et de l'Allemagne à respecter leurs engagements, posent le problème de l'opportunité et de la crédibilité des limitations strictes des déficits budgétaires.

Il ne s'agit pas de créer des déficits supplémentaires, mais de renforcer des critères de convergence qui riment avec « toujours plus pour les marchés financiers, toujours moins pour les services publics ».

Cet effort doit se traduire par un redéploiement dans le domaine des grandes infrastructures. Il est temps de lancer une politique européenne de grands travaux - d'autant plus que l'effort en faveur des réseaux trans-européens reste en deçà de ce qu'il devait être. Pas un signe, pas un mot sur un éventuel emprunt consacré au développement de l'emploi et à l'amélioration de la justice sociale - malgré les effets d'annonce de la Commission.

L'Union européenne doit se doter d'une politique de sécurité autonome, apte à jouer un rôle qui ne soit pas calqué sur les intérêts des Etats-Unis, notamment au Moyen-Orient.

Ce budget est-il à la hauteur de l'élargissement historique de la Communauté européenne ? Prépare-t-on au mieux l'adhésion des pays candidats ? On ne peut qu'être stupéfait par la baisse des aides qui leur sont allouées, même s'il s'agit, en l'occurrence, d'une baisse des crédits de paiement de 1,5 %. Elle est injustifiée et injuste, compte tenu des difficultés rencontrées pour respecter les critères économiques fixés par la Commission, selon sa grille d'analyse libérale.

La garantie d'un accès aux droits économiques et sociaux pour les ressortissants des pays sur la voie de l'adhésion est primordiale si l'on souhaite éviter une citoyenneté européenne à deux vitesses. Le nouvel agenda social adopté au sommet européen de Nice appelle à moderniser le modèle social de l'Union, mais le risque demeure d'une Europe des citoyens à géométrie variable. Nous espérons une prise de conscience à l'aube de l'échéance cruciale de la conférence intergouvernementale de 2004.

L'adhésion des pays candidats ne doit pas bouleverser les équilibres existants, notamment en matière de répartition de fonds structurels et de subventions agricoles. Je pense à nos agriculteurs et à nos régions dont le développement économique demeure fragile et mérite encore un soutien qui pourra se révéler décisif à long terme. Il ne faudrait pas que sous le prétexte de « tirer » par le haut certains pays, qui en ont bien besoin d'ailleurs, on « tire » par le bas une grande partie des autres.

Pour toutes ces raisons, le groupe communiste et républicain ne peut voter cette contribution de la France au budget européen (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. René André - Le projet de budget communautaire pour 2002 et 2003 est équilibré et rigoureux.

La première place est toujours accordée à l'agriculture - 45 % des dépenses communautaires.

Le budget prévoit une diminution des besoins de marchés pour le secteur de la viande bovine et une diminution des dépenses vétérinaires. La Commission envisage donc une amélioration dans ce domaine et l'achèvement, en 2002, des remboursements faisant suite à l'épizootie de fièvre aphteuse. Puisse-t-elle être dans le vrai ! Mais cela me semble un peu optimiste, et j'ai proposé, devant la Délégation pour l'Union européenne, que des crédits suffisants soient affectés au Fonds d'urgence vétérinaire et à la lutte contre les nouveaux foyers d'épizooties.

S'agissant du lait et des produits laitiers, les crédits proposés par la Commission tiennent compte de la dégradation intervenue à l'automne 2001. Néanmoins, le budget ne semble pas intégrer l'ampleur de l'actuelle dépression du marché ; il parie sur une reprise en 2003, hypothèse très optimiste.

Le projet de budget n'intègre donc pas la réforme de la PAC, mais je tiens à dire que le moment serait mal choisi pour remettre en cause les fondements de celle-ci. Les Etats-Unis ont décidé d'augmenter les subventions à leur secteur agricole dans des proportions inouïes. On voit donc mal les ministres de l'agriculture des Quinze accepter des coupes dans les recettes de leurs agriculteurs s'ils doivent être moins compétitifs sur les marchés mondiaux.

La France ne s'oppose pas à une réévaluation de la PAC, mais le moment venu, conformément aux accords de Berlin en 1999.

Les crédits de paiement des fonds structurels progresseront très sensiblement. La majeure partie sera allouée aux nouveaux programmes. Les paiements relatifs aux engagements restant à liquider pour la période antérieure à 1999 induisent une nette augmentation par rapport à 2002, car le délai est fixé à la fin mars pour l'envoi des dernières demandes de paiement à la Commission.

En ce qui concerne le Fonds de cohésion, seuls 70 % des crédits de paiement ont été consommés en 2001 - contre 60 % en 1999 et 57 % en 2000.

Nous nous réjouissons que le Gouvernement se soit saisi du dossier de la faible exécution des fonds structurels et ait mis en place une réforme pour simplifier les procédures et décentraliser la gestion des fonds. L'objectif est de multiplier par deux la consommation des crédits d'ici à 2003.

Les crédits destinés à la PESC demeurent trop faibles. La marge disponible de 60 millions d'euros sera peut-être insuffisante, eu égard aux besoins qui naîtront en Palestine ou en Afghanistan - l'Union y joue un rôle majeur - et à la nécessité de mettre en place une force de police en Bosnie. Les aides sont donc principalement centrées sur la gestion des crises, et les moyens prévus en 1999 par l'accord de Berlin sont de plus en plus insuffisants pour permettre à l'Union de jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale. Il y a contradiction entre ce que nous souhaitons pour elle et les moyens dont elle dispose.

S'agissant des dépenses administratives, les institutions européennes auraient besoin de 3900 postes supplémentaires sur cinq ans, notamment dans les services linguistiques. L'exécutif communautaire cherche donc à obtenir les moyens nécessaires pour anticiper au mieux l'échéance de 2004, date à laquelle dix nouveaux Etats membres pourraient rejoindre l'Union, ce qui portera de 11 à 21 le nombre de langues officielles.

Il faudra faire en sorte que les actes d'adhésion, les textes de droit primaire qui y sont annexés et l'acquis communautaire soient traduits. Ces travaux dureront dix-huit mois et commenceront pendant l'été 2002.

Ces demandes ont été à l'origine de divergences entre les institutions, et au stade actuel de la procédure budgétaire, la préparation à l'élargissement doit s'effectuer par un redéploiement des personnels.

La lutte contre la fraude au budget communautaire est en progrès sensible. En 2001, le rapport sur la protection des intérêts financiers de l'Union fait apparaître des fraudes d'un montant de 687 millions d'euros contre 2 milliards l'année précédente. Si l'OLAF et la Commission ont enregistré d'importants succès dans la lutte contre le trafic illicite de produits à base de beurre, les importations illégales de bananes ou la contrebande de cigarettes, beaucoup d'efforts restent à entreprendre en coopération étroite avec les Etats membres. Il y va de la crédibilité de l'Union européenne. Dans ces conditions, la création d'un ministère public européen, compétent en matière de protection des intérêts financiers est hautement souhaitable.

La compétence de ce procureur européen pourrait englober, au-delà de la protection des intérêts financiers, les infractions relevant de la criminalité contre l'Europe, comme la contrefaçon de l'euro, des produits et des marques - ces derniers sujets sont particulièrement importants pour nous, Français, puisqu'ils concernent l'industrie de luxe.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances - Produits à haute valeur ajoutée et industries qui créent des emplois !

M. René André - Ce souci de transparence doit également s'appliquer aux recettes budgétaires de l'Union. De véritables ressources propres européennes créeraient un lien plus direct entre les citoyens et le budget de l'Union européenne. Le principe du consentement à l'impôt constitue l'un des fondements de la démocratie. Or, ce que l'on nomme habituellement les « ressources propres » de l'Union européenne n'en sont pas : ce sont surtout des contributions des Etats membres, qui ne sont d'ailleurs pas toujours très équitables. Un jour viendra où le tabou de la correction britannique devra être levé. Arraché par Mme Thatcher en 1984, ce privilège anachronique n'a plus aucune raison d'être aujourd'hui.

De véritables ressources propres européennes s'accompagneraient d'un renforcement de la légitimité démocratique des institutions communautaires et notamment du Parlement européen. Elles garantiraient un meilleur respect du principe de subsidiarité. Enfin, l'instauration d'impôts perçus directement sur les citoyens, au profit de l'Europe, les conduirait à s'interroger sur le coût et l'efficacité de l'Union et à exprimer leur satisfaction ou leur mécontentement lors des élections européennes.

Cette réforme ne réussira que si le niveau de pression fiscale dans les Etats membres est harmonisé et si le prélèvement perçu sur les citoyens reste globalement identique. Si de nouvelles ressources fiscales, versées directement par les citoyens à l'Union européenne, se traduisent par un réduction correspondante de la ressource actuellement payée par les Etats, la charge fiscale nationale devra diminuer. On aurait alors une substitution d'impôt, et non la création d'une charge fiscale supplémentaire. Il reviendra à la Convention d'y réfléchir, afin de doter l'Union du XXIe siècle d'un financement démocratique.

Ce budget s'inscrit dans la perpective de l'élargissement. Comment ne pas regretter le manque d'information de nos concitoyens à ce propos ? Comment ne pas soutenir la volonté du Président de notre assemblée que nos travaux soient plus en phase avec la construction européenne ?

Comment ne pas saluer votre initiative d'aller au-devant des Français pour leur expliquer les enjeux de l'élargissement et le formidable espoir qu'il représente pour tous les peuples d'Europe ? Le Président et les membres de la Délégation à l'Union européenne relaieront cette initiative, de façon que nos concitoyens soient parfaitement informés du nouvel élan donné à la construction européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jérôme Lambert - S'il n'est pas question de remettre en cause le prélèvement opéré sur le budget national au profit du budget européen, lequel résulte notamment des dispositions de l'article 199 du traité de Rome, il serait préférable, dans un souci de clarté et de responsabilité, que la fiscalité européenne soit directement perçue par les institutions européennes, sous la responsabilité du Parlement européen. Dans le même souci, il serait souhaitable aussi de mieux informer nos concitoyens de l'utilisation faite de ce prélèvement. Fort peu au fait du fonctionnement des institutions européennes et des politiques conduites par l'Union, ils ne le sont pas davantage de son fonctionnement budgétaire. Cela explique sans doute pour partie leur défiance sur l'idée même d'Union européenne. Qui ne connaît pas se méfie, et parfois s'oppose. Mais qui connaît peut aussi légitimement s'interroger. Nos concitoyens ne demandent sans doute pas moins d'Europe, mais mieux d'Europe.

M. Jacques Myard - Très bien !

M. Jérôme Lambert - Ils apprécient que l'Europe occidentale connaisse la paix mais mesurent aussi combien l'Union européenne a du mal à peser sur les décisions internationales et à intervenir efficacement sur l'environnement mondial...

M. François Loncle - Hélas !

M. Jérôme Lambert - ... alors même que des tensions s'accumulent, parfois jusqu'à nos portes, comme récemment au Maroc, et naguère comme au Kosovo ou dans les Balkans, sans oublier le Moyen-Orient. Dans ce domaine essentiel, dont peut dépendre la paix du monde, l'Europe ne répond pas aux attentes de ses citoyens.

Certes, la richesse de leurs cultures et de leurs patrimoines, la puissance de leur industrie et de leur commerce, les libertés dont ils jouissent et les protections sociales qu'ils ont conquises font assurément que les peuples européens sont privilégiés. Cependant, les différences s'accroissent entre catégories de la population et le chômage atteint un niveau inquiétant en Europe. D'où certaines tensions et un rejet du système qui exigent de porter la construction européenne à la hauteur des enjeux.

L'Union européenne ne doit pas être une simple zone de libre-échange. Elle doit équilibrer son développement et affirmer un modèle de croissance et d'emploi harmonieux dans le projet de Constitution européenne en préparation. L'article premier de notre loi fondamentale rappelle que la France est une République « indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Pourquoi n'en serait-il pas de même de l'Europe unie, où les aspects sociaux ne doivent pas être négligés. Ces principes devraient en tout cas guider les autorités françaises dans les négociations européennes et internationales.

L'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale, voie sur laquelle François Mitterrand a engagé la France et l'Europe au Sommet de Copenhague en 1993, doit permettre de mieux garantir la paix, la stabilité et la prospérité sur le continent. Pour réussir cet élargissement, certains préalables doivent être réunis - beaucoup d'efforts sont d'ailleurs actuellement demandés aux pays candidats. Il convient de fixer des règles permettant une intégration progressive des nouveaux pays dans toutes les politiques communes et de trouver des solutions, pour la PAC notamment. Les dirigeants actuels de la France souhaitent que rien ne soit remis en question avant 2006. Ce n'est malheureusement pas de nature à rassurer le monde rural car l'élargissement est, lui, prévu pour 2004. Il ne s'agit pas de modifier dès aujourd'hui la PAC mais il faudrait préparer les évolutions, inévitables, et faire en sorte de pouvoir maintenir des productions de qualité sur l'ensemble de nos territoires ruraux. Attendre est dangereux : nos partenaires européens non plus que nos agriculteurs ne comprennent pas cet attentisme et en tout état de cause, ceux-ci refuseront d'être sacrifiés en 2006 si rien n'est fait d'ici là.

Se pose également le problème de l'utilisation des fonds structurels. Il est regrettable que nous ayons à restituer à l'Union une partie de ces fonds, destinés au développement des zones les plus fragiles, faute de les avoir utilisés ! A qui la faute ? Il est trop facile d'accuser l'Europe !

La perspective de l'élargissement pose aussi la question de la rénovation des institutions. La Convention sur l'avenir de l'Europe y travaille. Notre Parlement est pleinement associé à ces travaux par le biais de ses représentants, Pierre Lequiller et Jacques Floch.

M. François Loncle - La Délégation, pas le Parlement.

M. Jérôme Lambert - Le groupe socialiste souhaite que l'on parvienne à une Constitution européenne garantissant un fonctionnement efficace, d'essence fédérale, de l'Europe élargie. Le vote à la majorité qualifiée doit devenir la règle et les pays qui le souhaitent doivent pouvoir s'engager dans des coopérations renforcées. Vous avez évoqué, Madame la Ministre, l'idée d'un Président du Conseil européen mais a-t-on songé à l'articulation de ses pouvoirs avec ceux du Président de la Commission ? Nous aimerions aussi connaître la position du Gouvernement sur la réunion d'un Congrès des peuples d'Europe, dont l'idée est également parfois évoquée.

Nous avons quelques inquiétudes quant à l'aboutissement de ces discussions. La détermination des membres de la Convention n'est pas en cause. C'est plutôt l'attitude des Etats, en particulier de notre pays, qui pose problème. Des tensions sont récemment apparues entre la France et ses partenaires, après les décisions unilatérales qu'elle a imposées en matière économique et budgétaire... au risque d'indisposer ses partenaires et de les voir dorénavant s'opposer à toutes ses demandes qui requerront l'unanimité du Conseil. Ainsi de la baisse de la TVA sur la restauration et les produits culturels. Votre dernier communiqué à ce sujet, Madame la Ministre, laisse d'ailleurs entendre que la tâche ne sera pas facile, comme le gouvernement précédent l'avait d'ailleurs constaté, alors même qu'il n'avait pas, lui, multiplié les provocations à l'égard de l'Union (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). On risque de rencontrer les mêmes difficultés pour la directive Oiseaux. Mais là encore faudra-t-il accuser l'Europe ou la façon dont le Gouvernement actuel considère nos partenaires ? Je voulais aussi vous interroger, Madame la Ministre, sur Natura 2000, tant critiquée hier par l'opposition. Allez-vous donner suite à ces critiques, ou celles-ci n'étaient-elles que polémique à caractère électoral ? Nous aurons également des difficultés lorsqu'il s'agira de reconduire le taux réduit de TVA sur les travaux, pourtant si bénéfique à l'emploi dans le secteur du bâtiment. Sur toutes ces questions, serons-nous écoutés ? J'en doute, tant la politique suivie par l'actuel gouvernement est provocatrice et maladroite (Interruptions sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

A l'heure de la mondialisation, avons-nous d'autres choix que la poursuite de la construction européenne ? Nos alliés ne sont-ils pas d'abord en Europe pour faire avancer dans le monde des valeurs humanistes et pour s'opposer à la suprématie du tout-économique ?

En dépit de nos divergences sur certains points, nous devons nous retrouver dans la volonté de bâtir une Union européenne plus proche de tous les citoyens, français et européens, sans pour autant rejeter l'idée de nation. Le groupe socialiste reste fidèle à sa conception d'une Europe des citoyens, d'une Europe sociale, des libertés et de la justice, qui marquera l'évolution du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Charles de Courson - La contribution de la France au budget européen représentera 15,8 milliards d'euros en 2003, soit 6,3 % des recettes fiscales nettes. Deuxième bénéficiaire du budget communautaire, la France est également le deuxième contributeur à ce budget.

Cette année, le montant du prélèvement communautaire diminue de 6,3 % par rapport à la LFI pour 2002, mais il augmente de 8 % par rapport à la prévision d'exécution du prélèvement sur recettes pour 2002. En effet, le budget communautaire est en hausse de 1,4 % par rapport au budget initial 2002. La modération est essentielle pour permettre le retour à l'équilibre des budgets nationaux. Ainsi nous nous félicitons que la préparation à l'élargissement se soit faite par redéploiement du personnel plutôt que par des embauches.

D'autre part, en 2000 et 2001 la consommation des crédits communautaires a été faible. À court terme, cela profite aux Etats. Mais il ne faut pas s'en réjouir car c'est essentiellement au détriment de l'enveloppe agricole et des fonds structurels - ces derniers constituant les deux tiers des fonds non consommés. La situation est particulièrement mauvaise en France. En raison de la complexité des procédures, les élus locaux attendent les versements une dizaine de mois en moyenne. Ces retards sont scandaleux et décourageants. En Espagne par exemple les procédures sont efficaces et les fonds mieux consommés. Il s'agit d'un problème plus général, celui de la réforme de l'Etat. L'UDF attend avec impatience que le Gouvernement s'y attaque et plaide vigoureusement pour une véritable décentralisation. Nous attendons en particulier le résultat de l'expérimentation envisagée en Alsace pour mieux consommer les crédits européens.

La nouvelle décision sur les ressources propres aboutit à une augmentation de la contribution française, due en particulier au financement de la correction britannique. Le « chèque britannique » est assez irritant. En 2002, la France a versé 1,7 milliard d'euros à ce titre tandis que d'autres pays obtenaient une ristourne. Nous demandons que cette situation soit prise en compte lors des négociations de la PAC en 2007.

L'élargissement augmentera aussi la dépense communautaire et donc la contribution française. Il entraînera de nouveaux besoins de l'administration européenne ; il faut donc être vigilant pour éviter tout dérapage. La facture communautaire devra bien être divisée entre les 25 membres. À ce sujet, l'UDF souhaite des informations sur la planification budgétaire après l'élargissement. Nous sommes cependant convaincus qu'on ne peut en mesurer les conséquences en s'en tenant au plan budgétaire.

L'UDF approuve les grandes lignes du projet de budget pour 2003, en particulier la priorité que conserve la PAC et le maintien des crédits consacrés à la solidarité extérieure. Nous qui avons été parmi les premiers à soutenir Massoud, nous nous félicitons des crédits supplémentaires débloqués pour l'Afghanistan. Nous saluons aussi la réorientation des fonds inutilisés pour reconstruire les zones sinistrées par les inondations en Europe de l'Est. La France pourrait faire jouer ces mécanismes pour le Gard également frappé.

L'UDF votera l'article 33. Mais à l'occasion de ce débat nous souhaitons vous interroger sur une des grandes questions de la construction européenne, qui est l'autonomie d'un budget européen de 96 milliards d'euros - à titre de comparaison, le budget de la défense américain qui vient d'être voté est de 355 milliards de dollars.

Il n'y aura pas de grande avancée de l'Union tant que le Parlement européen ne votera pas l'impôt et que celui-ci ne sera pas une ressource propre effective, sous le contrôle des institutions communautaires et non au bon vouloir des Etats membres. Un tel impôt ne peut être qu'une cotisation additionnelle à la TVA, seule taxe harmonisée et encadrée dans l'Union.

Le groupe UDF souhaite qu'on donne aux institutions européennes les moyens de leurs ambitions grâce à un budget autonome et suffisamment doté pour mettre en _uvre de grandes réformes. Il ne s'agit pas de créer un nouvel échelon de fiscalité, de nouvelles lourdeurs, ni un super-Etat. Simplement, la vocation fédérale de l'Europe nécessite des institutions responsables devant les citoyens de l'Union.

Les Français s'intéressent peu à l'Europe et sont parmi les plus réservés sur l'élargissement. C'est regrettable, car l'Europe est la grande affaire de demain. Nous voulons une Europe démocratique, qui donne toute sa place au contrôle du Parlement et au droit de regard des citoyens, mais aussi une Europe de proximité, grâce à la subsidiarité. L'UDF ne cesse d'_uvrer pour renforcer l'identité européenne, pour que naisse un véritable esprit civique européen. Vive l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et quelques bancs du groupe UMP)

M. Jacques Myard - Je m'exprime, on le devine, à titre personnel, en non en sectateur de la pensée unique qui règne sur ces bancs (Rires).

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial - Très bien.

M. Jacques Myard - Madame la ministre, j'admire votre courage. Vous défendez un mauvais budget européen, à l'image de la construction européenne qui va vers l'échec. Comme l'Union, ce budget a la prétention de tout faire et le fait mal. Ce ne serait pas si grave si le budget européen était resté modeste. Mais il a doublé en dix ans pour représenter désormais, avec 99,5 milliards d'euros, le tiers du budget français. La contribution française de 17,3 % représente 6,3 % de nos ressources fiscales. De surcroît la France est contributeur net pour 2,4 milliards d'euros, ce qui devrait tempérer le zèle de certains.

Qui fait l'effort d'essayer de comprendre ce budget est vite dérouté par son absence de transparence et sa complexité. Une chatte anglaise ne retrouve pas ses petits dans le calcul de la correction britannique ! La seule certitude, est qu'elle nous coûte 800 millions d'euros par an en moyenne, et même 1,7 milliard d'euros en 2001. C'est une insulte à la solidarité européenne.

Le montant du prélèvement sur recettes tend à être surestimé car on prévoit des crédits de paiement trop importants alors qu'il y a sous-consommation massive. Ce dysfonctionnement est structurel. En dehors de la PAC, seule politique commune répondant à l'objectif du traité de Rome, les autres actions - fonds structurels, politiques internes, actions extérieures - sont dispersées, s'ajoutant aux politiques nationales, et suivent des procédures paralysantes. La devise de l'Union est bien « je me mêle de tout ». S'agissant ainsi des fonds structurels, n'est-il pas aberrant de puiser l'argent dans nos poches pour l'envoyer à Bruxelles puis le faire revenir sur les trottoirs de Salonique ou pour financer les piscines de nos communes, en complément des apports des communes et de l'Etat ? Même si la France n'a que 8 % de retour sur les fonds structurels, je ne suis pas hostile à leur utilisation pour remettre à niveau des Etats moins développés. Mais la méthode utilisée semble avoir surtout pour objectif de nourrir une eurocratie dont l'imagination procédurière fertile justifie l'existence, au détriment de l'efficacité. On atteindrait les mêmes objectifs, et mieux, en passant des protocoles financiers avec les Etats, à charge pour eux de contrôler l'utilisation de ces avances ou de ces prêts.

Quant aux actions extérieures, elles sont complètement éparpillées, et trop souvent nous travaillons pour nos concurrents. La France a en Europe de l'Est des intérêts économiques et politiques qui ne sont pas ceux de l'Allemagne ni de l'Angleterre, encore moins ceux des Américains qui ont bénéficié des fonds européens.

Enfin, le dogmatisme économique et financier de la Commission et de la Banque centrale européenne nous mène dans le mur pour ce qui est de la croissance. Les réalités économiques infligent toujours des démentis cinglants aux ayatollahs, surtout s'ils sont des monétaristes attardés ou des comptables bornés. On l'a assez vu en France avec la théorie du franc fort. L'Europe se fourvoie dans la même impasse. Aujourd'hui le pacte de stabilité joue contre la croissance, et la politique de la BCE renchérit le coût des investissements. Ces dogmes, coupés de la réalité, ne font que diviser les Etats. Il est urgent de s'en délivrer notamment en imposant à la BCE de mener une politique qui laisse place à la croissance. Faute de quoi, ces ayatollahs finiront non seulement par casser la croissance économique, mais par détourner les peuples de la construction européenne, qui reste pour moi une grande ambition, à condition de ne pas faire n'importe quoi.

Je formule le souhait que l'Europe réussisse son élargissement, et sur ce plan j'approuve vote politique. Mais cela doit la conduire à maigrir, à s'en tenir à l'essentiel, afin de sceller, de l'Atlantique à l'Oural, un pacte des nations. À défaut elle périra.

Mme la Ministre déléguée - Je remercie tous les orateurs pour la qualité de leurs interventions et la pertinence de leurs questions. Je partage les observations de MM. Carrez, Dumont et Lequiller sur l'ensemble du budget, ainsi que celles de M. André. Il faut être clair : la contribution nette de la France au budget communautaire ne mesure pas l'ensemble des bénéfices que nous tirons de l'Union européenne, de sa dynamique économique, sociale et, de plus en plus demain, politique. Comme l'a noté M. Lequiller, les dépenses de l'Union sont faibles : 263 euros par habitant. Et rien ne vous a été caché, Monsieur Sandrier : le budget diminue par rapport à la précédente loi de finances initiale, mais il augmente par rapport à son exécution, en raison de l'excessive sous-consommation des crédits.

Le budget européen ne peut pas servir à la relance. En effet, même s'il faut peut-être le regretter, le degré d'intégration de l'Union n'est pas suffisant pour permettre d'envisager un endettement. Vous avez déploré, Monsieur Myard, le caractère « fourre-tout », voire l'inutilité de ce budget, et le saupoudrage des crédits en dehors de la PAC et des fonds structurels. Il s'agit en réalité d'un effet d'optique. Le budget communautaire n'est pas comparable au budget d'un Etat : il s'agit essentiellement d'un budget d'intervention, non de gestion. Ainsi les dépenses administratives n'en représentent-elles pas plus de 5 %, alors que les moyens des services constituent la moitié du budget de l'Etat français. Le service de la dette est le premier poste du budget français : dans le budget communautaire, par définition, il n'y a pas de service de la dette, car ce budget, comme l'a dit M. Blum, doit être en équilibre. L'absence de ces grands postes de dépense peut créer l'impression de saupoudrage ; il existe pourtant des politiques communes. Mais la volonté politique des Etats n'est pas aujourd'hui d'élargir sensiblement le champ des actions de l'Union, ni de construire des politiques communes dont les crédits viendraient s'ajouter à ceux de la PAC et du développement régional.

Sous consommation, mauvaise gestion : votre constat sur les fonds structurels est unanime, et le Gouvernement le partage. Il déplore que la France soit au dernier rang des pays de l'Union pour la consommation des crédits en temps utile. Ceci a été rappelé par M. le rapporteur général, par M. le président Balladur, par MM. Dumont, de Courson, Blum, Lequiller, André et Lambert, ainsi que par M. Myard. Oui, il y a un problème français de sous-consommation des fonds structurels. Certes nous ne sommes pas seuls en course : cette sous-exécution est constatée dans tous les pays. On peut d'ailleurs en discerner certaines causes. Le démarrage de la programmation pour 2000-2006 a été très lent ; et cette année la démarche a en outre été ralentie par la nécessité d'établir de nouvelles règles. Il y a eu aussi l'héritage des difficultés de clôture des programmes 1994-1999, et des échéanciers de paiement trop optimistes.

Tel est le tableau au niveau de l'Union. Mais il est plus sombre encore pour la France. Le Gouvernement a donc décidé en juillet 2002 des mesures qui devraient améliorer sensiblement les conditions de gestion des fonds structurels : il s'agit de mesures de simplification des procédures, et d'appui à la mise en place des projets éligibles. Grâce à elles, je pense que nous n'aurons que peu à souffrir de la règle du dégagement d'office.

En réponse à votre demande, Monsieur Dumont, je m'engage à vous fournir un état de la consommation des fonds structurels non seulement par Etat, mais par région française. Il comportera non seulement des indicateurs chiffrés, mais des rubriques assez explicites pour permettre d'apprécier les difficultés rencontrées dans les différentes régions.

Autre sujet abordé par de nombreux orateurs, la politique agricole commune. Sa réforme est d'actualité, car la Commission a fait des propositions ; il est en outre nécessaire de clore le chapitre agricole dans le cadre de l'achèvement des négociations sur l'adhésion de nos dix nouveaux membres. La réforme de la PAC, aux yeux du Gouvernement, ne peut être envisagée que dans le cadre d'une négociation globale sur l'ensemble des dépenses et des recettes de l'Union, incluant la question de fonds structurels, ainsi que celle du « chèque britannique ». Pour le reste, et pour le moment, nous soulignons la nécessité de respecter le pacte et le calendrier de Berlin, qui constituent un véritable contrat entre les Etats de l'Union et les agriculteurs européens. Or, ce contrat court jusqu'en 2006. À nos yeux, si une négociation doit s'ouvrir le moment venu, il faut éviter toute collision entre le calendrier de l'élargissement et celui de la réforme de la PAC. Cette dernière, ne l'oublions pas, est une des politiques fondatrices grâce auxquelles a pu se construire une solidarité économique européenne. Elle est encore bénéfique pour l'ensemble de l'Europe, permettant à celle-ci de préserver son agriculture propre. Selon nous ses fondements ne doivent pas être mis en cause, ni même réformés dans la précipitation.

MM. Jacques Myard et René André - Très bien.

Mme la Ministre déléguée - A l'heure où les Etats-Unis, après l'adoption de leur Farm Act, accroissent sensiblement l'aide à leurs agriculteurs...

M. Charles de Courson - De 75 % !

Mme la Ministre déléguée - ...l'Europe doit défendre les siens. Nous ne sommes d'ailleurs pas isolés dans cette volonté : dix Etats membres se sont opposés au découplage des aides directes à la production que proposait la Commission. Une telle réforme ne serait pas seulement trop radicale : son opportunité économique et sociale est sujette à caution, et aucune évaluation de ses conséquences ne nous a été fournie.

Pour ce qui est des quotas laitiers, le Conseil agriculteur des 14 et 15 octobre en a discuté sur la base des options présentées par la Commission. À ce stade très préliminaire de la discussion, la majorité des Etats préconisent le maintien du système jusqu'en 2010, comme prévu, et se montrent même réservés sur l'opportunité d'envisager dès maintenant une réforme après cette date. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement défendra les intérêts de la production laitière française et européenne.

MM. Dumont et André ont évoqué la lutte contre la fraude communautaire. Plutôt que de fraude, à vrai dire, il s'agit souvent d'irrégularités, administratives ou comptables, dans la gestion des crédits communautaires.

Rendons à César ce qui est à César : les Etats membres ont une part de responsabilité, Monsieur Myard, puisque 80 % des dépenses communautaires sont gérées à leur niveau. Il est vrai cependant que les institutions communautaires ont des efforts à faire. La Commission a fait des progrès non négligeables, grâce à sa Cour des comptes et à l'Office de lutte antifraude. Nous soutenons le plan d'action 2001-2003 proposé par la Commission pour renforcer les moyens de lutte contre la fraude communautaire. Ses orientations doivent être mises en _uvre avec pragmatisme, dans un souci d'efficacité, indépendamment des perspectives plus lointaines de création d'un procureur européen. Nous devons faire des efforts sans délais, quelques ambitions que nous puissions avoir à long terme.

Le mandat d'arrêt européen sera bientôt mis en place dans tous les pays de l'Union. L'affaire Patrick Henry en a de nouveau montré l'utilité. Mais il a fallu les événements du 11 septembre pour qu'il puisse enfin voir le jour. Nous souhaitons maintenant compléter les moyens de lutte contre la criminalité organisée, la traite d'êtres humains, le terrorisme et autres formes de criminalité transfrontalière.

Les instruments existants n'autorisent qu'une coopération opérationnelle en matière judiciaire et pénale, à travers les fonctions de nos magistrats de liaison et d'Eurojust. La création d'un procureur européen serait donc une avancée importante. Certes, notre réflexion sur ce point n'est pas terminée, mais un tel dispositif rendrait plus efficace la lutte contre la criminalité transfrontalière. Dans cette perspective, le procureur européen ne doit pas être institué pour ne combattre que les atteintes aux intérêts communautaires, comme le préconise pourtant la Commission. Nous réfléchissons, en liaison avec nos partenaires allemands, aux moyens de faire évoluer Eurojust vers un ministère public européen en élargissant son champ d'action. Il est possible que nous signions une contribution commune avec certains de nos partenaires sur ce sujet, dans le cadre des débats de la Convention pour l'avenir de l'Europe.

M. Lambert a évoqué la baisse du taux de TVA sur la restauration et les biens culturels. Je vous confirme qu'il s'agit là d'un engagement ferme du Gouvernement. J'ai été chargée par le Premier ministre de négocier une dérogation avec la Commission et nos partenaires européens. Nous mettons toutes les chances de notre côté. Le commissaire Bolkenstein s'est montré convaincu par notre argumentation. Dès l'année prochaine, la directive sur la TVA sera rediscutée et nous souhaitons vivement convaincre nos partenaires.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial - Pas au détriment du bâtiment !

Mme la Ministre déléguée - S'agissant des travaux dans les logements, je peux rassurer M. Dumont : la Commission vient de prolonger d'un an la dérogation accordée à la France.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial - Très bien.

Mme la Ministre déléguée - J'en viens à l'élargissement. Jusqu'en 2006, nous aurons la marge nécessaire pour accueillir les nouveaux membres, car les dépenses de l'Union, qui s'établissent à 1 % du produit national brut, son nettement inférieures au plafond des ressources propres.

À partir du 1er janvier 2007, il faudra revoir l'ensemble des dépenses et des recettes. Les mécanismes du type « chèque britannique » ont perdu leur justification. Nous devrons donc concilier l'exigence de solidarité envers nos nouveaux partenaires avec la nécessité de maîtriser le budget européen. Cette solidarité est le prix à payer pour garantir notre sécurité commune en Europe, qui est un des grands enjeux de l'élargissement. Elle devra jouer sans restriction, compte tenu du retard de développement. Mais ces pays nous rattrapent. Leur croissance est forte : on l'estime à 4,1 % en moyenne pour 2003. Ce nouveau marché domestique est notre chance à tous.

MM. Lambert, de Courson et André ont évoqué la création d'un impôt européen.

M. Jacques Myard - C'est la fuite en avant !

Mme la Ministre déléguée - Je n'avais pas prévu d'en parler, mais ils ont eu raison d'aborder cette question. Nous devons dès maintenant songer aux futures ressources du budget européen. Il faut en outre renforcer le lien entre l'Union européenne et le citoyen. La démocratie, c'est le consentement à l'impôt. La démocratie européenne a besoin que les citoyens adhèrent à l'idée d'une solidarité européenne.

L'impôt européen devra-t-il se substituer ou s'ajouter aux prélèvements actuels ? Le débat est ouvert. Je peux vous assurer que le Gouvernement examinera cette question.

MM. Sandrier et Lambert ont insisté sur la dimension sociale de l'Europe. L'agenda social est, depuis l'origine, une priorité de la politique française. Les résultats obtenus ne sont pas négligeables, qu'il s'agisse des droits des travailleurs ou de l'égalité professionnelle. L'Europe sociale était une priorité de la présidence française en 2000. Nos deux représentants à la Convention pour l'avenir de l'Europe ont demandé qu'un large débat soit ouvert sur ce point.

Nous espérons que la présidence grecque, qui débutera en janvier prochain, fera de l'Europe sociale une priorité, dans le prolongement du processus de Lisbonne sur l'Europe de la compétitivité et de la connaissance. Notre engagement dans ce domaine sera sans faille.

Plusieurs orateurs ont souhaité des réformes institutionnelles. Ainsi, MM. Lequiller et Lambert ont évoqué la création d'un congrès des peuples européens. Le gouvernement français regarde cette proposition avec intérêt. Un tel congrès pourrait être le lieu d'un débat annuel sur l'état de l'Union. Il pourrait aussi avoir le pouvoir de ratifier la seconde partie du futur traité constitutionnel, ce qui permettrait d'éviter les blocages causés par le système de ratification Etat par Etat.

Vous savez que la France a apporté un soutien constant à l'idée des coopérations renforcées. À Nice, nous avons obtenu que cette formule s'applique non seulement en matière économique, mais encore dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune, à l'exclusion toutefois de la politique de défense. Nous avons assoupli les conditions nécessaires pour y recourir.

Enfin, MM. de Courson, André et Lequiller ont insisté sur la PESC. Pour la renforcer, il ne faut pas seulement revoir les structures européennes, mais donner à votre politique étrangère communautaire les moyens de ses objectifs. C'est seulement à ce prix qu'elle aura une action cohérente. Dans cette perspective, le Président de la République a proposé de créer un ministre européen des affaires étrangères, doté de compétences étendues et de moyens conséquents.

Enfin, il est vrai qu'il y a une attente des Français en matière de communication sur l'Europe, et nous avons l'intention de lancer une campagne d'information dans toutes les régions en France. Je serais heureuse de votre participation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

L'article 33, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 18 heures, est reprise à 18 heures 15.

ART. 3 (suite)

M. Gérard Bapt - La situation économique actuelle aurait dû nous conduire à soutenir l'activité économique par la consommation, et donc à accroître le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes, au lieu d'avantager les plus aisés. Notre amendement 240 reprend donc la troisième étape de la prime pour l'emploi avec une augmentation de 50 % à la troisième année.

Globalement, après cette augmentation, le coût, pour les finances publiques, ne serait pas supérieur à votre cadeau fiscal - l'abattement forfaitaire de 5 % sur l'impôt sur le revenu.

J'ai été étonné d'entendre M. Auberger critiquer ce matin la prime pour l'emploi. La PPE est en effet majorée en fonction des enfants à charge. L'opposition de l'époque avait naguère dénoncé devant le Conseil constitutionnel notre mesure d'abattement de la CSG au profit des ménages les plus modestes. M. Auberger avait signé ce recours devant le Conseil constitutionnel.

Parce que la composition de la famille échappait à cet abattement, le Gouvernement d'alors avait introduit la notion de « charge de famille » en majoration de la prime due.

Pour un SMIC plein temps, sans enfant à charge, la PPE, en 2001, était de 2 000 francs, 3 500 francs en 2002 - en 2003, elle eût été de 5 000 francs. Devons-nous renoncer à cette logique ? Un de nos collègues a soutenu que, puisque nous avons été battus aux élections, nous ne serions plus en droit de présenter nos idées. Le premier tour de l'élection présidentielle a sans doute donné des résultats baroques. Mais par rapport au premier tour de l'élection présidentielle de 1995, si les candidats de la gauche plurielle ont perdu 1,5 million de voix, les candidats de la droite parlementaire en ont perdu quatre. Qu'on nous permette donc d'exposer nos arguments... Et, si nous voulons que notre économie réussisse, il faut aller dans le sens de la justice fiscale et de la réduction des inégalités. Tel est l'esprit de l'amendement 240.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 240.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - La commission a repoussé cet amendement, estimant que le dispositif proposé par le Gouvernement améliore la PPE, en particulier pour les travailleurs à temps partiel. Un tiers des bénéficiaires de la PPE - un peu plus de 2 millions en 2003 - travaillait à temps partiel ; les 280 millions d'euros supplémentaires mis en place par le Gouvernement en 2003 en plus des 2,29 milliards d'euros de 2002 se décomposent en 100 millions d'euros pour la revalorisation du barème de la PPE à hauteur de 1,7 % ; 130 millions d'euros pour augmenter la prime des travailleurs à temps partiel ; 50 millions d'euros pour aller au-delà de l'indexation du barème.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire - La prime pour l'emploi a un objectif, le retour à l'emploi. Il ne faut pas qu'il soit brouillé. Et il importe de concerner aussi les personnes qui travaillent à temps partiel. Cet amendement est absolument incompatible avec la logique que suit le Gouvernement.

M. François Goulard - Il est un peu trop facile de dire : « Si nous avions été au pouvoir, nous aurions augmenté la prime pour l'emploi ».

Le Gouvernement a bien fait de rénover un dispositif qui cependant me semble encore perfectible. Il serait préférable que les salariés voient sur leur feuille de paye que leur salaire est augmenté. Car enfin, le problème crucial est celui des bas salaires (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. Augustin Bonrepaux - Monsieur Goulard, je suis d'accord sur la perfectibilité et la simplicité, encore faut-il y mettre les moyens. La simplicité, n'était-ce pas la réduction de la CSG ?

M. François Goulard - Mais elle était contraire à la Constitution...

M. Augustin Bonrepaux - C'est vous qui avez saisi le Conseil constitutionnel ! La mesure était simple et elle apparaissait sur le bulletin de paye ! En quoi une indexation de misère va-t-elle encourager l'emploi ? On voit bien ici le caractère inégalitaire de ce budget. 8 millions de travailleurs bénéficiaires de la PPE recevront 280 millions ; mais l'ensemble de vos mesures coûtent plusieurs milliards ! Un contribuable célibataire imposable à hauteur de 150 000 francs bénéficiera d'une déduction de 37 000 francs ; un couple marié avec un revenu de 2 millions de francs cumulera 60 000 francs de réductions. Où est la justice fiscale ?

Notre amendement va dans le sens de l'intérêt du pays. La croissance est en panne - elle n'atteindra pas les 2 %. Il serait plus efficace de répartir les crédits sur 8 millions de travailleurs bénéficiaires de la PPE. Eux ne vont pas épargner ; ils consommeront et soutiendront la croissance.

M. Charles de Courson - Nous sommes d'accord, sur tous les bancs, pour encourager le travail. Selon quelles modalités ?

Monsieur Bonrepaux, vous aviez choisi la CSG. Le Conseil constitutionnel a annulé votre disposition. Je pense qu'il faudrait remplacer la PPE par un système de franchise de cotisations sociales.

M. Augustin Bonrepaux - Ce serait simple ?

À la majorité de 48 voix contre 15 sur 63 votants et 63 suffrages exprimés, l'amendement 240 n'est pas adopté.

L'article 3, modifié, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 4

M. Didier Migaud - La commission des finances s'est réunie en fin de matinée. Le problème reste entier relativement à l'interprétation de l'article 40 par le président de la commission et à l'imputation de la PPE dans le projet de budget.

Un groupe de travail se mettra en place ; nous sommes d'accord pour y participer. Que les uns et les autres soient cohérents par rapport à leur définition de la PPE.

J'en viens à l'article 4. Nous en souhaitons la suppression car la mesure qu'il comporte est à la fois injuste et inefficace pour créer des emplois. Elle laisse notamment de côté 600 000 foyers qui, bien qu'employant un salarié à domicile, ne bénéficient d'aucune déduction car ils ne sont pas imposables - je remercie le rapporteur général de l'avoir souligné dans son rapport. L'octroi d'un crédit d'impôt ou un abattement sur les charges sociales aurait été plus judicieux et plus juste.

En 1994, l'un de vos prédécesseurs, Monsieur le ministre, reconnaissait, en réponse à M. Gantier, que l'octroi de cet avantage fiscal aboutissait au même résultat que l'abaissement du taux de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu. Aujourd'hui encore, l'avantage consenti est exorbitant. Autant nous avions soutenu le dispositif incitatif voulu à l'origine par Martine Aubry, autant nous ne pouvons accepter un tel cadeau fiscal accordé aux plus aisés de nos concitoyens.

En outre, la mesure s'appliquant aux revenus de 2002, il y aura bel et bien effet d'aubaine. Toujours en 1994, le ministre répondait au rapporteur général qui sollicitait une application anticipée du dispositif, que dans la mesure où les emplois concernés auraient d'ores et déjà été créés, l'effet d'aubaine serait « monumental ». L'argument vaut encore aujourd'hui.

Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons à cette mesure choquante.

M. Augustin Bonrepaux - Comme si abaisser de 1 % encore l'impôt sur le revenu dans le budget pour 2003 ne suffisait pas, voilà que vous faites un cadeau supplémentaire à certains avec cette augmentation de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile ! Pour les privilégiés, ce sera cette année fromage et dessert ! Un foyer fiscal avec un revenu annuel imposable d'un million de francs pourra bénéficier d'une réduction d'impôt allant jusqu'à 37 000 francs et avec un revenu de deux millions de francs, il pourra espérer jusqu'à 60 000 francs. Combien de contribuables vont être concernés ? Voilà ce qu'il faudrait dire pour éclairer l'opinion publique. Vous aimez à répéter que 1,5 million de familles bénéficient d'une réduction d'impôt à ce titre. Beaucoup de familles modestes emploient en effet un salarié à domicile mais le total des sommes qu'elles lui versent ne leur ouvre pas droit, tant s'en faut, à la réduction maximale. Ces familles-là ne bénéficieront donc absolument pas de la réduction supplémentaire. Voilà ce que vous ne dites jamais.

Pour certains donc, un cadeau fiscal de 60 000 francs par foyer ; pour d'autres, cent millions d'euros de prime pour l'emploi à partager entre cinq millions de travailleurs, soit en moyenne vingt euros pour chacun. Voilà votre conception de la justice fiscale et sociale !

Pour notre part, nous avions proposé un amendement tendant à instituer un crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, ce qui aurait permis aux personnes non imposables d'en bénéficier. Pour des raisons que j'ai d'ailleurs mal comprises, le président de la commission des finances y a opposé l'article 40, si bien que nous ne pourrons pas en débattre. Pour l'heure, nous nous opposerons à ce cadeau fiscal aux privilégiés qui n'aura de surcroît aucun effet en matière de créations d'emplois puisque la mesure s'appliquera aux revenus de 2002.

M. Xavier Bertrand - La caricature est un art plus difficile qu'il n'y paraît car à force de grossir le trait, on peut oublier l'essentiel. Et c'est ce qui vous arrive, chers collègues.

Contrairement à ce que vous prétendez, la mesure proposée est bien de nature à soutenir l'emploi dans un secteur d'activité qui regroupe deux millions d'employeurs et un million de salariés, et représente cinq millions d'euros de salaires pour 470 millions d'heures de travail. Les salariés de ce secteur cherchent à ce que leur travail soit reconnu à sa juste valeur, d'autant que plus de 100 000 d'entre eux ont suivi une formation spécifique. Ces emplois familiaux sont occupés à 90 % par des femmes et leurs employeurs sont à 63 % aussi des femmes, notamment des femmes qui cherchent à concilier vie familiale et vie professionnelle, et auxquelles les structures collectives de garde des enfants n'apportent pas de solution satisfaisante. L'essor de ces emplois traduit un véritable phénomène social et devant la pénurie de main-d'_uvre par rapport aux besoins, les associations s'apprêtent à un effort supplémentaire. Des cellules « emplois familiaux » vont être mises en place dans les agences de l'ANPE.

La réduction d'impôt accordée ne saurait donc se réduire comme vous le dites à un cadeau fiscal. Elle sera déterminante pour la création d'emplois. C'est en outre une mesure qui permettra de faire reculer la précarité et le travail au noir.

Enfin, cet article prépare l'avenir. La demande de services de proximité va exploser, que ce soit pour les personnes âgées, les handicapés, les tâches ménagères ou la garde d'enfants. Sans _illères, sans idéologie, cet article créera de l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Brard - Sans _illères, peut-être, les aveugles n'en ont pas besoin (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur général - Réponse un peu légère à une excellente intervention...

M. Jean-Pierre Brard - Vous noyez le poisson en nous parlant d'associations. Dans le 7ème ou le 16ème, peut-être ! De même, ne vous cachez pas toujours derrière « les familles » et « les ménages ». La réalité, c'est que vous allez avantager encore plus quelques dizaines de milliers de contribuables fortunés. Vous faites un cadeau à des gens qui n'en ont pas besoin, sauf exception rarissime, tandis que vous refusez de donner un coup de pouce au SMIC. De plus, cet avantage concerne des emplois qui existent déjà . Il s'agit donc d'une mesure purement idéologique. Bien sûr, l'argent va à l'argent. Mais cela vous gêne qu'on le dise.

Quelle est donc votre motivation ? Êtes-vous des nantis ? Non, la rémunération d'un député ne le met pas dans la même catégorie que les privilégiés de la grande entreprise.

M. Michel Bouvard - Merci de le reconnaître !

M. Jean-Pierre Brard - Êtes-vous leurs laquais ?

M. Charles de Courson - Des valets !

M. Jean-Pierre Brard - Non plus, sauf exception, comme ce porte-parole du lobby pharmaceutique que nous avons entendu lors d'une audition de M. Mattéi. Mais, vous êtes complètement imprégnés d'une idéologie qui vous met au service des privilégiés. Il faut quand même vous reconnaître une grande qualité, l'habileté, partagée par les membres du Gouvernement - enfin, pas tous, le ministre dira que dans son proche entourage... (Sourires)

M. François Goulard - Revenons au débat !

M. Jean-Pierre Brard - Vous n'aimez pas qu'on souligne que vous êtes au service des privilégiés. Votre habileté, disais-je, c'est de prétendre prendre cette mesure dans l'intérêt du plus grand nombre, alors qu'elle ne sert que des gens qui n'en ont pas besoin. Aussi ne nous dites plus que votre politique est pragmatique, c'est la plus réactionnaire que l'on ait connue depuis longtemps ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Gérard Bapt - Dites-nous d'abord précisément combien de familles sont concernées. M. Migaud et M. Bonrepaux vous l'ont demandé, car vous devez cette précision à la représentation nationale. Lorsque la mesure a été instituée, elle concernait 69 000 familles. Aujourd'hui, on peut supputer que 100 000 familles vont profiter de la nouvelle disposition, mais 600 000 autres qui ont déjà une réduction d'impôt pour emploi à domicile n'en bénéficieront pas.

Dès lors, si vous voulez que ces 74 millions d'euros servent l'emploi, il faut en faire profiter toutes les familles, ce qui leur permettra d'embaucher. Et pour toucher également les familles qui pour l'instant n'ont pas intérêt à déclarer ceux qu'elles emploient, parce qu'elles sont non imposables, il faut proposer plutôt un crédit d'impôt.

Par ailleurs, M. Albertini a proposé par amendement que tous les foyers soient imposables, à titre symbolique. Or, selon le rapport, un couple de deux actifs avec deux enfants qui déclare 60 000 euros de revenus et paierait 4 273 euros d'impôt sur le revenu en 2003 pourra réduire ce montant de 5 000 euros s'il emploie quelqu'un au SMIC à temps plein : donc il ne paiera plus rien, même à titre symbolique. Il en va de même pour le célibataire qui déclare 23 000 euros.

Cette mesure est contraire à la justice fiscale, sans effet sur l'emploi, contradictoire avec votre désir de faire contribuer tous les citoyens. Peut-être vous déciderez-vous, en seconde lecture, à nous proposer plutôt un crédit d'impôt ?

M. Michel Bouvard - Je veux bien que l'on ait toujours à la bouche la justice fiscale, qu'on dénonce en permanence les cadeaux aux privilégiés - mais pas quand on a comme vous refusé mon amendement pour exclure de l'exonération de vignette les grosses cylindrées qui payaient 15 000 francs par an, pas quand on a accordé l'APA sans conditions de ressources, ce qui aboutira à grossir certaines successions !

M. Jean-Pierre Brard - M. Bouvard a toujours été un peu gauchiste.

M. Michel Bouvard - Donc, je vous en prie, un peu de pudeur.

Je reprendrai le propos, fort intelligent, de Xavier Bertrand, en me plaçant d'abord du point de vue des salariés. Si 100 000 familles sont concernées, leurs employés sont aussi quelques dizaines de milliers. Grâce à cette mesure, ils auront peut-être un emploi de plus longue durée, moins précaire. Lorsque vous avez décidé d'abaisser le seuil, des techniciens de l'IRCEM, l'institut de retraite complémentaire des employés de maison, avaient dit leur crainte que cela ne restreigne l'activité d'un certain nombre de salariés. C'est ce qui s'est passé. A l'inverse, nous pouvons espérer aujourd'hui consolider cette activité, améliorer les salaires, et revaloriser un métier pour lequel on sait bien que les besoins ne sont pas couverts, notamment en ce qui concerne l'accompagnement des personnes âgées.

Ce constat, mes chers collègues de l'opposition, nous le faisons tous. Y en a-t-il beaucoup parmi vous qui ne reçoivent pas dans leurs permanences des familles qui se plaignent de ne trouver personne pour prendre soin de grands-parents en état de semi-dépendance ? La revalorisation de ces emplois à domicile est donc nécessaire. Xavier Bertrand a parlé des gens qui en ont besoin parce qu'il n'y a pas de crèches ou de garderies adaptées à leurs besoins. Je connais bien ce problème dans ma circonscription : les gens qui travaillent dans le tourisme durant la saison d'hiver font de très longues journées. Or ils ne trouvent pas de crèches et de haltes-garderies, car les communes ne peuvent pas investir dans de tels équipements pour trois ou quatre mois par an. La solution que nous proposons répond à ce besoin, et permet aux deux parents de travailler, respectant ainsi le droit des femmes au travail.

Je me réjouis par ailleurs de l'amendement déposé par le président Méhaignerie et le Rapporteur général. La rédaction initiale, il faut le dire, permettait un certain effet d'aubaine. L'amendement de la commission va recaler le dispositif pour qu'il ait exactement l'effet souhaité en faveur de la création et de la revalorisation de ces emplois : il incitera à compter du 1er novembre à embaucher plus, ou à améliorer le traitement des salariés existants. Ensuite, en année pleine, au 1er janvier, on reviendra à la disposition prévue par le Gouvernement. Dans une période où les ressources de l'Etat se font rares, cela permettra de concentrer l'argent public sur les mesures qui ont réellement un effet de levier, sans créer un effet d'aubaine.

M. le Président - Sur les amendements 1 et 219 de suppression de l'article, le groupe socialiste demande un scrutin public.

M. Jean-Pierre Brard - Faut-il que vous ayez du mal, Monsieur Bertrand, pour que tant de collègues éminents viennent à votre rescousse... M. Bouvard néglige le fait que les dispositions actuelles répondent déjà au souhait de ses électrices enthousiastes qui travaillent dans le secteur d'activité qu'il a évoqué : pas besoin d'en faire plus.

La mesure qu'on nous propose est symbolique de l'attention constante de la majorité envers les contribuables nantis. Pour dissimuler cette réalité, vous parlez de soutien aux familles, confondant les familles des beaux quartiers et celles de nos banlieues ou des lointains villages ! Un smicard distrait pourrait croire à vous entendre qu'il va bénéficier de votre sollicitude envers les familles. Cela fait partie de vos habituelles manipulations du langage en vue de gommer, dans le discours, les différences sociales que, dans les faits, vous n'entendez nullement réduire mais accentuer. De bénéfice de cette mesure pour les smicards, il n'en est point : elle est ciblée sur ceux qui n'en ont pas besoin, si ce n'est pour financer leur domesticité aux frais du contribuable.

M. Didier Migaud - Nous ne sommes pas du tout convaincus par les arguments de nos collègues. Le rapport même de M. Carrez montre que la réduction en 1998 de cet avantage fiscal n'a eu aucune conséquence sur l'accroissement des effectifs, qui s'est poursuivi : 494 000 salariés dans les services domestiques en 1997, 517 000 en 1998, 539 000 en 1999, etc.

M. le Rapporteur général - Mais la durée du travail a diminué.

M. Didier Migaud - Si vous vouliez une mesure pour l'emploi, il fallait en trouver une qui s'applique à tous les employeurs concernés. Or ils sont 2,2 millions, mais 1,7 million seulement profitent de la réduction d'impôt, et parmi ces derniers quelques dizaines de milliers de familles seulement bénéficieront de la réduction supplémentaire. Nous sommes favorables aux mesures incitant à créer des emplois : si c'est ce que vous voulez, prenez-en une qui concerne les 2,2 millions d'employeurs ! Mais votre mesure va faire sortir de l'impôt sur le revenu des contribuables qui ont tout à fait les moyens de le payer. On pourra même rencontrer le cas paradoxal d'un employeur qui ne paiera plus d'impôt sur le revenu... alors que son salarié en paiera, par exemple dans le cadre d'un foyer fiscal ! Est-ce ce que vous appelez la justice fiscale ? Je m'étonne d'ailleurs de la position de Michel Bouvard, qui nous avait habitués à s'en soucier davantage.

Pour ces raisons nous continuons à proposer la suppression de cet article. Son caractère premier n'est pas de favoriser l'emploi, mais, comme l'avait admis M. Sarkozy en 1994 dans un élan de sincérité, de réduire l'impôt sur le revenu pour ceux qui sont dans la tranche supérieure. Voilà ce que nous n'acceptons pas.

M. le Rapporteur général - La commission a repoussé ces amendements, jugeant bonne la proposition du Gouvernement. Le soutien fiscal aux emplois familiaux, je le rappelle, est une politique ancienne et éprouvée, dont on a pu voir les résultats. Mise en _uvre par la loi de finances rectificative pour 1991, elle n'a jamais été remise en question depuis, même si le plafond a bougé, à la hausse en 1996, à la baisse en 1998. Pourquoi n'a-t-elle pas été contestée ? Parce qu'elle a donné des résultats très positifs, que résument deux chiffres. Tout d'abord il y a en 2002 556 000 salariés à domicile ; et ce chiffre n'inclut pas ceux qui sont mis à disposition par des intermédiaires, par exemple des associations. On voit combien cet emploi s'est développé. D'autre part 1,540 million de foyers fiscaux bénéficient de la réduction d'impôt. Et, comme l'a rappelé le ministre, 2,2 millions ont des salariés à domicile. Cette politique a donc parfaitement réussi, à ceci près que depuis deux ans l'évolution du nombre de salariés marque un certain fléchissement...

M. Jean-Pierre Brard - C'est normal, Messier est au chômage : il n'a plus les moyens ! (sourires)

M. le Rapporteur général - ...avec 556 000 salariés seulement en 2002, contre 564 000 en 2001.

M. Didier Migaud - Comment pouvez-vous chiffrer cela ? 2002 n'est pas fini !

M. le Rapporteur général - Du point de vue de l'emploi, cette mesure est excellente. En effet, en portant la réduction d'impôt de 6 900 à 10 000 euros, elle correspond à un emploi à mi-temps charges comprises. Cela répondra mieux aux besoins de la société, qui sont immenses, qu'il s'agisse de garde d'enfants ou de dépendance partielle des personnes âgées. Ainsi, dans ma circonscription, 80 % des enfants de maternelle et du primaire déjeunent à la cantine : les deux parents travaillent et, compte tenu des transports, ils ont des horaires très lourds. Les gens ont donc besoin d'emplois à domicile, et souvent se regroupent pour les financer. La possibilité, grâce à cette mesure, d'avoir des emplois à mi-temps répond donc à des besoins sociaux avérés.

Notre collègue Bouvard l'a bien dit : la vraie question, c'est la date d'effet de la mesure.

Nous souhaitons encourager non seulement la création d'emploi, mais aussi l'augmentation de la durée de travail dans le cadre des contrats existants. Afin de rendre le dispositif plus incitatif, nous souhaitons qu'il prenne effet dès maintenant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). C'est pourquoi le président de la commission des finances a déposé un amendement visant à avancer l'entrée en vigueur de la mesure au 1er novembre 2002.

Dans les deux derniers mois de l'année, on n'assistera sans doute pas à la création de nouveaux emplois, mais à une extension de la durée de travail. En 2003, la mesure aura son plein effet, car les Français qui rempliront au printemps leurs déclarations pour 2002, ressentiront les premiers effets de la mesure. Or nos concitoyens sont comme Saint Thomas : ils ne croient que ce qu'ils voient.

Monsieur Migaud, le nombre de familles concernées s'élève actuellement à 70 000, mais cela ne veut rien dire. Vous avez une vision statique du problème. On sait que des dizaines de milliers de familles pourraient augmenter la durée de travail ou procéder à des nouvelles embauches.

Nous voterons donc l'excellente mesure proposée par le Gouvernement, en demandant qu'elle prenne effet dès maintenant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Ministre délégué - Trop souvent, l'action publique manque de clarté dans ses objectifs. Notre objectif, c'est l'emploi. Offrir un emploi à quelqu'un qui en cherche un, c'est lui donner la chance de se réaliser. Evitons donc de diaboliser cette mesure.

Permettre aux moins qualifiés de trouver un emploi, c'est notre premier devoir.

N'y aurait-il de nobles que les emplois publics, dans ce pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF) Soyons fiers de vivre dans un pays qui incite tous ceux qui en ont les moyens à créer des emplois. Nous ne sommes pas de ceux qui ne voient de solution que dans la multiplication des emplois publics. Cela a été fait et c'est un échec (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Notre politique est plus responsable. Elle vise à créer des emplois tout en répondant aux besoins des familles. Le Gouvernement vous invite donc à repousser ces amendements de suppression (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Marc Laffineur - On ne peut mieux aider nos concitoyens qu'en leur donnant du travail et tout ce qui va dans ce sens doit être soutenu.

Bien des personnes âgées partent en maison de retraite à leur corps défendant, parce qu'elles n'ont pas les moyens d'avoir une aide à domicile. Nous devons être fiers de leur donner la possibilité de rester chez elle. En plus, cela coûte beaucoup moins cher aux conseils généraux.

De même, les parents doivent pouvoir choisir de faire garder leurs enfants à domicile. Et cela coûte moins cher à la collectivité que des places en crèche.

Je ne vois pas au nom de quoi on pourrait s'opposer à la mesure proposée, puisque tout le monde est gagnant. Je soutiendrai par ailleurs l'amendement de la commission : si le but est de créer des emplois, il ne faut pas attendre le 1er janvier 2003.

M. Jean-Claude Sandrier - Ces familles ont droit au congé maternel et au congé parental. Plus tard, il y a l'école. Et les jeunes enfants peuvent être gardés dans des crèches. Ce dispositif ne vous dispensera pas d'en construire, car tout le monde n'a pas les moyens de recourir à l'emploi à domicile.

Après l'école interviennent les aides maternelles. Avec ce dispositif, vous risquez de leur prendre leur travail (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

S'agissant des personnes âgées, personne ne semble s'apercevoir que la mise en _uvre de l'APA se traduit déjà par des créations d'emploi.

En définitive, votre dispositif ne bénéficiera qu'à un petit nombre de familles, les plus riches, que vous allez fournir en domestiques.

M. Augustin Bonrepaux - En 1996, alors que la déduction fiscale était à son maximum, on comptait 476 000 emplois à domicile. Il y en avait 556 000 en 2002, alors que nous avions abaissé le plafond. C'est bien la preuve que, loin de mettre en place un dispositif incitatif, vous vous préparez à faire un cadeau fiscal aux plus privilégiés.

Quant à vous, Monsieur Bouvard, n'essayez pas de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Comment prétendre que les salariés des stations de sport d'hiver pourront payer des employés à domicile ? A moins que vous pensiez aux touristes ; ce serait alors créer des emplois précaires. Nous préférons les emplois stables.

En troisième lieu, le rapport écrit du rapporteur général est plus instructif que ses explications orales : il y aurait 2 200 000 déclarants, mais seulement 1 500 000 bénéficiaires. Six cent mille employeurs ne bénéficient donc pas de déduction. Vous qui êtes si attachés aux emplois à domicile, pourquoi avoir limité vos mesures à 70 000 familles ? C'est bien un cadeau fiscal.

M. Michel Bouvard - 70 000 salariés !

A la majorité de 50 voix contre 15 sur 65 votants et 65 suffrages exprimés, les amendements 1 et 219 ne sont pas adoptés. (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je pense qu'en un quart d'heure nous pourrions en finir avec ce problème.

M. le Président - Si chacun fait un effort de concision...

M. Didier Migaud - L'emploi est une préoccupation commune et l'on ne peut sous-estimer les résultats obtenus par l'ancien gouvernement en matière de lutte contre le chômage. Ne caricaturez pas la gauche : nous ne sommes pas obsédés par l'emploi public ; je vous souhaite d'ailleurs de créer autant d'emplois dans le privé que nous pendant cinq ans.

Monsieur le rapporteur général, pour faire apparaître, en 2002, un fléchissement du nombre d'emplois dans les services domestiques, vous osez comparer une année non terminée avec une année pleine...

Si vous nous proposez vraiment une mesure pour l'emploi, pourquoi la limiter à 70 000 familles ?

Par l'amendement 242 corrigé, nous cherchons à supprimer au moins l'effet d'aubaine, en prévoyant que la mesure ne pourra pas s'appliquer avant le 1er janvier 2003.

M. le président de la commission des finances - Afin d'éviter l'effet d'aubaine, la commission propose de retenir la date du 1er janvier 2003 par l'amendement 318 rectifié.

Au-delà de l'emploi, il y a la lutte contre le travail au noir. Il y a aussi la nécessité de faciliter la reconnaissance du statut.

Enfin, ce sera un moyen de résoudre le problème du manque de place en crèche et dans certaines maisons de retraite. Faire garder un enfant à domicile coûte à un ménage, 1 050 euros par mois. Avec cette mesure, le coût ne sera plus que de 900 euros par mois. Mettre un enfant à la crèche coûte beaucoup moins cher, entre 450 et 600 euros, mais représente un coût élevé pour les collectivités.

Cette mesure conduit à 60 millions d'euros d'économie, pour l'utilisation desquels nous avons des idées, comme il en sera question au sujet du logement.

M. Charles de Courson - L'amendement 147 me donne l'occasion de rappeler à la gauche que, si elle n'avait pris les mesures d'abaissement du plafond, il serait aujourd'hui à 14 000. Mais ce débat est ésotérique. Nos collègues socialistes, en votant l'amendement 166 de M. Albertini, ont montré qu'ils étaient d'accord pour relever le plafond. Le désaccord ne porterait-il que sur la portée de cette augmentation ? Je retire mon amendement.

M. Jean-Pierre Brard - Par l'amendement 2, nous cherchons à limiter la portée de l'article, afin de ménager les finances publiques et d'éviter au Gouvernement d'opérer des gels de crédits. L'amendement 166 de M. Albertini, assez proche, montre que l'on peut se retrouver au-delà des clivages.

M. le Rapporteur général - La commission a rejeté l'amendement 242, même s'il va dans le sens qu'elle a suivi.

M. Didier Migaud - C'est plutôt l'inverse !

M. le Rapporteur général - L'amendement 2 a été rejeté également. Par l'amendement 318 rectifié, la commission entend préciser le sens du dispositif : c'est une mesure pour l'emploi avant d'être une mesure fiscale.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. A celui de la commission, il oppose le souci d'une mesure claire. En 1988, le bénéfice de cette réduction d'impôt a été réduite de moitié mais la plupart des redevables n'ont pas rompu pour autant le contrat qui les unissait à leur employé. Afin d'inciter la création d'emplois familiaux, cette mesure ne peut souffrir aucune ambiguïté.

M. Augustin Bonrepaux - Je vous remercie, Monsieur Méhaignerie, d'avoir corrigé ce dispositif, de nous avoir entendus. Vous avez compris qu'il y avait là un effet d'aubaine insupportable. Mais il demeure, et il s'aggrave ! Deux familles qui ont les mêmes besoins d'emplois à domicile sans avoir pour autant les mêmes moyens auront une déduction fiscale parfois doublée.

Vous n'allez pas créer 70 000 emplois supplémentaires ; vous allez augmenter un peu plus le temps de travail. Cette mesure fiscale de 74 millions est un cadeau particulièrement anormal.

L'amendement 242 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 318 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 2 tombe.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir, à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 50.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            François GEORGE


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